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Fictions Lesbiennes :)
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26 janvier 2012

Chapitre 10

Chapitre 10 : Sous les feux des projecteurs

 

Ayant fini mon tour d’inspection de notre audience, mes yeux viennent se poser sur Shaell. Quelques instants plus tard, elle me regarde à son tour.

Vu son air désemparé, j’imagine qu’elle ne sait pas quoi faire non plus.

Elle se mordille la lèvre inférieure, signe extérieur de stress. Finalement, après avoir pris au préalable une grande inspiration, je la vois s’approcher de moi.

 

Oh non.

 

Non je ne veux pas.

 

Enfin si je veux mais pas comme ça !

 

Pas ici !

 

Je jette ce que j’estime être un discret coup d’œil vers les portes d’entrée, jaugeant mes chances de m’enfuir à toutes jambes sans être rattrapée. Mais Angy vient ruiner mon plan en se plaçant entre moi et la sortie, un sourire fermement planté sur les lèvres.

Autant pour la discrétion.

Comment une fille que j’appréciais peut-elle ruiner de la sorte ce qui aurait pu être une entente cordiale ?

Mon attention se reporte vers Shaell.

Ses yeux verts sont remplis d’incertitude tandis qu’elle regarde nerveusement autour d’elle.

Finalement, elle semble prendre une décision et fait un nouveau pas vers moi.

Le hall entier est devenu silencieux, attendant de voir ce qui va se passer.

Moi aussi, car je ne la pense pas capable de le faire. Après tout elle est hétéro, me sait homo et a une réputation à tenir.

Sa main vient se poser sur ma joue, glisse jusqu'à mettre une mèche de cheveux blonds derrière mon oreille, puis dans mon cou pour lentement remonter à ma visage.

Elle caresse mes lèvres du bout de son pouce.

Je suis comme tétanisée, incapable de penser, encore moins d’agir.

J’avoue que j’ai complètement oublié notre audience, captivée par l’image de Shaell. Je suis complètement perdue dans ses yeux verts. Bien que je ne sois pas sûre que ce soit une bonne idée, je la laisse continuer. 

Mes yeux suivent sa langue lorsqu’elle s’humidifie les lèvres et s’approche encore de moi, nos corps étant séparés de quelques centimètres seulement.

Finalement, ses yeux semblent me demander mon accord et je fais un timide sourire dans lequel j’essaie de lui dire que j’ai confiance.

Peut-être va-t-elle faire un baiser de cinéma, mettre son pouce entre nos lèvres ?

Lentement, trop lentement et à la fois trop vite à mon goût, elle s’approche de moi.

Mon cœur s’arrête un instant de battre et j’oublie de respirer alors que je réalise qu’elle va le faire.

Les derniers centimètres nous séparant se réduisent et bientôt je sens ses lèvres sur les miennes.

C’est un baiser doux, qui ne demande rien, tout simple et tendre à la fois.

Honnêtement, je n’ai pas la moindre idée du temps qu’il peut avoir duré, m’apparaissant comme une éternité et une fraction de seconde.

Elle se recule et colle son front au mien, sa main toujours contre ma joue. Elle passe sa tête sur le côté pour venir me chuchoter à l’oreille :

-          Merci de ne pas t'être débattue... et désolée.

Je ne sais pas quoi répondre et je ne suis pas sûre d’en être capable.

J’ai embrassé Shaell Mackenzie.

Enfin pour être parfaitement exacte c’est elle qui m’a embrassée.

Je n’aurais jamais cru que ce jour arriverait.

Certes, ce n’était pas franchement dans ce contexte là dans mes rêves, mais ça me convient tout à fait.

Alors que nos corps sont encore un peu séparés, un coup de cul bien placé d’Angy finit de me projeter dans les bras de ma chef.

 

Je la hais.

 

Je tente de me reculer immédiatement mais le bras de Shaell vient se glisser dans mon dos, m’en empêchant.

J’imagine qu’elle veut éviter de nous décrédibiliser tout en se donnant un moment pour retrouver une contenance.

Finalement, elle se recule et jette en même temps que moi un coup d’œil timide à notre assemblée.

Plus personne ne faisait de bruit et tout à coup tous se mettent à applaudir, Angy, Mattéo, Linda et l’homme zèbre étant de loin les plus bruyants.

-          Oh alors CA, c’est que j’appelle HOT ! Vous êtes canons les filles !

L’animateur continue de parler tandis que Shaell et moi gardons la tête fermement baissée. Je sais que mes joues sont rouges et je n’ose pas lever les yeux pour voir à quoi elle ressemble.

 

Finalement, après quelques longues minutes et félicitations diverses, monsieur 5ème élément nous remet nos prix.

C’est avec un soulagement non dissimulé que je m’engouffre dans l’ascenseur avec ma boss.

Angy à eu l’intelligence de ne pas nous suivre, préférant faire la discute avec Linda. Valait mieux pour elle croyez-moi

Shaell et moi entrons dans la chambre sans qu’aucun mot ne soit échangé.

Je ne sais pas franchement comment réagir par rapport à tout ça. Et je suis super gênée pour ne rien arranger.

Donc pour éviter de risquer d’aggraver mon cas, je ne dis rien.

Je suis encore sous le choc dans un sens. Et puis je me demande encore pourquoi ce baiser m’a paru… intime ? 

Réfléchir à ça ne m’apportera rien de plus que d’autres questions mais je ne peux pas m’en empêcher.

Bien vite, je m’assieds sur mon cher et tendre canapé, choisissant de détailler les divers éléments du décor jusqu'à ce qu’elle se décide à aller dans l’autre pièce. Malheureusement, ça a l’air de prendre du temps comme décision puisque ça fait bien 10 bonnes minutes qu’elle reste plantée dans mon dos.

Pile quand mon regard passe sur l’écran plat, me rappelant les douloureux évènements d’il y a peu, ma boss me demande :

-          Tu fais quoi ?

-          Je regarde la télévision.

-          Liz, elle est éteinte ! précise-t-elle.

Comme si je n’avais pas remarqué !

Voyant que je n’ai pas l’intention de poursuivre la discussion, elle reprend la parole :

-          Par rapport à ce qu’il s’est passé… Tu veux en parler ? 

Et voilà. Je m’y attendais.

Est-ce que je vais me faire virer ? Ou juste subir un bon gros savon ?

-          Je suis pas sûre qu’il y ait grand-chose à dire. Pour ma part en tout cas.

-          Liz je…

Elle soupire et vient s’asseoir à mes côtés, passant ses mains sur son visage, comme pour se rafraichir les idées.

-          Comment cette journée a pu tourner comme ça ? demande-t-elle a personne en particulier.

-          Aucune idée, j’aimerais bien savoir aussi. Écoute je… désolée d’avoir participé à ce stupide tirage au sort. Enfin surtout de t’avoir impliquée.

-          Tu ne pouvais pas savoir que ça allait se passer comme ça. Et puis au moins on a eu un bon cadeau. Enfin DES bons cadeaux.

Pour toute réponse, je lui fais un sourire timide.

 

C’est très étrange.

Mes sentiments sont contradictoires.

Je suis contente d’avoir eu l’opportunité de savoir ce que ça fait de l’embrasser…. Mais d’un autre côté les circonstances me dégoutent, j’ai l’impression de l’avoir utilisée. Ce n’était pas intentionnel mais… pfff.

Quitte à être embrassée, autant que ça ne soit pas forcé.

Je suis un peu déçue de moi. J’aurais du trouver une solution. Pas… pas la laisser faire ça.

Je m’en veux et je suis contente. Pas de doute, je suis une femme.

-          Liz…

Mes yeux vont se poser sur elle, mais pas directement sur son visage.

-          Qu’est ce qui se passe ? J’embrasse si mal que ça ?

Sa remarque me fait sourire. Moi qui pensais qu’elle allait m’engueuler, ce n’est pas parti pour pour l’instant.

-          Bien sûr que non. C’est juste que j’aurais voulu éviter d’en arriver là. Je veux dire, j’en ai fait assez.

-          C’est pas faux, mais là tu n’y pouvais rien. Et ce n’est pas toi qui as fait quoi que ce soit. C’est surtout Angy qui a enfoncé le clou.

-          Elle… Quand je vais la trouver…

Je laisse ma phrase en suspend, histoire de faire planer la menace.

Après quelques instants de silence, ma chef s’adosse complètement dans le canapé et commence à rire. Face à mon air interrogateur, elle dit :

-          T’aurais vu ta tête.

-          Hey ! Pi t’étais pas mieux je te signale.

Elle sourit puis ajoute :

-          D’ailleurs je suis un peu vexée, si ça se trouve certains auraient aimé être à ta place et on aurait dit que tu vivais les pires instants de ta vie.

Si ça se trouve… Beaucoup m’auraient enviée, point. Mais c’était quand même horrible. Enfin pas le baiser, les circonstances … enfin vous voyez.

-          C’était le cas.

Elle frappe ma cuisse sans défense :

-          Espèce de… 

-          Maltraitance et insultes ? Ça va chercher loin tout ça ! […] Non mais je veux dire, je m’en voulais de te mettre dans une situation comme ça. Surtout avec Mattéo et Angy à côté.

-          Je pense pas que l’un comme l’autre ait eu à se plaindre, crois moi, je les connais bien, y’en a pas un pour relever l’autre.

Sa remarque me fait sourire. Quelque part je m’en doutais mais quand même.

-          On est ok ? me demande-t-elle bien plus timidement qu’à l’accoutumée.

-          On est ok.

Elle ne se relève pas et on reste toutes les deux affalées dans le canapé, sans bouger. Au bout d'un moment, je prends mon courage à deux mains et lui dit :

-          Tu sais… je sens que je vais regretter ce que je vais dire… J’espère que ça va rien changer entre nous. Je veux dire… On commence à s’entendre non ?

J’ose enfin la regarder, espérant qu’elle va répondre à ma question.

-          On commence Scott, on commence ! Même si je prends sur moi !

A son ton joueur, je sais qu’elle plaisante pour la dernière partie. Ça me rassure, au moins je suis pas la seule à avoir cette impression.

Elle garde un sourire songeur tandis qu’elle regarde à travers la baie vitrée depuis sa place sur le canapé. Le soleil est assez bas dans le ciel, bientôt le jour fera peu à peu place aux lumières de la ville, créant une sorte de crépuscule étrange pour le reste de la nuit. Mais je n’ai pas besoin de me retourner pour le voir.

Je préfère la regarder elle, avec ses longs cheveux bruns, ses beaux yeux verts d’une intensité que j’ai peu rencontrée, ses lèvres pleines et si douces…

Ok. Stop.

Je me fais du mal.

Avant que j’ai pu détourner le regard, le sien vient se poser sur moi, me prenant en flagrant délit.

-          Quoi ?

-          Rien rien.

-          Ben non, dis ! J’ai un truc sur le visage ?

-          Non non, tu es parfaite ! Enfin je veux dir-

-          Non non, surtout ne te corrige pas, j’aime assez ce lapsus. Dit-elle en plaisantant.

Elle se lève et marche vers la baie vitrée, observant les voitures qui circulent sur le strip.

-          Merci quand même. Et pour ta gouverne… Tu n’es pas mal non plus.

Après avoir dit ça, elle se retourne, j’imagine dans le but de profiter de ma tête surprise, et me fait un clin d’œil. Devant mon air étonné et mon absence de commentaire elle ajoute :

-          Ben quoi ? J’embrasse pas n’importe qui sache le !

Je sais qu’elle plaisante mais quelque part ça me réjouit.  Finalement ma journée n’a pas été si terrible que ça.

 Voyant qu’elle n’a pas retiré ses chaussures, j’annonce :

-          Je sais pas pour toi, mais je crois que je vais m’en tenir au dîner livré dans la chambre ce soir. J’ai suffisamment été sous les feux des projecteurs pour aujourd’hui. Et puis pour ne rien te cacher, je n’ai pas franchement envie d’être dévisagée par la moitié des gens de l’hôtel. J’ai pas l’habitude qu’on me regarde alors ça risque de faire trop d’un coup.

-          Ça t’en sais rien.

Je fronce les sourcils en entendant sa réplique, qu'est ce qu'elle veut dire par là ? :

-          De quoi ?

-          Si les gens te regardent. Mais je suis d’accord sur l’idée de nous faire discrètes pour ce soir. J’aimerais bien pouvoir le faire pour le reste de la convention mais c’est impossible. Perso j’ai pas envie de « revoir » certains des charmants remorqueurs présents dans la salle. Comme ceux qui ont suggéré que tu allais passer sous le bureau.

A peine entendu ça, je mets ma tête entre mes mains pour cacher ma gêne :

-          Oh non… j’avais oublié... Maintenant ils vont avoir beaucoup de mal à ne plus le croire.

-          Tu sais, je ne suis pas sûre qu’ils aient un jour essayé de ne pas le croire... Fin bref ! Qu’est ce que tu dirais d’un repas hypercalorique et d’un dessert chocolaté pour nous remonter le moral ?

-          Je dis que si tu me prends par les sentiments…

 

Elle commande de quoi manger au téléphone et revient à mes côtés.

-          Ça te dit un petit film aussi ?

-          Oh que oui. Mais pitié, pas de trucs à l’eau de rose.

-          Tu n’aimes pas ? me demande-t-elle.

-          Disons que j’ai eu ma dose d’histoires de couple pour une semaine ou deux. Ou quatre.

-          Pas faux.

Et puis déjà que je n’ai pas la moindre idée de comment je vais bien pouvoir dormir à ses côtés après qu’on se soit embrassées, si en plus je mate un film d’amour avant de me coucher, c’est la porte ouverte aux rêves compromettants.

 

Le reste de la soirée s'est étonnamment bien passé. J'avais presque l'impression d'être avec une amie. On a commenté le jeu des acteurs, relevé tous les petits problèmes scénaristiques... C'était vraiment sympa.

Je crois que ni elle ni moi n'avions envie de reparler de ce qui s'est passé. Et même sans l'avoir à nouveau évoqué, c'est notre baiser la dernière chose que j'avais en tête au moment de m'endormir...

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26 janvier 2012

Chapitre 11

Chapitre 11 : Le calme avant la tempête hormonale


Je me réveille dans un calme tout relatif puisque je suis vigoureusement secouée par ma chef.

Étonnamment, j’ai passé une bonne nuit. Finalement, je suis surprise de mes capacités d’adaptation. Dormir à ses côtés me paraît « presque » normal dès la deuxième nuit. Ma bonne humeur du matin est toute relative lorsque je lui demande d'une voix endormie :

-          Donne moi une seule bonne raison pour laquelle je pourrais ne pas t’éliminer dans la seconde ?

-          Et bien tuer ta supérieure pourrait t’amener à être renvoyée et trouver un autre emploi s’avérerait difficile compte tenu que tu aurais éliminé ton précédent employeur ?

