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Fictions Lesbiennes :)
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16 novembre 2011

Chapitre 10

Chapitre 10

Xena ne dit rien, restant simplement debout à savourer de contact avec le corps chaud pressé dans son dos. Lentement, elle se retourna, cherchant le regard de Gabrielle.

- C'est vrai ?

L'artiste avait tout juste murmuré sa question. La guerrière savait que de sa réponse dépendrait leur avenir.

- Oui. Je ne joue plus. J'en pensais chaque mot. Gabrielle, je…

Elle fut réduite au silence par l'index de la jeune femme sur ses lèvres.

- Embrasse-moi…

 

La Conquérante eut un petit sourire avant de se pencher pour délicatement capturer les lèvres de l'artiste.

Le baiser n'était pas comme ceux qu'elles avaient pu échanger auparavant. Il était lent, profond et plein de promesses.

Elles se reculèrent légèrement pour respirer, la guerrière mordillant la lèvre inférieure de Gabrielle. Leurs yeux se trouvèrent et l'artiste se recula à contrecœur. Faisant un pas en arrière, elle tendit la main, immédiatement saisie par Xena.

L'artiste se rendit dans sa chambre, lâchant la guerrière une fois arrivée. Elle plaça une main dans son dos, la guidant jusqu'au lit double.

 

Les draps défaits étaient comme une invitation à se laisser aller. Pourtant la Conquérante ne bougea pas un cil, attendant que Gabrielle fasse le premier pas. Elle ne voulait prendre aucun risque, pour une fois abandonner le contrôle à quelqu'un d'autre.

Un feu crépitait doucement dans l'âtre créant une atmosphère chaleureuse et apaisante.

 

Gabrielle parcourut la chambre des yeux, comme si elle la découvrait pour la première fois, terminant par le lit avant de venir chercher le regard de la femme devant elle. Un sourire coquin vint jouer sur ses lèvres.

Elle prit les mains de Xena dans les siennes, les caressant un instant avant de remonter le long de ses bras. Ses mains massèrent les muscles tendus des épaules de la Conquérante avant de venir se poser sur les attaches de l'armure qu'elle portait. Elle parcourut un instant les motifs compliqués du bout des doigts avant de s'arrêter. Se mordant la lèvre inférieure, Gabrielle leva un regard interrogateur vers la guerrière qui acquiesça d'un mouvement de tête.

Quelques secondes suffirent à l'artiste pour venir à bout des attaches. Elle s'attaqua aux autres parties jusqu'à ce que l'armure en cuir glisse doucement le long du corps sculptural de la Destructrice des Nations. S'extirpant hors du vêtement, Xena resta parfaitement immobile, laissant Gabrielle la découvrir.

La jeune blonde était captivée par la vue de la Conquérante vêtue d'une courte tunique de lin. Elle paraissait presque fragile, se laissant caresser du regard sans dire un mot. Deux petites mains virent défaire les lacets qui maintenaient le vêtement en place. La robe tomba dans un bruit d'étoffe.

Xena tenta de maitriser sa respiration sans grand succès. Le regard brûlant de Gabrielle parcourait chaque partie de son corps et l'envie dans ses yeux était indiscutable.

L'artiste posa ses mains sur les hanches de son amante, remontant lentement le long de ses flancs jusqu'à venir effleurer le galbe d'un sein. Elle pouvait voir la poitrine de la Conquérante tendue, demandant de l'attention.

Mais ça n'était pas au programme, du moins pas pour l'instant. S'agenouillant, Gabrielle caressa le ventre de la guerrière, jouant avec son nombril avant de passer le bout d'un doigt sous le bord du sous-vêtement. Lentement, elle partit du centre pour venir se placer sur les côtés du dessous. Délicatement, elle saisit le tissu et descendit le vêtement.

La Conquérante regarda Gabrielle la mettre à nue le souffle court, tout son corps en ébullition, tremblant à la perspective des prochains gestes. Jamais elle ne s'était sentie aussi exposée une fois nue et cela l'excitait terriblement.

La jeune blonde jeta de côté les restes de la tenue de la guerrière avant de très lentement relever la tête, mémorisant chaque parcelle du magnifique corps devant elle. Ses yeux terminèrent leur course dans ceux de Xena.

Elle se releva, ses mains partant des chevilles de la guerrière, parcourant l'intérieur des cuisses en griffant légèrement la peau sensible. Avant d'arriver là où la guerrière avait le plus besoin d'elle, elle se retira, plaçant directement une main sur la joue de la Conquérante et l'autre à l'arrière de sa nuque.

Elle attira son amante à elle. Seules leurs lèvres se touchaient. Leur baiser fut doux et calme jusqu'à ce que Gabrielle parcoure le dos de Xena du bout des ongles, lui extirpant de doux frissons avant de l'attirer entièrement contre elle.

Elles se reculèrent pour reprendre leur souffle, en profitant pour mesurer l'envie dans les yeux de l'autre. Gabrielle déposa des baisers de plume dans le cou de la guerrière avant de mordiller la peau sous ses lèvres. Sentant la Conquérante trembler sous sa bouche, elle remonta lentement jusqu'à l'oreille de son amante, lui faisant subir le même sort qu'à son cou avant de murmurer d'une voix rendue rauque par l'envie :

- Allonge-toi.

Le souffle chaud de l'artiste donna la chair de poule à la guerrière. Elle la voulait comme jamais elle n'avait voulu quelqu'un de sa vie. Sans hésiter, elle fit ce qui lui était demandé, s'allongeant sur le lit. Son regard plongé dans celui de Gabrielle, elle attendit.

La blonde regarda la superbe femme étendue nue sur son lit. Elle déglutit et s'efforça de ne pas se ruer sur elle. Se tournant pour lui faire face pleinement, les yeux toujours les siens, elle porta ses mains à ses épaules. Défaisant le nœud qui maintenait en place le vêtement, elle laissa sa robe glisser le long de son corps avant de s'en dégager.

Elle laissa le regard brûlant de la Conquérante parcourir son corps avant de retirer ses sous-vêtements.

Le feu donnait à la scène un aspect irréel. Xena était envoûtée par la jeune femme et l'effet qu'elle avait sur elle. Tous ses sens étaient à leur paroxysme, c'était comme si elle pouvait sentir le moindre courant d'air, voir tous les détails qui lui avaient échappé, entendre le battement de son cœur et leurs souffles erratiques.

 

Gabrielle posa un genou de part et d'autre d'une des cuisses de Xena, avant de venir s'appuyer sur ses coudes, se maintenant au-dessus de la Conquérante sans jamais entrer en contact. Elle sourit devant la vue qui s'offrait à elle. Enfin, elle allait pouvoir assouvir ce désir qui la rongeait. Elle aurait voulu pouvoir résister au feu qui parcourait ses veines, aurait voulu combattre cette envie, mais elle savait que c'était un combat perdu d'avance.

Elle se pencha pour venir capturer les lèvres de la guerrière dans un baiser non retenu. L'un des bras de Xena vint s'enrouler autour de sa taille pour l'attirer à elle.

Elles gémirent toutes les deux à ce contact.

- Oh Dieux !

Un instant plus tard, leur baiser reprenait de plus belle. Il n'était plus question d'attendre une seconde de plus. Leurs mains caressaient chaque parcelle de peau à portée, leurs cœurs battant à l'unisson, leurs souffles se mêlant dans un baiser qui n'en finissait plus.

Les doigts de Gabrielle virent trouver l'un des seins de Xena, tandis que sa bouche s'attaquait à son cou, avant de descendre plus au sud. Sa langue joua un instant avec la pointe érigée avant de la prendre en bouche, appliquant une délicieuse succion. La main gauche de la guerrière vint repousser quelques mèches de cheveux blonds et leurs regards se croisèrent au moment même où l'artiste commença à mordiller la chair tendre.

La main de la jeune femme délaissa la poitrine de la guerrière pour venir caresser son ventre, descendant un peu plus bas à chaque fois. Elle partit ensuite le long d'une des cuisses, remontant lentement et répétant l'opération sur la seconde. Arrivée au sommet de cette dernière, elle fit glisser sa main sur le sexe de la Destructrice des Nations.

Elle gémit en sentant sous ses doigts la preuve du désir que l'autre femme lui portait. Elle caressa lentement les replis humides, se délectant des sons qu'elle extirpait à son amante.

- En moi, s'il te plait…

Gabrielle prit un moment pour savourer l'étrange pouvoir qu'elle possédait sur la Conquérante en cet instant avant de s'exécuter.

C'était une sensation enivrante, voir la Destructrice des Nations onduler sous elle, la posséder de sa main. Jamais la jeune blonde n'avait connu une telle ivresse. Elle pénétrait la Conquérante avec l'intensité de la passion et de la frustration qu'elle avait pu ressentir. Incapable de s'arrêter, elle voulait donner toujours plus de plaisir, garder cet ascendant. Plus elle cherchait à assouvir le feu qui brulait en elle, plus son envie augmentait.

Sa bouche alla retrouver la poitrine offerte, jouant avec les tétons de sa langue et de ses lèvres. Au premier contact, elle sentit le frisson qui parcourut Xena de part en part, se répercutant dans tout son corps. Dieux qu'elle était réceptive…

 

Les yeux d'ordinaire si clairs de la Conquérante étaient noirs de désir et fixés dans les siens. Celle-ci luttait pour ne pas fermer les paupières tandis que des vagues de plaisir l'assaillaient. La sensation des doigts de Gabrielle bougeant en elle, de sa paume exerçant une délicieuse friction à chaque va et vient était enivrante. Xena sentait le plaisir monter rapidement, de plus en plus puissant et savait qu'elle ne tiendrait bientôt plus.

Ses hanches imitaient le rythme imposé par l'artiste, la laissant maître de son plaisir.

Soudain, le corps de la Conquérante se raidit, Gabrielle sentit les muscles se resserrer autour de ses doigts tandis qu'elle accompagnait la guerrière jusqu'au bout de son plaisir, gardant ses yeux dans les siens, leurs corps en contact sur toute leur longueur.

 

La jeune blonde embrassa le cou de la guerrière le temps que celle-ci reprenne ses esprits. L'odeur de la Conquérante était enivrante et Gabrielle se demanda si elle pourrait en être un jour rassasiée.

Elle releva la tête et sourit au vu du sourire coquin que lui lança Xena.

- Tu n'es pas fatiguée, j'espère ?

L'artiste sourit à son tour avant de répondre :

- Un peu… Tu penses pouvoir me garder éveillée ?

Un sourcil parfaitement dessiné se leva. Un défi ?

- Je crois avoir mes chances, on va bien voir…

La guerrière attira Gabrielle plus à elle, de sorte que l'autre femme se retrouve chevauchant son ventre. Regardant la jeune blonde dans les yeux, Xena leva la tête pour venir mordiller la lèvre inférieure de son amante, avant de venir la caresser du bout de sa langue.

Gabrielle colla son corps au sien. Dans le baiser, elle sentit la guerrière sourire.

- J'ai manqué le passage marrant ?

- Marrant n'est pas le mot…

L'artiste laissa échapper un petit gémissement en sentant les muscles abdominaux se contracter contre son sexe. Instinctivement, elle commença à bouger contre son amante, profitant de la friction qu'elle lui offrait. Gabrielle se redressa tout en continuant ses va et vient, offrant à Xena une vue imprenable sur son corps. Elle sourit, les yeux mi clos, en voyant le regard plein de désir que celle-ci lui portait.

Soudain, elle sentit les mains de la Conquérante l'attirer jusqu'à ce qu'elle se retrouve agenouillée de part et d'autre de la tête de celle-ci.

Xena eut un sourire coquin et se lécha les lèvres.

- Allumeuse.

Gabrielle voulut répondre mais tout ce qui passa ses lèvres fut un gémissement étranglé en sentant la bouche de la guerrière se poser sur son intimité.

L'artiste baissa les yeux et faillit jouir rien qu'en voyant la Conquérante affairée entre ses cuisses.

- Oh Dieux…

Elle posa ses mains à plat sur le mur, tentant de retrouver un semblant d'équilibre alors que la langue experte de Xena l'amenait sans nul doute au point de non retour. Elle sentit les mains de la guerrière venir se poser sur ses fesses pour la maintenir en place malgré ses tremblements.

L'une des mains de Gabrielle vint se poser sur les cheveux de la Conquérante, l'incitant à continuer. Elle savait qu'elle ne tiendrait plus longtemps. La position dans laquelle elle était combinée aux administrations talentueuses de la langue de Xena allait avoir raison d'elle.

 

                        *          *          *          *          *

 

Gabrielle ouvrit les yeux et sourit immédiatement en sentant le corps chaud contre le sien. Elle souleva sa tête de l'épaule de la Conquérante et profita de son sommeil pour l'observer. Ses traits étaient fins et nobles. Même dans son sommeil, la guerrière conservait un air majestueux.

L'artiste déposa de doux baisers sur le visage de Xena, voulant que celle-ci se réveille dans ses bras. Elle sentit le sourire se dessiner avant même que l'autre femme ne parle :

- Méfie-toi, je pourrais m'y habituer…

- Ah ? Et je serais obligée de le faire tous les matins ?

- C'est une option en effet…

- Hmmm…. Alors fais-moi penser à recommencer.

 

La Destructrice des Nations serra la jeune femme contre elle. La veille encore elle n'y croyait plus et pourtant elles se retrouvaient là, toutes les deux. Un sentiment de bien-être total l'envahit, bien vite repoussé par un doute :

- Et maintenant ?

Gabrielle posa sa tête sur son bras et embrassa le front de Xena avant de répondre :

- Quoi maintenant ?

- Qu'est-ce qu'on va faire ?

Un doute envahit l'artiste : et si ça n'avait été pour la Conquérante que l'histoire d'une nuit ? Et si elle regrettait déjà ?

- Xena, je… je ne comprends pas ce que tu veux dire…

La guerrière passa sa main dans ses cheveux, trahissant son anxiété avant de parler, embarrassée :

- Ta famille, tes amis… Ils me détestent tous…

Gabrielle se retint de sourire, ne voulant pas blesser l'orgueil de la Conquérante. C'était tellement surprenant de la voir se soucier de ce que peut bien penser le peuple… Elle posa ses mains sur les joues de la guerrière et la força à la regarder avant de déposer un doux baiser sur ses lèvres.

- Ma vie privée, comme ce que je fais de mon corps, ne les regarde pas.

- Tu réalises qu'ils vont finir par l'apprendre ? Je veux dire, si " ça " continue, les gens vont remarquer que pour quelqu'un qui ne s'intéresse pas à l'art - enfin mis à part quand il consiste à faire mon portrait - je passe beaucoup de temps avec une certaine artiste…

Gabrielle lui donna une petite claque sur l'épaule avant de dire d'une voix joueuse :

- Narcissique ! … En quoi ça devrait me déranger qu'ils l'apprennent ? Ils seront sûrement jaloux de ma position dans le lit impérial, mais si-

- Ils vont certainement te détester, te considérer comme une traitresse, quelqu'un qui a pactisé avec le diable…

- Alors je leur dirai ce qu'il y a entre nous et leur expliquerai quel type de personne tu es…

- Et tu crois que je te laisserais ruiner ma réputation ? Être un monstre sanguinaire n'est pas donné à tout le monde !

Gabrielle ne répondit pas, se replaçant tout contre l'autre femme. Elle était persuadée qu'en cas de problème, elle n'aurait qu'à se retrouver dans cette position pour tout oublier et retrouver cette chaleur.

 

                        *          *          *          *          *         

- Allez, dis-nous qui c'est ?

- C'est personne Lila, arrête de rêver…

- Ohhh, attends, tu veux faire croire ça à qui ? Maman, Papa, elle disparait bien régulièrement et nous fait des cachoteries, je me trompe ?

Elle tourna la tête en direction de ses parents qui acquiescèrent.

- Merci du soutien ! Mais je maintiens ma position !

- Oui, mais avec qui tu la maintiens ? demanda Lila d'un ton joueur.

L'artiste lui donna une petite tape sur le bras, ne prenant pas la peine de répondre. Prenant pitié, la mère de l'artiste lui demanda :

- Gaby, tu veux bien aller me chercher quatre œufs, s'il te plait ?

- Bien sûr, je reviens tout de suite.

 

La jeune blonde se leva et sortit, soulagée d'échapper momentanément à l'interrogatoire que lui faisait subir sa sœur. Elle fit le tour de la maison pour se rendre au poulailler. S'approchant de la porte de la cage, elle fronça les sourcils. Elle dit d'une voix douce :

- Eh ben mes cocottes, pourquoi vous êtes aussi agitées ?

- Parce que je suis là…

Gabrielle se retrouva plaquée contre la porte. Elle gémit en sentant le corps de la Conquérante se presser dans son dos. Elle se retourna et l'attira à elle dans un baiser brûlant. Elle se recula au bout d'un moment, le souffle court…

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Il fallait que je te voie… Tu es partie vite hier…

Gabrielle sentit la main de la guerrière passer sous sa jupe, puis se frayer un chemin sous son sous-vêtement. Un frisson la parcourut au premier contact.

Mais c'était trop risqué.

Prenant sur elle, elle repoussa doucement Xena.

- Non… J'ai pa-

- Tu en as envie, ne mens pas, j'en ai la preuve…

Retirant sa main, la Conquérante porta ses doigts à sa bouche, les léchant consciencieusement sous le regard brûlant de l'artiste.

Sans plus attendre, elle redescendit trouver la source du plaisir de Gabrielle. Celle-ci gémit en sentant à nouveau les doigts habiles de la guerrière sur son sexe.

Elle prit néanmoins son poignet dans sa main, tentant de l'immobiliser. A bout de souffle, elle murmura :

- J'ai pas le temps, ils vont me chercher d'un instant à l'autr-

Ses mains virent se placer dans les cheveux de la Conquérante, l'amenant plus à elle en sentant ses doigts la pénétrer. Elle émit un gémissement bien vite étouffé par les lèvres de Xena.

La porte en bois grinçait doucement sous les à-coups réguliers qu'elle subissait. La guerrière sentait la résolution de l'autre femme s'amenuiser.

Pourtant, Gabrielle tenta une dernière fois de repousser son amante, pour se retrouver les deux poignets pris dans une poigne d'acier au-dessus de sa tête.

Sentant la Conquérante accélérer ses mouvements, l'artiste oublia pourquoi elles devaient arrêter, pourquoi c'était une très mauvaise idée… Dieux, elle n'était même pas sûre de se souvenir de son propre nom…

Rapidement,  Xena sentit le corps de la jeune femme se raidir pour finalement se détendre. La Conquérante retira sa main et enlaça Gabrielle tandis que celle-ci tentait de récupérer. Jamais avant personne ne l'avait faite réagir de la sorte. D'un côté comme de l'autre, c'était une sorte de besoin impérieux, une envie, de celles qu'on ne peut ignorer.

Souriante, la guerrière dit d'un ton joueur :

- As-tu idée de combien coûte une tenue comme celle-ci ?

Suivant le regard de la Conquérante, Gabrielle constata les indéniables traces de dent marquées dans le cuir au niveau de l'épaule de la guerrière. Rougissant dans un premier temps, elle finit par répondre :

- As-tu idée de ce qui se serait passé si j'avais crié ? Ou pire, si je t'avais mordue à l'épaule !?

- Tu marques un point…

Gabrielle posa sa main sur la joue de Xena, avant de passer derrière sa nuque, l'attirant à elle dans un baiser.

Entendant toutes les deux un petit cri de surprise, elles se repoussèrent mutuellement. Gabrielle n'osait pas ouvrir les yeux, comme retardant l'échéance.

Elle finit par soulever ses paupières pour se retrouver face à une Xena qui tentait vainement de prendre un air détaché et une Lila la bouche ouverte de choc. La situation aurait pu être comique si elle n'avait pas été aussi dramatique.

