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Fictions Lesbiennes :)

Fictions Lesbiennes :)
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16 mars 2019

Histoire participative sur le blog !

Bonjour ! Animée par une tendance vraisemblablement masochiste et suite aux votes, l'histoire participative est à présent en ligne (pour l'instant elle n'a pas de titre, il est probable que je tente de vous exploiter pour en trouver un sur la fin de la...
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15 novembre 2011

Bienvenue !

Bienvenue !
Bonjour / Bonsoir et bienvenue sur mon blog ! Tout d'abord merci de votre visite ! L'idée est de mettre à votre disposition ici quelques fictions et fanfictions lesbiennes que j'ai écrites. Sur un autre site, j'utilise le pseudo -pas très inspiré je vous...
10 novembre 2019

Hors Limites - Partie 13

 

Elle s’est affalée sur le canapé, ne réalisant pas encore que son frère et Nathan ont déjà quitté l’appartement.

Maintenant ou jamais.

Prenant une dernière inspiration, je lance la vidéo depuis mon téléphone, tapotant l’icône me permettant de la diffuser sur la télé via la box.

Je l’entends marmonner quelque chose, se demandant certainement ce qu’il se passe, puis ma voix résonne dans le salon :

Je pourrais vous dire la base : son nom — Kara Lincoln —, depuis combien de temps elle streame — 5 ans —, la couleur de ses cheveux blonds, l’exacte teinte de ses yeux bleus… Mais si on va au-delà de ça…

Penchant rapidement la tête dans l’embrasure de la porte, je l’aperçois les yeux rivés sur la télé, où je continue mon laïus.

Sa couleur préférée est le rouge. Son chiffre fétiche, le 3. Elle vous dira que sa glace favorite est celle aux cookies, mais en réalité elle a un faible pour la version noix de macadamia. Son jogging préféré à un énorme trou au genou depuis des lustres, mais si on lui fait remarquer, elle répondra qu’il vient de se former et qu’elle va s’en occuper. Elle fredonne dès qu’elle pense être seule et le pire c’est qu’elle chante juste. Si elle n’arrive pas à trouver le sommeil, elle met des reportages policiers, parce qu’elle s’attache aux bébés des documentaires animaliers et qu’ils finissent par mourir dans 90 % des cas. Elle a un épi du côté droit de son front et il ressort dès qu’elle est agitée parce qu’elle a la fâcheuse manie de passer sa main dans ses cheveux…  

Je pourrais continuer comme ça longtemps et en apprendre des centaines de plus sans jamais me lasser… par exemple, je serais intéressée de savoir quelles langues elle aimerait maîtriser, quelle chanson lui apporte un sentiment de sérénité et…  

La vidéo s’arrête.

Maintenant ou jamais Naomi.

Trop tard pour te dégonfler.

Sortant de ma chambre, je m’avance rapidement en direction du salon, prenant soin de ne pas l’observer de peur de ce que je pourrais voir :

– Et si son idiote préférée avait une chance d’être moi.

N’osant pas espérer grand-chose, je viens croiser son regard.

Kara a les coudes posés sur ses genoux et se redresse.

Je réalise que mes efforts arrivent peut-être trop tard lorsqu’elle m’adresse un demi-sourire :

– Naomi je… Je suis pas sûre de comprendre où tu veux en venir.

J’ai vraiment l’impression de me mettre à nu, mais si c’est ma seule chance de réparer les pots cassés, je refuse de reculer :

– Je suis tes conseils, je tente quelque chose.

Elle fronce les sourcils et je ne lui laisse pas le temps de formuler sa question que je reprends :

– Ce que j’essaie de dire, c’est que tout du long, je me suis rabâché que c’était que du fun. Et je sais que j’ai été maladroite l’autre jour, quand on… Enfin bref… J’avais besoin de ce déni pour ne pas prendre peur. Mais la vérité Kara, c’est que j’ai plus peur de passer à côté de quelque chose avec toi que du reste. Je veux pas juste du fun.

Je termine ma tirade et baisse les yeux, attendant son verdict, avec l’impression d’avoir placé mon cœur sur le billot. Elle laisse s’échapper un soupir et demande :

– Est-ce que tu peux arrêter de dire le mot « fun » s’il te plaît ?

Pas exactement la réaction à laquelle j’aspirais, mais je ne désespère pas d’obtenir une réponse.  

Je m’approche d’elle, m’asseyant dans un des fauteuils adjacents et prenant l’une de ses mains entre les miennes :

– Seulement si tu me dis si j’ai tout gâché ou pas.

Son regard vient croiser le mien et elle se livre un petit peu :

– J’ai réellement essayé d’être neutre envers toi cette semaine. Et je ne veux pas que cette histoire se mette entre nous, même s’il va me falloir du temps. Ce que tu m’as dit au parc m’a vraiment blessée, tu ne peux pas me demander de faire semblant que tout va bien…

– J’ai été maladroite…

Ma justification n’a pas l’effet escompté, puisqu’elle arrache sa main et m’adresse un regard courroucé :

– Tu m’as sorti que c’était que du fun !

– Parce que c’était ce qu’on avait convenu !

À la manière dont elle se recule comme si je venais de la gifler, je suis prise d’un affreux doute :

– Non ?

Elle détourne la tête, comme si elle ne supportait même plus de me regarder, un sourire amer aux lèvres :

– Peut-être pour toi.

Son ton est final, défait.

Je ne comprends pas… C’est quoi ce délire ? Je suis complètement paumée.

Refusant d’en rester là, je me lève et vais m’asseoir à côté d’elle, quitte à empiéter un peu sur son espace vital. Penchant la tête pour essayer d’apercevoir ses yeux, le ton de ma voix laisse entendre mon doute lorsque je demande :

– Mais… C’est pas ce que tu voulais ? Tester tes limites ou je ne sais pas quoi ?

Elle relève la tête et la quantité de fureur que je lis dans son regard me fait écarquiller les yeux :

– Donc c’était quoi ton rôle selon toi ? La gentille lesbienne qui m’accompagne dans ma découverte de la sexualité ? T’es vraiment quelqu’un d’hyper serviable Naomi, merci !

Elle marque un temps d’arrêt et reprend, toujours aussi énervée :

– Si j’avais uniquement voulu du sexe, tu ne crois pas que j’aurais fait ça avec quelqu’un d’autre ? On vit ensemble ! Si ça avait juste été pour l’expérience, j’aurais été tirer mon coup avec une inconnue que j’aurais pu éviter par la suite si jamais ça ne m’avait pas plu. Contrairement à ce que t’as l’air de croire, ma vie sentimentale n’est pas triste au point que j’en sois à essayer de séduire une lesbienne pendant plusieurs semaines juste pour du « fun ». C’est toi qui m’as dit que tu ne voulais pas dépasser les bornes. Je pensais que t’avais besoin de temps, que tu craignais que ça ruine notre amitié ou celle entre Aaron et toi. Pas je ne sais quoi que tu es allée inventer ! 

Je la regarde fixement, parce que c’est la seule chose que je suis en mesure de faire.

Comment j’ai pu passer à côté de ça ? Elle a tout pour elle, pourquoi elle se serait donné autant de mal pour m’avoir moi alors qu’il doit y avoir des centaines de femmes qui n’attendent que ça ?

Mon silence n’est pas à son goût, puisqu’elle m’ordonne :

– Dis quelque chose !

Mais quoi ? Je comprends mieux sa réaction au parc. Si la fille avec qui je pense être en couple me lance en pleine face que pour elle c’est « que du fun », je doute être capable de me comporter aussi bien qu’elle l’a fait la semaine passée.

– Je suis désolée. Quitte à avouer mon statut de totale crétine, je t’assure que je n’avais vraiment pas compris. Je suis loin d’être un modèle de délicatesse et d’éloquence, mais de là à formuler les choses comme ça… Je n’avais aucune idée.

Elle me regarde d’un air circonspect, avant de demander :

– Et les… moments qu’on a eus ensemble… C’était que des parties de jambes en l’air pour toi ?

À son visage et à la manière dont elle a posé la question, il est évident qu’elle se sent vulnérable. Étant donné que dans ma maladresse, j’ai quasi sous-entendu que notre connexion n’était que dans sa tête, je peux la comprendre.

Il faut que j’arrive à la rassurer et pour ça il faut que je continue à être honnête.

Me laissant glisser par terre, je me mets à genoux entre la table basse et elle, saisissant ses mains :

– Non. Cette histoire de —

Je m’abstiens de dire fun et opte pour une version plus correcte :

– « d’expérimentation », c’était mon mantra, l’excuse derrière laquelle je me cachais pour pouvoir continuer à aller toujours plus loin sans me sentir coupable. Je sais qu’après ce que j’ai fait ça peut être difficile à croire, mais… j’ai des sentiments pour toi. Je suis tombée amoureuse de toi.

Ses yeux parcourent mon visage, jaugeant certainement de ma sincérité, mais elle garde le silence. J’ai peur d’arriver trop tard.

Décidant que le moment est bien choisi pour dédramatiser la situation, je tente le tout pour le tout :

– Ok... Je vais essayer de parler ton langage, peut-être que ça fonctionnera mieux. Est-ce que t’es une voyageuse spatio-temporelle ? Parce que je te vois bien dans mon futur.

Un minuscule sourire fait son apparition au coin de ses lèvres et je prends ça comme un encouragement :

– T’es sûre de ne pas être un prêt bancaire ? Parce que t’as mon intérêt !

Le sourire s’agrandit, mais elle lutte encore pour le retenir :

– Il y a un souci avec mes yeux. Je n’arrive pas les détacher de toi !

Cette fois, c’est un vrai sourire, mais encore un peu timide à mon goût :

– Je ne suis pas électricienne, mais j’aimerais beaucoup être celle qui illumine ta journée !

Aussi pourrie qu’elle soit, cette dernière phrase de drague a raison d’elle et Kara me gratifie d’un éclat de rire, allant jusqu’à me donner une petite tape sur l’épaule :

– T’es bête.

– On est d’accord là-dessus.

Je garde le silence l’espace d’un instant, venant capter son regard avant de reprendre la parole d’un ton laissant transparaître que je ne plaisante plus :

– J’ai pas assuré. Même grave merdé. Si ça te tente, on rédigera ensemble ma candidature au Guinness Book pour le prix de la connerie. Mais je refuse de continuer à laisser la moindre place au doute. Alors au risque de passer pour une collégienne, il faut que je demande : Kara est-ce que tu veux être ma petite amie ?

À nouveau ce silence que je déteste. Il me fait flipper et m’offre le loisir de ressasser toutes mes erreurs. Et il y en a un paquet. Après cette discussion, je sais qu’elle tient à moi, que ce n’était pas uniquement dans ma tête, mais pas si elle a des sentiments amoureux pour moi. Du coup, je m’attends au meilleur comme au pire. Elle reprend la parole d’un ton grave, qui me fait craindre pour l’intégrité de mon cœur :

– Y’en a qui pensent que le bonheur, c’est le fait d’être libre.

Mon timide sourire s’éclipse.

Crotte crotte crotte.

Elle ne souhaite pas s’attacher, c’est ça ?

Je me prends le retour du boomerang verbal que je lui ai lancé au parc ?

Je ferme les yeux, ne voulant pas me souvenir de son visage alors qu’elle me repousse :

– C’est parce qu’ils n’ont jamais été tenus dans tes bras.

Minute…

Je pose un regard plein d’espoir sur une Kara qui me fait un timide sourire en coin, sachant que je viens de réaliser qu’il s’agissait d’une énième et toujours très mauvaise tentative de drague.

– T’es sérieuse ?

Plutôt que de me répondre verbalement, elle glisse une main à l’arrière de ma nuque et m’attire dans un baiser. En toute objectivité, on s’est déjà embrassées de manière beaucoup plus excitante que ça, mais en cet instant, alors qu’on sourit toutes les deux beaucoup trop pour que ce soit réellement sexy, je ne l’échangerais pour rien au monde.

Détachant ses lèvres des miennes, elle s’allonge sur le canapé, tirant délicatement sur ma main pour m’inciter à la suivre.

Je me positionne au-dessus d’elle, marquant un temps d’arrêt pour apprécier la vue. Son regard vient croiser le mien et la lueur que j’aperçois dans ses yeux accélère encore mon rythme cardiaque.

Et soudainement, j’ai besoin de faire mes preuves. Quels que soient ses doutes, il est impératif qu’ils disparaissent.

Je m’abaisse rapidement, récompensée par la sensation de ses bras s’enroulant autour de moi pour me maintenir en place. Mes lèvres vont se positionner sur son cou, Kara penchant la tête pour me laisser le champ libre.

Je sens les frissons que je lui procure et souris lorsqu’elle glisse ses doigts dans mes cheveux pour m’inciter à continuer alors je mordille la base de sa nuque. Remontant lentement, je m’en prends à son oreille avant de me redresser, croisant son regard tout en retirant mon haut. Immédiatement, elle lève les bras, m’invitant à faire de même et je me suis à peine débarrassée du vêtement qu’elle se cambre pour me permettre de passer une main dans son dos. Je dégrafe son soutien-gorge alors qu’elle fait impatiemment sauter le bouton de mon jeans.

On se départit rapidement de tout ce qui nous fait obstacle jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien entre nous que des kilomètres de peau nue.

Je lui fais signe de se positionner sur le côté et me glisse dans son dos, me serrant contre elle.

Évidemment, Kara commence par se plaindre :

– Je peux pas te toucher comme ça !

La frôlant du bout des lèvres à la jonction entre sa nuque et son épaule, je laisse échapper un petit rire avant de lancer :

– C’est l’idée…

Mes dents se referment sur sa peau, la mordillant alors que ma main se glisse le long de ses côtes avant de remonter pour caresser son sein.

Je la sens s’arc-bouter dans ma paume, tandis que ses doigts se resserrent sur le haut de ma cuisse, m’attirant à elle.

Je joue avec elle et m’amuse de voir qu’elle a du mal à se concentrer lorsqu’elle lance :

– C’est une… mauvaise idée.

Je souris au creux de sa nuque et mordille un peu plus fort, étant aux premières loges pour constater les frissons que ça crée chez elle :

– T’es sûre ?

– Je te déteste.

Plutôt que de répondre, mes lèvres remontent en direction de son oreille, la prenant délicatement entre mes dents et m’assurant qu’elle profite pleinement de ma respiration.

Je détache ma main de sa poitrine et fais courir mes ongles le long de son ventre, la sentant se contracter au passage. Elle est clairement à ma merci et j’adore ça.

Alors que ma descente continue, je passe la pulpe de mes doigts sur l’os de sa hanche, pour me diriger vers l’intérieur de sa cuisse. Instinctivement, Kara l’écarte pour me faire place et je ris au creux de son oreille :

– Hmm, t’as l’air de me détester effectivement.

Peu disposée à se faire moquer, elle se retourne partiellement, pliant sa jambe pour la mettre à l’arrière de mon genou et m’attirant dans un baiser.

Profitant de sa distraction, je remonte jusqu’à l’endroit qui me fait envie.

Ça ne fait que quelques minutes que tout ça a commencé et c’est une très agréable surprise de la sentir aussi… prête.

Comme si elle était capable de lire dans mes pensées, Kara détache ses lèvres des miennes et murmure :

– Tu vois ce que tu me fais ?

Mes yeux viennent trouver les siens alors que je parcours son sexe de mon majeur, le lubrifiant de son envie.

– T’as le même effet sur moi.

– Laisse-moi te toucher.

Sachant qu’elle ne pourra pas glisser sa main entre nous alors qu’elle est à moitié allongée sur moi et n’étant pas disposée à mettre mes plans de côté, je l’embrasse tendrement avant de répondre :

– On verra plus tard.

Sa protestation meurt sur ses lèvres, remplacée par un gémissement essoufflé dont je ne me lasserai jamais.

Du bout du doigt, je continue de stimuler son clitoris, variant volontairement les rythmes pour ne pas qu’elle jouisse trop vite.

Son corps ondule au-dessus de moi et c’est presque comme si je ressentais moi-même les fruits de mon travail.

Elle libère son bras du dessous pour venir caresser sa poitrine et je suis partagée entre la jalousie et le plaisir de la voir faire.

J’aime qu’elle se sente suffisamment à l’aise avec moi pour ne pas hésiter à faire ça. Son côté aventureux fait partie de ce qui m’attire chez elle et c’est très agréable de le voir appliqué pour ce genre de choses.

Ne résistant plus, je plonge mes doigts en elle, effectuant directement des allers retours très rapides, ma paume venant frapper son clitoris à chaque fois, ne perdant pas le rythme que j’avais établi.

J’entends les sons que font mes doigts en elle et l’espace d’un instant je repense à notre dérapage téléphonique du début. 

Sa bouche s’ouvre dans un « o » muet et le reste de son corps cesse tout mouvement alors que ses hanches viennent à la rencontre de ma main, accentuant l’intensité de mes gestes.

Elle se contracte autour de mes doigts et je peux suivre la vague de son plaisir du regard à la manière dont son corps se raidit à chaque passage.

Putain ce qu’elle est belle.

Je l’observe prendre son pied et mon cœur ne bat plus à cent mille à l’heure.

Non.

Au lieu de ça, j’ai l’impression qu’il grossit dans ma cage thoracique jusqu’à occuper toute la place et quasi déborder. Déposant un baiser dans ses cheveux, je murmure un « je t’aime » qu’elle n’entendra pas, trop assaillie par ses sensations.

Kara finit par cesser tout mouvement, si ce n’est ses lèvres venant retrouver les miennes dans un baiser suffisamment négligé pour que je sache que je peux être fière de moi.

 

================================

 

Essoufflée, j’essaie de reprendre ma respiration tandis que Kara se met à rire.

Levant un sourcil, je fais l’effort surhumain de tourner la tête dans sa direction pour demander :

– Quoi ?

– Je croyais que… comment c’était déjà ? Ah oui, il n’était pas nécessaire d’étaler mes fluides corporels sur ce canapé, parce que tu le nourris avec les produits adéquats ?

Grommelant, j’essaie d’avoir l’air contrariée en fronçant les sourcils, mais mon sourire béat brise un peu l’effet escompté :

– Quand je dis que t’as une mauvaise influence…

Un lent sourire séducteur gagne son visage, alors qu’elle me fait passer ses ongles dans le pli de l’aine :

– Mh, je ne t’ai pas entendue te plaindre il y a quelques instants.

Arrêtant sa main dans sa descente en direction de mon pubis, j’avoue l’évidence :

– Que veux-tu, apparemment je suis faible quand il s’agit de toi. Et je me laisserais bien tenter, mais je ne tiens pas particulièrement à ce que les garçons découvrent qu’on a mis les choses à plat entre nous de cette manière.

Je ponctue ma phrase par un aller-retour sur son corps. Elle fait une adorable grimace avant de reconnaître :

– T’as raison.

Soupirant, elle dépose un baiser sur mes lèvres et se redresse. Je fais de même et profite du fait qu’elle remet son soutien-gorge pour l’embrasser dans le cou, murmurant :

– On est ok ?

Elle enfile à nouveau son haut et se tourne vers moi, demandant sérieusement :

– J’ai dit oui pour être ta petite copine, non ?

Me rappelant qu’elle me l’avait joué « suspens jusqu’au bout », je rétorque :

– Techniquement t’as dit que tu voulais être dans mes bras ou quelque chose du genre.

Elle m’adresse un regard faussement menaçant, consciente que j’ai bien saisi là où elle voulait en venir :

– Oui, on est ensemble.

Rien qu’à l’entendre prononcer ces mots, mon cœur se met à battre la chamade. Je n’osais même pas l’espérer et me voilà en couple avec la femme de mes rêves.

Je termine de m’habiller avant de passer un coup sur le canapé par respect pour les garçons, tandis que Kara aère rapidement pour retirer les preuves de notre réconciliation. J’ai un sourire béat aux lèvres et quelqu’un qui ne me connaît pas penserait très certainement que j’ai été bercée trop près du mur, mais je n’ai pas l’intention de dissimuler ma joie. Elle me rend heureuse, autant qu’elle le sache.

Elle me rejoint sur le canapé et j’allume la télé, lui passant la télécommande. Je suis dans ma bulle, il vaut mieux qu’elle choisisse le programme étant donné que je ne vais pas y prêter beaucoup d’attention. Kara se blottit contre moi et je l’enlace sans hésiter, déposant un baiser sur sa tempe.

C’est dans cette position que les garçons nous trouvent 1h plus tard. Je me suis tellement habituée à dissimuler mes sentiments que je dois me faire violence pour ne pas m’éloigner de Kara comme si elle était en feu.

Bien qu’ayant eu sa bénédiction, je crains la réaction d’Aaron. C’est une chose de le savoir, une autre de le voir.

Mais mes inquiétudes sont infondées puisque Aaron sourit à l’instant où il pose les yeux sur nous.

– J’en déduis que tout s’est bien déroulé ?

Kara et moi nous regardons et j’ai conscience que mes yeux trahissent le fait que je suis raide dingue d’elle.

J’acquiesce d’un signe de tête, sans la quitter des yeux et m’entends dire :

– Oui. Les gars, je vous présente ma petite amie.

Nathan place ses mains devant sa bouche et émet un cri de joie proche des ultrasons tandis qu’Aaron se contente d’un sourire chaleureux.

J’écarquille les yeux et ai à peine le temps de me préparer que je me retrouve écrasée sous les poids combinés d’une Kara amusée et d’un Nathan joyeux.

– Umph. Vraiment Nathan ?

Regardant par-dessus eux, ma détresse est affichée en toutes lettres sur mon visage alors que je demande à Aaron :

– Tu peux me filer un coup de main s’il te plaît, j’ai du mal à -- umph.

Je laisse ma tête retomber contre le dossier du canapé, n’ayant pas d’autre choix de toute manière.

Nathan chantonne « je suis trop content pour vous !! » et Aaron, au sommet de la pile, se contente de nous enlacer. Je suis proche de l’asphyxie, mais extatique que la soirée se termine comme ça.

 

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[ Cinq mois plus tard ]

 

Assise à l’ilot central de la cuisine, je penche la tête pour laisser le champ libre à Kara. Ses lèvres profitent immédiatement de l’espace, venant se poser sur mon cou alors que ses bras se glissent autour de moi, m’enlaçant par-derrière.

Je place mes mains sur les siennes et tâche de ne pas frissonner en l’entendant me dire « bonjour » au creux de l’oreille. Tous les matins ont beau se ressembler, je ne m’y habitue pas et c’est très bien comme ça.

Me tournant pour lui déposer un bisou sur les lèvres, j’entends un son devenu à présent coutumier.

– Mrgh cough cough... Nathan, tu peux me passer un sachet à vomi s’il te plaît ? Ou une fourchette pour mes yeux, le plus rapide.

Alors que je m’apprête à répondre à ses bruits de régurgitation, Kara englobe ma mâchoire de ses mains, me gardant en place pour quelques baisers supplémentaires :

– Ignore-le.

– Bien madame.

– Oh comme je regrette d’avoir donné mon accord pour cette hérésie… Je pensais que la phase lune de miel allait vite vous passer, mais ça fait des mois que ça dure… 

Je tire la langue à Aaron, sachant très bien qu’il plaisante. Kara s’installe sur le tabouret à mes côtés, écartant légèrement sa cuisse pour qu’elle vienne toucher la mienne.

Je n’aurais jamais cru possible que l’on devienne l’un de ces couples qui ont besoin de contact permanent et pourtant, nous voilà.

 Détournant notre attention, Nathan demande :

– Quoi de prévu aujourd’hui ?

Kara est la plus rapide à répondre :

– Je vois Mathieu en début d’après-midi et après stream, comme d’hab.

Malgré moi, je me raidis en entendant le prénom de celui que je n’arrive pas à considérer autrement qu’en un rival. Pour ma défense, la manière dont il me regarde n’aide pas à me vendre l’idée qu’il m’apprécie, quoi qu’elle en dise.

« Mais non, tu te fais des idées, on est juste amis lui et moi ».

Sauf que j’ai été à sa place (quand je pensais qu’on passait uniquement du bon temps ensemble) et je peux vous assurer que s’ils s’étaient mis en couple juste après, j’aurais eu toutes les peines du monde à être civile avec lui. Je sais ce que ça fait d’être avec elle. Alors vouloir me faire croire qu’il a pu l’avoir l’espace d’un instant, pour se retirer gracieusement de l’équation sans broncher, ça me paraît gros.

Évidemment, ma réaction ne manque pas d’en amuser certains, nommément Aaron :

– Ça va Naomi ? T’as un teint un peu verdâtre soudainement.

J’adresse un regard noir à mon coloc, et dépose un baiser au creux de la nuque de Kara, décidant de frapper là où ça fait mal :

– Ça va merci. Je fais confiance à ta sœur et je sais qu’on finira la journée ensemble.

Il lève les yeux au ciel face à l’emphase apportée sur le « ensemble ». Il est clair que je fais référence à ma chambre, où Kara dort quasi toutes les nuits.

Ça lui apprendra.

Nan, mais.

Semblant réaliser quelque chose, Nathan s’enquiert :

– D’ailleurs, vos proches le savent, mais tu penses le dire en stream un jour Kara ?

Elle ouvre la bouche avant de me regarder, demandant :

– T’expliques ou je le fais ?

Après l’histoire des photos mal interprétées, la question s’est rapidement posée entre nous.

– Je t’en prie, vas-y.

– Officiellement, Naomi est ma coloc et c’est tout.

Visiblement, Nathan est confus face à mon manque de réaction :

– Et toi, jalouse comme un pou avec Mathieu, ça ne te dérange pas qu’elle se présente comme célibataire ?

– Alors déjà je ne suis pas jalouse comme un pou… Juste, je n’aime pas spécialement les regards entendus qu’il m’envoie lorsqu’ils vont s’enfermer dans sa chambre.

Immédiatement, Kara fronce les sourcils :

– De quoi tu parles ?

Évidemment qu’elle n’a rien remarqué. Elle donnerait le Bon Dieu sans confession à la terre entière… Si elle trouvait un type cagoulé, couteau en main et recouvert de sang, debout face à un cadavre, et que le mec lui sortait « c’est pas ce que vous croyez, approchez », elle dirait sûrement « ok, j’arrive ».

– Je te raconterai plus tard. Et Nathan, c’est tout l’inverse en fait. En ne leur disant pas, elle garde les spectateurs à l’écart de sa vie privée. Faut pas voir ça comme « elle me cache », mais plutôt « elle ne veut pas me partager ».

– Je confirme, je n’en ai pas du tout envie.

 Je tourne la tête, lui adressant un sourire. Sourire qui effectue un grand numéro de disparition au moment même où elle redemande :

– Et donc, c’est quoi cette histoire de regards ?

J’ai raté une occasion de fermer ma bouche. Même si je ne le porte pas dans mon cœur, ce n’est pas une raison pour jeter Mathieu sous le bus. Fort heureusement, c’est Aaron lui-même qui s’en charge à ma place :

– Fais pas genre t’as rien remarqué ! Il fixe Naomi et c’est tout juste s’il ne rajoute pas « na na na na nèreuuuhh » à chaque fois qu’il s’apprête à fermer la porte derrière vous…

– Sérieux ?

Je lève les yeux au ciel :

– Ben oui sérieux !

Visiblement mécontente, elle serre ma cuisse sous la table et m’annonce :

– Je vais essayer de le prendre en flag. T’as vraiment pas de raison de t’en faire mon cœur.

Ignorant les deux petits cons qui font un concert de « ohhhh », je me penche pour lui déposer un bisou sur la joue :

– Merci !

Ayant terminé de manger, elle se lève, range ses affaires et, au passage, me murmure à l’oreille :

– Tu me remercieras plus tard, j’ai déjà quelques idées…

Et après avoir lâché sa bombe, elle s’éloigne tranquillement, arborant un sourire particulièrement satisfait. Mon esprit part immédiatement en zone humide, sans passer par la case départ.

Mon visage doit le laisser transparaître puisqu’Aaron soupire bruyamment. Soit ça, soit il n’est pas suffisamment dupe pour penser qu’il s’agissait d’une remarque innocente. Nathan se contente quant à lui de glousser.

C’est normal d’avoir hâte que Mathieu arrive ?

 

FIN

 

Nota : 

Un grand merci à ceux et celles qui ont commenté tout du long (vous vous reconnaîtrez), c'est vraiment génial de partager ça avec vous et ça me fait super plaisir de lire vos réactions au fur et à mesure : MERCI. 

Pour les autres, il n'est jamais trop tard pour commenter ( :p je tente ma chance de façon éhontée, j'assume). 

6 novembre 2019

Hors Limites - Partie 12

Mes joues me font un mal de chien à force de sourire.

Je n’arrive pas à croire que je me trouve là ! Elle m’a emmenée !

C’est voyant la quantité de personnes qui font la queue pour avoir un autographe ou prendre une photo avec Kara que je réalise que j’ai de la chance d’être là.

Bien sûr, je sais combien de gens en moyenne suivent ses diffusions, mais c’est très différent de les voir en vrai. Ça fait vraiment prendre conscience de l’ampleur de sa popularité. Ce n’est plus juste elle dans une chambre, mais nettement plus.

Une bonne partie d’entre eux m’ont même reconnue et j’ai aussi eu des demandes de photos. C’était… Bizarre. Pas forcément désagréable, mais dépaysant.

Deux mètres plus à gauche, Kara porte le costume de Nova que je lui ai fabriqué et sans vouloir me vanter j’ai assuré.

Sûrement un peu trop étant donné que c’est au moins la 50e fois qu’un visiteur se sert de ça comme moyen de lui glisser qu’elle est belle.

Je profite d’un moment de calme pour remettre un peu d’ordre sur mon bout de stand, lorsque j’entends quelque chose qui me fait écarquiller les yeux. Juste à côté, une nana est en train de parler à Kara et annonce de but en blanc :

– Y’a pas mal de gens qui se posent des questions sur la nature de tes relations avec ta coloc.

Et bah qu’ils continuent de se les poser, ça ne les regarde pas ! Il n’y a rien de sérieux entre nous et je ne vois pas tous ces bien-pensants commères en train de rendre publique la liste de leurs sex-friends. Alors pourquoi nous on le devrait ?