Je fronce les sourcils, mon esprit embué tentant de décrypter le sens de sa phrase. Finalement, je finis par dire :

-          C’est une bonne raison. Je m’en tiendrais juste à de la mauvaise humeur alors.

-          Pour changer. Bonjour quand même.

-          Bonjour. Quelle heure il est ?

-          5H40.

Malgré la lourdeur de mes paupières, mes yeux s'écarquillent plus que je ne l'aurais cru possible. Ma voix ne cache pas mon incrédulité :

-          Quoi ? Mais pourquoi ? Je veux dire tu sais bien que j’ai pour principe de ne jamais me lever avant le soleil !

-          Liz, le soleil est déjà en train de se lever…

-          Ah. Pourquoi ce « oh combien charmant » réveil ?

-          Bah pour faire un footing !

Je suis tellement blasée que je suis persuadée que ma tête pourrait servir de smiley msn.

-          Je. Ne. Cours. Pas.

-          Erreur ! Tu ne courrais pas !

Je prends mon oreiller et le pose sur ma tête, si bien qu'elle doit entendre ma voix de manière étouffée alors que je demande :

-          Pourquoi est ce que tu essaies de m’extirper de ce lit si ce n’est par pur sadisme ?

-          Et bien vu ce que tu as mangé, ou devrais je dire englouti ? Va pour englouti, donc vu ce que tu as englouti hier soir, j’ai peur pour ta ligne. Et puis vu qu’on est supposées être en couple, je refuse d’être associée à un boudin.

J’écoute l’intégralité de sa tirade en me demandant si y’a un moyen pour que je voie quand elle change de personnalité, passant de presque sympa à démoniaque. Hmmm. Surement. Faudrait que j’y fasse attention.

-          Si je refuse, tu vas lâcher l’affaire ?

Pour toute réponse, j’ai droit à un sourcil levé.

Message reçu.

Grognant, je m’arrache au confort du lit en me frottant les yeux.

Pile quand je me retourne, je constate qu’elle pompe le bras dans l’air, signe de victoire.

Elle s’arrête à mi-mouvement et me sort d’un air détaché :

-          Ben quoi, je m’échauffe !

Blasée, je lui fais savoir dans un :

-          C’est ça…

-          Bon, je te laisse 5 minutes pour t’habiller, je t’attends à côté ! dit-elle en sautillant sur place.

Elle est déjà à fond que j’ai encore les marques de l’oreiller sur le visage.

On descend dans le hall quasi désert de l’hôtel avant de nous diriger vers la rue.

Alors qu’on dépasse les fêtards encore debout, je me surprends a bien aimer courir avec elle.

Ne soyez pas étonnés.

C’est juste qu’elle court plus vite que moi et que du coup j’ai mon lapin personnel, la chose qui me motive à suivre, nommément son derrière.

 

Après une course d’une trentaine de minutes et de multiples arrêts de ma part, notamment pour faire le plein de café, nous retournons à l’hôtel.

-          Tu t’es bien débrouillée pour quelqu’un qui ne fait pas de sport.

-          J’en fais, juste pas de ce type.

-          Tu réalises que le concours de télé sur canapé n’est pas un sport ?

Je ne prends pas la peine de répondre et m’arrête net.

Oh mon Dieu.

Sous mes yeux passent en boucle les images d’hier.

J’aimerais me fondre dans le tapis lorsque Shaell pose un regard traumatisé sur moi juste après avoir été témoin de notre « baiser » au ralenti sur l’écran géant.

-          Ils ont osé…

Je ne sais pas quoi répondre, trop occupée à être perdue entre l’envie de mater la scène en boucle et celle de me cacher.

Ma boss elle ne cache pas son intérêt certain pour la courte vidéo qui passe et repasse sous nos yeux. Après quelques visionnages, elle ouvre la bouche pour me dire, j’imagine, que c’est un scandale etc… Mais non, elle me surprend complètement en lâchant d’un air tout à fait naturel :

-          Il avait raison, on est hot ! Nan, sérieux, tu trouves pas ?

J'entends à peine ce qu'elle vient de dire et m'exclame :

-          Il faut qu’ils la retirent avant que tout le monde ne la voie!

Je me dirige d’un pas décidé vers l’accueil et m’adresse au réceptionniste :

-          Bonjour. J’aimerais voir d’urgence la personne en charge des images qui défilent sur l’écran géant.

-          Tout de suite madame.

Il décroche son téléphone et garde un air presque professionnel jusqu'à ce que ses yeux passent de moi à l’écran. Il les ouvre en grand, puis les pose sur Shaell, moi, l’écran …

Heureusement le responsable ne tarde pas à arriver, m’évitant d’avoir à supporter l’intense regard lubrique du jeune réceptionniste plus longtemps.

Le responsable est un homme d’une trentaine d’années, portant un costume italien qui a du lui couter les yeux de la tête, grand brun aux yeux clairs, auquel j’aurais pu trouver un certain charme si il n’était pas responsable de la destruction lente et certaine de mon temps a Las Vegas.    

 

Je vous épargne notre discussion, mais sachez juste que j’ai réussi à le faire accepter de retirer uniquement la scène du baiser en le menaçant de poursuites pour atteinte à la vie privée. Et puis le reste n’est pas si terrible. Je dirais même que je suis assez jolie. La vidéo ne me montre pas plus blonde que je ne suis, mes yeux sont d’un beau bleu et pour ne rien gâcher j’ai défié la règle qui dit qu’on prend 3kg à l’écran. Je suis un joli petit bout de femme ! 

Alors qu’on pénètre ma boss et moi dans l’ascenseur, elle siffle puis me dit :

-          Et ben ! Je suis impressionnée ! Il a cédé !

-          Oui, et vu que ça faisait que depuis cinq minutes que la vidéo avait été mise… J’imagine que personne ne l’aura vue et n’aura immortalisé le moment ! Normalement on est tranquilles ! Je suis assez fière de moi pour le coup !

-          Tu peux ! Mais t’as pas répondu !

-          A quoi ?

-          Tu trouves pas que la vidéo nous… flattait ? Que le présentateur avait raison ?

Je me retiens de lui dire qu’elle embrassant un panneau de basket serait hot, même si c’est l’entière vérité. Ok je suis pas mal pour une fille pas filmogénique, mais elle…

-          Un peu.

-          Ne soit pas si modeste ! Me dit-elle dans un clin d’œil.

J’aimerais pouvoir apparaitre aussi sûre de moi qu’elle, je trouve ça à la fois attirant et super sexy.

N’empêche que je suis étonnée. Jamais je n’aurais dit qu’elle allait prendre la chose aussi bien. Elle est pleine de surprises.

Alors que l’ascenseur ouvre ses portes à notre étage, une question me vient à l’esprit :

-          Au fait, c’est quoi le plan pour aujourd’hui boss ? Vu qu'on est dimanche et que le congrès ne reprendra que Lundi ?

-          Et bien je dirais qu’on a du temps libre devant nous, 5000 $ à dépenser et de quoi profiter de massages gratuits. Et j’adore les massages.

Je souris à l’idée de passer une journée comme celle la ! En bonne compagnie en plus. J'ai un immense sourire rêveur lorsque je dis :

-          Ça me va bien. Plus que bien en fait. Faudra juste que j’aille m'acheter un maillot de bain.

-          Pas de souci ! Je prends une petite douche rapide et on y va ?

-          Après que je me sois douchée aussi !

-          Bah bien sûr. Je m’habitue à t’avoir à mes côtés, mais je me ferais jamais à l’odeur.

Elle entre dans la salle de bain assez rapidement pour éviter que le coussin lancé à pleine vitesse ne vienne lui faire le coup du lapin.

Depuis derrière la porte, j’entends un rire étouffé puis :

-          Raté Liz, va falloir travailler les réflexes !

 

A l’instant même ou mon postérieur entre en contact avec le cuir du canapé, j’entends frapper à la porte. Intriguée, j’ouvre, me demandant qui ça peut bien être.

Mon visage ne cache pas mon étonnement à l’idée que le petit bout de femme blonde qui a ruiné toutes mes chances de m’échapper hier soir puisse oser toquer à ma porte le lendemain matin.

Mon ton est des plus froids lorsque je dis :

-          Angy. Je dois reconnaitre que t’as du cran. T’es venue pour en rajouter une couche ?

A vrai dire, je sais que je devrais limite lui être reconnaissante, sans elle jamais je n’aurais eu l’opportunité de connaître la sensation des lèvres de ma chef sur les miennes, mais quand même.

-          Bonjour. Et oui et non. Disons que c’est un petit service rendu de ma part à Shaell. Oh comme la vengeance est douce ! Et pour être tout à fait correcte avec toi qui n’a rien à voir dans nos chamailleries, je me suis dit que je pourrais t’amener ceci. Pour me faire pardonner. Je pense que ça te plaira. Je compte sur toi pour garder le secret. Exemplaire presque unique.

Je baisse les yeux pour constater que j’ai en main ce qui semble être une copie de la vidéo du baiser.

Sans demander son reste, la jeune blonde est déjà à mis chemin dans le couloir lorsque je lui cours après :

-          Comment ça presque unique ? Me dis pas que t’en as gardé une copie ?

Ma question aura pour seule réponse un haussement d’épaules, un air innocent suivi d’un clin d’œil, tandis que les portes de l’ascenseur se referment.

Forcée de constater que la discussion est close, je pique un sprint jusque dans la chambre, trouvant bien vite mon ordinateur et insérant le DVD dedans.

Ben quoi ? J’ai le droit d’être curieuse.

Voyant que le dinosaure qui me sert de portable broute, je m’agace à voix haute :

-          Dépêche toi satanée machine, avant qu’elle ne sorte de la douche !!

Finalement, mon lecteur daigne se mettre en marche.

Au vu des images haute qualité qui défilent sous mes yeux, ma rancœur envers Angy fond comme neige au soleil. Je n’osais pas trop regarder dans le hall de l’hôtel de peur que Sha ne me voie, et puis hier j’ai pas franchement profité sur le moment. Alors j’aime mieux dire que maintenant je me fais plaisir.

Je regarde la scène plusieurs fois, me faisant difficilement à l’idée que c’est vraiment arrivé.

Putain ce qu’elle est sex…

Faudra quand même qu’on m’explique pourquoi les femmes intelligentes, superbes et sympas sont toujours casées ? Et jamais avec moi en plus !

Pour une fois j’aimerais bien être l’heureuse élue.

Surtout cette fois en fait.

J’aime bien la façon dont on s’entend comme chien et chat. Et puis elle sait faire preuve d’humour…

Arrête de penser Liz, tu te fais du mal.

J’entends la douche qui s’arrête et m’empresse d’arrêter la vidéo et de supprimer toute trace de son passage. Je m’envoie vite fait la séquence par mail, histoire de pouvoir la récupérer sur mon téléphone. Quoi ? Comme ça je pourrais la regarder quand je veux !

Je remets le DVD dans sa pochette et vais le planquer dans mon tiroir à sous vêtement. Aucune chance qu’elle le découvre là et même si ça arrivait, avant de me justifier je LUI demanderais des comptes.

 

A peine le tiroir fermé, je la vois sortir de la salle de bain, immédiatement suivie d’un nuage de vapeur. Elle a un air étrange et me demande :

-          Quelqu’un est venu ? J’ai cru t’entendre parler !

-          Non non. Dis-je en prenant l’air le plus détaché possible.

Tandis qu’elle fouille dans son placard à la recherche de vêtements, je ne peux m’empêcher de remarquer les gouttes d’eaux qui roulent le long de ses jambes, la manière dont la serviette semble tenir par la simple pression exercée par sa poitrine, ses cheveux bruns mouillés qui sont encore humides… C’est fou de se dire qu’a force de l’habitude on ne remarque plus la poésie de moments comme ça. Enfin ce n’est que mon avis…

-          Ah bon… Pourtant j’aurais juré…

-          A l’époque Jeanne d’Arc aussi…

Je ponctue ma phrase d’un sourire moqueur qui répond à merveille à son regard assassin.

Profitant de l’échappatoire la plus facile, je m’engouffre dans la salle de bain et ferme la porte à double tour.

Cette fois ci, pas question de perdre mon temps. Je prends ma douche en un temps record, ayant la ferme intention de profiter un maximum de notre gain. Déjà qu'on ne va pas pouvoir se prélasser deux jours mais un seul, on a pas une minute à perdre.

Je m’imagine déjà aux mains expertes d’une superbe masseuse, qui m’enduirait d’huiles aux senteurs si délicates… Hum. Je m’égare.

Fraichement lavée, je sors quant à moi toute vêtue de la salle de bain.

Les pieds de ma boss dépassent du canapé et je m’avance pour la trouver affalée sur le cuir en train de lire ce qui semble être un magazine people.

-          J’aurais jamais dit que c’était ton genre !

Elle baisse la couverture et me jette un œil mauvais par-dessus.

-          Ça l’est pas. Je suis allée l’acheter pendant que tu étais sous la douche. Vu que c’est un magazine local, je tenais à m’assurer que notre petit « show » n’y figure pas.

-          Pas bête…. Peu convaincant mais pas bête.

-          Comment ça peu convaincant ?

Je réfléchis un instant pour répondre à sa question le plus clairement possible :

-          Et bien on est à Vegas. Je veux dire, entre les stripteaseuses et le reste, je pense qu’un baiser entre deux femmes ne va pas choquer grand monde.

-          Oui, sauf si ce baiser est suivi de l’annonce d’une possible promotion de la responsable réseau, alors qu’elle a été vue « proche » de sa supérieure… Si tu vois ce que je veux dire.

S'il y’a une chose dont je suis sûre, c’est que le choc est clairement visible sur mon visage :

-          Quand ? Qui ?

-          M. Tanner, le responsable de la section Amériques. Apparemment, Linda lui aurait téléphoné hier soir pour lui dire grand bien de nous. J’ai reçu un e-mail plus que chaleureux sur mon téléphone. Il a même fait une déclaration publique.

-          Oh… Tant mieux pour nous j’imagine.

-          Oui… Plus qu’à réussir notre coup au niveau des contacts et toi et moi allons monter en grade.

Elle me fait un sourire 10 000 Watts et se met assise pour enfiler ses chaussures.

-          T’es prête ?

-          Oui, je mets juste quelque chose aux pieds !

Une fois préparées, nous descendons rapidement sur le Strip, à la recherche d’un magasin. Finalement, on remarque une boutique à proximité de notre destination finale. Apparemment certains ont pensé à tout.

A peine entrée, je m’attends à ce que ma boss patiente à l’extérieur du magasin mais je suis bien forcée de constater qu’elle me suit.

Alors que je me dirige vers les maillots une pièce, elle m’arrache à moitié le bras pour me diriger vers les bikinis.

