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Fictions Lesbiennes :)
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6 octobre 2019

Hors Limites - Partie 3

Fuck fuck fuck fuck !

J’éteins la sonnerie stridente de mon smartphone à l’aveuglette.

Le réveil est difficile ce matin et affronter la réalité est la dernière des choses qui me fait envie.

Après mon moment “les yeux dans les yeux”, j’ai traîné ma conquête dans ma chambre.

Honnêtement, excepté un intense pic de stupidité, je ne sais pas pourquoi je ne suis pas ressortie avec elle pour aller continuer ça ailleurs.

Mais j’ai réalisé ça en fermant la porte derrière nous, une fois que c’était fait.

Ma mère m’a toujours dit “c’est pas quand on a chié dans le froc qu’on cherche les toilettes”. Pas question de faire marche arrière. Surtout si ça impliquait de repasser devant Kara...

Alors j’ai fait la seule chose possible : j’ai couché avec cette fille en m’assurant d’être suffisamment exceptionnelle pour que le reste du voisinage n’ait aucun doute là-dessus.

Au moins elle n’est plus là au réveil, c’est déjà ça de pris.

Roulant hors du lit, je suis à nouveau percutée par une vague de honte. Je ne comprends pas pourquoi Kara ne s’est pas manifestée… Si j’avais su qu’elle se trouvait dans le salon, elle n’aurait pas vu un quart de ce qui a eu lieu.

Enfilant les premières fringues à ma portée, je me rends dans la cuisine pour passer un coup d’éponge sur l’îlot central avant que mes colocs ne prennent leur petit déjeuner dessus. Même si techniquement j’étais tout habillée, ça n’est pas une raison pour faire fi des règles d’hygiène de base. Je suis en train de tout ranger lorsque Kara sort de sa chambre.

Évidemment, il fallait qu’elle se pointe pile au moment où j’efface les traces de mon “crime”...

Mon cœur se met à battre la chamade tandis qu’elle approche.

– Salut.

– Salut.

Je sens ses yeux sur moi, mais refuse d’être celle qui abordera le sujet. Si l’on devait ne jamais en parler, ça m’irait très bien. Je peux vivre dans un état de déni éternel, ça ne m’effraie pas !

– T’as rien oublié hier soir ?

Toute notion de pudeur et de dignité ? Ce que ça fait d’avoir de l’intimité dans la colocation ?

Ça m’agace qu’elle lance ça comme ça, je ne sais pas ce qu’elle veut entendre et me sens mise sous le feu des projecteurs. Du coup, j’opte pour l’attaque, désirant lui faire comprendre que ce n’était pas cool de sa part non plus de ne pas s’être manifestée :

– Excepté encaisser ton entrée pour le spectacle, pas que je sache…

Remarquant du mouvement, je lève la tête pour la trouver les yeux pétillants d’amusement, bras tendu, ma culotte pendant au bout de son index ganté.

– T’es sûre ?

Sérieux ?

J’attrape brusquement mon sous-vêtement et le fourre dans la poche de mon jogging en gardant le silence.

Je ne sais pas ce qui est pire. Que j’oublie ma culotte, qu’elle l’ait ramassée, ou qu’elle ait mis un gant pour me la rendre.

Doublement humiliée, voilà ce que je suis.

Comme si elle avait lu dans mes pensées, elle se justifie, toute trace d’humour quittant son regard :

– Je ne savais pas pour combien de temps tu allais en avoir et je n’avais pas envie que mon frère trouve ça et ne déclenche la 3ème guerre mondiale en pensant que tu m’avais culbutée sur le plan de travail…

Mh. Je peux voir le raisonnement derrière ça.

– Merci, j’imagine.

Kara semble hésiter, ses doigts jouant avec l’armature du siège de bar et finit par se lancer :

– Naomi, par rapport à hier soir, je…

Même si c’est impoli, je décide de l’interrompre pour ne pas avoir à entendre ça :

– Est-ce qu’on a vraiment besoin d’en parler ?

Elle baisse les yeux et acquiesce d’un mouvement de tête :

– Non, mais je voulais juste —

Elle s’arrête net lorsque Nathan sort de sa chambre. Visiblement à moitié assoupi, il s’installe et ne repère pas la tension dans la pièce, s’adressant à nous d’une voix marquée par le sommeil :

– Salut. Comment ça va ?

Étant prête à tout pour changer de sujet et peut-être réussir à ignorer la honte que je ressens à l’idée que Kara m’ait vue pendant l’acte, je m’empresse de répondre :

– Nickel et toi ? Bien dormi ?

– Mhh. Au fait Kara, ça va mieux ta tête ?

Oh, c’est pour ça qu’elle était rentrée ?

– Oui, merci. J’ai pris un truc et j’ai été m’allonger.

– Tant mieux.

Malgré moi, je remarque qu’elle a dit qu’elle s’était allongée, pas qu’elle avait été se coucher.

Je m’apprête à réaliser un grand numéro de disparition pour aller me terrer dans ma chambre jusqu’à la fin des temps, mais ma coloc me devance :

– Bon, je vais devoir streamer bientôt, je vous laisse.

Elle s’éclipse et je la regarde partir avec soulagement C’est con, j’étais vraiment contente de nos interactions et là il y a comme un éléphant dans la pièce. Un éléphant avec un gigantesque sexe en érection difficile à ignorer.

Heureusement, je suis tirée de mes pensées déprimantes par Nathan :

– Ça te tente de m’aider à préparer des petits fours pour ce soir ?

– Y a quoi ce soir ?

– Aaron a organisé une fête maintenant que Kara est installée et a trouvé ses marques. Je croyais que tu savais !

– Oh, ok. Et non, il a dû oublier de m’en parler.

– Du coup ça te dit ?

Voyons voir… Aider à faire à manger et m’occuper une partie de la matinée ou ruminer ce qu’il s’est passé et ne pas réussir à travailler quoi qu’il arrive ?

Pas très dur comme choix.

– Ça marche, Commis Naomi à vot’ service !

– Tu devrais toujours t’adresser à moi de la sorte, j’adore.

– Un conseil, t’habitues pas…

– Oh t’en fais pas, je commence à cerner ton attachiante personnalité.

– La flatterie ne t’amènera rien !

Il sourit et semble se souvenir de quelque chose :

– Au fait, j’ai parlé de toi à une copine de mon chéri.

Prête à tout pour penser à autre chose, je m’enquiers :

– Ouh, ça y est vous êtes ensembles ? Tu m’as rien raconté ! Et en bien j’espère, pour la fille ?

Nathan me lance un regard qui signifie « t’as vraiment besoin de demander ? » avant de s’expliquer :

– Ouiiii je te raconterai tout t’inquiète ! Et oui. Comme ça fait un moment que tu n’as plus fait de… « sorties », je me suis dit que peut-être tu serais prête à rencontrer une femme qui cherche du sérieux.

Un moment, c’est ce qu’il croît.

Et je pense être prête, mais je ne sais pas si c’est une bonne idée.

Semblant conscient de mon manque d’enthousiasme, Nathan explicite :

– Rassure-toi, ce n’est pas un rencard arrangé et je ne lui ai rien promis. On parlait du fait qu’elle aimait les femmes assez féminines, qu’elle avait du mal à en rencontrer dans le milieu lesbien et ça m’a fait penser à toi.

Toujours suspicieuse, je demande :

– Du coup, qu’est-ce que tu attends de moi ?

– Rien. Je l’ai trouvée sympa, on a bien discuté et c’est une des amies proches de mon chéri, donc on sera sûrement amenés à la revoir.

– Mh. Ok, on verra. Et ce fameux chéri, quand est-ce qu’on le rencontre Aaron et moi ?

Nathan semble nettement moins enthousiaste à cette idée :

– Dès que vous aurez promis de ne pas le menacer.

Levant les yeux au ciel, je fais l’innocente :

– Menacer, tout de suite !

Peu convaincu par mon impeccable jeu d’actrice, il rétorque :

– Tu as dit à mon ex que s’il me faisait du mal, tu te servirais de tes compétences pro pour lui coudre les voies respiratoires avant de le lester et le jeter au fond d’un lac.

Je peine à retenir un sourire. Ça m’avait demandé un certain effort créatif, j’étais plutôt fière !

– Roh, je plaisantais. Il a compris l’idée !

– Il m’a dit que tu étais absolument terrifiante et qu’il avait peur de venir passer la nuit ici !

La psychopathe en moi se réjouit à cette idée. Mais bon, qu’on ne dise pas que je ne reconnais pas mes torts :

– Ok, peut-être que j’ai exagéré. J’irais mollo cette fois-ci, promis.

– Naomi …

– Quoi ? C’est mon rôle de coloc slash meilleure amie !

 

===========

 

Le bruit de mon crayon sur le papier est la seule chose qui brise le silence. Concevoir et évoquer les détails des costumes avec mes clients est ma partie préférée. J’espère que ma création va plaire !

Levant les yeux de la planche à dessiner, mon regard se pose immédiatement sur Kara, elle aussi à son bureau, la fenêtre de sa chambre étant en face de la mienne.

Soit elle parle toute seule, soit elle est toujours en train de streamer. Ce n’est pas impossible, car son planning a été chamboulé ces derniers temps suite à son emménagement.

Mes yeux s’attardent sur son profil, un sourire gagnant immédiatement mes lèvres. Je meurs d’envie d’attraper mon PC portable et de me connecter, rien que pour pouvoir entendre le son de sa voix.

Mais je ne sais pas si je devrais étant donné les circonstances. J’avais rien demandé, mais j’ai l’impression d’être une exhibitionniste, d’être salie.

Oh et puis merde.

Trois secondes plus tard, j’ai les yeux rivés sur l’écran et me demande si c’est comme ça que mon entreprise va faire faillite. Je vois déjà les gros titres « incapable d’arrêter de reluquer sa colocataire qui travaille également à domicile, une jeune entrepreneuse met la clé sous la porte ».

Plutôt que de me laisser gagner par la culpabilité, je salue le chat et me prépare à passer un bon moment.

Immédiatement, sa voix m’apporte le sentiment de familiarité usuelle.

Contrairement à beaucoup d’autres nanas sur Twitch, l’espace qu’occupe sa webcam n’est pas immense, elle n’a pas un maquillage de fou et porte des vêtements ne mettant pas spécialement en avant ses attributs. En clair, elle reste simple, n’essaie pas d’en faire des tonnes. À raison, son enthousiasme et talent en jeu suffisent à la rendre extrêmement divertissante ! J’ai toujours trouvé ça un peu triste de voir certaines miser clairement sur leur physique plutôt qu’autre chose.

Malgré moi, mon attention est captée par ses yeux. Je n’arrive pas à me sortir de la tête la manière dont elle m’observait hier.  

Si je n’avais pas eu la bonne idée de l’interrompre tout à l’heure lorsqu’elle a voulu se justifier, j’aurais peut-être su si l’intensité de son regard était quelque chose de positif ou non.

Non pas que ça aurait changé grand-chose au problème de fond.

J’ai parfaitement conscience d’être attirée par elle, je l’étais déjà avant même de la rencontrer, alors forcément ça n’a pas aidé. Mais ça n’ira pas plus loin.

Non seulement c’est la sœur de mon ami qui m’a expressément indiqué ne pas vouloir que je m’approche d’elle, mais elle n’a jamais été avec une nana. Et je m’en fous qu’elle soit bi-curieuse ou je ne sais quoi. Rien ne dit que je lui plais, je ne suis pas assez narcissique pour me croire irrésistible.

Je me souviens encore de l’intense sentiment de déception lorsqu’un soir, alors que l’on était en comité réduit sur Discord, elle avait dévoilé ne jamais être sortie avec une femme. Je ne pensais pas avoir une chance avant ça, juste… C’était comme si une porte se fermait.

Et je ne souhaite pas que ça arrive en amitié non plus. Ça impacterait la relation avec deux de mes colos, c’est pas quelque chose que j’ai envie de tenter.

Même si elle est potentiellement attirée par les femmes, ça ne veut pas dire qu’elle avait envie d’assister à cette scène… Certes, elle n’est pas blanche comme neige non plus, mais j’étais dans les parties communes et pour autant que je sache, il est possible qu’elle dormait au moment où l’on est rentrées. Se manifester après que l’on ait commencé aurait été… délicat, je peux comprendre qu’elle ait gardé le silence. Par contre, si elle jouait juste les voyeuses, ce serait différent…

Ok.

Il faut que je mette les choses à plat, je ne peux pas rester comme ça.

Le tout pour le tout.

Tapant rapidement au clavier, je valide avant de changer d’avis et attends dans le stress, gigotant ma jambe pour tenter d’évacuer le trop plein.

Immédiatement, ma donation anonyme s’affiche à l’écran, lue par la voix robotisée des alertes Twitch “je suis désolée pour hier soir, je ne t’avais pas vue. J’espère que l’on arrivera à passer outre”.

Alors qu’elle était en train de jubiler après avoir réalisé un coup magnifique, elle s’arrête soudainement et prends le temps de lire l’écran.

Le chat est visiblement intrigué par cette histoire et je m’efforce de faire semblant de me poser autant de questions que les autres pour éviter de sortir du lot.

Kara se mordille la lèvre, tourne la tête pour venir croiser mon regard à travers la fenêtre avant de répondre :

“Merci pour la donation. Tu veux toujours pas me dire ton pseudo ? On pourrait en discuter en privé si tu veux pas faire ça face à face”.

Très fin, le chat se lance dans des “je sais pas ce qui sonne le mieux, le chat privé kreyGASM-sou le face à faceGachiGASM-s” et autres “on peut faire “ça” quand tu veux !kreyGASM-s”.

Ses yeux dans les miens, elle attend que je me manifeste et j’espère qu’en le faisant je ferais un pas dans la bonne direction et non vers le perma-ban.

Plaçant mon curseur dans le chat, je me lance :

@Miss_Sassy_Pants on en a déjà parlé, mon vrai pseudo commence par un S…

Voyant que j’ai tapé quelque chose, elle arrête son observation pour scruter les commentaires. Bien évidemment, étant donné la façon dont elle a proposé, les ¾ des spectateurs disent qu’ils sont moi... Mais j’ai confiance en le fait qu’elle arrivera à faire la part des choses. Et effectivement, ses yeux s’écarquillent de manière comique lorsqu’elle tombe sur ma réplique.

Immédiatement, elle annonce :

“Petite pause, je reviens !”.

Elle retire son casque et je la vois se lever.

Pas besoin d’être un génie pour deviner qu’elle se dirige vers ma chambre.

Pendant une fraction de seconde, j’envisage de me planquer sous le lit ou je ne sais pas où, rien que par peur.