Je tourne légèrement la tête pour pouvoir observer discrètement Kara du coin de l’œil. Elle hausse un sourcil et se pare d’un air amusé avant de répondre :

– Naomi n’a pas encore saisi que selon les règles d’Internet, elle doit impérativement être folle amoureuse de moi ! Je veux dire, elle m’a souri quand même !

Bien que ses propos soient clairement moqueurs, le ton sur lequel elle le dit fait que son interlocutrice ne s’en formalise pas. Kara marque une pause et reprend :

– Plus sérieusement, j’ai effectivement eu vent des rumeurs, mais pour être honnête, je ne sais même pas quoi y répondre.

Pourquoi c’est la première fois que j’entends parler de ça ? Faudra que j’aille faire un tour en ligne, j’ai besoin de connaître ce que ses fans racontent sur nous.

La fille, loin de laisser tomber le sujet, insiste :

– Il suffirait de dire la vérité !

Kara la fixe l’air de dire « vraiment, tu crois ça ? » et s’explique :

– Les gens ne veulent pas savoir la vérité, y’aura toujours des rumeurs. Pi j’ai peur que mes propos ne soient déformés ou froissent certaines personnes et que ça ait des répercussions sur mon travail, que ça change l’ambiance du chat par exemple…

Elle fronce les sourcils et hésite un instant avant d’ajouter :

– Et pour être tout à fait franche, je ne suis même pas sûre de comprendre pourquoi ça intéresse les gens ! J’en parlerai avec Naomi et on clarifiera les choses ensemble si vraiment ça devient un problème, mais d’ici là ce n’est pas un sujet que je souhaite aborder.

Bien qu’elle soit restée tout à fait courtoise, le ton de sa dernière phrase laisse catégoriquement savoir que la conversation est terminée.

C’est normal de trouver ça sexy ?

La nana acquiesce dans un signe de tête et reprend d’un air enjoué :

– Ok, pas de problème. On espère juste que tu as trouvé ton bonheur ! Bonne journée et bon courage.

– Merci, bonne journée à toi également.

Ne voulant pas risquer que la concierge de service ne vienne me poser d’autres questions dérangeantes, je me retire dans l’espace de stockage du stand.

Un placard glorifié quoi.

En gros, c’est une pièce exigüe, de deux mètres de long sur un mètre cinquante de profondeur, séparée du public par un frêle rideau et qui contient un mini frigo et quelques petits cadeaux à distribuer.

Comme il n’y a même pas de chaise, je teste la solidité d’un des murs avant de m’y adosser. Ça va me faire du bien de souffler un peu. Fermant les paupières, j’essaie de me détendre.

J’entends toujours Kara qui enchaîne les photos et les compliments sur sa tenue. Franchement, j’admire sa ténacité. À sa place, j’aurais commencé à être particulièrement désagréable il y a au moins deux heures ! J’ai besoin de ces mini breaks pour rester saine d’esprit.

J’ouvre les yeux en l’entendant dire un gros mot alors que son visiteur s’excuse.

Elle marmonne un « ça va aller » et tire le rideau une seconde plus tard. S’engouffrant, elle referme derrière elle et je constate qu’elle a une main placée sur le haut de sa jambe.

Nos regards se croisent et je m’entends demander :

– Ça va ?

Elle retire sa paume, me montrant une grosse déchirure, partant de sa hanche jusqu’à l’intérieur de sa cuisse :

– Je viens de quasi flasher des centaines d’inconnus, mais à part ça…

– Laisse-moi voir.

Plaçant une main sur son torse, je l’incite à s’adosser au mur perpendiculaire au rideau et pose un genou à terre. Une fois à la hauteur, je ne peux que constater les dégâts. Le tissu est visiblement bien amoché, comme s’il avait été perforé puis arraché. Levant la tête pour venir croiser son regard, je m’enquiers :

– Comment c’est arrivé ?

– J’ai fait une photo avec un mec portant un sac en bandoulière avec des pics… En se tournant pour me remercier, lui dans un sens, moi dans l’autre… Tadaaa.

Pinçant mes lèvres, je pose mon autre genou à terre et essaie de voir s’il est possible de réparer les dégâts facilement.

Les bords de la déchirure sont irréguliers et le tissu élastique a été déformé à l’endroit où la perforation a eu lieu.

Grimaçant, je lui annonce ce que j’en pense :

– Quoi que je fasse, ça va se voir.

– Tant pis, je ne peux pas ressortir comme ça et j’ai laissé mes fringues dans la voiture.

– Retire ton pantalon, je vais essayer de faire vite.

Évidemment, je réalise la manière dont je viens de dire les choses à l’exact instant où c’est trop tard.

Kara frétille des sourcils et ne rate pas l’occasion de me faire regretter mes propos :

– Comment refuser quand c’est demandé de la sorte…

Elle baisse légèrement le tissu et place sa main à l’arrière de mon crâne, faisant mine d’accompagner ma tête en direction de son entrejambe avant que je ne me libère.

– Si tu as envie de sortir cul nul continue comme ça !

Elle lève les yeux au ciel, ôtant ses chaussures et défaisant son pantalon en souriant avant de lancer :

– Rabat joie. Je t’amène ici et j’ai même pas un merci !

Haussant un sourcil, je termine de lui retirer, m’empare du vêtement endommagé et me relève, m’assurant de passer un doigt le long de son sous-vêtement :

– Si mes souvenirs sont bons, t’en as déjà eu plusieurs…

Chassant ma main, elle me pousse gentiment en arrière avant de lancer :

– On verra si t’arrives à me rafraîchir la mémoire un peu plus tard, mais d’ici là…

Elle ponctue sa phrase d’un signe de tête en direction de mon nécessaire de couture. Portant une main à mon front dans un salut militaire moqueur, je sors ce dont j’ai besoin. Je travaille aussi rapidement que possible, sachant qu’elle a encore beaucoup de monde à voir.

Clairement, ce n’est pas la plus belle des réparations, mais c’est ce que je peux faire de mieux compte tenu des circonstances.

J’observe Kara enfiler son pantalon comme une brute, sautillant sur une jambe.

Une fois décente, j’ouvre le rideau et lance :

– Allez, va rencontrer tes fans

Kara me sourit, glisse une main dans le bas de mon dos et réplique :

– Pas toute seule, je vais avoir besoin de quelqu’un pour cacher l’état de mon pantalon sur les photos.

Je lui adresse un regard faussement assassin, le sourire sur mes lèvres en ruinant tout l’effet.

 

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Affalée sur le canapé devant une série, Nathan ne me laisse même pas le temps de mettre pause qu’il va droit au but :

– Alors c’est officiel maintenant ?

Fronçant les sourcils, je lui adresse un regard en coin :

– De quoi tu parles ?

– Tu sais quoi.

Euh… Je devrais ?  Parce que là c’est le blanc total dans mon esprit.

– Non, vraiment pas.

– Kara. Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

Pardon ? Il perd la boule ou quoi ? Je lui ai confirmé qu’il y a bien eu rapprochement en précisant qu’il ne s’agit pas d’une relation sérieuse !

– On en a déjà parlé ! On n’est pas en couple.

Il m’adresse le même regard qu’un flic qui viendrait de prendre un suspect en flagrant délit et s’entendrait dire « j’ai rien fait ».

Me sentant obligée d’insister, je réitère mon affirmation :

– Non, vraiment, on n’est pas ensemble.

Sans rien ajouter, il penche la tête pour consulter son téléphone et je suis soulagée. Expliquer à Nathan qu’il ne s’agit que de sexe entre nous n’est pas l’idée que je me fais d’une après-midi de rêve. Heureusement, il a rapidement lâché l’affaire !

Malheureusement pour moi, je me retrouve face à l’air narquois de mon coloc alors qu’il me tend son smartphone, déclarant :

– Il faudrait peut-être vous montrer plus discrètes dans ce cas…

Fronçant les sourcils, je consulte l’écran et n’arrive pas le moins du monde à dissimuler ma surprise.

– C’est quoi ces histoires ?

Du bout du pouce, je fais défiler la page et suis de plus en plus mortifiée.

Sous mes yeux, des photos de la scène qui s’est déroulée dans la remise du stand. Depuis l’autre côté du rideau, on ne voit que mes genoux à terre devant Kara, mes poignets au moment où j’abaisse son pantalon, puis ses chevilles nues juste avant que je ne me lève pour aller le repriser.

Sous cet angle, ça a l’air… compromettant. Ajoutez la sortie avec son bras autour de ma taille, saupoudrez le tout de sourires particulièrement niais sur nos deux visages et vous obtiendrez un beau quiproquo.

Totalement abasourdie, je me tourne vers Nathan et prie pour qu’il me croie :

– Un fan venait de trouer le pantalon de son costume, je ne faisais que constater les dégâts. D’ailleurs, mate !

Je zoome sur la photo où nous sourions, essayant d’ignorer la manière dont on se regarde l’une l’autre et pointe du doigt la zone fraîchement réparée.

Il se penche et observe la preuve de ma bonne foi, me laissant espérer être tirée d’affaire :

– Bon ok, je me disais aussi que je voyais mal Kara en tant qu’exhibitionniste.

Deux choses me font tiquer :

1 merci pour moi et 2 s’il savait…

Ne pouvant ni ne voulant lui dévoiler cette facette de notre relation, je me contente de lui adresser un regard blasé.

 

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Je me pose sur un banc face à une fontaine, quasi hypnotisée par le mouvement des jets d’eau. Malheureusement, ce n’est pas assez pour calmer mes angoisses.

Comment je suis supposée retourner à l’appart ? Aaron suit sa sœur sur les réseaux sociaux, il aura vu les publications. Et même si ce n’était pas vrai cette fois-ci, je n’ai pas envie de lui mentir en pleine face en niant avoir couché avec Kara.

J’aurais jamais dû céder. J’aurais dû être forte et garder mes distances.

Pas me jeter à corps perdu dans le… tourbillon de son sillage. Ça a été trop loin.

Le banc vibre sous le poids de quelqu’un qui s’installe à côté de moi.

– J’espérais te trouver ici.

Fermant les yeux, j’essaie de maîtriser les émotions contradictoires qui m’envahissent. Secouant la tête à la négative, un seul mot m’échappe :

– Kara…

Elle place sa paume sur mon genou et c’est comme si je venais d’être branchée sur le secteur.

Je fais mine de croiser mes jambes pour faire cesser le contact.

Elle retire sa main, entremêlant ses doigts sur ses cuisses. Du coin de l’œil, je la vois se mordre la lèvre :

– Il faut qu’on en parle…

J’apprécie l’effort, le fait d’avoir rajouté « en ». Mais ce n’est pas cette histoire de photos volées et interprétées qui m’inquiète le plus. Pour le coup, la vérité fera l’affaire. J’ai du mal à gérer le changement et j’ai l’impression de n’avoir fait que foncer vers l’inconnu depuis que je l’ai rencontrée.

Je me tourne vers elle, plaçant mon coude de l’autre côté du dossier :

– Qu’est-ce que tu veux dire de plus ?

– Je ne peux pas ignorer ces messages, il faut que j’y réponde.

– Je sais.

J’ai conscience d’être inutilement difficile, que je n’ai pas besoin de faire des réponses monosyllabiques. C’est pas de sa faute si j’ai été faible. Je m’en veux d’avoir craqué, de m’être laissée embarquer.

D’une voix incertaine, Kara demande :

– Est-ce que tu veux en profiter pour… dire ce qui se passe entre nous ? Clarifier la situation ?

Un petit rire dénué d’humour m’échappe et je rétorque sans détour :

– Le fait qu’on s’amuse ensemble ne regarde pas tes fans. Oui, c’est sympa, mais c’est que du fun, je me vois mal annoncer ça. Et sans parler de la syncope que ferait Aaron.

Ça me fait de la peine de le reconnaître à voix haute, mais si c’est ce qu’il faut faire pour retrouver un peu de lucidité et parvenir à garder mes distances, alors c’est ce que je ferai.

Kara devient blanche comme un linge, son sourire s’effaçant instantanément. On dirait bien qu’elle n’avait pas percuté que son frère n’était toujours pas au courant. Soudainement mal à l’aise, elle m’adresse un sourire-grimace, déglutissant avant de lancer d’une petite voix :

– Oh… Ok.

Je l’observe en silence, ne comprenant pas pourquoi ses yeux deviennent embués. Il y a quelques jours encore, elle me proposait de tout raconter à Aaron. À vrai dire, j’aurais limite cru que le fait d’avoir à lui annoncer allait la soulager.

Lèvres pincées, elle m’adresse un drôle de regard et s’exclame :

– Bon. Je vais y aller.

La retenant par son poignet, je demande :

– Tu vas dire quoi ?

– La vérité, que mon pantalon était troué. Inutile de t’impliquer plus que ça dans cette histoire.

De toute manière, ça aurait été difficile de m’impliquer davantage…

Elle libère son bras et s’éloigne de quelques pas avant d’effectuer une brusque volte-face :

– Je crois qu’on ferait mieux de garder nos distances pendant un moment.

Ce n’était qu’une question de temps, prévisible, vraiment, mais j’ai l’impression qu’elle vient de me poignarder en plein cœur. Son regard cherche le mien et je baisse la tête pour m’y dérober, acquiesçant. Je suis stupide.

– Bien sûr.

Mon ton n’était pas aussi détaché que je l’aurais souhaité, tant est si bien que je ressens le besoin de rajouter :

– Comme tu le sens, pas de problème.

Elle m’observe en silence quelques instants, avant d’enfoncer ses mains dans les poches de sa veste et lancer :

– Ok.

– Ok.

Kara se retourne et quitte le parc d’un pas rapide.

Je reporte mon attention sur la fontaine, lâchant un souffle que je n’avais pas conscience d’avoir retenu.

– Fait chier.

J’ai toujours su que ça allait se terminer comme ça et pourtant j’ai été incapable de m’arrêter. J’espère juste que la fin de notre arrangement ne marque pas celle de notre amitié.

 

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Je présente les tickets à l’ouvreur, qui nous laisse passer. Nathan demande :

– Je vais aller acheter du popcorn, vous voulez quelque chose d’autre ?

– Des bonbons ?

Aaron répond quant à lui à la négative, tandis que Kara annonce :

– Je t’accompagne.

Super…

Je les regarde s’éloigner et reporte mon attention sur Aaron, gênée de me retrouver dans cette situation.

Il doit sentir mon inconfort, puisqu’il pose une main sur mon bras et me rassure :

– Stresse pas. Kara m’a expliqué.

Je lui adresse un minuscule sourire, n’étant pas capable de plus. Je ne sais pas exactement ce qu’elle a été lui raconter, mais je doute que ça soit l’entière vérité, dans son intégralité. Il est hors de question que je prenne le risque d’avancer en terrain miné, chaussée de mes gros sabots. D’un côté, ça me rassure de ne pas avoir à lui mentir, de l’autre… finalement ça aurait presque été un soulagement de me libérer de ce poids sur ma conscience.

Il marche en direction de la salle qui projette le film sur lequel on s’est mis d’accord, non sans mal. Les mecs voulaient aller voir un film de guerre qui dure 3h30, mais ni Kara ni moi n’étions motivées. Autant dire que la négociation a été âpre. Je suis sortie de mes pensées par Aaron qui lance :

– C’est pas cool de la part de ses fans de spéculer comme ça.

– Non. Surtout que je suis quasi sûre que la nana qui a posté les premières photos est la même à qui Kara avait dit qu’elle ne souhaitait pas aborder ce sujet.

– Ouais. Certaines personnes ne respectent aucune limite.

Tournant la tête, je fais mine d’être captivée par les mini-écrans diffusant les bandes-annonces. Une chose est claire : mon visage est criant de culpabilité. J’en connais une autre qui n’a rien respecté.

La salle est déjà ouverte et Aaron s’y engouffre, espérant certainement réserver de bonnes places. On s’assied en milieu de rangée et n’avons même pas terminé de retirer nos manteaux que nos colocs reviennent les bras chargés.

Nathan m’indique :

– Je voulais te prendre des ours en guimauve, mais Kara m’a dit que t’as un faible pour ceux-là !

Il s’avance dans la rangée, allant s’installer de l’autre côté d’Aaron et me déposant un mini paquet de bonbons piquants sur les genoux au passage.

– Merci.

Elle s’est souvenue de mes préférences. Ce n’est pas grand-chose, mais ça me fait plaisir.

Kara s’approche et je tends les bras pour m’emparer de mon manteau, afin de libérer la place à côté de moi. Elle m’arrête d’un signe de la main :

– Je vais aller à côté de Nathan, j’aime mieux être bien au centre.

– Oh. Ok.

Je décale mes jambes pour la laisser passer, ignorant mon pincement au cœur.

C’est juste un siège, n’en fais pas un drame. Et si jamais elle avait un fan ou deux dans le cinéma, c’est sûrement mieux si on ne nous aperçoit pas côte à côte, ils seraient capables de s’imaginer que c’est un rencard…

Les bandes-annonces commencent et j’ouvre les bonbons tant qu’il est encore ok de faire du bruit.

Sachant qu’elle aime ça elle aussi, je me penche en avant et tends le paquet dans la direction de mes colocs, demandant :

– Quelqu’un en veut ?

Je cherche à croiser le regard de Kara, mais elle refuse poliment sans même tourner la tête dans ma direction.

Me réinstallant contre le dossier, je laisse échapper un soupir.

Nos interactions me manquent. C’est horrible parce qu’elle ne m’évite pas, n’est pas méchante, juste… distante. Je m’étais habituée à avoir toute son attention, être l’objet de ses affections et soudainement, plus rien. La transition est hyper violente. Même si je sais que ce n’est pas possible, j’ai envie que ça redevienne comme avant, rien qu’un instant.

 

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Ça fait une semaine. C’est pas long une semaine. 7 jours.

D’un unique post Instagram, Kara a tout clarifié le jour même de notre « explication ». Depuis, on a fait plein d’activités ensemble, mais jamais seules. Et jamais vraiment ensemble. Pas comme avant.

Je ne sais pas exactement comment c’est possible, mais elle me manque alors même qu’elle est là.

Si les garçons ont remarqué que l’on n’est plus aussi proches que ces derniers temps, ils n’en ont pas fait mention. Je devrais probablement en parler avec Nathan, qui s’est toujours montré de bon conseil, mais j’ai peur du « je te l’avais bien dit » qu’il serait en droit de m’administrer.

Posée sur mon lit, j’essaie de comprendre. Rentrer à l’appart ne me donne plus la sensation d’être à la maison, plus comme avant. Je dors mal, je suis stressée et irritable.

Globalement misérable.

Quant à Kara… Je ne sais pas trop si ça lui fait pareil. D’un côté, j’ai l’impression de sentir son regard sur moi quand j’ai le dos tourné, de l’autre, il n’y a plus ces échanges silencieux entre nous. Je jurerais qu’elle avait un petit sourire qui m’était réservé et que je n’ai pas vu depuis.

Même ses atroces répliques de drague ont cessé. Si on m’avait dit qu’un jour j’allais les regretter…

Pathétique comme je suis, j’ai créé un nouveau compte Twitch pour pouvoir continuer à la regarder sans qu’elle le sache. Écouteurs dans les oreilles, j’observe l’écran avec attention. Elle répond aux questions des internautes en attendant de trouver une partie :

– Taz, merci pour les cinq euros !

Se penchant, elle répète à voix haute le texte de la donation :

– Y’a une fille que j’aime bien. Comment je peux savoir si ce que je ressens est juste de l’amitié ou plus ?

Elle se redresse et adresse un sourire à la caméra, rétorquant d’un ton autodérisoire :

– Étant moi-même célibataire, je ne suis pas sûre d’être la mieux placée pour te parler d’amour, mais je vais tenter de répondre.

Levant les yeux d’un air pensif, elle tapote sa bouche de son index et lance :

– Pour moi, il y a plusieurs formes d’attirance. Celle que je recherche, le Graal si tu veux, c’est celle qui crée une sensation mixée de familiarité et d’inconnu.

Fronçant les sourcils, je focalise toute mon attention sur l’écran :

– Cette fille, est-ce que t’as hâte de la retrouver ? Est-ce que sa simple présence fait qu’une activité banale devient géniale ? Est-ce que tu retiens chaque minuscule détail qu’elle partage avec toi ? Est-ce que t’as toujours envie d’en savoir plus sur elle ? Est-ce que la voir heureuse fait que toi aussi tu l’es ?

Elle secoue la tête, un petit sourire limite triste aux lèvres, puis reprend :

– Si oui, alors je dirais que c’est plus que de l’amitié et que ça vaut le coup de tenter quelque chose.

Mon cœur bat la chamade.

Je repense à tous ces moments qu’on a partagés, j’entrevois à quel point ce qu’elle vient de dire s’applique à mon cas.

Et je comprends.

Je suis une idiote.

Une abrutie finie.

Limite irrécupérable.

Le boulet de l’amour.

L’handicapée du sentiment.

Les trois quarts du chat se moquent gentiment de son côté « docteur love », tandis que le quart restant demande si elle parle d’expérience.

– Vous voudriez bien savoir, pas vrai ?

Elle fait frétiller ses sourcils et ouvre la bouche pour répondre.

Arrachant mes écouteurs, je claque l’écran de mon pc portable, ne POUVANT pas savoir.

Dans un cas comme dans l’autre, je suis foutue.

Merde !

Je ne comprends pas...

J’ai été hyper prudente !

Tout du long, j’étais prévenue que ce n’était pas sérieux et que ça pouvait prendre fin à tout instant.

Quand est-ce que j’ai franchi la limite entre sexe et sentiments ? Est-ce que j’en avais déjà avant même que l’on couche ensemble ?

Je repense à tout ce qu’on s’est raconté et tout ce qu’on a tu. Tout ce qu’on s’est dit sans qu’aucun mot ne soit échangé.

À la Kara tous publics et ma Kara à moi.

Non, je ne veux même pas savoir en fait.

Me frottant les yeux, je m’allonge sur le dos, regardant le plafond.

Et maintenant ?

Je fais quoi ?

Si oui, alors je dirais que c’est plus que de l’amitié et que ça vaut le coup de tenter quelque chose.

Et si je suis la seule à avoir profité de l’espace Schengen et qu’elle est restée de son côté de la frontière, ça donne quoi ?

Maintenant que je sais, je n’ai aucune idée de comment j’ai pu ignorer que je développais des sentiments pour elle. Enfin, sans admettre que j’ai été finie à l’urine j’entends ! 

Jetant un coup d’œil à ma montre, j’ai soudain l’impression d’être pressée par le temps.

Si jamais elle a eu envie de plus entre nous, même rien qu’une seconde, je ne veux pas prendre le risque d’attendre et que ça lui passe.

Qu’elle rencontre quelqu’un.

Si mes sentiments sont à sens unique, je pourrais apprendre à vivre avec, mais pas avec des « et si ». Il faut que je sache, quitte à me faire briser le cœur au passage.

Me levant d’un bond, je trottine jusqu’à l’autre côté de l'appart, frappant à la porte.

– Ouais ?

J’entre, referme derrière moi et tourne en rond.

Depuis son lit Aaron m’observe dans une moue circonspecte :

– Naomi ? Tout va comme tu veux ?

Maintenant ou jamais.

– Nan.

Il se décale pour venir s’asseoir sur le bord du matelas, demandant d’un ton inquiet :

– Qu’est-ce qu’il se passe ? T’as l’air… bouleversée.

– Aaron, je…

Allez, lance-toi. Comme un pansement, d’un seul coup :

– Je suis amoureuse de Kara.

Je ferme les yeux, m’attendant à me faire incendier, mais certainement pas à sentir sa main attraper l’une des miennes :

– Hey, tout va bien. Assieds-toi.

Il répond au regard craintif que je lui lance par un sourire encourageant, tapotant l’espace à côté de lui.

– Je suis désolée, j’ai pas voulu ça. Je viens de comprendre.

Ma respiration est rapide et saccadée et Aaron me surprend en passant une main le long de mon dos, cherchant visiblement à me réconforter :

– Calme-toi, ça vaut pas le coup de te mettre dans des états pareils.

– … T’es pas fâché ?

Sous l’effet de l’étonnement, il se recule légèrement, fronçant les sourcils :

– De quoi ? Que tu aies vu à quel point ma sœur est géniale ?

– Oui, mais… Tu m’as clairement fait comprendre qu’elle est hors limites.

Il s’empare d’une de mes mains, qu’il vient placer entre les siennes :

– Regarde-moi Naomi.

Gardant la tête baissée, je lève timidement les yeux dans sa direction, ayant toujours un peu de mal à croire qu’il n’est pas sur le point de me décapiter :

– Après ta dernière séparation, t’étais… instable. Je t’ai dit ça parce que je ne voulais pas que Kara soit juste une marque de plus à ton tableau de chasse.

Immédiatement, je me redresse, avec la ferme intention de lui expliquer qu’il n’est pas question de ça du tout, mais il me réduit au silence en reprenant la parole :

– Je suis pas aveugle, tu sais. C’est évident qu’il se trame quelque chose entre vous. J’ai vu la manière dont tu la regardes et les sourires qu’elle t’adresse quand elle pense que personne ne fait attention.

Coupable, je baisse à nouveau la tête, honteuse. Il était au courant. D’une certaine manière, c’est encore pire. Il m’a fait confiance avec sa sœur, mais de mon côté j’en ai manqué pour tout lui avouer. 

– Je suis désolée.

– Arrête de t’excuser.

Haussant les épaules, je lance :

– C’est tout ce qu’il me reste à faire.

– Tu lui as dit ? Que tu as des sentiments ?

Secouant la tête à la négative, je me livre :

– Non. Je voulais t’en parler avant… J’ai peur d’avoir déjà tout gâché.

Il passe un bras autour de mes épaules et m’attire à lui, déposant un bisou sur mes cheveux :

– Tu sais, Kara est… plus sensible qu’il n’y paraît. Fais-lui comprendre, peut-être qu’elle te surprendra.

– Je vais lui dire, mais ça va pas être facile. J’ai l’impression qu’elle fait tout pour éviter de se retrouver seule avec moi depuis cette histoire de photos…

Il m’adresse un large sourire :

– Ça, je peux y remédier. Ça demande juste de l’organisation. Ton jour sera le mien !

Comment j’ai pu appréhender sa réaction à ce point ? Même dans le meilleur des scénarios auxquels j’ai pu penser, jamais je n’aurais imaginé qu’il me proposerait son aide. Autant battre le fer pendant qu’il est encore chaud :

– Elle ne streame pas demain soir…

– T’as un endroit particulier en tête ?

Merde. Non. Je ne sais même pas ce que je vais bien pouvoir lui dire pour bien présenter les choses ! Grimaçant, j’avoue :

– Nan.

– Ok, pas besoin d’aller loin. La connaissant, elle sera plus à l’aise dans un lieu familier.

– Le parc ?

Il remue la tête à la négative :

– Nan, après ce qu’il s’est passé, c’est pas une bonne idée de la mettre sous les feux de projecteurs en public.

Il n’a pas tort. Et c’est inquiétant que le coureur de jupons soit plus doué que moi pour ça…

– Ici ?

– Ouais, mais dans le salon alors, il faut un endroit « neutre ».

Et comme ça, si elle décide de me briser le cœur, je n’aurais pas à aller trop loin pour m’effondrer.

– Ça me va.

– Ça me va aussi.

– Merci.

Je dépose un bisou sur sa joue avant de me relever. Me souriant, il répond du tac au tac.

– Pas de quoi. Je m’arrangerai pour qu’elle soit à 19h devant la télé dans le salon. J’emmènerai Nathan avec moi, histoire que vous soyez tranquilles pour parler.

Acquiesçant, je me penche pour l’enlacer, ne revenant toujours pas de la chance que j’ai.

– Encore merci. Tu sais ce que vous allez faire ?

– Nan, mais je vais bien trouver.

Une idée me vient à l’esprit :

– Sinon, vous avez qu’à dîner et aller voir le fameux film de guerre dont on vous a privés l’autre jour, c’est moi qui offre.

– Si tu proposes… Je vais pas dire non !

– Deal.

Amusé, il serre la main que je lui tends.

– Deal.

Je m’apprête à quitter sa chambre, déjà en train de réfléchir à comment je vais bien pouvoir m’y prendre, lorsqu’il s’exclame :

– Et Naomi ?

– Oui ?

– Ne te rate pas !

3 novembre 2019

Hors Limites - Partie 11

J’ai les yeux détruits et les mains en piteux état, ce qui signifie qu’il est temps d’arrêter.

Rangeant mon matériel de couture, je jette un coup d’œil à ma montre.

Il est encore tôt et j’irais bien me promener.

Mon regard se porte machinalement vers ma fenêtre. Kara ne devrait pas streamer avant quelques heures, je pourrais peut être l’inviter à se joindre à moi…

Est-ce que je devrais ?

Je frappe à sa porte au moment même où je réalise que j’étais supposée prendre un peu de distance.

Elle m’ouvre rapidement, un sourire venant se poser sur son visage à l’instant où elle m’aperçoit. Elle se recule dans une invitation silencieuse, mais je préfère m’appuyer sur le chambranle de la porte, croisant les bras :

– Je vais aller faire un tour au parc, prendre un peu l’air, ça te tente ?

Enthousiaste, elle acquiesce d’un signe de tête :

– Laisse-moi juste cinq minutes pour me rendre présentable !

Intérieurement, je me demande ce qu’elle a bien besoin de faire de plus, étant donné qu’elle est déjà parfaite, mais ce n’est pas le genre de phrases qu’on peut sortir nonchalamment alors je m’abstiens de tout commentaire. 

Quinze minutes plus tard, on pose nos fesses dans l’herbe, au bord d’un petit point d’eau.

– Tu viens souvent ici ?

Haussant les épaules, je m’accoude et penche la tête en arrière, observant le ciel :

– Quand j’ai besoin d’un break.