Désemparée, Gabrielle passa une main nerveuse dans ses cheveux, tentant de se donner une contenance.

- Lila… Je crois qu'il faut qu'on parle…

Sa sœur finit par réussir à fermer sa bouche et réussit même à articuler :

- Oui… Je crois aussi… Je t'attends de l'autre côté.

Sans un mot de plus, elle repartit comme elle était venue étant visiblement pressée de quitter les lieux. 

Se tournant vers Xena, Gabrielle la pointa d'un doigt accusateur :

- C'est ta faute, je t'avais bien dit que ça allait arriver… Dieux, qu'est-ce que je vais lui dire…

- Pourquoi pas la vérité ? De toute manière…

- Oui, elle nous a prises la main dans le sac… dit Gabrielle.

En entendant la guerrière pouffer de rire, l'artiste réalisa que ses paroles auraient pu être interprétées comme un mauvais jeu de mots. Mi agacée, mi amusée, elle donna un petit coup du plat de la main sur l'avant de l'armure de la guerrière.

- Tu m'énerves !! Et en plus tu me compares à un sac !

A ces mots et au vu de l'air offusqué de l'artiste, Xena recommença à rire de plus belle.

Souriante, Gabrielle secoua la tête avant d'attirer la guerrière à elle par son armure. Elle déposa un petit baiser sur ses lèvres avant de se reculer.

- Tu me le paieras, sache-le !

- Huh huh…

Gabrielle se dirigea vers l'endroit où sa sœur l'attendit, lançant sans se retourner :

- Tu ne perds rien pour attendre !

 

 

Bien trop vite à son goût, elle se retrouva face à Lila. Elle n'osait pas la regarder dans les yeux, de peur d'y voir ce qu'elle était certaine d'y trouver : dégoût, déception, peut-être même haine…

Elle sursauta en entendant Lila rire doucement. Elle leva des yeux interrogateurs, voulant savoir quelle était la blague ?

- Rien… J'aurais dû le savoir, c'est tout. Je veux dire… Quand elle est venue pour Papa et Maman… C'était…. Tellement peu elle. Et la façon dont vous vous regardiez…

- Tu… Tu m'en veux ?

Lila prit un instant pour réfléchir à la question.

- Non… Enfin, bien sûr, tu aurais pu choisir quelqu'un d'autre… Par exemple quelqu'un que tout l'Empire ne hait pas mais… Si elle te rend heureuse, ça me va. Je sais bien que l'amour ne se contrôle pas…

Gabrielle se jeta dans ses bras, la serrant le plus fort possible.

- Euh… Je t'aime aussi, mais j'aime aussi respirer…

L'artiste se reculant en riant doucement, des larmes de soulagement plein les yeux. Lila les essuya de ses pouces avant de venir déposer un baiser sur le front de sa sœur.

- J'en reviens pas n'empêche… Ma sœur et la Destructrice des Nations. Gabrielle et la Conquérante, la femme  la plus puissante au monde…

Gabrielle sourit timidement.

- Oui… ca peut faire bizarre… Enfin je ne la vois pas comme ça…

- Oh pitié, épargne-moi les discours larmoyants ! Allons chercher ces œufs ! dit Lila en attirant sa sœur contre elle.

Elle partit devant, suivie de près par Gabrielle. La guerrière n'avait pas bougé d'un pouce. Souriante et un air coquin sur le visage, Lila se pencha pour murmurer à l'oreille de sa sœur :

- Je vois au moins une des choses que tu lui trouves… Elle est superbe…

Gabrielle donna une petite tape du revers de la main dans le ventre de sa sœur avant de répondre en chuchotant elle aussi :

- Oui, elle l'est…

 

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26 janvier 2012

Chapitre 1

Chapitre 1: Le début de la fin

 

Le tintement de son affreuse clochette, suivie d'un son quasi inhumain où je reconnais la syllabe formant mon nom m'informent qu'ELLE désire me voir. Ma chef, Shaell Mackenzie, terreur des bureaux.

Bien que je haïsse la manière qu'elle a de m'appeler, je me rends dans la salle de réunion le plus rapidement possible, sachant très bien que la patience n'a jamais compté parmi l'une de ses vertus. M'excusant comme je peux, je vais m'installer à la seule place encore libre, juste à côté d'elle.

Comme tous les autres, je regarde la dragonne marcher de long en large devant nous.

Elle a toujours su jouer du silence comme d'un moyen ultra efficace pour nous mettre mal à l'aise.

Malgré tout, je ne peux m'empêcher de remarquer que son tailleur strict épouse à merveille ses formes parfaites.

Un rapide tour de table m'apprend que les autres collègues ont autant de mal que moi à conserver leur regard sur le tableau qu'elle pointe du doigt et non à le laisser s'égarer…

Elle a beau pouvoir prétendre sans pâlir à une place dans le top dix des pires tyrans que la terre ait porté, elle reste carrément canon. Imaginez, une belle brune aux yeux verts à tomber par terre, un visage aux traits fins et qui est en plus super bien foutue.

Je suis sortie de mes rêveries par un raclement de gorge agacé.

J'ai l'impression que la pièce vient de perdre au moins une dizaine de degrés tandis que le regard de glace de harpie me parcourt.

-          Liz, si je vous dérange, n'hésitez surtout pas à m'en faire part…

Je retiens l'énorme soupir qui menace de s'échapper et tente tant bien que mal de ne pas rétorquer. A la place, je fais un petit sourire désolé et baisse la tête, l'air repentie.

Bien évidemment, je ne le suis pas un seul instant. Mais ça, j'espère secrètement qu'elle ne va pas le voir, étant donné que je me cache derrière mes cheveux blonds.

Elle fait un bruit tout ce qu'il y a de plus agaçant, comme a chaque fois qu'elle est énervée et reprend.

J'entends plusieurs de mes collègues recommencer à respirer. Personne ne souhaite attirer l'attention sur soi quand il s'agit d'avoir à l'affronter. On peut être tout à fait en désaccord hors de cette pièce, en présence de la démone, on devient plus soudés que les 7 nains.

Ok, mes références sont à revoir, mais vous avez saisi le sens général, c'est ça l'important.

Mon attention est reportée sur ma chef, tandis qu'elle conclut son exposé.

-          J'espère que cette petite présentation vous fait réaliser à quel point il est primordial pour nous d'obtenir ce contrat. Nous parlons de millions de dollars…

Elle observe un petit moment de silence, certainement pour nous laisser le temps de réfléchir à ce qu'elle vient de dire avant de reprendre.

-          Si je vous ai convoqués ce soir, c'est pour vous informer que l'un d'entre vous partira dans quatre jours et pendant huit jours et sept nuits afin d'aller rencontrer Mademoiselle Parkson au grand congrès annuel des remorqueurs, qui aura lieu à Las Vegas.

J'ai du mal à retenir le sourire qui me vient spontanément aux lèvres. C'est sans aucun doute la meilleure nouvelle que j'ai entendue depuis longtemps. L'effervescence est palpable et je suis certaine que tout le monde ici s'imagine déjà loin de la harpie.

-          Bien sûr, au vu de l'importance de ce voyage, il va de soi que je vais exceptionnellement être de la partie.

Je regarde Steph, ma collègue informaticienne, qui semble penser la même chose que moi : " Pitié, faites que ça ne soit pas moi ".

Bien que je sois sûre que la dragonne n'a pas manqué la réaction collective face à la nouvelle : (à savoir) une nette baisse de l'enthousiasme, elle ne relève pas et attend patiemment que nous nous soyons remis du choc pour continuer : 

-          Et qui de mieux pour cette tâche que notre responsable réseau.

Oh non…

Ni son sourire, ni sa main tendue m'invitant à la rejoindre ne me consolent le moins du monde. Je remarque les regards compatissants de mes collègues, sans aucun doute soulagés que ça ne soit pas eux, mais néanmoins désolés pour moi. Personne ne souhaiterait à un autre de passer plus de deux minutes en sa compagnie. Personne qui la connait du moins.

Tentant le tout pour le tout, j'envisage une échappatoire :

-          Mais je comptais vous parler de mon voya-

-          J'ai déjà appelé pour annuler. Le nouveau stagiaire s'est chargé des réservations. Les dates sont les mêmes, excepté la destination, ça ne change pas grand-chose. 

Oh que si…

-          Parfait, voilà qui est réglé. Au boulot !

Sans un mot de plus, elle quitte la salle de réunion pour rejoindre son bureau.

Je suis quant à moi incapable de bouger tandis que mes divers collaborateurs sortent à leur tour, me donnant au passage tapes dans le dos et mots d'encouragement.

Je crois que je vais en avoir besoin.

Cette femme est l'Attila des bureaux, survivre deux heures avec elle pour seule compagnie serait un exploit en soi.

Je m'en souviens comme si c'était hier...

 

[Un mois auparavant]

J'attends bien sagement qu'elle termine de lire le rapport qu'elle m'a demandé de lui fournir, n'essayant pas de me faire une idée au vu des grimaces qu'elle fait. Les mauvaises nouvelles peuvent attendre.

Alors qu'elle s'apprête à me faire une remarque très certainement désobligeante, ses yeux verts vont à la place se fixer sur la porte. Elle demande :

-        Oui ?

-        Madame, je ne comprends pas!

Le stagiaire du département marketing entre en trombe dans le bureau, visiblement à mi chemin entre l'agacement et la peur. Il a raison d'être effrayé, il faut être fou pour risquer de froisser la démone.

-        Quoi donc?

Elle replace derrière son oreille une mèche de ses longs cheveux bruns et le fixe en plissant légèrement les yeux.

-        Pourquoi vous ne me donnez plus que des tâches inintéressantes !

Les traits fins de ma boss se durcissent immédiatement. Ses lèvres pleines forment une ligne parfaite, preuve qu'elle se retient. Je reste prostrée dans mon coin, tentant de me faire oublier. Pas moyen que j'attire son attention alors qu'on dirait une lionne prête à bondir... Il ne manque plus que les crocs.

-        Et qu'est ce que vous jugez inintéressant au juste ? J'apprécierais que vous me fassiez profiter de grande sagesse, certainement acquise suite à de nombreuses années passées sur le terrain.

Il semble perplexe pendant un moment mais, allant à l'encontre de tout bon sens, continue de s'enfoncer :

-        Je faisais une étude de marché avec Mlle Starks, puis j'ai eu à m'occuper des finitions d'un autre projet et maintenant je classe des papiers ! Je ne vois pas comment je vais pouvoir expliquer cette... euh... destitution dans mon rapport de stage.

La harpie lui adresse un sourire qui a beau être fait d'une rangée de dents parfaites n'en reste pas moins glacial :

-        Et bien... Il suffisait de me demander.

Elle marque une pause qui ne présage rien de bon pour lui avant de reprendre :

-        Je vais me faire une joie d'expliquer moi même par courrier à vos professeurs que votre paresse n'a d'égale que votre incompétence.

Totalement insensible à l'air offusqué que le jeune homme a adopté, elle continue :

-        Si vous ne travaillez plus avec Mlle Starks, c'est parce qu'elle me fait régulièrement des rapports, tout comme Mlle Scott ici présente. Or dans ce rapport, j'ai constaté nombre de maladresses qui pourraient couter cher à l'entreprise et ce alors que ma formation professionnelle n'a en aucun cas été tournée vers le marketing. J'ai par la suite été vérifier moi même les informations erronées et je me suis aperçue avec stupeur qu'elles provenaient d'une communauté en ligne où les internautes postent le tout. Elles ne présentaient bien sûr pas la moindre fiabilité.

Les couleurs qui font la vie quittent lentement le visage du stagiaire, qui ne prend même pas la peine de fermer sa bouche.

-        Le plagiat, mon jeune ami, n'est pas, aux dernières nouvelles tout du moins, prôné par votre université. Alors voilà exactement ce qui va se passer. Je vais effectivement faire part à vos professeurs des différents motifs qui m'ont amenée à revisiter le degré d'implication que vous avez pu avoir dans les différents projets. Je leur décrirai bien évidemment par la même occasion votre visite dans mon bureau.

Le stagiaire met sa main sur le chambranle de la porte, plus pour se tenir que pour autre chose si vous voulez mon avis.

-        Sur ce, j'ai du travail. Je vous invite à prendre vos affaires et à aller trouver des tâches " intéressantes " à faire, mais ailleurs.

Elle ponctue son monologue d'un sourire courtois, mais mauvais.

Il l'a cherché, certes, mais elle y a été fort.

Elle le fixe avec une rare intensité tandis qu'il s'empresse de quitter les lieux. Il a la sagesse de ne pas aggraver son cas en ne tentant pas de discuter les faits.

Elle ajoute, suffisamment fort pour qu'il entende dans sa fuite :

-        Ne vous en faites pas pour la paperasserie, je me fais d'ores et déjà une joie de m'en charger !

Visiblement satisfaite, elle soupire, puis se tourne vers moi, tout sourire et me sort, comme si de rien n'était :

-        Où en étions nous Mademoiselle Scott ?

 

[Aujourd'hui]

 

Peut être que je devrais commencer à chercher un nouveau travail ? Après tout, en quelques 8 mois depuis son arrivée, elle a déjà licencié 12 personnes, sans compter le stagiaire. Sachant qu'on est environ une centaine, ça donne une idée de ce dont est capable la Terminator du monde du travail.

Cependant, il faut bien reconnaitre qu'elle fait son job, et qu'elle le fait même bien. Elle a déjà décroché plusieurs nouveaux gros contrats et a même réussi à sauver un client qu'on allait perdre, le tout en augmentant le prix de nos services. Elle est chargée de restructurer l'entreprise et si hiérarchiquement elle est juste en dessous du big boss, tout le monde sait que c'est elle qui fait que ce bateau flotte toujours. Ajoutez que l'actuel chef d'entreprise songe à prendre sa retraite, vous avez une idée très précise du poste qu'elle occupe.

Autant le dire clairement : si cette femme n'était pas le diable personnifié, elle serait mon modèle.

 

N'empêche, qui aurait cru que les plus longs moments de ma vie allaient se passer à Las Vegas ?

La ville du rêve pour beaucoup, bientôt mon cauchemar.

 

            *          *          *          *          *         

Tandis que je boucle ma ceinture de sécurité, j'ai l'impression de sceller mon destin.

Ok, j'exagère.

Mais de peu.

Il y a deux raisons à cela :

1) Ma peur maladive de l'avion, plutôt ironique d'ailleurs pour quelqu'un qui voyage beaucoup.

2) La personne qui occupe le siège voisin.

Bon, on est en classe affaires, c'est déjà ça j'imagine. Remarque il fallait bien ça pour avoir la place pour ses longues jambes.

Mon regard balaye rapidement son corps, prenant note de la tenue décontractée qu'elle porte, ainsi que du décolleté qui laisse entrevoir une peau qui promet d'être douce.

Je secoue la tête pour me faire sortir ces idées et porte mon attention sur l'hôtesse de l'air qui vient se poster à quelques mètres de moi et commence à distiller les conseils de sécurité.

Bien sûr, je suis davantage intéressée par sa plastique avantageuse et les mouvements qu'elle fait que par ce qu'elle peut bien raconter mais ça c'est une autre histoire.

J'entends un léger rire à côté de moi.

Je me retourne, totalement sous le choc. La dragonne a rit ? Oh mon dieu ça veut dire qu'elle sait ce que c'est !! Et ça veut même dire qu'elle a un sens de l'humour caché. Enfin enterré là ou nul homme ni femme excepté moi n'avait jamais été ?

Ne nous emballons pas !

Avant de parier sur un hypothétique (ou devrais je dire utopique) sens de l'humour, je me décide à poser la question fatidique, celle qui déterminera la réalité de l'exploit ou non. Cette question, mon génial esprit l'a résumé en un seul mot, clair et concis :

-          Quoi ?

Visiblement, ma totale confusion la réjouit, étant donné que son sourire s'agrandit dans un premier temps avant de se faire malin.

-          Rien rien.

Quelle petite…!!!

-          Vous devez bien rire pour une raison!?

-          Ça ne vous ferait pas rire. dit-elle.

Probablement pas mais n'empêche que je veux savoir !

-          Dites toujours.

-          C'est vraiment pas drôle !

Je lui lance mon fameux regard " Allez accouche " et elle finit par avouer :

-          Je me disais que les rumeurs étaient vraies.

-          Quelles rumeurs ?

-          Celles qui auraient tendance à se trouver vérifiées par le fait que vous sembliez nettement plus intéressée par le physique de l'hôtesse que par son discours.

Oh.

Ces rumeurs là !

-          N'importe quoi, où avez-vous été chercher ça ?

Un peu (beaucoup) de mauvaise foi n'a jamais tué personne. Elle ne répond pas à ma question et se contente de demander, directe :

-          Je me trompe et la rumeur avec moi ?

-          Je mne gne … Et d'abord depuis quand vous écoutez les rumeurs ?

Une fois encore, elle ne prend pas la peine de répondre et m'ignore royalement, un petit sourire aux lèvres. Mécontente, je me rassieds dans mon siège en bougonnant.

Je me doutais que le bruit courait, mais j'aurais jamais imaginé que le bruit puisse être assez fort pour arriver à SES oreilles. Même la commère la plus téméraire n'irait pas lui dire mot. Cette femme à l'air de tout sauf férue d'histoires dans le genre.

Faut croire que les apparences sont trompeuses.

-          Pi d'abord je la regardais même pas … Je suis juste soucieuse de ma sécurité.

Je peux pas m'empêcher de râler, c'est plus fort que moi. Je sais pas pourquoi mais ça m'embête qu'elle m'ait prise en flagrant délit, alors je préfère nier les faits. Non pas que je me cache, c'est juste que je n'ai pas franchement envie d'en parler avec elle. Elle me regarde comme si je venais juste de mentir, ce qui est le cas, mais ça elle n'a pas besoin de le savoir. Malgré tout, elle ajoute :

-          Ok, je m'excuse. Je ne devrais pas écouter les rumeurs.

Satisfaite, je choisis de ne pas commenter. Toutefois, ma petite victoire est de courte durée lorsque je l'entends rajouter :

-          Et puis ça m'est égal avec qui vous choisissez de coucher, je n'ai rien contre les lesbiennes.

Je me retourne vers elle plus vite que l'éclair et m'apprête à faire une réflexion, je ne sais pas encore quoi mais l'intention est là et me retrouve nez-à-nez avec un sourire coquin.

Je comprends direct qu'elle me cherchait, ayant vu que c'était un sujet assez… sensible.

Inconsciemment, je me retrouve à sourire en retour.

Ses yeux pétillent et à cette distance je peux mieux apprécier leur nuance de vert.

C'est vraiment une femme superbe, encore plus quand elle sourit, dommage que ça n'arrive pas souvent… Nos regards se soutiennent pendant quelques instants et ce jusqu'à ce que le décollage me rappelle à quel point je hais prendre l'avion.

Instantanément, mes mains viennent trouver les accoudoirs pour s'y cramponner plus surement qu'une tique sur le dos de Sacapuces, le chat du voisin.

Je sens le regard de ma chef sur moi et m'efforce de garder un semblant de calme.

Lorsque la consigne lumineuse s'éteint, j'arrive à reprendre ma respiration de façon normale. J'entends le cliquetis d'une ceinture qui se détache et je sens une main incroyablement douce se poser sur mon avant bras.

-          Ça va aller ?

Je rougis tandis qu'elle m'inspecte et j'acquiesce, ne faisant pas confiance à ma voix.

-          Je reviens.

Elle pose sa main sur mon genou et me regarde encore quelques secondes avant de se diriger vers l'avant de l'appareil.

Elle revient quelques minutes plus tard, un verre d'eau a la main. S'agenouillant à mes cotés, elle me le tend.

-          Buvez, ça vous fera du bien.