Elle toque à la porte et n’hésite pas une fois que j’ai lancé un timide “entre”.

Immédiatement, elle se penche vers mon PC portable encore ouvert sur la page du stream, se focalisant sur le coin haut droit, qui indique mon pseudo.

“Mazikeen”.

Se redressant, elle jette un regard incrédule, me file un coup de poing dans l’épaule et m’attire dans ses bras avant que je puisse m’offusquer des violences qui me sont faites.

Machinalement, je l’enlace en retour et tente de maîtriser mon côté pervers qui se réjouit du contact. C’est pas le moment.

Desserrant un peu son étreinte, mais sans se reculer, elle me chuchote à l’oreille :

– « Oh mon pseudo ? C’est pas important, vraiment, tu ne le reconnaîtrais sûrement pas ». Mes fesses ! Ça fait 3 ans qu’on discute et que tu me soutiens, j’ai même envisagé de te demander d’être modératrice !

Aussi stupide que cela soit, ça me flatte.

La plupart du temps elle a entre 2 000 et 4 000 personnes qui la regardent, alors savoir qu’elle m’a remarquée dans la masse, ce n’est pas rien.

Elle finit par se reculer et je me retrouve à la l’observer bêtement sans trop savoir quoi dire, passant une main à l’arrière de mes cheveux.

– Et pour répondre à ta donation… C’est moi qui te dois des excuses, c’était pas correct de ma part de ne pas m’être manifestée. Pour être honnête, j’avais la tête dans le cul et je n’ai pas tout de suite compris ce qu’il se passait. Et après coup, je me voyais mal annoncer ma présence. T’imagines la scène ?

Elle lève son index et fais mine de se racler la gorge en s’exclamant :

–  Ahem, désolée de vous interrompre, je retourne dans mes quartiers, faites comme si je n’étais pas là ! Nan, vraiment, vous dérangez pas pour moi !

Ça me soulage de l’entendre reconnaître ses torts, même si mes questions sur sa réaction restent entières. Ok, se manifester aurait été bizarre, mais pas faire semblant de dormir. Elle n’était pas obligée de regarder.

Bref. De toute manière, je préfère largement ne pas insister et faire abstraction de ce qu’il s’est passé que de continuer à en discuter :

– Excuses acceptées si les miennes le sont. T’es d’accord pour garder ça pour toi et ne plus jamais en parler ou même y penser ?

Vaut mieux demander ça que l’oubli, pas besoin qu’elle souligne son traumatisme ou le fait qu’elle sera marquée à vie.

– À une seule condition.

Fait chier.

C’était trop beau !

– Je t’écoute.

– Que tu acceptes de te joindre à moi pour un Stream.

Jouer avec elle a toujours été très agréable, ce ne sera pas vraiment une corvée ! Voulant éviter tout coup fourré, je demande des précisions :

– Off caméra ?

Elle frétille des sourcils et secoue la tête à la négative :

– Han han…

Évidemment… il fallait qu’il y ait anguille sous roche.

Voyant que le chat s’impatiente, je fais un signe en direction de mon PC et lance :

– Tu devrais y retourner, tu vas perdre du monde.

Plutôt que de me laisser m’en tirer à si bon compte, elle me tend la main et demande :

- Deal ?

– T’es pas gonflée quand même ! T’as ta part de torts !

M’ignorant, elle réitère :  

- Deal ?

À contrecœur, je glisse ma paume dans la sienne pour la serrer et annonce :

- Deal.

Visiblement ravie de ma réponse, elle quitte ma chambre en sautillant à moitié. Au moins l’une de nous est contente.

 

===========

 

La fête bat son plein, tout le monde s’amuse… Excepté moi.

Je sais qu’on en a parlé, mais c’est bizarre que Kara parvienne à faire comme si je n’avais pas joui en la regardant droit dans les yeux il y a moins de vingt-quatre heures. Parce que personnellement, j’ai vraiment du mal. Moi qui voulais absolument lui faire bonne impression, c’est réussi !

Je ne sais pas comment me comporter, divisée entre l’envie d’aller lui parler et la gêne.

En plus, je ne suis pas la seule à avoir remarqué à quel point elle est attirante dans sa tenue, puisque son mec la colle plus qu’une tique sur le dos d’un chien.

Ça me gonfle.

Il est mignon et gentil, mais s’il venait à mourir sous mes yeux, je doute que j’irais verser une larme.  

...

Cette situation est incroyablement frustrante. Je ne sais pas comment me comporter et c’est particulièrement déplaisant. Il faut que j’arrive à passer outre. Ma gêne, mon attirance, tout doit disparaître. Grand vide dans l’esprit de Naomi !

Je n’aurais pas dû boire ce soir, ça fait ressortir mon amertume. Et c’est bizarre, parce que d’un côté j’ai envie de capter son attention, de l’autre, ça me met mal à l’aise et je me sens hypocrite d’autant aimer ça.

Pour la trois millionième fois, mes yeux tracent les courbes de ma coloc, de son chemisier moulant à son jean près du corps, qui épouse parfaitement ses formes alors même qu’elle danse avec énergie…

Fuck. Il faut que je me prenne en main avant qu’Aaron ne remarque. Ou Mathieu.

Comme si elle sentait le poids de mon regard, Kara se tourne et demande :

– Tout va bien Naomi ?

– Mhh. Nickel.

Plaquant un faux sourire sur mes lèvres, j’espère qu’elle va lâcher l’affaire.

Bien évidemment, la chance n’est pas de mon côté et elle place une main devant mon visage :

– Danse avec moi.

Je devrais dire non.

Mais son mec m’observe d’un drôle d’air et je n’aime pas ce que je vois dans son regard.

Il se méfie.

Je prends ça comme un challenge.

Les doigts de Kara s’entremêlent aux miens tandis qu’elle m’attire sur la piste de danse improvisée près du bar. Ça ne devrait certainement pas me paraître aussi naturel, c’est flippant.

Elle se colle à mon corps, plaçant une main au creux de mes reins et laisse la musique nous guider.

– Détends-toi, profite du moment !

Plutôt que de se reculer, elle reste plaquée contre moi, sa bouche à proximité de mon oreille et son bras autour de ma taille. 

C’est la première fois que l’on est aussi proches physiquement en étant éveillées et mon attirance est absolument hors de contrôle. Ses cheveux sont lâchés et dégagent une odeur de monoï qui me fait penser à la plage et au soleil. Un verre de plus et je ne suis pas sûre de réussir à me retenir de déposer un baiser sur son crâne.

Parce que l’occasion s’y prête, je m’autorise à la regarder dans les yeux, répondant à son sourire. Elle prend la parole pour demander la chose la plus étrange qui soit :

– Est-ce que t’es un appareil photo ?

Je fronce les sourcils devant sa question :

– Hein ? Pourquoi tu demandes ça ?

– Parce que dès que je te vois, je peux pas m’empêcher de sourire.

Je lutte pour retenir le mien. C’est vraiment, vraiment mauvais !

– Tu ne dois pas être assez objective…

Z’avez pigé ? Objective, objectif… Hahaha.

Ouais, non.

C’est nul.

Mais j’ai bu, on me pardonne.

 Voulant détourner l’attention de moi, je demande :

– Tu comptes arrêter bientôt avec tes tentatives de drague ratées ?

En réalité, ça ne me dérange pas tant que ça. Évidemment, j’aime me faire pseudo courtiser par une jolie jeune femme. Mais pour le coup c’est comme si on te proposait le ticket gagnant du loto pour plaisanter. Ça ne devient plus très drôle si t’es dans le besoin.

– Ça dépend, est-ce que tu es folle de moi, me trouvant absolument irrésistible ?

Mon ton blasé est en totale inadéquation avec les battements erratiques de mon cœur :

– Si je dis oui, tu arrêteras ?

– Uniquement si c’est vrai !

Mh. Pas encore, mais je n’y tiens pas du tout.

Prête à tout pour qu’elle cesse et constatant qu’Aaron est occupé, mon cerveau alcoolisé décide de mettre en évidence les limites de son bluff. Approchant mes lèvres des siennes, je laisse nos souffles se mêler, prévoyant qu’elle va paniquer.

Honnêtement après le spectacle auquel elle a eu droit, je pensais vraiment qu’elle allait se reculer à toute vitesse, affolée à l’idée que je l’embrasse… Mais elle garde son sang-froid et attend sans broncher. À sa place, je m’inquiéterais également de la réaction de mon mec. D’ailleurs, j’aurais peut-être dû y réfléchir aussi…

Mais je ne comprends pas à quoi elle joue. Ce qu’elle en retire. Oui, c’est notre truc à nous et c’est rigolo, mais pas au point d’en faire des tonnes et de ne pas en louper une.

Défaite, je masque mon échec par un sourire et me recule, lançant dans un haussement d’épaules :

– J’imagine que tes atroces phrases d’accroche vont continuer...

– Mhhh, désolée, t’as dit quoi ? Je m’étais perdue dans tes yeux !

– J’abandonne, t’es irrécupérable.

Je me détache d’elle et la laisse en plan, choisissant d’aller me planquer dans le coin du balcon près de ma chambre, planquée derrière le barbecue, histoire de fuir les festivités sans en avoir l’air.

Je m’accoude à la rambarde et ai un total de 2,12 secondes de tranquillité avant que Kara ne me rejoigne. Je sais pas ce qu’il faut faire pour échapper à cette fille sérieux !

Elle prend appui sur le rail et regarde au loin. Mes sourcils se lèvent en la voyant sortir une cigarette électronique de sa poche et l’amener à sa bouche.

– Je savais pas que tu fumais.

– Je fume pas.

Mh mh, mais bien sûr. Devant mon air dubitatif, elle se redresse, place une main sur mon épaule et me tourne vers elle.

Elle approche son visage du mien et alors que je me demande ce qu’elle fabrique, elle me souffle lentement la vapeur dessus.

Je m’apprête à l’envoyer chier pile au moment où je relève les notes fruitées.

– Y’a pas de nicotine, je vapote juste de temps en temps, pour le goût. Tu veux tester ?

Elle me tend l’appareil et je n’hésite qu’un seul instant avant de tirer une bouffée. C’est pas mauvais, mais pas de là à acheter tout l’attirail juste pour ça !

Un sourire coquin gagne ses lèvres et je sais qu’elle va sortir une connerie avant qu’elle ne parle :

– On se passe la vapeur ?

Suspicieuse et naïve à la fois, je demande dans un froncement de sourcils :

– Comment ?

– Prends une bouffée, je te montre.

Qu’on soit clairs : j’ai conscience que c’est une très mauvaise idée, je le devine à ses yeux… Mais je le fais quand même. L’alcool que j’ai consommé a vraisemblablement entamé mes capacités cognitives.

Une fois fait, je me tourne pour lui faire face et ce n’est qu’en la voyant approcher son visage que je percute.

Par la bouche.

Elle veut que je lui transmette la vapeur avec la bouche…

Je me cogne l’arrière du crâne contre le mur en me reculant et manque de m’étouffer, la vapeur s’engouffrant dans le mauvais trou.

Alors que je suis en train de décéder, elle rigole de mon malheur.

– C’est pas drôle !

– Uniquement parce que t’as pas vu ta tête !

– T’aurais fait quoi si je m’étais pas reculée madame la maline ?

Elle hausse les épaules et lance d’un air nonchalant :

– Partagé la fumée.

Ça a le mérite de me faire lever un sourcil :

– T’oublies pas quelque chose ?

– Le dîner aux chandelles ?

Lui lançant un regard ne laissant pas douter de ce que je pense de sa tentative d’humour, je précise :

– Ton copain.

Elle fronce les sourcils, apparemment confuse, tant est si bien que je me sens obligée d’expliciter :

– … Mathieu.

– On n’est pas ensemble.

Alors ça c’est la meilleure.

– Excuse-moi de te le dire, mais vous avez l’air pas mal ensemble. Il est au courant ou c’est un récent développement ?

– Il le sait. J’ai des besoins, lui aussi, ça nous est arrivé de se retrouver au milieu. Y’a pas de promesse dans tout ça.

Je ne me faisais pas d’illusion sur leur relation, mais ça me fait quand même chier d’en avoir confirmation. Il est temps que je parte, autant dissimuler ma gêne derrière une tentative d’humour :

– Ewww. J’en ai assez entendu. Tu m’excuseras, je vais aller vomir dans le couloir.

Passant à côté d’elle pour retourner dans le salon, elle m’arrête d’une main sur mon bras :

– Toi en revanche, tu ressembles trait pour trait à ma future petite copine...

- Oh my God mais stop ! C’était une blague !

Sans compter que son frère me décapiterait s’il savait le genre de pensées que j’ai… Alors que je franchis la double porte, je l’entends surenchérir :

– Oh allez quoi, je m’appelle pas Raiponce, mais je te laisserai me tirer les cheveux…

Elle va plus loin que d’ordinaire et a probablement bu, mais c’en est trop pour moi !

Il faut que je mette les points sur les i. Si j’avais su qu’elle allait me prendre au mot, je n’aurais jamais plaisanté à ce sujet. J’ai besoin de comprendre pourquoi elle fait ça, d’avoir des réponses, parce que là ça me rend dingue.

Faisant volte-face, je demande :

– Je peux te parler en privé ?

Elle a à peine le temps d’acquiescer que je l’entraîne dans sa salle de bain, bien décidée à obtenir des explications. Je ne sais pas à quel jeu elle joue, mais ça a trop duré, il faut que je crève l’abcès.

Je la fais rentrer en premier et ferme la porte derrière nous.

Elle s’adosse au mur mitoyen avec sa chambre et demande :

– Qu’est-ce qui se passe ?

Rien ne sert de tourner autour du pot :

– J’aimerais savoir à quoi tu joues. Ça me met mal à l’aise.

Elle fronce les sourcils une seconde, avant qu’un lent sourire en coin ne la gagne :

– Mais de quoi tu parles ?

Agacée, j’avance dans sa direction, venant me placer face à elle et laissant 30 cm à tout casser entre nous :

– Tu sais très bien de quoi je parle.

– Explicite, qu’on en soit sûres.

Elle me provoque, c’est clair, mais pourquoi ?

– Ton comportement. Les propositions. C’était une blague, tu le sais. En quoi ça t’amuse d’essayer de me faire réagir ? Qu’est-ce que t’espères en tirer ?

Trop vite pour que je puisse réagir, sa main se place sur ma hanche et m’attire contre elle. Surprise, j’ai à peine le temps de plaquer une paume à plat contre le mur, juste à côté de sa tête, pour m’éviter de complètement l’écraser.