A mon sourcil levé, elle dit :

-          Ce ne serait pas pratique pour se faire masser.

J’avoue qu’elle n’a pas tort mais j’ai mes raisons :

-          Oui mais je préfèrerais éviter.

Ceci dit, je retourne vers la partie des rayons qui comportent le plus de tissu sans un regard en arrière. Elle ne me suit pas et je suis persuadée d’avoir gagné la bataille. Pour une fois…

Une fois les plus potables des maillots entre mes mains, je me dirige vers la cabine d’essayage.

La vendeuse me rappelle que je dois garder mes sous vêtements tout en me gratifiant d’un sourire faux cul. Qu’elle ne s’inquiète pas, il n’y a pas le moindre danger pour que je veuille aller mettre mon intimité là ou des personnes à la possible hygiène douteuse auraient pu  mettre la leur. De toute façon je compte bien laver mon maillot avant de prendre ma douche avec.

J’entre dans l’étroite cabine et referme le rideau d’un jaune criard. Le miroir qui occupe entièrement le fond de la cabine me rappelle pourquoi je n’aime pas me mettre en maillot de bain.

Je sais que c’est ridicule et que beaucoup aimeraient avoir mon corps, mais je complexe. Au moins, j’ai conscience de la bêtise du truc, c’est déjà ça.

Comme d’habitude, je psychote et jette un coup d’œil un peu partout afin de m’assurer qu’il n’y a pas de caméra avant de me déshabiller.

Le premier maillot que j’essaie est rouge, ma couleur préférée. Pourtant, à me voir dedans, j’en viens à en douter. Croyez moi, je n’ai pas l’impression d’avoir quoi que ce soit en commun avec les filles d’alerte à Malibu excepté le ton de mon maillot.

Le second est bleu foncé avec un peu de violet. Il est stylé mais ne me convient toujours pas.

Alors que je me penche pour enfiler mon 3ème et dernier choix, j’esquive de peu ce qui ressemblait étrangement à un direct du droit destiné à être en plein dans mon visage. 

A l’extrémité du bras qui aurait pu causer le décès irréversible de l’esthétique de mon nez pendouille un truc rouge.

-          Essaie ça. Me demande ma boss depuis l’autre côté du rideau avec sa délicatesse habituelle.

Mon ton dédaigneux laisse parfaitement entendre ce que je pense de son choix :

-          Que veux tu que je fasse de CA ?

-          Que tu l’enfiles !

Si elle savait ou elle peut se l’enfiler…

-          Non, je refuse de sortir habillée de ce… machin !

Pour marquer mon point, je mets mes mains sur mes hanches, ce qui est stupide étant donné qu’elle ne peut pas me voir.

-          Ça s’appelle un maillot de bain ! M'explique-t-elle comme si j’étais demeurée.

-          Merci de préciser, de là ou je suis, on aurait plutôt dit un collage entre trois bouts de ficelle et deux gommettes.

Le rideau n’est pas assez épais pour étouffer son soupir.

-          Essaie je te dis. Aie confiance, tu verras.

Maugréant, je daigne enfiler cette chose.

Une fois cela fait, je me retourne pour connaitre le verdict final de mon « ami » le miroir.

Oh.

Ok

Pas mal.

Alors que je reste là, à me contempler et à me trouver potable le rideau derrière moi s’ouvre en grand dans un évident manque de délicatesse à mon égard.

Mes bras viennent immédiatement couvrir les parties les plus exposées de mon anatomie tandis que je clame, offusquée :

-          Nan mais oh ! Et si j’avais été nue ?

-          Et bien j’aurais pu encore mieux t’aider à choisir un maillot qui convienne à ta morphologie… Bien que pour le coup… mon œil expert ne m’a pas trompée on dirait.

Je me tortille pour échapper a l'inspection dont je fais l’objet et tente d’ignorer le fait que mon corps est semi nu.

-          Roh mais laisse moi voir. Je te rappelle que je suis une femme aussi. Et en plus étant donné que tu ne sortiras pas de cette boutique avec un maillot une pièce, du moins pas tant que je serais en vie, je vais forcément te voir dans une tenue similaire.

Ceci dit, elle pousse tranquillement mes bras, m’exposant à son regard.

Pendant quelques instants, à défaut de verdict de sa part, j’ai droit à un silence long, lourd et gênant.

Finalement, elle prend la parole :

-          Wow… Tu es…

Je relève un peu la tête pour jauger de la sincérité des paroles qui vont suivre.

-          …. Complètement crétine de ne pas mettre ça  en valeur. Pourquoi on dirait que tu te caches dans tes vêtements au quotidien alors que tu as un potentiel pareil ? Dit-elle en désignant mon corps d’un mouvement.

Ok, ce n’est pas franchement le genre de compliment que j’attendais mais je vais m’en accommoder.

-          Sérieusement Liz… Tu es superbe... Tu en fais ce que tu en veux mais je crois que tu devrais le prendre ! Rien que pour rendre toutes les autres femmes jalouses ! Et puis le rouge fait ressortir tes yeux je trouve. Ça les fait paraitre encore plus bleus, c’est vraiment joli. T’en dis quoi ?

Elle ponctue sa phrase en tapotant joyeusement dans ses mains. Je suis quant à moi trop occupée à crouler sous les compliments inattendus que j’en oublie de répondre. En plus j'ai la réponse sur le rouge qui fait ressortir mes yeux ! Je le savais !

Et puis croyez-moi… Même si je ne l’ai vue qu’habillée (dieu merci je ne pense pas que mon cœur fragile supporterait), je suis déjà sûre et certaine qu’une des femmes ne sera pas jalouse de mon corps aujourd’hui.

-          Je vais y réfléchir, laisse-moi essayer le dernier.

-          Ok comme tu veux. Mais sache que je ne changerais pas d’avis. Il va falloir que tu me passes sur le corps si tu comptes sortir d’ici en monokini !

Lui passer sur le corps ?  :-D

Ce serait avec plaisir… Mais pas dans le sens ou elle l’entend.

Une fois l’horrible rideau jaune protégeant mon intimité remis en place, je me tourne vers la glace, me regardant de haut en bas.

J’ai pas envie d’essayer mon dernier maillot. Elle a bon goût, il me va vraiment bien. Le haut à les bretelles entrecroisées dans le dos et un genre de lacet à l’avant me fait un super décolleté… quant au bas, une seule question demeure : comment elle connaissait ma taille ?

Pendant un instant j’ai peur pour le DVD niché dans mon tiroir à sous vêtements, avant de réaliser que c’est ridicule. Je la vois très mal farfouiller dans mes dessous comme un pervers en manque.

-          Bon, qu’est ce que je fais ?

Je pose la question tout bas et à personne en particulier. Si le miroir connait la réponse, il se garde bien de me la dire et du coup je dois répondre à ma question toute seule. 

Finalement je décide que je peux bien laisser mon esprit de contradiction de côté si cela me permet de renouer avec la confiance en moi.

Je sors défaite et fourre le maillot dans les bras de Shaell en disant :

-          T’as gagné, je vais les ranger.

Elle s’abstient de commenter, mais son petit sourire en dit long.

Je paie et nous sortons toutes les deux dans l’air chaud.

-          Je ne vais pas être fâchée de profiter de l’eau, c’est moi qui te le dis !

Oh que oui ! Moi non plus !

On arrive bien vite au bâtiment de la Thalasso. A peine entrée, je suis déjà plus détendue. L’air à un parfum de Jasmin ou de Lys, je ne sais pas mais ça me calme. Avec ce qui m'est arrivé depuis que j’ai posé le pied à Vegas, la perspective de décompresser me paraît tout ce qu’il y’a de plus attrayante.

Une femme vient à notre rencontre et nous donne immédiatement deux pass valables pour la journée entière.

Alors qu’on pénètre dans les vestiaires, Shaell me murmure :

-          Ils ont du communiquer nos photos. Elle nous a reconnues, c’est impressionnant !

-          Oui… Pourvu qu’ils n’aient pas envoyé la vidéo.

Elle fait une drôle de tête et rentre dans une cabine. Je ne prends pas celle immédiatement à côté, ayant trop peur d’être tentée de jeter un coup d’œil en dessous de la séparation. Une fois en sous vêtements, je m’enroule dans ma serviette et vais laver le maillot de bain dont je suis l’heureuse propriétaire. Alors que je frotte comme une démente, j’entends sur ma droite :

-          Qu’est ce que tu fabriques au juste ?

J’aurais aimé répondre, si tous mes neurones n’avaient pas trouvé de plus verts pâturages ailleurs.

Devant moi se trouve ma boss, dans un maillot de bain blanc qui fait ressortir son léger bronzage. Aucun de mes deux yeux ne s’arrête lorsque mon cerveau envoie le message « stoppez l’observation immédiatement ! ». Je la parcours du regard des pieds à la tête, gravant chaque courbe, chaque muscle, grain de beauté dans ma mémoire.

Elle est sublime.

Je suis sortie de mes songes par le bruit d’un vêtement mouillé qui s’écrase au sol et je réalise que j’ai lâché mon maillot. Le fait de me pencher pour le ramasser m’offre l’occasion de me refaire une contenance.

Elle m’a forcément captée mais ne me fait pas remarquer que je l’ai fixée de façon impolie, se dirigeant vers les casiers.

J’effectue une rapide retraite dans ma cabine et me change, frissonnant au contact du vêtement mouillé sur ma peau.

De l’autre côté de la porte, elle me dit :

-          Quand t’as fini passe tes affaires, j’ai pris un casier dans lequel il y a largement assez de place.

Ma main attrape le sac que j’avais laissé sur le banc et lui passe par-dessus la porte. J’attends d’être sûre qu’elle s’est éloignée avant de sortir de la cabine. Je me dirige directement sous la douche, espérant que l’eau enlèvera un peu de ma gêne.

La piscine me fait toujours un bien fou, les thermes encore plus, mais j’y vais rarement, je suis souvent trop crispée à l’idée d’être en maillot de bain en public.

27 janvier 2012

Chapitre 18

Chapitre 18 : Le grand départ

 

Le son que produit le diable aux yeux rouges me réveille. Duh ! Pourquoi j’ai emporté cette diabolique machine ?

Parce que la voix nasillarde du réceptionniste serait pire, souviens-toi du service de réveil de l'hôtel...

Mais à part ça ?

Dans un grognement, j’éteins mon réveil et me frotte les yeux.

La première chose qui me vient à l’esprit est que je suis loin d’avoir eu mon quota d’heures de sommeil. TRES loin.

La seconde pensée qui atteint mon esprit embrumé est pourquoi j’ai peu dormi.

Je souris à l’idée, me souvenant de ce qui s’est passé hier soir… et qui s’est poursuivi toute la nuit. 

Je me demande si je vais un jour pouvoir m’arrêter de sourire.

Shaell.

Shaell Mackenzie et moi.

Huhu !

Je m’étire et c’est une fois le bras tendu que je réalise que quelque chose que je devrais sentir n’est pas là. Et par « quelque chose » j’entends « le corps de celle qui m’a fait l’amour toute la nuit ».

Je tâte le lit avec inquiétude. Pas le moindre endroit plus chaud qu’un autre.

Pleinement réveillée, je bascule me jambes de manière à m’extirper du nœud que j’avais fait dans les couvertures. Je me dirige vers la salle de bain, frissonnant au contact de l’air frais.

Après tout, peut-être qu’elle est partie me chercher des pâtisseries !

Je souris à cette idée et m’installe sur le trône, quand quelque chose capte mon attention.
Mon sourire s’évapore en constatant que sa trousse de toilette n’est plus à côté de la mienne.

Autant pour les croissants.

Je finis mon affaire, me lave les mains et cours jusqu’à son placard.

Vide.

Evidemment.

C’était trop beau.

Je claque la porte.

-          Merde ! Putain !

Je prends ma tête entre mes mains et vais m’asseoir sur le lit.

Réfléchis.

Il s’est passé quoi ?

Je me revois la caressant, ma bouche, mes doigts parcourant son corps. Je me rappelle le goût de ses baisers, la façon dont elle réagissait à mon toucher…

Ok.

Stop.

Je me fais du mal.

Un coup d’œil au réveil m’indique que je n’ai pas franchement le temps de me morfondre davantage si je ne veux pas rater mon avion. 

Je prends une douche rapide, effaçant toute trace de cette nuit, ignorant les picotements là où l’eau chaude rencontre ma peau brûlée par le tapis.

Je m’habille avec hâte et termine de remballer mes affaires personnelles.

Elle n’a même pas laissé de petit mot.

Je prends la clé électronique, jette un dernier coup d’œil à la chambre, à la baie vitrée… Et ferme la porte. Je me rends à la réception et dépose la clé, prenant la peine de demander au type à l’accueil s’il faut régler quelque chose. Comme je m’y attendais, elle s’est déjà chargée de tout.

 

Je résiste à l’envie de me planquer en apercevant Mattéo et Angy un peu plus loin. Étant donné que j’ai passé l’âge de jouer à la cachette, je m’efforce d’être civilisée et leur adresse un petit signe de la main.

Et merde, Angy court vers moi.

Ma politesse me perdra.

J’ignore royalement l’envie qu’ont mes jambes de se mettre à courir et m’efforce de rester sur place.

-          Coucou !

-          Salut Angy.

-          Je voulais te demander… Ce… Ça va ?

Je souris bravement et acquiesce, sachant très bien que tout ce qui sortirait de ma bouche sonnerait faux. Visiblement, pas besoin de parler pour me faire griller puisqu’elle se pince les lèvres et à un petit air désolé.

-          J’ai vu Sha ce matin…

Je lève ma main immédiatement pour l’empêcher d’en dire davantage. Je devrais être curieuse, à vrai dire je voudrais certainement des explications un peu plus tard, c’est juste que….

-          S’il te plait, pas maintenant.

Elle baisse la tête, puis attrape son sac, griffonne un truc sur un bout de papier et me le tend :

-          C’est mon numéro. Je… Je suis peut-être pas la mieux placée mais… Enfin… Appelle-moi. S’il te plaît.

Je lui souris et fais un signe de la tête. Après tout, mis à part un besoin quasi-pathologique de dire à voix haute ses pensées sans tact aucun, elle est plutôt sympa.

Elle m’attire à elle dans une brève accolade et me chuchote à l’oreille :

-          Quoi qu’il se soit passé, t’en fais pas, ça va s’arranger.

Je souris, lui tapote l’épaule et me retourne immédiatement. Je ne veux pas en parler. En plus, elle n’a pas l’air de savoir grand-chose, même si on ne sait jamais avec elle.

La route jusqu’à l’aéroport est ennuyeuse au mieux. Cette fois ci, ma boss ne m’a pas laissé l’occasion de lui broyer une cuisse.

Peut-être que je la verrais à l’aéroport.

Je ris de ma propre stupidité.

Mais bien sûr.