-          Merci.

Je m'empresse d'avaler l'intégralité du verre avant de m'adosser à nouveau pour tenter de me calmer autant que possible. Mes yeux se ferment. Peut être que si je prétends ne pas être ici, alors ça ira plus vite ?

-          Je ne savais pas que vous aviez peur de l'avion.

J'ouvre les yeux pour me retrouver nez-à-nez avec un décolleté tout ce qu'il y a de plus profond. Je me sens déjà loucher à moitié avant de réaliser que la propriétaire de " la paire qui tue " n'apprécierait sans doute pas mon intérêt évident.

Je tente de détourner l'attention en parlant avant qu'elle puisse commenter :

-          Je n'ai pas peur de l'avion. C'est juste que l'idée de me retrouver à plus de 10 mètres du sol ne me rassure pas particulièrement.

-          Donc vous avez peur !

Mes yeux lancent des éclairs mais une secousse me fait immédiatement oublier mon agacement.

Je l'entends qui retrouve sa place. Bien vite, je sens sa main venir trouver le dos de la mienne, toujours cramponnée à l'accoudoir. Ses doigts dessinent des mouvements qui se veulent rassurants.

L'efficacité reste encore à prouver mais l'effort est louable.

Je tourne la tête et lui offre mon sourire qui se veut le plus crédible.

Jamais je n'aurais cru que la démone puisse se montrer… attentionnée. J'avoue que la surprise est agréable.

 

Après un vol qui m'a paru environ 15 fois plus long qu'à n'importe quel autre passager, je suis ultra soulagée de poser les pieds sur le tarmac. Ou du moins sur la rampe d'accès qui nous mène directement à l'aéroport.

J'ai toujours pensé que ça perdait un peu de son charme, cette façon de débarquer. Mais bon, si ça peut m'éviter de me faire aspirer par un des énormes moteurs ou pire, me faire écraser par une des voitures à bagages, tout me va.

J'avoue, l'aéroport à tendance à me rendre légèrement paranoïaque.

Je traine un peu derrière elle, me décontractant tout doucement, le tout en profitant de la vue.

Ben quoi ?

Elle a des fesses superbes, je ne vois aucune raison pour laquelle je ne devrais pas les reluquer.

C'est pas parce qu'elle a toutes les chances d'être frigide qu'il faut que je ferme les yeux. Certains vont bien faire du lèche vitrine les poches vides.

-          Qu'est ce que vous faites derrière ? J'aimerais m'enregistrer avant l'aube, histoire d'avoir au moins quelques heures de sommeil !

Grommelant, j'accélère le pas. Je la reconnais bien pour le coup. Nous nous dirigeons ensemble vers le tapis roulant pour récupérer nos valises. Évidemment, la mienne est la dernière à arriver, et je la prends rapidement, feignant d'ignorer le sourcil levé à mon attention. Je l'entends me demander d'une voix rieuse :

-          Une valise rose bonbon ?!

-          C'est très pratique pour la repérer facilement au milieu des autres.

-          Ça je n'en doute pas. Ceci dit un foulard ou autre signe attaché à la poignée aurait eu le même office.

Son petit rire moqueur me suit jusqu'à la sortie de l'aéroport. M'efforçant de nous trouver un taxi et en compétition avec les quelques 200 autres passagers, j'en viens bien vite à faire de ridicules signes de la main, le tout en sautillant.

Oui, ma taille n'est pas franchement avantageuse dans ces cas là.

Je suis à deux doigts d'abdiquer en me résignant à montrer un sein pour arrêter quelqu'un, quand je l'entends appeler mon nom.

Comment diable a-t-elle pu faire ?

Enfin, inutile de chercher, l'essentiel est d'avoir un taxi. Je jette à moitié ma valise fashion dans le coffre avant de m'engouffrer avec entrain dans le véhicule.

En vérité, avec tellement d'entrain que j'ai fini sur ses genoux. Enfin juste à moitié, mais quand même.

Honteuse, je me rassieds convenablement et boucle ma ceinture de sécurité tandis qu'elle semble tenter de redonner forme aux divers muscles que mon popotin a broyé.

Je ne sais pas si c'est l'air du Nevada qui lui fait cet effet, mais je la trouve particulièrement calme et non-désagréable. Ça fait au moins 5 minutes qu'elle ne m'a pas fait de remarque.

-          Je pense que je vais avoir besoin de rééducation. dit-elle en massant sa cuisse.

Ok, ou pas !

Le reste du trajet se passe sans encombre et l'on se retrouve devant notre hôtel une fois les embouteillages passés.

-          Et ben… !

Le moins qu'on puisse dire, c'est que la boite a dû faire des frais. Devant nous s'étend le hall d'un hôtel grand luxe. Et par grand luxe je veux dire tapis rouge, porteurs de bagages, grands écrans et lustres en cristal.

La classe quoi.

Nous nous dirigeons vers la réception, où plusieurs personnes attendent déjà. J'en profite pour regarder la décoration de plus près. C'est visiblement le 20ème anniversaire de l'hôtel, à en juger par les annonces diffusées en boucle sur l'écran géant. Apparemment, une sorte de tombola est organisée pour l'occasion. Je serais bien curieuse de savoir en quoi consiste les " moments de plaisir " promis aux gagnants.

Un service d'Escort girl peut être ? Je devrais m'inscrire ! Huhu !

La dragonne m'avertit que notre tour est arrivé en me tirant (assez violemment je dois dire) par le bras. J'arrache mon membre endolori par sa poigne d'acier avant de le masser doucement.

-          On est quitte maintenant. A moi la rééducation.

Elle me fait un sourire en coin, visiblement satisfaite de son petit numéro, avant de se tourner vers l'homme à l'accueil. Il nous regarde un moment en silence, avant de dire d'une voix ultra aiguë :

-          Puis je vous aider ?

On le dirait tout droit sorti d'un mauvais film, les cheveux gominés (ou ultras gras je ne sais pas) avec une raie sur le côté qui nous laisse apprécier la ligne parfaitement droite que forme sa coupe au bol. Ajoutez les petites lunettes rondes et les dents pointues et nous y sommes.

 

-          Bonjour, nous avons une réservation : Mackenzie et Scott.

Il tape quelques instants sur son clavier avant de nous dire, tout sourire :

-          Chambre 4010, c'est exact. Je vous demanderais de bien vouloir signer ici pour confirmer votre entrée et la chambre est à vous.

Elle se tourne pour me regarder en même temps que je faisais la même chose. Se comprenant sans un mot, on se tourne vers l'homme derrière le guichet :

-          LA ? Comme dans " La seule et l'unique " ?

Il a l'air incertain pendant un instant, avant de dire d'une voix un peu plus faible qu'auparavant :

-          Oui. La réservation a été faite pour Scott Mackenzie.

-          Enfin il se trouve que je suis Mademoiselle Mackenzie et que Scott, c'est elle, c'est son nom de famille. dit-elle en me pointant du doigt.

Le type prend un air perplexe avant de commencer à parler, et je n'aime pas franchement ce que j'entends :

-          Mesdames, je vous assure que je n'ai qu'une seule réservation. Chambre 4010, l'une de nos meilleures.

Ma boss se passe la main dans ses longs cheveux bruns, et une brève expression de contrariété traverse son visage avant qu'elle ne reprenne contenance. Elle semble faire de son mieux pour contrôler son agacement lorsqu'elle dit d'un ton presque posé :

-          Dans ce cas serait-il possible d'avoir une seconde chambre ?

-          Je suis désolé madame mais l'hôtel affiche complet.

Je ne peux pas m'empêcher d'intervenir :

-          Quoi ? Mais c'est impossible !!!

-          Je vous assure.

-          Dans ce cas vous auriez peut être un autre hôtel à conseiller?

-          Bien sûr mais j'ai peur que les plus proches soient complets eux aussi. Il y a en ce moment même plusieurs conventions dans la ville, ainsi que le World Poker Tour.

Je lâche un énorme soupir de contrariété, sachant qu'il a probablement raison. Trouver un autre hôtel risque d'être vraiment dur.

Le réceptionniste s'affaire un moment sur son ordinateur, pianotant avec dextérité. Cliquant une dernière fois à la souris, il relève la tête.

-          Je vous ai imprimé la liste des hôtels à proximité. Cependant, ne soyez pas trop optimistes. Je dirais qu'à part ceux situés un peu plus loin, aucun n'aura la moindre chambre de libre ! En tout cas, bon courage pour trouver une seule chambre de libre sur cette partie du Strip (nb: Las Vegas Boulevard)! nous dit-il tout en tendant la page fraichement imprimée.

Elle saisit la feuille, grommelant un merci au passage et se dirige droit vers un téléphone mural. Un bref sourire passe sur mes lèvres avant que je ne réussisse à le contenir. C'est assez étrange de la voir comme ça. D'ordinaire, elle affiche un calme olympien, peu importe la situation. Le voyage a vraiment dû l'épuiser pour qu'elle soit à fleur de peau. Je m'attarde un petit moment au guichet, juste pour satisfaire ma curiosité maladive :

-          Dites, j'ai bien saisi que l'hôtel fête son 20ème anniversaire, mais de quoi s'agit il cette " occasion à ne surtout pas manquer ".

-          Et bien nous organisons une sorte de tombola pour cette occasion. Vous avez un petit présentoir par là où il suffit de remplir un formulaire indiquant votre numéro de chambre et votre nom. Les gagnants seront tirés au sort d'ici trois jours.

-          Très bien, merci.

Je rejoins ma boss le plus vite possible, ne voulant pas me prendre l'une de ses éternelles remarques sur la rapidité du personnel.

Ses doigts agiles parcourent rapidement les touches tandis qu'elle s'adonne à ce qu'elle fait de mieux : prendre les choses en main.

Soit dit en passant, dommage que ce ne soit jamais moi qu'elle décide de prendre en main !

Au bout de quelques instants, elle demande à la personne au bout du fil s'il reste des chambres de libre. Personnellement, si j'étais réceptionniste, j'aurais tendance à dire oui à tout ce qu'une femme pourrait me demander avec une voix pareille. Je sais pas exactement comment elle fait ça, mais dès qu'elle parle de sa voix chaude et riche, les gens ont tendance à faire de leur mieux pour la satisfaire.

Mais à en juger par son expression, cette fois ci la magie n'opère pas.

Deux essais infructueux plus tard, elle se tourne finalement vers moi.

-          J'ai bien peur que l'homme de l'accueil n'ait dit vrai. Il ne semble pas y avoir une seule chambre de libre dans le coin. dit-elle d'un air défait.

-          Pourtant je pensais que c'était chose impossible que de combler tous les hôtels, surtout ici !

-          Ils ne sont pas tous pleins, juste ceux bien situés. Le problème est que notre congrès a lieu sur cette partie du Strip. Trouver un hôtel ne devrait pas être un problème en soit, mais proche d'ici… C'est mission impossible. Puis vu la taille des bâtiments, même deux hôtels plus loin, c'est la promesse d'une bonne marche de bon matin ! Ou alors il faudrait également trouver un loueur de voiture…

Repenser à la circulation et aux déboires qu'a connu notre chauffeur de taxi pour nous amener (en un seul morceau) jusqu'à l'hôtel achève de me convaincre. Tout hôtel situé à plus de 1km ne fera pas l'affaire. Hors de question que je conduise dans cet enfer !

-          Ça ira, merci. Mais on fait comment du coup ?

-          A vrai dire, je crois qu'on a pas le choix…

Elle n'a pas tort, je suis bien obligée de le reconnaitre. Même si on ne peut pas dire que la perspective de passer plus de temps que nécessaire avec elle m'enchante, là j'ai l'impression que les choses ne font que se gâter…

26 janvier 2012

Chapitre 3

Chapitre 3: Atroces quiproquos et rencontres imprévues

 

Nous marchons environ une dizaine de minutes sur le Strip, passant devant casinos, boutiques et hôtels quelque peu excentriques. Alors qu'un couple de passants visiblement alcoolisés me bouscule, ne me remarquant même pas, je ne peux m'empêcher de penser à voix haute :

-          Dire qu'on est ici pour le boulot…

A mon grand étonnement, quelques secondes plus tard j'entends un :

-          A qui le dites-vous…

Finalement, la chaleur a raison de nous et nous nous décidons à retourner profiter de la fraicheur de l'hôtel.

Alors qu'on traverse le hall, elle m'arrête pour me montrer une jeune femme au loin. Celle-ci est rousse, élancée, les yeux verts et un air de cette chanteuse de Tatu dont je ne me rappelle plus le nom.

-          C'est elle ! me dit-elle tout bas, l'air conspirateur.

-          Elle quoi ? Et puis inutile de baisser le ton, je ne pense pas qu'elle puisse nous entendre de là où elle est !

-          Cette femme, Linda Parkson, c'est elle la clé de notre succès !

-          Comment ça ? dis-je fronçant les sourcils, comme si ça allait m'aider à mieux saisir le sens de ses paroles.

-          Elle est présidente de la congrégation des remorqueurs et est on ne peut plus influente dans le milieu ! Si on arrive à se la mettre dans la poche, c'est gagné ! finit-elle, un sourire victorieux fermement planté sur ses lèvres.

Une question me vient cependant à l'esprit :

-          Et comment on est censées faire ça au juste ?

-          On a un projet en béton, que vous allez présenter… Oh d'ailleurs vous la trouvez comment ?

-          Hein ? Que… Pardon ?

Je la regarde comme si elle avait perdu l'esprit. Elle plisse les yeux comme pour réfléchir à comment formuler la chose et me demande :

-          Physiquement elle vous plait ?

-          Quel est le rapport au juste ?

Je fais semblant de recoiffer ma chevelure blonde dans un miroir proche afin de me donner une contenance. J'avoue que ma question a pour unique but d'éviter de répondre à la sienne. Même si les rousses ne sont pas mon type à l'origine, je suis bien forcée d'admettre qu'elle possède certains… atouts.

-          Son statut d'éternelle célibataire l'a dénoncée. Elle est de votre bord.

OMG ! Je suis outrée, jamais je n'aurais cru qu'elle oserait !

Lorsque, passé ma seconde d'étonnement muet, je prends enfin la parole, pas de doute que mon état s'entend dans le ton accusateur que j'adopte :

-          Est-ce que vous seriez en train de suggérer ce que je pense ? Parce que si vous croyez une seule seconde que j-

-          Calmez vous, je ne vous demande pas de coucher avec, je suis votre patronne, pas votre mac ! Je me suis mal exprimée !

-          Alors quoi ? demandai-je les bras croisés, fermement décidée à ne pas la laisser s'en tirer à bon compte.

-          C'est juste qu'elle est assez jolie, alors je me demandais " pourquoi est-ce qu'elle est célibataire ? ".

-          Donc vous essayez bien de me caser avec !

Je place mes mains sur mes hanches et la regarde d'un air accusateur. Comme elle peut l'être au travail, elle reste parfaitement impassible devant ma démonstration d'humeur et se justifie calmement :

-          Non ! Aussi bizarre que ça puisse vous paraître, je suis moi aussi parfois un peu curieuse. J'essayais juste de répondre à une question personnelle…  Peut être que je suis la seule à lui trouver un certain charme.

-          Huh huh…

Selon moi, cette histoire de " questionnement " n'est qu'une vaste farce. Je la vois mal en Matchmaker mais son excuse me paraît quand même un peu bidon.

Juste quand je suis persuadée que le sujet est clos, elle reprend la parole :

-          En un sens je crois que je l'admire, ça fausse peut-être ma perception des choses.

Elle ? Admirer quelqu'un ? Oô Wow, cette miss Parkson va devenir mon idole…

-          Comment ça ?

-          Je veux dire… Cette femme à dû se battre pour en arriver là. Imaginez ce que c'est que d'avoir à se faire une place dans un milieu typiquement masculin, le tout en affichant ostensiblement son orientation sexuelle.

-          Pas faux…

-          Le fait que nous soyons deux femmes pourrait jouer en notre faveur. De notre côté de la barrière aussi c'est plutôt rare… Enfin je ne compte pas là-dessus, pas besoin ! Je suis sûre que votre présentation va être du tonnerre.

Euh, MINUTE !

-          Comment ça MA présentation ?

-          Simple. Si ce projet se déroule comme prévu, notre part de marché se verra considérablement augmentée. Il faudra très certainement embaucher… Et surtout promouvoir ceux qui ont contribué au succès. Je vous fais présenter parce que je veux qu'ils apprennent à connaitre celle avec qui ils pourraient être amenés à travailler.

Mes oreilles tintent joyeusement au son de la chanson " promotion, ohhh promotion à moaaaaa " que je viens d'inventer et qui risque de me rester en tête. Suspicieuse, je décide d'être sûre en demandant néanmoins :

-          Rien à voir avec mon orientation sexuelle ?

A peine les mots sortis de ma bouche, je sais que je viens de l'agacer.

Beaucoup.

Énormément.

- Écoutez, et écoutez-moi bien parce que je n'aime pas me répéter. Jusqu'à preuve du contraire le fait que vous aimiez les femmes n'est pas écrit en lettres capitales rouge sur votre front. Vous n'avez pas les cheveux courts, aucun piercing à l'arcade, bague au pouce, marcel ou je ne sais quoi, ce qui vous sort du cliché lesbien. Méconnaissable à l'œil nu. Non, si vous êtes là, c'est parce que j'ai remarqué l'ampleur du travail accompli, et qu'au vu des résultats, je peux affirmer que vous êtes la plus qualifiée. Nous sommes ici dans un but PUREMENT professionnel, et qui vous choisissez de mettre dans votre lit m'est COMPLETEMENT égal. On est d'accord ?

 

Je mets un moment à répondre, une expression de choc fermement en place sur mon visage. J'ai les sourcils tellement levés qu'en me voyant, la moitié des gens de ce hall doivent penser que je sors d'une opération de chirurgie au botox qui a mal tourné. En tout cas c'est ce que je penserais personnellement.

Je finis par acquiescer, ne sachant pas quoi dire de toute manière.

Apparemment satisfaite, elle se dirige vers la salle des jeux d'un pas rapide, me laissant sur place.

Je songe un instant à la suivre, mais la perspective d'un canapé (même un s'avérant peu moelleux) m'attire davantage. Je fais demi-tour et marche quelques instants avant de réaliser.

C'est elle qui a la clé de la chambre.

Trottinant derrière elle (ne riez pas, la vie n'est pas facile quand on fait 1m20 les bras levés).

Je la rattrape pile au moment où elle passe a côté de la jolie rousse en question. Ma main sur son épaule la stoppe et elle se retourne d'un air agacé.

-          Quoi encore ? Le sujet est clos !

-          Non enfin oui mais j'ai besoin de la clé de la chambre.

-          Oh ! Immédiatement, elle porte sa main à son sac à main, sortant le pass quelques instants plus tard et me le tendant.

-          Autre chose ? demande-t-elle en essayant de garder son air énervé mais elle s'est visiblement calmée.

Cette femme est comme un genre de catastrophe naturelle. On ne la voit pas toujours venir, ça fait mal et une fois que c'est terminé on peine à réaliser.

-          Non, c'était tout.

-          Très bien. On se retrouve la haut alors. Dit-elle en tournant les talons.

Je la regarde partir un instant, profitant de la vision qu'est son postérieur en mouvement, avant de constater que je ne suis pas la seule. Je détache un instant mes yeux pour remarquer que Linda Parkson a les yeux rivés au même endroit. Mon regard retourne vers les formes de ma boss et je m'étire un peu pour continuer à la voir encore alors qu'elle contourne les machines à sous.

Soupirant, je me tourne en direction des ascenseurs quand j'entends la rousse me dire :

-          Les plus jolies ne sont pas toujours les plus faciles à vivre, huh ?

-          Je ne peux qu'être d'accord… Mais ça fait partie du charme non ?