D’aussi près, c’est impossible de rater la manière dont ses pupilles se dilatent et ça me désarçonne tellement que j’en manque presque sa réponse :

– C’est pas évident ?

Elle ponctue sa phrase en s’humidifiant inconsciemment les lèvres et je bloque dessus quelques secondes, avant de finalement revenir à la raison, secouant la tête à la négative :

– Non. On ne va pas aller sur ce terrain-là.

Fière de ne pas avoir flanché, je tente de me reculer, mais son autre bras se glisse autour de ma taille, me maintenant contre son corps dans une prise lâche :

– Pourquoi pas !?

Levant les yeux au plafond pour éviter que ma faible résolution ne se perde dans son regard, je réponds :

– Parce que c’est une très mauvaise idée…

Consciente qu’il va me falloir me montrer plus convaincante que ça si je veux qu’elle adhère, j’ajoute :

– T’es ma coloc, ton frère me tuerait, je sais que t’as jamais été avec une femme... Je dois continuer ?

Je vois que mes arguments tombent dans l’oreille d’une sourde lorsqu’elle s’avance et me mordille la nuque avant de répondre :

– J’emmerde mon frère, je fais ce que je veux... Pour être honnête, j’ai pas arrêté de penser à hier soir… te regarder, c’était… disons que j’étais dans tous mes états… Et c’est pas parce que j’ai jamais été avec une femme qu’aucune ne m’a jamais attirée. On en a déjà parlé. Tu me plais… La question est : est-ce que tu me veux en retour ?

Oh bordel… Je devrais peut-être me pincer pour m’assurer que je suis bien éveillée. Je dois le faire, mais ce n’est pas pour autant que ça me fait plaisir de devoir annoncer :

– Peu importe Kara... Ce qui t’a plu c’est très certainement l’interdit, de savoir que ce n’est pas bien de regarder et le faire quand même, ça veut rien dire… Ça pourrait être moi comme n’importe qui.

La dernière partie était autant pour son bénéfice que le mien.

Loin de se laisser démonter, elle ignore ce que je viens de dire, optant pour me mettre une vérité en pleine face.

– Ose me dire que tu ne ressens pas de connexion entre nous… j’ai vu la manière dont tu me regardes quand tu crois que j’ai le dos tourné. J’ai envie de sentir cette passion.

Elle ponctue sa phrase de baisers dans mon cou qui entament sévèrement mes capacités cognitives. Elle vient de confirmer très clairement que mon attirance n’est pas à sens unique. C’est dur, mais je parviens tout juste à balbutier un faiblard :

– T —t’es pas sérieuse…  

Je ne sais pas qui j’espérais convaincre, mais c’est visiblement raté puisqu’elle se recule, plante son regard dans le mien et exige :

– Naomi, embrasse-moi.

Prenant une grande inspiration, je réunis tout ce qu’il me reste de raison — pas grand-chose — et fais un pas en arrière, voulant sortir de là le plus vite possible avant de craquer :

– Non. Si c’est une expérience que tu cherches, je peux te mettre en relation avec quelqu’un, mais c’est tout.

Un air de déception gagne son visage l’espace d’un instant et elle finit par dire :

– Je veux pas d’une expérience. Je te veux toi.

Fuck. Elle m’offre tout ce qui me fait envie sur un plateau… Mais qu’est-ce qui se passera si jamais elle décide que finalement ce n’est pas pour elle ? J’aurais perdu la confiance d’Aaron et je devrais vivre avec Kara sans pouvoir la toucher…

Ne sachant pas quoi faire d’autre, je marmonne un :

– Je peux pas…

Et quitte la pièce, allant me réfugier au milieu des invités.

Malgré moi, je remarque qu’elle met quelques minutes à sortir à son tour et me dis que j’ai pris la bonne décision lorsqu’elle est immédiatement accueillie par son “mec”.

Ok, elle n’est clairement pas emballée par sa présence et je croise son regard alors qu’il se penche pour l’embrasser. Elle détourne le visage au dernier moment, mais ça ne change rien à la situation.

C’est mort, il ne peut rien se passer.

Peut-être qu’à force de le dire dans ma tête j’arriverai à m’en convaincre…  

Il va bien falloir.

Les limites sont très claires, à moi de faire en sorte de m'y tenir.

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2 octobre 2019

Hors Limites - Partie 2

La porte s’ouvre brusquement, laissant passer un Nathan visiblement joyeux. D’un ton transpirant d’ironie, j’annonce :

– Entre sans toquer, fais comme chez toi !

Il ne prend même pas la peine d’avoir l’air désolé lorsqu’il rétorque :

– Oh allez, après quatre ans de vie commune, j’ai déjà vu tout ce qu’il y avait à voir…

Ew.

Pas faux, mais ew.

Décalant mon PC portable pour le poser à côté de moi, je me redresse, m’adossant à la tête de lit et m’enquiers :

– Qu’est-ce qui t’amène ?

Il jette un coup d’œil derrière lui avant de fermer la porte et s’asseoir au bord du matelas :

– Il faut que je vide mon sac ! Ça ne pouvait pas attendre ! 

Amusée, je demande :

– Laisse-moi deviner, t’as un nouveau chéri ?

Il amène ses mains à sa bouche, dissimulant très mal un large sourire :

– Pas encore, mais j’ai un rencard…

Il ponctue cette annonce d’un petit saut sur le lit. Emportée par son enthousiasme contagieux, je m’enquiers :

– Quiiii ?

– Tu te souviens du mec hyper mignon, celui qui bosse avec Aaron en tant que coach sportif ?

– Le dieu grec que tu m’as montré en photo ?

Ma description a l’air de l’étonner et le ravir à la fois. Je suis lesbienne, pas aveugle…

Il acquiesce d’un signe de tête, se mordant la lèvre inférieure.

– Ouhhh, je serais presque jalouse !

Immédiatement, il plisse les yeux, passant en mode « sur la défensive » :

– Pas touche hein !

Peu impressionnée, je lui adresse un regard équivoque qui le fait aussitôt changer de sujet :

– Et toi, quoi de neuf côté cœur ?

Excepté une attirance unilatérale envers notre nouvelle coloc, pas grand-chose… Mais bien sûr, je me garde bien de lui faire part de ça. Ça m’étonne qu’il n’ait pas encore mentionné l’incident « courses + sieste » d’ailleurs.

– Que dalle.

S’emparant de ma main, il hésite un instant avant de dire :

– Tu sais… Aaron et moi on s’inquiète…

Je sais très bien à quoi il fait référence. Ma réaction post-rupture avec mon ex. C’était ma première histoire sérieuse et elle s’est terminée à l’instant où je l’ai trouvée au lit avec une autre. Je n’avais aucun soupçon et suis tombée de très haut.

– Je sais. Ça va mieux, promis.

Je serre sa main dans la mienne, contente que ce soit la vérité. C’est con, mais l’arrivée de notre nouvelle coloc m’a vraiment apporté une bouffée d’air frais. J’étais dans une routine, perdue dans mes pensées, toutes mes soirées passées devant Twitch ou à emballer des inconnues, occupée à m’engourdir l’esprit.

La venue de Kara a bouleversé ça, me donnant envie de profiter de sa compagnie, donc du présent.  

– Content de l’entendre. Ma Nom-Nom me manque.

Fronçant les sourcils d’un air pseudo-menaçant, je réponds immédiatement :

– Je t’ai déjà demandé cent fois de ne pas m’appeler comme ça !

– Et cette fois encore, j’ai bien l’intention de faire ce que je veux !

 

=====

On est dimanche et de ce fait, je suis affalée sur le côté, en jogging devant la télé, à regarder des dessins animés. Enfin... regarder, comater, appelez ça comme vous voudrez.

J’ai peu et mal dormi. Enfin non. Je dormais bien jusqu’à recevoir un message de mon ex, visiblement alcoolisée. J’étais certaine d’avoir bloqué son numéro pourtant.

Lorsque j’entends une porte s’ouvrir, je considère changer de chaîne l’espace d’un instant, avant de me rendre à l’évidence : la télécommande est beaucoup trop loin pour que je fasse l’effort et j’ai réussi à enrouler la couverture pile comme il faut autour de moi.

À la légèreté des bruits de pas, je sais que c’est Kara qui va me trouver dans toute ma gloire.

Elle se traîne jusqu’au canapé, clairement pas réveillée et j’ai à peine le temps de replier mes jambes qu’elle s’affale de tout son poids.

Ses yeux semis-clos vont se poser sur la télé. Immédiatement, je propose :

– Tu peux zapper si tu veux…

Elle tourne lentement la tête dans ma direction, semblant se demander de quoi je parle. D’un mouvement de tête, je désigne l’écran plat :

– Je regarde pas, tu peux changer de chaîne.

– Oh. Nan c’est très bien.

Sa voix est encore pleine de sommeil, assez rauque et ses cheveux détachés font un pied de nez à la gravité. Ça m’extirpe mon premier sourire de la journée.

Ses yeux restent sur moi, suffisamment longtemps pour que je m’imagine avoir un gros bouton sur le front ou quelque chose du genre. Elle finit par demander d’un ton hésitant :

– Ça va ?

La vraie réponse est non. Je ne sais pas quoi faire pour passer à autre chose et j’en ai marre de me réveiller (ou pire, me faire réveiller) en pleine nuit à cause de ça.

M’efforçant de soulever un coin de ma bouche, je réponds un timide :

– On fait aller, toi ?

Ignorant ma question, elle s’exclame :

– MUNNTTTT, réponse insatisfaisante !

Amusée, je demande dans un sourire en coin :

– Ah, je dois aller vers le plus joyeux ou le plus triste ?

– Duh, le plus joyeux bien sûr. Je te demanderais bien la raison pour laquelle tu as cette petite mine Stalkerish, mais j’ai peur de la réponse…

Faisant mine de regarder autour de moi, j’annonce :

– La mini caméra que j’ai placée dans ta chambre est très haute résolution. J’ai peu dormi.

Je ponctue le tout du genre de sourire qui pourrait facilement me valoir une ordonnance restrictive.

Me prenant à contrepied, elle répond :

– Ah oui, je comprends mieux ta déception. Désolée, mais il fallait que je coupe ces ongles de pieds, ça devenait urgent !

Ma réaction est bien évidemment celle escomptée : une grimace de dégoût :

– Ewww, mais non !

Un air hautement satisfait fermement en place, Kara déclare :

– Tu l’as mérité. Oh et tu peux me filer un bout de couverture s’il te plaît ?

Opportuniste comme jamais, j’en profite sans vergogne :

– Tu me donnes quoi en échange ?

– Un câlin ?

Elle ponctue sa proposition d’un geste « bras écartés » dans ma direction et bien que ça soit trèèèès tentant, on n’est pas du tout à ce niveau de proximité et j’aime autant garder mes distances. À la place, je joue les blasées :

– Meh. Je passe.

Ce faisant, je m’emmaillote encore plus dans mon cocon de chaleur, jubilant ostensiblement.

Ses bras retombent et elle adopte une moue boudeuse qui me donne envie de prendre sa lèvre inférieure entre les miennes.

Naomi, non.

Pas touche on a dit.

Finalement, elle hausse les épaules et tire sur le tissu, s’engouffrant dans la brèche ainsi créée. Mon cri d’indignation est royalement ignoré tandis que Kara s’installe à l’arrière de mes jambes, collée à mes fesses :

– Hey ! Mon espace vital !

Feignant (très mal) l’innocence, Kara demande :

– Ton quoi ?

Argh, ce petit sourire narquois…

Elle se blottit un peu plus contre moi, son corps est ferme et chaud et je dois bien avouer que c’est loin d’être désagréable. Mais vous savez ce qui est désagréable ?

Moi.

J’ai une réputation en jeu et elle l’aura voulu.

Aux grands maux les grands remèdes :

– Je vais péter.

Ses yeux s’écarquillent et elle s’installe dans une position « prête à fuir au moindre signe de danger » :

– T’as pas intérêt ! Je viens d’arriver, t’es supposée me mettre à l’aise, pas m’enfumer.

Levant la tête pour estimer l’étendue des dégâts, force est de constater que même une anguille couverte de vaseline aurait du mal à se glisser entre nous. Pour toute réponse, je grommelle :

– Ouais bah t’as déjà l’air suffisamment à l’aise comme ça.

Ma réplique, bien que désobligeante, lui semble satisfaisante puisqu’elle émet un son de contentement et se blottit même un peu plus contre moi.

Intérieurement, je suis en panique, mais si je veux avoir l’ombre d’une chance d’un jour être en mesure de me comporter normalement avec elle, il va falloir que je prenne sur moi. Elle est exactement dans la vie comme à l’écran et j’ai imaginé ce que ça ferait de passer ce genre de moment avec elle des centaines de fois.

Sa voix me sort de mes pensées :

– Et sinon, qui es-tu Naomi ?

Fronçant les sourcils, je lui adresse un regard interrogateur :

– Tu viens littéralement de dire mon prénom.

Elle m’administre une tape sur la hanche tout en levant les yeux au ciel :

– Mais non, je veux dire… Tiens, quels mots tu utiliserais pour te décrire ?

Je ne sais pas si je suis mal à l’aise à l’idée de me dévoiler ou par peur de ne pas être discrète quant au fait que je veux tout apprendre d’elle en retour :

– On joue à 20 questions maintenant ?

– Pénible, bien noté. Couleur préférée ?

Soupirant, je comprends qu’elle n’a pas l’intention de me laisser m’en tirer à bon compte :

– Bleu nuit... Toi ?

Elle se ressaisit rapidement, mais je peux voir que le fait que je me prenne au jeu et lui retourne la question lui fait plaisir :

– Rouge. Nourriture préférée ?

Immédiatement, j’adopte l’air rêveur adapté à l’aliment délicieux que sont :

– Les frites !

Elle sourit devant mon enthousiasme quasi enfantin :

– Ça va, c’est pas trop dur à trouver au quotidien !

– Pourquoi tu dis ça, la tienne c’est quoi ? Une soupe berbère très spécifique ?

– Haha nan, pas vraiment. Je tuerai pour des gaufres.

Pourquoi ça ne m’étonne pas ? Si je prends en compte ce que je sais d’elle via Twitch, elle a une dent pour tout ce qui est sucré, ce n’est pas une surprise.

– Ok. Ne pas lui voler ses gaufres. Message reçu.

– T’as pas intérêt ! Hmmm… t’as un petit copain ?

Et merde. Mon sourire vacille sur mon visage, retombant un peu. J’assume ma sexualité, mais il y a toujours une légère appréhension lorsque je l’annonce pour la première fois.

– Je suis une célibataire qui joue pour l’autre équipe.