Avec un bouquet de fleurs tant qu’on y est.

Je vais enregistrer mes bagages et tente ma chance au guichet :

-          Excusez-moi, est ce que Mlle Mackenzie, placée juste à côté de moi s’est déjà enregistrée ?

-          Vous êtes de la famille ?

Je réfléchis rapidement et dit d’une voix moins convaincante que ce que j’aurais souhaité :

-          Euh… Oui ?

La guichetière me regarde d’un air parfaitement blasé, levant un sourcil devant mon évident mensonge :

-          Enfin de… la famille des homo-sapiens.

Mon petit sourire ne marche pas davantage que ma tentative d’humour. J’imagine que je vais devoir patienter pour avoir la réponse. 

 

Après le vol le plus long de l’histoire et sans personne pour me réconforter, l’avion atterrit sur la piste.

Je laisse échapper un souffle que je n’avais pas conscience d’avoir retenu.

L’attente au tapis roulant est interminable et ma superbe valise fait son apparition en bonne dernière. Le fait qu’elle ne soit pas là pour se moquer de moi me rappelle son absence.

Je savais que ce voyage n’était pas une bonne idée.

Je sors dans le hall de l’aéroport en trainant des pieds, n’ayant strictement pas envie de retourner dans mon appart désespérément vide.

A ma grande surprise, un tourbillon dans une robe blanche à pois verts pomme se jette sur moi à peine les portes automatiques passées. J’essaie de garder un maximum d’air au cas où cette accolade forcée dure plus longtemps que prévu. Après un temps bien trop long pour que mes os n’aient aucun dommage irréversible, Steph relâche sa prise et se recule !

-          Surprise !!!!!

Ses cheveux bruns virevoltent dans les airs tandis qu’elle sautille devant moi, surexcitée.

-          Coucou.

Elle m’inspecte de haut en bas, me secouant comme un prunier et prend une inspiration surprise en voyant l’état de mon coude.

-          Elle t’a battue ? Je le savais ! Je te l’avais bien dit !

Je bouge mon bras de manière à le libérer de son emprise et me met à marcher en direction des taxis :

-          Ouh, quelqu’un s’est levé du mauvais pied !

Ça…

-          Il s’est passé quoi ?

Je continue ma route sans prendre la peine de répondre :

-          Oh allez quoi ! Je suis venue jusqu’ici pour avoir les ragots les plus frais ! Tu ne vas quand même pas me faire attendre !

Mes yeux se ferment et je fais de mon mieux pour ne pas m’en prendre à elle. Après tout elle n’a rien fait, mis à part être fidèle à elle-même.

Apparemment, même sans parler j’en dis long puisque quand j’ouvre les yeux, je me retrouve nez à nez avec son index, bien trop près de mon visage pour que mes yeux ne louchent pas et elle me marmonne un « attends » en farfouillant dans son sac.

Elle finit par en sortir un chewing-gum et me le passe :

-          C’est pour quand il y’en a marre.

Je n’arrive pas à retenir un sourire et lève un sourcil. Elle me regarde et dit d’un air parfaitement naturel :

-          Quoi ? Pour moi ça fonctionne ! Allez viens, je te ramène.

Je finis par la suivre. Après tout, j’ai dû atteindre la limite de ma carte de crédit fournie par l’entreprise dans le taxi tout à l’heure. Et le bus, endroit où je pourrais être amenée à rencontrer des gens, des couples même, ne me tente pas tellement. Allez savoir pourquoi !

Je monte dans sa petite voiture et déplace l’énorme paquet de bonbons pour pouvoir m’asseoir sur le siège passager.

-          C’était au cas où tu voulais faire la fête.

Dit comme ça… L’intention était charitable, louable même… Mais pour le coup j’ai pas tellement envie.

Une fois dans la voiture, je subis l’intégrale d’Annie Cordy et m’efforce de ne pas piquer un sprint jusqu’à ma porte d’entrée une fois arrivée chez moi.

Mon appartement est tout sombre. Ça tombe bien, mon humeur n’est pas mieux.

Je me retourne et vois que Steph est toujours à la porte, comme une espèce de vampire qui aurait besoin d’une invitation pour entrer.

Elle se balance d’un pied sur l’autre et me dit d’un air hésitant :

-          Je crois que je vais te laisser.

-          Tu peux rester si tu veux.

Je crois qu’elle sait que j’ai dit ça sur ce ton si particulier. Celui avec lequel on dit quelque chose plus par politesse que parce qu’on le pense. Comme quand on doit deviner l’âge d’une personne un peu trop mûre.

-          Non, t’as eu un long voyage et le séjour à pas dû être de tout repos. Je vais te laisser récupérer.

-          Ok, comme tu veux.

-          Si t’as besoin…

-          Je sais où te trouver, t’inquiète pas.

Elle m’offre un sourire plein de joie, qu’elle est la seule à réussir. Je veux dire, normalement, y’a que dans les pubs de dentifrice qu’on voit autant de dents. Le pire, c’est que le sien est contagieux. Mes lèvres s’étirent en un genre de grimace, supposément rassurante.

Elle m’observe quelques secondes encore, son sourire vaillamment en place. Elle s’apprête à se retourner quand je l’interpelle :

-          Et Steph ?

-          Oui ?

-          Merci.

Elle me fait un clin d’œil qui, j’espère, n’est destiné qu’à ses amis -étant donné que l’ouverture de bouche et l’exagération du geste n’est pas franchement attirante- et retourne à sa voiture.

Elle klaxonne comme une furieuse, histoire de s’assurer que tous les voisins sont au courant de mon retour et s’en va dans un crissement de pneus.

Je reste à sourire à la porte pendant une bonne minute et me décide à rentrer.

Il me faut un bon bain. Y’a que ça de vrai.

 

*          *          *          *          *

 

Ce matin est venu bien trop vite à mon goût. Techniquement, je devrais avoir un peu de temps pour me remettre, c’est le rituel en cas de retour de voyage d’affaires, mais il faut finaliser les accords qu’on a conclus et faire un débriefing avec l’équipe.

J’envisage d’appeler le boulot et dire que j’ai contracté la peste bubonique dans l’avion, ce qui, à mon sens, constitue une excuse acceptable pour justifier mon absence.

En plus, Shaell ne pourrait rien dire, elle n’était pas dans cet avion. Paraît qu’on met deux à cinq jours pour s’en remettre avec les bons médicaments. Des petites vacances improvisées me tenteraient bien.

Secouant la tête, j’ajuste mon tailleur et me regarde une dernière fois dans le miroir.
Comme d’habitude, les mêmes yeux bleus me fixent dans le reflet, les mêmes cheveux blonds… vu de l’extérieur, je n’ai pas changé. En réalité, je suis loin de me sentir aussi bien que ce que ma bonne mine laisse penser.

Décalage horaire, pfiou, des broutilles !

Je mets peu de temps pour trouver une place, qui en plus est assez proche de l’entrée. Le soleil brille.

 D’habitude, j’aurais dit que c’est le présage d’une bonne journée.

Là je me dis juste que le sort s’acharne et veut s’assurer que je sois à l’heure. Il n’y a jamais de déluge verglaçant quand ça nous arrange.

Je rentre dans l’imposant immeuble et me dirige directement vers les escaliers. Inutile de prendre le risque de me retrouver à devoir faire la discussion à un collègue un peu trop curieux. Je préfère encore prendre les escaliers.

Après tout, on n’est qu’au 8ème étage.

Arrivée au 2ème, essoufflée et à la limite de transpirer, je réalise la faille dans mon pourtant génialissime plan. Ça ne m’empêche pas de continuer pour autant.

J’arrive à mon bureau sur les genoux. Littéralement.

Je crois que j’ai usé la semelle de mes escarpins dans les escaliers. D’ailleurs je tiens à me plaindre ! Celui qui a eu l’idée de mettre des talons aux chaussures, n’a JAMAIS eu à montrer huit étages avec. Ou alors, il l’a peut-être fait et en est mort avant d’avoir pu dire au monde entier de ne pas le faire !

Hum… Ça se tient.

Je ferme la porte de mon bureau, que je laisse d’ordinaire toujours ouverte.

J’espère qu’ils vont comprendre le message. S’ils veulent me voir, ils n’ont qu’à regarder à côté de la porte. Après tout, avec autant de baies vitrées, mon bureau ressemble plus à un grand aquarium qu’autre chose.

Plutôt que de bosser ou de préparer mon débriefing comme il se doit, je choisis de bouder, option Freecell. Faut bien montrer à Steph qui est la patronne. Même si techniquement ce n’est pas moi, je me comprends.

Loin d’être gênée par mon manque de professionnalisme, j’attends qu’on vienne me chercher pour aller à la réunion plutôt que de m’y rendre moi-même.

Je n’ai pas la moindre envie de rejoindre ma chef dans cette pièce. Mais bon, on ne m’a pas demandé mon avis.

Je rentre dans la salle de réunion et salue mes collègues d’un geste de la main, me contentant d’un « madame » et d’un hochement de tête en direction de Shaell.

Elle porte un tailleur bleu marine qui met ses formes en valeur, cintré pile comme il faut. Je détourne le regard de son corps rapidement, plus parce que ça me fait du mal que parce que j’ai une audience.

Aujourd’hui, je n’ai rien à foutre de rien.

Elle commence sa présentation comme si de rien n’était, mettant en évidences les points du projet sur lequel on a avancé. Elle tourne régulièrement la tête entre le graphique projeté au mur et l’audience, ce qui me laisse apercevoir une partie du suçon que son petit foulard blanc ne couvre pas si bien que ça.

Je n’ai franchement pas besoin de ça pour me souvenir de ce qui s’est passé.

Quand vient mon tour de parler, je réalise que ma petite grève inopinée n’était peut-être pas très judicieuse.

Bah… Après tout… Qu’est-ce qu’elle peut me faire, me virer ?

Je rigole à cette idée. Elle ne prendrait pas le risque de se faire mettre à la porte au passage si je la dénonce.

Quand les ¾ des collègues commencent à me regarder d’un drôle d’air, je percute qu’il est temps pour moi de cesser de rire de mon propre cynisme et de me mettre à parler.

Je fais une présentation qu’on pourrait qualifier de brouillon au mieux et termine en demandant si quelqu’un à des questions d’un ton qui signifie clairement qu’il ne vaut mieux pas.

Ayant le silence pour seule réponse, j’imagine que j’ai été claire. Après tout, ma boss avait peut-être raison en disant que rien que d’avoir survécu à ses côtés pendant une semaine me vaudrait leur respect.

Survécu… A peine.

Je remercie sèchement l’ensemble des personnes présentes et suis la première à quitter la pièce.

D’ordinaire, après une scène pareille, on peut s’attendre à voir la chef apparaitre dans la minute. Sauf que je sais qu’elle ne viendra pas. Après tout, elle a passé la majeure partie de son temps à éviter mon regard ce matin, ça m’étonnerait qu’elle cherche à me parler.

Et si c’est le cas, je risque de la recevoir, supérieure ou pas.

Un sourire forcé fait son apparition sur mes lèvres tandis que je mets mon fauteuil en position détente.

Peut-être deux minutes s’écoulent avant qu’on ne toque à ma porte. Étant donné que je ne faisais pas attention et que c’est le seul endroit qui ne soit pas transparent, je ne vois pas qui a l’audace de me déranger. Si c’est elle, elle a plus de coucougnettes que ce que j’ai vu l’autre soir.

-          Oui.

La porte s’ouvre suffisamment lentement pour que je devine que Steph n’avait absolument pas hâte que je réponde. Elle m’a vue à la réunion et sait que quel que soit mon problème, il n’est pas résolu.

-          Coucou.

Elle ferme la porte d’un air hésitant, comme si elle s’enfermait dans la fosse aux lions.

-          Salut.

Je montre clairement que je n’ai pas l’intention d’engager la conversation en continuant ma partie de Freecell.

-          Je viens de la part de la dé-… hum… de la boss.

-          Tu peux l’appeler comme tu veux.

Un sourire dénué d’humour vient se placer sur mes lèvres. Je le savais, ça joue les dures mais c’est que du vent, on envoie les autres se faire taper à sa place.

-          Elle m’a…

Elle s’arrête et me demande tout à coup :

-          Tu veux pas m’en parler ?

-          C’est pas franchement l’endroit.

-          C’est pas l’endroit pour ça non plus.

Elle ponctue sa réplique d’un doigt pointé sur mon jeu.

-          Tu le fais bien.

-          Je travaille au service informatique ! Vois ça comme une manière de m’assurer que je suis la seule à savoir contourner les barrières mises sur le pc !

Pour la première fois de la journée, je rigole. Comment elle fait ça ?

-          Tu veux quoi Steph ?

-          Déjà que t’arrêtes de faire la gueule, t’as l’air plus déprimée qu’un basset hound !

-          Qu’un quoi ?

-          Le chien télé Z ! Suis un peu !

-          Je suis pas déprimée !

-          Déprimée, dépressive, fâchée, du pareil au même. On aurait dit son clone là-bas !

Je ne trouve rien à répondre à ça, après tout je ne l’ai pas volé.

Il y a une petite part de vérité.

Toute petite.

-          En quoi ça te dérange ?

Elle attache ses cheveux en une queue de cheval, certainement parce que je lui ai dit un jour que ça faisait maitresse d’école et commence à compter sur ses doigts :

-          Duh ! De un t’es mon amie, de 2 ça m’agace, de 3 ça me coupe l’appétit ! Et si je n’arrive pas à déguster mon cappuccino glacé du matin, je suis bonne à rien au boulot !

Elle marque un point. Elle doit plus tenir à moi que ce que je n’aurais cru. Je suis un peu fière d’être capable de m’immiscer dans la relation fusionnelle qu'entretient Steph avec sa nourriture.

-          Alors ce soir, que tu le veuilles ou non, nous discuterons jeune femme !

Elle fait demi-tour et effectue une sortie théâtrale. Je me lève rapidement et cours la rattraper.

-          Attends, tu voulais me dire quoi ?

Elle tape du pied et retourne dans mon bureau, croisant les bras et l’air infiniment contrariée :

-          J’avais fait une sortie magistrale, t’as tout gâché ! Pi regarde le, il se liquéfie !

Elle pointe du doigt son bureau, sur lequel trône un cappuccino glacé recouvert de condensation.

-          Je croyais que je te coupais l’appétit.

-          J’étais guérie.

Elle continue de bouder et fais un nouveau signe en direction de sa gâterie, comme désespérée.

-          Bref, le message.

-          Ouais, elle m’a dit de venir te dire que tu pouvais rentrer chez toi.

Ma bouche s’ouvre dans un « O » parfait.

La salo** !!

-          Elle croit quoi, que je vais et viens à son bon gré ?

Steph pose une main sur mon épaule et me dit d’un air extrêmement sérieux :

-          Crois-moi, je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, mais elle avait l’air désolée. Elle a quelque chose à voir avec ton état ?