-          Oh que oui, sans piquant ce serait beaucoup moins intéressant. dit-elle, un sourire coquin aux lèvres.

-          Bon, je vous abandonne, il faut que j'aille profiter de la chambre qui m'attend. Le décalage horaire ne pardonne pas !

Je brandis la clé électronique comme pour appuyer mes propos, même si je n'ai a priori aucune raison de me justifier.

-          Très bien, à après demain alors !

Mon sourcil se lève bien malgré moi. Comment diable sait-elle ça ?

-          Linda Parkson. Je suis la présidente du congrès auquel vous êtes venues assister. Ajoute-t-elle en me tendant la main.

-          Liz Scott. Co-comment ?

-          Vous n'êtes pas la seule à vous être préparée pour cet évènement. La photo de Mlle Mackenzie se trouve sur un nombre incroyable d'articles. Je n'oublie jamais un visage, encore moins un comme le sien. Et vous étiez sur quelques un de ces articles.

Voyant que je reste dans une léthargie absolue, elle sourit pleinement, me dévoilant une rangée de dents blanches et droites avant d'ajouter :

-          Je ne vous retiens pas davantage, allez vous reposer. On sait comment se finissent les réconciliations de couple, vous en aurez besoin ! Veinarde ! Finit-elle en tournant les talons avant que j'aie eu le temps de réagir.

Je retourne dans la chambre en mode zombie. Oh mon Dieu ! La panique s'installe dans l'ascenseur quand je prends pleinement conscience de ce qu'elle vient de suggérer.

Une fois entrée, je me laisse mollement tomber sur le canapé, complètement sous le choc. Quelle merde !

La question qui me vient à l'esprit est : est-ce que je lui dis ou pas ? Et si oui, comment ? " Tiens, bonjour, au fait, cette Madame Parkson, elle croit qu'on est en couple ! Allez, bonne nuit ! ".

Non, ça ne le fait vraiment pas. Ceci dit, cette option est à garder sous le coude si jamais me viennent des tendances suicidaires.

 

            *          *          *          *          *         

 

Je suis tirée de mon sommeil par un raclement de gorge. Daignant ouvrir un œil, je trouve ma boss plantée devant moi, en tenue complète de sport.

-          Mhararadormi… Euh… Désolée ! 'Jour ! Il est tard ? J'ai trop dormi ?

Je tente d'attraper mon téléphone, posé juste ce qu'il faut trop loin pour que mes doigts malhabiles n'arrivent pas à le saisir. Elle me regarde d'un air curieux avant de répondre :

-          Pas vraiment, tout juste 8H30. Je vais faire un jogging d'ici peu, alors je voulais vous prévenir et puis vous demander si vous aimeriez vous joindre a moi ?

-          Un jogging ? A l'aube ?

Je peine déjà à conserver une paupière relevée...

Ses yeux verts sont rieurs lorsqu'ils se posent sur moi… En même temps, je suis quasi-certaine que, comme chaque matin, ma coiffure a de quoi rivaliser avec celles présentées sur les mannequins par les créateurs de mode les plus excentriques au monde. Et avec mon carré dégradé, aucune chance que je réussisse une queue de cheval comme la sienne.

-          Je vois… Mais après l'effort, le réconfort, on pourrait se détendre…

Je lui accorde un bon point pour la jolie tentative pour m'extirper hors du cuir du canapé, mais la perspective de courir ne me dit VRAIMENT rien. Prenant sur moi, j'arrive à m'abstenir de lui faire part du genre de détente que j'aimerais " pratiquer " à ses côtés et me contente de rétorquer :

-          Je m'en tiendrais au réconfort, mais merci quand même !

-          Très bien. Mais ne venez pas vous plaindre quand vos fesses feront penser à du Flamby.

-          Hey, j'adore le Flamby !

Souriant par-dessus son épaule, elle finit par sortir au pas de course. Puis de toute façon, même si mes fesses devenaient énormes, je ne force personne à les regarder. Elle ne s'en apercevrait probablement pas jusqu'au moment où j'aurais le droit à une réflexion désobligeante.

En ce qui concerne le jogging… Rien qu'à la voir toute motivée comme ça ça m'épuise, comme quoi il n'y a pas besoin d'aller courir.

J'esquisse un mouvement pour finalement me rendre compte que mes pauvres muscles ensommeillés ne sont pas de taille face au canapé modèle " incrustation de son occupant ". Résignée suite à ma tentative d'une seconde ¾, je me réinstalle confortablement, décidant unilatéralement que c'était un repos bien mérité. Finalement, il n'est pas si mal ce lit improvisé.

 

                        *          *          *          *          *

 

On me secoue.

J'ouvre un œil, puis l'autre et réalise que c'est ma chef qui tente de me réveiller. Vu comme ses cheveux sont humides, soit elle est fraichement lavée, soit elle a de la famille parmi certains catcheurs à la TV. Pour ma santé d'esprit, on va dire que c'est l'option douche.

-          Vous êtes prête ? me demande-t-elle

-          Prête pour quoi ?

-          Le réconfort ! Me dit-elle en brandissant fièrement devant mon nez ce que j'identifie comme étant un prospectus. De quoi, je l'ignore étant donné qu'il est bien trop proche de mes yeux pour que je puisse y lire quoi que ce soit.

-          C'est quoi ?

-          De quoi faire notre choix parmi les montagnes caloriques proposées par l'hôtel ! Allez allez, vous n'allez quand même pas me laisser grossir seule ?

Sceptique, mes yeux se posent quelques instants sur le menu des desserts proposés par l'hôtel, avant de préparer ma réponse. La laisser grossir seule ? Son gonflement pourrait créer un mouvement inverse de ma libido à son égard !

Je m'apprête à la laisser seule dans son désarroi, lorsqu'elle prend la parole avant que je ne réponde :

-          N'essayez même pas de me sortir une quelconque excuse vaseuse sur votre peur de grossir, j'ai bien repéré le tiroir à bonbons de votre bureau.

L'énorme mensonge diététique que je m'apprêtais à proclamer haut et fort meurt avant même d'avoir quitté ma bouche.

-          Très bien, je vais me préparer…

Me levant, je regrette l'absence de mes pantoufles vert pomme, qui d'ordinaire accentuent à merveille le trainement dramatique de mes pieds. Je n'ai strictement aucune envie de quitter le confort de la chambre pour aller petit-déjeuner en bas, mais puisque ça a l'air de lui faire plaisir...

 

Mi assise, mi incrustée dans les énormes fauteuils en cuir proches des tables du petit déjeuner, je considère avec un intérêt non feint les diverses " gâteries " qui sont au menu.

Suite à trois minutes d'intense réflexion, je finis par opter pour une chose dont j'ignore jusqu'au nom mais qui dégouline vraisemblablement de chocolat.

Rien de tel pour commencer une journée.

J'engouffre avec le peu de grâce que l'opération autorise des cuillerées pleines de mixture pâtissière hautement chocolatée, prenant garde à ne pas tâcher mes vêtements.

 

En voyant le sourire narquois qui orne les lèvres de ma supérieure, je comprends que ce n'est pas pour mes vêtements que j'aurais dû m'en faire. Résignée, je lui lance :

-        Allez y, lâchez vous, je suis prête à tout entendre…

-        Rien rien ! Je me disais juste que si vous vouliez à ce point vous faire un masque vous auriez dû me le dire, il y a de très bons instituts dans le coin.

Essuyant la claque à mon égo en même temps que la moitié inférieure de mon visage, je termine de manger avec un empressement beaucoup plus modéré.

Au moment même où je termine ma dernière cuillerée, la harpie se lève, j'imagine pour re-remplir sa tasse de café pour la cinquantième fois au moins. Je m'apprête à combattre l'attraction gravitationnelle qu'exerce ce fauteuil sur moi, quand une main vient se poser sur mon épaule. Suivant celle-ci, je trouve un bras, puis un cou, surmonté d'une tête rousse bien connue.

-          Mademoiselle Parkson, bonjour !

-          Bonjour ! Excusez-moi de vous interrompre, mais le temps m'est compté ! L'intervenant qui vous précédait à dû annuler, il vient d'Asie et apparemment les conditions climatiques l'empêcheront d'être là à temps. Vous pensez pouvoir avancer votre présentation ?

Deux choix s'offrent à moi : refuser et par la même admettre notre manque total de préparation, ou accepter et faire face à notre manque total de préparation.

-          Euh, il faudrait juste que j'en avise -

-          Consultez là, je comprends. Je serai dans les parages pour prendre mon petit déjeuner.

-          Très bien, je vous dis cela d'ici quelques instants. Dis-je, paniquée en voyant ma boss revenir.

-          Parfait !

A mon grand désespoir, elle reste juste ce qu'il faut de trop pour que la dragonne revienne.

Ses yeux s'écarquillent un instant en voyant la rousse à notre table, mais elle reprend très vite contenance.

-          Mademoiselle Parkson, enchantée ! proclame ma chef en lui tendant la main, un sourire chaleureux aux lèvres.

-          Ravie d'avoir enfin l'occasion de vous rencontrer mademoiselle Mackenzie !

-          De même.

Se mettant en mode travail quasi-instantanément, elle enchaine avec un :

-          Je me disais avant de partir que puisque je vous y verrai, le congrès sera l'occasion de mieux connaître votre opinion sur un certain nombre de points que j'aimerais aborder avec vous.

-          Ce sera avec joie ! D'ailleurs je viens justement de faire part d'une nouvelle concernant le déroulement du congrès à mademoiselle Scott. Enfin, elle vous en dira plus ! Et puis, on en encore le temps de profiter du cadre avant de se mettre au travail !

-          Tout à fait ! dit ma boss en acquiesçant.

-          Je vais devoir vous abandonner, j'ai peur que mon cappuccino ne refroidisse.

-          Très bien, à demain alors !

-          A demain.

Elle tourne les talons, ce qui me fait lâcher un énorme soupir intérieur de soulagement.

Dieu merci, elle n'a pas évoqué le " quiproquo ".

Juste lorsque je me sens tirée d'affaire, je la vois partir se chercher l'équivalent de trois kilogrammes de sucre, et, au voyage retour, me gratifier d'un " thumbs up ", clin d'œil et " bien joué " muet dans le dos de ma supérieure.

En voyant les sourcils de celle-ci se froncer quasi-instantanément, j'ai envie de pleurer. Faisant mine de chercher quelque chose dans ma veste, je me retourne afin de confirmer mes pires soupçons.

Il y a en effet un miroir situé pas bien loin derrière moi.

J'évite toujours de sortir sans sous-vêtements au cas où je me ferais renverser par un gros camion. Pour le coup, j'aimerais que celui-ci vienne mettre fin à mon malheur.

Bien évidemment, la question ne se fait pas attendre :

-          Pourquoi elle vous a fait ces signes dans mon dos ? Vous complotez ? demande-t-elle en plaisantant à moitié seulement.

Oh oh…

-          J'ai quelque chose à vous dire…

Impatiente, elle demande directement ?

-          Quoi ? Dites-le tout de suite comme ça on en finit !

-          A vrai dire, je préférerais en parler dans la chambre.

La vérité c'est que je préférerais ne pas en parler du tout, mais j'aurais dit n'importe quoi pour repousser le moment de mes aveux. Et accessoirement, j'imagine que la faire s'étouffer publiquement sous le poids de ma " révélation " pourrait créer une publicité dont je me passerais volontiers.

A contre cœur, elle termine son café et prend ses affaires, trottinant à moitié vers les ascenseurs.

La patience n'est vraiment pas son fort, elle n'a pas menti. La suivant d'un pas beaucoup moins pressé, je prends le temps de profiter du cadre sublime de l'hôtel. Ça me console de me dire qu'au moins je mourrai telle une princesse.

Pénétrant dans l'ascenseur, je réfléchis à quelle pièce choisir pour ma grande révélation. C'est dans ces moments là qu'on se rend compte du nombre d'objets contondants potentiellement mortels qu'il y a dans une simple chambre d'hôtel. 

Alors que les portes se referment lentement, on entend " attendez " et une main vient se glisser entre elles, stoppant aussitôt la fermeture.

L'inconnue pénètre dans l'ascenseur avec nous, suivie de près par un très beau mec, tous deux inconscients du fait qu'ils viennent de rallonger ma vie de quelques instants.

-          Avoue tout, tu tentais de nous semer ? dit la jeune femme en s'adressant visiblement à ma boss.

-          Mais pas du tout, vous vous faites des idées ! Je ne vous avais pas vus ! Comment ça va vous deux ?

Shaell s'avance d'un pas plus incertain que d'ordinaire vers la jeune blonde et lui fait la bise, avant de poser sa main sur l'épaule du type et de lui déposer un baiser sur la joue qui m'a l'air bien trop familier pour me plaire. C'est sûrement LUI le petit copain.

Je me demande si c'est par rapport à ma " révélation " ou pour les fuir qu'elle était si pressée…

J'observe les nouveaux venus d'un œil critique, qui pourtant ne trouve rien à redire au physique ni de l'un, ni de l'autre. La jeune femme est blonde, les yeux bleus, un corps à m'en décrocher la mâchoire et un sourire ravageur. Quant à lui, il doit avoir des origines latinos, des beaux cheveux courts et bruns et des yeux noirs qui lui confèrent un charme dingue. Et si vous voulez mon avis (d'ailleurs même si vous ne le voulez pas), il doit être coutumier des salles de sport.

-          Tu ne nous présentes pas ? demande la jeune femme.

-          Si si, bien sûr. Répliqua ma chef sur un ton qui me laisse penser qu'elle avait tout sauf l'intention de le faire. Liz, voici Mattéo, dont je vous ai parlé, et Angélique une amie. Voici la responsable réseau de l'entreprise, Liz.

Elle lance un regard des plus étranges en direction d'Angélique au moment de la présentation et ignore complètement la question de Mattéo voulant savoir pourquoi on avait parlé de lui. Résigné, il se tourne vers moi et dit :

-          Enchanté.

-          De même.

-          Vous pouvez m'appeler Angy. Ravie de faire votre connaissance. J'ai tellement entendu parler de vous !

Je jette un regard interrogateur en direction de ma future meurtrière qui se contente de l'ignorer et de demander :

-          Vous allez à quel étage ?

-          9ème.

Elle appuie aussitôt sur le bouton de leur étage et l'ascenseur se met en marche dans un doux ronronnement.

Souriant et fixant Shaell d'un air qui ne me plait pas trop, Mattéo s'enquiert :

-          Ça vous dirait de se boire un verre ce soir ?

-          Oh oui bonne idée ! renchérit Angy.

Ma boss tente de s'en sortir en annonçant :

-          Euh c'est-à-dire qu'on a pas mal de boulot, entre la conférence et le reste…

-          Ta-ta-ta ! Ma vieille, hors de question que tu nous fasses faux bond ! Liz, qu'en dites-vous ?

Ignorant le regard assassin de ma supérieure, je réponds comme je l'entends :

-          Avec grand plaisir !

-          Parfait alors ! Disons… Rdv dans le hall de l'hôtel pour 20H ?

-          Nous y serons ! répond la harpie à contre cœur.

Je me demande pourquoi elle ne veut pas passer une soirée avec son petit ami. Ohhh, peut-être qu'on pourrait échanger de chambre. S'il dort seul, j'aurais mon intimité, s'il dort avec Angy… hehehe… Concentre-toi Liz, ta fin est proche je te signale. Et puis hors de question de les laisser seuls tous les deux. Si je dois fantasmer sur cette femme, personne ne doit l'approcher trop près pour briser mes rêves.

Le truc qui m'a poussé à accepter c'est aussi qu'elle ne pourra pas se présenter sans moi ce soir, donc elle ne pourra pas m'éliminer ! Brillant, pas vrai ?

26 janvier 2012

Chapitre 4

Chapitre 4: L'explication


Le moment ou le pass déverrouille la porte arrive bien trop vite. A peine la porte fermée, ma supérieure s'approche de moi comme le faucon de sa proie. Son air infiniment contrarié ne présage rien de bon pour ma survie.

-          Pourquoi vous avez accepté ?

-          Parce que j'en avais envie voilà tout.

Je cherche à m'échapper mais son regard d'un vert intense me cloue sur place. Elle dit d'un ton infiniment irrité :

-          Vous ne les connaissez même pas !

-          Et alors ? C'est l'occasion !

-          Argh !

Elle se détourne de moi tout en se prenant la tête dans les mains. Ça ne m'étonnerait pas de la voir perdre quelques cheveux dans l'opération, vu la délicatesse du mouvement. Trop vite, elle se souvient.

-          Bref. Pourquoi fallait-il monter pour votre grande révélation ? dit-elle d'un ton plein de sarcasme.

Je baisse la tête par pur automatisme, honteuse à l'idée d'avoir à lui " avouer " ça. Les motifs du tapis sont en train de m'hypnotiser lorsqu'un lourd raclement de gorge m'informe qu'elle attend une réponse.

Bah, au moins je mourrai dans une chambre luxueuse, c'est déjà ça.

-          Il fallait monter parce que… c'est un peu gênant en fait…

Elle fait signe de la main pour que je continue et je réalise qu'il n'y a aucun espoir que je m'en tire à bon compte.

-          En réalité, après notre " accrochage " hier, Mademoiselle Parkson a comme qui dirait… Insinué qu'on puisse être… enfin que…

Ma supérieure ne fait strictement aucun effort pour cacher son agacement et m'agresse verbalement :

-          Que quoi ? Crachez le morceau !

-          Qu'on puisse être en couple ?

Son visage passe par à peu près toutes les couleurs de l'arc en ciel et une palette d'émotions assez impressionnante avant de stopper sur rouge et énervée.

-          Pardon ?! Et ça ne vous a pas semblé UTILE de NIER ?

-          Je… je ne m'y attendais pas. Tout est parti de la chambre… Je… J'étais tellement surprise qu'elle puisse penser ça que je n'ai pas su quoi répondre…

-          Oh mon Dieu…

Elle commence à faire les cent pas devant moi, visiblement entre l'état de choc et la panique. Ses traits d'ordinaire si réguliers sont déformés par son air désespéré. Elle semble soudain se souvenir de quelque chose et se tourne dans ma direction avant de demander :

-          Achevez-moi, pourquoi les deux pouces en l'air et le clin d'œil aujourd'hui ?

-          Elle a… comme … hum… dirons-nous euh… suggéré, que nous… enfin que nous allions nous réconcilier comme beaucoup de couples font… Enfin vous voyez…

Son regard se pose sur moi et elle semble complètement vidée. Elle est tellement abasourdie qu'elle se contente de cligner des yeux en me fixant. Au moment ou je m'apprête à appeler à l'aide, craignant une rupture d'anévrisme ou je ne sais quoi, elle parle.

-          Donc vous venez de me dire que la femme qui préside le congrès auquel nous allons assister et dont l'issue pourrait influer sur nos carrières respectives présume que nous sommes en couple et qu'elle risque d'attendre que nous nous comportions comme tel ?

Oups. Je n'avais pas vu les choses comme ça.

-          Euh… c'est une possibilité ?

-          Approche.

Bien évidemment, mon instinct de survie me pousse à faire exactement le contraire et je me recule jusqu'à être adossée au mur. Je n'ai que trop conscience qu'elle me rejoint et que je vis peut-être mes derniers instants. Pour une fois, l'idée d'un contact avec ma boss ne provoque aucune poussée hormonale.

-          Voyons, de quoi as-tu peur, CHERIE ?

Gulp. De vous ? Son tutoiement ne présage rien de bon.

Elle s'arrête une fois arrivée à approximativement 3 millimètres de mon visage. Son souffle se mêle au mien et je me doute qu'elle fait de son mieux pour se maîtriser.

-          J'aimerais tellement pouvoir te virer en cet instant Liz…

Je ne réponds rien, en ayant déjà assez fait pour une soirée.