Je scrute sa réaction comme un aigle royal affamé fixerait un lapin, voulant m’assurer que cela ne va pas être un problème. Son visage marque l’étonnement, mais ne porte pas la moindre trace de jugement ou pensée négative :

– Oh ok, cool. C’est les mecs qui doivent être déçus.

Clairement, ce n’est pas le genre de conversation que j’ai envie d’avoir. D’ordinaire, je déteste quand les gens disent des choses comme ça, mais venant d’elle, ça passe. Et savoir qu’elle ne me trouve potentiellement pas désagréable à regarder n’aide pas du tout. C’est pourquoi j’opte pour l’ironie :    

– C’est vrai que je suis tellement un cadeau…

Kara se contente de hausser les sourcils, dédramatisant, les yeux rivés au téléviseur :

– Hey, t’as déjà l’emballage !

Je sais qu’elle plaisante, parce qu’elle demande à passer du temps avec moi alors à moins d’être totalement maso, elle comprend mon humour et ma façon d’être.

Blasée, je lui adresse un regard entendu. Techniquement c’est à mon tour de lui retourner la question, mais elle m’a déjà présenté le fameux Mathieu et l’idée de la voir s’épancher en me racontant à quel point il est formidable ne me tente pas du tout. En plus, je n’ai pas envie de m’éterniser sur le sujet « amours », qui est un peu sensible en ce moment.

À la place, je lui retourne sa toute première question :

– Si tu devais te décrire en un mot, ce serait quoi ?

Elle tourne la tête pour me faire face et glisse sa langue entre ses dents pour finalement lancer :

– Mhh… espiègle !

J’avoue, c’est plutôt bien choisi.

 

 ======= 

 

Quelques jours après notre tête-à-tête, je me lève tardivement et me rends dans la cuisine en traînant des pieds. J’y retrouve une Kara visiblement peu fraîche, les cheveux dans un chignon fait à la va-vite, en train de bailler aux corneilles.

– Hey.

– Salut.

Je me tourne vers le placard haut qui contient les céréales et tente d’ignorer le fait que je ne porte qu’un T-shirt et un mini short en tant que pyjama. Autant m’habituer à sa présence directement, elle me verra probablement dans une tenue pire que ça d’ici peu. Après tout, on n’est pas dans une démarche de séduction, peu importe.

Récupérant le lait, je m’installe à ses côtés et demande :

– Bien dormi ?

– Nickel et toi ?

– Mhh, ça peut aller merci !

N’étant pas du matin, j’espère que la conversation va s’arrêter là. Après tout j’ai sorti les banalités usuelles…

– Quoi de prévu aujourd’hui ?

Et merde.

– Finaliser les croquis de plusieurs costumes et les faire valider par mes clients.

Ses yeux s’illuminent immédiatement :

– Oh oui, c’est vrai, Aaron m’avait dit que t’es costumière ! C’est trop cool !

– Ouais. Je bosse principalement avec des théâtres, mais de temps en temps, j’ai une demande pour de l’aide sur du cosplay et c’est de loin les ensembles sur lesquels je préfère travailler !

– Tu pourrais m’en faire un ? J’ai toujours rêvé de devenir Nova dans Starcraft l’espace d’un jour ou le temps d’une convention. Chaque année je regrette de ne pas l’avoir fait ! Je te paierai hein !

Je dissimule mon sourire derrière une bouchée de céréales. Elle vient de basculer de moitié assoupie à totalement réveillée en une fraction de seconde. C’est adorable.

– Pas de problème, même si je ne suis pas convaincue que passer plus de temps que nécessaire en ta compagnie sera bon pour ma santé mentale.

– Pffft, tu m’adores Stalkerish, je le sais.

– Mhh mhh. L’essentiel c’est d’y croire.

– Tout le monde m’apprécie, sauf toi, c’est ça que tu essaies de me dire ?

Je dois avouer que son jeu d’actrice est plutôt bon, elle paraîtrait totalement sûre d’elle si je n’avais pas suffisamment regardé son stream pour savoir qu’elle n’a aucune idée de l’ampleur de son effet sur les gens. Le fait qu’elle reste humble est franchement plaisant.  

– Exactement.

– Et qu’est-ce qui m’assurerait de rentrer dans tes bonnes grâces ? Quel est le truc auquel tu ne peux pas résister ?

Feignant la réflexion, je lance d’un ton hautement ironique, sourire narquois aux lèvres :

– La flatterie. Qu’on me fasse sentir que je suis un être exceptionnel. Et n’hésite pas à donner du tien et y aller franchement, plus c’est direct mieux c’est. J’aime bien quand c’est bien insistant, limite lourd. Le type d’interactions qu’on peut avoir dans le métro, qui te fait te sentir valorisée si tu vois ce que je veux dire.

Clairement, je suis 100% provoc et m’attends à me faire remballer, mais absolument pas à sa réponse :

– Challenge accepté.

Les regrets sont immédiats :

– C’était pas un défi.

– Trop tard ! Prépare-toi à être totalement charmée.

Elle m’adresse un sourire ravageur et je me prends une telle vague de sex appeal que j’ai l’impression de me faire gifler.

Il faut que je tue cette idée dans l’œuf.

– Nan, vraiment Kara, j’insiste, ce n’est pas nécessaire.  

– Pourquoi ? T’as peur ?

OUI. Non seulement je finirais probablement déshydratée, mais en plus Aaron m’achèverait à coup sûr, persuadé que j’essaie de corrompre sa sœur. Mais je ne peux pas me permettre d’avoir l’air faible :

– Pffttt. Bien sûr que non !

Elle hausse les épaules et lance nonchalamment :

– Dommage, j’aurais bien voulu savoir que je fais battre ton cœur un peu plus vite, une jolie fille comme toi…

Elle n’arrive pas à dissimuler son sourire et il est évident qu’elle a conscience que c’est nul, c’est pourquoi je l’abats sans pitié :

– Tu te fais juste du mal, je t’assure. Je plaisantais.

 Ramassant son mug et allant le déposer dans le lave-vaisselle, elle chantonne :

– On verraaaaa…

Voulant changer le sujet avant qu’elle ne parte et ne commence à concocter je ne sais quel plan tordu, je demande :

– Et toi, quoi de prévu aujourd’hui ?

Elle passe derrière moi et me susurre à l’oreille :

– Je serai devant mon pc, caméra braquée sur moi, si tu veux je peux te donner le lien…

Alors qu’environ un milliard de frissons me parcourent tout le corps, je rétorque du tac au tac :

– Ça sera pas nécessaire, merci, j’ai déjà Nat Géo Wild si je souhaite regarder un reportage animalier.

Elle se recule, sourire aux lèvres, absolument pas perturbée par ma remarque désobligeante. Je suis persuadée qu’elle va partir dans sa chambre, mais elle se penche pour s’accouder à l’îlot central, son T-shirt lâche m’offrant une vue plongeante sur ses attributs.

Pour le coup je ne suis pas sûre que ça soit fait exprès. Dans un cas comme dans l’autre, je ne regarde pas, la fixant dans les yeux lorsqu’elle demande :

– Tu ne veux toujours pas me dire ton pseudo ?

– Je croyais que tu l’avais deviné ?

– Ohh allez quoi ! Rien qu’un indice !

Terminant mon bol, je simule un soupir et annonce :

– C’est pas important, vraiment, tu le reconnaîtras sûrement pas.

C’est un mensonge éhonté s’il en est un. Elle ne salue pas tous ses spectateurs et je suis bien placée pour le savoir. On a même déjà discuté à l’écrit sur Discord et fait une partie ensemble sur Apex.

– Mouais… Si c’était le cas, tu ne ferais pas toutes ces histoires… Je me trompe ?

Elle ponctue sa phrase par un battement de cils et je suis tellement faible que j’ai limite envie de tout avouer sur le spot.

– Oh ? Serait-ce mon téléphone que j’entends ? C’est peut-être un client, je ferais mieux d’aller décrocher !

Elle fronce les sourcils, ne comprenant pas tout de suite :

– De quoi tu parles, je n’entends ri — Naomi reviens ici !

Puérile, je m’enfuis à toutes jambes et suis rattrapée juste au moment où j’arrive au niveau de la porte, fonçant dedans. Évidemment, elle s’ouvre alors que j’essaie de prendre appui dessus et je me tape la gamelle du siècle, ayant à peine le temps de mettre mes mains devant moi avant de faire un magnifique plat.

Pas très loin derrière, Kara m’éclate la fesse gauche en se réceptionnant dessus avec sa main, avant de me couper le souffle en tombant sur moi, ses seins au creux de mes reins.

C’est elle qui se met à rire en premier, quittant mon dos pour rouler en direction du sol, demandant quand même :

– Ça va ?

– Si tu vois des trucs blancs sur le parquet, merci de me l’indiquer, c’est probablement mes dents.

Je pose ma tête à même le sol, la regardant et me met à rire moi aussi, avant de m’exclamer sans réfléchir :

– Tu m’as fait super mal au cul !

Souriante, elle n’en rate pas une et demande :

– Puis-je masser ton superbe postérieur pour me faire pardonner ?

Ne voulant pas continuer sur sa lancée dangereuse, même pour plaisanter, j’esquive sa main et me relève, lui tendant la mienne en retour.

– T’as pas un jeu ou deux à finir toi ? Tu t’humilies là, ça en devient gênant !

Elle se redresse et demande :

– Ça dépend ? Tu me laisserais pianoter sur ton clavier ?

Au vu du regard lubrique qu’elle m’adresse, je sais qu’elle ne parle pas de mon ordinateur portable…

Je sens mon visage entrer en état de combustion spontanée et son air amusé ne me réconforte pas du tout ! Elle n’a pas froid aux yeux, sachant qu’elle a connaissance de ma sexualité.

Comment j’ai fait pour me mettre dans un pétrin pareil ? Ça m’apprendra à toujours faire des réflexions désobligeantes pour plaisanter…

– Nan, reste avec tes joysticks et sors de ma chambre ! 

– Ok ok… Si tu me cherches… Tu sais où me trouver...

– Ouais bah si tu me cherches, je serai au magasin de bricolage le plus proche pour acheter un verrou supplémentaire pour ma porte et du scotch noir opaque pour le trou de la serrure. On n’est jamais trop prudente !

Visiblement amusée par ma répartie, elle s’en va et à la manière dont elle tourne des fesses, je suis quasi certaine qu’elle a conscience que je la regarde faire…

Et merde.

 

======

 

De retour à l’appart, je franchis le pas de la porte et m’arrête net, déposant mon sac au sol et lançant d’une voix forte pour couvrir le bruit : 

– On a attrapé le coupable ?

Kara stoppe le mixeur et m’observe d’un air confus :

– Huh ?

Je regarde autour de nous et précise :

– On dirait que quelque chose a explosé dans cette cuisine.

– Ah. Oui... Je veux faire une surprise à Mathieu.

M’approchant, je place mes mains au bord du plan de travail et retiens difficilement un sourire. Entre le tablier, les ingrédients et le livre de recettes, ce qu’elle fait paraît évident.

Visiblement, mon silence la fait parler puisqu’elle désigne la préparation d’un signe de tête et précise :

– Un… gâteau au chocolat. Mais je ne suis pas très douée.

Elle ponctue sa phrase d’un rire gêné et passe le dos de sa main sur son visage, se tartinant la joue de farine et de chocolat au passage. Je resserre mes pouces sur le rebord pour m’empêcher d’aller lui retirer, ayant parfaitement conscience que nous ne sommes pas assez proches pour ce genre de gestes.

– Tu viens de t’en mettre…

Du bout des doigts, je désigne la zone en question sur mon visage.

S’ensuit un monument de mignonnerie. D’abord elle rougit, puis elle attrape un chiffon à proximité et entreprend de s’essuyer avec.

Sauf que le bout de tissu n’était pas exactement propre et ça ne fait qu’aggraver les choses.

Je me mords la lèvre inférieure, essayant vaillamment d’endiguer un sourire.

Kara tourne ses grands yeux bleus vers moi, pleine d’espoir :

– C’est mieux ?

Ma bouche s’étire malgré moi et je secoue la tête à la négative, m’efforçant de ne pas rire.

– C’est pas mieux ?

Mince, va falloir parler. C’est mort, je n’arriverais jamais à me retenir de me moquer :

– Si tu visais un look poudré façon renaissance, avec une énorme mouche en chocolat, c’est très réussi, sinon… non.

Elle baisse la tête et je me mets à rire jusqu’à ce que je me prenne un coup de torchon sur le bras, m’envoyant un nuage de farine en plein visage. En plus je porte du noir, ça tombe bien.

Une fois que j’ai fini de tousser, je lui adresse un regard offusqué, yeux ronds et sourcils froncés :

– Tu cherches à mourir ?

Loin d’être impressionnée, Kara plonge son index dans le mélange chocolaté. Elle l’observe un moment, me tapote le bout du nez avec avant de le mettre dans sa bouche, les yeux pétillants.

– J’ai pas peur de toi Stalkerish… Je suis imbattable !

Hors de question qu’elle reste impunie. 

Détournant son attention, je réplique tout en avançant sa direction :

– C’est pas exactement comme ça que je me rappelle une certaine série d’échecs face à un boss final qui a créé une grosse demande pour l’émoticône « rage de perdre »…

C’est à son tour d’ouvrir la bouche d’un air totalement scandalisé et c’est le moment que je choisis pour frapper. Passant ma main sur le plan de travail afin de ramasser un maximum de farine, je lui en tartine les joues et le front !

L’espace d’un instant, je me dis que je l’ai faite buguer. Elle ne bouge plus, les yeux écarquillés et le visage intégralement enfariné.

Elle éclate de rire de manière soudaine et je ne peux m’empêcher de suivre.

– Ok, je laisse courir parce que c’était mérité.

Et moi j’abandonne la mission vengeance parce que la voir sourire me donne des palpitations.

Kara se dirige vers l’évier, mouillant un morceau d’essuie tout pour tenter d’effacer le plus gros des dégâts. Je la regarde faire, ayant toujours du mal à croire qu’elle se trouve face à moi.

Voulant m’occuper les mains, j’attrape l’éponge et commence à nettoyer tandis qu’elle termine de mixer les ingrédients avant de les verser dans le plat qu’elle avait préalablement beurré. 

C’est très domestique comme scène, on travaille ensemble sans se gêner, virevoltant de part et d’autre comme si c’était habituel pour nous.

Calme-toi Naomi. Tu l’aides à faire un gâteau pour son mec…

Elle place la préparation dans le four, se lave les mains, retire son tablier et part s’affaler sur le canapé, tapotant l’espace à côté d’elle dans une invitation muette.