Kara imite ma position et soupire avant de prendre la parole, plissant son nez :

– Je te comprends. J’adore ce que je fais, mais c’est parfois dur de déconnecter. D’avoir une vie à moi, en dehors de tout ça.

– Ton petit jardin secret.

– Exactement.

Ça me fait plaisir qu’elle se sente suffisamment à l’aise avec moi pour évoquer ce genre de sujet.

Elle pointe le ciel du doigt et lance :

– Mate, on dirait un chat !

Je repère le nuage auquel elle fait référence, mais pas franchement la ressemblance. Penchant la tête dans un sens, puis l’autre :

– Un chat ? Une théière plutôt !

Elle me regarde avec de grands yeux incrédules, comme si je venais de suggérer qu’elle aille faire trempette en mer du nord au cœur de l’hiver :

– Quoi ? Mais n’importe quoi ! T’as déjà vu une théière avec des oreilles toi ?

– Maintenant oui !

Je me fais frapper le bras et ne résiste pas à la tentation :

– Alors un peu plus tôt c’était genre « si un type bedonnant te met dans un sac la nuit, ne t’inquiètes pas, j’ai dit au père Noël que je te voulais » et maintenant je me retrouve violentée ! Deux poids deux mesures !

Kara s’accoude et m’adresse un sourire amusé :

– Ouhhh… T’as cherché de quoi me donner le change ou quoi ?

Plutôt que de répondre à sa question et admettre l’impensable, je choisis de me moquer une nouvelle fois :

– Nan, c’est juste qu’il y a quelque chose de magnifique dans tes yeux, quelque chose d’inspirant… Ah, c’est mon reflet !

Elle place une main sur son cœur, comme si je ne venais pas de m’auto complimenter et surenchérit :

– Je suis tellement perdue dans les tiens qu’on pourrait m’appeler Némo. Je compte sur toi pour me trouver !

Ce faisant, elle ponctue sa phrase d’un clin d’œil. Franchement, je ne sais pas où elle va les chercher, mais j’avoue que j’y ai pris goût. C’est d’autant plus ridicule qu’elle n’a jamais eu besoin de ça pour me séduire.

Faisant preuve de toute la retenue à ma disposition, je dissimule mon amusement et en rajoute une couche :

– Attends, je crois que t’as un truc sur les fesses… Ah non, c’est juste mon regard !

Elle éclate de rire et secoue la tête de gauche à droite :

– Pour le romantisme, on repassera !

Hey !

C’était tout à fait volontaire ! Mon but était uniquement de la faire rire. Je réponds sur un ton laissant entrevoir à quel point je suis offusquée :

– Je peux l’être, c’est juste un choix !

Clairement dubitative, elle bat des cils comme une damoiselle de dessin animé et me mets au défi :

– Je t’écoute Naomi, fais-moi rêver.

Me creusant les méninges, je cherche à trouver la phrase de drague la plus susceptible de lui clouer le bec. Ouhhh, je crois que j’en ai une bonne :

– Tu sais ce que c’est que le solipsisme ?

Fronçant les sourcils, elle s’attend sûrement à ce que ce soit ça ma connerie et répond d’un ton hésitant :

– Non ?

– En gros c’est l’idée selon laquelle le « moi », avec mes sensations, mes sentiments, etc. constitue la seule réalité existante dont je sois vraiment sûre à 100 %.

Je l’ai clairement perdue, puisqu’elle cherche à voir le rapport dans un :

– … Et ?

Mon piège se referme et je lui sors la technique de drague la plus classe de toute notre génération :

– Bah… Si tout ce qui est autour de moi est issu de mon imagination, alors je peux t’assurer que t’es de loin la meilleure chose que mon esprit a su créer.

Je tends le bras et lâche mon micro imaginaire.

L’objet de mes attentions m’observe la bouche ouverte pendant bien cinq secondes, complètement buguée.

Naomi 1 — Kara 0.

Finalement, ses lèvres dessinent le sourire de quelqu’un qui reconnaît sa défaite :

– Ok, ok, elle était pas mal. Je m’attendais à pire.

Peu disposée à cesser de me la péter, je n’hésite qu’un instant :

– De toute manière, qu’elle fonctionne pour emballer ou pas, ça aurait fini pareil !

– C’est à dire ?

– Je suis attirée par toi. Et selon la loi de l’attraction universelle de Newton, t’es forcément attirée par moi en retour.

Je suis profondément fière de ma réplique et vois bien qu’elle l’amuse également, même si je me fais remballer derrière :

– J’y crois pas ! Tu me diras avec des chevilles de cette taille, ça ne m’étonnerait pas que tu développes un champ gravitationnel !

– En parlant d’elles, je vais aller me les dégourdir, j’ai envie d’une crêpe. Ça te tente ?

– Non merci.

– T’es sûre ? Ils vendent peut-être aussi des gaufres…

– Oui.

Depuis quand elle refuse un dessert ? Surtout maintenant que j’ai évoqué son point faible : les gaufres ! 

– Certaine ?

Blasée face à mon insistance, elle m’adresse un regard équivoque et confirme d’un ton las :

– Oui...

– Ok, bouge pas je reviens.

N’attendant pas de réponse, je pars en trottinant en direction du marchand se trouvant un peu plus loin.

Quelques minutes plus tard, de retour, je mange ma délicieuse crêpe en solo, exagérant le plaisir que j’en tire.

– Mhhh… c’est trop bon !

Kara se tourne vers moi, un sourire aux lèvres :

– Qu’est-ce que tu essaies de faire au juste ?

C’est une question rhétorique s’il en est une, il est clair que mon but est de lui faire regretter son choix.

Je la fixe, mange une bouchée supplémentaire et ferme les yeux un instant avant de jouer les innocentes :

– Rien.

Lorsque je soulève mes paupières, son regard est braqué sur moi, le bleu de ses iris ayant quasiment disparu :

– Me cherche pas Naomi…

Me contentant d’un sourire, je termine ma crêpe et remarque que le petit carton fourni a fini plus marron que blanc…

Y voyant une occasion d’être cruelle, je n’hésite pas un seul instant.

Plongeant mon index dans la pâte à tartiner, je l’amène à ma bouche et la laisse apercevoir la manière dont ma langue le « nettoie » avant de refermer mes lèvres dessus.

– Je ne fais rien du tout ! 

Elle se décale, se rapprochant de moi :

– T’en as un peu…

Elle pointe du doigt la direction générale de ma bouche et ça ne m’aide pas du tout à localiser l’endroit. Je m’essuie d’un revers de main pas très gracieux et la regarde pour avoir confirmation :

– Non, toujours pas.

Je m’apprête à tenter à nouveau l’expérience, mais suis stoppée par ses doigts qui s’enroulent autour de mon poignet :

– Laisse-moi…

Elle se penche dans ma direction et lorsque je réalise ce qu’elle compte faire, je me recule.

Pour pas que ça ne soit bizarre, je me justifie immédiatement :

– On pourrait nous voir.

Elle se lève et me tend la main. Curieuse, je m’en empare et lui fais signe « juste 1 seconde », allant jeter mon carton dans une poubelle toute proche avant de revenir à ses côtés. Elle m’entraîne derrière un gros arbre, nous offrant une relative tranquillité.

Mon dos entre en contact avec le large tronc et Kara s’avance pour venir se coller à moi, me pressant contre l’écorce.

– Et maintenant ?

Ses yeux se posent sur mes lèvres et je me retrouve à court d’excuses. Je sais que ce n’est pas sérieux entre nous, mais lorsqu’elle me regarde comme ça, j’ai peur de me prendre au jeu et me perdre en chemin.

Pour toute réponse, je souris. C’est le seul feu vert que j’ai l’intention de lui donner.

Ça lui suffit et une seconde plus tard, ses lèvres sont sur les miennes. Elle m’embrasse avec une délicatesse qui contraste avec nos baisers « habituels ». Celui-là a goût de promesse plus que d’interdit. Il n’a pas vocation à initier quoi que ce soit, même si la façon dont elle englobe ma lèvre inférieure entre les siennes pour la « nettoyer » ne me laisse pas indifférente. 

Je savais bien que mes phrases de drague allaient faire leur petit effet.

Mes mains vont chercher appui sur ses hanches, ayant besoin de plus de contact.

Bien trop tôt à mon goût, elle détache ses lèvres des miennes et je dois me faire violence pour ne pas les pourchasser.

Elle va juste assez loin pour poser son front contre le mien, nos souffles se mêlant :

– T’as pas idée de ce que tu me fais…

Mon cœur manque quelques battements et l’espèce de vague d’excitation mêlée d’espoir qui me gagne me fait franchement flipper. Je crève d’envie d’en savoir plus, mais ai peur que la question ne me soit retournée, préférant donc garder le silence. Pour éviter de ne dire une bêtise, je glisse ma main à l’arrière de sa nuque et l’attire dans un baiser brûlant. L’urgence, l’excitation, l’envie, je peux gérer. Pas le sentiment d’appartenance qu’elle m’évoque lorsqu’elle m’embrasse comme si j’étais la pièce manquante à son puzzle.

Malgré moi, mes lèvres dévoilent tout ce que ma voix n’ose pas dire, une once de possessivité et de contrôle venant s’ajouter à l’addition. Kara me maintient contre le tronc de son corps, une jambe entre mes cuisses et j’ai toutes les peines du monde à garder à l’esprit que nous sommes dans un lieu public. J’ai envie qu’elle me ravage, qu’elle mette sa marque sur mon corps sachant qu’après, je vais la posséder à mon tour...

Elle se recule très soudainement, me laissant sur ma faim et venant me clouer sur place d’un regard intense, l’une de ses mains serrant le tissu de ma veste :

– On rentre ?

Ses iris sont réduits à de fines lignes bleues et il est clair que la question en dissimule une autre :

– Je sais pas… Ton frère…

Elle jette un coup d’œil à sa montre avant de répondre :

– Il donne un cours à la salle d’ici dix minutes, il sera probablement déjà parti d’ici à ce qu’on revienne. Et Nathan est au boulot…

Si j’étais encore capable de réfléchir avec ma tête, j’aurais certainement honte de la rapidité avec laquelle j’acquiesce. La même urgence se reflète dans les yeux de Kara, me consolant un peu.

Une minute plus tard, on marche toutes les deux d’un pas vif en direction de la sortie du parc. Arrivées au pied de l’immeuble, Kara demande :

– Ma chambre, d’ici cinq minutes ?

Je hoche la tête à l’affirmative et ouvre la porte, la laissant passer.

Ces cinq minutes vont être longues. C’est l’occasion ou jamais de reprendre mon souffle et mes esprits.

 

========================

 

Ma main tremble légèrement alors que je l’amène à la porte pour toquer, exactement 300 secondes après être revenues. À peine m’a-t-elle donné l’autorisation d’entrer que je ferme derrière moi, tournant lentement le verrou, comme pour faire monter l’anticipation.

Kara est adossée à sa tête de lit, jambes tendues sous la couette.

Souriante, je vais dans sa direction, grimpant sur le matelas et avançant à 4 pattes jusqu’à me retrouver à cheval sur elle, sans pour autant la toucher :

– Madame a sonné ?

Ses lèvres s’étirent dans un sourire coquin, lançant :

– Mhh… J’aime assez l’idée, mais on va garder ce type de jeux pour une autre fois, j’ai déjà quelque chose en tête…

– Du genre ?

Plaçant ses mains sur mes hanches, elle m’abaisse de sorte que j’entre en contact avec son corps.

Mes yeux s’écarquillent légèrement, avant que je ne parvienne à dissimuler ma surprise. Même à travers la couette, il est évident qu’il y a quelque chose qui n’est pas là en temps normal !

Un lent sourire gagne mes lèvres alors que je me décale pour pousser la couette et découvrir ce qu’il se cache en dessous.

Je hausse un sourcil en voyant qu’elle a mis un jogging, le tissu laissant deviner la forme du sex toy qu’il dissimule.

Appréhendant ma réaction face à sa nouvelle addition, Kara demande :

– Si ça te tente pas, t’as qu’un mot à dire…

C’est gentil à elle de s’inquiéter, mais il n’y a pas de quoi.

Plaçant une paume assurée sur son entrejambe, j’enroule mes doigts autour de son initiative, guettant sa réaction :

– J’ai l’air mécontente ?

Elle se mord la lèvre, son regard oscillant entre ma main et mes yeux :

– J’ai pas arrêté d’y penser depuis que tu m’as dit que tu me laisserais l’utiliser sur toi…

J’admire la manière avec laquelle elle navigue la frontière entre la fragilité et l’audace. Elle n’a pas peur de ses envies, de tenter…

Peut-être que je devrais m’en inspirer :

– Retire tes vêtements.

Je me recule pour passer mon T-shirt au-dessus de ma tête, braquant mon regard sur elle, attendant qu’elle fasse de même.

L’urgence avec laquelle elle m’imite me rend dingue. Elle est absolument sublime et disposée à suivre mes directives à la lettre.

Je ne sais pas ce que j’ai fait pour en arriver là, mais on ne va pas m’entendre m’en plaindre. Elle s’arc-boute le temps de glisser un bras dans son dos, dégrafant son soutien-gorge et s’en débarrassant immédiatement.

Avant qu’elle ne s’attaque au bas, je l’arrête, m’emparant de ses poignets et les écartant hors de mon chemin.

Je sens le poids du regard de Kara sur moi alors que je me penche jusqu’à venir frôler le galbe de sa poitrine du bout des lèvres. La chair de poule la gagne et je peux voir ses tétons se dresser sous mes yeux. Sa respiration s’accélère et une telle réaction devant si peu de choses mérite bien une récompense, non ? J’amène une main à son sein gauche, tandis que ma langue s’occupe du droit.

Après quelques minutes d’une opération de douce torture durant laquelle Kara se cambre pour venir à la rencontre de ma bouche, je décide de passer aux choses sérieuses.

Je me recule, passant la pulpe de mes doigts le long de ses côtes, parcourant ses abdominaux pour finalement les glisser sous l’élastique de son jogging.

Mes yeux viennent croiser les siens, voulant m’assurer qu’elle est toujours partante.

Ses hanches se soulèvent légèrement, m’offrant la confirmation escomptée.

Je ne perds pas un instant de plus avant de baisser le tissu, mon regard se portant immédiatement sur le sex-toy nouvellement dévoilé.

Alors que je m’attendais à voir un harnais, je suis agréablement surprise de ne découvrir que du silicone… 

Elle a choisi le type de modèle où la porteuse a une extrémité en elle… et l’a enfilé juste avant que je n’arrive.

– Je voulais être sûre de te sentir autant que possible…

Ça m’excite de réaliser qu’elle pensait à ce moment alors que l’on s’embrassait au parc… Je regrette de ne pas avoir pu assister à la « pose », mais savoir qu’elle m’avait en tête en préparant cette surprise est une contrepartie qui ne me déplaît pas ! En plus, elle a opté pour une couleur non réaliste et une taille raisonnable, pile le genre de produit que j’aurais choisi moi-même.

Je caresse l’objet de ma paume, avant d’enrouler ma main autour de la base, tirant délicatement dessus et scrutant sa réaction.

Kara ferme les yeux, prend sa lèvre inférieure entre ses dents et donne un coup de bassin inconscient. Elle est tellement réactive, j’ai hâte de voir ce que ça peut donner…

Ne voulant pas perdre une minute de plus, je me débarrasse de tout ce qu’il me reste de vêtements, Kara faisant de même de son côté.

Je lutte contre l’envie de me ruer immédiatement sur elle, prenant le temps de laisser mon regard la parcourir des pieds à la tête. Ok, j’ai peut-être marqué une légère pause à la jonction de ses cuisses, mais qui peut m’en blâmer ?

Souriante, elle m’invite à m’approcher d’un signe de l’index. Une fois à genoux de part et d’autre de ses hanches, Kara glisse ses mains dans mon dos, passant ses ongles sur ma peau et créant des frissons.

Elle lève les yeux, son regard croisant le mien.

Le temps s’arrête l’espace de quelques instants, alors que l’on échange beaucoup, sans rien se dire.

Je suis la première à craquer, capturant ses lèvres.

Ses mains se portent sur mes seins, les caressant avec possessivité. Alors que l’on reprend notre respiration, ses paumes glissent jusqu’à mes hanches, se faisant présentes, mais pas pressantes.

Nos deux regards vont se poser plus au sud et elle demande doucement :

– J’ai une bouteille de lubrifiant, si jamais…

– Pas besoin…

M’emparant de sa main, je l’amène à mon entrejambe, la laissant me redécouvrir du bout des doigts.

J’ai envie de réaffirmer mon désir pour elle, de souligner à quel point elle me plaît, mais ne suis pas prête à m’aventurer sur ce terrain, les mots mourant sur mes lèvres. À la place, je l’attire à moi, plaquant son visage contre mon buste et déposant un baiser dans ses cheveux. Le sourire que je sens contre ma peau me distrait presque du plaisir qu’elle me donne du bout des doigts. Mais aussi agréable que ce moment soit, j’ai une expérience à partager avec elle.

Elle écarte sa main d’elle-même, alors que je glisse la mienne entre nous. Je tire affectueusement sur le sex-toy, recevant un grognement en retour, avant de le passer le long de mon entrejambe, m’assurant qu’il soit lubrifié.

– Laisse-moi…

Kara m’incite à m’abaisser d’une main sur ma hanche et le positionne à l’entrée de mon sexe, attendant de capter mon regard.

Les yeux dans les siens, je place une paume sur son épaule et hésite à partager quelque chose…

Finalement, au vu de toutes les premières fois qu’elle a connues avec moi, je confesse :

– Fais doucement, je… j’ai jamais été de ce côté-là.

Elle acquiesce d’un signe de tête et glisse une main à l’arrière de ma nuque pour m’attirer dans un baiser. Si elle a conscience de mon moment de vulnérabilité, elle n’en fait pas état.

Ma langue va à la rencontre de la sienne, me distrayant alors que son bassin se soulève. Elle me pénètre lentement tout en continuant à m’embrasser, avalant l’expiration qui m’échappe et me laissant le temps de m’adapter à cette nouvelle sensation.

Elle s’est arrêtée après quelques centimètres seulement, se reculant légèrement, posant son front contre le mien pour venir demander :

– Ça va ?

Plutôt que de répondre, je recapture ses lèvres et m’abaisse jusqu’à ce qu’elle soit entièrement en moi.

Un gémissement m’échappe et je passe quelques instants à respirer le même air que Kara avant de me mettre en mouvement.

Je me soulève, laissant quasiment le sex-toy m’échapper, puis reviens m’empaler dessus.

Le regard de Kara est sur moi, oscillant entre mon visage et la partie qui nous connecte. D’un simple coup d’œil, elle arrive à éclipser tous mes doutes, me faisant me sentir sexy et désirée.

Gagnant en assurance, je prends appui sur son épaule d’une main et accélère le rythme.

Le jouet n’est pas aussi précis que peuvent l’être ses doigts, mais suffisamment large pour m’offrir de la friction là où il faut à chaque va-et-vient.

Ralentissant, j’opte pour des mouvements circulaires, m’assurant que le sex-toy frotte son clitoris à chaque passage. Immédiatement, elle profite du moment de calme relatif pour détacher sa paume de ma hanche et caresser mes seins.

Bien qu’elle ait nettement moins bougé, Kara est tout aussi essoufflée que moi et ça me plaît de savoir que c’est moi qui l’ai mise dans cet état.

Ayant certainement peur de me faire mal, son bassin remue timidement sous moi et il est hors de question qu’elle aille streamer sans m’avoir fait voir ce dont elle est capable.

Plaçant un doigt sous son menton, je l’incite à lever la tête, déposant un baiser sur ses lèvres et demandant :

– C’était ce que tu avais imaginé ?

Lorsqu’ils viennent croiser les miens, ses yeux sont tellement noirs que c’en serait presque effrayant, si ce n’était pas si excitant.

Elle hoche la tête à l’affirmative, hésitant un instant avant de dire :

– … J’ai vraiment l’impression d’être en toi.

– Tu l’es…

Ma réponse devait être la bonne, puisqu’elle me vaut un petit coup de bassin. Fuck.

Je ne peux plus attendre.

Arrêtant mes mouvements, je me soulève et me recule, le jouet me quittant et venant s’abattre sur son pubis, recouvert des preuves de mon envie.

On l’observe toutes les deux, avant que je ne capte son attention en bougeant. Elle fronce légèrement les sourcils en me voyant m’éloigner à reculons, me plaçant plus au centre du matelas.

Sans dire un mot, je m’installe sur le dos, épaules en direction du pied du lit. Soulevant la tête, je lui souris et écarte les jambes, sachant qu’elle va comprendre le message.

Immédiatement, elle se retrouve à genoux entre mes cuisses, la base du jouet dans la main, prête à le guider en moi.

Elle lève les yeux dans ma direction et confirme mes doutes :

– J’ai peur de te faire mal.

Je soulève légèrement mon bassin et m’efforce d’être claire :

– T’en fais pas... J’ai envie…

Je marque une pause, me demandant si c’est bien raisonnable d’en dévoiler autant.

Oh et puis merde.

– Je veux pas choisir le rythme. Je veux que tu me prennes.

J’ai envie qu’elle me possède, que l’espace d’un échange, je sois sa chose. Par le passé, j’ai toujours été dans la retenue et le contrôle, mais plus maintenant. Autant qu’on explore toutes les deux… Notre arrangement est probablement à durée limitée, j’ai plutôt intérêt à en profiter tant que je le peux. 

Je m’offre à elle, sachant qu’elle me connaît suffisamment pour mesurer la confiance que je lui témoigne. Mes yeux vont se ficher dans les siens et son regard m’indique que mon but est atteint.

Elle place ses paumes à l’intérieur de mes cuisses, les écartant encore plus. Sans se servir de ses mains, elle positionne le sex toy et pousse légèrement, les yeux braqués sur l’action.

Je sais ce qu’elle voit.

Je sens la manière dont je pulse autour de la tête du jouet, la façon dont mon sexe s’écarte pour l’accommoder.

J’ai déjà été à sa place, mais jamais je ne me serai doutée à quel point c’est excitant de voir faire l’autre, d’attendre, à sa merci. 

Soudainement, elle s’empare d’une de mes jambes. Elle la pose sur son épaule et me pénètre intégralement.

Je m’arc-boute, plantant ma tête dans le matelas, incapable de retenir un gémissement de plaisir. Sous cet angle, son pubis vient stimuler mon clitoris et c’est absolument divin. 

Mon poing se referme sur la couette alors que Kara se laisse tomber en avant, les mains placées de part et d’autre de mes côtes.

Elle commence à bouger et c’est exactement comme je l’espérais. Si mes mouvements étaient relativement fluides, les siens ne le sont pas et à chaque à-coup, elle frappe pile là où il faut. 

Franchissant les derniers centimètres qui nous séparent, elle m’embrasse et continue de bouger à un rythme quasi punitif.  

Détachant mes lèvres des siennes, je viens capter son regard, nos souffles se mêlant alors qu’elle s’active au-dessus de moi. Luttant pour réussir à parler, je demande :

– C’est comme ça que tu l’imaginais ?

Elle se mord la lèvre, baisse les yeux pour observer ce qu’elle me fait, avant de m’apporter confirmation dans un sourire essoufflé :

– Mieux.

Souriant, je passe une main dans son dos, appréciant la manière dont je sens ses muscles se contracter sous mes doigts.

La pression monte vite et d’un côté je n’ai pas envie que ça s’arrête, de l’autre, rester sur le fil est à la limite de l’insoutenable. Je la dévore du regard, voulant graver dans ma mémoire la manière dont Kara se donne autant qu’elle me prend.

Mes muscles commencent à se contracter et j’amène ma main à ma poitrine, plantant mes yeux dans les siens jusqu’à ne plus être capable de les maintenir ouverts. Kara m’accompagne tout du long, ne s’arrêtant que lorsque je lui tapote le ventre pour lui signaler de stopper. Si je jouis une fois de plus j’ai peur de perdre connaissance !

Je sens qu’elle a l’intention de se reculer et l’attire à moi.

– Je vais t’écraser.

– Nhh nhh. Discute pas !

Bien qu’elle marmonne quelque chose ressemblant étonnamment à « tellement autoritaire ! », elle s’allonge sur moi et j’enroule mes bras autour d’elle, sentant son cœur battre contre le mien.

Je suis extrêmement essoufflée pour quelqu’un qui n’a pas fait la majorité du boulot, j’ai des fourmis dans les jambes, mais peu importe. Ce n’est pas ça que je retiens.

En cet instant, je perçois à quel point ce moment est rare.

D’habitude, on réalise que l’on était heureux après coup.

Mais pas là.

C’est peut-être l’effet post-orgasme, mais j’ai quasiment jamais éprouvé un sentiment de plénitude pareil.

Sentir sa peau, le poids de son corps, savoir qu’elle est toujours en moi… C’est niais, mais je me sens connectée, comprise.

À la manière dont elle me laisse le temps de me remettre, déposant des baisers fugaces le long de ma mâchoire avant de remonter pour en placer un plus appuyé près de ma tempe, je me dis qu’il y a peut-être moyen que ça ait été spécial pour elle aussi.  

Je sais que ce n’est pas ce sur quoi on s’est mises d’accord, mais je ne peux pas décemment lui en parler. L’idée de me faire rejeter, que je sois la seule à percevoir une connexion me terrifie et m’incite à garder le silence.

Savourant le moment, je la laisse me câliner pendant quelques minutes avant de me tourner pour capturer ses lèvres, le baiser gagnant rapidement en intensité. Je pensais avoir eu mon compte, mais l’embrasser a eu le même effet sur moi que souffler sur le feu…

Lorsque Kara se redresse pour reprendre sa respiration, elle plante son regard dans le mien, les yeux noirs et m’ordonne :

– Mets-toi à quatre pattes.

Elle me laisse le champ libre et nos yeux sont fixés sur l’endroit qui nous lie alors que je me recule pour me mettre en position.

En toute honnêteté, mes jambes sont toujours un peu flageolantes et je ne sais pas combien de temps mes bras vont supporter mon poids, mais c’est loin de suffire à me dissuader. Jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, je ne manque rien de la manière dont Kara me dévore du regard avant d’empoigner le sex toy d’une main, l’autre venant se placer sur ma hanche.

Elle se positionne à l’entrée de mon sexe, ne faisant que des micros mouvements qui me laissent sur ma faim. Ses yeux sont braqués sur mon entrejambe et j’ai conscience qu’elle ne manque rien de la manière dont mes muscles tentent de l’attirer en moi.

D’un côté, j’ai envie de subir la torture autant qu’elle le veut, parce que ça me plaît d’être exposée, de savoir que je suis à sa merci, de l’autre, j’ai envie de plus. J’ai toujours eu du mal à laisser le contrôle aux autres, mais rien que pour cette fois, être possédée par Kara tout du long est tentant.

Comme si elle a senti mon hésitation et qu’elle ne veut pas risquer que je vienne m’empaler, sa main se resserre sur ma hanche, faisant passer un signal clair.

Ok.

Je ne bouge pas.

Alors j’attends.

Ma respiration est saccadée, pleine d’anticipation.

Finalement, elle prend la parole :

– Regarde-moi.

Posant un coude sur le matelas, je l’observe par-dessus mon épaule et maintiens le contact alors même qu’elle me pénètre lentement. Une fois en moi, elle marque une courte pause, m’adressant un sourire limite arrogant avant de se mettre en mouvement.

Bien vite, je n’arrive plus à tenir et place mon autre avant-bras sur le matelas, tête baissée. Je copie son rythme autant que possible, me reculant lorsqu’elle se retire et la rejoignant au milieu. Quitte à me retrouver dans cette situation, autant me donner jusqu’au bout.

Son autre main se pose sur mes hanches, accompagnant nos mouvements. Sa poigne est ferme et ça m’excite de savoir que c’est elle qui a le contrôle. Dans cette position, elle peut aller encore plus loin en moi, stimulant mon point G à chaque va-et-vient.

Heureusement que l’appartement est à nous, car entre mes gémissements irréprimables et les claquements de peau que font nos corps à chaque fois qu’ils se retrouvent, personne ne se demanderait ce que l’on est en train de faire.

Elle détache l’une de ses mains pour la positionner à la jonction entre mon cou et mon épaule à l’instant même où mes bras lâchent.

Mes poings se serrent à même le drap alors que je fais tout mon possible pour faire durer le moment.

Visage à même le matelas, je n’arrive plus à répondre à ses mouvements, la laissant maîtresse de mon plaisir. En d’autres circonstances, j’aurais peut-être honte de l’abandon dont je fais preuve, mais en ce moment tout ce qui m’intéresse est de profiter, d’arriver à la culmination que je sens approcher.

Sa cadence ne faiblit pas alors même que ma bouche est sèche à force de haleter. Je songe à lui dire que je suis à deux doigts de jouir, mais non seulement je pense qu’elle le sait, mais en plus je ne suis plus vraiment en mesure d’avoir des propos cohérents.

Sa main quitte ma hanche pour venir trouver mon clitoris et ses gestes, même rendus imprécis par ses mouvements, suffisent à me faire basculer.

Alors que mon corps se contracte, elle me maintient toujours en place, m’empêchant de me dérober à mon plaisir.

Elle se retire et je m’étale à plat ventre, tremblotante, complètement épuisée.

Kara s’allonge à mes côtés, partiellement sur moi, un bras autour de ma taille et elle aussi à bout de souffle. Péniblement, je parviens à annoncer :

– Donne-moi juste quatre ou cinq heures pour me remettre et je m’occupe de toi.

Elle laisse s’échapper un petit rire, me caressant le dos et déposant un baiser sur mon épaule :

– T’en fais pas, j’y ai plus que trouvé mon compte...

Mon cœur manque quelques battements et j’espère que ces moments resteront aussi mémorables pour elle que pour moi.

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30 octobre 2019

Hors Limites - Partie 10

J’ai un problème.

Faut que j’aille dans une clinique ou je ne sais pas quoi.

Je suis incapable d’arrêter de penser au sexe avec Kara.

Dès que j’ai un moment de libre, ou (soyons honnêtes), dès qu’elle me regarde, c’est comme si mon corps prenait vie et j’ai envie qu’on finisse au lit.