-          Je l'aurais déjà fait si je n'avais pas tant besoin de toi. Et aussi parce que je ne voudrais pas que ça passe pour une dispute de couple.

Un sourire mauvais vient ponctuer la fin de la phrase.

-          Et maintenant ? On fait quoi ?

-          Je… je ne sais pas. Vous pensez à quoi ?

-          Seule, unique et horrible solution. Tu vas commencer par me tutoyer et t'habituer à l'idée que pour les prochains jours, je suis ton petit sucre d'orge.

Oh mon Dieu.

J'aurais dit oui dans n'importe quelles circonstances sauf celle-là. Espérant la faire renoncer, je me mets à balbutier rapidement :

-          Je… Non ! Je ne crois pas que…

Elle porte sa main à son cœur, feignant le choc, avant de s'approcher jusqu'à coller son front au mien et tenir ma tête entre ses mains. Je n'ose pas bouger, attendant qu'elle me brise la nuque ou peu importe ce qu'elle compte me faire.

-          Oh, tu repousses mes avances? Je suis blessée ! Écoute-moi, je ne te demande pas ton avis. Tu m'as mise dans cette situation, tu assumes et tu te tais. Compris ?

Face à l'absence de hochement de tête, elle serre légèrement ma tête entre ses mains.

Ça déclenche quelque chose en moi et je porte mes mains à ses épaules pour la repousser sans la moindre douceur.

Je ne manque pas son air surpris alors qu'elle se rattrape au canapé. Je fais un pas en avant et croise les bras, lançant fermement :

-          Non.

-          Non ? Réfléchis-bien.

Elle me fait un sourire menaçant accompagné du regard " fais ce que je dis ou meurs ". Je sais très bien que je risque gros, mais cette fois-ci, j'ai envie de m'entêter :

-          Non. C'est de l'abus de pouvoir.

Elle lève ses yeux verts au ciel avant de redonner forme à sa chevelure brune, massacrée par ses soins un peu plus tôt. Elle attend quelques instants et se met à parler d'une voix très calme, mais qui monte bien vite en puissance :

-          Tu crois vraiment que cette idée me réjouit rien qu'un instant ? Si ce coup là rate, je risque ma carrière. Ce n'est VRAIMENT pas parce que j'ai une quelconque attirance pour toi. Tu nous as mises dans cette merde, à toi de nous en sortir.

Je soupire bruyamment, ne sachant pas quoi faire. Après tout, je ne suis même pas sûre de ce qu'elle attend de moi. Je me décide à lui demander :

-          Et comment au juste je suis supposée faire ça ?

-          En la laissant croire ce qu'elle veut. Mais que ça soit bien clair, si tu essaies d'en profiter rien qu'un seul instant…

Elle laisse la menace planer, n'ajoutant rien.

Inutile de me faire un dessin.

Je l'observe un moment, toujours postée près du canapé, me pointant d'un doigt accusateur. Son corps élancé a l'air figé dans le temps tandis qu'elle attend ma réponse sans bouger un cil.

Je déglutis péniblement et me décide.

-          Très bien. On la laisse croire. Mais on ne fait rien.

Elle émet un petit rire dédaigneux avant de me remettre à ma place comme il faut :

-          Il n'en a pas été question un seul instant, Scott.

N'ayant plus grand-chose à perdre, je me décide à demander :

-          Pourquoi on ne peut pas lui dire la vérité ?

-          Pour qu'elle pense que c'était un genre de " mise en scène " pour attirer sa sympathie ? Super ton plan !

Elle n'a pas tort, ça le fait pas franchement… Et vu comme cette fille a le bras long, mieux vaut éviter de se la mettre à dos !

 

Elle fait le tour du canapé pour s'y asseoir, mais sa posture m'indique qu'elle est en pleine réflexion et que je ferais mieux de ne pas déranger. Ses cheveux bruns cascadent autour de son visage, m'empêchant de voir l'expression qu'elle porte sur son visage.

La tension semble se plaire à rester au maximum jusqu'à ce qu'elle demande d'une voix lasse, semblant prête au pire :

-          Au fait, Mlle Parkson a parlé d'une nouvelle concernant le congrès ?

Oh merde. J'avais COMPLETEMENT zappé.

-          Euh oui… Elle voudrait que nous avancions notre présentation. L'intervenant qui nous précédait à du annuler en raison de problèmes climatiques …?

Je termine ma phrase par un murmure à peine audible, le regard meurtrier qui m'est adressé me dissuadant de continuer. Elle se relève aussi rapidement qu'un diable sort de sa boîte et recommence à faire les cent pas.

-          Génial ! Formidable ! Merveilleux ! Heureusement que j'ai demandé ! Honnêtement ton cas s'aggrave de minute en minute…

Je sais qu'elle a raison. Aussi, la seule chose que je parviens à articuler est un :

-          Je suis désolée…

-          Tu peux. Et j'imagine qu'elle attend toujours une réponse ?

-          J'y vais ! dis-je en me précipitant vers la porte dans le vain espoir de m'échapper.

-          Et pour lui dire quoi ? Je ne me rappelle pas avoir donné ma réponse…

-          Pardon, qu'est ce que je do-

-          Dis-lui oui. Le manque d'options semble être le thème du voyage.

-          Très bien.

Juste avant de passer la porte, je l'entends murmurer " ça va se payer Scott, ça va se payer… ".

 

L'ascenseur me ramène au point de départ et je commence à paniquer en ne voyant pas la moindre trace de mademoiselle Parkson à proximité de là ou elle se trouvait. Tournant la tête dans tous les sens, je la localise avec soulagement, avant de comprendre qu'elle s'apprête à sortir de l'hôtel.

Pressant le pas, à la limite de la petite foulée, je tente de la rattraper. A mon avis, à la moindre boulette de plus, besoin de moi ou pas je n'aurais plus qu'à aller pointer au chômage.

Arrivée à sa hauteur, je m'arrête un moment pour prendre mon souffle.

-          Mlle Parkson ! Je voulais vous dire que ça nous ne nous pose pas de problème d'avancer la présentation !

-          Parfait alors ! Merci beaucoup, vous me tirez une épine du pied ! Par contre si vous voulez bien m'excuser, je ne reste pas, je suis déjà en retard.

-          Je comprends, bonne journée.

-          Merci, pareillement.

-          Merci.

 

Je suis soulagée qu'elle n'ait pas mentionné quoi que ce soit en rapport avec ma chef et moi, ou notre prétendu couple.

L'idée de m'enfuir et affronter le désert du Nevada plutôt que la démone me semble particulièrement tentante tout à coup.

Mais après tout, ça n'arrangerait rien. Et cette femme a toujours ce qu'elle veut. Elle serait foutue de me retrouver.

Je retourne non sans appréhension dans la chambre, me préparant au pire.

Shaell se contente de me demander si j'ai pu transmettre le message. Apparemment satisfaite de ma réponse, elle retourne au classeur posé devant elle.

Elle n'a pas franchement tort de commencer à s'y mettre, si nous voulons terminer à temps c'est la seule solution.

La journée se déroule dans un silence quasi-mortuaire, mais au moins nous avons une solide présentation entre les mains. Je mets un temps fou à m'habituer à l'idée de la tutoyer mais après m'être mangé un paquet de remarques directement dans les dents, je finis par m'y faire.

C'est avec surprise que je constate qu'il est déjà 18h30 à ma montre. Le rendez-vous avec ses amis est déjà dans une heure et demi. J'étais plus absorbée par le travail que je ne l'aurais cru.

Cette femme est étonnante, elle a réussi à ne pas m'adresser un seul mot personnel, même lors du repas mais est capable de me parler comme si de rien n'était lorsqu'il s'agit de travail. Au moins elle ne fait pas de mélanges.

 Mais en ce qui me concerne, le jeu du roi du silence ne m'amuse qu'un temps. Après avoir passé la journée avec une femme dragon aussi sympathique qu'une porte de prison, je me décide à poser la question fatidique :

-          Tu vas m'ignorer encore longtemps ?

-          Le temps qu'il faudra afin que je n'aie plus envie de t'étriper à la seconde même ou mes yeux se posent sur toi pourquoi ?

La réponse a le mérite d'être franche. Mais pas franchement satisfaisante. Je réplique immédiatement, mon agacement me donnant suffisamment de courage pour être plus familière avec elle :

-          J'ai dit que j'étais désolée. La situation ne m'amuse pas davantage que toi.

-          Ah oui ? demande-t-elle, défiante.

-          Oui. Est-ce que tu peux juste prétendre ne pas me haïr au moins pour ce soir ? J'ai vraiment eu une rude journée et j'aimerais bien avoir un break.

Semblant peser le pour et le contre, elle ne prend la parole qu'après avoir laissé passer quelques secondes :

-          Ok. Pour l'instant tâchons de passer une bonne soirée.

-          Merci.

Je ne suis pas tout à fait convaincue qu'elle va réellement renoncer à l'idée de me faire subir une mort lente et douloureuse mais bon, qui vivra verra. Sans mauvais jeux de mots.

-          Ah, au fait, connaissant Angélique, je serais toi je prendrais des chaussures dans lesquelles je suis à l'aise, à mon humble avis elle ne s'en tiendra pas qu'à un verre. Et… Non rien.

-          Non, dis maintenant !

-          Pardon pour tout à l'heure, je me suis laissée emporter.

Oh wow… Je n'aurais jamais deviné qu'elle allait s'excuser. Surtout que sa réaction était des plus " normales ". Je veux dire, je ne sais pas comment j'aurais fait à sa place. Au fond, je ne peux pas lui en tenir rigueur. Je dis donc :

-          Je comprends. C'était mérité. Je suis encore déso-

-          C'est bon, je sais. Elle a émit cette hypothèse parce qu'elle t'a entendu me réclamer le pass de la chambre ? Tout est parti de là c'est cela ?

Et bien ! Malgré la faiblesse de mon argument, elle l'a noté ! Impressionnant !

-          Oui. Enfin c'est suite à cela et c'est la seule raison que j'arrive à trouver pour qu'elle ait pu s'imaginer quelque chose dans ce goût là. Dis-je pour ajouter à ma défense.

-          Alors dans ce cas ce n'est pas réellement ta faute. Pour cette boulette là du moins. Et puis si tu avais tout nié avec trop d'entrain, elle l'aurait probablement cru quand même.

Elle me fait un demi-sourire, plus désolé qu'autre chose. Je baisse la tête, me cachant derrière mes cheveux blonds et disant d'une petite voix :

-          Oui mais maintenant on va devoir " faire semblant " par ma faute.

-          Bah… ce n'est pas si terrible… Au fond il suffit juste de la laisser croire ce qu'elle veut. Pas besoin de nous tripoter en public.

Je sais que le moment est mal choisi, mais je ne peux m'empêcher de penser : dommage… En privé peut-être ? 

J'évite de lui faire part des messages que m'envoie ma libido et commente juste d'un :

-          C'est cela.

Je me dirige vers la commode et me penche pour sortir une paire de chaussettes située au fin fond du tiroir lorsque je l'entends me dire :

-          Et puis j'imagine qu'en tant que petite amie potentielle elle aurait pu me trouver pire !

Traumatisée, je me retourne pour apercevoir ma boss les yeux fixés sur mon postérieur.

Je crois que je viens de faire un mini arrêt cardiaque.

Oh mon dieu, c'était un compliment ?

Dis quelque chose !

Abrutie réponds !

T'as la femme la plus… grrrrr de tout ton monde qui te dit ça et toi tu la regardes comme un merlan frit ? Allez, bouge-toi !!!!!

Le temps que je sorte de ma catatonie elle est partie. Quelque part cela me soulage, je préfère ne pas imaginer ce que j'aurais pu lui répondre. "  Oh à qui le dis-tu, depuis le temps que je fantasme sur toi, cette miss Parkson n'aurait pas pu mieux tomber ! ". Heureusement, elle est partie sans attendre de réponse !

 

Je me prépare le plus rapidement possible en essayant de conserver un minimum de style. J'opte pour le classique chemise blanche décolletée juste ce qu'il faut et jeans moulant.

Il faut que j'appelle Steph avant qu'on sorte, sinon je ne suis pas sûre de tenir la soirée. Au train où vont les événements, tenir le coup risque d'être bien plus difficile que prévu. J'ai besoin d'un brin de soutien moral. Ou en tout cas d'un soupçon de compassion.

 

Une fois descendue dans le hall, je me dirige directement vers les téléphones muraux. Je compose le numéro de Steph sur mon téléphone portable. Certes, ma présence dans la zone des téléphones muraux avec un portable me donne un air de " je viens me mélanger avec vous, pauvres mortels qui ne possédez pas de téléphone personnel " mais au moins, je serai à l'abri des oreilles indiscrètes. De celles de ma chef tout du moins.

Steph répond au bout de la première sonnerie. J'ai bien fait de déplacer le téléphone à côté de son canapé avant de partir, ça limite considérablement le temps d'attente.

-          Oui ?

-          Steph, c'est moi !

Je ne prends pas la peine de me présenter davantage, sachant que de toute manière elle a certainement reconnu ma voix.

-          Oh ma belle ! Alors quoi de neuf ? T'as pas encore été dévorée par le grand méchant loup ?

-          Tu ne sais pas à quel point tu es proche de la vérité…

Je lui raconte  le million de choses et pensées qui ont fait ma vie depuis notre dernier coup de fil, n'oubliant aucun détail. Même si c'est une vraie amie, j'ai un peu hésité avant de lui parler de l'" arrangement " entre la boss et moi. Je ne pense pas qu'elle ira le crier sur les toits mais après tout c'est quand même pas rien comme nouvelle. A la fin de mon récit, la seule chose qu'elle trouve à dire c'est :

-          Il me faut une vidéo !

-          Comment ça ?

-          Attends, la moitié… Qu'est ce que je dis les ¾ de la boite fantasment sur la harpie, si tu arrives à la bécoter ou autre… Tu deviendrais une héroïne. Et moi une millionnaire.

-_-'

Parfois, elle est désespérante. Je lève mes yeux bleus au ciel, même si elle ne peut pas les voir et à la place, je laisse transparaître dans mon ton à quel point je suis blasée :

-          Il n'est pas question qu'on se bécote ! Je t'ai dit qu'on allait juste la laisser croire !

-          En parlant de croire, tu crois vraiment que moi je vais te croire que tu ne comptes pas en profiter? Je suis sûre que tu ruinerais la réputation des meilleurs essuie-tout ultra absorbants !

-          Euh Steph, je te suis vraiment pas là ! Et non je ne compte pas en profiter. Tout le monde n'est pas toi !

Elle ignore complètement ma remarque et continue sur sa lancée :

-          N'empêche qu'on ne m'ôtera pas de la tête que rien qu'a l'idée d'approcher la dragonne, tes sous-vêtements apprennent à nager.

-          Très poétique !

-          Bah on fait avec ce qu'on a que veux-tu ! Ah, tant que j'y pense, et cette crème pour le visage, elle met quoi ?

Je souris devant la curiosité maladive dont fait systématiquement preuve ma collègue et amie et décide de lui répondre :

-          A vrai dire, j'ai l'impression d'être un pot de peinture à côté d'elle. Sa trousse de toilette est minuscule. Je crois que son secret, quel qu'il soit, ne réside pas dans une crème…  Désolée pour toi ma vieille.

-          Et merde… dit elle à l'autre bout du fil. Oh, donc t'as fouillé dans ses affaires ?!

-          Pas fouillé, constaté !

-          Elle porte quoi ? Petites culottes ? String ? Tanga ? Shorty ?

Un rire m'échappe alors qu'elle énumère la liste des sous-vêtements potentiels de ma boss.

-          Ma pauvre, t'es irrécupérable !

-          Ben quoi ? Je  m'informe !

-          Oui ben trouves quelqu'un d'autre !

-          Tu rigoles ou quoi, t'es la mieux placée ! Après tout, t'es bien officiellement sa chérie non ?

-          Juste officiellement… Officieusement…

-          Officieusement tu es l'employée avec qui elle partage sa chambre et qu'elle vient de menacer de virer si elle refuse de faire croire que vous êtes romantiquement engagées ? Bon c'était en grosse partie par ta faute mais bon…

u_u

Voyant que plus la discussion avance, plus je m'enfonce, je décide de couper court, histoire de limiter les dégâts.

-          Bref, je dois te laisser, on a rendez-vous avec des amis à elle d'ici peu, je vais remonter dans la chambre…

-          Ohoh, elle te présente déjà ses amis, c'est du sérieux !

-          Je ne commenterai pas ! A la prochaine, profite bien du bureau sans qu'elle y rôde !

-          T'inquiète je fais que ça ! T'as au bout du fil la professionnelle du Freecell ! Allez file, je ne voudrais pas que tu fasses attendre ta belle !

Je regrette déjà de lui avoir mentionné l'état des choses, sachant que je vais en entendre parler pendant des années.

-          Allez à + Steph ! Bisous.

-          Bisous bisous ! Et oublie pas ma vidéo !

 

Je raccroche le combiné, un sourire aux lèvres. Décidemment, elle a de la suite dans les idées… Bref, à défaut de m'avoir fait dédramatiser, elle m'aura fait sourire. Lui avoir raconté ce qu'il en est m'aura au moins permis de m'alléger un peu la conscience.

 

Au moment où je m'apprête à appeler l'ascenseur, celui-ci s'ouvre devant moi, en laissant sortir ma boss, visiblement fin prête. Elle porte un petit haut de sport noir, col en V et relativement moulant et un jeans taille basse bleu clair. J'approuve le choix de tenue. Ses yeux

verts sont encadrés par ses cheveux, laissés détachés en délicates vaguelettes brunes et elle porte le plus léger des maquillages. Mais ça suffit. Ça suffit amplement. Malgré tout, je ne me laisse pas distraire et demande :

 

-          On n'avait pas rendez-vous dans la chambre ?

-          Euh… Si mais t'étais bien trop longue, j'ai décidé de venir te chercher, sinon on n'a pas fini.

-          Mouais, tu ne voulais pas me laisser en plan plutôt ? dis-je en plaisantant.

En voyant l'air coupable qui traverse son visage, je réalise que je viens d'expliquer avec exactitude ce qu'elle comptait faire. Je me demande pourquoi elle tient tant à ce que je ne vienne pas à cette soirée.

Voyant certainement mon air déçu, elle tente de se rattraper :

-          Je n'ai pas réfléchi. Désolée. C'est juste que cette soirée me rend nerveuse…

-          Pourquoi ? Il n'y a pas de quoi !

-          Et bien… Je ne sais pas comment l'expliquer mais… C'est-à-dire que je ne suis pas la même avec mes amis qu'au bureau… C'est... différent.

C'est bien ce que je pensais. Alors comme ça elle n'est pas toujours infecte et autoritaire. C'est bon à savoir ça. Je tente de la rassurer, tout en ne résistant pas à la tentation de me moquer :

-          Comme nous tous. Ne t'en fais pas, je ne répéterai à personne que tu es humaine.

Je garde mon air joueur tandis qu'elle fait semblant de s'offusquer avant de répondre par un sourire bien à elle. Elle reprend contenance et me fait un signe de la tête.

-          On y va ? C'est bientôt l'heure. A moins que tu aies quelque chose à récupérer dans la chambre ?

-          Non c'est bon…

26 janvier 2012

Chapitre 7

Chapitre 7 : Le grand jour

 

Respire.

Concentre-toi.

Pose ta feuille sinon tout le monde va voir que tu trembles.

Reste bien droite.

Merde j'ai le pantalon qui me rentre dans la raie des fesses, je pourrai pas me retourner pour présenter les graphiques comme ça.

Oh non oh non oh non.

Inspire, Expire.

La même chose.

La main de Shaell sur mon épaule vient me sortir de la transe dans laquelle je me suis mise. Elle se penche légèrement pour venir chuchoter à mon oreille :

-          Ça va aller t'inquiète.