Une fois que je m’estime suffisamment propre pour ne pas salir le cuir, je la rejoins.

On ressemble toutes les deux à des lamantins échoués, la journée ayant eu raison de nous.

Le silence est confortable.

Trop, si l’on considère que j’ai officiellement fait sa connaissance il y a peu.

– C’est bizarre.

Levant un sourcil, je tourne juste ma tête dans sa direction, questionnant sa phrase d’un son :

– Hm ?

– J’ai pas l’impression que je viens de te rencontrer, plus que je retrouve une vieille amie. T’es sûre que tu ne veux pas me dire ton pseudo ?

Oh putain. Elle lit dans mes pensées ou quoi ?

– Je préfère faire planer le suspense ! Et s’il te plaît, on approche de mon anniversaire, ne m’inclus pas dans une phrase avec vieille, c’est un sujet sensible !

– Haha je vais essayer.

– Réussir, tu vas réussir.

Je lui adresse un de mes fameux regards “fais ce que je dis ou meurs” qui fonctionne sur tout le monde. Tout le monde sauf elle apparemment, puisqu’elle me taquine quasi immédiatement :

– Ou sinon quoi ? Une nouvelle menace de mort ?

Mécontente qu’elle mette mon bluff en évidence, je reste évasive :

– Peut-être bien...

– De toute manière, t’essaies déjà d’attenter à mes jours.

– Pardon ?

À l’instant où elle tente de retenir un sourire, je réalise que j’ai bêtement marché dans son piège :

– À chaque fois que je te vois, tu es belle à couper le souffle. Je peux avoir ton 06 ou 07 mademoiselle ?

Je lève les yeux au ciel et soupire, masquant tant bien que mal mon amusement. Pas question de l’encourager. Même si elle plaisante, elle me plaît. Et ça a beau être grossier et évident, j’ai peur d’oublier que c’est une blague.

– Dis-moi franchement : est-ce qu’il y a une chance pour que tu avortes dès à présent tes atroces tentatives de flirt ? C’était vraiment pas un défi !

Elle m’observe, les yeux pétillants, avant de me donner un petit coup d’épaule :

– Tu fais genre, mais je sais qu’au fond de toi tu adores…

– Ouais bah si tu attends que j’admette un truc pareil, un conseil : ne retiens pas ton souffle !

Son sourire se fait plus doux et régresse lentement, jusqu’à disparaître :

– J’ai déjà entendu cette phrase quelque part… C’est frustrant, t’es sûre qu’on se connaît pas d’avant ? On a peut-être des amis en commun ?

Merde, je la dis tout le temps dans le chat… vite, trouve une excuse :

– C’est une réplique culte, forcément ! Et il est fort probable que ma charmante personnalité déteigne sur ton frère.

Son visage adopte un air malicieux et avant même qu’elle n’ouvre la bouche, je sais qu’elle va sortir une grosse connerie. Et effectivement, elle ne me fait pas mentir :

– Ça c’est bien vrai que vous êtes charmante mademoiselle. Z’êtes libre un de ces soirs, qu’on fasse connaissance si vous voyez ce que je veux dire ?

Elle ponctue “ça” d’un frétillement des sourcils trois fois trop long. Le plus triste, c’est que je ne peux m’en prendre qu’à moi-même, je me suis infligé ça toute seule. D’un air faussement mielleux, je l’abats sans concession :

– Vraiment, ça aurait été avec plaisir, mais je ne peux pas, j’ai poney.

Son ton est incrédule :

– Tous les soirs ?

Haussant les épaules, je reste stoïque et réponds naturellement :

– J’aime le poney.

Kara éclate de rire à côté de moi et aucune force au monde ne suffirait à retenir mon sourire. Si jamais j’étais encore en maternelle, je m’accorderais un bon point pour avoir réussi à l’amuser.

Ouais, ‘fin en l’occurrence c’est plus le cas et méfie-toi Naomi, c’est une pente glissante sur laquelle il ne vaut mieux pas t’engager.

On sait comment ce genre d’histoire finit. Elle ne fait que plaisanter, parce qu’elle est à l’aise avec toi. Ton cœur se remet à peine, inutile d’en rajouter.

Son rire diminue puis s’éteint, nous plongeant à nouveau dans le silence.

L’index de Kara se promène le long de la couture de mon jeans, longeant l’extérieur de ma cuisse sans un mot. Elle a l’air soudainement pensive et avant que je ne puisse lui demander ce qu’il se passe, elle prend la parole :

– Je peux te poser une question ?

Tournant la tête pour l’observer, je me fais prendre au piège par ses yeux l’espace d’une seconde, acquiesçant muettement.

– Indiscrète ?

L’un de mes sourcils se lève tout seul et un sourire en coin menace de gagner mes lèvres, mais un coup d’œil en direction de Kara me fait changer d’avis. Elle a l’air étonnamment vulnérable.

Quoi que ce soit, c’est important pour elle.

– Je t’écoute.

– Comment t’as su que t’étais attirée par les femmes ?

Alors ça… C’était la dernière des choses auxquelles je m’attendais.

Je me retrouve sans trop savoir quoi dire alors même que je connais la réponse à sa question.

Prenant une grande inspiration, plus pour gagner du temps qu’autre chose, je détourne mon regard de ma coloc et entreprends de formuler mes pensées :

– À vrai dire, j’avais tellement pas compris que c’en était drôle !

– Comment ça ?

Elle se tourne vers moi, son genou plié venant empiéter sur ma cuisse. Je me retiens de faire de même, le sujet de conversation étant suffisamment intime comme ça sans que je la regarde dans les yeux.

– À l’époque, j’étais ce qu’on pourrait appeler une croqueuse d’hommes. J’en changeais comme de chemise, sans jamais qu’un ne trouve grâce à mes yeux. Objectivement, je voyais bien qu’ils étaient sympas, mignons et compagnie, mais… j’sais pas, je n’arrivais pas à m’attacher.

– Et du coup ?

– Je les quittais dès que je sentais qu’ils commençaient à avoir des sentiments ou être trop pressants… si tu vois ce que je veux dire.

Lui jetant un regard du coin de l’œil, j’aperçois le sourire pervers qui peint ses lèvres. Avant qu’elle ne puisse embrayer sur une réponse sordide ou pire, une phrase de drague, je reprends :

– Bref. Je savais que le “problème” venait de moi, mais je n’avais aucune idée de quoi il s’agissait.

– Mais tu ne regardais pas les femmes ?

Haussant les épaules, je réagis sincèrement :

– Pas spécialement, non.

– Hmm.

Ma réponse n’a pas l’air de la satisfaire, puisqu’après une demi-seconde à peine elle demande :

– Comment tu l’as su alors ?

– Une copine a fait son coming out à ce moment-là. Elle était pas mal, je me doutais qu’elle avait des sentiments pour moi et je me suis dit que je n’avais pas grand-chose à perdre. Du coup, je suis allée la voir en mode “si ça te tente…”.

Kara se penche de plus en plus vers moi, la curiosité évidente dans sa voix :

– Vous l’avez fait ? Oh vous l’avez trop fait !

La manière quasi enfantine dont elle sort ça me fait rire et quitte à casser son délire, je rectifie :

– Non. Elle a eu peur de n’être qu’une expérience et m’a dit “je ne pense pas que tu puisses être lesbienne”. Et têtue comme je suis, j’ai pris ça comme un défi.

– T’as fait quoi ?

– Ni une ni deux, j’ai été créer un profil sur un site de rencontres LGBT, en mode “tu vas voir si je ne peux pas”.

– Haha je t’imagine tout à fait.

– Bref. Je parle avec une fille, qui n’avait pas de photo.

Je la vois me jeter un regard, mais l’arrête tout de suite d’une main levée :

– Oui oui, je sais, mais à l’époque c’était différent, je savais pas. Pi de toute manière, avec tous les catfishs qui traînent… Finalement, au bout d’une semaine, elle propose qu’on se rencontre. J’accepte et là…

Je garde le silence un moment, en partie pour laisser planer le suspense et partiellement pour voir ce qu’elle va dire :

– Bowchicawowow ?

Je secoue la tête en lui lançant un regard amusé :

– Tout de suite ! Non madame, je l’ai vue, j’ai eu le coup de foudre pour elle et on s’est embrassées le jour même.

– Awwww. C’est mignon.

Gênée, je souris en baissant les yeux.

Je meurs d’envie de savoir pourquoi elle me demande ça, mais ne sais pas comment le formuler sans avoir l’air d’une crevarde.

Fort heureusement, elle répond spontanément à mes interrogations :

– Parfois… parfois je me pose des questions…

Mon cœur manque quelques battements. Pourquoi elle me fait ça ?

Je suis prise de soudaines bouffées de chaleur. Particulièrement localisées. Quand est-ce que j’ai eu mes règles pour la dernière fois ? Est-ce que je ne serais pas en train de développer un cas de ménopause extrêmement précoce ?

Calme-toi Naomi.

Tu ne sais pas quel genre de questions. Peut-être qu’il s’agit de questions existentielles type « ma place dans l’univers »…

Tentant d’adopter un air vaguement détaché, je lance :

– Ah oui ?

– Je sais pas comment l’expliquer. Certaines femmes… m’attirent ?

Est-ce qu’elle a quelqu’un en particulier en tête ? Et attirer comment ? Façon “je suis intriguée par sa manière de penser et d’être” ou “je me demande à quoi elle ressemble quand elle jouit”?

La bouche sèche, je croasse :

– Amicalement ?

Son pied se met à gigoter, trahissant sa nervosité :

– Pas que, je crois. J’ai envie de passer tout mon temps avec, de tout apprendre sur elle…

Immédiatement, je jalouse celles qui ont su susciter son intérêt.

Le pire, c’est de sentir l’espoir qui me gagne.

C’est totalement stupide.

Elle n’est sûre de rien et se confie à moi probablement uniquement parce que je suis la seule lesbienne qu’elle connaît. Ça ne veut pas dire qu’elle est vraiment bi ni que je l’intéresse… Et si on a passé beaucoup de temps ensemble ces derniers jours, c’est parfaitement normal, on vit sous le même toit ! Sans oublier que j’ai fait une promesse à son frère…

Ma posture est très clairement celle de l’avocat du diable :

– Oui, mais… t’es sûre que c’est pas juste de l’admiration ou de la curiosité ?

Pour être honnête, j’ai besoin de ça. Si je ne vocalise pas mes doutes, je sais ce qu’il va se passer. Et tomber amoureuse d’une nana bi-curieuse et hors limites est la dernière des choses dont j’ai besoin.

Une chose est claire : ma réponse ne la satisfait pas.

Soupirant, elle se recule et se réinstalle dos au canapé. Le silence s’établit quelques secondes, mais avant que je ne puisse changer de sujet, elle se tourne à nouveau vers moi :

– Tu sais quoi ? Non ! Non c’est pas ça. J’admire beaucoup de gens, mais je ne me demande pas ce que ça ferait de les embrasser et je ne me réveille certainement pas en sursaut au milieu de la nuit parce que j’ai fait un rêve érotique dans lequel ils occupaient le rôle principal.

Je ferme les yeux une seconde, essayant de calmer les battements de mon cœur.

J’ai toujours aimé les femmes sûres d’elles et la voir défendre sa possible sexualité me plaît beaucoup plus que ça ne devrait. Franchement, je n’avais pas besoin de ça.

Évitant son regard, je consens d’un signe de tête :

– Ok. C’est toi la mieux placée pour savoir.

Elle acquiesce en souriant, visiblement contente de cette conclusion. J’espère qu’elle a trouvé des réponses à ses questions.

– Et toi Naomi, qu’est-ce qui te plaît le plus chez les femmes ?

Va regarder dans le miroir, tu sauras.

Levant une main en opposition, je l’arrête avant qu’elle ne puisse commencer :

– Non non, j’ai pas signé pour ça !

– Oh allez quoi, je croyais qu’on était amies !?

Amies… C’est déjà généreux vu que l’on vient à peine de faire connaissance, mais le terme me dérange quand même.

Comme souvent lorsque je me sens en danger, je me rabats sur un humour acerbe :

– Ouais, mais j’ai ni la patience ni les crayons qu’il me faudrait pour te faire comprendre.

J’ai rarement été aussi satisfaite de voir un air offusqué sur un visage…

Amies. Je peux gérer.

 

=======

 

Je pousse vaguement sur les coussins du banc de musculation, essayant de jauger l’intensité de l’effort à accomplir.

Etant donné qu’on vient tout juste de s’étirer et que je suis déjà à l’agonie, n’importe quel poids supérieur à “rien” sera de trop. Et c’est clairement le cas.

– Tu sais que je veux me remuscler, pas concourir aux championnats du monde d’haltérophilie hein ?

Insensible à ma tentative d’humour et totalement inflexible, Aaron réplique d’un ton las :

– Arrête de te plaindre et soulève !

– Pourquoi tu me fais ça ?

Mon coach d’un jour me fixe d’un air blasé et lance :

– Parce que tu me l’as demandé.

– Ouais bah je suis une idiote.

– Premier truc sensé que tu as dit de la journée !

Sérieux ? Je parie qu’il ne dit pas ça aux clients qui le paient !

Alors que je lui adresse un regard qui, je l’espère, va l’inciter à se lancer dans une litanie d’excuses, j’entends qu’on frappe à la porte de sa chambre :

– Ouais ?

Voulant faire mine d’être une athlète, je pousse de toutes mes forces pour faire bouger la fonte tandis que la tête blonde de Kara passe l’entrebâillement.

– Je peux me joindre à vous ?

– Comme si t’avais besoin de demander !

Elle rentre dans la pièce et à l’instant où mes yeux se posent sur elle, j’oublie ce que je suis en train de faire et les poids retombent dans un “clang” monstrueux.

Le frère et la sœur se tournent vers moi, me lançant des regards curieux. Priant pour que ma voix ne trahisse pas l’énormité de mon mensonge, je m’explique :

– J’avais fini ma série.

Acceptant visiblement ma réponse en l’état, ils retournent tous les deux à leur conversation.

Malgré moi, mes yeux parcourent avidement la silhouette de Kara. Manifestement prête à se joindre à nous, elle a choisi de porter des petites baskets, un pantacourt de yoga et une brassière de sport. Ses cheveux sont attachés dans une queue de cheval et ses épaules sont finement musclées. La brassière est noire et lui maintient suffisamment la poitrine en créant un décolleté discret, mais très appréciable.

Vérifiant qu’ils restent occupés, je continue mon inspection, tentant de mémoriser chaque parcelle de peau dévoilée.