Je lui envoie un regard de tueuse qui lui donne toutes les réponses qu’elle a besoin d’avoir.

-          Je m’en doutais. Et n’essaie pas de m’impressionner, je pourrais bien botter ton petit cul maigrelet je te signale !

Je n’arrive pas à retenir le petit rire qui me vient spontanément aux lèvres. Cette femme à un don pour me remonter le moral malgré elle. Voyant que je ne réponds pas, elle continue :

-          Bref ! Maintenant que ma supériorité est prouvée, je vais te dire ce que j’en pense et t’en fais ce que tu veux : M’est avis qu’elle se sent un peu coupable et responsable. Comme quoi elle a une conscience après tout.

Mouais.

Permettez-moi d’en douter.

Avant que je puisse faire une remarque sur le genre de remords que je pense Shaell capable d’avoir, elle ajoute :

-          Et elle n’est pas la seule à penser que tu devrais rentrer chez toi.

Elle se redresse et s’auto-pointe avec son pouce, me jetant un regard défiant.

Ok ok.

Je ne vais pas la contrarier.

-          Très bien, je vais rentrer.

-          Merci. Contente que tu entendes ENFIN raison. Bon allez je te laisse, à tout à l’heure !

-          Mais Steph t-

-          Je ne veux rien savoir ! N’essaie pas de mettre fin à la vie de mon cappuccino glacé, tu le regretterais ! A tout à l’heure et puis c’est tout !

Mes yeux suivent mon amie en train de faire ce qui ressemble à un sprint en direction de son bureau. Je la regarde essuyer la condensation avec amour avant de porte la paille à ses lèvres, une expression de pur bonheur sur le visage.

J’imagine qu’il est trop tard pour la changer !

Je ramasse le peu d’affaires que j’ai apporté avec moi ce matin et m’apprête à partir. Après tout, même si mon égo n’apprécie pas l’attention, mon corps devrait.

Je plonge ma main dans mon sac à la recherche des clés de voiture. Comme toujours, elles ont été se fourrer dans un endroit complètement différent de là où je les avais déposées, m’obligeant à regarder.

Le bout de papier sur lequel Angy à écrit son numéro attire mon attention. Je le fais tourner entre mes doigts quelques instants.

Oh, et après tout, pourquoi pas ?

J’attrape le téléphone de mon bureau et entre le code pour sortir de l’immeuble avant de composer le numéro de la blonde.

Elle décroche au bout de deux sonneries :

-          Allo ?

-          Salut, c’est Liz.

-          Oh coucou ! J’avoue que je n’étais pas sûre que t’allais appeler.

-          Pour être franche, moi non plus !

Je souris dans le combiné et finis par demander :

-          Vu que Shaell m’a donné ma journée par messager interposé, je me demandais si tu voulais toujours discuter ?

Elle ne prend pas le temps de réfléchir et répond immédiatement :

-          Pas de problème ! Aujourd’hui ?

-          Euh, pourquoi pas, si t’as le temps !

-          Je suis en vacances, mon emploi du temps n’est pas trop chargé, je pense pouvoir m’en sortir ! Tu veux qu’on se retrouve où ?

-          Comme tu veux.

-          Hum… Laisse-moi réfléchir…

Elle marque une pause et j’imagine qu’elle fait exactement ce qu’elle vient d’annoncer. Au bout d’un temps trop court pour qu’elle soit une vraie blonde, elle demande :

-          Tu comptais faire quoi cet aprem si t’avais pas appelé ?

-          Probablement larver sur le canapé.

-          Si tu veux on peut larver à deux.

-          Ça me va. Chez moi ?

Je l’entends faire un petit rire vicieux et je préfère ne pas savoir à quoi elle pense.

-          Ok ! Manque plus que ton adresse !

Je lui donne les indications pour se rendre chez moi et me dirige vers les ascenseurs. Personne n’osera me parler de toute manière. 

 

[Dans l’après-midi]

La sonnette m’avertit qu’Angy vient d’arriver. Je m’efforce de prendre une certaine contenance et ouvre la porte. Faudrait pas qu’elle croie que j’ai fait la gueule toute la journée. Même si c’est exactement ce qui s’est passé.

-          Coucou !

-          Salut ! Ça va t’as trouvé facilement ?

-          Sans souci !

-          Je pourrais peut être me reconvertir en GPS alors !

Elle m’offre un super sourire et entre dans mon appart. Je vois que ses yeux se posent à peu près partout alors je lui offre un petit tour des lieux.

-          Sympa, tu as bon gout !

-          Merci !

Elle s’installe sur mon canapé, l’air super décontractée. Je lui propose un truc à boire et revient avec nos verres.

Une fois installée à l’autre bout du canapé, je réalise que je n’ai pas la moindre idée de conversation. Finalement, c’est Angy qui prend la parole.

-          Ça va ?

-          Ouais.

Je sais qu’elle ne me croit pas mais elle ne relève pas mon mensonge et se contente de demander :

-          Je peux te demander ce qui s’est passé ?

Mes yeux vont se poser sur elle, comme si j’allais voir quelque chose que j’aurais manqué les fois précédentes. Ce sont toujours les mêmes yeux bleus qui me fixent, le même visage finement dessiné… Lance toi Scott, tu l’as appelée, vas jusqu’au bout des choses :

-          Quand t’es partie l’autre soir…

-          Tu peux passer cette partie-là, je pense avoir correctement deviné la suite des évènements. Mais après, enfin je veux dire, pourquoi ? Y’a eu quoi de spécial ?

Je baisse la tête et cherche pour la millionième fois une raison. J’ai beau repasser les souvenirs de cette nuit dans ma tête, mis à part avoir vénéré chaque partie de son corps, je ne vois pas.

-          Rien. Enfin je crois pas ! T’as dit que tu l’avais vue, elle t’a rien dit ?

-          Je l’ai vue, je lui ai pas parlé !

-          Pourquoi ça ?

Ses yeux quittent les miens et il ne faut pas sortir de Saint Sir pour deviner qu’elle se demande si elle peut me dire ce qu’elle a vu. J’essaie de l’encourager en disant :

-          Je n’irai pas lui raconter ne t’en fais pas.

-          C’est pas ça, c’est juste… C’était bizarre. Je l’ai vue débouler dans le hall avec sa valise, les larmes aux yeux. Elle m’a fixée pendant un moment, a parlé au type à l’accueil et est partie.

Mes sourcils se lèvent malgré moi.

Elle pleurait ?

-          Comment ? Enfin je veux dire pourquoi ?

Angy rigole et me dit :

-          Je comptais sur toi pour me le dire !

-          Bah… Il s’est passé ce qui s’est passé…

Je maudis mon corps en sentant la chaleur envahir mes joues. C’est pas seulement son amie mais aussi son ex. Bref ça me met mal à l’aise.

Elle me fait signe de continuer dans un sourire en coin.

-          A mon réveil, elle était partie.

-          Et elle avait rien laissé ? pas de petit mot sur l’oreiller ou autre ?

-          Non. Crois-moi, j’ai cherché.

Elle fronce les sourcils et semble dubitative. Peut-être qu’elle ne me croit pas.

-          Ça ne lui ressemble pas. C’est… bizarre.

-          Toujours est-il qu’elle l’a fait.

Elle remet une mèche de cheveux blonds derrière son oreille et lisse un instant un pli imaginaire sur son petit haut avant de demander :

-          Tu l’as vue aujourd’hui ?

Je hoche la tête et elle fait une grimace, comme si elle avait peur d’entendre ma réponse avant de me questionner :

-          Elle était comment ?

Je ne peux m’empêcher ma voix de prendre cet air énervé en disant :

-          Il aurait fallu que je la voie pour ça.

-          Comment ça ? Tu viens de me dire que tu l'as vue ! T’as été au boulot ou pas ?

Elle s’approche de moi et pose une main sur mon épaule, visiblement inquiète :

-          J'y ai été ! C’est juste que… Elle n’était même pas foutue de me regarder et elle a envoyé une amie à moi pour « m’inviter à regagner mon domicile ».

-          Ah…

Comme tu dis Angy… Ah…

Je prends une profonde inspiration et tente de ne pas montrer l’importance de ma frustration. Malgré tout, je ne peux pas m'empêcher de dire :

-          Je trouve ça dégueulasse. Elle… Je veux dire elle se tire sans un mot et le surlendemain elle est toujours pas… Argh… Je pensais pas qu’elle me ferait un coup comme ça.

-          Je comprends.

Elle me fait une sorte d’accolade un peu tendue et me sourit, un air désolé sur le visage. Je commence à me dire quelque chose :

-          T’es peut être pas la personne la mieux placée pour en parler….

Ses yeux parviennent à merveille à me faire comprendre à quel point ma remarque est jugée débile et elle m’annonce directement la couleur :

-          Chérie, même si Sha est mon amie, je sais reconnaître un coup de pute quand j’en vois un !

Quand je parlais de son côté franc… Cette femme ne connaît pas la censure, c’est déjà ça !

-          Le pire c’est que je sais pas pourquoi… Fin je veux dire, je pensais qu’on s’entendait bien !

-          Je sais et… Enfin je veux dire je sais qu’elle t’apprécie, c’est ça le pire !

-          Comment tu peux savoir ça ?

-          J’ai des yeux et elle me l’a dit.

-          Quand ?

-          Avant de partir. Elle était et je cite « contente à l’idée d’avoir l’occasion de la découvrir un peu plus ».

Un rire amer m’échappe. C’est un chouïa plus « qu’un peu » qu’elle a découvert de ma personne ! 

-          Ça ne prouve pas qu’elle m’aime bien.

-          Bon très bien, elle me l’a dit l’autre jour aussi.   En plus, je crois que même toi tu as remarqué comment elle réagissait quand quelqu'un s'approchait un peu trop près de toi. Satisfaite ?

Est-ce que je suis satisfaite de savoir que celle de qui je suis tombée amoureuse et qui m’a plantée après m’avoir fait l’amour toute une nuit « m’apprécie » ?

Non.

Bien sûr que non.

Je prends mon verre et avale quelques gorgées de coca, me donnant une contenance.

-          Bon… Ça te dit pas de se mater un truc plutôt que de déprimer ?

Angy fait un signe de la tête en direction de l’écran plat. Je dois avouer que cette « discussion » remue le couteau dans la plaie plus qu’autre chose, alors il ne me faut pas longtemps pour répondre : 

-          Ouais. Une préférence ? DVD ou télé ?

-          DVD, on est en fin d’aprem, faut pas rêver. Y’a aucun programme potable à cette heure.

-          Ça marche ! Tout est là…

Je pointe mon étagère remplie à ras bord de DVD comme si ça n’était pas évident que c’est là que se trouvent mes films.

Je la laisse faire son choix tranquillement, étant donné que j’ai vu chacun de ces films une bonne centaine de fois. Finalement, c’est « Basic Instinct » le grand élu. Je mets le DVD en route et vais fermer les volets.

-          Ambiance Night-Club !

Je souris à la remarque d’Angy et vais m’asseoir à l’autre bout du canapé. A la lueur de l’écran, je la vois lever les yeux au ciel, m’attraper un bras et me tirer jusqu’à elle.

-          Qu’est ce qu-

-          Chut. Moi je dis que t’as besoin de réconfort, alors tu te laisses faire et c’est tout.

Elle semble très sûre d’elle, ses yeux bleus à nouveau fermement plantés en direction de l’écran.

Je ronchonne tout bas quelque chose à propos d’elle qui essaie juste de profiter de ma faiblesse mais ne bouge pas d’un pouce. Après tout, elle n’a pas tort.

J’essaie de me concentrer sur le film, même si je n’ai pas l’esprit à ça.

Je me laisse aller et pose ma tête sur son épaule. Je la vois sourire tandis qu’elle resserre son bras autour de moi. 

C’est étrange de me dire que je suis à l’aise avec cette femme que je connais à peine. En même temps, elle a une odeur sucrée qui me rappelle les bonbons, ça doit certainement avoir un effet réconfortant.  

Le film arrive à sa fin quand tout à coup on sonne à ma porte.

Je m’excuse et m’extirpe d’Angy pour aller ouvrir. Du coin de l’œil, je la vois se recoiffer discrètement tandis que je fais pareil. Ça doit être un truc de blondes.

J’ouvre la porte et me retrouve nez à nez avec Steph.

L’idée qu’elle puisse avoir oublié était trop belle.

Elle s’est visiblement changée depuis tout à l’heure, ses habits professionnels ayant laissé place à une robe aux imprimés de fruits multicolores.

-          Me revoilà. Fais pas cette tête, tu savais que j’allais venir !

Elle me pousse et pénètre dans mon appart, suivie de près par Sacapuces, qui a depuis longtemps compris que la gentille dame brune est signe de nourriture.

-          Fini la déprime !

Elle rentre dans mon salon comme si elle possédait l’endroit, ouvre les volets et se retourne, remarquant seulement la présence d’Angy sur le canapé.

-          Oh, bonjour !

-          Bonjour !

L’ex de ma boss à l’air de trouver la situation amusante et sourit en coin, s’installant plus confortablement sur le canapé comme pour mieux voir la scène. Pétillante, Steph n’est pas perturbée pendant très longtemps et me tend le pot de glace hypercalorique qu’elle a amené avec elle.

Le chat du voisin miaule et tente d’attraper ce qu’elle tient en main mais elle l’écarte rapidement, habituée.

Elle m’observe comme si j’avais perdu l’esprit et me dit :

-          Ben t’attends quoi ? Prends-le ! En plus j’ai pris goût Cookies ! C’est comme ça qu’on retrouve le moral ! Tout le monde sait ça, même les scénaristes de films gnangnan, c’est pour dire !

Elle me fourre le pot dans les bras, ne remarquant même pas qu’elle me colle la partie glacée à même la peau étant donné que j’ai un petit haut avec un décolleté. Elle farfouille dans son sac et en sort deux cuillères qu’elle met dans ma main avant de continuer à chercher.

-          J’en ai peut-être une troisième quelque part…

Je l’arrête en posant mon avant-bras sur son épaule :

-          Steph ?

-          Ben quoi ? Elle ne va quand même pas nous regarder manger cette charmante jeune femme !

Un air de soudaine réalisation lui passe sur le visage, elle écarquille ses yeux noisette, se passe les deux mains sur les joues jusqu’à les étirer au maximum et me dit :

-          Oh pardon ! Tu te… Enfin t’avais trouvé un autre moyen de te réconforter ! Je... je vous laisse ! Faites comme si j’étais pas passée !

Elle se retourne, ouvre la fenêtre, sort et ferme les volets de l’extérieur. Plus un bruit.

Le sourire aux lèvres, je n’ai que quelques secondes à attendre avant de la voir revenir dans le salon.