C’est comme ça que cinq minutes après le départ des garçons pour leurs boulots respectifs, je me retrouve à cheval sur une Kara seins nus sur mes draps.

Elle caresse mes cuisses de ses mains, tandis que je dessine les contours sculptés de son ventre du bout des doigts.

Nos souffles sont erratiques après seulement quelques instants passés à s’embrasser. Et pas que le mien. Savoir que je la mets dans cet état n’aide pas à garder mon calme.

Elle se redresse pour venir frôler mes lèvres des siennes, lançant :

– J’ai envie de tester quelque chose, déshabille-toi.

Le fait que ma tête a tout à fait conscience que je ferais mieux d’arrêter là illustre parfaitement le fait que ce n’est pas elle qui décide. Je suis nue en quelques secondes, juste assez vite pour la voir baisser son pantalon, emportant ses sous-vêtements avec.

On sait que notre temps est compté et je ne suis pas la seule à vouloir en tirer le plus parti possible. 

M’adressant un sourire séducteur, elle me fait signe d’approcher d’un mouvement de l’index.

Je m’exécute sans attendre, reprenant ma place au-dessus d’elle tout en gardant la majeure partie de mon poids sur mes genoux. Je ne m’assieds pas totalement, ayant conscience d’être trempée.

Mes yeux parcourent ses formes et j’ai toujours autant de mal à me faire à l’idée qu’elle a autant envie de moi que l’inverse.

Du bout des doigts, je la caresse, suivant ses clavicules, le galbe de ses seins, traçant ses côtes puis sentant ses abdos se contracter à mon passage :

– T’es magnifique...

Elle est tellement belle qu’on dirait qu’elle est sculptée. Nan, pire, Photoshopée.

– T’as jeté un coup d’œil dans un miroir récemment ?

Elle ne me laisse pas le temps de répondre, glissant une main à l’arrière de ma nuque et m’attirant dans un baiser.

Curieuse de savoir ce qu’elle a en tête, je demande :

– Qu’est-ce qui te fait envie ?

Elle place ses paumes sur mes fesses et lance :

– J’ai cru remarquer que tu aimes bien mon ventre…  

Doux euphémisme. Si j’étais sculpteuse, j’en ferais des reproductions et je ferais fortune en les vendant dans les salons de l’érotisme !

– Mmhh mhh…

Fléchissant les bras, elle m’amène au-dessus de la zone en question et précise :

– Sers-t’en.

Mon regard vient croiser le sien, voulant m’assurer d’avoir bien compris. Elle acquiesce d’un signe de tête, accompagné d’un petit sourire et me pousse à m’abaisser.

Je baisse les yeux et retiens un grognement.

Bordel…

Elle est vraiment sexy.

Kara contracte ses abdos et ça suffit à me sortir de ma torpeur. Je bouge mon bassin et suis immédiatement récompensée à l’instant où mon clitoris entre en contact avec elle…

Son corps m’offre une friction absolument parfaite… Luttant contre ce que me dit mon instinct, je me recule l’espace d’un instant, juste pour pouvoir observer la manière dont je l’ai peinte de mon envie. J’ai du mal à croire que c’est en train de se produire et qu’elle l’a suggéré… Apparemment, on découvre des fantasmes tous les jours…

Je m’abaisse à nouveau, gémissant quasi instantanément.

Ses mains accompagnent mes mouvements et on trouve rapidement un rythme, son corps venant à la rencontre du mien, se contractant au moment opportun.

Ayant besoin de la toucher, je me penche en avant, prenant appui d’une main tandis que l’autre va se poser sur sa poitrine.

Au-delà des sensations, c’est surtout la situation qui m’excite... Son regard alterne entre mon visage, le mouvement de mes seins et mon sexe. Je me sens désirée, belle, même séduisante. Je ne sais pas comment j’ai fait pour capter son attention, mais je me fais des illusions si je crois pouvoir lui résister… Tout ce qui compte, c’est que lorsqu’on fait ça, elle est mienne et je suis sienne.

Je ne veux pas en oublier un seul instant et regarde partout et nulle part à la fois, tant et si bien que je manque de rater le moment où elle se redresse pour capturer un de mes tétons entre ses lèvres. Immédiatement, je détache ma main de sa poitrine pour la poser à l’arrière de sa tête, la maintenant en place.

Je l’utilise sans vergogne, me sers d’elle pour mon plaisir et si j’en crois la manière dont ses pupilles sont totalement dilatées lorsque son regard croise le mien, elle adore ça.

Mon corps commence à perdre le rythme, les vagues de plaisir se rapprochant, signaux précurseurs de la fin :

– Oui… Je suis plus très loin…

En guise de réponse, Kara gémit contre ma poitrine et empoigne plus fermement mes fesses, m’incitant à accentuer la pression.

Une seconde plus tard, je suis contrainte d’abandonner ma prise sur sa tête, plaquant mes deux mains sur le matelas alors que je suis envahie par le plaisir.

Mon corps est parcouru de spasmes et mes biceps lâchent, me forçant à m’accouder.

Je suis en train de reprendre mon souffle, alors que Kara enroule ses bras autour de moi et demande :

– Ça va ?

Je mets au moins trois secondes à répondre, mon cerveau étant réduit en bouillie. Pendant ce temps, elle dépose des baisers en haut de mon décolleté, me laissant le temps de reprendre mes esprits :

– Très bien. Toi ?

– Ça m’a vraiment, vraiment excitée…

Un lent sourire gagne mes lèvres et je me recule juste assez pour venir l’embrasser :

– Ah oui ? Je peux faire quelque chose pour aider ?

– Fais de moi ce que tu veux.

Ugh. Comment fait-elle pour toujours trouver les mots ?

Ni une ni deux, je nous fais rouler, me retrouvant sous elle. Je l’embrasse passionnément, parcourant avidement son corps de mes mains à présent libres. L’espace d’une seconde, je ne sais pas par où commencer. Puis soudain je me rappelle.

Je sais ce dont j’ai envie.

Captant son regard, je lance :

– Chevauche mon visage.

Je n’ai pas eu l’occasion de terminer ce que j’avais entrepris dans la salle de bain. C’est la première fois que nous sommes vraiment seules dans l’appart et j’ai bien l’intention d’en profiter sans avoir à m’inquiéter qu’on nous surprenne.  

Bien que le doute flashe dans ses yeux, elle me laisse la guider jusqu’à être placée au-dessus de ma tête. Mon regard se pose sur son sexe et clairement elle n’a pas menti, ça lui a plu. J’ai du mal à détacher mes yeux de cet endroit.

Je crève d’envie d’y plonger… Elle interprète défavorablement mon silence et immobilisme et demande :

– T’es sûre ? Te sens pas obligée.

Plutôt que de répondre avec des mots, je lève ses doutes par l’action. Aplatissant ma langue, je la passe de l’entrée de son vagin à son clitoris avant de redescendre pour la glisser en elle. Étant donné qu’elle n’est pas abaissée, ma nuque me fait un mal de chien, mais la sentir se contracter autour de moi en vaut la peine.

Elle gémit et je suis persuadée que c’est agréable, mais je ne suis pas satisfaite. Elle se retient alors que je souhaite qu’elle se donne, qu’elle s’abandonne.   

Je laisse retomber ma tête et je vois qu’elle lutte contre ce que lui dit son instinct : suivre ma langue.

Plantant mon regard dans le sien, je suis limpide :

– Kara. Je suis sûre. Maintenant je veux que tu t’abaisses, que tu te serves de ma bouche, de ma langue pour trouver ton plaisir. C’est ça dont j’ai envie. Que tu m’utilises comme je viens de le faire avec toi. Compris ?

Je ponctue ma phrase d’une très légère pression sur le haut de ses cuisses. Elle s’exécute immédiatement, renouant le contact.

– Mhhh…

Je suis tentée de fermer les yeux, car j’aime la sentir comme ça, au plus près.

Mais d’un autre côté, la vue n’est pas mal du tout. Alors que ses hanches font des va-et-vient au-dessus de ma bouche, elle s’accroche d’une main à la tête de lit tandis que l’autre masse sa poitrine.

Jalouse, je lâche une de ses cuisses pour poser ma main sur le sein dont elle ne s’occupe pas.

Elle ouvre les yeux de surprise et me fixe, se mordant la lèvre inférieure pour étouffer les gémissements qui lui échappent.

Son rythme est rapide et c’est elle qui fait la majeure partie du travail. Elle ne veut pas patienter et prend exactement ce dont elle a besoin. Quelles qu’aient été ses considérations passées, elles sont clairement loin derrière. Ma langue commence à fatiguer au moment où ses jambes se mettent à trembloter. Elle est proche.

Lorsqu’elle se recule, je me décale vers le bas et la pénètre avec ma langue, amenant un doigt sur son clitoris au cas où la pression exercée par mon nez ne suffise pas. Je n’ai plus d’air, mais j’ai toutes les sensations.

Je sens son plaisir arriver avant même qu’elle ne se crispe. Ses muscles enserrent ma langue et m’extirpent un gémissement approbateur. C’est quasi comme si je le vivais moi-même, je me sens hyper proche d’elle.

Les yeux fermés, la bouche entrouverte, elle gémit et place une main possessive à l’arrière de ma tête, m’attirant contre elle, parcourue de derniers petits spasmes.

Son corps passe de tendu à malléable et je sais que je vais devoir attendre pour recommencer, mais j’en ai déjà envie.

Elle se décale mollement sur le côté, s’adossant à la tête de lit et avalant de grandes bouffées d’air. Je me mets sur le flanc tout en léchant mes lèvres, avant de caresser l’intérieur de sa cuisse du bout des doigts, lui extirpant quelques frissons.

J’espère qu’elle ne pense pas que j’en ai fini avec elle…

 

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 Quelques heures plus tard, on est étalées côte à côte sur mon lit, agréablement épuisées.

– Je suis pas sûre de pouvoir marcher jusqu’à ma chambre.

– Haha !

– Rigole pas je suis sérieuse !

Je lui jette un regard du coin de l’œil et me remets à rire de plus belle, ce qui me vaut une tape sur le ventre. Elle laisse sa main, caressant ma peau et m’adressant un tendre sourire.  

Même avec ses cheveux complètement en bataille elle reste magnifique. J’essaie vraiment de prendre les évènements comme ils viennent, sans me poser de questions.

C’est du fun, rien que du fun, ça doit le rester. J’ai fantasmé sur elle pendant des mois avant même de la rencontrer, c’est normal d’avoir envie d’assouvir autant de choses que possible. Oui, il suffit qu’elle soit à proximité pour que mon cœur se mette à battre plus vite… Mais c’est juste parce qu’elle me plaît. Le rush de l’interdit aussi.

Même si j’aurais des regrets, je peux arrêter tout ça quand je veux, à un moment je VAIS arrêter de déconner, me lasser… Tout va bien.

– Naomi ?

– Oui ?

– Je crois que je suis bi.

Je tourne la tête dans sa direction, lui adressant un sourire :

– C’est fort possible, oui.

Enfin… Pour moi être bi c’est à la fois coucher avec les deux sexes et pouvoir avoir des sentiments amoureux… Il paraît évident que la partie sexe lui plaît, les sentiments c’est une autre histoire… Mais amener ce sujet sur la table revient à ouvrir la boîte de Pandore. Alors je vais garder ma grande bouche fermée et mes questions pour moi.

Elle s’installe sur le côté, posant sa tête au creux de mon épaule et lâche un petit soupir de contentement.

Ses doigts tracent mon ventre, parcourent mes côtes, jouent avec mon nombril…

– Ce soir-là… Quand je vous ai regardées dans la cuisine… Ça a été comme un déclic. Je savais que ce n’était pas bien, mais… J’arrivais pas détacher mes yeux. Tu l’as emmenée dans ta chambre et j’étais… furieuse.

– Furieuse ?

Je recule légèrement ma tête sur le côté, essayant de capter son regard. Pour toute réponse, elle se blottit un peu plus contre moi et reprend la parole : 

– Que tu t’intéresses à elle alors que… 'fin je veux dire, je venais de t’annoncer que je questionnais ma sexualité et… rien. Je me demandais si j’imaginais tes regards et notre complicité.

– J’avais promis à ton frère.

– Je sais… C’est juste… Peu importe.

Je crève d’envie d’insister, de lui tirer les vers du nez, mais j’ai peur de ce qu’elle pourrait me dire, des réponses qu’elle pourrait exiger en retour… Alors je ne demande rien.

Le changement de sujet est aussi brutal qu’étonnant :

– T’aimes bien les sex-toys ?

La question m’effraie. Elle se lasse déjà de ce qu’on fait ?

Malgré tout, je me retiens de sourire devant la manière dont elle a lâché ça pour immédiatement écarquiller les yeux. Un peu comme si elle n’arrivait pas à croire qu’elle venait de demander ça de but en blanc.

– Quand c’est de temps en temps oui, pourquoi ?

Elle rougit et s’explique d’une petite voix :

– Tout à l’heure… Quand t’étais au-dessus de moi, j’aurais vraiment aimé avoir… Tu vois.

Sa phrase reste en suspens, mais le message est clair. J’avoue, je suis quand même tentée de lui demander de préciser juste pour m’amuser. C’est plutôt marrant qu’elle n’ose pas dire les mots après ce qu’on vient de faire.

Souriante, je lance d’un ton plein de promesses :

– Ça peut s’arranger…

Elle relève la tête pour capter mon regard, l’incrédulité clairement perceptible dans la voix :

– C’est vrai ? Tu me laisserais… Le porter ?

Au moins, elle n’a pas l’air d’avoir compris qu’il n’y a pas grand-chose que je serais capable de lui refuser, c’est déjà ça.

À vrai dire, je préfère largement que ça lui fasse envie dans ce sens-là que dans l’autre. Même si dans mes expériences précédentes, j’ai systématiquement été la porteuse, je peux me montrer versatile. 

Et pour le coup, une partie de moi n’est toujours pas convaincue qu’elle ne va pas tout arrêter d’un instant à l’autre parce que l’excroissance qui me fait défaut lui manque.

Elle n’a pas l’air insatisfaite, loin de là, mais… Je ne sais pas trop. Ça paraît trop beau pour être vrai. J’ai jamais de bol d’habitude, je ne vois pas pourquoi ça changerait soudainement… Il faudrait peut-être que je travaille sur mes insécurités, mais il est préférable de me préparer au pire, non ?

Quoi qu’il en soit, j’acquiesce :

– Mh mh.

Elle m’adresse un immense sourire tellement joyeux qu’on pourrait penser que je viens de lui offrir une nouvelle voiture, pas uniquement d’accepter de lui mettre un jouet entre les mains (façon de parler).

Ayant du mal à la regarder trop longtemps lorsqu’elle a l’air si heureuse, je tourne la tête et jette un coup d’œil à mon radio réveil :

– Argh… T’as vu l’heure ? On ferait mieux de se rhabiller.

Kara fait la moue, visiblement contrariée, mais se relève néanmoins.

 

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– Je m’attendais au moins à un merci !

Baissant mon livre, j’observe Nathan d’un air curieux :

– Mh ?

– Le « cadeau » et la serviette…

Je n’avais pas réalisé, mais c’est évident.

Il est au courant.

De base, nous n’étions pas supposées divulguer quoi que ce soit, alors je ne sais pas si Kara a lâché le morceau ou si c’est lui qui a deviné.

– Ugh… Tu veux vraiment parler de ça ?

Il s’installe à côté de moi sur le canapé et m’adresse un regard amusé :

– Je ne te demande pas les détails sordides, j’ai grandi avec Internet, je crois être capable de deviner. Juste… Fais attention à toi.

Nathan a toujours été un bon ami et je me demande ce que cache cette mise en garde. 

– Comment ça ? Elle t’a parlé de quelque chose ?

– Non, du tout. Je m’inquiète juste pour toi. Je sais ce que ça fait de tomber amoureux de quelqu’un qui ne veut que du sexe.

Je n’arrive pas à retenir un petit sourire, levant les yeux au ciel :

– Tout de suite les grands mots. Je ne suis pas amoureuse. C’est… juste comme ça. Rien de sérieux.

Il m’observe en silence et il est clair qu’il n’est pas convaincu. S’emparant de ma main, Nathan s’assure de capter mon regard avant de dire :

– On n’a pas forcément passé beaucoup de temps ensemble ces derniers jours, mais tu peux me parler tu sais ?

Serrant sa main, je le rassure :

– Je sais. Et si quelque chose me tracasse, je le ferais, promis.

– Ok. Tu lis quoi ?

Lui présentant la couverture, je devine déjà sa réaction :

– Ugh ! Tu connais pas encore l’histoire par cœur ?

– Un peu, mais c’est un classique !

– Rien à voir, mais tu traînes parfois avec les acteurs de la pièce de théâtre pour laquelle tu prépares les costumes ?

Levant un sourcil devant sa question, je réponds :

– Oui, il y a toujours des retouches à faire, pourquoi ?

Il baisse légèrement la tête, les joues rouges :

– Tu crois que tu pourrais m’avoir un autographe de Stéphane ?

Un sourire gagne mes lèvres et j’ai très envie de le taquiner :

– Quelqu’un a un faible pour monsieur l’humoriste et acteur principal peut-être ? T’as pas un copain ?

– Je le trouve drôle c’est tout…

– Mhh mhhh… Rien à voir avec le fait que son corps a l’air d’être gravé dans le marbre, tout à fait ton style ?

Niant l’évidence, il fait fi de mes taquineries d’un signe de la main :

– Pfft. Qu’est-ce que t’en sais toi de toute façon, t’es même pas attirée par les mecs !

Voulant l’embêter, j’en rajoute une tonne :

– Disons que pendant les essayages des tenues, j’ai été dans l’obligation de prendre quelques mesures… Je l’ai observé de très très près…

Il m’adresse un regard blasé, sachant très bien que je suis en train de faire exprès de le narguer :

– Et donc, l’autographe ?

Reprenant la lecture de mon livre, je lance d’un ton nonchalant :

– Je verrais ce que je peux faire…

En réalité, j’ai même une meilleure idée…

 

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Nathan comprend mon plan à l’instant où nous nous engageons dans la rue du théâtre.

Tournant de grands yeux ronds dans ma direction, il s’exclame :

– Nan ?!

Souriant, j’acquiesce d’un signe de tête et réponds :

– Oui.

Sans dire un mot de plus, il me serre dans ses bras, m’étouffant à moitié.

Par-dessus son épaule, je regarde Aaron et Kara, que mon inconfort amuse visiblement.

– Nathan, j’ai besoin d’air !

Il me relâche immédiatement, se reculant, tout penaud :

– Pardon ! Mais je suis trop content !

Posant une main sur son épaule, je le rassure :

– Pas de problème. C’était le but.

Frappant à la porte de service, elle s’ouvre sur Paul, le colosse en charge de la sécurité :

– Hey Naomi. Entre, ils ne devraient plus tarder à commencer.

– Salut. Merci !

Mes colocs me suivent dans les coulisses sinueuses du théâtre, regardant partout autour d’eux.

Je m’y suis habituée, mais c’est vrai que cet endroit a quelque chose de spécial.

Finalement, nous arrivons à l’avant de la salle et je fais signe à mes colocataires d’aller s’installer au deuxième rang :

– On peut pas aller tout devant ?

C’est un vieux théâtre de quartier et la scène comporte des encoches au sol pour les souffleurs, être au premier rang n’est pas l’idéal. Mais bien sûr, je ne peux pas leur dire que c’est pour leur confort, j’ai une réputation de garce sans pitié à maintenir. Du coup, j’opte pour la moquerie :

– Je préfère mettre une rangée de sièges entre Nathan et son idole. Non seulement il devra les escalader si jamais il décide de se jeter sur lui, mais en plus avec de la chance ils absorberont la bave.

Loin de s’offusquer, mon coloc réplique du tac au tac :

– Rien de ce que tu peux dire ne ruinera cet instant Nom-Nom !

Aaron y va de son petit mot :

– C’est vraiment cool d’avoir fait ça pour lui, t’es une super amie… Je dois m’attendre à voir une de mes idoles sur scène ?

Immédiatement, ses paroles entachent ma bonne humeur. Je me sens hyper coupable d’avoir craqué et de trahir sa confiance à répétition. Au fond de moi, je sais que j’ai résisté autant que j’ai pu, mais s’il finit par l’apprendre, il ne me croira jamais, c’est certain.

– Non, mais certaines des actrices sont loin d’être vilaines, si tu vois ce que je veux dire…

Je ponctue ma phrase d’un clin d’œil et conclus ainsi mon ascension du mont hypocrisie.

Je me dirige vers le bout de la rangée, le plus loin possible de Kara comme d’Aaron, mais ce dernier n’est pas disposé à me laisser m’en tirer à si bon compte.

– Nan nan Naomi, c’est ton moment aussi, mets-toi à côté de Nathan.

De mauvaise grâce, je m’installe entre Kara et mon coloc, Aaron se plaçant de l’autre côté pour pouvoir « discuter entre mecs ». Quoi que ça signifie !

Les lumières deviennent tamisées et les acteurs font leur entrée. C’est la couturière, soit l’avant-dernière répétition et le metteur en scène a bien voulu que j’emmène mes invités de ce soir voir les fruits de mon travail. Faudra que j’aille lui acheter un petit quelque chose pour le remercier.

À mes côtés, l’excitation de Nathan est palpable et ça me fait vraiment plaisir de pouvoir faire ça pour lui. J’espère que la pièce va lui plaire.

Contrairement à moi, on peut compter sur lui et il mérite de belles surprises.

Très vite, on est tous happés par l’action sur scène. C’est hyper marrant, la part belle étant faite aux quiproquos. Je connais la moitié des répliques et suis à l’affût d’éventuels problèmes de garde-robe, mais ça me fait quand même bien rire.

Durant l’entracte, je m’éclipse pour aller voir les acteurs et leurs costumes.

De retour juste à temps pour entendre la fin de la tirade enflammée de Nathan, je reprends ma place et une seconde plus tard, Kara se penche pour me chuchoter à l’oreille :

– T’as fait du super boulot, leurs looks sont réussis.

– Merci.

Je me tourne vers elle pour lui adresser un sourire plutôt doux, auquel elle répond en tapotant ma main sur l’accoudoir.

Les lumières se tamisent à nouveau et dans le noir, elle entremêle ses doigts aux miens.

Mon cœur bat la chamade et ce n’est pas par peur d’être surprise par Aaron.

Je ne comprends pas pourquoi elle fait ça. Elle et moi… Ce n’est pas vraiment une relation type « main dans la main au clair de la lune »...

Qu’on s’entende : lui tenir la main n’est pas désagréable, mais il y a des limites tacites qui ont été tracées et qu’elle est en train de franchir. Je dois constamment me rappeler à l’ordre, sous peine d’oublier que je suis là pour l’aider à « découvrir ses limites » et rien d’autre, alors ces signaux contradictoires ne sont d’aucune assistance.

Je ne sais pas comment réagir. J’essaie de gérer les choses comme elles viennent, sans me prendre la tête sinon je vais me mettre à paniquer. Mais j’ai l’impression que je ne peux jamais savoir à quoi m’attendre et c’est particulièrement désagréable.

Fin bref !

On verra plus tard.

Au final, je passe le reste de la pièce la main dans la sienne et pars me coucher le cœur lourd de non-dits.

 

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Kara m’a à nouveau invitée à participer à l’un de ses streams et je ne pensais pas ça possible, mais je suis encore plus stressée que la dernière fois. Ils m’ont bien aimée lors de ma première apparition, j’ai peur de tout gâcher.

La porte est à peine fermée que ses lèvres sont sur les miennes. Est-ce que c’était un appel au sexe que j’ai mal interprété ?

Elle se recule, m’adresse un sourire penaud et explique :

– Désolée, ça faisait quelques jours que je n’avais pas eu ma dose.

En bonne hypocrite, je lui fais un clin d’œil et ne mentionne pas que je n’étais pas si occupée que ça. Si je l’écoute et passe tout mon temps libre avec elle… Elle va prendre une place bien trop importante dans ma vie et quand elle se lassera inévitablement, je ne saurais plus comment je faisais pour occuper mes journées avant elle.

Si elle remarque qu’elle m’a perdue l’espace d’un instant, elle n’en fait pas mention, m’attirant contre elle et levant son téléphone en mode selfie :

– Le PC est en train de s’allumer, on fait une petite photo pour Instagram histoire de prévenir du début imminent du stream ?

En temps normal, je n’aime pas les photos. Mais il est hors de question que je passe l’opportunité de me retrouver sur son fil d’actualité.  

Plutôt que de fixer l’objectif, mon attention se porte sur Kara qui exécute une parfaite imitation d’un phare avec son sourire 10 000 watts. Sachant que je n’ai aucune chance de rivaliser sur ce terrain, je croise les bras et lui adresse un regard peu impressionné, un sourire en coin se dessinant sur mes lèvres pour retirer un peu de mordant à mon expression.

Elle prend quelques clichés et sélectionne celui qu’elle préfère, le postant immédiatement, illustré par la mention :

En direct dans 10 min accompagnée de ma charmante coloc ». Venez nous retrouver !

Levant un sourcil, je ne relève évidemment qu’une seule chose :

– Charmante ?

Elle me fait face, me pince la joue et rajoute une nouvelle ligne à ma grandissante liste de raisons pour lesquelles elle doit mourir :

– Aww, t’en fais pas, je parlais de ton physique, pas de ta personnalité !

– Je te déteste !

Elle se mord la lèvre et j’ai tout à fait conscience que c’est volontaire, mais je ne peux pas m’empêcher de suivre le mouvement du regard.

– T’es sûre ?

Essayant de lui résister, je rétorque :

– Certaine.

– C’est dommage… J’aime beaucoup ton T-shirt, il irait très bien avec le sol de ma chambre, si tu vois ce que je veux dire…

Oh non, c’est reparti pour les tentatives de drague ratées. Je lutte vaillamment pour garder un visage neutre, mais c’est un échec. Il devient carrément cuisant lorsqu’elle passe le bout de son index le long du col en V du vêtement en question.  

Je chasse sa main d’un mouvement habituellement destiné aux moustiques, mais elle m’attire à elle par mes hanches, demandant :

– Comment je pourrais te faire changer d’avis à mon sujet ?

La lueur dans ses yeux me laisse penser que la question est moins anodine qu’il n’y paraît et ça m’effraie suffisamment pour que je fasse machine arrière :

– On va s’installer ?

Elle n’est clairement pas dupe, mais me laisse m’en tirer à bon compte, partant s’asseoir.

Elle lance la diffusion, remplaçant son écran d’attente par la vidéo et débute son introduction usuelle.

Je la regarde faire en souriant, réalisant un peu tardivement qu’elle m’avait parlé :

– Hm ?

– Je t’ai demandé à quoi tu voulais jouer.

– Oh… Je n’ai pas de préférence, comme tu veux !

– Ok. Les gens du chat, si vous avez des suggestions, c’est maintenant !

On lit toutes les deux les réponses et j’espère qu’elle ne remarque pas les rares commentaires soulignant la manière dont je la regarde avec les yeux de l’amour.

– Ouhh, « faites un jeu d’horreur, l’une au clavier, l’autre à la souris » j’aime bien l’idée et j’en ai justement un d’installé !

Je déteste.

Faire mine d’avoir les yeux qui grattent pendant les moments qui font peur au cinéma c’est une chose, mais devant la caméra je ne vais pouvoir tromper personne !

Kara se tourne vers moi pour avoir mon opinion et il est évident que mon visage laisse transparaître tout le mal que je pense de cette suggestion.

Immédiatement, un énorme sourire apparaît sur ses lèvres et elle s’exclame :

– On a trouvé !

– Tu peux me rappeler pourquoi j’ai un jour cru que participer à un nouveau stream était une bonne idée ? On peut se faire un Mariokart sinon !

Elle passe un bras autour de mes épaules et ignore ma suggestion :

– Awww… T’en fais pas, je te protègerai !

Évidemment, cette moquerie gratuite lui vaut un regard assassin. Sans la caméra, peut-être même une petite tape.

Elle lance le jeu et rien qu’à l’écran d’accueil, j’ai envie de m’enfuir. Comme si l’ambiance hyper glauque n’était pas suffisante, elle ferme les volets et laisse uniquement sa minuscule lampe de bureau allumée pour que la webcam serve à quelque chose.

– Tu veux la souris ou le clavier ?

– Aucun. Je veux changer de jeu !

– Viens par là.

Elle s’empare de ma chaise et la colle à la sienne, nos cuisses se touchant. Glissant le clavier dans ma direction, elle lance la partie.

Ça fait 10 minutes que l’on a commencé et si mes sous-vêtements n’ont pas encore de traces de freinage, ça ne devrait plus tarder.

C’est l’histoire d’un mec qui devient fou lorsque son niveau de stress augmente, y’a des « machins » qui rôdent et veulent vous buter et on ne peut même pas se battre contre eux ! C’est quoi ce délire ?

Je me sens comme la proie et c’est très déplaisant.

Maintenant que la partie est en cours, Kara fait nettement moins la maline. Je pourrais presque me la péter s’il n’y avait pas le retour de caméra à l’écran pour me rappeler que je n’en mène pas large non plus.

Après vingt-cinq minutes, j’ai juste envie d’abandonner, quitte à passer pour une poule mouillée. Entre la pénombre, la musique atroce et mon aversion pour ce genre de jeux de base, je n’étais pas prête du tout. Je m’imaginais faire une petite partie tranquille, pas ça ! Honnêtement, partir rendrait sûrement service à ma dignité.

Je tourne la tête dans sa direction, m’apprêtant à avaler ma fierté. Son regard vient croiser le mien avant de retourner sur l’écran. J’ai machinalement continué d’avancer et Kara pousse un cri lorsqu’un des méchants fait irruption juste devant nous. Elle lâche carrément la souris et cache sa tête au creux de ma nuque.

Évidemment, j’abandonne le clavier pour enrouler mes bras autour d’elle, me retenant difficilement de déposer un baiser dans ses cheveux. J’avoue, le contact physique me réconforte efficacement.