Je sais que c'est que du blabla, mais venant d'elle ça me rassure.

Je m'accroupis derrière la table afin de vérifier que les câbles d'affichage sont bien reliés au PC portable. Cela me permet au passage de décoincer le pantalon de ma raie.

Alors que je suis affairée, j'essaie vainement d'ignorer la remarque d'un charmant monsieur ventripotent installé au fond : " oh oh, elle passe sous le bureau ".

Bien sûr, la tâche aurait été nettement simplifiée si la moitié de l'assemblée n'avait pas ri devant le commentaire. Certes les remorqueurs n'ont jamais gagné de prix " humour fin " mais quand même. On est à un congrès professionnel, merde.

Si moi j'arrive à mettre de côté mon attirance pour ma boss, ils peuvent bien garder leurs fantasmes pour eux.

En me relevant, je constate que Shaell arrive très bien à feindre n'avoir rien entendu. On se remémore ensemble le déroulement de la présentation, histoire de bien se mettre en confiance. 

La regardant une dernière fois, je lance finalement le PowerPoint de présentation.

 

[Quelque temps plus tard]

Le moment où mon siège me tend les bras est le bienvenu. J'utilise ce qu'il me reste de contenance pour me retenir de m'affaler dessus. Bien évidemment, je ne peux m'empêcher de remarquer que Linda Parkson aka " ma nouvelle meilleure amie " a pris soin de nous garder deux places à ses côtés.

Elle chuchote quelque chose à ma boss avant de me gratifier d'un sourire.

À peine assise, la main de ma supérieure vient discrètement se poser sur mon genou.

-          T'as assuré.

Je n'essaie même pas de retenir le sourire qui gagne mes lèvres. Valait mieux pour moi que ça se passe bien et j'avoue que je n'aurais pas espéré mieux. Les pros ont posé beaucoup de questions précises, ce qui montre à la fois qu'on a présenté quelque chose d'intéressant et qu'ils voulaient en savoir plus. En plus, vu qu'ils ont été plus loin dans les détails que ce qu'on avait abordé, j'imagine que nos explications générales étaient claires.

Je suis carrément soulagée que ça se soit bien passé. Je risquais ma place l'air de rien, et puis ça rattrape peut-être les bourdes que j'ai pu faire.

La présentation suivante commence et je ne sais pas si c'est la retombée du stress ou quoi, mais je peine à retenir les bâillements.

L'air de rien, j'en profite pour mater Shaell du coin de l'œil. Elle s'est montrée étonnamment supportrice. Comme quoi il n'y a pas que la cravache qu'elle connait, elle maitrise aussi la carotte.

Pour ma part, je préfère quand elle manie la seconde. Enfin, tout dépend du contexte. Un sourire vicieux vient se planter sur mes lèvres, l'imaginant parfaitement en dominatrice.

-          C'est bientôt fini ? C'est sur l'estrade que se passe l'action. Dit-elle sans prendre la peine de camoufler son sourire.

Je devrais être honteuse de m'être ENCORE fait prendre, mais quelque part j'ai l'impression qu'il y'a une sorte d'acceptation tacite entre elle et moi. Je ne sais pas comment l'expliquer mais au fond je crois qu'elle sait pertinemment bien que je la regarde à la moindre occasion venue.

Et pas d'un côté strictement professionnel si vous voyez ce que je veux dire.

Pas de méprise.

Je ne suis pas en train de dire qu'elle l'accepte.

Elle le tolère plutôt.

Après tout, ça lui donne une nouvelle méthode pour me tourmenter.

 

À contrecœur, mon regard retourne se poser sur les deux types ventripotents qui tentent d'expliquer je ne sais trop quoi.

Je devrais prêter attention à ce qui se dit mais étant donné que je viens de sauver ma peau j'estime que j'ai droit à un break. Ce n'est pas tous les jours qu'on réussit à se sortir du pétrin et en même temps qu'on s'autorise à caresser une promotion du bout des doigts…

-          Tu pourrais au moins faire semblant d'écouter.

-          Mes profs ne se sont jamais aperçus de rien.

Ok, mon argument ne tient pas trop la route.

-          Les profs sont pour une grande majorité trop blasés pour avoir le courage de te faire remarquer que tu somnoles de manière ostentatoire.

C'est quand elle sort le plus naturellement du monde des phrases comme ça que je me souviens pourquoi cette femme est douée pour mener des débats commerciaux. Généralement ses tirades sont sans appel.

Lorsque mademoiselle Parkson se penche pour chuchoter à l'oreille de ma supérieure, je réalise que le premier rang, à un siège de celle qui a organisé le congrès, n'est pas l'endroit idéal pour piquer un petit roupillon, aussi mérité soit-il.

Je m'efforce de me tenir droite et d'avoir l'air captivée par ce qui se dit, tout en espérant secrètement que la matinée ne s'éternise pas.

Un coup d'œil à ma montre m'indique que mon calvaire ne saurait trop tarder à prendre fin.

Pour mieux reprendre cet après-midi.

Duh.

Peut-être que je pourrais m'étouffer avec les bretzels qui garnissent le coin des salés, ce qui m'éviterait de revenir.

Mais pas l'arrachage d'yeux pour motif " abandon " que je subirais une fois passé le pas de la chambre.

J'imagine que la seule option qu'il me reste est de prendre mon mal en patience.

 

[En fin d'après-midi]

Mes inconfortables-bien-que-très-classe chaussures de boulot quittent mes pieds dès que j'ai franchi la porte. Retirer ces trucs là, c'est presque aussi bon que le sexe.

Comme pour me narguer, ma boss écarte les doubles portes et s'affale sur le lit dans un soupir tout ce qu'il y'a de plus sexy.

Ok peut-être pas aussi bon.

Mais pas loin alors.

 

Je resterais volontiers là, à ne rien faire d'autre que de m'enfoncer lentement et sûrement dans ce canapé, mais la voix de Shaell vient bien trop vite briser mon doux rêve.

-          Te décontracte pas trop vite, la journée boulot n'est pas finie.

Jamais mes abdos ne se sont contractés plus vite qu'en ce moment précis, alors que je me relève pour lui lancer un regard mi-accusateur mi-meurtrier.

-          Comment ça ? Je suis pas au courant !

Je suis tout ce qu'il y'a de plus indignée à l'idée que mon repos oh-combien mérité ne soit pas d'actualité.

Elle se contente de me fixer en clignant plusieurs fois des yeux pendant quelques instants, comme si je revenais tout juste d'un séjour de plusieurs mois dans un hôpital psychiatrique très très loin d'ici. En même temps, vu la vitesse à laquelle j'ai réussi mon abdo, je devais avoir une folle ressemblance avec les diables à ressorts qui sortent de leur boite.

-          Liz. J'essaie de t'informer là.

Oui ben si tu pouvais le faire plus vite. Bougonnant, je demande :

-          Bref. Comment ça pas finie ?

-          On va au restau ce soir.

Mes traits s'illuminent. J'ai vraiment passé une bonne soirée hier. Peut-être qu'avec un peu de chance...

-          Oh, cool. Avec Angy et Matt ?

Vu son air, à mon avis c'est pas ça. Elle secoue la tête, signe de négation et ne me répond pas, attendant probablement que je percute.

Qui d'autre que -

 

Oh.

 

OH…

 

-          Le … la … Mademoiselle Parkson ?

Mon ton laisse tout à fait transparaitre ma crainte que ce soit la bonne réponse.

A son hochement de tête, mon cœur commence à battre la chamade.

Non non non.

Je ne suis pas prête.

-          Pourquoi ne pas me l'avoir pas dit avant !?

Un de ses élégants sourcils se soulève avant qu'elle ne parle :

-          J'ai préféré éviter une telle " réaction " en public.

-          Quelle réaction ?

-          Tu sais bien. Le " je suis tellement blanche qu'on dirait que je suis sur le point de m'évanouir " " oh non j'ai des palpitations " " c'est moi ou il fait chaud ? "

Je pourrais rétorquer.

Si si, je pourrais.

Je sais pas exactement quoi mais… hein ! Je pourrais.

Sauf que c'est l'exacte vérité.

Mais j'ai de quoi hein.

Ce séjour empire de minute en minute.

Moi je pensais qu'une fois qu'elle aurait eu ce qu'elle voulait, cette miss Parkson nous laisserait tranquilles.

Mon cu- ma cuisse !

Oui, j'ai récemment décidé qu'il fallait choisir entre vulgarité et obscénité lorsque je me parle à moi-même.  Mais ceci n'est pas la question.

-          Pourquoi ? Je veux dire, pourquoi avec ELLE ?

-          Elle semble vouloir nous " remercier " du service rendu.

Ah, bon ça va, si c'est que ça.

-          Et puis elle n'arrêtait pas de me parler de toi tout à l'heure, tu lui as visiblement fait de l'effet.  Paraîtrait que je suis très chanceuse.

Son sourire joueur n'atténue pas mon envie de me défenestrer. Au contraire. Une chance que la baie vitrée ne s'ouvre pas.

Pour le coup, j'échangerais volontiers ma place.

 

Résignée, je me lève dans un soupir mélodramatique et me dirige vers la commode.

-          Plutôt quel style ?

-          Décontracté à ce que j'ai cru comprendre.

Je farfouille dans mes vêtements. J'ai bien fait de prendre la quasi-totalité de ma garde robe dans ma valise. Au moins j'ai du choix.

Et puis c'est ludique le casse tête au moment de la fermer : comment faire rentrer 4m3 de fringues et chaussures dans une seule valise de taille moyenne ?

Je trouve assez vite l'ensemble qui me convient pour ce soir. Un haut rouge, histoire de faire genre j'ai confiance en moi et mon jeans bleu clair tout simple.

J'aime bien le rouge, parce qu'au fond, j'ai toujours été persuadée que lorsque j'en porte, j'ai meilleure mine. C'est censé faire ressortir mes yeux bleus.

J'ai jamais vraiment osé demander si c'était vrai, de peur qu'on brise mon mythe. En tout cas ça fonctionne dans ma tête, ça me donne confiance et c'est déjà ça.

-          Je peux ?

Je pointe du doigt la salle de bain. Elle acquiesce et je me dirige dans ce qui j'espère va être mon havre de tranquillité.

A travers la porte fermée, je lui demande :

-          A quelle heure on a rendez vous ?

-          19h.

Oh, donc j'ai le temps de prendre une douche.

 

Fraichement douchée et ayant passé bien plus que ce qu'on considèrerait comme humainement possible de temps dans la salle de bain, j'en sors un peu plus sereine.

Avant de me faire bousculer par une Shaell pressée.

Hey, j'ai même pas eu le temps de me sécher correctement les cheveux !

Cependant, lorsque je vois exactement combien de temps j'ai passé dans la salle d'eau, je peux comprendre qu'elle soit présentement en train de speeder. Mon indignation meurt avant que les mots ne quittent ma bouche.

Faut dire que douche s'est bien vite transformé en bain rapide, qui s'est transformé en bain avec huiles essentielles, puis masque pour le visage etc etc…

Au moins je suis détendue, alors rien que pour ça, ça valait le coup.

Bon après n'allez pas croire que ça veut dire que j'ai plus envie d'y aller que tout à l'heure. Parce que c'est faux.

J'ai un mauvais pressentiment. Et généralement, avec la chance qui me fait cruellement défaut, je ne me trompe pas.

Elle sort de la douche après ce qui me semble être quelques millisecondes, entièrement habillée. Parfois je me dis que cette femme recèle bien des mystères. On m'apprendrait qu'elle a été transformiste pendant des années, après l'exploit qu'elle vient de réaliser j'y croirais sans problème.

Elle ne prend même pas le temps de se sécher les cheveux et m'attrape le bras, me traînant vers la sortie. Je pleurniche immédiatement, voulant repousser l'échéance :

-          Mais j'ai pas fini de me préparer !

-          Moi non plus, grâce à toi. Me répond-elle accompagné d'un regard meurtrier.

Elle trottine à moitié jusqu'au restaurant et n'ayant pas lâché mon bras, je suis bien forcée à suivre la cadence.

On arrive pile poil cinq minutes avant l'heure.

-          Ah ben tu vois, c'était pas la peine de m'arracher à moitié le bras, on est même en avance.

Je suis assez fière d'avoir marqué un point jusqu'à ce qu'elle réponde :

-          Elle est déjà là.

Duh !

À peine la baie vitrée passée, Linda nous accueille avec… enthousiasme. Je ne suis pas quelqu'un de super tactile, alors c'est vrai qu'une " inconnue " qui me serre dans ses bras en me faisant la bise… C'est perturbant. Cette femme est américaine, donc normalement les bisous c'est en trop. M'enfin.

Je n'ai pas le temps de m'inquiéter davantage de l'excès de familiarité de nôtre hôte que déjà nous sommes conduites à une table.

On traverse le restaurant déjà à moitié plein rapidement. Personnellement, ce n'est pas le genre d'endroit où j'aime passer du temps. Des objets étranges trainent un peu partout et l'harmonie des couleurs est visiblement un concept étranger au type qui a décoré les lieux.

Voyant deux chaises d'un côté et une banquette de l'autre, je me dirige rapidement vers l'une des chaises. Si vous voulez mon avis, la situation est déjà suffisamment gênante sans que je sois côte à côte avec ma supposée petite amie.

-          Vous savez, vous pouvez aller à côté d'elle. Je ne voudrais pas vous séparer.

Je m'efforce de faire un sourire qui est supposé avoir l'air joyeux, mais je crois qu'il sort un chouïa crispé.

C'est donc avec une joie toute en retenue que je prends place aux côté de ma boss.

Je feins une lecture plus qu'approfondie du menu pour ne pas avoir à regarder l'une comme l'autre.

-          Hum, c'est horrible, tout m'a l'air appétissant.

-          A qui le dites-vous ! Répond Shaell à l'autre femme.

-          Dites, j'ai une question : le tutoiement vous gêne ?

-          Non, du tout.

-          Ça m'arrange, généralement les " formalités " ne sont pas de mise avec les remorqueurs. 

Je les laisse discuter tout en essayant de me recoiffer discrètement dans le reflet de ma petite cuillère.

Je ne sors jamais sans me sécher les cheveux, alors je m'attends à voir une touffe incroyable surmonter ma tête mais en fait ça va. C'est potable.

-          Vous êtes chanceuses d'avoir eu le temps de prendre une douche, j'ai été retenue au congrès jusqu'à il y a un quart d'heure environ.

Je croyais qu'elle avait dit qu'elle allait nous tutoyer ?

Je relève la tête et suit son regard, des cheveux mouillés de Shaell aux miens, pas beaucoup plus secs.

Oh

-          Je reviens tout de suite.

Profitant du fait que Linda se lève, j'observe ma chef, dont l'incompréhension se lit clairement sur le visage.

-          Elle ne vient pas de demander si on peut se tutoyer ?

Heureusement qu'elle est assise, le choc sera peut-être moins grand.

-          Elle croit qu'on est un couple. Et… Tes cheveux sont aussi mouillés que les miens. Dis-je en pointant du doigt sa tête puis la mienne.

-          Oh… Une douche ensemble ?

Tout en acquiesçant, je retiens le sourire qui menace de s'échapper devant la légère rougeur qui vient colorer ses joues. C'est trop mignon.

-          Je crois que je ne me ferais jamais à cette idée de jouer le couple. Me dit-elle.

-          Hey, c'est vexant.

-          Roh non, c'est pas ce que je veux dire ! C'est pas toi le problème, c'est juste, trop bizarre, tu es mon employée.

-          Mouais.

-          Tu vois ce que je veux dire ?

Comme pour appuyer ses faits, elle pose sa main sur la mienne. Je m'apprête à répondre quand Linda s'assied à la table. Je ne vois qu'une solution : pour être aussi discrète, elle doit revenir d'un voyage au Tibet où elle a tout appris des moines Shaolin. Je l'ai pas entendue revenir.

Toujours est-il que j'ai ma boss, qui fixe alternativement Linda et nos deux mains façon " biche apeurée devant les phares d'une voiture " et moi qui ne sait pas trop comment réagir.

Je retire ma main dans un sourire crispé, embarrassée. 

-          Ça ne me gène pas vous savez.

Devant notre froncement de sourcils, elle ajoute :

-          Que vous vous teniez la main. A vrai dire je trouve ça plutôt mignon.

Ne sachant pas du tout quoi faire, je jette un coup d'œil en direction de Shaell.

Elle me fait un sourire tout ce qu'il y a de plus crédible et tourne sa main dans une invitation silencieuse.

Je ne peux que constater mon membre qui réagit à l'encontre des messages que lui envoie mon cerveau, observant ma main venir se loger au creux de la sienne.

Linda semble, elle, tout à fait satisfaite.

-          En tout cas, vous m'avez rendu un fier service en acceptant de passer en premier.

-          Et toi en organisant le congrès, on est quittes. Réplique ma chef.

Je suis bien trop soulagée du changement de sujet pour prendre part à la conversation.

-          Merci quand même. En plus vous avez fait un carton, j'ai eu de bons échos pour votre projet. Ambitieux et bien présenté, tout ce qu'il faut pour un succès.

-          Pour la présentation, le mérite revient entièrement à Liz.

Sa main serre un peu plus fort la mienne et j'ajoute :

-          Et elle est à l'origine de beaucoup de points du projet.

Toutes deux sourient devant mon affirmation. J'imagine que de nous voir nous renvoyer la balle doit être assez mignon. Même si ce n'était pas franchement notre intention.

-          En tout cas j'espère pour vous que vous avez apporté suffisamment de cartes de visites, quelque chose me dit que ça ne va pas être du luxe ! dit Linda

-          Tant mieux !

Le serveur vient prendre notre commande, rompant avec efficacité la discussion.

Pour une fois que celle-ci ne portait pas sur un sujet qui me met mal à l'aise.

Une fois nos plats choisis, un léger silence s'installe.

Elle nous fixe intensément, un large sourire aux lèvres. A vrai dire, je me sens tellement scrutée que je finis par craquer :

-          Quelque chose ne va pas ?

-          Non. Je suis juste très curieuse.

Shaell et moi nous regardons l'une l'autre, puis ma boss s'enquiert :

-          Curieuse à propos de ?

-          Votre couple.

Elle aurait jamais du demander sur quoi se portait sa curiosité.

Si les énormes pics qui sont déjà plantés dans mes fesses sont une quelconque indication, je sens l'approche d'un sujet épineux.

Linda prend notre absence de réponse comme une acceptation tacite de ses questions puisqu'elle se met à parler :

-          Comment s'est passé votre premier baiser ? Je veux dire, ça doit être spécial vu que c'est une relation " patronne / employée ".

Oh mon Dieu. Comment on va se sortir de ça ?

En tout cas, la question ne semble pas inspirer plus Shaell que moi. Et ça la stresse également, vu qu'elle en train de réduire les os de ma main en toute petite poudre.

Espérant m'en sortir " facilement " je choisis de tenter de me décharger, quitte à affronter la tempête une fois rentrée, en disant :

-          Vas y, raconte-lui toi.

Elle se tourne vers moi pour me faire face et malgré le sourire qui orne ses lèvres, je sais qu'elle n'a pas apprécié. Comment je le sais ? Simple. Déjà sa main continue son opération destruction sur mes phalanges et la lueur meurtrière dans ses yeux le confirme.

-          Nan chérie, je suis sûre que commère comme tu es, tu meurs d'envie de le dire à quelqu'un, vu qu'au boulot ça doit déjà te démanger de ne pas pouvoir le dire.

Je la hais.

Cette femme, bien que très attirante, est le démon personnifié.

-          Très bien. Alors je vous fais la version courte ok ?

-          Ah non, c'est pas souvent que j'ai l'occasion d'entendre ça ! répond Linda.