On est au premier…

-          Pardon ! Le balcon est pas haut mais…

Elle ferme les volets en toute hâte et tente de m’arracher le pot de glace mais je tiens bon.

-          Maiiiiis ! T’en as pas besoin !

Ses yeux font des allers retours pas très discrets entre moi et Angy, essayant de me passer un message pas clair. Le ton désespéré dans sa voix me ferait presque pitié si je ne savais pas qu’elle en certainement plein d’autres dans son congélateur.

Je lutte pour garder à la fois l’équilibre et le pot, mais entre Sacapuces qui a trouvé en moi sa nouvelle meilleure amie et Steph ce n’est pas chose facile. En entendant Angy éclater de rire, je décide d’arrêter de me ridiculiser et tente d’expliquer la situation à mon amie :

-          Steph, stop. C’est pas ce que tu crois !

Elle me regarde d’un air méfiant, comme pour m’assurer que je suis vraiment sincère et que je ne vais pas m’enfuir avec la glace et finit par se reculer.

-          Angy, voici Steph, Steph, Angy!

-          Enchantée! dit la blonde.

Steph la regarde de haut en bas, suspicieuse et demande :

-          Nouvelle petite amie diabolique ?

-          Non… Amie tout court !

Heureusement qu’Angy n’est pas tout à fait normale. Elle a l’air plus amusée par la grossièreté de Steph qu’autre chose.

Apparemment satisfaite de la réponse donnée, ma collègue se dirige vers le canapé et lui tend la main en disant :

-          Dans ce cas, enchantée ! Vous vous êtes rencontrées comment ? Tu veux de la glace ?  Je dois avoir une autre cuillère quelque part…

Je rigole et prend la parole à mon tour, retournant m’asseoir maintenant la tempête passée :

-          Steph, tu sais, on est dans mon appart, j’ai des cuillères ! Et Angy est l’ex de Shaell.

La brune fait un pas en arrière, lissant sa robe multicolore avant de jouer nerveusement avec le motif d’une banane au niveau de la taille. Ses yeux verts se plissent et je sens qu’elle va dire quelque chose de désobligeant alors je m’empresse d’ajouter :

-          Elle est venue me réconforter.

J’imagine que ma collègue juge finalement qu’Angy n’est pas si méchante puisqu’elle avance à nouveau vers elle et commence à l’observer sous toutes les coutures. Je m’étonne limite qu’elle ne soulève pas un vêtement ou deux pour voir en dessous. Pile quand, moins amusée que la blonde, je m’apprête à faire une réflexion, Steph demande :

-          Alors c’est donc vrai ?! Shaell a craqué pour les femmes ! C’était toi la première ?

-          A ma connaissance oui, pourquoi ?

Visiblement impressionnée, elle s’installe entre Angy et moi sur le canapé, caressant le chat qui est immédiatement venu sur ses genoux.

Personne ne bouge pendant un moment et finalement, comme je m’y attendais, Steph craque :

-          Bon, allez, racontez moi tout !

Je souris et me penche pour regarder Angy d’un petit air désolé. Fallait que ma meilleure amie soit « spéciale ».

 

 Angy et moi avons expliqué la situation à Steph. Une fois qu’elle a fini de bouder parce que « je lui refusais tous les détails croustillants », elle a cherché à comprendre la réaction de ma boss.

Bien sûr, vu sa façon de penser et son opinion de Shaell, le résultat de sa réflexion n’était pas franchement plausible.

A moins qu’effectivement elle ait couché avec moi avant puis m’a laissée au matin, profitant une dernière fois d’un déjeuner à l’hôtel, ou elle se serait coupé le doigt en voulant manger une tartine de Nutella. Blessée dans son orgueil, elle aurait quitté les lieux en pleurs.

Vous voyez ? Peu plausible !

Finalement, je me sens limite à part en voyant à quel point Angy et Steph s’entendent à merveille. Les deux sont affalées sur mon canapé et discutent de mon sort comme si je n’étais pas là.

D’un commun accord, se retournant contre moi et le bon sens, elles décident de m’aider et ont une idée supposément géniale. Elles se congratulent l’une l’autre du formidable travail accompli et décident de mettre en place ce que Steph appelle « l’opération fondant ».

Car oui, selon elles, Shaell serait comme un fondant au chocolat. 

Ne me demandez pas d’expliquer, ça me dépasse.

27 janvier 2012

Chapitre 19

Chapitre 19 : Un plan douteux

Fermement décidée à mettre leur idée en place, Angy se lève et attrape son téléphone portable. Je tente de lui voler dans l’unique espoir que ça pourrait retarder ou anéantir l’exécution du plan mais Steph me retient et je suis obligée d’assister avec désespoir tandis que la blonde compose le numéro sur le clavier tactile.

Le pire, c’est que je ne sais même pas quelle est leur stratégie. Au début, ça m’amusait de les voir si bien s’entendre et s’extasier, du coup j’ai loupé l’essentiel.

C’est malin.

Elle attend un peu et finit par parler d’un ton réprobateur :

-          J’en étais SÛRE ! Shaell Mackenzie, qu’est-ce que tu fais au bureau à cette heure ?

On entend une voix féminine de l’autre côté du téléphone, sans pour autant comprendre ce que ma chef dit et ce même si Steph a retenu sa respiration pour ne pas faire de bruit. J’imagine qu’elle doit se justifier. C’est parce qu’elle n’a pas vu l’air déterminé de son ex, celui qui signifie qu’il ne sert à rien de discuter.

-          Je veux rien savoir. Te noyer dans le boulot au moindre problème n’est pas la solution. Et puis sans vouloir être vache, je te ferais remarquer que c’est TOI qui as voulu cette situation.

A nouveau, Angy marque une pause pour laisser parler ma supérieure avant de reprendre :

-          Je le sais c’est tout ! Bon maintenant fais-moi le plaisir de rentrer chez toi ! En plus avec le décalage horaire tu dois être crevée !

A nouveau un bruit étouffé de l’autre côté du téléphone.

-          Ouais ouais, c’est ça. J’appelle chez toi dans une heure. T’as intérêt à décrocher ou je viens te chercher moi-même ! Et tu sais que j’en suis capable !

Vu le ton sur lequel elle l’a dit, même moi je sais qu’elle est tout à fait sérieuse.  

-          A tout à l’heure ! Et détends-toi ! Bisous.

Elle raccroche et se tourne vers nous, tout sourire.

-          Mission accomplie ! Le plan est en marche !

Elle tape dans la main tendue de Steph et toutes les deux exécutent une atroce chorégraphie qui, j’imagine, peut être qualifiée de danse de victoire.

N’empêche que je suis impressionnée du pouvoir qu’a Angy. Elle menace et Shaell ne discute pas. Faudra qu’elle m’explique son truc. Même si pour le coup j’aurais préféré que ça rate.

Mon intuition me dit que leur géniale idée ne va pas me paraître aussi brillante.

-          Bon, phase deux. Steph, tu as une idée de tenue ?

Pourquoi je ne suis pas impliquée au juste ? Et pourquoi elles veulent m’aider. Tiens, pourquoi c’est vrai ça !?

-          Minute !

Toutes deux s’arrêtent et se retournent vers moi comme si elles venaient de remarquer ma présence. Steph annonce directement la couleur :

-          Quoi ? Fais vite le temps nous est compté !

-          Pourquoi vous voulez absolument m’aider ?

Cette fois ci, c’est Angy qui prend la parole :

-          Ça va de soi ! Shaell est mon amie et je trouve dommage qu’elle ruine l’opportunité d’être avec une fille comme toi pour une raison débile. Et par « comme toi » j’entends une fille bien, je te connais peut être pas des masses mais je t’apprécie et j’en ai vu suffisamment pour penser ça. Alors je vais tenter de faire d’une pierre deux coups et vous rendre heureuse toutes les deux, de gré ou de force.

Après un moment d’hésitation, Steph ajoute :

-          Pareil.

Je lève un sourcil à ça. Shaell ou « la démone » comme elle l’appelle si bien n’est pas son amie, elle me connait très bien et ne sait pas si ça nous rendrait heureuses. Et vu qu’elle considère notre boss comme la femme de Satan…

-          Bon, très bien. Moi je le fais parce que ça m’amuse.

Je lève les yeux au ciel et décide d’aller m’allonger sur le canapé en attendant que ça leur passe.

Tout bas, mais pas assez pour que je le rate, Steph demande à Angy :

-          Ben quoi ? Je veux aussi qu’elle soit heureuse bien sûr, je suis juste pas convaincue de la personne !

Elles discutent dans le salon et au bout de 30 secondes de repos, deux paires de bras m’extirpent du canapé.

-          Ramène-toi, on a besoin de toi !

Steph me tire par la main dans le couloir et rentre dans ma chambre. Angy n’a toujours pas lâché mon autre poignet, sans doute par peur que je m’enfuie. Elle a raison, l’idée m’a traversé l’esprit.

Elles m’arrêtent devant le miroir et répondent à mon regard agacé à grand coup d’indifférence.

-          On va choisir ta tenue pour tout à l’heure !

-          Et il se passe quoi tout à l’heure au juste ?

-          Ben tu vas voir Sha chez elle !

Mes yeux manquent de sortir de leurs orbites. Elles ont perdu la tête, je vois que ça !

-          Vous êtes dingues ? Y’a pas moyen que je me pointe chez elle sans prévenir ! Et puis je sais même pas où elle habite.

-          T’inquiète, moi je sais !

Angy ponctue le tout d’un sourire sadique tandis qu’elle ouvre mon armoire sur les conseils avisés de Steph.

Je sais qu’elles ne changeront pas d’avis pour l’instant alors je décide de les laisser jouer à la poupée et après, avec un peu de chance, elles lâcheront l’affaire.

-          Tu peux m’aider ? Je ne voudrais pas fouiller !

La demande polie d’Angy est immédiatement suivie par une déclaration de Steph :

-          Sache qu’en revanche je n’aurais aucun souci à ce niveau-là.

Elle n’avait pas besoin de le préciser, je m’en serais doutée !

Résignée, j’acquiesce et décide d’y mettre du mien.

-          Quel genre de tenue je dois choisir ?

Ma remarque est gratifiée d’un superbe sourire de la part d’Angy. Elle s’empresse de répondre :

-        Un truc un peu sexy mais pas trop, pas que ça fasse je me suis faite belle pour l’occasion. Juste, je suis belle naturellement, même avec des habits décontractés.

Huh huh…

Dubitative, je lui demande d'un ton sarcastique :

-        Et quel genre d’habits est supposé faire cet effet-là ?

Steph trépigne d’impatience et Angy n’est pas franchement mieux et quelque chose me dit que si je n’y mets pas du mien très vite, je ne vais pas avoir mon mot à dire dans la tenue. Étant donné que je préfère m’éviter un embarras supplémentaire, je les aide à choisir mes vêtements.

-        J’opte pour un haut rouge aux bretelles sophistiquées qui se croisent dans le dos et font un décolleté juste comme il faut à l’avant. Elles ont toutes les deux craqué sur un petit jean noir ultra moulant pour aller avec.

Décidément tout sourire et beaucoup trop enthousiaste à mon gout, Angy me dit d’un air coquin :

-        Pour les sous-vêtements je te laisse choisir toi-même… Réfléchis bien…

Je lève mes yeux au ciel et ignore son regard braqué sur moi tandis que je farfouille parmi mes sous-vêtements.

Je choisis mon ensemble préféré, ultra confortable et qui fait une poitrine et des fesses d’enfer. Ce n’est pas que je m’attende à ce que Sha les voie, vu qu’à mon avis ça va être un échec lamentable, mais c’est plus pour m’apporter un semblant de confiance en moi supplémentaire.

Tandis que j’enfile les vêtements sélectionnés à l’abri des regards indiscrets, j’entends Steph pester depuis la salle de bain.

-        Liiiiiiiizzzzzz ?

-        Ouais ?

-        Tu ranges où ton maquillage ?

J’ouvre la porte dans l’instant, l’observant avec des yeux comme des soupières ! Si elle croit que je vais la laisser me maquiller ! Pas question que je me retrouve avec des ronds roses sur les joues.

Sentant certainement mon appréhension, Angy tente de me rassurer en disant :

-        Tu choisis les tons, je supervise ou je maquille au choix !

J’attends que ma collègue regarde ailleurs et fais mine de m’essuyer le front du revers de la main d’un air soulagé.

Je me maquille et me coiffe sous l’œil attentif de ma comparse blonde, qui ne manque pas de commenter certains points où de relever le fait que je devrais me maquiller plus souvent. Pas de ma faute si j’ai rarement le temps !

Une fois fin prête, je passe une inspection poussée sous l'œil inquisiteur d'Angy et Steph.

-        Parfait, je crois que t’es fin prête ! m’annonce la blonde.

-        On y va, on y va ?

Ma collègue est visiblement très excitée à l’idée de me catapulter vers une fin certaine…

Elle me pousse littéralement hors de chez moi et ferme la porte à clé, conservant mes clés « au cas où ».

Angy va s’installer sur le siège arrière de la voiture, bouclant sa ceinture tandis que je m’installe à l’avant.

Steph ne perd pas une seconde et démarre. J’essaie de faire changer Angy d’avis en lui demandant :

-        Pourquoi tu veux me mettre avec ton ex ? J’arrive pas à piger !

-        Parce qu’elle est mon amie…Elle et moi c’est du passé. Et je crois que tu peux la faire changer d'avis.

-        Comment ça ?

-        Tourne à droite.

Le véhicule continue sa route et Angy me regarde avant de reprendre :

-        Tu verras !

-        Oh allez quoi ! Je veux savoir !!!!

-        Tsss tsss…. Non. Et regarde la route, on y est presque !

Je me retourne et fixe la route, bougonnant.

On est dans un quartier avec de jolies demeures résidentielles façon Wisteria Lane. Espérons qu’il ne s’y passe pas un nouveau drame ce soir.

Steph suit les instructions de la blonde et se gare un peu en retrait de la maison de ma chef.

-        S’il te plait, tu peux me prendre mon sac d’affaires de rechange dans la boite à gants ?

Je m’exécute et cherche à trouver ce qu’il faut dans l’ignoble bordel qu’elle y a mis. Y trouvant un couteau, je lui montre en la regardant d’un air mi-interrogateur mi-effrayé.

-        Ben quoi ? C’est pour me défendre !

-        T’es un danger !

-        Mais non rohhh, je veux pas poignarder mon agresseur !

Elle attrape un oignon placé juste à côté du couteau et me le montre, comme si ça avait le moindre sens :

-        Tu comptes l’assommer avec ton oignon PUIS le tuer ?

-        Ne sois pas ridicule ! Je vais couper l’oignon avec le couteau et l’utiliser comme un truc lacrymogène !