Elle n’a pas une tablette de chocolat, mais on peut clairement deviner où se situent ses abdos. J’ai toujours eu un truc pour les ventres bien dessinés et le sien, avec son petit nombril creux est pile comme j’aime.

Voilà de quoi m’occuper les longues soirées d’hiver…

Ma séance de reluquage intensif arrive à son terme lorsqu’Aaron passe une main devant mon visage, essayant visiblement de capter mon attention :

– Ohé Naomi ! Tu en as fait combien ?

Concentre-toi perverse, on t’adresse la parole !

– Juste une série, désolée j’étais perdue dans mes pensées.

Kara a un petit sourire en coin qui me laisse imaginer qu’elle est au courant de la teneur exacte des “pensées” en question, mais son frère est (fort heureusement) beaucoup plus naïf. Se tournant vers elle, il tend le bras pour me montrer de la main en s’exclamant :

– Tu vois avec quoi je dois travailler ? Comment tu veux en tirer quelque chose ?

– Il faut trouver sa carotte, ce qui la motivera.

Marquant son mécontentement, Aaron souffle un grand coup et se dirige vers le tapis de course.

Pendant ce temps, Kara se penche en avant, posant ses mains sur ses genoux pour mettre son visage à hauteur du mien, qui suis assise sur le banc de musculation :

– Dis-moi Naomi, qu’est-ce qui te ferait envie ?

Je sais EXACTEMENT la vue que je pourrais avoir si je baissais les yeux rien qu’un peu. Mais m’est avis que c’est pile la réaction qu’elle souhaite déclencher alors je lutte pour maintenir mon regard dans le sien, même si ça me donne probablement un air constipé. Et je ne parle pas de la formulation… Malheureusement, je crois que ça l’amuse de flirter avec moi…

– Une petite pause et que tu cesses de me comparer à une ânesse !

Comme si ma réponse avait pour unique vocation de le provoquer, Aaron lève les bras au ciel avant de les laisser retomber, comme dépité. J’avoue que pour lui qui est hyper porté sport et dont c’est le métier, se retrouver face à moi ça doit faire un choc. Un peu comme si on larguait un citadin excentrique en pleine jungle amazonienne. Le choc des cultures !

Sa sœur abandonne moins facilement puisqu’elle demande :

– Quelle partie tu souhaites muscler en priorité ?

Malgré moi, mes yeux vont se poser sur son ventre et je n’ai même pas le temps de vocaliser mon choix qu’elle s’exclame :

– J’ai une idée, bougez pas.

Kara file dans sa chambre et revient quelques secondes plus tard, munie d’un ballon dégonflé et d’une pompe.

Tendant les deux à son frère, elle demande :

– Tu peux t’occuper de ça stp ?

– Pas de problème.

– Tu lui as échauffé le dos ?

– Oui madame.

– Parfait.

Elle se frotte les mains avant de se tourner vers moi, ce qui ne m’évoque rien de bon.

– Ok Naomi, tu préfères travailler quels abdos ?

J’y connais que dalle, pourquoi elle me demande mon avis ?

Pour éviter de faire étalage de mon inculture, j’opte pour la ruse :

– Euh… Les mieux pour moi, je te fais confiance !

– Tu penses que tu as besoin de travailler plus cette zone-ci, celle-là ou par ici ?

Comme si elle avait lu le manuel de « comment torturer une lesbienne lubrique », elle ponctue chaque option d’une contraction de la zone en question qu’elle montre du doigt. Mon cerveau la déteste, parce qu’il est évident qu’elle a conscience de ce qu’elle est en train de faire, mais mes hormones l’aiment beaucoup.

– Honnêtement ? Un peu tout.

– Pas de problème. Allez debout.

Elle s’empare du ballon à présent gonflé et me guide devant d’une main sur ma hanche :

– Ok, tu vas te mettre sur le côté, le flanc sur le ballon, les paumes derrière les oreilles. Il faudra garder les jambes tendues et croisées, un peu comme si tu faisais la planche.

 Je suis hautement sceptique quant au fait que je vais réussir à me placer dans la pose souhaitée, alors réaliser un exercice…

– Et après je fais quoi ?

– Rien, tu maintiens la position pendant 30 secondes, avant de faire une pause et faire l’autre côté. C’est pour gainer latéralement ta taille et tes fessiers.

Je jette un coup d’œil au ballon comme si c’était un nid de serpents venimeux. Quoique je crois bien que j’aurais préféré les reptiles. Mon intuition me crie « tu vas te ridiculiser, refuse de faire ça », mais il est hors de question de passer pour une trouillarde devant elle. Au pire je fais un fail épique, mais j’aurais eu le mérite d’essayer. 

Quand il faut y aller il faut y aller.

Alors que je m’installe sur l’engin de torture avec la grâce d’un sumo tentant de faire une représentation du lac des cygnes, Kara m’aide à trouver mon équilibre pour parer à une éventuelle chute avant même d’avoir commencé.

À peine en place, elle glisse une main sous ma taille, m’indiquant dans un tapotement vers le haut :

– Essaie de te tenir le plus droite possible pour éviter de te faire mal au dos.

Tant bien que mal, j’entreprends de m’exécuter et suis récompensée d’un :

– Parfait, c’est parti ! 1, 2...

Ok c’est pas aussi facile qu’il n’y paraît ! Le ballon bouge, c’est des muscles que je n’ai pas l’habitude de solliciter et ils me le font bien comprendre.

Le pire, c’est que je vois Aaron courir comme un dératé sur le tapis tout en ayant l’air de faire une promenade de santé tandis que sa sœur est en position chaise contre le mur et c’est tout juste si elle n’est pas à bailler.

C’est pas juste !

30.

Je me laisse glisser par terre, un peu comme une crêpe pas assez cuite qui viendrait s’écraser sur le mur après qu’on ait tenté de la faire sauter.

De prime abord, ils paraissent très différents l’un de l’autre, mais à les voir faire, il n’y a pas de doute que ces deux-là sont frère et sœur.

Comme pour corroborer ma pensée, Kara ne me laisse pas beaucoup de répit, comme son tortionnaire de frangin. Je me retrouve bien vite à faire l’autre côté tandis que tous deux adoptent un air détendu en faisant un entraînement digne des forces spéciales.

Je les déteste.

– Ok Naomi, parfait. Je te montre l’exercice suivant.

Elle s’installe à même le sol, mollets sur le ballon, jambes serrées, talons au sommet et pointe des pieds vers le plafond.

Une fois en position, elle m’indique :

– L’idée c’est de placer tes bras le long de ton corps, de contracter les fesses et les abdos, soulever le tout et pareil, tu tiens la position.

Elle me fait la démonstration et cette fois c’est sûr, s’il y a un club de fétichisme des ventres plats et légèrement musclés, je vais vite atteindre sa présidence. Ou lancer une nouvelle religion, j’hésite encore.

Loin de réaliser que je suis en train d’imaginer sa petite sœur avec le ventre contracté dans des circonstances totalement différentes, Aaron pointe du doigt les muscles que ça fait travailler, comme si ce n’était pas évident.

– Tu vois, ça tire dans toute cette zone en plus des fessiers. Maintenant, si tu n’y arrives pas avec autant d’instabilité, tu peux écarter un peu les jambes, ça te fera de meilleurs appuis. Kara ?

Elle redescend, attend qu’il maintienne le ballon, espace ses mollets et renouvelle l’opération.

Mes yeux sont comme aimantés par son entrejambe et si je m’écoute, le seul sport que je ferais serait de courir dans ma chambre pour récupérer mon appareil photo et immortaliser ce glorieux moment. Mais à la place, tentant de garder le peu de dignité qu’il me reste, je croise le regard de Kara alors qu’elle soulève la tête pour demander :

 – T’as compris le mouvement c’est bon ?

– Mhh mhh…

Me mettant en position, je commence l’exercice et espère que les résultats vont vite apparaître, parce que subir ça régulièrement sans voir d’amélioration ça mènera à l’abandon assuré.

Derrière moi, j’entends Kara dire :

– Je pense pas que soulever de la fonte soit la solution pour elle. Vaut mieux y aller doucement avec le ballon, en renforcement musculaire dans un premier temps, un truc ludique tu vois.

– Ouais, t’as sûrement raison. D’habitude je travaille surtout avec des potes mecs qui veulent prendre rapidement…

– Ça m’étonnerait qu’elle soit intéressée par de la gonflette, à moins que… Naomi ?

Au prix d’un effort surhumain, je parviens à lancer un :

– Pas intéressée !

Qui les fait rire tous les deux.

 

========

 

Les lèvres de la fille parcourent ma nuque et sont totalement contre-productives tandis que j’essaie vainement d’ouvrir la porte. Nathan, Aaron et Kara ont prévu une soirée à l’extérieur, j’ai donc l’appart rien que pour moi et bien l’intention d’en profiter.

Après ma rupture avec mon ex, j’ai eu une période intense niveau rencontres d’un soir. C’était mon pansement émotionnel à moi et j’ai rapidement arrêté car ce n’était pas très sain. Mais j’ai du mal à m’adapter à la présence de Kara et la familiarité de nos échanges. Je vois bien que je saute sur la moindre occasion de passer du temps avec elle et apprécie un peu trop sa compagnie … Il faut que je passe à autre chose avant qu’il ne soit trop tard. Et si « autre chose » est une magnifique inconnue, on ne va pas m’entendre m’en plaindre !

Je retiens un cri de victoire lorsque la serrure cède enfin.

Immédiatement, nous pénétrons dans l’appart plongé dans le noir. J’allume la petite lumière de la hotte pour lui permettre de voir quelque chose tandis qu’elle me plaque contre l’îlot central.

Ses mains ne manquent pas d’assurance et se montrent possessives, me gardant dans l’instant. Toute son attention est focalisée sur moi et je sens que je vais passer un bon moment.

J’ai à peine tiré sur le tissu qu’elle se débarrasse de son haut, me laissant apprécier sa poitrine tout juste couverte par un soutien-gorge à balconnet. Immédiatement, je penche la tête pour venir embrasser son décolleté, découvrant un sein de ma bouche, caressant l’autre de ma main. Ses soupirs d’encouragement parviennent à mes oreilles et je relève la tête pour lui sourire, capturant à nouveau ses lèvres des miennes.

Ses baisers ont un goût de reviens-y et je ne suis pas étonnée d’avoir la respiration un peu courte lorsque je demande :

– Ma chambre ?

Elle m’adresse un sourire, passant une main dans ses cheveux et m’observant de bas en haut avant de répondre :

– J’ai une meilleure idée…

Elle place ses mains sur mes hanches, m’incitant à m’asseoir sur le plan de travail. Je m’exécute et elle vient se positionner entre mes cuisses sans hésiter. Nos lèvres se retrouvent et toute sensation de culpabilité à l’idée de faire ça dans la cuisine me quitte en sentant la paume de sa main se placer à l’intérieur de ma cuisse, à la limite de ma jupe.

Bien vite, ses doigts viennent jouer avec mon sous-vêtement et je soulève les hanches pour lui permettre de le faire glisser le long de mes jambes.

Ses yeux me parcourent et je me contracte rien qu’en voyant la manière qu’elle a de me dévorer du regard, encore plus lorsqu’elle ajoute :

– À l’instant où je t’ai aperçue, j’ai eu envie de me retrouver entre tes cuisses…

Elle n’attend pas de réponse de ma part avant de glisser sa tête sous ma jupe. Honnêtement, je ne sais pas laquelle de nous deux gémit le plus fort en sentant sa langue contre moi.

M’appuyant d’une main en arrière, je soulève ma jupe de l’autre, avant de glisser mes doigts dans ses cheveux.

– Mhh… Si... j’avais su... on aurait pu être en train de faire ça.... depuis 30 minutes.

Je la sens rire plus que je ne l’entends, et j’ai limite envie de m’auto donner une tape dans le dos en voyant les vibrations que ça crée.

Ma coloc, quelle coloc ? Ça me fait du bien de penser à autre chose, il ne faut pas que je remplace mon ex par une autre situation malsaine pour moi.

Je sens l’un de ses doigts se présenter à l’entrée de mon sexe et je donne un coup de bassin dans sa direction, espérant que ça suffise à lui faire comprendre ce que je veux.

Hmmm…

Suffisant effectivement.

Faiblissant à vue d’œil, je place mon dos à plat sur le plan de travail, agrippant le rebord au niveau de mon cou et appuyant ma tête sur mon bras plié.

L’appartement est totalement silencieux et ça m’excite que les seuls bruits que l’on entende soient liés à sa langue et ses doigts qui travaillent sans relâche entre mes cuisses.

Les vagues successives de plaisir montent rapidement et je lâche ma prise sur le comptoir pour dégager quelques mèches de cheveux de son visage. Je penche la tête en arrière, partiellement dans le vide et les paupières fermées, me concentrant sur les sensations. Sentant que j’approche du but, ma prise dans ses cheveux se resserre et j’ouvre les yeux, voulant lever la tête pour jouir en la regardant faire.

Mais mes yeux viennent directement croiser ceux de Kara. La pièce est très faiblement éclairée, mais je n’ai pas l’ombre d’un doute que la forme sombre sur le canapé est ma nouvelle colocataire, en train de me fixer en silence.

Je n’ai pas le temps de comprendre ce que ça signifie avant d’atteindre le point de non-retour.

Le plaisir me gagne et je suis incapable de détacher mon regard de celle à laquelle je ne devrais SURTOUT pas penser à ce moment-là.

Tout du long, Kara me fixe en retour.

29 septembre 2019

Hors Limites - Partie 1

Avant de commencer, quelques petites définitions juste des fois que : 

Streaming (locution) : Technique permettant de diffuser des flux de vidéos notamment, en temps réel et de manière continue.

Streamer (personne) : individu diffusant des vidéos en direct pour une audience.

Twitch : Twitch, ou Twitch.tv, est un service de streaming et de VOD de jeu vidéo, de sport électronique et d'émissions apparentées.

 

Au moment où j'écris ces lignes, à ma connaissance ( = recherche du nom dans Twitch), le pseudo n'existe pas ou n'est pas utilisé par une streameuse. Si jamais il venait à l'être à l'avenir, la personne n'a strictement rien à voir avec cette histoire, qui est une "oeuvre" de fiction ! 

Pour expliquer un peu le plan de leur appart, j'ai réalisé ce fabuleux modèle (xD c'est moche, mais c'est l'intention qui compte). Ça n'est pas évident, mais il y a une fenêtre face au bureau de la chambre de Naomi et la même dans la chambre opposée. (Oui, c'est bien une capture du jeu auquel vous pensez, et il faut imaginer ça en appart au premier étage d'une maison découpée, j'avais la flemme de prendre de la hauteur)

 

appart_explique

 

========

 

Levant les yeux au ciel, je m’exclame :

– Mais pour qui tu me prends ?