Se moquant, certaines personnes dans le chat s’empressent de faire des clips du moment, tandis que d’autres offrent leur soutien moral.

Kara se recule et m’observe, avant d’être distraite par le son d’une donation.

La voix robotisée se met à lire le texte :

« Moi aussi j’ai peur Naomi, je peux venir sur tes genoux ? »

Je m’apprête à répondre, mais c’est Kara qui s’en charge :

– Je ne suis pas sur ses genoux...

Elle se redresse et pointe l’accoudoir entre nous

– mais c’est une bonne idée ! Du coup désolée, la place est déjà prise !

Ce faisant, elle se lève et vient s’installer tranquillement sur moi, sans même me demander mon avis.

Amusée, je me décale sur le côté pour la regarder et m’enquiers d’un ton railleur :

– Ça va, je te dérange pas ?

Loin de partir, elle prend ses aises, rapprochant mon fauteuil et s’adossant à moi.

– Non, t’es plutôt confortable !

Bien sûr, elle ponctue ça de tout un cinéma à la façon d’un chat qui cherche la position dans laquelle il va s’endormir.

N’ayant aucune envie de la laisser avoir le dernier mot, je m’assure qu’on ne peut pas me prendre en flagrant délit et lui pince les fesses.

Immédiatement, elle se redresse comme si je venais de lui filer un coup de taser et lance :

– Tout compte fait, tu ne vaux pas mon fauteuil !

Elle retourne à sa place tandis que j’adresse un sourire satisfait à la caméra. Le chat se demande ce que j’ai bien pu faire, donc je décide de poser une question pour détourner leur attention :

– Et sinon on joue à quelque chose, madame la streameuse à plein temps ?

– Je me vengerai dès qu’on sera hors ligne, sache-le.

– Raison de plus pour trouver de quoi t’occuper un moment !

Ravie de ma répartie, je me pare de mon plus beau sourire innocent et manque de perdre une dent lorsqu’une manette est propulsée dans ma direction.

– Tu vas mordre la poussière !

– Ehhh… On va voir ça.

 

======================

 

Étant assise depuis un bon bout de temps, je me lève et m’étire tandis que Kara termine d’éteindre son ordinateur. J’ai toujours les bras en l’air lorsqu’elle m’enlace par-derrière.

Les rabaissant, je viens placer mes mains sur les siennes alors qu’elle dépose des bisous dans mon cou. Penchant la tête pour lui laisser le champ libre, je la taquine :

– Mhh… C’est ça ta vengeance ? Parce que ça ne m’incite pas exactement à bien me comporter…

Plutôt que de répondre par la parole, elle remonte lentement ses mains, prenant mes seins au creux de ses paumes et…

– Ahhh !

Je fais volte-face pour trouver une Kara fière d’elle. Plissant les yeux, je connais la réponse, mais pose néanmoins la question :

– Je rêve ou tu viens de me pincer les tétons ?

Son sourire s’agrandit.

Et ça l’amuse en plus !

– Tu l’auras voulu !

Sans lui laisser le temps de réagir, je me jette sur elle, la pousse sur le lit et la chatouille !

Elle se défend comme elle peut, mais ce n’est pas facile alors qu’elle est à bout de souffle :

– Pause, pause !

Je m’arrête l’espace d’un instant, restant à cheval sur elle, un sourire victorieux aux lèvres :

– Tu t’excuses ?

Faisant la moue, elle rétorque :

– J’irais pas jusque-là…

J’ai à peine les mains en position « attention je peux recommencer » qu’elle change d’avis :

– Oh oui ! 100 % désolée !

Il est clair qu’elle n’est pas du tout sincère, mais ça me va !

Cette position me donne envie de l’embrasser, alors je me redresse. J’ai peur de m’habituer si l’on commence à faire des choses comme ça sans sexe derrière. Et ce ne serait pas bon.

Je m’imagine tout à fait me lever, tête dans les fesses et venir déposer un baiser sur les lèvres de Kara alors que mes colocs sont aussi à table…

Nope.

Ça ne se produira pas.

27 octobre 2019

Hors Limites - Partie 9

Fermant la porte derrière les derniers invités, je vais dans ma chambre et m’arrête net.

Hein ?

Pourquoi il y a deux personnes sur mon lit ? Elles n’étaient pas là tout à l’heure !

Comme si elle avait entendu la question que je viens de me poser dans la tête, Kara passe la tête à travers le chambranle et annonce :

– Elles ne se sentaient pas de rentrer, vu que ce sont tes amies je me suis dit que ça ne t’embêterait pas…

Ça m’embête.

Beaucoup.

J’ai zéro envie de m’installer à même le sol et le canapé est déjà occupé…

Semblant suivre le fil de mes pensées, Kara ajoute :

– Tu peux venir passer la nuit dans ma chambre.

Oh non.

Non non non.

Je sais très bien comment ça se déroulerait cette histoire-là !

– Nan c’est ok, je vais dormir ici.

Elle a l’air aussi dubitative que je me sens :

– Et où exactement ?

Faisant preuve d’une mauvaise foi qui ferait honneur à ma mère, j’invente, pointant les trois centimètres d’espace libre entre les deux :

– Là. Si je mets ma tête ici et mon bras comme ça… ça devrait le faire.

Malgré mon évident potentiel au Tétris humain, Kara me jette un regard peu impressionné et insiste :

– Naomi, viens dormir avec moi.

– Je suis pas sûre que ça soit une bonne idée Kara…

– Pourquoi ça ?

– La chambre de ton frère est juste en face ?

Pourquoi ce que je dis sonne comme une question ? C'est un fait, Aaron dort de l'autre côté du couloir !

– Et alors ? Tu penses qu’on va pas pouvoir se retenir d’avoir une partie de jambes en l’air bruyante et limite bestiale dans ma chambre ?

Je lui adresse un regard entendu, auquel elle répond en riant :

– Ok, je vois ton point… mais t’en fais pas, ça va le faire !

– Je te préviens, si je viens je n’ai pas l’intention de poser les mains sur toi avec lui à côté !

– Ok.

Je ne suis pas convaincue, mais les alternatives sont tout sauf plaisantes.

Soupirant, je la suis dans sa chambre, regardant avec appréhension la porte derrière laquelle son frère doit être en train de se préparer à dormir.

S’il nous surprend maintenant, on aura l’air hyper louches.

À peine suis-je rentrée que Kara tourne la clé dans la serrure et me pousse sur son lit.

Instinctivement, je recule et marmonne :

– On avait dit pas de sexe !

Sur le dos, je la regarde avancer à quatre pattes sur le matelas jusqu’à se retrouver au-dessus de moi. Me souriant, elle me lance :

– Non, tu as dit que tu n’avais pas l’intention de me toucher, mais je n’ai rien promis.

– C’était sous-entendu !

M’ignorant, elle soulève mon haut et commence à embrasser mon ventre.

Mon erreur numéro 1 est de la regarder, parce que du coup je n’ai pas du tout envie de l’arrêter. Mon erreur numéro 2 est de laisser s’échapper un son d’approbation.

Relevant les yeux, elle me sourit et m’embrasse, se reculant pour mordiller ma lèvre inférieure avant de chuchoter :

– Laisse-moi faire…

J’en ai envie.

Putain que j’en ai envie.

Mais j’ai déjà dépassé les limites que je m’étais fixées et ça le fait pas…

Plaçant mes paumes sur ses épaules, je secoue la tête et annonce :

– C’est pas une bonne idée.

– Pourquoi ?

Question pertinente s’il en est une.

La moitié du temps moi aussi je me demande. 

J’ai peur que son frère l'apprenne, qu’elle soit mal à l’aise, que ça aille trop vite, pire, qu’elle regrette :

– Je veux pas aller trop loin. J’ai déjà l’impression de dépasser les bornes.

Il est hors de question que je mette en péril notre amitié et pour ça, il faut qu’on s’entende sur la nature de ce qu’on fait. Et je ne parle même pas d’Aaron…

Son regard s’adoucit et elle replace une mèche de cheveux derrière mon oreille :

– Hey… je te le dirai si on en arrive là… mais j’ai vraiment, vraiment très envie de découvrir ces mêmes limites avec toi. Si tu veux bien ?

Découvrir ses limites ?

Comme… Une exploration sexuelle ?

Juste comme ça ? Passer du bon temps ensemble ?

Je marque une pause, histoire de réfléchir à la chose. Elle se contredit par rapport à la fois où elle m’avait annoncé que je l’attirais et qu’il n’était pas uniquement question d’explorer sa sexualité. Là, elle confirme que je ne suis qu’un plan cul pour elle.

Mais quelque part, c’est plus rassurant.

Elle m’apprécie, mais je ne suis pas sûre qu’elle serait tombée amoureuse de moi si l’on avait décidé de se mettre ensemble. Au moins, je sais à quoi m’en tenir. Pas de fausses promesses.

Je peux gérer (erreur numéro 3).

Les yeux dans les siens, j’acquiesce d’un hochement de tête.

Elle se redresse, retire fébrilement mon haut et mon soutien-gorge et m’observe me rallonger. 

Ma respiration, déjà rapide, s’accélère lorsqu’elle se débarrasse de ses propres vêtements, nous mettant sur un pied d’égalité.

À cheval sur moi, vêtue uniquement de sa jupe, Kara est superbe. Elle place ses mains sur mes côtes, avant de suivre le galbe de mes seins du bout des doigts pour finalement les prendre en main. Elle a le même regard intense que lorsqu’elle est à fond dans un jeu et je n’arriverai plus jamais à voir son stream de la même manière.

Elle masse ma poitrine et instinctivement, mon bassin se soulève, cherchant le contact.

Le mouvement attire son regard et elle fait sauter le bouton de mon jeans sans l’ombre d’une hésitation. J’aime les préliminaires, mais ça fait des heures, que dire, des semaines que j’ai envie d’elle et j’ai BESOIN qu’elle me touche. Mon impatience doit être contagieuse puisqu’à peine une seconde plus tard, elle se décale pour retirer tout ce que je porte en bas.

Ses yeux me parcourent et me dévorent littéralement. Sur le dos, totalement nue devant elle pour la première fois, je ne me sens pas vulnérable, mais désirée.

Elle se met à genoux pour se débarrasser de sa jupe avec urgence avant de se replacer au-dessus de moi, sans me toucher.

J’aime mieux vous dire que mes yeux ne perdent pas une miette de la scène…

Nos regards se croisent, se soutiennent avant qu’elle ne baisse la tête, capturant mes lèvres.

Son corps suit le mouvement au milieu d’un baiser dévastateur et je n’essaie même pas de retenir mon grognement d’appréciation au contact de sa peau. J’attends ça depuis une éternité, et mon imagination n’était clairement pas à la hauteur…

Sa jambe fait pression à la jonction de mes cuisses et elle détache ses lèvres des miennes, les joues rosies, le regard noir. Elle sait ce qu’elle me fait.

Nos souffles se mêlent et je frissonne en sentant ses doigts à l’intérieur de mon genou.

Gardant mes yeux dans les siens, j’écarte les cuisses, lui laissant la voie libre.

Elle remonte avec assurance et mes poings se referment sur les draps pour m’ancrer.

J’arrive pas à croire que c’est en train de se produire. À l’instant où ses doigts atteignent leur but, il paraît évident que je ne vais pas faire long feu.

Je scrute son visage à la recherche de la moindre hésitation ou d’un inconfort quelconque, prête à tout arrêter s’il le faut.

Tout ce que je j’observe, c’est la manière dont elle capture sa lèvre inférieure entre ses dents et ses yeux se ferment lorsqu’elle me découvre du bout des doigts.

J’essaie de la laisser dicter le rythme, de prendre mon mal en patience. Mais mon bassin a une autre idée à l’instant même où elle entre en contact avec mon clitoris.

Ses doigts sont légèrement tremblotants, mais elle est attentive à mes réactions. Elle paraît 100 % concentrée sur mon plaisir, cherchant la bonne pression, le meilleur angle…

J’ai l’impression d’être un instrument qu’elle tente d’accorder. Et elle est bien partie pour réussir à m’extirper quelques sons… Bizarrement, ça m’excite encore plus qu’elle soit prête à se lancer de la sorte, à apprendre par elle-même plutôt qu’à me questionner.  

Ne voulant pas être en reste, une de mes mains vient jouer avec sa poitrine tandis que l’autre se glisse derrière sa nuque afin qu’elle me regarde.

Kara me sourit avant de suivre la ligne de ma mâchoire du bout des lèvres tandis qu’elle continue. Je peux sentir qu’elle n’est pas entièrement sûre d’elle et je l’aide à trouver ce qui me plaît autant que possible avec le peu de capacités cognitives qu’il me reste.

Elle me plaît beaucoup trop pour que je sois en mesure de réfléchir…

Les premières vagues de mon orgasme me prennent totalement par surprise, et je dois me faire violence pour essayer de garder mon appréciation à un niveau sonore raisonnable. Je la serre contre moi alors que mes hanches ondulent sous sa main à la recherche de mon plaisir.

Ayant fini en deux minutes à tout casser, j’aurais probablement honte de ma « performance » si elle n’était pas si… elle.

Sa voix à mon oreille m’extirpe un énième frisson lorsqu’elle demande :

– Combien ?

Encore un peu à l’ouest, je me contente d’un simple « huh ? « auquel elle répond en venant placer un doigt à l’entrée de mon sexe, posant à nouveau la question :

– Combien ?

– De… deux.

J’ai à peine fini de prononcer qu’elle me pénètre sans concession.

Fuck !

Cette fois-ci, elle n’a pas marqué la moindre hésitation ! Je ne m’attendais pas à autant d’assurance, mais c’est putain de sexy.

Ses doigts sont légèrement plus gros que les miens et m’étirent délicieusement.

– Hmmm… Kara…

– On va avoir un problème…

Écarquillant les yeux, je suis prise d’un vent de panique et essaie immédiatement de la faire se retirer, ne voulant pas la mettre mal à l’aise.

– Tu peux arr-

Encore ramollie par mon précédent orgasme, je suis bien moins rapide qu’elle… Ainsi, avant que je ne l’atteigne, elle prend appui sur ses genoux pour s’emparer de mes poignets et les plaquer au-dessus de ma tête.

Totalement à sa merci, mes yeux viennent trouver les siens. Ses iris sont à peine visibles et ses paroles sont limpides :

– Tu piges pas… j’adore te sentir autour de mes doigts… bon courage pour me tenir à distance maintenant…

Je n’ai pas le temps de formuler une réponse qu’elle se met en mouvement.

Oh bordel…

Je fais de mon mieux pour continuer à la regarder, appréciant l’intensité dans ses yeux et la manière dont les muscles de son bras se contractent.

C’est clair qu’elle n’a jamais fait ça, l’angle n’étant pas parfait, mais au lieu de calmer mon excitation, ça a l’effet inverse. Ce qui lui fait défaut en connaissances, elle compense en enthousiasme et attention prêtée à mes réactions.

Une chose est sûre, elle apprend vite.

Lorsqu’elle trouve mon point G en fléchissant les doigts, elle répond à la contraction involontaire de mon corps par un sourire plein de promesses, satisfait.

Ça marque le début de ma fin.

Relâchant mes poignets, elle s’abaisse, adoptant un angle plus confortable pour son bras, et vient le frapper à chaque va-et-vient.

Encore.

Et encore.

Et encore.

Ses cheveux chatouillent mes côtes et nos poitrines bougent à l’unisson sous la force de ses mouvements.

Ce n’est pas doux, pas tendre.

C’est Kara qui prend ce que je lui ai refusé pendant trop longtemps.

C’est moi qui me donne.

Ça ressemble à un rêve fiévreux.

Il n’est pas question de retenue. Elle me touche avec intensité, sans que j’aie besoin de lui dire ce que je veux. Je subis le rythme quasi brutal qu’elle impose et qui me fait me sentir totalement possédée.

Lorsqu’elle ajoute une nouvelle stimulation clitoridienne, j’abandonne tout contrôle et attrape le coin du coussin pour étouffer mes gémissements alors que mon plaisir s’accentue.

Mon bassin vient rencontrer ses doigts à mi-chemin et je sens la manière dont je me contracte autour d’elle, cherchant la satisfaction.

Nos corps bougent à l’unisson, se reculant pour mieux se retrouver, jusqu’à ce que je bascule.

Perdant le rythme, un son étranglé m’échappe et je me fige alors que le plaisir me gagne. Kara continue, inflexible, jusqu’à être sûre d’avoir tiré de moi tout ce qu’elle pouvait, mon corps retombant sur le lit comme une poupée de chiffons.

Elle s’allonge à mes côtés la tête sur mon épaule et restant en moi :

– Ça va ?

Reprenant mon souffle, j’enroule un bras faiblard autour d’elle et rétorque :

– Je te dirais ça dès que je me souviens comment je m’appelle…

Je sens son rire avant de l’entendre. Tournant la tête pour la regarder, je demande :

– Toi ça va ?

Elle m’adresse un sourire timide, déposant un baiser sur mes lèvres avant de dire :

– Je sais pas si... enfin… comment j’ai été, mais… ça m’a vraiment plu…

Plutôt que de répondre verbalement, je nous fais rouler, me retrouvant à cheval sur elle avant de me pencher pour l’embrasser. Me reculant et plaçant mon front sur le sien, je lance dans un sourire :

– Mhhh. Je sais pas trop quoi en penser, faudrait recommencer pour voir…

Souriant, elle fait bouger les doigts toujours à l’intérieur de moi et annonce :

– À votre disposition madame !

 

====================    

 

L’espace d’un instant, je n’ai aucune idée de l’endroit où je me trouve. Frottant mes yeux, je me tourne et tout me revient. Kara est nue à mes côtés et l’agréable sensation de satiété entre mes cuisses m’indique qu’il ne s’agissait pas d’un rêve.

Déposant un baiser sur son épaule, sa réponse n’est pas celle espérée :

– Nhhh. Va t’en !

Ça me fait rigoler et je persévère, recommençant et lançant :

– Kaaaaraaaa. Debouuuut.

– Nan !

Se dérobant à mes baisers, elle enroule ses bras autour de son oreiller et entreprend de se réinstaller.

Me penchant, je chuchote à son oreille :

– Karaaaaa. Tu veux pas passer du temps avec moi ce matin ?

– Nan.

Sa réponse me fait sourire et me donne envie de continuer à la taquiner :

– Une nuit et déjà le romantisme est parti.

Elle a beau la grommeler, sa phrase est très claire :

– Si t’en veux, t’as qu’à me ramener le petit déjeuner au lit, ça c’est romantique non ?

J’éclate de rire, ne m’attendant pas du tout à ça :

– Désolée, mais ça ne va pas être possible. Ton frère se poserait beaucoup trop de questions. Je ne sais déjà pas comment lui annoncer que…

Grognant, elle roule sur le dos et place une main devant sa bouche pour bâiller, avant d’annoncer :

– Y a rien à dire.

Outch.

Ce n’est pas exactement la chose que j’avais envie d’entendre dès le réveil. Ce n’est que du sexe et je ne m’imaginais pas qu’elle allait me déclamer une tirade amoureuse, me décrivant comment j’ai changé sa vie, mais là… c’est direct…

Au moins, je sais à quoi m’en tenir.

Secouant la tête de dépit et ravalant ma fierté, j’opte pour un changement de sujet :

– Tu peux me prêter des habits ? Du genre dans lesquels j’aurais pu dormir, j’ai oublié d’en prendre hier soir.

Acquiesçant, elle se redresse lentement, se dirige vers sa commode, farfouille quelques instants avant de me lancer un short et un T-shirt de la plateforme de streaming, avec son pseudo floqué à l’arrière.

Je m’installe au bord du lit et enfile rapidement ce qu’elle m’a donné. Kara se glisse dans mon dos et dépose des baisers dans mon cou, me murmurant :

– J’aime voir mon nom sur toi…

Je ne comprends pas les signaux contradictoires qu’elle m’envoie, n’ai aucune idée de comment me comporter et ça me met hyper mal à l’aise… Une minute elle me balance une horreur comme si de rien n’était, celle d’après quelque chose de limite mignon.

Tournant la tête, je dépose un baiser sur ses lèvres avant de me redresser pour quitter la pièce, lui adressant un petit sourire au passage. Fort heureusement, mes amies ont déjà évacué les lieux au moment où j’arrive dans ma chambre. C’est déjà ça.

J’ai besoin d’un moment pour moi. J’ai du boulot qui m’attend, va falloir ramasser et trier les morceaux de ma dignité…

Mes doigts jouent machinalement avec le bas du maillot qu’elle m’a prêté. Je suis totalement paumée. Je me sens utilisée. J’ai peut-être fait une connerie. 

– Fait chier !

Je sais pas ce qui est le pire : avoir trahi mon ami en craquant, me faire nonchalamment jeter comme une crotte dès le lendemain, ou n’être même pas sûre de regretter pour autant. 

Elle m’a dit qu’elle avait aimé, alors pourquoi cette réaction ?

Vraisemblablement, elle était plus curieuse que bi, mais je pensais qu’il était question d’explorer cette curiosité justement, trouver ses limites ou je ne sais pas quoi ?

J’aurais dû être plus méfiante, je l’ai senti venir à des kilomètres…

 

====================

 

Perceuse en main, je fais un trou dans le mur avant d’y glisser une cheville.

Je suis dégoûtée.

J’attrape les supports et les mets en place, vissant rageusement et ruinant à moitié le pas de la vis.

D’un côté j’ai envie de savoir, de l’autre, j’ai peur de la réponse.

M’emparant de la tringle, je l’installe, descends du bureau et observe mon travail.

Mhh. Ça fera l’affaire.

Sans regarder, je tire le rideau d’un seul coup.

M’asseyant sur mon fauteuil, j’ai à peine les fesses en place que ma jambe se met à gigoter.

Kara est dans sa chambre avec Mathieu, son « ami ».

L’ironie, c’est que même si elle n’est plus d’actualité, j’avais indiqué qu’elle pourrait voir qui elle veut avec cette stupide règle N° 2.

Plus j’essaie de ne pas y penser, plus ça m’obsède.

Et au lieu de la confronter en lui demandant s’ils couchent toujours ensemble, je suis partie au magasin de bricolage le plus proche pour faire l’acquisition d’un rideau et sa tringle…

S’il y a un mot pour me décrire, il commence sûrement par P et se termine par itoyable…

Ça fait deux jours que je suis peu à la maison et je sais qu’elle a remarqué que je l’évite. Disons que la fréquence avec laquelle je dois sortir des excuses me pousse à un certain niveau de créativité, inversement proportionnel à ma crédibilité… Par exemple, hier à 20h, alors que j’étais sur le canapé et que Nathan est parti à la douche, je n’ai pas pu lui parler, car je venais de me rappeler qu’il fallait absolument que je me fasse un masque à l’aloe vera…

Voilà voilà.

Bref.

Je ne suis pas fâchée contre elle, on ne s’était rien promis et j’ai bien l’intention de me comporter en amie. Mais aussi moche que ça soit, c’est surtout une réaction d’orgueil. Quand elle m’a parlé de « chercher ses limites », je me suis directement imaginé plein de choses et même si ce n’est pas justifié, je me sens… lésée ? Trompée ? J’ai l’impression de m’être faite avoir, qu’elle a pris ce qu’elle voulait et jeté le reste.  Pour ma part j’ai dépassé la limite qui m’était imposée et me sens bête.

Maintenant que je ne peux plus la voir à l’instant où je lève les yeux alors que je suis au bureau, peut être que je vais enfin pouvoir travailler. J’ai encore trois costumes à finir de retoucher pour une pièce qui débute la semaine prochaine !

Et puis de toute manière, c’est sûrement mieux comme ça. J’ai craqué, on l’a fait, je vais pouvoir passer à autre chose. Je n’ai plus qu’à apprendre à vivre avec mon affreux sentiment de culpabilité envers Aaron.

C’est juste un coup de cœur. Je n’ai pas pu résister parce que je fantasmais sur elle depuis longtemps, mais ça va me passer ! Je peux l’oublier et retourner à ma petite vie. D’ailleurs, c’est ce que je vais faire dès maintenant !

Satisfaite de ma nouvelle résolution, j’attrape le premier vêtement, prête à me mettre au travail.

La seule indication que plusieurs heures se sont écoulées est la tension qui a fait son apparition dans mon cou et mon pouce douloureux à force de tenir les ciseaux.

Aaron toque bruyamment à la porte de ma chambre, me faisant sursauter au passage, et parle à travers le bois :

– Naomi, t’as 10 minutes devant toi ?

Qu’est-ce qu’il me veut ? J’ai vraiment tenté de résister et c’est parce qu’elle n’a pas lâché l’affaire que j’ai fini par craquer. Alors elle n’a pas intérêt de m’avoir balancée ! Sinon je mets fin à ses jours et espère que ça passera en crime passionnel.

– Euh. Oui…

J’ai à peine eu le temps d’acquiescer que Kara rentre dans la pièce, se retourne pour remercier/congédier son traître de frère et annonce :

– Il faut qu’on parle !

Et merde. Faisant mine de me focaliser sur le placement de mon épingle, je lance d’un ton nonchalant :

– Pas maintenant Kara, je suis occupée.

– Tu viens de dire l’inverse à Aaron ! Il faut qu’on parle.

Soupirant, je prends une seconde pour me composer avant de lever un regard agacé dans sa direction :

– Je croyais qu’il n’y avait rien à dire ?

Je ponctue ma remarque d’un sourire mauvais qui aura le mérite de la faire réagir. C’est bas, mais ça m’énerve qu’elle ne respecte pas mon envie d’avoir la paix alors que j’accepte son choix.

Elle fronce les sourcils, ferme la porte à clef et s’approche de moi d’un pas décidé.

Plaçant ses mains sur ses hanches, elle demande :

– Qu’est-ce que c’est supposé vouloir dire ?

Ouh, madame n’aime pas quand les choses ne vont pas dans son sens ? Pas de chance !

Laissant un sourire narquois se glisser sur mes lèvres, je rétorque d’un air provocateur :

– À toi de me le dire…

Elle passe une main agacée dans ses cheveux, mettant à mal sa coiffure avant de prendre la parole d’un ton décidé :

– Ok stop. Je veux pas rentrer dans ce jeu. Pourquoi tu m’évites et agis comme ça ?

Le culot ! Me levant, je m’approche d’elle et suis claire cette fois :

– Ce matin-là… tu m’as déclaré qu’il n’y avait rien à dire. J’ai compris le message. On en reste là. De rien.

J’ai envie d’ajouter que je reviendrais vers elle d’ici quelques jours, qu’on est toujours « amies », mais ça équivaudrait à admettre que ça me touche et que j’ai besoin de ce temps mort. Or ça, c’est hors de question.

Kara plisse les yeux et fronce les sourcils, apparemment perplexe :

– Mais de quoi tu parles ? J’ai dit ça par rapport à Aaron ! Je ne vois pas l’intérêt de lui faire un rapport détaillé de ce qui ne le regarde pas alors même qu’on ne sait pas où ça va nous mener. C’est si déraisonnable que ça ?

Minute…

Elle ne m’a pas jetée comme une patate chaude ? Elle veut continuer ?

Je déteste la manière dont une vague d’espoir me gagne, façon tsunami.

Mettant apparemment trop de temps à répondre à son goût, elle reprend :

– Si ça te fait plaisir, on va lui dire dès maintenant ! Je ne comprends pas, je pensais que tu ne voulais pas qu’il se passe quelque chose par respect pour lui et que tu serais contente qu’il ne l’apprenne pas dans la seconde !

Alors qu’elle fait volte-face, certainement dans l’idée d’aller faire exactement ce qu’elle vient d’évoquer, je m’empare de sa main pour la retenir et demande :

– Donc… il y a des choses à dire… juste pas à Aaron ?

Au ton de ma voix, il est clair qu’il va falloir qu’elle réponde à cette question avec les pincettes nécessaires pour ménager mes insécurités.

Plaçant sa paume contre ma joue, elle s’avance pour déposer un chaste baiser sur mes lèvres, répondant sans ambiguïté :

– Bien sûr qu’il y en a. Tu me plais vraiment.

Je l’attire toujours. Ma « performance » n’a pas changé ça.

Suspicieuse, il me faut une clarification complémentaire :

– Et Mathieu ?

Elle grimace et j’ai peur qu’elle ne m’avoue ce que je crains, terminant d’achever mon amour-propre :

– Il est possible que son opinion de toi ait pris un gros coup…

– Comment ça ?

Je fronce les sourcils. Elle a été lui raconter ? Qu’est-ce que ça peut lui foutre ?

Kara hausse les épaules et m’explique :

– J’ai passé les derniers jours à me demander pourquoi tu agissais comme ça… Et j’ai vu deux conclusions possibles : soit tu regrettais, soit tu avais eu ce que tu voulais…

Elle baisse la tête après son admission et une partie de moi a envie de s’offusquer qu’elle ait pu penser ça. Mais l’autre partie, celle qui a conscience que l’hypocrisie n’est pas exactement une qualité, sait que j’ai suivi la même logique…

Malgré tout, je ressens le besoin d’en être 100 % sûre :

– Donc vous n’avez pas… ?

Elle lève les yeux au ciel en souriant :

– Non Naomi, on n’a pas…

Machinalement, je glisse ma lèvre inférieure entre mes dents, la mordillant pour cacher ma joie. Étonnamment, ce n’est apparemment pas en montant cette tringle que j’ai atteint le paroxysme du ridicule… J’ai passé tellement de temps à me dire qu’elle était hétéro et que ça ne pourrait jamais être plus qu’un coup d’un soir que j’ai fini par m’en convaincre on dirait…

Elle s’approche encore, jusqu’à venir coller son front au mien :

– On est ok ?

– On est ok.

Le regard brillant, elle me lance :

– Prouve-le.

Souriante, je place mes mains sur ses hanches, l’attire à moi et capture ses lèvres des miennes.

Kara n’hésite pas un seul instant à retourner mon baiser, laissant s’échapper des petits sons de contentement.

Dire que j’ai failli tout faire foirer parce que j’ai mal interprété ses propos et ne l’ai pas laissée s’expliquer.