L’absurdité de son plan me laisse momentanément admirative devant l’étendue de sa folie. Elle en profite pour saisir le sachet qui contient sa tenue de rechange. J’entraperçois un bout de vêtement coloré avant qu’elle ne sorte un collant, l’air triomphal.

Elle m’arrache le couteau des mains et le découpe méticuleusement, avant de se l’enfiler à l’envers sur le crane.

Je ne peux m’empêcher de sourire et de lever un sourcil joueur à cette vue :

-        Tu comptes la kidnapper ou quoi ?

-        Non, j’assure mes arrières au cas où les choses tourneraient mal ! Je ne voudrais pas qu’elle puisse me reconnaitre !

Vu la tête de pitbull qui, en plus, s’est pris un bus que ça lui fait il n’y a pas de doute. Dommage que le reste de sa tenue permette de l’identifier formellement au premier coup d’œil.

Ne pouvant pas plus repousser l’échéance, je sors de la voiture et passe mes mains moites sur mes cuisses. Je n’ai pas envie de le faire, mais trop tard.

Je me penche et demande à Angy :

-        Tu ne viens pas ?

-        Nope, c’est à toi de le faire, pas besoin de baby-sitter.

-        Tu vas faire quoi ? Si jamais elle ne m’élimine pas dans l’instant et que les choses prennent un peu de temps ?

-        Je sais pas encore, on verra jusqu’où ma patience me mènera…

-        Ok… Si tu veux partir…

-        File !

Je me retourne et prend une grande inspiration, marchant lentement en direction de la porte d’entrée. L’allée est parsemée de jolies fleurs et la maison en elle-même à l’air charmante. Rien à voir avec l’idée qu’on aurait pu se faire de son chez elle en voyant son comportement au travail.

Je me retiens de faire une quelconque réflexion moqueuse en voyant Steph se déplacer mi-accroupie mi-penchée pour aller se poster dans un buisson près de la porte. Elle se croit vraiment dans une opération commando. Moi aussi j’aurais pu, si la personne censée me couvrir ne portait pas une robe multicolore avec des fruits.

Je lève ma main pour frapper à la porte, tentant d’ignorer à quel point je tremble.

Très vite, j’entends des pas de l’autre côté, puis le bruit d’un verrou et enfin la porte s’ouvre.

 

Shaell me regarde d’un air incrédule, comme si elle n’arrivait pas à croire que je sois effectivement là.

Elle a eu le temps de se changer et ne porte plus le tailleur bleu marine qu’elle avait au travail aujourd’hui, l'ayant troqué contre un petit haut noir et un pantalon en coton. Ses yeux me parcourent de haut en bas, me brulant de leur intensité…

Pourtant, lorsqu’elle parle, son masque est de nouveau en place et son ton n’est pas des plus chaleureux :

-        Liz… Qu’est-ce que tu fais là ?

-        Salut.

Elle s’adosse au chambranle de porte et croise les bras, m’empêchant de rentrer. D’un autre côté, elle aurait pu me claquer la porte au visage et elle ne l’a pas fait, c’est déjà ça.

-        Dis quelque chose !!!

Immédiatement, Shaell tourne la tête en direction des fourrés, tandis que je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel. Steph n’a pas réfléchi au fait que si je pouvais entendre son bruyant chuchotement, ma boss le pourrait aussi…

-        Qui est là ?

-        Personne, je suis juste un buisson.

Mon Dieu.

Comment j’ai pu me laisser entrainer dans une histoire pareille ?

Merci pour l’effort de coaching Steph, mais la prochaine fois, abstiens toi…

Shaell tente de s’approcher du fourré ou ma collègue est dissimulée mais je la retiens par le bras, la retournant vers moi. Dans un signe de la tête, je demande :

-        Je peux entrer ?

Elle jette un coup d’œil en direction du feuillage, semblant hésiter. J’achève de la convaincre en lançant :

-        Elle n’est pas dangereuse. S’il te plait…

-        Très bien. Après toi.

 

Je découvre pour la première fois son intérieur. C'est plutôt chaleureux, un endroit où il fait bon vivre, même si ça manque un peu de personnalisation.

Une fois arrivées dans son salon, elle me fait signe que je peux m'asseoir et choisit de rester debout. Elle s'adosse au mur le plus proche et attend visiblement que je parle.

-        Je suis venue te parler d-

-        Je sais... Et j'ai pas envie d'en discuter.

Elle n'ose même pas me regarder. La queue de cheval qu'elle avait au travail ne fait plus réellement son office, quelques mèches brunes s'échappant çà et là pour venir encadrer son visage.

J'ai envie de laisser tomber mais d'un autre côté ma fierté me pousse à obtenir des réponses. Je pense être en droit de demander au moins ça.

-        Pourquoi ?

-        Pourquoi quoi ?

-        Pourquoi t'es partie sans rien dire ? Pourquoi tu m'as ignorée ce matin ?

Elle se détache du mur et soupire bruyamment. Sa main vient se glisser dans son cou, le malaxant, pile là où se trouve le suçon que je lui ai fait. Je détache péniblement mon regard de cette partie de son anatomie et cherche à trouver le sien. Au bout d'un certain temps, son visage se fige dans un air déterminé et elle dit d'un ton monocorde :

-        Qu'est-ce que tu veux que je te dise? C'était comme ça, c'est arrivé, je me suis levée, je l'ai regretté, je suis partie. Contente?

Pas franchement.

Je sais que si je me laisse aller je risque de me mettre à pleurer mais il est hors de question de lui faire ce plaisir. A la place, je décide d'enfoncer le clou :

-        Si c'est tout ce que je suis pour toi, un regrettable coup d'un soir, pourquoi tu m'as dit toutes ces choses ? Pourquoi tu m'as fait croire qu'il pourrait y avoir quelque chose entre nous ?

Elle baisse les yeux et retourne se poster contre le mur. Elle détourne la tête, regardant sur le côté et répond:

-        Parce que j'avais envie de coucher avec toi. C'est tout.

J'entends ce qu'elle dit, j'ai bien saisi qu'elle vient de me jeter comme une vieille chaussette et pourtant quelque chose me frappe. Pourquoi elle n'est pas foutue de me regarder en disant tout ça ? Pourquoi elle a l'air plus défaite qu'agacée ?

Je m'avance jusqu'à être proche d'elle, bien trop proche pour ne pas empiéter dans sa zone de confort et j'attends. Je ne sais pas exactement quoi, mais j'attends quand même.

Au bout d'un long moment pendant lequel aucune de nous ne bouge, elle ferme les yeux et soupire. Quand elle les ouvre, elle me fixe et demande d'une petite voix :

-        Qu'est-ce que tu veux de moi ?

Je suis surprise par sa question. Son visage est plus détendu et quelque chose dans ses yeux me pousse à croire que... Dans le doute, je préfère m'en assurer en répondant :

-        La vérité.

Elle prend une inspiration, ses yeux regardant partout sauf les miens. J'ai peur qu'elle s'enfuie à nouveau, j'avance jusqu'à placer mes mains de chaque côté d'elle, l'empêchant de bouger.

Elle semble batailler intérieurement, me poussant à ajouter quelque chose pour la faire avouer :

-        Tu sais aussi bien que moi que si tout ce que tu avais voulu c'était mon corps tu l'aurais eu d'une manière ou d'une autre et certainement plus tôt.

Elle ne répond pas immédiatement mais finit par soupirer et se mettre à parler :

-        C'est pas possible entre nous. Je... Ok. J'ai menti quand j'ai dit que je pensais que c'était une erreur. J'en avais envie. J'en ai toujours envie.

Elle s'avance et me dépose un baiser sur les lèvres. Je me recule et demande, plus agressivement que je ne l'aurais cru :

-        Alors quoi? C'est … Juste comme ça ? Pour me torturer ?

-        Non, bien sûr que non. Mais je sais comment ça se termine.

Mes sourcils se froncent malgré moi.

-        Comment ça ?

-        Angy. Tu sais, au bout d'un moment, vivre cachées n'a plus le côté excitant, juste pesant.

-        Oh...

C'était donc à ça que faisait référence la blonde... J'essaie de m'assurer d'avoir bien compris ce qu'elle suggère :

-        Vous vous êtes séparées ?

-        Essentiellement parce qu'elle en avait marre que je vive cachée à cause de mon travail. Et là... Je veux dire, tu es mon employée... Imagine...

Je réfléchis un instant à la question et quelque chose me vient à l'esprit :

-        Je ne vois pas le problème.

Ses sourcils de froncent instantanément et elle hausse légèrement le ton. Visiblement le sujet lui tient à cœur :

-        Pardon ? Tu veux dire que tu te vois être appelée promotion canapé, être la petite amie de la femme qui est détestée par tout le monde et en plus va se faire virer pour manque complet de professionnalisme?

Un petit rire m'échappe à cette idée, même si j'avoue que présenté comme cela ça ne donne pas envie. Voyant qu'elle ne trouve pas le côté humoristique des choses, je m'explique :

-        Je doute que les choses se passent comme ça...

-        Pourquoi ça? Je suis ta chef, tu comprends ce que ça implique au sein de l'entreprise et au regard de la hiérarchie?

-        Oui... Je suis blonde, mais il y a des limites tu sais. Je veux dire... Les ¾ des employés sont trop effrayés pour oser te regarder dans les yeux, je doute qu'ils osent faire une réflexion.

-        Ils n'auront pas besoin, le big boss la fera.

-        Non.

Elle sourit d'un air incrédule et me regarde comme si j'étais une débile mentale échappée d'un asile. Son ton est moqueur lorsqu'elle demande :

-        Non ?

-        Non. Certainement pas. Déjà, c'est lui-même, M. Tanner, qui nous a promues. Ensuite, tu fais un formidable boulot de restructuration de son entreprise, elle ne s’est jamais portée aussi bien. Et tout le monde sait qu'il va bientôt prendre sa retraite... Tant que ça n'interfère pas dans ton boulot....

-        Il y aura des rumeurs... Et si ce n'est pas moi qu'il vire, ce sera toi!

Elle remet nerveusement une mèche de cheveux bruns derrière son oreille et m'adresse un sourire désolé. Elle ne devrait pas être désolée. M'est avis que je ne crains rien du tout :

-        Ça m'étonnerait qu'il me vire... A vrai dire, s’il me vire, c'est l'entreprise qu'il perd.

Ma réplique a le mérite de lui extirper un sourire franc et elle ose questionner mes dires en ajoutant :

-        Parce que tu es une employée extraordinaire et que personne ne pourrait te remplacer ?

Je fais semblant de ne pas remarquer l'ironie et réplique :

-        Exactement. Pour ça et parce que son plus gros contrat, la personne qui fait la loi sur le marché sur lequel on a misé gros, n'apprécierait vraiment pas le motif de mon licenciement si elle venait à l'apprendre...

Sa bouche s'ouvre dans un O parfait.

Et ouais !

Comme pour s'assurer d'avoir parfaitement compris ce que je viens de dire, Shaell demande :

-        Linda ?

-        Tout juste. A votre avis, chef, qui dans le secteur voudra commercer avec notre boîte si Mlle Parkson lui fait une publicité d'enfer ?

Elle sourit franchement et répond immédiatement :

-        Personne, ou presque.

Hehehe. Je suis fière de la façon dont j'ai argumenté. On pourrait presque croire que j'ai planifié le tout.

Ma victoire est de courte durée quand je réalise que je ne sais pas si elle veut franchir ce cap avec moi.

Après tout, personne ne sait qu'elle est lesbienne. Moi les rumeurs sont déjà là depuis un trop grand moment sans que je démente pour qu'elles n'aient pas été confirmées.

Je la regarde et, hésitante, j'ose lui demander :

-        Alors?

Elle baisse les yeux et se mord la lèvre. Je ne sais pas exactement ce que ça veut dire alors j'attends.

Les secondes s'égrainent lentement, beaucoup trop lentement si vous voulez mon avis.

Peut-être qu'elle cherchait tout simplement une excuse et qu'elle ne sait pas comment m'annoncer qu'être avec moi ne l'intéresse pas.

Je veux dire... Elle est si... Enfin voilà quoi !

En même temps elle a peut être juste besoin de réfléchir...

-        Prends ton temps.

Je me tourne et m'apprête à avancer lorsqu'elle sort enfin de sa torpeur :

-        Pas besoin. Je sais ce que je veux.

Avant que je n'aie le temps de demander quoi, elle m'attire à elle.

Je ne peux m'empêcher de sourire dans le baiser.

Je ferais bien une petite danse de joie mais je pense que ce serait un chouïa malvenu.

Elle veut être avec moi.

Shaell.

Shaell veut être avec moi !!!!

Je l'embrasse avec passion, faisant passer mes émotions du mieux que je peux.

Je ne sais pas exactement comment les choses vont se dérouler, mais on va tenter et c'est tout ce qui m'importe.

Le baiser vient naturellement à se terminer et elle m'enlace avec une telle force que je m'étonne d'être encore capable de respirer une fois fini.

Je reste un moment contre elle, profitant de sa présence, de son parfum, d'elle...

-        Je suis désolée de m'être comportée comme ça...

Je la regarde et lui offre un sourire aussi brave que je peux :

-        Tu avais tes raisons...

-        Même. Même si j'avais peur... Ça justifie pas... Enfin de toute manière...

-        Quoi ?

-        J'aurais probablement cédé si tu m'avais fait des avances...

-        Ah oui?

Un sourire me vient spontanément aux lèvres. Huhu, je l'aurais fait craquer ! Je suis irrésistible !

-        J'ai pas menti l'autre soir... quand j'ai dit que... enfin tu vois.

Je lui souris. En effet, je vois.

Elle me regarde dans les yeux et une fois assurée que je la crois, me fait un petit bisou sur le nez.

-        Et si on allait chercher le buisson ?

Je ris et lui donne une petite tape sur l'épaule :

-        Hey, te moque pas de mon coach, sans elle et Angy je ne serais surement pas là !

-        Je devrais les remercier comme il se doit alors ! Pourquoi ça ne m'étonne pas qu'elles soient dans le coup ? Minute, c'est bien Steph camouflée discrètement devant chez moi ?

-        Oui, qui veux-tu que ça soit d'autre ?

-        C'est pas faux... Angy est restée chez toi ?

-        Non, elle attend dans la voiture.

-        Faisons les entrer alors.

On sort toutes les deux dans le froid, main dans la main. Shaell me fait un sourire malicieux avant d'avancer sur la pointe des pieds en direction du fourré. Arrivée à destination, elle pointe quelque chose du doigt et se met à pouffer de rire.

Intriguée, je m'approche.