Aaron me fixe et répond calmement :

– Tu sais très bien de quoi je parle ! J’ai vu passer suffisamment de conquêtes pour toute une vie !

– Ça fait un moment que j’ai pas ramené de “conquête” comme tu dis ! Et pour ta gouverne, toutes étaient consentantes.

Il s’empare de ma main, dans un mouvement destiné à me calmer :

– Hey… j’essaie pas de te faire passer pour ce que tu n’es pas. Désolé. T’avais tes raisons et même sans ça, c’est pas mes affaires.

– Exactement !

– Je ne voudrais juste pas que ça le devienne.

Oh my God !! Mais qu’est-ce qu’il faut pour qu’il comprenne ?!

– On a besoin de quelqu’un d’autre pour le loyer. C’est toi qui as suggéré ta petite sœur ! Maintenant si tu penses que je suis incapable de me retenir de sauter sur tout ce qui bouge, on peut aussi rencontrer de parfaits inconnus en guise des colocs potentiels !

Il semble réfléchir un instant avant d’arriver à une conclusion :

– Nan, c’est ok… Tu promets ?

Essayant de dissimuler mon exaspération, je réponds tout de même dans un soupir :

– Oui, promis je n’ai pas l’intention de me jeter sur ta très certainement irrésistible petite sœur.

Lui adressant un sourire faussement mielleux, j’attends son verdict :

– … Ok. Merci.

Malgré son manque évident d’enthousiasme et de confiance en moi, je préfère ne pas m’éterniser sur le sujet :

– Ça m’arrange, je dois partir toute la semaine prochaine. Elle pourra prendre ses marques, je compte sur toi pour lui expliquer les règles de base.

– Ahh oui c’est vrai, le salon pro dont tu m’avais parlé. Je ferai de mon mieux, mais si j’étais toi, je n’hésiterais pas à faire un rappel à mon retour.

Il n’a pas tort. Autant Nathan est un coloc de rêve, autant Aaron est dur de la feuille en ce qui concerne les règles de base à respecter.

==========

De retour à l’hôtel, je m’allonge avec soulagement sur le lit. Tous mes clients ont adoré leurs costumes et le mini bout de stand que l’on m’a donné pour présenter mon travail porte ses fruits. J’ai peut-être passé des heures debout, mais j’ai eu de nombreux contacts. C’est une bonne chose !

Tendant la jambe, je traîne mon pc portable jusqu’à moi avec mon pied, ayant la flemme de bouger.

J’ouvre l’appli Twitch et consulte la liste des streamers en direct. Mhh… Pas grand-monde ce soir. Mon regard s’arrête net sur un pseudo connu.

Yes, elle est en ligne !

Immédiatement, son visage familier apparaît sur l’écran et je m’empresse de dire bonjour dans le chat.

Sa voix légèrement rauque de nature, me répond “Salut Mazikeen”. C’est fou le sentiment d’appartenance à une communauté qu’elle arrive à créer. Je la regarde jouer, comme toujours enchantée par le ton enjoué de son stream et son charisme naturel.

Ok, il se peut que je sois modérément sous le charme de ma streameuse préférée. Si ça fait de moi quelqu’un de pathétique, soit. Mais après des journées à galérer pour me faire un nom en tant que costumière, ça fait du bien de décompresser dans une atmosphère amicale et détendue.

Ce soir comme beaucoup d’autres, j’ai bien l’intention de m’endormir au son de sa voix.

 =======

 Je déverrouille la porte et prends un instant pour me préparer. Les premières rencontres sont souvent décisives et je ne veux pas rater celle-là. Non seulement elle va vivre sous mon toit, mais en plus c’est la petite sœur d’Aaron. Honnêtement, je ne sais pas trop à quoi m’attendre, il n’a pas été très bavard à son sujet, elle a toujours fait partie de son jardin secret.

Je ne devrais pas tarder à obtenir des réponses…

J’ouvre la porte et découvre ma nouvelle colocataire affalée sur le canapé dans une tenue décontractée. Son profil me paraît étrangement familier et...

Fuck me…

Sérieusement ?

Devant moi se trouve Kara, ma streameuse préférée. Comme d’habitude, ses cheveux blonds sont détachés et relativement décoiffés. Ses yeux bleus à moitié ouverts se posent sur moi et mettent quelques instants à se focaliser. Immédiatement, elle bondit hors du canapé et vient me faire la bise, se présentant :  

– Oh. Tu dois être la colocataire mystère. Kara, enchantée.

– Naomi, de même.

Est-ce que je devrais lui dire la vérité, que je la connais ?

Si elle l’apprend ultérieurement, je passerais pour la nana louche qui la suit sur les réseaux sociaux en restant volontairement dans l’ombre. Mais si je lui dis d’entrée, je risque de me faire cataloguer en tant que fangirl de service, ça pourrait la mettre mal à l’aise… Arghhh.

Advienne que pourra :

– À vrai dire, Aaron m’avait caché que sa petite sœur était connue…

Elle fronce les sourcils et pince les lèvres, comme ça peut lui arriver lorsqu’un jeu la rend confuse et demande :

– Connue ?

M’amusant de son air déconcerté, je lui donne un os à ronger :

– Miss_Sassy_Pants ?

Immédiatement, ses yeux s’écarquillent de manière comique :

– Tu as déjà regardé mes streams ?

La “connaissant” suffisamment pour supposer qu’elle ne le prendra pas mal, je m’amuse de l’avantage qui m’est donné :

– C’est possible...

– C’est quoi ton pseudo ?

Voulant la faire mariner, je fais mine d’hésiter :

– Je sais pas trop si je dois te le dire…

Contre toute attente, elle n’essaie pas de m’extirper les vers du nez et me provoque juste :

– Oh, t’assumes pas... C’est ok Stalkerish, on n’est pas tous parfaits…

Elle me sourit par-dessus son épaule en retournant s’installer sur le canapé.

Je rêve ou elle vient d’insinuer que je suis le type qui postait des commentaires vraiment flippants dans le chat et qui s’est récemment fait bannir pour avoir dépassé les bornes ?

Refusant de la laisser avoir le dernier mot et sachant qu’elle ne pense pas vraiment que c’est moi sinon elle serait certainement en panique, je surenchéris :  

– Ça m’a brisé le cœur que tu m’exclus… Mais maintenant j’ai mieux que la Cam ! On va bien s’entendre toi et moi…

Je ponctue ma phrase d’un clin d’œil accompagné d’un frottement de mains, persuadée qu’elle va prendre ça à la rigolade, voire même rentrer dans mon délire. Moi qui m’attendais à ce qu’elle joue les vierges effarouchées, je manque de m’étouffer sur ma salive lorsqu’elle répond d’un ton suave :

– J’ai hâte…

Ses yeux viennent se fixer dans les miens et je me déteste de ne pas réussir à soutenir son regard plus de quelques instants.

J’ai un côté timide ok ?

Détournant la tête en premier, je suis malgré tout ravie d’entendre le rire que j’aime tant s’échapper de ses lèvres, même à mes dépens.

Ok.

Pas cool.

Briefing stratégique dans ma chambre, illico.

Resserrant ma prise sur mon sac de voyage, je lance :

– Je vais déposer mes affaires et si tu veux on pourra parler du fonctionnement de la coloc, le connaissant, ton frère t’en a probablement donné une version très sommaire…

– Avec plaisir !

Larguant mes bagages au sol, je m’adosse à la porte et prends une seconde pour réaliser.
La personne que je passe des heures à regarder jouer est ma coloc et j’ai déjà l’impression de la connaître. Elle est aussi la sœur de mon pote et totalement chasse gardée. Évidemment, en plus il fallait qu’elle soit carrément plus belle en vrai.

Nickel.

Nan, vraiment, parfait !

Passant mes mains sur mon visage, j’essaie de me raisonner :

– C’est ok Naomi, tu peux tout à fait gérer. Garde bien à l’esprit que c’est la sœur d’Aaron et que tu ne la connais pas en dehors du Net. Ce n’est pas parce qu’elle est drôle, pas bête et physiquement plaisante qu’elle est irrésistible…

Rassurée dans l’idée que je mérite plus de crédit qu’Aaron ne m’en donne, j’attrape quelques affaires de rechange et sors prendre une douche rapide. Ça va faire du bien d’effacer les traces du voyage !

Fraîche comme la rose (ou presque), je retourne dans le salon, où Kara est dans la même position qu’un peu plus tôt :

– Hey.

Elle m’adresse un signe de tête et rétorque :

– Stalkerish.

Je lui lance un regard blasé, auquel elle répond par un sourire en coin.

– Prête pour le tour des règles de la maison ?

Elle se redresse et amène sa main tendue à son front dans un salut militaire :

– Prête mon capitaine !

Ok. Sa manière d’agir pourrait être considérée comme mignonne, mais je ne suis pas du genre à me laisser facilement impressionner :

– Si j’avais dû poursuivre une carrière dans l’armée, j’espère bien que je serais au moins général !

– Tsss… Difficile à satisfaire, je vois.

Je suis assaillie par des flashs d’elle tentant de me satisfaire d’une tout autre manière, et décide qu’il est plus sage de ne pas m’embarquer sur un terrain glissant :

– Bon… Je pense que nos règles sont raisonnables : laisser l’espace commun propre, si tu salis quelque chose, tu le nettoies, ton bazar reste dans ta chambre si tu n’es pas en train de t’en servir....

– Jusque-là ça me va...

– Chacun est responsable des dégradations qu’il fait et des éventuelles répercussions sur la caution. Tu peux t’amuser à dessiner sur les murs, mais c’est toi qui financeras la peinture… Tu me suis ?

– Je te suis !

Je me dirige vers la cuisine et commence mon speech :

– Techniquement, on est supposés faire à manger à tour de rôle. Dans les faits, c’est souvent Nathan qui s’y colle, je vous laisserai vous arranger entre vous. La vaisselle va dans le lave-vaisselle et on le vide quand on voit qu’il a fini de tourner. Rien de sorcier. Pour la nourriture, j’imagine qu’Aaron t’a expliqué notre système ?

Elle acquiesce d’un signe de tête. Il est temps d’aborder la partie gênante, car je suis 100% certaine que mon coloc n’a pas évoqué ce sujet avec sa petite sœur. Elle n’a que 2 ans de moins que moi, et du haut de mes 27 ans je sais que c’est un point qu’il est utile de préciser.

– Nickel. Ah oui : PAS de sexe sur le canapé. Si tu dois absolument céder à tes pulsions dans l’espace commun, je répète : pas sur le canapé, c’est du cuir et on s’occupe de le nourrir avec les produits adéquats, il n’est pas nécessaire d’y étaler tes fluides corporels. Dans tous les cas, si vraiment ça ne peut pas être fait dans ta chambre, merci de désinfecter les lieux après.

Kara combat vaillamment le sourire qui menace de se glisser sur son visage :

– Donc… Pas sur le canapé ? Même pas sur l’accoudoir ?

Refusant de rentrer dans son jeu, je lui adresse un regard entendu et continue comme si elle n’avait rien dit :

– De même, si le volume sonore d’éventuels ébats pouvait rester raisonnable, je suis sûre que ton frère, Nathan et moi t’en serions reconnaissants. Surtout ton frère.

À peine ma phrase terminée, elle explose de rire.

J’attends patiemment qu’elle ait fini, luttant contre le sourire qui tente de gagner mes lèvres.

– D’autres règles ?

– Tu sais comment on fonctionne avec le ménage ?

– Oui.

– Alors c’est tout pour moi ! Si t’as des questions…

– Une seule.

– Je t’écoute.

À sa tête, ça va être une connerie, et effectivement :

– Pour le canapé, c’est définitif ?

Tendant le bras, index pointé, je m’exclame :

– File tout de suite avant que je m’énerve.

– Oh ça va, ça va. On t’a déjà dit que t’es une rabat-joie ?

Croisant les bras pour signaler que je ne suis PAS impressionnée par sa tentative d’humour, je réplique :

– Oui, ton frère me le rappelle tous les jours.

Elle passe son bras autour de mon épaule et lance d’un ton amusé :

– Je sens qu’on va bien s’entendre toi et moi.

– Pas étonnant. Ma mère m’a toujours dit que j’étais adorable. Je ne peux pas en dire autant de tout le monde…

– Je n’en doute pas. Tout comme je suis certaine qu’elle est très objective…

Choisissant de ne pas commenter, je m’installe sur l’un des fauteuils tandis qu’elle reprend sa position sur le canapé.

Je n’ai pas le temps de demander ce qu’elle regarde que Nathan rentre dans l’appart, accompagné d’un inconnu plutôt mignon.

– Hey ! Oh, Naomi, t’es revenue ! T’es rentrée quand ? Comment ça va ? Alors, ce salon ?

Riant, je me lève pour lui faire la bise et lance :

– On se calme, une question à la fois. Ça va et toi ? La convention ça a été merci.

Je m’apprête à demander à mon ami si le mec est son petit copain lorsque ce dernier se penche sur Kara pour déposer un baiser au coin de ses lèvres avant de se tourner vers moi, main tendue :

– Mathieu, enchanté !

Ok, petit copain, mais pas de Nathan donc. Essayant de ne pas céder à la tentation de le détester parce qu’il a les faveurs de Kara, je lui souris et lance : 

– Naomi, de même !

Nathan semble réaliser quelque chose et plutôt que de répondre à la question, s’exclame :

– Oh c’est vrai, vous ne vous étiez pas vues !

M’attrapant par les épaules, il me tourne vers lui et demande :

– Alors, tu penses quoi de notre nouvelle addition ?

Consciente que Kara ne perd pas une miette de notre échange, je me penche pour lui chuchoter à l’oreille :

– Officiellement, je réserve encore mon pronostic. Officieusement —et que ça reste entre nous… – elle marque déjà énormément de points en étant ma streameuse préférée.

Il se recule et on voit à son visage qu’il vient d’apprendre une nouvelle croustillante qu’il apprécie à sa juste valeur :

– Ouhhh… Ça devient intéressant !

Évidemment, elle ne résiste pas à la tentation et s’enquiert :

– On peut savoir ce qu’elle a dit ?

Voulant éviter à Nathan d’avoir à répondre tout en pouvant sortir une horreur, j’invente :

– J’ai demandé s’il avait gardé le numéro des autres candidats, juste au cas où…

Plutôt que de s’offusquer, Kara se contente de marmonner, sans quitter les yeux de la télé :

– Mathieu, tu peux la frapper stp, j’ai la flemme de me lever ?