Sa langue vient à la rencontre de la mienne et si je m’écoute, je la plaque contre le lit et rattrape le temps perdu.

D’ordinaire, si ça ne le fait pas je passe à autre chose sans problème, mais je ne pense pas que ça aurait été si simple avec elle. J’ai été naïve de croire que je pourrais me contenter d’une seule fois, j’en veux plus et l’intensité de ma réaction en est la preuve.

Maintenant arrive le plus dur : ne pas oublier les limites de notre deal. Je dépasse déjà les bornes vis-à-vis d’Aaron, il faut que je garde en tête qu’il s’agit d’une relation qui n’est que purement charnelle entre Kara et moi.

 

23 octobre 2019

Hors Limites - Partie 8

Les premiers invités devraient arriver d’ici 20 minutes et je suis déjà opérationnelle. Être stressée me rend étonnamment efficace. Peut-être que j’aurais dû aller chercher les ballons que les deux autres pingouins ont oubliés à la place d’Aaron ? J’espère qu’il sera de retour à temps. Je ne comprends pas pourquoi ça lui tient tant à cœur que la décoration soit comme il l’avait imaginée, mais c’est aussi cette « implication » qui fait de lui un bon ami.

En attendant, mon maquillage est impeccable, ma tenue simple, mais mettant en avant ma silhouette. Je suis aussi prête que je peux espérer l’être. Je ne suis pas du genre à aimer l’attention alors savoir que ces personnes seront là pour fêter mon anniversaire me rend un peu anxieuse. Avec un peu de chance, pas assez pour m’empêcher de passer une bonne soirée.

Nathan apparaît dans le chambranle de la porte et s’avance vers moi :

– C’est l’heure.

Fronçant les sourcils, j’entreprends de le corriger :

– De quoi ? Personne ne devrait arriver avant au moins 20 minutes.

– Ton autre cadeau.
Mon attention est définitivement piquée. Je ne vois pas pourquoi Kara a ressenti le besoin de me prendre quelque chose de plus, elle en a déjà bien assez fait !

– Tu sais de quoi il s’agit ?

– J’ai ma petite idée, mais rien de sûr. D’ici là, ferme les yeux.

Je fronce les sourcils sans m’exécuter, n’aimant pas ça. N’étant pas en permanence l’être le plus agréable qui soit, baisser ma garde n’est pas une bonne idée si je ne veux pas me retrouver avec de la mousse à raser dans le slip ou je ne sais quelle autre « bonne blague ».

Toujours patient, Nathan se contente de me rassurer d’un ton doux :

– Naomi… Joue le jeu, je crois que ça en vaudra le coup.

– Mhh.

De mauvaise grâce, je m’exécute et l’entends dire à Kara qu’elle peut venir.

Je meurs d’envie de regarder. Rien qu’un peu.

Visiblement capable de lire dans mes pensées, je me fais reprendre avant même d’avoir commencé :  

– Tssst, garde-les fermés.

Elle m’enroule un bandeau autour des yeux et je l’entends fermer la porte.

Qu’est-ce qu’elle fabrique ?

J’aime pas ça !

– Ça y est, je peux regarder ?

– Patience…

La patience j’en ai, mais je m’en sers jamais…

Elle s’approche de mon bureau, trafique je ne sais quoi puis va se poster dans mon dos.

– J’ai mis ta chaise derrière toi, installe-toi.

Mon premier instinct est de discuter et refuser de m’exécuter, mais j’ai plus envie de savoir ce qu’est mon cadeau que d’être pénible.

Tâtonnant, je m’assieds et tourne la tête dans la direction où je pense qu’elle se trouve.

Elle prend la parole d’un ton doux :

– J’ai bien réfléchi et t’as raison.

Plaisantant, je demande :

– C’est ça mon cadeau, une reconnaissance écrite ?

– Nhh Nhhh.

– Il va falloir que tu précises à quel sujet alors, parce que « t’as raison » pourrait porter sur absolument tout ce que je dis !

Je ponctue ma phrase d’un sourire arrogant, fière de moi. Ne relevant pas, elle m’indique :

– L’autre jour, dans ta chambre quand on s’est… Expliquées.

– Ah.

 – J’ai eu tort. J’ai trop vite abandonné.

Elle marque une pause et j’en profite pour digérer ce qu’elle vient de me dire. Où elle veut en venir ?

– Tu peux retirer ton bandeau.

Je m’exécute sans attendre et la découvre debout devant moi, avec un manteau coupe-vent, pas vraiment adapté à la saison. Elle va sortir ?

Me souriant, elle se penche pour lancer quelque chose sur sa tablette. Une musique lente, sensuelle et avec des basses très présentes se fait entendre.

– Vois ça comme ma manière à moi de te prouver que je n’ai pas changé d’avis et que j’ai appris ma leçon.

Elle place ses bras en arrière et fait tomber son manteau d’un mouvement des épaules.

Je comprends soudainement en quoi consiste mon cadeau. Et j’ai fait une promesse, mais ça ne se fait pas de refuser un cadeau hein ?

Va peut-être me falloir de la ventoline pour survivre, je crois que je suis en train de développer de l’asthme…

Elle porte des talons aiguille, une jupe rouge moulante qui lui arrive au-dessus du genou et un chemisier en soie noir, les deux premiers boutons étant ouverts.

Je ne cache pas mon appréciation de son choix vestimentaire et sais que je suis grillée lorsqu’un sourire satisfait vient se glisser sur ses lèvres. C’est probablement la première personne chez qui une attitude limite arrogante me fait de l’effet.

Ses cheveux sont attachés dans un chignon parfaitement réalisé qui lui donne un air plus froid que d’ordinaire. Elle s’avance lentement dans ma direction, ses talons claquant contre le parquet.

Il n’y a pas de doute, je suis la proie.

Elle se penche jusqu’à être légèrement plus haute que mon visage, m’offrant une vue plongeante sur ses attributs.

Je vais jamais tenir le coup.

Un sourire aux lèvres, elle place un doigt sous mon menton pour m’inciter à croiser son regard :

– Souviens-toi Naomi… On ne touche qu’avec les yeux.

Se redressant, elle s’arrête pour m’observer par-dessus son épaule et lancer :

– Cependant, on pourra évoquer un changement de règles après ça. Maintenant, profite.

Toujours de dos, ses hanches se mettent à onduler en rythme avec la musique, ses bras se levant de part et d’autre de sa tête.

Je suis ses mouvements, comme hypnotisée, ne sachant pas où poser mon regard, mais ne voulant pas en manquer une miette.

Elle se retourne et me sourit lentement, portant ses mains sur les boutons de son chemisier, en défaisant deux de plus, avant d’écarter le tissu avec nonchalance, exposant une partie de son soutien-gorge noir. De ce que j’en vois, c’est un modèle avec de la dentelle, légèrement push-up et globalement très mauvais pour mon self-control.

Levant une main, elle défait son chignon, laissant ses cheveux cascader sur ses épaules et passant ses mains dedans tout en continuant à danser.

Ses doigts vont jouer avec la fermeture éclair de sa jupe, placée sur le côté, la baissant. J’attends que le tissu tombe, de découvrir ses jambes, mais la matière est moulante et légèrement élastique, ne bougeant pas d’un poil.

Les yeux amusés de Kara viennent croiser les miens alors que je n’arrive pas retenir un petit grognement de déception. C’était clairement délibéré.

Elle se retourne, s’assied dos à moi sur mes genoux et place sa tête en arrière sur mon épaule. Sa main gauche se glisse dans ma nuque alors qu’elle presse ses fesses contre moi en arc-boutant le torse, m’offrant une vue plongeante dans son décolleté. Mes doigts serrent le dossier de la chaise et me retenir de la toucher me demande une énergie dingue.

Les lèvres de Kara frôlent mon oreille alors qu’elle me murmure :

 – J’espère que tu n’es pas sur le point de craquer, j’en ai pas fini avec toi…

Elle ponctue sa phrase d’un petit coup de langue à proximité de mon lobe... S’il y avait un caricaturiste dans la pièce, je suis quasi sûre qu’il me dessinerait en forme de cocotte-minute prête à imploser !

Me mordant la lèvre inférieure en fermant les yeux, j’essaie de garder un semblant de contenance, même si elle ne me rend pas la tâche facile.

Si elle continue comme ça, je sais ce qui va finir : le cycle de vie de mes sous-vêtements !

Elle se relève, se penche en avant, place ses mains sur ses hanches et baisse lentement sa jupe.

Regarde pas, regarde pas, regarde pas.

Je peux pas m’en empêcher, je regarde.

Je commence par le bas, où elle porte des bas et un porte-jarretelles.

Oh.

Mon.

Dieu.

Je ne suis pas croyante, mais ce serait un coup à le devenir !

Ses fesses sont sublimes, mises en valeur par un tanga, et je m’efforce de ne pas porter mon attention sur ce que la bande de tissu dissimule plus au sud. Je n’arrive absolument pas à détacher mes yeux de ses fesses. C’est physiquement impossible.

Se débarrassant du vêtement à ses pieds d’un mouvement de talon aiguille, elle se retourne pour me faire face.

Maintenant qu’elle n’est plus dans sa jupe, sa chemise est pile assez longue pour me laisser entrevoir un bout de sous vêtement, mais c’est tout. Combiné aux bas, c’est la chose la plus sexy qu’il m’ait été donné l’occasion de voir.

Je parcours avidement sa silhouette, de ses jambes musclées à son décolleté pour enfin arriver à son visage.

Soutenant mon regard, elle s’installe à cheval face à moi et en temps normal je m’inquièterais de savoir si ma chaise peut supporter nos deux poids combinés. Mais pour le coup, il pourrait y avoir un tremblement de terre de niveau 7 sur l’échelle de Richter que je ne le remarquerais probablement pas…

Son bassin suit toujours le rythme de la musique et lorsqu’elle place ses bras sur mes épaules comme je lui ai fait lors de la fameuse soirée, je comprends mieux sa douleur. Je n’ai pas DU TOUT envie que ça s’arrête. Serrant ses cuisses au niveau de mes hanches, elle se penche en arrière et termine de déboutonner son chemisier. Ma respiration s’interrompt alors qu’elle joue avec les pans du vêtement, les écartant petit à petit jusqu’à laisser faire la gravité, se dévoilant.

Ses abdos sont semi-contractés et je crève d’envie de les parcourir de mes lèvres, concentrant mon attention dessus. Je suis bien vite rappelée à l’ordre par Kara qui se redresse, plaçant sa poitrine à quelques centimètres de ma tête. Pendant une seconde, je m’attends à recevoir le « baiser de la stripteaseuse », mon visage entre ses seins, mais elle opte pour autre chose.

Tenant une manche de sa chemise dans chaque main, elle me passe le vêtement à l’arrière de la nuque, se servant de ce nouveau point d’ancrage pour desserrer ses jambes et onduler plus librement…

Gulp.

J’ai besoin d’une pause.

Mes doigts sont en train de cramper tellement je serre fort la chaise. C’est la seule chose qui me retient de la peloter comme jamais.

Mais honnêtement, qui pourrait faire mieux à ma place ?

Kara est à cheval sur moi, en train de me faire une version de lap dance, vêtue uniquement de lingerie, bas, porte-jarretelles et talons aiguille. Au point où j’en suis, le fait que j’arrive toujours à prendre une respiration sur deux est un succès.

Profitant d’un ralentissement dans la musique, elle se relève, non sans frôler mon visage de sa poitrine.

Si je n’avais pas autant été sous son charme, j’aurais pu réagir à temps pour pencher la tête et en profiter…

Tout en dansant, elle défait une à une les attaches maintenant l’un des bas.

Elle glisse une jambe entre les miennes, que j’écarte sans hésiter. Kara place son pied sur mon épaule, prenant soin de ne pas me faire mal avec le talon et lance :

– Tu m’aides ?

Ma prise mortelle sur la chaise se relâche, mais je n’ai pas le temps d’amener mes mains au bas qu’elle fait non de la tête.

– Tsk tsk… Pas comme ça…

Elle prend davantage appui sur mon épaule et je réalise que le bas est très proche de mon visage. Ce n’est pas la seule chose qui est proche, mais ça j’essaie de faire abstraction pour éviter une combustion spontanée.

Je sens le poids de son regard alors que j’attrape le tissu entre mes dents, la laissant s’éloigner pour l’abaisser. Une fois arrivée au niveau du genou, elle se recule, place le bout de sa chaussure entre mes cuisses et descend le restant du chemin comme si elle se déshabillait sans que je sois là. Elle fait de même avec l’autre côté, s’en chargeant toute seule.

Se replaçant face à moi, elle m’adresse un regard sulfureux avant de tomber à genoux devant moi.

Instinctivement, je serre les jambes, me sentant vulnérable alors même que je suis toute habillée.

Un sourire amusé se dessine sur ses lèvres alors qu’elle pose ses mains sur mes genoux, avant de glisser les paumes vers l’intérieur et écarter mes cuisses.

Mon souffle marque une pause et reprend rapidement, alors que je prends appui sur le dossier de la chaise, m’y accrochant comme si ma vie en dépendait.

Kara remonte lentement ses mains à l’intérieur de mes cuisses et je ne bouge pas d’un poil. Rester comme pétrifiée est la seule manière pour moi de me retenir de lui sauter dessus. Si je fais le moindre mouvement, on va finir à même le sol de ma chambre et rater l’intégralité de la fête, c’est moi qui vous le dis.

Elle s’avance, son visage n’étant plus qu’à quelques centimètres de mon entrejambe et vient croiser mon regard. M’adressant un sourire tout sauf pur, elle se relève, me frôlant de son corps.

Alors que je m’apprête à demander grâce, la musique s’arrête.

La « torture » est terminée. Un soupir de soulagement s’échappe de mes lèvres alors que mon corps évacue une partie de la tension accumulée.

Kara ne rate pas ma réaction et se permet même un petit rire en me voyant étirer mes mains.

– Ça t’a plu ?

Plutôt que de répondre immédiatement, je laisse mon regard la parcourir. Ne dissimulant rien de ce que j’ai envie de lui faire, mes yeux terminent leur course dans les siens.

– Deux minutes de plus et ça aurait été la mort la plus plaisante qui soit...

Soudainement timide, elle se penche pour ramasser ses vêtements et même si ses cheveux dissimulent partiellement son visage, il est évident que ma réponse lui convient tout à fait.

– Tant mieux. C’était une décision de dernière minute alors j’ai improvisé !

Haussant les sourcils, je demande d’un ton à la fois étonné et dubitatif :

– T’avais jamais fait ça avant ?

Elle baisse la tête pour regarder ce qu’elle fait en boutonnant sa chemise et répond :

– Non, mais je crois que je ne m’en suis pas mal tirée.

Doux euphémisme s’il en est un. Honnêtement, si elle se jetait sur moi à cet instant, il n’y a pas moyen que je lui refuse quoi que ce soit.

Aaron qui ?

– Même mieux que ça…

Incapable de me retenir, je l’observe enfiler sa jupe, glisser les bas dans la poche de son manteau et remettre ses talons.

Elle s’approche de moi, toujours tremblotante sur ma chaise, place une main sur mon épaule et dépose un baiser sur ma joue :

– Je retourne dans ma chambre cinq minutes, avant que les invités n’arrivent. Encore joyeux anniversaire.

N’attendant pas de réponse de ma part, elle déverrouille la porte et quitte la pièce.

Mes jambes sont en guimauve, j’ai chaud comme pas permis et je sais quelle « agréable » sensation m’attend au niveau de l’entrejambe à l’instant même où je vais bouger. Et je suis supposée être présentable et capable de me tenir convenablement d’ici… Oui c’est ça, d’ici 10 minutes.

Nickel. Ça va le faire.

Je gère.

Me levant, je me dandine jusqu’à ma commode avec la démarche chaloupante d’une cowgirl en fin de rodéo. J’y attrape de nouveaux dessous, verrouille la porte et entreprends de me changer.

Comme on pouvait s’y attendre, je n’ai plus qu’à brûler ma culotte parce qu’elle est clairement irrécupérable. L’espace d’un instant, je m’autorise à me poser une question elle aussi « hors limites » : est-ce que ça a eu le même effet sur elle ?

Est-ce qu’elle a aimé se dévêtir pour mon bon plaisir ?

Quelque part, j’espère, parce que je ne dirais pas non pour y avoir à nouveau droit.

Un sourire gagne mes lèvres avant que je ne me reprenne en main.

Je n’ai aucune idée de comment je suis supposée survivre à cette soirée.

 

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– Naomi ? Tu m’écoutes ?

– Hein ? Oui bien sûr !

J’adresse un vrai faux-sourire à mon interlocuteur, n’ayant aucune idée ce qu’il vient de dire. J’ai l’impression de snober ma propre fête...

De l’autre côté de la pièce, Kara est en train de danser. Non seulement c’est distrayant de base, mais ça me rappelle ce qu’il s’est passé dans ma chambre, même si ses mouvements ne sont pas suggestifs. Sentir le poids de son regard sur moi n’aide pas non plus. Ses yeux m’adressent des messages équivoques et si j’ai un jour entretenu l’espoir d’être en mesure de lui résister, j’ai compris que c’est perdu d’avance. Peut-être que je pourrais craquer, rien qu’une fois, comme ça ça ira mieux. La sortir de mon système.

Il ignore ma réponse, souffle et s’éloigne.

J’avoue, je mets bien trois minutes à le remarquer.

Il me faut un remontant. Je me dirige vers Nathan, actuellement affairé derrière le bar.

– Hey. Tu me fais un petit cocktail ?

– Oui, qu’est-ce qui te tente ?

– J’aime tout, fais-toi plaisir !

Son regard est accaparé par quelque chose (ou plus vraisemblablement, quelqu’un) de l’autre côté de la pièce alors qu’il prépare mon verre, tant est si bien qu’il finit par en renverser une partie. Pourquoi ça ne m’étonne pas ?

– Merde ! Tu peux aller me chercher une serviette dans la salle de bain stp ?

Ça me paraît exagéré, étant donné que c’est épongeable avec quelques essuie-tout en papier, mais soit. Ça me permettra de souffler un peu.

Arrivée à deux pas du miroir, j’entends la porte se fermer et se verrouiller derrière moi. Ça me fait penser à tout un tas de films d’horreur et aucun n’a bien fini !

Mauvaise idée mon pote, tu ne sais pas à qui tu as affaire...

Un frisson d’effroi me parcourt et à l’instant où je sens des mains sur mes hanches, j’entre en action. Me retournant, je plaque la personne contre le mur, mes paumes au niveau de ses clavicules.

Je me détends en découvrant le visage étonné de Kara.

Le cœur battant, je viens poser mon front contre le sien, relâchant un souffle que je n’avais pas conscience d’avoir retenu.

– Tu m’as fait peur !

– Désolée.

On reste comme ça, à respirer le même air, sans bouger.

La bouche soudainement sèche, j’essaie de me raisonner :

– Nathan m’attend.

Kara glisse son index dans l’un des passants de mon pantalon et tire jusqu’à coller mon bassin au sien.

Plaçant ses lèvres à proximité de mon oreille, elle murmure :

– Tu sais bien que non.

Je me disais justement que c’était bizarre comme demande !

Elle attrape mon lobe entre ses dents, glissant une main sur ma fesse pour m’attirer plus à elle. Je ne sais pas quoi faire. Clairement, il me manque environ 99,99 % de la motivation nécessaire à l’arrêter, mais je n’imaginais pas craquer dans des conditions pareilles.

En attendant, je reste immobile, à frissonner sous ses attentions, la respiration saccadée.

Et puis merde.

Sans perdre un instant de plus, je glisse mon visage au creux de son cou et embrasse la peau que je trouve. Elle pose son autre main à plat dans mon dos, m’encourageant d’une pression ininterrompue. Kara penche la tête sur le côté et légèrement en arrière, me donnant un accès total. Je continue, excitée par la manière erratique dont son cœur bat sous mes paumes.

Ça y est.

J’ai craqué.

Peut-être que si je me laisse aller, rien qu’une fois, j’arriverai à la sortir de mon système… 

Je marque une pause le temps de lui faire part d’un choix :

– Si tu ne veux pas que notre première fois soit dans cette salle de bain, c’est maintenant qu’il faut m’arrêter.

Plutôt que de faire ça, elle s’empare de mes poignets et descend mes paumes jusqu’à sa poitrine.

Il me faut bien une seconde pour réaliser. À l’instant où c’est fait, j’ouvre les vannes. Trop tard pour reculer maintenant.

Je fléchis les doigts en même temps que mes dents se referment à la jonction de son épaule et son cou, pas assez pour lui faire mal, mais suffisamment pour qu’elle ait conscience de la possession dans mon geste. Immédiatement, elle répond en s’arc-boutant dans mes mains, plaçant les siennes sur mes hanches.

Je prends mon temps pour découvrir ses seins, sentant ses tétons au creux de mes paumes même à travers les deux couches de tissu qui les recouvrent.

J’ai envie de sentir sa peau, de l’avoir nue sous moi, mais ce n’est ni l’endroit ni le moment.

Elle sort sa chemise de sa jupe et la soulève, ne prenant pas la peine de défaire les boutons. Je glisse un bras dans son dos et dégrafe son soutien-gorge, le décalant vers le haut sans ménagement et sans même avoir apprécié la vue.

Je me penche immédiatement, prenant une des pointes érigées dans ma bouche tandis que ma main imite les mouvements de ma langue sur l’autre sein. Kara glisse une main dans mes cheveux à l’arrière de ma tête, me maintenant en place, son regard venant croiser le mien.

Elle est hyper réactive et se mord la lèvre pour étouffer les sons de son plaisir, la relâchant le temps de lancer :

– J’ai besoin de plus.

S’emparant de ma main, elle la dépose à l’intérieur de sa cuisse, juste au-dessus de son genou. Je remonte immédiatement, n’ayant plus une once de patience. J’ai l’impression que ça fait des années que j’attends ça.

Mes yeux viennent trouver les siens alors que je franchis les derniers centimètres.

Au lieu du tissu escompté, mes doigts ne rencontrent que sa peau et son envie.

!!!!!!!

Elle n’a pas de sous-vêtement !

Un lent sourire se glisse sur ses lèvres à l’instant même où j’écarquille les yeux.

– Ça m’a plu aussi… et j’espérais un peu que tu allais craquer…

Ne répondant pas, je la décale afin qu’elle soit partiellement appuyée sur le lavabo avant de tomber à genoux devant elle.

Son sourire s’éclipse, remplacé par un regard plein de désir.

Mes doigts se referment sur sa jupe et la remontent. Je m’arrête avant de voir mon but, optant pour placer mes paumes à l’intérieur de ses genoux, lui écartant les cuisses, forçant le tissu à reculer de lui-même. Trop moulante pour tomber durant son striptease, c’est comme une revanche prise sur ma frustration passée que me servir du vêtement à mon avantage.

À l’instant même où je pose les yeux sur elle, je sais que je vais m’en donner à cœur joie. Elle est trempée et offerte.

Le regard dans le sien, je m’approche, lui souris… et passe ma langue de bas en haut. Son sexe s’ouvre sur mon passage et je regrette d’avoir mis autant de temps à me retrouver là.

Kara laisse s’échapper un gémissement dont le volume sonore m’inquiète et manque de refermer ses jambes sur ma tête lorsque j’enroule mes lèvres autour de son clitoris et aspire.

Elle est sensible, ça va être fun.

Empoignant ses fesses, je l’attire plus à moi sans ménagement tandis qu’elle place une main dans mes cheveux, faisant pression à l’arrière de mon crâne.

Autant dire que je n’ai pas l’intention de me reculer…

Je marque mon approbation d’un gémissement, sachant qu’elle en sentira les vibrations et amène deux doigts à l’entrée de son sexe. Ses muscles se contractent, essayant de m’attirer en elle et elle donne des petits coups de bassin des fois que le message ne soit pas assez clair.

Ça me fait sourire.

Tellement impatiente…

Je reste immobile, sachant que ça la rend dingue.

Plutôt que de se laisser faire, elle resserre sa poigne dans mes cheveux. Je me recule, l’observant en souriant, parfaitement consciente que la moitié inférieure de mon visage est couverte de son envie et voulant qu’elle grave cette image dans sa mémoire.

– Naomi je te jure, si tu armfff — mhhhh —

Ma bouche rejoint mes doigts au cœur de l’action, avant de me reculer juste assez pour annoncer :

– J’aime beaucoup t’entendre, mais tout le monde va bientôt savoir ce qu’on est en train de faire.

Elle acquiesce d’un hochement de tête et mord sa lèvre, essayant de garder le silence.

Elle est serrée autour de mes doigts et je meurs d’envie de les voir faire des va-et-vient en elle, mais ça devra attendre…

Le problème est que plus je continue, plus il est évident qu’elle va nous faire repérer.

Remplaçant ma langue par la base de ma paume, je me redresse et place ma main libre sur sa bouche, étouffant une partie des sons qu’elle laisse s’échapper.

Maintenant qu’elle n’est plus occupée, je décide de mettre ma langue à profit. Approchant mon visage de son oreille, je prends garde de ne pas lui en mettre partout et lui dis :

– Je regrette d’avoir autant attendu, si tu savais comme ça m’excite de te sentir comme ça…

Marquant mon point, je plie mes doigts en elle et augmente la puissance de mes mouvements, plaçant ma cuisse derrière ma main pour accompagner mon bras. Elle bascule la tête en arrière et sans ma main je pense que tout le quartier en profiterait !

Notre situation est un peu sordide, j’ai une main sur sa bouche, lui dis des cochonneries, ne l’ai pas embrassée et suis pourtant en elle jusqu’aux phalanges alors qu’une seule porte nous sépare de nos invités… Bien que ça ne soit pas ce que j’avais imaginé pour notre première fois, je dois avouer que l’interdit n’est pas pour me déplaire…

Elle se contracte de plus en plus fréquemment et enroule une main autour de mon biceps, m’attirant plus à elle.

Mes yeux vont se poser sur son corps, elle est complètement débraillée et éhontée dans son plaisir, tout simplement superbe.

Je sens son orgasme arriver, son corps se contractant, en arrêt total l’espace d’une seconde avant d’être parcouru de spasmes.

Ma technique d’étouffement acoustique n’est pas franchement efficace, mais ça aurait été dommage de rater ça de toute manière. J’espère juste que la musique aura camouflé le bruit de nos activités…

Si je m’écoute, je continue pour voir jusqu’à où je peux l’amener lors de notre première fois, mais ce serait un peu trop risqué.

Retirant mon « bâillon », je m’essuie le visage d’un revers de main et demande :

– Ça va ?

Elle ne répond pas tout de suite et ça suffit à me mettre le doute. C’était sa première fois avec une femme, s’il faut elle s’attendait à autre chose ou est déçue… oh mon Dieu, peut-être qu’elle ne souhaite pas réitérer !?

Je suis encore en elle, si c’est mon unique chance je devrais peut-être en profiter et recommencer directement ?

Kara arrête ma litanie intérieure en prenant la parole :

– Maintenant que je sais ce dont tu m’avais privée en me rejetant, t’as de la chance que je ne sente plus mes jambes sinon je t’aurais donné un coup de pied !

Je lève les yeux au ciel en souriant et gigote mes doigts toujours en elle.

Elle laisse s’échapper un son mi-surprise mi plaisir et tire sur mon poignet, me retirant.

Bien évidemment, ça m’amuse beaucoup plus qu’elle :

– Très drôle.

À contrecœur, j’ouvre l’arrivée d’eau et me lave le visage et les mains, ne pouvant pas décemment sortir comme ça. Et rester ici n’est pas une option. J’ai doublement snobé ma propre fête...

Alors que je suis en train de me sécher avec ma serviette, je sens les mains de Kara se glisser autour de ma taille et commencer à remonter en direction de ma poitrine.

Je les intercepte et me retourne :

– Qu’est-ce que tu fais ?

– T’as vraiment besoin que je te l’indique ? Je te rends la monnaie de ta pièce !

– On verra plus tard, on ne peut pas rester là très longtemps sans que ça soit louche…

Elle fronce les sourcils et s’apprête à argumenter, mais je rajoute :

– S’il te plaît ?

– Ok.

Satisfaite, je lui souris et me dirige vers la porte, mais elle s’empare de ma main, me faisant me retourner :

– T’as pas l’impression d’oublier quelque chose ?

La regardant curieusement, je n’ai aucune idée de quoi elle parle et tente ma chance :

– Merci ?

Elle éclate littéralement de rire et tire sur ma main pour m’attirer à elle :

– Nan. Tu m’as même pas embrassée !

Je fais une moue et m’apprête à faire une blague douteuse, mais suis réduite au silence par ses lèvres sur les miennes.

Notre premier baiser n’est pas du tout comme j’ai pu me l’imaginer. Il n'a pas le côté "dévorant" auquel je m'attendais, probablement parce que dans ma tête il avait lieu AVANT qu'il se passe quoi que ce soit. C'était l'ouverture des vannes, le déferlement.

Mais pas du tout. Il s’agit plus d’une découverte lente, pleine de promesses. Un avant goût des possibilités, le calme avant la tempête. Même avec ça c’est une allumeuse. Je sais que je vais devoir me contenter de ce que j’ai eu si je ne veux pas aggraver mon cas et ma culpabilité, mais je suis loin d’être rassasiée.

Sa main se referme sur mon haut alors qu’elle se presse contre moi.

J’étais déjà dans tous mes états et ce baiser n’arrange rien, encore moins lorsqu’elle vient caresser ma langue de la sienne. J’ai toujours son goût sur ma langue et ça m’excite encore plus de savoir qu’elle ne peut pas ignorer où je me trouvais il y a quelques minutes.

Rien qu’avec ça, le baiser passe à la vitesse supérieure et c’est à mon tour de me retrouver plaquée contre le mur.

Mon opinion quant au fait que l’on ne devrait pas pousser notre chance dans cet endroit somme toute risqué est en train de changer à toute vitesse, mais heureusement Kara se recule.