Ok.

Bon.

C'est définitif, je suis dans la merde.

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26 janvier 2012

Chapitre 8

Chapitre 8 : L'histoire


Mes yeux se posent un peu partout autour de moi, prenant note du décor du restaurant en espérant y trouver l'inspiration. Manque de chance, à part une tapisserie de mauvais goût, je n'y trouve pas grand-chose.

Heureusement, le serveur revient avec notre apéritif et des amuse gueule et cette fois-ci je bénis l'interruption.

Ça me laisse un peu de temps pour inventer quelque chose. Heureusement pour moi, j'ai beaucoup d'imagination. Pour une fois, elle va servir.

Je ne m'empresse pas de répondre, je sais que c'est vain mais j'espère néanmoins qu'elle va être frappée d'amnésie soudaine.

Toute gaie, sans mauvais jeux de mots, Linda dit d'une voix  joyeuse :

-          Parfait, un cocktail et de quoi grignoter, pile pour le début de l'histoire.

Autant pour l'amnésie.

Je le savais que c'était pas une bonne idée ce voyage !

-          Ok… Alors ça faisait déjà quelques mois que Sha était devenue notre chef.

Je remarque que Linda n'est pas la seule à prêter attention à ce que je dis. Ma boss ne cache pas son intérêt et se penche un peu sur la table afin de me regarder sans trop avoir à tourner la tête.

Imperturbable (ou presque), je continue ma fable.

-          On devait travailler sur un projet en commun, quelque chose d'énorme qui allait prendre un temps fou. J'ai bien sûr essayé de lui dire qu'on aurait pas fini avant pas d'heure, mais elle n'en a fait qu'à sa tête et m'a assuré que c'était possible de boucler le tout à la fin des heures de bureau.

Cette remarque me vaut une petite claque joueuse sur le bras.

-          Bien sûr, devine ce qu'il s'est passé ?

-          Vous n'aviez pas fini ? suggère immédiatement Linda, visiblement déjà à fond dans ce que je raconte.

-          Pas du tout ! En plus pour arranger le tout, un gros client l'a appelée pour qu'elle vienne le voir urgemment. Le genre de visite qu'on ne peut pas trop refuser. Du coup elle m'a comme plantée seule au bureau, alors que tout le monde était parti.

-          Nan nan nan, je dirais pas que je t'ai plantée, c'était une obligation ! tente de protester Shaell.

C'est MON histoire, je l'invente comme je veux. Non mais.

-          Oui, bref, c'est ce qu'on dit. Du coup je me dis " pourquoi je resterais au bureau alors que je peux faire la même chose beaucoup plus efficacement de chez moi ? "

Ma supérieure embraye spontanément :

-          Imagine ma surprise, quand, en revenant de chez le client, je trouve les bureaux désespérément vides et pas le moindre signe d'où elle aurait pu aller. J'ai cherché partout, me disant qu'elle avait peut-être fini le dossier puis l'avait abandonné dans un coin pour que je le trouve…

Elle joue son rôle à la perfection, si je n'étais pas persuadée que ce qu'on dit n'est qu'un énorme tas de mensonges je nous croirais presque. Je prends le relais et continue en la voyant en mal d'inspiration :

-          Sauf que non, j'étais tranquillement chez moi, un latte à la main, en train de fignoler le tout.

-          N'empêche que t'aurais pu laisser un mot.

-          Fallait pas partir ! Bref. Mon téléphone sonne, l'écran affiche le numéro du bureau, je décroche et là…

Histoire de faire languir, je laisse planer le suspens quelques instants avant de reprendre :

-          Tina Turner n'a qu'à bien se tenir parce que les sons incroyables que me transmet mon cellulaire sont d'une puissance phénoménale. Une vraie harpie !

Linda me lâche un instant du regard pour tourner des yeux ronds en direction de Shaell. Bien sûr, ma chef n'est pas franchement à l'aise et tente de se justifier :

-          Elle exagère. J'ai à peine haussé le ton.

-          C'est pas ce qu'a dit mon ORL le lendemain en constatant les dégâts. Dans mon oreille, le marteau vibrait encore !

-          Tu vois, exagération ! Ajoute ma boss tout en me donnant une autre tape.

-          Violences sur employés, ça peut aller loin !

Je suis très fière de la situation dans laquelle je l'ai mise. J'ai parfaitement conscience que ça va se payer mais pour l'instant mon bonheur ne pourrait pas être plus complet. Du moins pas en public et avec tous mes vêtements.

Elle lève les yeux au ciel, puis dit :

-          Continue au lieu de dire des bêtises !

-          Chef, oui chef !

Je mime un soldat en apportant ma main à mon front, ce qui fait rire Linda et me vaut un énième regard assassin de ma boss.

Sa main passe sous la table et glisse sur ma cuisse. Instantanément j'ai le cœur qui se met à battre la chamade. C'est dingue l'effet qu'elle me fait. Mais pourquoi elle fait ça ?  Je la fixe d'un air interrogateur pour savoir.

Elle me fait un mouvement de la tête l'air de dire continue avant de désagréger mon quadriceps sous sa main.

Violences sur employés, je ne le dirais jamais assez !

Je suis sûre que j'aurais la trace de ses doigts en bleus demain ! La pression continue me pousse à poursuivre mon histoire très rapidement.

-          Bref je lui réponds que je suis chez moi, et que j'ai même presque fini le dossier. Madame patiente me demande si elle peut passer le chercher, histoire de voir ça ensemble et de dormir tranquille. Je réponds oui et lui donne mon adresse. Après un temps bien trop court pour quelqu'un ayant respecté les limitations de vitesse, elle sonne à ma porte. Je lui ouvre et j'ai à peine le temps de me retourner qu'elle est déjà en train de consulter mon ordinateur.

-          Le moins qu'on puisse dire c'est que tu ne prends pas ton travail à la légère ! fait remarquer Linda à ma boss.

-          Non, c'est sûr. C'est un métier où il faut s'impliquer !

Je souris devant leur échange et continue ma narration :

-          Donc je m'approche d'elle, tout en retenant le commentaire qui menace de s'échapper concernant la manière qu'elle a eue de consulter sans se gêner mon PC.

-          C'est bon, ce n'était pas ton portable personnel, mais celui du boulot !

Elle fait avec brio la tête de celle agacée que le sujet soit encore une fois remis sur le tapis. Je l'ignore et poursuis mon histoire :

-          Toujours est-il qu'elle se retourne, toute joyeuse. " T'as fait du bon travail ". Pendant un instant j'ai même cru qu'elle allait me prendre dans ses bras ! Non pas que je l'aurais repoussée hein mais… Merci.

Je commence à piocher dans le plat que m'a donné le serveur. Ça sent super bon. J'ai pris un filet mignon et des petits légumes, c'est à tomber !

J'en oublie que j'étais en train de parler jusqu'à ce que ma boss me le rappelle avec la délicatesse qui la caractérise :

-          Continue.

Peut-être est-elle aussi intriguée que Linda par la suite de l'histoire ?

Parce qu'en tout cas, ma fable a le mérite de captiver notre interlocutrice, elle ne m'a pas lâchée du regard depuis tout à l'heure. C'est tout juste si elle a jeté un coup d'œil à son assiette de pâtes carbonara.

Craignant de voir ma cuisse à nouveau broyée, je m'exécute et reprends :

-          Elle copie le tout sur sa clé USB et se retourne, visiblement déjà prête à me fausser compagnie, quand son ventre émet un gargouillis à faire trembler les murs. A vue de nez, je l'aurais placé entre 4 et 5 sur l'échelle de Richter.

Ma boss rougit, probablement comme elle l'aurait fait si la scène avait vraiment eu lieu. Je prends quelques bouchées de mes mini pommes de terre et reprends la parole en la pointant du doigt, même si ça me fend le cœur de pas profiter plus du plat :

-          Elle fait à peu près cette tête là et commence à s'excuser! En la regardant de plus près, je lui ai même trouvé un air fatigué. Alors du coup, je me décide à faire quelque chose qui ne m'aurait même pas traversé l'esprit si je n'étais pas prête, moi aussi, à tomber de fatigue : je lui ai proposé de rester dîner. D'ailleurs je ne sais pas pourquoi, je suis la pire cuisinière au monde.

-          Je pense qu'elle voulait m'achever. Dit Shaell d'un air conspirateur. Bien sûr, sur le coup je refuse et tente d'éluder la proposition en m'enfuyant sans répondre mais elle n'était pas de cet avis. 5 minutes plus tard, ne me demande même pas comment, je me suis retrouvée les pieds sous la table à attendre que mon repas cuise.

Héhé, c'est marrant mais j'ai l'impression qu'elle se prend vraiment au jeu. Je lui fais un petit sourire et rétorque :

-          Au moins je prends soin de mes invités ! Quant à moi j'étais en train de faire à manger, ou plutôt de tenter de réaliser quelque chose de comestible tandis que mes pensées se résumaient à " crotte crotte crotte crotte crotte pourquoi j'ai fait ça " !

-          Tu avais une idée derrière la tête ? me demande Linda, curieuse.

J'hésite un moment avant de répondre. Je me demande si c'est judicieux d'avouer mon désir pour elle. Quelques secondes de réflexion plus tard, je me décide à me lancer, de toute manière vu la discrétion dont je fais preuve, je suis quasi-sûre qu'elle le sait déjà :

-          Non. Enfin ! Je… j'étais très attirée par elle, mais c'était physique avant tout et puis avec son air hétéro, je pensais que j'avais pas de quoi espérer. Donc non, j'ai pas vraiment voulu tenter ma chance, je sais encore aujourd'hui pas franchement pourquoi j'ai proposé qu'elle reste.

-          C'est pas moi qui vais m'en plaindre en tout cas ! ajoute ma chef tout sourire en me caressant l'épaule.

Je pourrais m'y faire à cette histoire de couple ! Et si Linda venait nous rendre visite au bureau à notre retour?

Concentre-toi Liz !

Ne te laisse pas perturber par des pensées perverses mais oh combien tentantes !

-          Toujours est-il qu'on se met à table, et que je sors un petit blanc pour arroser le tout. Je sais très bien comment je suis quand je bois, alors je me sers qu'un demi-verre. Mieux vaut prévenir que guérir.

Ma boss prend le relais :

-          Mais j'étais pas d'accord, j'adore le blanc et je voulais pas passer pour une poivrotte à côté d'elle en buvant un verre entier.

-          Donc elle m'a resservie allègrement.

-          Une idée derrière la tête ? demande Linda, rieuse, mais à ma supérieure cette fois-ci.

Elle rougit violemment, avant de répondre tant bien que mal :

-          Non. Je… C'est juste que j'étais… contente d'avoir l'occasion de me détendre.

-          Avec Liz !

-          Non, peu… pas spécialement avec elle, de me détendre tout court !

-          Comment ça pas spécialement avec moi ?

Mon air faussement énervé et accusateur est tout à fait réussi, et c'est fière de moi que je la vois se " dépatouiller ". Pour une fois que je ne suis pas celle dans cette situation !

-          Tu sais très bien que c'est pas ce que je veux dire. J'avais juste besoin de me détendre.

-          Donc pas de motivations cachées. Mais tu avais déjà été avec une femme avant ? demande la rousse.

Je me sers un délicieux verre de vin bien fruité qui termine de rendre la situation parfaitement savoureuse. Je me demande comment elle va se sortir de celle là. "  Oh non j'étais avec mon mec depuis le lycée ".

Un sourire narquois vient se ficher sur mes lèvres tandis que j'attends sa réponse.

-          Oui, pendant 3 ans.

Ma bouche fait de son mieux pour conserver le précieux liquide à l'intérieur, alors que le réflexe de mon corps était de recracher le tout sur la table. Je suis traumatisée, mais j'essaie de le cacher.

Elle a vraiment été avec une femme ?

No way !

Elle a sûrement juste dit ça pour le bien de l'histoire. Reste plus qu'à m'en persuader.

Nan parce que sinon ça va pas le faire.

Fantasmer sur ma boss inaccessible, passe encore.

Fantasmer sur ma boss tout aussi attirée par les femmes que moi… Ça va vite devenir délicat !

Ne rêve pas Liz, rien n'indique qu'elle ait un jour été attirée par le sexe féminin ! Inutile de t'emballer. Cette " déclaration " a été faite dans le cadre d'une histoire fictive je te rappelle.

-          Oh, je n'aurais pas dit !

-          Comme quoi ! J'ai toujours été du genre à garder ma vie privée séparée de ma vie professionnelle.

-          Pour le coup c'est un peu raté. Réplique Linda en riant

-          Oui… Mon cœur en avait décidé autrement.

Elle me lance un regard que je jurerais plein d'amour. Est-ce qu'elle cessera un jour de m'épater ?

-          En tout cas vous formez un superbe couple ! Le genre qu'on ne voit qu'à la télé normalement !

Je sens la chaleur qui me monte aux joues et je baisse la tête, gênée. Je finis par me remettre et me tourne pour regarder ma boss, qui exécute exactement le même mouvement en même temps. Duh, tu parles de fâcheuses coïncidences.

-          Et donc ? On approche du baiser je me trompe ?

L'audace et l'indiscrétion maladive de Mlle Parkson me font sourire. C'est rare de nos jours de voir quelqu'un d'aussi ouvertement curieux. En même temps, le milieu professionnel dans lequel on évolue n'est pas franchement folichon.

-          Non, tu as raison. Quelques verres plus tard, j'insinue que je suis fatiguée. Je me lève pour aller mettre les assiettes dans l'évier, puis me retourne. Et elle était là…

Linda se penche en avant et ouvre grand les yeux :

-          Debout contre toi ?

-          Non. Elle était exactement là ou je l'avais laissée. Elle n'avait pas bougé de sa chaise. J'étais pourtant persuadée qu'elle n'attendait qu'une chose : partir. Après tout, à la base, je l'avais quasiment forcée à rester !

-          Et après, il se passe quoi ?

Linda regarde avidement Shaell puis moi à tour de rôle. On dirait qu'on lui raconte le dernier film au box office.  Je continue donc :

-          Je me suis approchée, je lui ai tendu la main pour l'aider à se lever. Elle l'a prise… mais m'a attirée à elle. Je me suis retrouvée à cheval sur ses genoux et j'avoue que j'étais divisée entre être gênée et me laisser aller.

-          Wow ! Et donc ? Tu l'as embrassée ?

Elle se tourne vers ma chef, qui est très occupée à faire un tri très très précis des 3 pauvres bouts de viande restant dans son assiette.

-          Raconte-lui. Me dit-elle sans lever la tête.

-          Je me suis décidée à la regarder dans les yeux. Je me suis comme à chaque fois émerveillée de leur couleur. J'étais plongée dans ce vert quand j'ai senti sa main se glisser derrière ma nuque. Et puis elle m'a dit : " maintenant ou jamais ". Et j'ai cédé.

Un sourire de contentement vient se placer sur les lèvres fines de la rousse.

J'imagine que mon histoire lui a plu. Je devrais faire scénariste !

Après quelques instants de silence, pendant lesquels je profite enfin du peu qu'il reste dans mon assiette, Linda commente :

-          C'est une très belle histoire.

 

A qui le dis-tu.

Dommage que pas un mot ne soit vrai.

 

26 janvier 2012

Chapitre 12

Chapitre 12 : Détendez-vous qu'ils disaient...


Alors qu’elle revient, je l’entends faire une pause dans mon dos, puis dire :

-          J’espère que personne ici n’est cardiaque.

Je fais volte face plus vite que l’éclair et demande, apeurée, tout en tentant de regarder mes fesses :

-          Quoi ? Il est pas devenu transparent hein ?

Elle rit et me répond :

-          Non non. Juste que j’avais vu que la partie avant. L’arrière te va tout aussi bien.

Elle prend sa douche tranquillement tandis que je l’attends à la sortie des vestiaires, espérant que d'ici à ce qu'elle ait finit, la rougeur sur mes joues ait disparu.

Le cadre est impressionnant.

Le fond de la salle principale est une immense baie vitrée qui donne sur le désert et le soleil en inonde chaque recoin, créant milles reflets dans toute la pièce. Une cascade d’une dizaine de mètres s’écoule pour venir créer une sorte de lagon artificiel. Il y a beaucoup de plantes qui se mêlent à la pierre, créant une atmosphère de forêt luxuriante.

J’en ai le souffle coupé.

De l’extérieur, je n’aurais jamais deviné que le bâtiment cachait cela. L’hôtel ne s’est pas moqué de nous.

-          Whaa… c’est super beau. Dit-elle.

Je ne l’avais même pas entendue arriver. Je n’avais pas fait attention.

Le cadre à réussi à me faire oublier Shaell Mackenzie en bikini.

Ceux qui se sont chargés du décor ont de quoi être fiers.

Nous avons à peine fait quelques pas qu’une femme vient nous aborder :

-          Mesdames, désirez vous un massage aux huiles essentielles ?

Ma boss et moi nous regardons et d’un commun accord nous suivons la jeune femme. Nous passons dans un tunnel de verdure si opaque que la lumière extérieure n’y pénètre pas. A la place, quelques dalles en espèce de pierre orangée sont éclairées par le dessous, donnant un aspect irréel à la galerie. Je n’ai jamais rien vu de tel.

Arrivées devant une série de portes en bois, notre hôtesse se retourne et nous demande :

-          Vous désirez être massées dans une cabine commune ?

Alors que, pour mon bien, je m’apprête à dire non, j’entends Sha s’enthousiasmer :

-          Avec joie ! C’est plus sympa de pouvoir discuter en même temps !

J’offre un sourire timide et crispé à la jeune femme qui me regarde pour avoir confirmation.

Finalement nous entrons dans une salle beaucoup plus grande que je ne l’aurais cru.

-          Je vous laisse vous installer, vous trouverez les consignes au mur.

La masseuse quitte la pièce, me laissant seule et désemparée avec ma boss qui lit attentivement les instructions. Bien sur celles-ci consistent essentiellement à « se déshabiller et s’allonger en mettant la serviette de telle sorte qu’elle couvre votre modestie ».

Alors que je m’installe, aussi détendue qu’un bout de bois, j’entends ma boss dire :

-          C’est parti ! J’ai hâte, j’ai mal partout !

Je tente de me déshabiller une fois allongée à plat ventre, ce qui ressemble étrangement aux mouvements que pourrait faire un poisson une fois sorti de l’eau. Prenant pitié de moi, Shaell s’approche et me lance :

-          Ne bouge pas, tu me fais de la peine !

D’un geste rapide, elle passe la main dans mon dos et dégrafe mon haut de maillot de bain avec une dextérité qui me paraitrait louche si elle n’était pas une femme.

Crispée, je lui lance un timide merci avant de regarder dans sa direction. Je la vois s’asseoir sur la table de massage, dos à moi. Elle passe ses mains dans son dos et vient défaire le flot qui maintient son haut. Ma respiration s’arrête quand je vois le peu de tissu laisser place à des kilomètres de peau douce. Elle a le dos musclé juste ce qu’il faut, j’ai toujours trouvé ça sexe chez une femme. Elle détache ses cheveux bruns, les faisant cascader dans un mouvement que je suis certainement la seule à trouver poétique avant de les rattacher, probablement pour que la masseuse puisse avoir de la place.

Alors qu’elle se rallonge, je détourne le regard histoire de ne pas être captée en plein reluquage. Une fois que j’ai laissé suffisamment de temps et un petit rab en plus histoire d’être certaine, je la regarde à nouveau.

Heureusement que je suis allongée. De là où je suis, je vois parfaitement le galbe de son sein, accentué par la pression de la table. J’aimer-

-          Bonjour !

Les deux masseuses entrent et viennent à nos côtés.

-          Je vois que tout est prêt. Vous préférez quelle huile ?