Le pauvre petit n’avait rien demandé et se retrouve tellement mal à l’aise que je prends pitié de lui :

– Nul besoin, je vais dans ma chambre, et Kara ?

– Oui ?

– Souviens-toi : l’accoudoir, c’est non aussi.

Les deux garçons m’adressent des regards confus que j’ignore somptueusement, partant comme une reine.

======

Entendant mon prénom, je sors de ma chambre pour retrouver tous mes colocataires dans la cuisine. Tandis que je salue Aaron, Nathan m’annonce :

– On pensait commander des pizzas et se faire une soirée télé entre nous, t’en dis quoi ?

– Avec plaisir !

Malgré moi, mon regard se pose sur Kara. Elle est supposée streamer ce soir, ça ne lui ressemble pas de ne pas respecter son emploi du temps. Mais ce ne sont pas mes affaires et le mentionner ne ferait que mettre en évidence que j’ai mémorisé son planning… Ce qui n’est pas le cas bien sûr, ce serait ridicule.

C’est vraiment étrange d’avoir hâte d’apprendre à la connaître en ayant l’impression que c’est déjà le cas. Parce que même si l’on n’a pas forcément beaucoup échangé directement, j’ai pu voir sa manière d’être, de penser…

Une fois les pizzas commandées, on reste assis autour de l’îlot de la cuisine à discuter.

M’adressant à Aaron, je demande : 

– C’est toujours bon pour commencer mon entraînement courant de semaine prochaine ?

– Oui oui, t’inquiètes.

Nathan y va de son commentaire :

– Je ne sais vraiment pas pourquoi tu as l’intention de t’infliger ça…

Amusée, je rétorque dans un sourire en coin :

– Tu parles du sport ou de la compagnie d’Aaron ?

– Les deux !

Habitué à ma manière d’être, pour toute réponse, Aaron lève les yeux au ciel tandis que sa sœur annonce :

– Au moins ça me rassure de voir qu’il n’y a pas que moi que tu portes en haute estime Naomi…

Allant jusqu’à braver la mort en me pinçant la joue, Nathan s’exclame :

– Oh ne t’y trompe pas, c’est sa manière de montrer son affection.

Repoussant sa main sans ménagement et lui lançant un regard noir, je marque une pause avant de faire face à Kara, précisant :

– Il ment.

La sonnette retentit, me sauvant. Je ne me fais pas prier pour aller accueillir le livreur et récupérer nos pizzas.

– Bon app !

Trois “bon app” me répondent en chœur.

À peine le carton ouvert, je réalise que j’ai vraiment faim et comme tout le monde à table, commence immédiatement à manger.

Entre deux bouchées, on essaie de se mettre d’accord sur le film ou la série qu’on va regarder ce soir. Finalement, sous l’influence de Nathan et Kara, on opte pour Spartacus.

Je ne suis pas dupe...

Ça fait longtemps que la série est terminée alors ils ont probablement choisi ça pour pouvoir reluquer à loisir des hommes musclés semi-nus et luisants. Autant dire que je ne partage pas leur enthousiasme pour ces attributs, même si je ne peux que reconnaître que certains acteurs sont beaux. Mais bon, ça fait un bail que je n'ai pas regardé d'épisode alors pourquoi pas.

J’ai hâte que Kara fasse moins la maline lorsqu’il y aura une scène de sexe alors qu’elle sera entourée de son frère et deux quasi inconnus !

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20 minutes plus tard, je regrette déjà.

Les trois pervers autour de moi n’ont pas l’air perturbés du tout, Aaron se rapprochant même de l’écran, tandis que je suis mortifiée de voir ça en leur présence.

Qu’on soit bien d’accord, je ne suis pas une prude, la scène en soi ne me dérange pas, mais avec eux à côté… Disons que c’est presque aussi gênant que l’idée de regarder un porno en compagnie de ma mère. Merci, mais non merci.

Partageant le canapé, mais pas mon tourment, Kara se moque :

– Tout va comme tu veux Naomi ? Tu m’as l’air un peu rouge…

J’ai dit que je l’appréciais ? Nan oubliez, je ne l’aime pas du tout. Un vrai suppôt de Satan.

Grommelant, je me contente d’un faiblard :

– Pas de doute, t’es bien la sœur de ton frère…

– Je plaisaaaante et pour être honnête, ça te va bien !

Elle ponctue sa phrase en tapotant ma cuisse et je vois Aaron plisser les yeux dans ma direction.

Hey, j’y suis pour rien, j’ai pas demandé à être moquée ou palpée !

Je reporte mon attention sur l’écran, tâchant d’ignorer la proximité de Kara et les menaces non verbales que son frère est en train de m’adresser.

Ça commence mal cette cohabitation, j’espère que ça ne viendra pas en travers de notre amitié…

======

Je me recule pour admirer mon travail. Pas mal du tout, mais l’ourlet côté droit pourrait être un peu plus marqué… Hmm…

Mes pensées sont interrompues par quelqu’un frappant à ma porte.

– Oui ?

La tête blonde de Kara se glisse dans l’embrasure et elle demande :

– Je vais aller faire des petites courses, tu veux venir ?

Elle ponctue sa phrase d’un sourire timide et je reconnais son invitation à passer du temps ensemble pour ce qu’elle est.

Qu’une chose soit claire. Ça fait deux ans que je suis en coloc avec Nathan et Aaron et je n’ai JAMAIS mis les pieds au magasin, préférant largement me faire livrer ou passer au drive. J’ai ni le temps ni la patience pour ce genre de choses.

C’est pourquoi je suis la première surprise lorsque je m’entends répondre sans l’ombre d’une hésitation et même avec un certain enthousiasme :

– Avec plaisir !

Ok… Apparemment, si la requête vient de Kara, j’ai une espèce de réflexe pavlovien me poussant à accepter sans réfléchir.

Naomi, tu veux m’accompagner chez le pédicure ? Bien sûr !

Naomi, une visite à la pharmacie, ça te tente ? Clairement !

Naomi, et si on allait sauter dans ce feu de forêt ? Yes, j’arrive !

Pfff…

Abandonnant tout ce que j’étais en train de faire sans un regard en arrière, je l’accompagne jusqu’au magasin le plus proche.

Une conclusion s’impose : je suis un être pitoyable.

Enfin non. En gentille colocataire, j’essaie de faire en sorte qu’elle se sente bienvenue et acceptée.

Voilà.

Rien à voir avec le fait que j’ai envie de connaître tout ce qu’il y a à savoir à son sujet…

Par exemple, si j’apprenais que son petit déjeuner consistait en une plâtrée de choux rouge accompagné de rosé, ça casserait un peu le mythe !

Ne me demandez pas pourquoi quelqu’un voudrait manger ça de bon matin, il n’y a pas d’explication logique, c’est juste ce qui m’est venu en tête.

On se retrouve toutes les deux dans les allées, panier en main et mes zygomatiques me font déjà mal. Elle est absolument trognon. On jurerait voir une enfant, tous les mètres elle s’arrête et lance un “ouhhhh ça a l’air bon, tu crois qu’on devrait en prendre ?”, avant de se tourner vers moi avec de grands yeux.

Autant dire que j’ai estimé qu’il était absolument nécessaire d’acquérir : du préfou, des bonbons piquants, des cookies triples pépites de chocolat, quatre bouteilles de différents sodas et trois paquets de chips aux goûts improbables.

Pour ce qui est des vertus d’une alimentation saine, on repassera. Je ne sais pas comment elle peut être en aussi bonne forme physique en mangeant ces cochonneries…

Voilà pourquoi c’est mieux de faire ses courses en ligne : pas de tentation. Et si je peux éviter les petites vieilles qui se servent de leur caddie comme d’un tank et n’hésitent pas à vous aplatir les pieds au passage, on ne m’entendra pas m’en plaindre !

Quarante minutes plus tard, on se retrouve affalées sur le canapé, à regarder une émission sur le bushcraft, testant les capacités de survie des participants dans la nature, un paquet de chips entre nous.

Je n’ai jamais eu l’occasion de construire quoi que ce soit de mes mains, mais j’ai une vie entière d’expérience télévisuelle sur le sujet, c’est pourquoi je me permets de commenter allègrement :

– Tsk. Sa bauge ne va pas tenir, il met de l’herbe fraîche, tout le monde sait qu’il faut utiliser de la paille ou un équivalent, quelque chose de sec qui ne va pas pourrir à l’intérieur du mur !

Kara me lance un regard amusé et se moque :

– J’ignorais que l’on avait une spécialiste parmi nous !

Plutôt que de m’offusquer, j’opte pour une approche différente :

– Il y a beaucoup de choses que tu ignores à mon sujet, jeune Padawan.

– Je ne demande qu’à apprendre !

Deux minutes plus tard, alors que le présentateur vient inspecter leur construction, il fait EXACTEMENT la même remarque que moi. Me déclarer fière serait un euphémisme.

Sans dire un mot, je lève les bras au ciel et attends qu’elle me donne la reconnaissance qui m’est dûe. A moi la gloire !

Son regard blasé vient croiser le mien et elle finit par concéder sa défaite :

– Bon. Ok. Peut-être que tu sais de quoi tu parles.

– Merci !

On continue à suivre l’émission dans un silence confortable. J’ai l’impression qu’il y a quelque chose qui se passe, mais je n’arrive pas mettre mon doigt dessus.

Elle vient tout juste d’emménager et pourtant je suis hyper à l’aise en sa compagnie. Probablement parce que je la « connais » déjà quelque part.

Après, au vu des sourires qu’elle m’adresse régulièrement et des regards complices qu’on échange, elle partage mon avis, c’est quasi sûr. Je ne sais pas comment c’est possible, étant donné qu’on est encore des inconnues, mais il y a un lien, une connexion. On est sur la même longueur d’onde.

Ok Naomi, calme-toi avant de lui demander de signer tes sous-vêtements.

C’est probablement ton côté “fan” qui s’imagine des trucs et elle qui est suffisamment sympa pour endurer sans broncher.

Et si j’ai l’impression de sentir son regard sur moi dès que mon attention est portée ailleurs, je prends simplement mes désirs pour des réalités.

Comment ferait-elle de toute manière ? J’ai un mal fou à ne pas la fixer en permanence. Sans compter le cher Mathieu, son copain.

C’est dur de faire la part des choses, je l’admets. Elle est exactement dans la vie comme à l’écran : de bonne humeur, hyper souriante, prenant tout avec humour… Typiquement le genre de personnalité qui illumine une pièce. La dernière des choses que je veux, c’est l’effrayer d’entrée en étant trop intense.

Trois heures plus tard, la voix de Nathan nous réveille. J’ouvre les yeux et me retrouve nez à nez avec Kara, qui n’arrête pas de cligner des paupières, un air confus sur le visage. J’ai des fourmis dans le bras et ses cheveux sont justement aplatis de ce côté-là.

On dirait bien qu’on s’est endormies comme des crottes ! Bras dessus bras dessous, collées comme il faut.

Une fois qu’on a compris ce qui se passait, notre attention se porte sur Nathan, qui nous regarde, sourire aux lèvres :

– J’en connais qui sont déjà à l’aise l’une avec l’autre.

Grognant, je m’étire et tâche d’émerger. Je ne dors JAMAIS en journée et mes colocs le savent très bien. Alors autant dire que me retrouver en train de faire une sieste improvisée avec Kara est quelque chose d’extrêmement surprenant. Et je n’ai pas spécialement envie qu’il lui fasse reconsidérer notre proximité avec ce genre de commentaires.   

Voulant certainement expliquer comment on en est arrivées là, Kara commet une boulette sans le savoir :

– On a été faire les courses ensemble, faut croire que négocier âprement sur la marque de chips à prendre rapproche !

Mes yeux s’écarquillent en même temps que ceux de Nathan. Et merde.

– Avec Naomi ?

– Oui.

Voulant probablement être sûr d’avoir bien compris, il hausse les sourcils et précise :

– Naomi t’a accompagnée au magasin ? Puis vous êtes revenues et vous êtes endormies devant la télé ? 

Kara m’observe d’un air confus et répond d’un petit :

– Oui ?

Je lance un regard noir à Nathan et passe mes doigts tendus de gauche à droite sur ma gorge dans le signe universel de “stop”, mais le mal est déjà fait :

– Wow. Aaron va pas le croire.

Avant qu’il puisse s’armer d’une pelle et m’enfoncer davantage, je mets fin au sujet :

– Nathan… Arrête de la faire marcher, c’est pas sympa.

Il ouvre la bouche, certainement pour remettre les choses dans l’ordre, mais un simple coup d’œil à mon visage promettant une vie entière de souffrances s’il me contredit suffit à le faire changer d’avis. L’avantage de côtoyer quelqu’un au quotidien, c’est que l’on est en mesure de développer une communication non verbale étonnamment efficace.

Il sourit d’un air entendu et j’ai conscience que je vais devoir m’expliquer ultérieurement, mais accepte de me couvrir :

– Pas cool. J’y étais presque !

Avant de pouvoir être incriminée pour quoi que ce soit d’autre, je jette un coup d’œil à ma montre et réalise qu’il faut que je me bouge si je veux espérer avoir fini mon travail à temps. Pour une fois, je ne peux pas dire que ça m’attriste.

22 septembre 2019

Hors Limites - Disclaimer

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Sexe : ahem... OUI. Vous êtes prévenu(e)s. La lecture est prévue pour les personnes majeures et vaccinées uniquement ! Il est entre autres fait mention et usage d'un sex-toy, vous voilà prévenu(e)s.

Résumé : "On veut toujours ce qu'on ne peut pas avoir", c'est la conclusion à laquelle arrive Naomi, une fois qu'elle a rencontré la soeur de son coloc. Coloc à qui elle a promis qu'elle resterait à bonne distance... 

Rappel propriété intellectuelle : Je n'autorise pas la reproduction sur d'autres sites, encore moins si vous avez l'intention de vous l'approprier. Si vous aimez l'histoire, commentez, ne la volez pas. Ce(tte) oeuvre est mise à disposition selon les termes de  la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle : "L'auteur d'une oeuvre jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous [..] L'oeuvre est protégée du fait même de son existence." 

L'image a été trouvée sur un site de photos libres de droits (Unsplash). 

Nota : désolée d'avoir mis du temps à l'annoncer "officiellement". J'ai longtemps hésité à le faire car j'ai reçu beaucoup de messages désagréables ces derniers temps, je n'étais pas sûre que continuer vaille le coup si c'est pour me prendre des réflexions gratuites dans les dents. On verra bien comment ça se passe / je me sens après celle-ci. 

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