Passant sa langue sur ses lèvres, elle me dévore du regard, mais fait un nouveau pas en arrière, annonçant :

– On ferait mieux d’y aller.

Acquiesçant d’un signe de tête, je me dirige vers la porte sur des jambes incertaines souriant lorsqu’elle m’interpelle à nouveau :

– Et Naomi ?

– Oui ?

– Bon anniversaire !

Une chose est sûre : il est mémorable.  

 

=============

 

À peine avons-nous franchi la porte qu’Aaron nous tombe dessus :

– Ah vous voilà ! Qu’est-ce que vous faisiez ?

C’était trop beau !

Il sait ce qu’il s’est passé et comme il est musclé, il arrivera à porter mon corps suffisamment loin au cœur de la forêt pour qu’on ne me retrouve jamais ! Mon cadavre finira dévoré par des sangliers et ma famille ne saura jamais ce qu’il m’est arrivé !

Heureusement pour nous, les prédispositions de Kara en matière de mythomanie sont excellentes et elle s’avère nettement moins inutile que moi.

Mentant comme une arracheuse de dents professionnelle, elle répond du tac au tac :

– Naomi s’est sentie mal, ça pose problème monsieur l’agent ?

Elle lui délivre un regard noir, une invitation très claire à conserver le silence qu’il accepte immédiatement, hochant la tête à la négative.

C’est normal que je trouve ça sexy ?

D’une main sur le torse, elle pousse son frère et retourne faire la fête.

Je la regarde et opte pour un passage rapide dans ma chambre pour le second changement de sous-vêtements de la soirée ! Si ça continue comme ça, je vais lui demander une participation supplémentaire sur la lessive !

20 octobre 2019

Hors Limites - Partie 7

Kara ne m’a pas parlé ni envoyé de message depuis quasiment 24h. Et je pense qu’elle m’évite. Mais étant donné qu’elle a soudainement décidé de passer du temps avec son frère, ce n’est pas comme si je pouvais aller la confronter là-dessus.

J’entends frapper et n’hésite pas à dire « entrez » dans l’espoir que je puisse enfin m’expliquer. En y réfléchissant, je me suis reculée comme si j’avais soudainement réalisé qu’elle me dégoûtait… Ce qui n’est évidemment pas le cas.

Malheureusement, c’est Nathan qui pénètre dans la pièce :

– Hey.

– Hey.

Désignant mon lit, il demande :

– Je peux m’asseoir ?

– Fais comme chez toi.

N’étant pas vraiment d’humeur à faire la conversation, je continue de travailler la mousse thermoformable qui viendra servir d’épaulette, attendant qu’il parle.

– Ça va Naomi ?

Levant la tête le temps de lui jeter un coup d’œil, je lui fais un mini sourire et lance :

– Oui oui, désolée je suis concentrée.

– Je peux repasser si tu préfères.

– Non c’est ok, qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

– Aaron est venu me demander si tu lui fais la gueule.

Détournant le regard, je réponds :

– Non, pas du tout.

– C’est l’impression qu’il a. Et maintenant qu’il me l’a fait remarquer, j’aurais tendance à être d’accord avec lui.

Nathan aurait pu dire à Aaron que j’ai le béguin pour Kara, mais a gardé le secret, comme il avait annoncé qu’il le ferait. Je pourrais peut-être lui en dire un peu plus, juste en ce qui me concerne. Vider mon sac, même partiellement, ne me fera pas de mal.

Déposant mon travail sur le bureau, je vais m’asseoir à côté de lui sur le lit. Épaules voutées et tête basse, je me décide à avouer :

– Je passe moins de temps avec lui parce que je me sens coupable. Je lui avais promis que je n’approcherais pas sa petite sœur et c’est la seule chose que j’ai envie de faire...

Nathan place une main sur ma cuisse et demande en grimaçant :

– Ce que tu ressens, c’est juste… Sexuel ?

Hochant la tête à la négative, je reste silencieuse, prête à le reconnaître, mais pas à l’admettre à voix haute.

– Je vois. Et Kara ?

Dans l’accord que j’ai passé avec elle, il était question de garder ça entre nous et je ne veux pas trahir sa confiance, alors mieux vaut faire comme si je l’ignorais :

– J’ai l’impression qu’il y a quelque chose de son côté aussi. Pfff, je sais pas quoi faire.

– Tu devrais en parler à Aaron.

– Tu plaisantes ? Il me tuerait et je n’en verrais jamais la fin. Sans parler du fait que Kara serait probablement séquestrée dans la minute.

– Du peu que j’en ai vu, je suis persuadé qu’elle arrivera très bien à se défendre. C’est juste… Plus t’attends, pire ce sera.

– Pas si ça me passe.

Il me regarde d’un air désolé :

– Naomi. Ça fait un bon moment que je te connais et t’as toujours été du genre à agir sans réfléchir quand une fille te plaît. Le fait que tu hésites et résistes en dit long.

– Je veux pas trahir la confiance d’Aaron.

– Je crois qu’il n’y a pas que ça.

Agacée par son insistance, je décide de souligner un contre-argument qui ne doit pas faire de doute de son côté :

– Elle est hétéro.

– Depuis quand ça t’arrête ?

Il marque un point, mais il est hors de question que je le reconnaisse. Et il est temps qu’il s’en aille :

– En tout cas merci de m’avoir prévenue !

Ma tentative d’éviction est accueillie par un rire et il se lève avant de demander :

– Et pour Nina… ?

Oh, la fille de la fête. Euh… Je ne vais pas lui faire l’affront de sortir les banalités usuelles type « elle est très gentille, mais... ».

– J’ai pas trop la tête aux nouvelles rencontres en ce moment, je suis un peu paumée.

– Pas de problème, je passerai le message si jamais ce n’était pas déjà clair.

Il se dirige vers la porte, l’ouvre et lance :

– Essaie de faire un pas vers lui.

– Mhh. Je le ferai.

 

===========================

 

Tu devrais travailler Naomi.

C’est pas sérieux.

Accessoirement, regarder compulsivement le stream de la fille que tu ne peux pas vraiment avoir ne risque pas d’aider ton léger problème d’obsession.

Quoiqu’il paraît que l’on peut guérir le mal par le mal, avec du bol…  

Et puis après tout, tu faisais ça avant de la connaître et de fricoter avec, donc c’est moins flippant, non ?

Ma mauvaise foi m’ayant fourni de quoi justifier mon comportement, je continue.

J’ai l’impression qu’elle est moins enjouée que d’habitude et suis confortée de savoir que la paranoïa ne s’ajoute pas à la liste grandissante de mes qualités lorsque quelques fidèles lui demandent si ça va.

Kara plisse le nez et décide de parler :

– Vous êtes mignons. Oui ça va, je suis juste un peu préoccupée, ne vous inquiétez pas.

Elle ponctue sa phrase par un vague sourire supposé rassurer et je ne suis sûrement pas la seule à ne pas être convaincue.

Vu l’heure, la diffusion devrait prendre fin d’ici quelques minutes et j’irai lui parler.

Bien sûr, je n’irais pas me vanter de l’avoir regardée et encore moins d’être suffisamment présomptueuse pour penser que son humeur est étroitement liée à notre situation.

Il est temps que j’arrête de jouer avec ses sentiments comme les miens et que je me lance. Elle vaut le coup de tenter. J’espère qu’Aaron se montrera compréhensif.

J’attends patiemment, soit en regardant ma montre toutes les 10 secondes, mon rythme cardiaque augmentant au fur et à mesure. D’un côté, j’ai peur de m’embarquer dans quelque chose dont je ne ressortirais pas intacte, mais de l’autre, l’issue m’a l’air inéluctable quoi que je fasse…

Dès que j’estime que c’est bon, je me mets en route vers sa chambre.

– Oui ?

Rentrant dans la pièce, je trouve Kara pensive, encore assise sur sa chaise de bureau, jambes tendues et pieds sur son lit.

Elle m’adresse à nouveau un sourire manquant de peps qui m’incite à me lancer :

– T’as deux minutes ?

– Pour toi ? Toujours !

M’avançant, je décide de ne pas tourner autour du pot :

– Tu m’évites ?

À l’air coupable qui passe en coup de vent sur son visage, je connais la réponse. Elle met quelques instants à prendre la parole :

– Naomi… je suis pas sûre de pouvoir continuer comme ça...

Mon cœur marque un temps d’arrêt au moment où je comprends le sens de ses mots, avant de repartir de plus belle. C’est d’une voix faiblarde que je reconnais à peine que je m’entends balbutier :

– Co… Comment ça ?

J’aurais dû m’en douter. Une fille comme Kara n’allait pas attendre éternellement alors que je joue les difficiles…

Soupirant, elle pose ses pieds au sol, se lève et vient attraper ma main avant de s’asseoir sur le lit.

Honnêtement, je suis le mouvement à moitié parce que je ne suis pas sûre que mes jambes vont continuer à me soutenir longtemps. J’ai l’impression d’être en train de me faire larguer, ce qui est ridicule étant donné que l’on n’est pas ensemble, car une imbécile persistait à se refuser et nier l’évidence.

Elle me plaît.

Beaucoup.

Probablement trop.

– J’ai essayé de suivre tes règles ou de te faire craquer, vois ça comme tu veux et quoi que je fasse, le résultat est le même : je finis incroyablement frustrée.

Elle marque une pause et j’attends qu’elle reprenne le cœur dans ma gorge. Et ce n’est pas comme si j’avais quelque chose à dire pour ma défense…

– Au fond, je crois qu’il vaut mieux ne pas t’avoir du tout que… ça.

J’ai l’impression de m’être faite assommer. Incapable de réfléchir, je reste juste là, complètement sous le choc.

Serrant brièvement ma main, elle m’incite à croiser son regard :

– Dis quelque chose…

J’ai limite envie de pleurer. J’espérais que cette discussion m’apporterait tout l’inverse…

– J’étais venue te dire que je voudrais… que j’aurais voulu en parler à ton frère.

Je me reprends en milieu de phrase en réalisant que j’arrive un poil trop tard.

Putain !

Fermant les yeux, je baisse la tête.

J’ai senti qu’elle se distançait et j’ai mis plus d’une journée à réagir !

C’est quoi mon problème ?

C’est pas comme ça que je risque de lui faire comprendre que ça compte pour moi aussi. Que je lui fais confiance pour ne pas me briser le cœur.

Lèvres pincées, je hoche la tête et lance :

– Je ferais mieux d’y aller.

N’attendant pas qu’elle réponde, je bondis en dehors de la pièce sans un regard en arrière et cours à moitié jusqu’à ma chambre. Fermant la porte, je m’installe au bord du lit et place mes coudes sur mes genoux, tête entre mes mains.

Immédiatement, mon subconscient débite une litanie d’insultes à mon intention qui ferait rougir un matelot.

Je n’ai pas le temps de m’apitoyer sur mon propre sort que ma porte s’ouvre sur Kara, l’air chamboulée.

Mon regard croise le sien et je ne cache pas l’effet que m’a fait son choix. Si elle est venue pour s’engueuler, elle n’aura qu’à repasser plus tard, j’ai pas le cœur à ça.

– C’est vrai ?

Je garde le silence, me contentant de hausser les épaules.

Qu’est-ce que ça change ?

Elle a besoin d’une confirmation, comme si c’était invraisemblable. C’est le signe ultime que j’ai merdé de bout en bout.

– Réponds-moi !

– Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Quoi qu’il arrive, ta décision est prise non ?

Mon ton est plein de reproches que je n’ai pas le droit de lui faire. J’ai mis une éternité à me lancer justement parce que j’avais peur qu’elle ne change d’avis, se dise que finalement ce n’est pas pour elle ou je ne sais quoi. Au fond, je savais peut-être que c’est ce qui allait se produire.

Elle s’accroupit devant moi et s’empare de mes poignets pour me faire baisser les bras :

– Hey… Naomi… Je suis désolée...

Je ne veux pas la regarder. Parce que si je le fais, je risque de craquer. Il faut que je me protège, elle ne prend visiblement pas les choses autant à cœur que moi. Et même si ma réaction paraît disproportionnée ou gamine, j’assume :

– Pas de problème. Je me doutais que ça allait se finir comme ça. Et au fond, c’est sûrement mieux.

Le ton faussement détaché que j’essaie d’adopter a l’air de la caresser à rebrousse-poil, si bien qu’elle demande dans un froncement de sourcils :

– Pourquoi tu dis ça ? On veut la même chose non ?

Lui faisant un petit sourire dépité, j’explique :

– Kara, le prends pas mal, mais non, on ne veut pas la même chose… Si j’ai autant hésité, c’est en partie en raison de ton frère, oui, mais encore plus par rapport à toi. J’avais peur que tu ne changes d’avis ou te lasse et que je me retrouve trois fois trop investie, alors que toi tu pourrais repasser dans un contexte amical en un clin d’œil...

Je ne le dis pas, mais deux choses paraissent évidentes :

  • la peur n’évite pas le danger et je suis déjà trois fois trop investie.
  • Elle peut effectivement tout balayer d’un coup, la preuve.

À l’instant où j’ai fini de parler, son visage se ferme. Elle reste parfaitement immobile, mais ça me paraît être le calme avant la tempête. Les muscles de sa mâchoire se contractent par intermittence et je m’attends à me faire crier dessus, mais elle est d’un stoïcisme absolu lorsqu’elle dit :

– Je vois.

Même si ce n’est pas le dénouement que j’espérais, je ne veux pas me la mettre à dos, c’est pourquoi j’entreprends d’arrondir les angles :

– Kara, c’était pas une attaque…

S’appuyant sur mes genoux pour se relever, elle me fixe droit dans les yeux avant de lancer :

– Non. C’était la vérité. Et j’avais besoin de l’entendre. J’avais pas envisagé les choses sous cet angle. Merci.

Elle quitte ma chambre, fermant doucement la porte derrière elle.

Euh…

Il vient de se passer quoi là au juste ?

Elle est fâchée ou non ?

Confuse, je m’affale en arrière, venant m’écraser sur le lit. Des journées comme ça je m’en passerais volontiers.

 

==================

 

Je me lève la tête dans le rectum, pas fraîche pour deux sous. Sachant qu’il y a une fête organisée pour moi ce soir, j’ai voulu aller au lit tôt hier. La seule chose dans laquelle je me suis couchée, c’est un lit de mensonges quand j’ai cru pouvoir m’endormir direct.

Traînant des pieds, j’arrive dans la cuisine où mes trois colocs sont déjà affairés. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’interagir avec Kara depuis notre « engueulade » et ne sais toujours pas à quoi m’en tenir.

– Hey.

– Oh, l’enfant d’anniversaire nous fait grâce de sa présence…

Lançant un regard noir à Aaron, je rétorque immédiatement :

– L’enfant d’anniversaire n’apprécie pas les colocataires sarcastiques de bon matin !

Nathan et Kara s’observent l’un l’autre d’un air entendu, visiblement amusés par ma répartie.

Dès l’instant où je suis à portée, tous deux se jettent sur moi en criant « sandwich », Nathan derrière et Kara devant, me serrant comme des fous pendant qu’Aaron prend une photo. Une fois que c’est fait, il repose son téléphone et se joint au burrito. Ils commencent à me chanter joyeux anniversaire en nous balançant de gauche à droite et je suis partagée entre l’amusement et l’envie de me percer les tympans pour mettre fin à cette torture sonore.

Lorsque j’ai enfin retrouvé ma liberté de mouvement, j’en fais des tonnes, toussant et vérifiant l’intégrité de mes membres.

– Vous avez décidé de me tuer ?

Aaron me serre une nouvelle fois, Nathan se contente d’un « qui aime bien châtie bien » et Kara me propose des bisous qui guérissent. Les ignorant tous les trois, je m’empare d’une tasse et m’installe à table. J’attrape un petit pain au chocolat et commence à manger avant de remarquer qu’ils ont tout arrêté et me fixent. Face au silence et aux trois guignols qui m’observent, je termine de mâcher ma bouchée et essaie de comprendre la nature de leur problème, outre l’évident déficit intellectuel :

– Quoi ?

C’est Aaron qui demande avec une joie quasi enfantine :

– Tu veux pas tes cadeaux ?

Mes yeux s’écarquillent et je manque de m’étouffer :

– J’en ai ?

C’est hyper marrant de le voir se ruer derrière le bar pour en sortir un paquet et une enveloppe. Malgré ses gros muscles, il est très rapide quand il veut !

J’engloutis ce qu’il reste de ma viennoiserie et me lave les mains avant de retourner à l’îlot central, paumes tendues pour recevoir mon présent.

Aaron me donne le paquet. D’habitude, on ouvre la carte en premier, mais s’il me propose de faire l’inverse on ne va pas m’entendre m’en plaindre ! :

– On ne savait pas trop quoi te prendre avec Nathan alors on a improvisé, en espérant que ça va te plaire !

N’étant pas connue pour ma patience, je déchire l’emballage et découvre une superbe figurine en métal représentant une guerrière qui fait très steampunk. C’est pile mon style et je ne m’attendais pas du tout à ce genre de cadeau de la part de mes colocs !

– Wôw… elle est magnifique ! Merci !

Je m’avance et les enlace sans hésiter, trouvant absolument adorable la manière dont Aaron a encore l’air incertain alors que leur cadeau est top !

Une fois que je me suis reculée, il m’explique :

– Un de mes anciens meilleurs amis du collège travaille les métaux, il est hyper doué dans ce qu’il fait.

Je la tourne et la retourne entre mes mains, n’en croyant pas mes yeux.

– C’est clair ! Je l’adore ! Merci !

– Kara m’a dit que tu aimais ce genre de personnage. Et… enfin si tu veux venir voir l’atelier de mon pote ou apprendre les rudiments de son art, tu es la bienvenue !

Il ponctue sa phrase d’un sourire timide et ressent le besoin de se justifier :

– On sait que dans ton métier il faut que les éléments soient factices, mais si jamais ça t’intéresse… t’es pas obligée hein !

Riant, je mets un terme à sa logorrhée en posant ma main sur son épaule :

– Relax, c’est une super idée. Et ça m’intéresse de découvrir comment il s’y prend ! Merci à vous !

Je vais pour embrasser les trois mais Kara se recule, indiquant :

– Remercie les garçons, je n’ai rien à voir dans l’histoire !

Normal qu’elle ne m’ait rien pris, ça fait peu de temps qu’on se connaît et je ne m’attendais déjà pas à avoir un présent de qui que ce soit.

Retournant à ma place, je demande :

– Je peux lire la carte ?

Kara me tend l’enveloppe et précise :

– Il y a la carte et mon cadeau. Enfin un cadeau, j’en ai un autre que je te donnerai avant la soirée.

Elle a pensé à moi ? Cette idée me met beaucoup plus en joie qu’elle ne devrait et c’est toute intriguée que j’ouvre délicatement l’enveloppe, sortant une carte toute noire. À l’avant est écrit « 4 personnes sur 5 reçoivent de l’argent pour leur anniversaire » et à l’intérieur, avec plein de couleurs : « JOYEUX ANNIVERSAIRE N° 5 ! ».

Souriant, je vois que mes colocataires sont très fiers de leur coup et secoue la tête de gauche à droite en entreprenant de lire les messages qu’ils m’ont laissés :

 

Heureusement pour toi, c’est scientifiquement prouvé : plus tu fêtes d’anniversaires, plus tu vis longtemps ! :3 Aussi mordante soit-elle, j’espère bien profiter de ta compagnie pendant encore un bail ! D’ici là t’es encore (à peu près) jeune, profites en bien ! Bisous et encore joyeux anniversaire !

Nathan

 

Gaffe Naomi, jusqu’à présent quand t’étais sarcastique, on se disait que c’était ton humour ou ta façon d’être. Maintenant que tu prends de l’âge, on va commencer à se dire que t’es juste aigrie ! xD

(Je plaisante, pas taper !)

(J’ai pas peur hein !)

Continues de ne pas trop prendre la vie au sérieux, t’façon t’en sortiras pas vivante ! Bon anniversaire Tatie Danielle.

Bises

Aaron (ton préféré, je le sais).

 

Ça fait peu de temps qu’on se connaît, mais on a déjà eu l’occasion de passer de bons moments ensemble, j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres à venir et que dans 10 ans on sera toujours à tes côtés pour fêter ça ;)

Bon anniversaire !

PS : si ça peut te consoler, il paraît que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures !  

PS 2 : et je~

Le trait de stylo part dans une direction improbable et je comprends pourquoi en reconnaissant l’écriture d’Aaron la ligne d’après :

Et je rien.

Ils sont intenables ces deux-là ! Ayant visiblement réussi à récupérer la carte, c’est à nouveau ma coloc qui continue :

… Bref. On en parlera plus tard :D Gros bisous.

Kara

 

Relevant la tête, le sourire aux lèvres, je leur lance :

– Vous êtes graves ! Merci.

Ils me répondent un « de rien » et ce n’est qu’en remarquant une enveloppe scotchée au dos de la carte que je me rappelle que Kara m’a également prévu un petit quelque chose. Quand y’en a plus y’en a encore ! Trop bien !

 

Je l’ouvre, y trouvant plusieurs morceaux de papier. Tout d’abord, un feuillet coloré sur lequel est inscrit « Rêve pas, on n’a pas menti, il n’y a pas un rond dans cette enveloppe ! » qui m’extirpe un rire. Je n’en attendais pas moins d’eux.

Le mettant de côté, je fronce les sourcils devant un passe exposant pour une énorme convention prévue dans quelques mois.

Regardant Kara d’un air interrogateur, je ne suis pas sûre de bien comprendre :

– Qu’est-ce que...?

Un sourire en coin sur les lèvres, elle m’explique :

– Tout le monde a adoré quand tu as pris part à mon stream. Je me suis dit que tu pourrais m’accompagner pour la prochaine convention… Ils m’ont prévu un stand énorme, j’aurais bien besoin de quelques-unes de tes créations pour le remplir… Enfin si ça te tente bien sûr !

J’écarquille tellement les yeux que le fait qu’ils ne tombent pas de mes orbites relève du miracle :

– T’es sérieuse ?

– Très.

Renversant à moitié ma chaise dans ma hâte, je me rue sur elle pour la prendre dans mes bras. Avec le nombre de personnes qu’elle risque d’attirer, ça va me faire une pub de folie. J’avais envisagé de m’y rendre, mais les tarifs sont prohibitifs si l’on n’a pas d’invitation…

Au creux de son cou, je murmure en boucle :

– Merci merci merci !

– Attends d’y être avant de me remercier !

L’ignorant, je continue un moment et me recule, déposant à chacun de mes colocs un bisou sur la joue.

– Merci beaucoup, vous assurez ! Entre ces cadeaux et la fête de ce soir, ça va être une super journée !

J’esquive de peu le traditionnel savon qu’Aaron essaie de me faire, lui lançant un regard noir.

– C’est toujours bon pour tout à l’heure ?

Me tournant vers lui, je l’observe avec l’effroi de quelqu’un qui viendrait de retrouver un ongle de pied dans ses lasagnes :

– Bien sûr, c’est la tradition ! Le jour de mon anniversaire, on va manger une glace ensemble et se poser au parc ! La seule excuse acceptable que tu pourrais formuler pour te désister serait d’être hospitalisé et au seuil de la mort !  

Visiblement amusé par mon explication, il me fait un salut militaire et indique :

 – Bien noté. À tout à l’heure alors !

Satisfaite de savoir qu’il n’a pas l’intention de se débiner, j’acquiesce d’un mouvement de tête et, statuette en main, me dirige vers ma chambre. Avant de franchir le pas de la porte, j’entends Nathan demander à Kara si elle peut l’aider pour les préparatifs.

 

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– T’as pas mangé j’espère ?

Je regarde Aaron l’air de dire « duh » et lance :

– Je suis pas une bleue ! C’est pas ma première visite dans cet endroit.

On parcourt le parc et malgré la panique, je dois avouer que ça fait plaisir de passer du temps avec Aaron. Je suis moins proche de lui que de Nathan, mais depuis l’arrivée de sa sœur, je me sens tellement coupable que je l’évite inconsciemment.

Il commande son habituelle glace menthe chocolat et grimace en m’entendant indiquer que je souhaite citron menthe et pistache, clamant que ça ne va pas ensemble.

On parcourt les allées en mangeant distraitement, perdus dans nos pensées jusqu’à ce qu’il demande :

– Ca va toi ? J’ai l’impression qu’on ne se voit plus ces derniers temps. Avoue, tu préfères ma sœur c’est ça ?

Secouant la tête en riant, je lui file un petit coup d’épaule et surenchérit :

– Elle est plus gentille, plus intelligente, plus jolie… Je suis désolée mon vieux, mais si on vient à déménager, tu as plutôt intérêt à prier pour qu’il y ait 4 chambres, sinon, je pense savoir de qui on devra se séparer ! 

Faussement blessé, il pose une main sur son cœur et s’exclame :

– Outch, t’es dure !

– C’est pas ce que tu disais en tâtant mes muscles l’autre jour…

– Haha j’avoue. Heureusement ton idole et sauveuse est venue à ta rescousse.

Ne sachant pas quoi répondre à ça, je continue de manger en marmonnant un « mhh ».

– Plus sérieusement, je suis content de voir que vous vous entendez si bien. Et si je peux être tout à fait honnête, tu as l’air d’aller mieux.

Bien que ni Nathan ni lui n’avaient dit quoi que ce soit, je sais que j’étais dans une mauvaise période suite à ma rupture. Même si je ne le reconnaîtrais JAMAIS, entre les sautes d’humeur, les coups d’un soir et le reste, ils mériteraient une médaille pour m’avoir supportée. Et c’est vrai que la présence de Kara m’a permis de sortir de ce cercle vicieux. Le focus s’est porté de ma pauvre petite misère personnelle à ma coloc…

Malgré tout, je suis rongée par la culpabilité en voyant que même s’il n’approuve pas ses phrases de drague, notre rapprochement semble lui faire plaisir.

Aaron est quelqu’un qui peut étonnamment être très volubile, mais uniquement sur des sujets de surface.

En revanche, il dévoile très peu de choses sur ce qu’il ressent et ce qui compte pour lui. J’imagine que garder son jeu près du corps, c’est sa manière à lui de se protéger.

Et avant qu’elle n’arrive, je savais quasi rien à propos de sa petite sœur excepté son prénom. C’est ce qui me fait dire qu’elle prend une place très importante dans son cœur.

– Effectivement, je vais mieux, merci de t’en inquiéter. Et on s’entend très bien. Je l’aime beaucoup, même si j’ai toujours du mal à croire que vous êtes de la même famille.

Ne lui laissant pas le temps de répondre à ma réplique désobligeante, je demande :

– Et toi t’as fait quoi ces derniers temps ?

– Oh, rien de particulier, il y a eu beaucoup de boulot à la salle, je suis sur les rotules.

Feignant la compassion, je tente d’en profiter :

– Si t’as peur de manquer d’énergie pour éliminer ta glace, je peux t’aider à finir. Je me sacrifierai sur l’autel de ton culte du corps. Une martyr des temps modernes, tu vois.

– Je vois surtout que ton amour de la glace ne change pas avec les années.

– Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Entre elle et moi, c’est du sérieux !

 

16 octobre 2019

Hors Limites - Partie 6

Alors que l’on est en train d’éplucher les pommes de terre pour nos futures frites, je sens que Nathan a envie de me parler de quelque chose.

– J’ai regardé le stream.

Ne voyant pas où il veut en venir et ne préférant pas risquer de dévoiler quelque chose par inadvertance, je me contente d’un simple :

– Ah ?

– Je savais que tu appréciais son contenu, mais pas que vous étiez aussi proches.

Haussant les épaules, je la joue détachée :

– On s’entend bien et on a appris à se connaître depuis qu’elle est arrivée.

– Toi et moi aussi, mais je n’ai jamais eu droit à la sieste câline sur le canapé.

J’aurais dû me douter qu’il n’allait pas laisser ça passer. Soupirant, j’essaie de remettre les évènements en perspective :

– Tu réalises que les choses ne se sont pas déroulées comme ça hein ?

Son regard est sur moi, me sondant, tandis qu’il répond d’un ton dubitatif :

– Mmh. Je sais pas, je te trouve bizarre avec elle.

Arf, comment faire ? D’un côté j’ai envie de demander des explications pour pouvoir plus facilement corriger mon comportement, de l’autre ça reviendrait à donner du crédit à son idée.

Mieux vaut être fixée.

– Du genre ?

– Des petits trucs. Comme la manière dont tu tolères ses vieilles phrases de drague alors que tu aurais perdu patience avec quelqu’un d’autre, la façon dont tu la regardes comme si tu ne sais pas si tu dois l’embrasser ou l’étrangler… tu vois…

Merde merde merde merde merde ! Reste zen, joue la fille nonchalante :

– Pas vraiment… Mais soit.

C’est pas bon, je suis trop flag.

Loin de lâcher prise face à ma mauvaise foi, il insiste, plaçant une main sur la mienne :

– Tu peux me parler, tu sais. J’ai pas l’intention de tout aller répéter à Aaron.

À la manière dont il soutient mon regard, il est clair que ses convictions sont bien ancrées et que nier ne servirait qu’à achever de le persuader que quelque chose se trame.

Si je veux que la vérité reste secrète, il va falloir lui donner du grain à moudre :

– Ok. Je… elle…

– Prends ton temps.

Je n’arrive pas à croire que je vais dire ça :

– J’ai un faible pour elle, ok ? Ça va passer.

Mon ton est ostensiblement défensif, et ce n’était pas spécialement planifié. Continuant de me fixer, il semble digérer mes paroles et s’enquiert :

– Et Kara ?

Ce qu’il demande réellement est clair : « est-ce que tes sentiments sont partagés ? », mais il est préférable de tourner la conversation vers un terrain moins dangereux :

– Elle ne doit pas le savoir.

Les mots ont à peine quitté mes lèvres qu’il s’esclaffe :

– Ma chérie, désolé de te l’annoncer, mais elle est déjà au courant !

Ça, j’en ai conscience, mais il faut que je joue le jeu. Fronçant les sourcils, je m’exclame :

– Quoi ? Mais je suis hyper discrète !