Je lui montre rapidement celle que j’ai choisie, reconnaissante du changement de sujet.

Bien vite, je sens les mains chaudes de la masseuse venir se poser dans mon dos. Ses doigts trouvent facilement les nœuds et malaxent mes muscles avec juste ce qu’il faut de fermeté.

Je fais de mon mieux pour ignorer ma supérieure, tout en étant tentée de jeter des coups d’œil.

Je manque de m’évanouir quand elle se met à gémir sous les administrations de sa masseuse.

Je vais pas tenir.

C’est pas possible.

-          Détendez vous, pourquoi vous vous crispez tout a coup ?

Que quelqu’un vienne m’abattre.

J’ignore complètement la question de la masseuse et regarde furtivement ma boss.

Enfin ça aurait pu être furtif si elle ne me jetait pas elle-même un regard interrogateur.

Parfois, être blonde m’arrange. Je me rallonge tranquillement, feignant de n’avoir pas compris la question tacite. Je tourne la tête en direction de la porte, espérant que mon esprit daigne ne plus m’envoyer l’image de mes mains massant Shaell.

-          Au fait, tu n’as pas de nouvelles des autres au bureau ?

-          Non. Enfin si, j’ai eu Steph au téléphone.

-          Retourne toi j’entends mal ce que tu dis !

Blasée mais résignée, je lui fais à nouveau face.

Elle continue de me parler et je fais de mon mieux pour lui répondre, même si mon esprit est complètement ailleurs.

La voir allongée semi nue, entrevoir sa poitrine… Ça me donne des envies d’une intensité rare. J’aimerais m’allonger sur elle, caresser son dos de mes seins, lui murmurer combien je la désire à l’oreille, la parcourir du bout des doigts…

Argh !

-          Vous ne vous détendez pas du tout là madame. Quelque chose ne va pas ?

J’en suis maintenant convaincue. Ces deux masseuses viennent directement de l’enfer et cherchent à me donner un avant goût de ce qui m’attend si je continue à penser des trucs comme ça.

Ne désire pas ta boss, c’est le mal !

-          Non non, tout va bien.

Je prie pour que cette séance de massage se termine le plus vite possible, ayant abandonné toute idée de détente. Inutile d’y croire, relaxation ne colle pas avec « Shaell en maillot de bain ». D’ailleurs ça ne rime même pas, c’est pour dire !

Enfin en même temps, peu de choses riment avec relaxation : décapitation, déformation, annulation, crispation…

Ok ça n’aide pas.

Le reste du massage se passe à peu près sans encombre. La jeune femme qui s’occupe de moi ayant vite pigé que je suis un cas désespéré.

Finalement, je sens qu’on me rattache le haut et j’accepte avec gratitude le peignoir qui m’est tendu.

Au moins, ma chef sera un peu couverte. Ça nous laisse un peu de répit à moi et mon cœur. Je n’aurais jamais du jouer à ce maudis tirage au sort.

Nous repartons au cœur de la jungle artificielle.

-          Ça te dit de profiter du bassin ?

-          Et comment !

Nous entrons dans l’eau, dont la chaleur me surprend.

-          Ce n’est pas aussi rafraichissant que ce à quoi je m’attendais !

Shaell m’observe un instant puis réplique :

-          C’est comme un bon bain chaud mais à grande échelle. Et avec compagnie.

Soit dit en passant, si elle veut prendre de vrais bains en ma compagnie, je ne dis pas non. Surtout si elle se met à l’aise.

Elle se dirige immédiatement vers la cascade et laisse le flux continu s’écraser sur ses épaules.

-          C’est un peu violent mais ça détend, tu devrais essayer ! me dit-elle.

-          Peut être après !

Ou pas.

Je lui laisse ce privilège.

De là ou je suis, on dirait qu’elle s’apprête à tourner une pub pour du gel douche. Sauf que d’habitude la femme dedans porte encore moins de tissu.

Je vais m’installer un peu plus loin, dans un recoin de verdure, à l’abri des regards indiscrets. Je m’adosse à la pierre et penche ma tête en arrière. Lorsque, pour la première fois depuis que j’ai mis les pieds dans cette thalasso, je me détends, je sens un mouvement d’eau sur ma gauche et voit ma chef s’approcher. Ses abdos légèrement dessinés fendent l’eau tandis qu’elle s’installe à mes côtés.

-          On s’isole ?

-          Plus maintenant.

-          Oh, tu veux que je… ? dit-elle en faisant signe qu’elle peut y aller de sa main.

-          Non non reste, je plaisantais.

Elle me fait un petit sourire et s’installe à mes côtés.

-          T’as revu Angy depuis l’autre jour ? me demande-t-elle

Je réfléchis un instant avant de lui répondre. Je n’aime pas mentir mais j’ai de bonnes raisons.

-          Non. En même temps j’étais tout le temps à tes côtés.

-          Pas faux…

Un léger silence s’installe. Finalement je demande :

-          Pourquoi cette question ?

Elle soupire et se tourne vers moi.

-          Je n’ai pas eu de nouvelles. Elle n’a pas répondu à mes messages.

-          Ils étaient assassins ?

-          Même pas.

-          Tu crois qu’elle se planque par rapport à son « coup monté » pour le baiser ?

Étonnamment, je ne suis plus gênée de parler de ce qui s’est passé. Elle semble pensive pendant un instant avant d’afficher un sourire malin :

-          Oh non. Ça fait un bout de temps qu’on se fait des coups tordus l’une l’autre. C’est comme un jeu entre nous.

-          Ah ok. Mais là, elle a fait fort quand même.

Au moins ça confirme ce que m’a dit Angy concernant un « service rendu » à Shaell.

-          Oui, mais j’avais fait pire !

Étonnée, je me tourne immédiatement vers elle :

-          C’est possible ?

-          Ohh que oui. Mais elle m’a fait jurer que je ne raconterai cette histoire à personne. Et vu qu’elle a des histoires « dossier » sur moi… Je vais en rester là.

Visiblement, ces deux là ont un passé chargé ensemble.

En face de nous, des jets de massage disposés sous l’eau le long de la pierre se mettent en marche. Immédiatement, une petite lueur vient transformer les yeux de ma boss et elle se précipite de l’autre côté.

Ses yeux se ferment doucement et son visage est figé dans une expression de pur contentement. Ses lèvres pleines sont entrouvertes, sa tête légèrement penchée en arrière et son corps entier trahit son bien être. La scène est extrêmement sensuelle, elle à moitié nue, ne boudant pas son plaisir dans ce cadre paradisiaque. Je me sens presque comme une voyeuriste. Ses paupières se soulèvent et ses iris verts viennent me clouer sur place. J’ai envie d’avoir l’air repentie d’être ainsi spectatrice de son étrange transe, mais je suis trop occupée à me retenir de lui sauter dessus. J’ai envie de m’approcher jusqu'à sentir un léger frôlement d’eau entre nos deux corps. Je la fixerais, lui interdisant de bouger et me pencherais pour venir caresser son cou de mes lèvres. Je la ferais gémir sous mes caresses, je la sentirais offerte, prête à oublier que nous sommes dans un lieu public. Je -

-          Approche, c’est jouissif.

Son vocabulaire est des mieux choisi. Mais je ne bouge pas. J’ai envie de la rejoindre, mais peur de ce que je pourrais faire.

C’était une grossière erreur de venir ici. Je vois et j’envie tout ce que je ne peux pas avoir.

Elle tend le bras dans ma direction, m’invitant à m’avancer. J’hésite puis me décide. Ma main vient se glisser dans la sienne. Peut être que ces jets vont me détendre moi aussi…

Elle m’attire à elle et se dérobe au dernier moment, ne laissant que de l’eau à l’endroit où elle s’était trouvée un instant auparavant. Je me tourne et laisse le jet me masser le bas du dos, tandis qu’elle se place à celui à côté, massant je ne sais trop quelle partie de son corps.

Je fais de mon mieux pour me contrôler, me concentrant sur les sensations de l’eau. L’avoir à portée de bras ne m’aide pas franchement.

Finalement, je me dis que prendre la parole m’aidera peut être à me changer les idées :

-          Si tu veux, j’essaierais d’aller lui parler.

Devant son air interrogateur, j’ajoute :

-          A Angy.

-          Ah. Oh, ne t’embête pas. Elle doit avoir une idée en tête. Un autre plan machiavélique pour me rendre la vie impossible. Quand elle disparaît c’est souvent ça.

-          Et Mattéo ne te défend pas ?

-          Lui ? Tu rigoles ou quoi, ça l’amuse oui !

-          Bah moi je n’aimerais pas que ma petite amie se retrouve dans des positions comme ça !

Elle se tourne vers moi, un air étrange sur le visage.

-          Petite amie ?

-          Ben oui, tu sors avec Mattéo non ?

Elle a l’air étonnée, puis sourit :

-          Euh non. Je suis sortie avec lui au lycée, mais c’était il y a tellement longtemps…

-          Mais alors, les câlins…

-          On est restés proches. Il est comme un grand frère...

-          Oh.

Il me faut un moment pour encaisser le truc. Je pensais qu’elle était avec lui, donc hétéro et casée. Elle devient de moins en moins inaccessible, mais toujours hors de ma portée, c’est affreux.

-          Promis, la seule personne avec qui je sors actuellement, c’est toi.

Je fais un énorme blocage dont j’ai tout à fait conscience. Heureusement que je ne mange rien, sinon c’était l’étouffement assuré.

-          Pardon ?

-          Euh non, je veux dire, enfin tu sais bien !

Elle rougit et détourne le regard, c’est très mignon, ça ne lui ressemble pas tellement. Jouant avec les vaguelettes du bout des doigts, elle embraye rapidement :

-          Désolée. Ça ne sonnait pas comme ça dans ma tête.

Si seulement…  J’aurais aimé que ça soit le cas.

-          T’inquiètes pas mon petit sucre d’orge, je vois ce que tu veux dire.

Je ne peux m’empêcher de la taquiner avec ça, faisant référence à ce qu’elle m’a dit lorsque je lui ai appris la nouvelle de notre prétendu couple. L’humour m’aide à rester saine d’esprit. J’en ai bien besoin la.

Elle me fait un sourire vaincu et demande d'un ton rieur :

-          Parfois je me demande ou est passée la charmante responsable réseau que j’ai connue dans l’entreprise.

-          Ah oui ? Tu me trouvais charmante ?

-          Tu n’aides pas ton cas Liz…

-          Bon, bon… Ça te dit d’aller découvrir le reste des lieux ? On pourra toujours revenir ici après.

-          Ok, ça me va.

Elle sort de notre petit recoin et se dirige vers l’entrée du bassin. Je m’efforce de conserver mes yeux au niveau de son dos et non de les laisser vagabonder plus au sud. Inutile que j’en rajoute, non ?

Après un court tour des lieux, Shaell décide de faire la traversée bassin glacé vers bassin chaud. Personnellement, je passe sur la première partie, je l’observe donc s’enfoncer seule dans l’eau bien trop froide pour quiconque de raisonnable.

Elle ressort quelques instants plus tard, tout sourire. Elle semble revigorée par ce petit trajet au pays du froid, et elle n’est visiblement pas la seule. De là ou je suis, j’entrevois parfaitement son haut de maillot de bain, au travers duquel on devine sa poitrine tendue par le froid. Je fais de mon mieux pour éviter de loucher sur cette partie de son anatomie et détaille à la place le décor. Cette fois, l’ambiance évoque un temple en ruines englouti sous les flots et la verdure. Les pierres sont disposées de telle sorte qu’on devine des constructions. Le rendu est à nouveau bluffant. Je pourrais rester des heures à contempler les parfaites finitions des lieux, mais c’est sans compter sur ma camarade de jeu :

-          Le bain bouillonnant te tente ?

-          Pourquoi pas !

Nous sortons après quelques secondes seulement du bain chaud. J’imagine qu’elle aussi le trouvait un peu trop chaud.

Elle se glisse en premier dans un ensemble en pierre qui ressemble aux sources d’eaux chaudes qu’on peut voir à la télévision. Des petits sièges sont incrustés dans la roche, nous permettant de nous asseoir à mi hauteur. Je me place à ses côtés, m’installant au mieux. Les bulles me chatouillent en glissant contre ma peau. Je n’ose plus me réajuster même si un des jets de bulles est particulièrement mal placé au niveau de mon entrejambe. J’ai peur qu’elle pense que je me fais des sensations. Même si c’est exactement ce que je suis involontairement en train de faire.

Alors que les petites bulles deviennent de plus en plus agréables, j’entends Shaell me demander :

-          Toi, t’as rien écouté de ce que je viens de dire !

Je me crispe légèrement, car je suis parfaitement coupable du forfait dont elle m’accuse.

En un instant, elle son ton faussement accusateur devient inquiet :

-          Hey, ça va ? T’as les joues drôlement rouges.

Oh non !

-          Oui ça va ça va merci.

J’en profite pour me réinstaller un peu plus loin. Au moins, les bulles laisseront mon entrejambe tranquille. Il n’y a pas besoin de ça pour m’exciter, inutile d’en rajouter.

Un coup d’œil en direction de ma boss m’informe que mon subtil mouvement est passé inaperçu. C’est étrange, mais je suis passée de crispée à l’idée seule d’être avec elle à « à l’aise en sa présence ».

Après quelques minutes d’un confortable silence, je me lève pour sortir. Je veux découvrir le reste, inutile de m’éterniser dans un seul coin.

Alors que je m’apprête à profiter du sauna, je constate en ouvrant la porte que je suis suivie de près par Shaell. Je ne l’avais même pas entendue me suivre.

La pièce est parfumée d’une délicate odeur de pin. Personne n’occupe le sauna, ça m’arrange. Remarque, tout semble fait pour qu’on se sente seul au monde. Rien à voir avec certaines thalassos surpeuplées. A mon avis, l’établissement doit refuser d’avoir plus d’un certain nombre de personnes en même temps à l’intérieur.

Je m’installe sur l’escalier du milieu, car je sais que la chaleur trop intense ne me réussit pas. Au contraire ma chef n’hésite pas à aller tout en haut. Une fois nos peignoirs étalés, nous nous asseyons. La pièce est grande et recouverte de bois. Un thermomètre nous informe de la température élevée de la pièce et un sablier en bois lui aussi se charge de nous rappeler le temps qui passe.

-          J’ai toujours aimé le sauna. me dit-elle.

-          Moi aussi. Je préfère au hammam. Même si apparemment je suis la seule.

-          Non, non. Perso le hammam me donne un peu l’impression d’étouffer, je ne peux pas y rester longtemps. Ça vient certainement de la vapeur.

Je suis étonnée, c’est la première fois que j’entends dire ça. Et pourtant :

-          Minute, comment tu fais pour lire dans ma tête ?

Elle sourit de ma plaisanterie, avant de rétorquer :

-          Tout est écrit en énorme sur ton front.

-          Ah oui, je voulais te prévenir, parfois j’ai un sale petit tatouage invisible qui apparait sur mon front, il dit « prends-moi pour une imbécile ». Si tu l’aperçois en ce moment, n’y prête pas attention s’il te plait.

-          Où tu vas chercher tout ça ? demande-t-elle en riant.

-          J’aimerais dire « dans mon génial cerveau » mais il me semble avoir entendu ça dans un film !

-          Si j’ai besoin de parfaire ma culture cinématographique, je sais à qui m’adresser alors ?

-          Tout à fait !

Nous sourions bêtement l’une et l’autre pendant encore un moment, avant que la chaleur ne nous rattrape. Je sens déjà la transpiration se formant sur ma peau, me recouvrant d’un voile humide.

Un coup d’œil en direction de Shaell m’informe qu’elle aussi commence à ressentir les effets de la température. Elle se passe la main dans sa nuque et se fait du vent. Une goutte part de son cou pour serpenter entre ses seins, puis courir sur son ventre, se nicher dans son nombril pour mieux repartir plus au sud. Je suis la gouttelette des yeux tandis qu’elle continue sa course le long de son bas de maillot de bain.

-          Hum hum.

Son raclement de gorge forcé me fait réaliser que j’étais en train de fixer son bas de maillot de bain d’une manière suspecte. D’autant plus louche qu’étant un étage plus bas, je me retrouve la tête pile au niveau de vous savez quoi.

-          Désolée, je regardais –

Son sourcil levé m’interrompt. Inutile de préciser ce que je regardais, elle l’a bien vu. Même si c’était « une goutte sur son entrejambe », tout ce qu’elle risque de retenir c’est « entrejambe », c’est sûr.

C’est extrêmement dur pour moi de discuter avec elle sans que mes yeux ne voyagent sur son corps. Je dois rester très concentrée, la preuve.

Je tente de changer de sujet en lui demandant :

-          Dis, tu vois depuis combien de temps on y est ?

-          Euh… Plus de 10 minutes et moins de 15. Le sablier n’est pas super précis.

-          Ok.

-          Déjà chaud ?

Comment dire ? Non seulement j’avais chaud à l’origine, mais contempler le trajet de la gouttelette n’a pas aidé. Pas du tout.

J’en ai marre d’être un cas désespéré.

Mes yeux retournent parcourir son corps bien malgré moi. J’aimerais pouvoir m’approcher suffisamment pour respirer l’odeur de sa peau, ma tête nichée au creux de son cou. Je voudrais passer ma main dans ses cheveux. Contempler ses yeux si verts sans avoir à me justifier. Admirer tous ses traits. L’écouter parler pendant des heures.

Ou même juste être avec elle.

Comment je vais m’en sortir ?

C’est trop. Ou plutôt pas assez. La thalasso n’aide pas du tout.

J’en peux plus.

Sans un mot, je me lève, prends mon peignoir et sors de la pièce rapidement.

La douche froide est bienvenue. Elle me permet de me rafraichir les idées, littéralement. Je laisse l’eau couler sur moi, la laisse emporter tout ça

-          Hey, ça va ?

Je me retourne, surprise. Je ne l’ai pas sentie s’approcher.

Mon mouvement me déséquilibre et je me sens glisser sur le carrelage humide. Alors que je me prépare à atterrir lourdement sur mon postérieur, je sens Shaell glisser son bras dans mon dos.

Un instant, je pense qu’on va finir toutes les deux au sol mais non. Son autre bras va se poser sur le mur derrière moi et elle me retient.

-          Liz ? Tout va bien ?

Je ne réponds pas.

Elle ne lâche pas sa prise, me gardant contre elle. Son corps est brulant comparé au mien. Je me sens déglutir. Le temps est comme ralenti.

Je suis piégée. J’ai envie de m’enfuir et de rester pile ou je suis en même temps.

Ses pupilles sont dilatées, certainement parce qu’elle sort tout juste de l'obscur sauna. Mes yeux viennent se poser sur ses lèvres.  Mon cœur bat trois fois plus vite qu’à la normale. Je vais l’embrasser. Je ne me retiendrais plus longtemps.

Je lève la tête pour contempler la femme devant moi. Ce n’est plus ma boss, encore moins la harpie.

C’est celle pour qui je serais prête à tout.

L’inquiétude se lit dans ses yeux. Mon souffle s’arrête.

Je me colle un peu plus contre elle. Mes yeux ne quittent pas ses lèvres tandis que je m’approche.

J’arrive à un cheveu d’elle, si proche de tout ce que je désire…

Elle ne voit donc pas ce que je m’apprête à faire ?

L’une de mes mains parcourt son dos du bout des doigts, remontant jusqu'à sa nuque. Je la sens frissonner.

Du regard, je la supplie de dire ou faire quelque chose.

Elle se contente de me scruter, mi inquiète, mi curieuse. Mon autre main parcourt son flanc, partant de sa hanche à sa taille, effleurant le galbe de son sein pour glisser vers son épaule.

Je m’approche de ses lèvres et je sens son souffle s’arrêter, tandis que ses yeux s’ouvrent un peu plus.

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