Son sourire s’agrandit, me faisant douter :

– Je suis pas discrète ?

– Disons que la plupart du temps, à la manière dont tu la bouffes du regard, tu pourrais aller lui taper sur l’épaule et lancer « c’est une bien belle paire de loches que t’as là ! » que tu serais au même niveau de discrétion !

Gardant le silence, je penche la tête sur le côté pour le fixer d’un air blasé.

Heureusement pour moi, notre corvée d’épluchage touche à sa fin.

Me lavant les mains tandis qu’il met les pommes de terre dans la passoire afin de les rincer et d’éviter que l’amidon ne ruine nos frites, je demande :

– Tu lui diras rien hein ?

– Tu t’inquiètes plus pour elle que pour Aaron ?

Pinçant les lèvres le temps de la réflexion, je me corrige :

– Tu leur diras rien hein ?

– Haha, je me disais aussi ! Nan t’inquiètes, ça reste entre nous. Mais si t’as besoin de t’épancher, je suis là.

Haussant les sourcils et plaçant mes mains sur mes hanches, je demande :

– M’épancher, vraiment ?

Face à mon air peu commode et loin d’être impressionné, il se contente de rire en secouant la tête :

– Voilà tout le merci que j’ai pour être un ami formidable !

 

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Toquant à la porte, j’attends son autorisation avant de pénétrer dans la chambre de Kara.

Un sourire sur les lèvres, elle pose son livre sur le lit, s’installe au bord de ce dernier et demande :

– Hey, qu’est-ce qui t’amène ?

– Le dîner est bientôt prêt.

– Ok, j’arrive !

Regardant derrière moi, je ferme la porte et m’assieds sur le matelas pour annoncer :

– Nathan se doute de quelque chose.

– Oh ?

– J’ai été obligée de lui dire que j’ai un faible pour toi pour qu’il arrête de poser des questions auxquelles je n’ai pas envie de répondre.

Se redressant, elle me donne un petit coup d’épaule :

– Un faible pour moi hein ?

Levant les yeux au ciel, je rétorque :

– C’est vraiment ça que tu retiens ?

Elle hausse les épaules et réplique du tac au tac, un air coquin sur le visage :

– Eh, c’est la partie qui m’intéresse le plus !

– T’es incorrigible... Mais bon, il vaudrait mieux qu’on garde nos distances d’ici mon anniversaire, si on ne veut pas qu’il comprenne qu’il se trame quelque chose.

– Au contraire, c’est agir différemment qui lui mettrait la puce à l’oreille.

– Mh…

Je prends un instant pour réfléchir à ce qu’elle vient de dire et arrive à la même conclusion :

– Ça me coûte de l’admettre, mais tu n’as pas tort. Qu’est-ce qu’on fait du coup ?

– Rien de plus ni de moins que d’habitude. Enfin sauf si tu veux faire plus, je dis pas non…

Soupirant, je lâche un :

– Kara…

Immédiatement, elle lève les mains afin de m’apaiser :

– Je sais, je sais. C’est juste…

J’attends patiemment qu’elle s’explique. Bizarrement, cette fois je n’ai pas l’impression qu’il s’agit de l’habituel « tes règles sont merdiques ».

– Est-ce que t’en as vraiment envie ?

– De quoi ?

– Toi et moi.

Interpellée, je prends le temps de l’observer et suis étonnée de voir un réel doute sur son visage. Fronçant les sourcils, je ne perds pas un seul instant avant de poser ma main sur la sienne et répondre :

– Bien sûr ! Pourquoi tu me demandes ça ?

Elle hausse les épaules d’un air défait et s’explique :

– C’est toujours moi qui pousse et insiste. Et contrairement à ce que mes fabuleuses phrases de drague peuvent laisser penser, je ne veux pas être lourde ou… ‘fin tu vois. Te forcer la main.

Immédiatement, je suis envahie par la culpabilité. Jouer sur les mots pour ne pas trahir la promesse faite à Aaron c’est une chose, mais si ça fait qu’elle se sent mal ou pire, indésirable, ça ne va pas le faire.

– Hey…

Elle fixe le côté de son bureau avec insistance, refusant de croiser mon regard :

– Kara, regarde-moi.

Lentement, comme si elle n’était pas sûre de ce qu’elle allait y lire, ses yeux viennent trouver les miens :

– Je ne veux pas que tu penses ça parce que ça ne pourrait pas être plus éloigné de la vérité. La vérité c’est que… Cette histoire me fait flipper, parce que j’en ai envie, parce que je ne veux pas trahir la promesse que j’ai faite à ton frère, parce que j’ai peur que tu changes d’avis…

Baissant les yeux, je pince les lèvres dans une espèce de sourire/rictus avant de continuer :

– Le problème n’est pas que je ne veux pas… Je veux trop… Je ne maîtrise pas du tout la situation et ça me fait flipper.

Mon admission, aussi honteuse soit-elle, est vraie.

Kara prend le temps de digérer ce que je viens de lui dire, restant silencieuse quelques secondes. Son index se place sous mon menton, tournant mon visage vers le sien :

– C’est pareil pour moi. Mais pas assez pour me faire reculer. Toi ?

Sa réponse me rassure et me terrifie à la fois.

D’un côté, elle ressent la même chose. De l’autre, si c’est moitié aussi intense pour elle que pour moi, j’ai peur que ça escalade et que le peu de contrôle que l’on a ne nous échappe totalement.

On devrait peut-être arrêter tant qu’on le peut.

Un simple coup d’œil à son visage, attendant ma réponse, les traits pleins d’espoir, suffit à mettre un terme à mes idées noires.

C’est con, mais si elle me demandait de sauter d’un pont en me regardant avec cet air-là, je le ferais probablement.

Même si la rivière était 400 mètres plus bas, faisait 1 mètre de fond et que je ne savais pas nager de toute manière.

J’acquiesce d’un hochement de tête et son visage se transforme sous mes yeux, la joie l’illuminant littéralement. Mon cœur s’emballe devant ce spectacle et je souris en retour sans même m’en rendre compte.

On doit avoir l’air fines toutes les deux, à s’observer béatement sans dire un mot !

Nos sourires diminuent lentement, remplacés par un silence intense, mais confortable. 

Son regard oscille entre mes yeux et ma bouche. Passant machinalement sa langue sur ses lèvres, alors que je fais de même, il est clair que je n’ai pas l’intention de reculer cette fois-ci.

Notre « danse » s’interrompt lorsqu’Aaron toque à la porte, sa voix portant à travers le bois :

– Les filles, vous venez manger ? Vous pourrez geeker plus tard !

Malgré l’interruption, deux sourires identiques regagnent nos lèvres.

Il n’y a pas eu de baiser, mais il y a eu une promesse silencieuse, un accord tacite.

Se levant en premier, elle m’entraîne en direction de la porte, nos doigts entrelacés. Avant qu’elle n’aille dans le couloir, j’ai besoin d’être sûre d’avoir apaisé ses doutes :

– Moi aussi je déteste mes règles.

Amusée, elle serre légèrement ma main et lance :

– Si tu ne veux pas les lever, fais comme moi, contourne.

Haussant un sourcil, je demande :

– Comment ?

– Surprends-moi !

Mon air dubitatif doit être apparent puisqu’elle rajoute :

– Tu vas trouver. J’ai déjà hâte.

M’adressant un sourire coquin, un bout de langue visible entre ses dents, elle ouvre la porte et part manger.

Dans quoi je viens encore de me fourrer ?

 

==================

 

Assise sur mon lit en attendant qu’il soit l’heure, ma jambe tressautante est le seul signe extérieur de nervosité que je m’autorise.

Ce soir, on se rend à une fête organisée par le nouveau copain de Nathan et excepté Kara et lui, je ne vais pas connaître grand monde. Techniquement, c’est l’occasion parfaite pour mettre mon plan à exécution.

J’ai bien réfléchi à ce que Kara m’a dit l’autre jour. Et elle a raison, c’est toujours elle qui initie, qui prend des risques. Mais ça va changer aujourd’hui.

J’ai envisagé des méthodes pour contourner mes limites auto-imposées et après un achat impulsif en ligne, me voilà fin prête à me lancer.

Sauf que je n’ai jamais fait quelque chose dans ce goût-là. Faire des propositions et essayer de nouveaux trucs lorsque l’on est en couple, c’est une chose, mais c’est très loin d’être notre cas. Du coup je ne sais pas comment elle va le prendre et j’appréhende un peu.

Comme toujours lorsque l’on sort, Nathan donne de la voix dans le couloir :

– Je suis prêt dans 5 minutes !

Plus le temps de reculer, je me sentirai encore plus ridicule après. Entrouvrant la porte pour vérifier que la voie est libre, je me rends dans la cuisine où Kara nous attend en jouant sur son téléphone.

– Je peux te parler deux secondes ?

Mettant immédiatement son application en pause, elle me dit :

– Bien sûr, je t’écoute.

Hors de question que cette conversation se tienne dans un lieu où pourraient traîner de potentielles oreilles indiscrètes.

– Dans un endroit un peu plus isolé, comme ma chambre ?

Il est clair que ma formulation l’amuse, et je ne suis pas étonnée de l’entendre me sortir une énième phrase bidon :

– Pas de souci, je te suis. Ma mère m’a toujours dit de suivre mes rêves.

Elle a du mal à se retenir de rire, visiblement très fière d’elle, et même si je lui suis reconnaissante de détendre l’atmosphère stressante que je nous ai infligée, je ne peux pas m’en empêcher :

Levant les yeux au ciel, je fais mine de soupirer et lance d’un ton dédaigneux :

– Je ne gratifierai même pas ça d’une réponse.

Arrivées dans ma chambre, elle ferme la porte et s’exclame :

– Bon, je suis là, quels étaient tes deux autres souhaits ?

J’ai envie de sourire, mais refuse de l’encourager, elle s’amuse déjà beaucoup trop :

– C’est bientôt fini ?

– Encore une ou deux et j’aurais mon compte pour la soirée.

– J’ai eu mon compte pour toute une vie…

– Au fond je suis sûre que t’aimes bien ça.

« Aimer » est un terme un peu fort, mais je trouve ça drôle qu’elle aille jusqu’au bout de la blague, même si mes deux colocs la regardent avec effroi chaque fois qu’elle ouvre la bouche.

Constatant qu’elle garde le silence, je hausse les sourcils et lance d’un ton amusé :

– On en a déjà parlé : si t’attends que j’admette quelque chose dans ce goût-là, je serais toi je ne retiendrais pas ma respiration !

Elle me tire la langue et demande :

– Bref. Que puis-je faire pour toi ?

Je prends une grande inspiration et tente de me lancer :

– J’ai repensé à ce que tu m’as dit…

Ses yeux s’écarquillent et je vois qu’elle trépigne sur elle-même.

– Quoi ?

– J’en ai une autre !

Je sais très bien à quoi elle fait référence. À ses phrases de drague pourries. Elle m’en a tellement fait depuis le jour où j’ai eu le malheur de dire ça que je reconnais sa tête de « je vais dire une énormité ». Je crois que la pire, c’est une fois où je lui ai demandé si elle pouvait tâcher de m’épargner ça le temps d’une soirée et que j’avais eu droit à un « mon attirance pour toi est comme une grosse diarrhée, impossible à retenir »… Pour la séduction on repassera.

Fermant les yeux et faisant mine de soupirer, je lui donne mon accord :

– Fais-toi plaisir…

En plus au fond ça m’arrange, ça me permet de gagner un peu de temps. Ayant certainement peur que je change d’avis, elle se lance sans perdre une seconde : 

– Si j’avais un euro à chaque fois que je pense à toi…

Elle attend que je tente de deviner, ce que je fais dans l’unique but de lui faire plaisir : 

– Tu serais riche ?

– Non, j’aurais exactement un euro, parce que depuis que je t’ai rencontrée, tu ne quittes pas mon esprit.

Malgré moi, un sourire gagne mes lèvres. Immédiatement, elle serre le poing et l’amène vers le bas dans un « YES, je savais que celle-là marcherait ! ».

J’attends patiemment qu’elle ait fini son cinéma, mon sourire grandissant au fur et à mesure des pas de sa mini danse de la victoire.

– C’est bon ?

– Laisse-moi savourer. Femme qui rit à moitié dans son lit !

Haussant un sourcil, je me contente de relever :

– Tu réalises que j’ai à peine esquissé un sourire ?

– On a entraperçu tes dents. Et tu t’es retenue, je le sais !

N’ayant pas le cœur de lui gâcher son plaisir, je lui concède sa semi-victoire :

– Bon, j’avoue, de toutes celles que tu as pu me sortir, c’est l’une de mes favorites.

– C’est laquelle ta préférée ?

Celle qui m’a fait le plus rire (mais pas sur le moment) est celle de Raiponce, autant dire qu’il est hors de question que je l’admette !

Devant mon air blasé, elle comprend bien vite qu’insister serait peine perdue :

– Bref. Tu voulais quoi ?

Avec ses conneries, il ne me reste plus beaucoup de temps pour expliquer mon idée et si jamais elle la rejette, je vais passer une drôle de soirée.

Prenant le taureau par les cornes, je glisse ma main droite dans ma poche pour en sortir le mini boitier que je lui tends.

Elle s’en empare et la regarde curieusement.

– Merci pour… ? Qu’est-ce que c’est ? La télécommande de ta chaîne hi-fi ?

Elle est visiblement perplexe, mais je ne me sens pas capable de lui expliquer en termes clairs :

– Tu te souviens de notre conversation ? Du fait que tu étais à l’initiative ? Je t’ai donné les commandes au sens figuré… maintenant tu les as au sens propre.

– Je ne suis pas sûre de…

Elle s’arrête, écarquille légèrement les yeux, appuie sur le bouton « on » et scrute ma réaction. Excepté une faible crispation de surprise, je ne laisse pas paraître grand-chose, mais à la manière dont un lent sourire satisfait gagne ses lèvres, elle n’est pas dupe.

– C’est ce que je crois ?

Essayant de garder un visage neutre pour ne pas trop en dévoiler, je demande :

– Ça dépend. Tu penses à quoi ?

Me fixant, elle augmente le volume, me poussant à fermer brièvement les yeux sous l’effet des sensations.

J’ai choisi ce modèle d’œuf pour la discrétion de ses vibrations combiné à la redoutable efficacité de sa forme venant faire pression là où il faut.

Une chose est certaine : les autres utilisatrices n’avaient pas menti dans leurs commentaires sur le produit.

Lorsque je soulève mes paupières, son air hautement satisfait est la première chose que j’aperçois. Malgré les évidents feux verts que m’envoie sa gestuelle, je ressens le besoin de me justifier :

– Je ne savais pas comment tu l’aurais pris si je t’avais demandé de… d’inverser les rôles.

– Mhh, peut-être plus tard, là je ne suis pas mécontente de cette option…

On entend Nathan qui sort de sa chambre et part en direction du salon, ce qui signifie qu’il s’apprête à aller enfiler ses chaussures.

Tenant fièrement la télécommande entre son pouce et l’index, elle me regarde droit dans les yeux et appuie sur le bouton « off ».

Voyant que je ne sais pas comment interpréter son geste, elle se mordille la lèvre inférieure et m’attire à elle d’une main sur la hanche pour me murmurer à l’oreille :

– Une fois dehors, je veux que tu penses à ce que tu as en toi et que tu gardes bien à l’esprit que je peux le déclencher à n’importe… quel… moment…

Marquant ses propos, elle l’allume puis l’éteint, me dépose un baiser juste sous l’oreille et quitte la pièce.

Oh bordel… Je ne sais pas si c’est ma meilleure idée ou la pire à date !

 

===============

 

Après quelques cocktails, je me retrouve à danser sur la piste improvisée au milieu du salon. Je passe un super moment.

M’arrêtant le temps de reprendre mon souffle, je me dirige vers le « bar » afin de me resservir. Alors que je me verse un verre, une inconnue m’adresse la parole.

Sans vouloir être méchante, ce n’est pas la conversation la plus palpitante de ma vie et ça suffit à ce que je prenne le temps de réaliser ma situation. Me voilà, parlant avec une étrangère qui ne se doute pas un seul instant que j’ai un œuf vibrant en moi.

Ça me fait sourire.

J’ai rien écouté... J’espère qu’elle n’était pas en train de m’annoncer la mort de son hamster ! Je réalise que je suis loin du compte lorsqu’elle place sa paume sur mon avant-bras en demandant :

– T’es la coloc de Nathan c’est ça ? Il m’a beaucoup parlé de toi…

Oh. C’est elle, la fameuse nana qui aime les femmes plutôt féminines.

Et si Nathan ne lui a rien promis, il paraît évident qu’elle n’est pas venue pour échanger sur la pluie et le beau temps.

– Oui c’est… hm ça.

Regardant par-dessus l’épaule de la fille, mes yeux croisent ceux de Kara, un sourcil levé à mon intention.

Elle n’en rate pas une…

Elle me « rappelle à l’ordre » en allumant l’œuf alors que je discute avec cette inconnue, m’extirpant un sursaut de surprise. Mais au fond, ça m’amuse, tant et si bien que je continue :

– Désolée, un frisson. Il m’a dit qu’il avait parlé avec une amie de son chéri, mais sans préciser ton prénom. Tu t’appelles comment ?  

– Nina, j’ai fait l’atelier des chefs avec lui, on a discuté à ce moment-là.

– Oh tu cuisines, bon à savoir !

Mon sourire s’agrandit en voyant que Kara s’impatiente, le volume des vibrations augmentant. Je me sens délicieusement perverse à continuer de lui parler comme si de rien n’était… 

 – Tu pourrais peut-être te joindre à nous à l’occasion, si ça te tente ?

Hmm, quoi faire ? Si j’opte pour oui, ce serait la faire marcher. Si je réponds non, Nathan me demandera sûrement la raison de mon refus, elle est très mignonne et pile dans mes goûts.

Les vibrations s’arrêtent.

Oups… L’aurais-je fâchée ?

– Ça aurait été avec plaisir, mais je crois que je suis une cause perdue. À un moment, quand l’univers envoie tous les signes pour signifier « STOP », il faut savoir écouter !

Elle ouvre la bouche et je m’attends à recevoir une proposition de cours particuliers, mais avant qu’elle n’ait pu dire un mot, nous sommes interrompues par l’arrivée de Kara :

– Ah Naomi, je te cherchais. Tu peux venir sur la terrasse deux minutes ?

Elle a un air coquin sur le visage et il est hors de question que je rate une opportunité d’être seule avec elle. Lançant un petit sourire désolé à mon interlocutrice, je demande :

– Tu veux bien m’excuser ?

Son regard balaie rapidement Kara, essayant certainement de déterminer la nature de notre relation, mais en dehors de ça elle lève la main et m’adresse un sourire :

– Je t’en prie ! Contente d’avoir fait connaissance, peut-être à plus tard...

Répondant à son signe de tête et son sourire, je lance :

– Peut-être !

Ne perdant pas un instant, Kara s’empare de ma main et nous fraye un passage jusqu’à la terrasse, relativement vide étant donné que le froid tombe.

Amusée, elle demande :

– Je constate que t’as pas de difficulté à trouver des prétendantes... Je devrais m’inquiéter ?

Je referme la porte coulissante derrière nous et lève les yeux au ciel avant de lancer :

– Tout de suite ! Tu vois le mal partout.

– Mhh… T’es sûre ? Elle m’a regardée des pieds à la tête et n’avait pas l’air ravie de l’interruption. Ça ne m’aurait pas étonnée qu’elle sorte le maillot de bain et me défie en combat de boue singulier.

Écarquillant les yeux, je demande :

– Tu crois ? Parce que si c’est le cas on y retourne tout de suite, je ne voudrais pas rater ça !

Déposant mon verre au sol, je fais mine de faire demi-tour et ça me vaut une tape sur le bras :

– Perverse !

J’ai beau être une sommité en matière de mauvaise foi, je ne peux pas nier cette évidence-là. Dès que Kara est concernée, c’est comme si tous mes neurones déclaraient sécession avec mon cerveau et partaient en vacances dans ma culotte !

Elle s’assied sur un fauteuil en bois légèrement sur le côté et place son bras autour de ma taille, essayant de m’attirer sur ses genoux. Je résiste et me libère, regardant tout autour de nous :

– Qu’est-ce que tu fais ? Nathan est là je te signale !

– Relax, son copain et lui sont partis chercher d’autres pizzas.

Elle ponctue sa phrase en tirant légèrement sur ma main et tapotant sa cuisse.

Jetant un dernier coup d’œil afin d’être certaine que la voie est libre, je m’autorise un écart en m’asseyant sur ses genoux. Immédiatement, elle passe ses bras autour de ma taille, me collant à elle (ou l’inverse, dépendamment de qui demande).

Elle ne dit rien, mais je l’entends sourire, son visage n’étant pas très loin de mon cou.

– Je suis bien.

Ce n’est que lorsqu’elle s’apprête à répondre que je réalise que ces mots sont sortis de ma gorge :

– Moi aussi.

On reste comme ça quelques instants, à profiter du moment. 

Le petit groupe présent sur la terrasse finit par rentrer, nous laissant seules dans la nuit.

Partiellement à l’abri des regards, le fauteuil n’étant pas face à la fenêtre, je m’autorise un nouvel écart, me retournant pour être à cheval sur ses genoux.

Plaçant mes avant-bras sur ses épaules, mon initiative est accueillie par un sourire. Kara m’enlace par la taille, m’attirant plus à elle et glissant son visage au creux de mon cou. Je la laisse faire, par peur de ne pas réussir à me retenir de l’embrasser si je venais à croiser son regard.

On est en train de franchir les limites imposées, elle le sait, je le sais, on s’en fout.

Elle dépose des baisers au creux de ma nuque, ses lèvres chaudes contrastant avec la fraîcheur de la nuit, m’arrachant des frissons.

Ses actions m’incitent à me coller plus à elle, ses paumes venant se placer à plat dans mon dos.

Lentement, elle remonte jusqu’à capturer mon lobe entre ses dents, murmurant à mon oreille :

– Y a que nous ici.

Le message n’est pas fait pour être subtil : laisse-toi aller, personne n’en saura rien.

Excepté nous.

Sauf que dans nous, il y a ma conscience et je me sens déjà assez coupable comme ça.

Me reculant suffisamment pour venir capter son regard, je glisse une mèche de cheveux derrière son oreille et adopte un air désolé. Elle comprend que je ne suis pas prête à céder et me fait un petit sourire en retour.

Mal à l’aise, j’entreprends de me réinstaller plus convenablement. En bougeant ma jambe, mon genou cogne contre un objet dans sa poche.

Les vibrations m’indiquent immédiatement de quoi il s’agit.

Mortifiée, mes excuses meurent sur mes lèvres en voyant l’expression sur son visage.

Partagée entre l’étonnement et l’excitation, c’est sourcils levés et se mordant la lèvre d’un air coquin qu’elle lance :

– Je peux le sentir...

Certainement atteinte de folie temporaire, mon unique réaction est de me décaler pour me coller davantage à sa cuisse. Je ne sais pas ce que j’espérais accomplir en faisant ça, mais ça la pousse à placer ses mains sur mes fesses, m’encourageant à accentuer la pression.

Fermant les yeux, je viens poser mon front au sien, mes coudes sur ses épaules et nos souffles se mêlant. C’est le moment rêvé pour lancer une excuse Naomi, tu balances l’explication de ton choix, tu te relèves en emportant avec toi l’once de dignité qu’il te reste et tu essaies d’oublier.

Au lieu de ça, faisant preuve d’une retenue que quelqu’un de généreux pourrait qualifier de « minable », je me laisse aller. Dans d’autres circonstances, j’aurais peut-être honte d’avoir quoi que ce soit en commun avec certains frotteurs dans le métro, mais pour le coup je suis trop occupée à apprécier le moment. Et puis bon, bien qu’elle n’ait pas vocalisé son accord explicite, ses actes parlent d’eux-mêmes.

Bien que moralement discutable, mon comportement a le mérite d’être très gratifiant, puisqu’à la seconde où j’accentue le contact entre mon sexe et sa cuisse, même à travers nos vêtements mes sensations sont décuplées. Je n’ai jamais été du genre hyper sensible et je ne sais pas si c’est l’atmosphère, l’interdit ou simplement elle, mais j’ai l’impression que toutes mes terminaisons nerveuses se sont donné rendez-vous au niveau de mon entrejambe.

Mes hanches réalisent une sorte de staccato et il est parfaitement impossible qu’elle ignore le fait que je suis en train de me servir d’elle pour mon plaisir.

Les bruits étouffés de la fête parviennent jusqu’à nous à travers la baie vitrée et j’ai pleinement conscience que si quelqu’un venait à regarder par la fenêtre sous un certain angle, cette personne n’aurait pas l’ombre d’un doute quant à la nature de nos activités. Essayant de me montrer un tant soit peu responsable, je préfère la prévenir :

– On risque de nous voir.

Sa réponse est instantanée et sans équivoque :

– Ça m’est égal. Continue.

Bien madame.

Bien que nos têtes soient placées l’une contre l’autre, je peux voir que ses yeux ne perdent pas une miette du spectacle. J’aime la prise possessive qu’ont ses mains sur mes fesses et la manière dont elle accompagne mon rythme. Elle est étonnamment sûre d’elle pour quelqu’un qui n’a jamais fait ça. J’essaie de garder un minimum de retenue, mais entre sa façon de me toucher, les vibrations et sa cuisse offrant une pression quasi parfaite, ce n’est pas une mince affaire.

Elle se recule et avant que je ne puisse m’inquiéter d’avoir été trop loin, ses yeux viennent croiser les miens, maintenant le contact.

Simplement éclairée par la lumière tamisée de la fête et celle de la lune, elle est magnifique. Il se passe quelque chose entre nous qui rend cette situation nettement moins sordide qu’il n’y paraît de prime abord. Et quelque part, la peur d’être surprise est à la fois paralysante et grisante.

Le problème, c’est que j’ai atrocement envie de l’embrasser…

Mais si je respecte l’espèce de logique tordue de mon esprit, ce serait « pire » que ce que je suis en train de faire, ça rendrait le tout plus intime.

Alors que bon, en toute objectivité, je doute qu’Aaron apprécie mon sens du sacrifice à sa juste valeur s’il venait à me surprendre en train de chevaucher sa petite sœur comme s’il s’agissait d’un taureau mécanique…

Ma respiration s’accélère et s’arrête par moments et c’est la seule manière par laquelle je m’autorise à marquer mon plaisir.

Alors que ses mouvements comme les miens gagnent en vitesse, un des sons à l’intérieur parvient à pénétrer notre bulle.

L’un des invités, visiblement imbibé, crie « Pizzaaaaaa » et c’est comme si l’on me versait un seau d’eau glacée sur la tête.

Nathan.

Il est là.

Merde !

Poussant sur mes jambes sans crier gare, je me propulse en arrière, me libérant de l’étreinte de Kara.

L’atterrissage est tout sauf gracieux, mes pieds ayant à peine touché le sol que je perds l’équilibre pour venir m’écraser sur mon postérieur. Une fois par terre, je rampe, m’aidant de mes mains et mes jambes afin de mettre le plus de distance possible entre elle et moi.

Kara a les yeux grands ouverts et un air de totale incompréhension sur le visage.  

Essayant de regagner mes esprits, je parviens à lancer :

– Nathan. Revenu. Pizza.

À défaut d’être un modèle d’éloquence, je suis concise.

Elle ferme lentement les paupières et ne masque pas sa déception. J’ignore la manière dont ses poings se serrent sur ses genoux et me relève maladroitement, l’arrière-train endolori et une sensation particulièrement inconfortable entre les cuisses.

J’attends d’avoir à nouveau son attention pour lui tendre une main pour l’aider à se redresser et remarque une légère hésitation de sa part à s’emparer de ma branche d’olivier.

Fait chier !

Une fois de plus, je n’aurais pas dû me laisser emporter. Certains font des stages de gestion de la colère, moi je n’ai plus qu’à aller rejoindre un certain golfeur dans sa cure pour accros au sexe…

On est passées de zéro à 100 en deux secondes, tout ça à cause d’un faux mouvement. Je ne sais pas si c’est parce qu’on a un niveau de retenue proche du néant ou s’il s’agit simplement d’un témoignage de l’attirance que l’on a l’une envers l’autre.

Une fois debout, elle me lâche comme si j’étais en feu et se dirige d’un pas preste en direction de la baie vitrée.

Je vois bien qu’elle n’a qu’une hâte, s’éloigner le plus vite possible de moi et ne suis pas certaine de comprendre.

L’interruption ne m’arrange pas non plus ! 

Je voudrais bien m’excuser, mais je ne sais pas de quoi et crains d’aggraver mon cas.

À défaut, la retenant d’une main sur le bras, mes mots sont maladroits et certainement pas ceux qu’elle aurait voulu entendre :

– Est-ce que tu peux couper… stp ?

Je suis ridicule. J’ai passé les dernières minutes à me frotter allègrement contre sa cuisse et je n’arrive ni à lui demander clairement de faire cesser les vibrations, ni à m’excuser de m’être « emportée ». Même si je ne suis pas vraiment désolée de l’avoir fait, juste de l’interruption et de ne pas oser avoir une discussion avec mon ami.

Elle pince les lèvres et plonge sa main dans sa poche, comprenant à quoi je fais référence. Elle en ressort la télécommande, appuie sur le bouton off et me la fourre au creux de la paume avant d’ouvrir la fenêtre coulissante pour rentrer à l’intérieur.

O-kay… C’est maintenant qu’il faut l’épater avec une justification de haut vol :

– Kara, je…

Elle se retourne et son regard me silence instantanément :

– Pas maintenant Naomi. J’ai besoin d’un moment.

J’acquiesce d’un signe de tête, même si je me sens hyper mal. Ces excuses auraient plus été pour moi que pour elle, j’en ai conscience, mais ça ne veut pas dire qu’elles ne méritent pas d’être dites.

Ramassant mon verre, je la suis à l’intérieur, penaude. La situation la frustre énormément et je ne suis pas sûre qu’elle va tolérer ça encore longtemps.

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