Je ne peux que l'imiter en voyant Steph étalée à même le sol, profondément endormie. Son collant a été troué au niveau de la bouche et elle tient encore un paquet de chips dans la main. Je reste un moment à observer la scène, fascinée par les mouvements complexes que font les restants de miette attachés au collant tandis que mon amie ronfle. Le tout combiné avec la tête de bouledogue faite par le collant, c'est quelque chose à voir, c'est moi qui vous le dit ! Dans un rire, Shaell me lance :

-        Réveille là, je n’arriverais pas à garder mon sérieux et j'ai une réputation à tenir!

-        Ça marche.

Ma boss - et désormais petite amie :D :D :D - se retourne et se dirige vers la seule voiture garée dans la rue lorsque je l'interpelle :

-        Sha !

Elle s'arrête et me fait face un sourcil interrogateur levé dans une question muette. Je m'empresse de trottiner vers elle pour lui faire un petit bisou.

-        Pour la route !

-        Ben et le retour ? Faut que je revienne !

-        Où avais-je la tête !

Je fais semblant de me taper le front et l'attrape pour l'embrasser comme il se doit avant de la relâcher, souriante.

-        Merci !

L'air béat, elle s'empresse d'aller en direction de la voiture tandis que je me penche pour réveiller Steph. Heureusement, je ne repère ni oignon ni couteau. Je tente de la secouer mais à part quelques grognements de sa part, rien ne se passe. Enfin rien, jusqu'à ce qu'une idée brillante ne me vienne à l'esprit. Je me redresse et m'exclame :

-        Ohh, un paquet de Shokobons !

-        Où ça ?

En un quart de seconde, Steph est debout et à l'affut, tournant la tête rapidement afin de localiser les délicieux petits chocolats.

Je n'essaie même pas de retenir mon éclat de rire en voyant son air déçu face à ma supercherie. Cette fille à un problème. Au moins, la carotte qui la fera avancer n'est pas dure à trouver.

27 janvier 2012

Chapitre 20 (fin)

Chapitre 20 : Conséquences

 

Finalement, le reste de la soirée s'est bien passé. Steph et Angy sont rentrées et ont bu un coup. Sha à même ignoré la façon qu'avait mon amie de regarder chaque recoin de sa maison comme si elle était en face d'un trésor. Heureusement, ma boss ne s'est pas formalisée du manque de savoir-vivre de ma collègue et n'a pas relevé.

Elles sont parties toutes les deux une demi-heure plus tard environ et j'ai eu droit à un tour plus complet de la maison...

Ben quoi ?

Maintenant qu'on a fait le débriefing on est tranquilles et elle comme moi avons le droit à nos quelques jours de repos, comme après chaque voyage ! Et je compte bien en profiter pour passer un max de temps avec elle !

On n'a pas reparlé de si et « comment » l'annoncer au boulot. D'un côté ça m'arrange, j'avais des choses plus intéressantes à faire à la place.

Beaucoup, beaucoup plus intéressantes.

Je suis affalée sur le canapé, les jambes confortablement étalées sur Sha. La vie est belle !

Mon téléphone portable m'interrompt dans mes pensées et je décroche, voyant que Steph est à l'autre bout du fil. Bizarre, il n'est que 15h, elle devrait encore être au boulot :

-        Liz, j'ai besoin de savoir !

-        Hein ? Qu'est-ce qu'il y a ?

-        L'autre jour, à la réunion. Mel a remarqué le suçon dans le cou de ta chère et tendre !

Oh... Merde.

Je dois faire une tête signifiant que quelque chose ne tourne pas rond puisque j'attire l'attention de ma boss qui me lance un regard interrogateur.

Je lève un doigt pour lui faire comprendre qu'il faut qu'elle attende avant de lui faire signe qu'elle peut néanmoins continuer à me faire des câlins sur les jambes.

-        Ça craint !

-        Comme tu dis ! Depuis ce matin ils sont tous en effervescence, un truc de fou ! Pire que la fois où Phong a retrouvé un string grande taille derrière la photocopieuse.

-        Ouais, je vois... Au moins on sait à quoi s'attendre à notre retour au bureau.

-        Y'a un autre truc. Ils sont plus ou moins tombés d'accord sur le fait que ton comportement était bizarre et en ont déduit très justement que tu étais à l'origine du suçon.

Je porte ma main à mon front, le massant en espérant que ça fera surgir une idée qui me permettra de me sortir de la situation. D'un côté, la question de leur dire ou pas ne se pose plus...

Voyant que Sha se fait de plus en plus pressante, je lui explique brièvement ce que vient de dire Steph. Elle devient immédiatement plus pâle et a l'air de ne pas se sentir super bien. Je pose ma main sur son épaule et la caresse, espérant que ça aidera. Elle pointe le tel et me fait signe de continuer. Décidant que ça serait plus facile, je demande à Steph :

-        Ça t'embête si je mets le haut-parleur ? Sha est à côté de moi et... enfin, ça la concerne aussi.

-        Non non du tout. A côté de toi hein hein...

J'attends patiemment qu'elle ait terminé de faire des allusions et pose le téléphone sur mes jambes. Je prends la parole en premier :

-        Ça y est. Bon, d'autres mauvaises nouvelles ?

-        Ouais ! Ils m'ont traquée toute la journée, ils ont dû sentir que je savais quelque chose, je sais pas, pourtant j'ai pas montré d'intérêt pour cette histoire, je l'ai joué finaude !

Sha et moi partageons un regard qui veut tout dire. Je suis celle qui décide de l'annoncer à ma collègue :

-        Steph, sans vouloir te vexer, le fait que t'aies pas montré d'intérêt pour un ragot de cette taille a dû leur paraître louche.

-        Ah ouais... Pas bête ! Alors je dois faire quoi ? Aller faire des commérages ? Non parce que moi depuis tout à l'heure je les évite ! Ils savent que je te connais bien et m'ont traquée jusqu'à mon fournisseur de cappuccino glacé ! Ils m'ont posé des questions, pire que l'inquisition ! J'ai détourné le sujet mais même les pâtisseries ont leurs limites en termes de meublage de conversation.

En même temps, la traquer ne doit pas être bien dur. Suffit de suivre les miettes. Je retiens tout commentaire désobligeant et attend la suite. C'est Shaell qui prend la parole cette fois :

-        Ils ont demandé quoi au juste ?

-        Si je savais comment ça s'était passé et depuis combien de temps ça durait.

Visiblement, elle est repassée en mode chef et réfléchit à voix haute tout en demandant :

-        Ok. Donc ils sont persuadés que c'est la vérité. Bon, c'est le cas mais... hum. Bref. Tu as répondu quoi ?

-        « Tu crois qu'il vaut mieux ce Paris-Brest ou cet éclair ? Non parce que regarde comme l'éclair a l'air bien fourré ! »

Je lance un regard blasé à Sha, qui me renvoie le même. Prenant notre silence comme un reproche, Steph se défend :

-        Ben quoi ? C'est ce qui m'est venu spontanément à l'esprit. Mais maintenant je sais pas quoi leur dire...

A côté de moi, ma boss remet une mèche de ses cheveux derrière son oreille en se mordant la lèvre inférieure. C'est mal de trouver ça excitant alors que mon attention devrait plutôt se porter sur la situation quasi-désespérée dans laquelle nous sommes ?

Finalement, elle se tourne vers moi, me prend la main et la serre. Je la regarde et me penche en même temps qu'elle, trouvant du réconfort dans un baiser.

-        Je vous entends !!!!!

Je me recule en levant les yeux au ciel, souriant de la réaction de Steph.

-        Bon. Je sais pas ce que Liz en pense, mais je serais d'avis que tu leur dises que tu te sens pas bien, que tu sais pas mais que peut être la réunion qui aura lieu la semaine prochaine parlera de ça.

-        Y'a une réunion la semaine prochaine?

Steph vient de poser la question qui m'est immédiatement venue à l'esprit.

-        Uniquement si elle est d'accord pour leur dire. De toute manière si on ne fait rien, ce sera pire...

Shaell me regarde avec un petit sourire timide, peu sûre d'elle. Ça ne ressemble pas à son comportement habituel et la rend dix fois plus mignonne.

Elle pense vraiment que je voudrais le garder secret ?

Elle est la plus intelligente et la plus belle femme que je connaisse...

Si je m'écoutais, je placarderais partout des messages narguant les autres en leur faisant comprendre que c'est MOAAAAA qu'elle a choisi.

Je lui souris et je sais que j'ai l'air totalement amoureuse mais je m'en fous. J'acquiesce, lui faisant comprendre que je suis d'accord pour qu'elle l'annonce. A vrai dire, j'ai hâte. Je sais qu'il ne se passera rien au bureau, mais... Enfin c'est stupide mais je suis « fière » d'être avec elle et de savoir que je lui plais.

Elle me fait un sourire superbe, dévoilant ses dents blanches et faisant briller ses yeux verts par la même occasion. M'est avis qu'en se lançant dans le monde de l'entreprise, elle a ruiné une brillante carrière de modèle photo. Je veux dire, même au réveil elle est sex. C'est injuste pour toutes les autres femmes du monde !

Finalement, c'est moi qui prends la parole :

-        Tu leur diras ça.

-        Ok.

-        Tu leur diras quoi ?

-        Que je sais pas mais que peut être la dém- que notre charmante supérieure nous fournira un semblant de réponse à la réunion de la semaine prochaine.

Shaell sourit devant la bourde de mon amie et lui annonce :

-        Je suis au courant du moindre petit surnom qui m'est attribué. Et n'hésite pas, ça ajoutera à ta crédibilité. Oublie pas de glisser discrètement que t'es pas dans ton assiette.

-        Pourquoi ça?

Le son de la voix de Steph laisse clairement entendre qu'elle est perplexe. Je décide de répondre à sa question moi-même :

-        Ça expliquera peut être pourquoi t'avais pas envie de parler ragots aujourd'hui.

-        Ok, ça marche. Bon je vous laisse, Mel me regarde du coin de l'œil depuis tout à l'heure, je ne voudrais pas avoir l'air louche !

-        Ok. Merci d'avoir appelé.

-        Pas de prob, super amie toujours là !

Nos rires seront entendus par la tonalité uniquement. Je suis presque sûre qu'elle a fait un mouvement poing en l'air avant de raccrocher, j'arrive parfaitement à m'imaginer la scène.

Shaell m'attire à elle et je m'installe de manière à pouvoir nicher ma tête au creux de son cou. Quand elle m'enlace comme ça, je me dis que ça va aller. Mon argumentaire d'hier me paraît plus bancal tout à coup. On verra bien.

Sa voix chaude m'extirpe de mes pensées :

-        T'en dis quoi?

-        Qu'on est folles.

-        D'avoir décidé de leur dire?

Elle me recule pour me regarder, les sourcils froncés, visiblement inquiète.

-        Ça non ! Tu rigoles ou quoi ? En plus Tom me nargue depuis qu'il m'a battue au babyfoot. Et il fantasme sur toi depuis des plombes, il va être dé-gou-té !

L'un de ses sourcils se lève et son sourire en coin m'informe qu'elle n'est pas fâchée.

-        Pas étonnant que tu t'entendes bien avec Steph.

Minute.

-        Hey, je rêve ou tu viens de m'insulter là ?

-        C'est pas une insulte, c'est ton amie.

Je croise les bras, ronchon. C'est peut être mon amie, mais elle est carrément spéciale, mon comportement est quant à lui tout à fait normal.

Le fait que je me renfrogne n'a pas l'effet escompté et j'oublie vite que j'étais supposée lui tenir un peu rigueur alors qu'elle me fait la regarder en glissant deux doigts sous mon menton.

Ses lèvres sont douces et légères, comme une caresse, une promesse.

Elle se recule et dit d'un ton qui me laisse penser qu'elle dit l'exacte vérité :

-        Tu peux me croire, c'est moi qu'ils vont envier.

Je m'apprête à répliquer mais suis réduite au silence par un autre baiser. Je ne résiste pas tandis qu'elle nous allonge sur le canapé et m'embrasse avec passion.

Après tout, si elle me trouve très bien, qui suis-je pour la contredire ? Tant qu'elle reste comme ça, vous ne m'entendrez pas me plaindre !

 

*          *          *          *         

 

Vue de l'extérieur, j'ai l'air parfaitement calme, assise bien sagement derrière mon bureau.

En vérité, je fais de mon mieux pour ne pas gigoter. Je suis super stressée.

En revenant au bureau, les collègues ne me regardaient pas de la même manière. Ou peut-être bien que si et que je me faisais juste des idées. Mais je ne crois pas. J'ai cru déceler de l'admiration chez certains, ou un air trahi, d'autres encore qui me regardaient comme si j'étais une chose curieuse venue d'une planète inconnue.

Un coup d'œil à l'horloge de l'ordinateur m'informe que dans 10 minutes, je me jette dans la fosse aux lions.

Je déglutis péniblement. Finalement c'était peut-être pas une si bonne idée. J'aurais pu nier à vie. C'est pas mon genre de reculer à l'idée d'avoir à tartiner mes paroles de mauvaise foi.

Un coup d'œil à travers les vitres m'apprend que les projecteurs sont braqués sur moi.

Ok.
Si tu existes, c'est le moment : Je souhaite devenir invisible et pouvoir m'éclipser discrètement.

Malheureusement, ni retenir mon souffle, ni espérer ne déclenche une intervention divine me rendant transparente. Je vais devoir leur dire la vérité. Ou mentir de façon éhontée et m'enfoncer encore davantage.

Je vois Steph s'approcher d'un pas décidé et je me lève pour ouvrir la porte plus en grand avant qu'elle ne toque.

Elle rentre et me regarde des pieds à la tête avant de fermer derrière elle. Elle fait une drôle de tête, entre inquiétude et compassion et tournicote une mèche de cheveux bruns dans ses doigts en demandant :

-        A ce point ?

-        T'as pas idée Steph...

-        Ça va aller !

Elle me fait un sourire dont l'unique but est de me rassurer. Ça aurait pu fonctionner si il n'avait pas transpiré l'incertitude.

Elle se poste derrière moi et me fait un petit massage.

-        Ça va aller ! Tu verras ! T'as vu qui t'as dans ton coin ? Sérieusement ? Les ¾ des minables d'ici préféreraient combattre une lionne enragée que Shaell Mackenzie. Tu crains rien. Ils n’ont pas de couilles je te dis !

Je sais qu'il y a une part de vérité dans ce qu'elle dit et ça me rassure un peu. Je lui suis reconnaissante jusqu'à ce qu'elle ouvre la porte et me fasse signe de sortir du bureau.

Levant les yeux au ciel, je demande très fort dans mes pensées : C'est toujours non pour cette histoire d'invisibilité ?

La salle de réunion arrive bien trop vite à mon goût, mes traitresses de jambes n'écoutant pas mon avis et marchant à bonne allure au lieu d'aller à reculons.

J'entre dans la salle et me retrouve face à tous mes collègues proches. Je vais m'asseoir tout devant et observe ma boss.

Si elle est nerveuse, sa gestuelle ne laisse rien transparaître. Elle porte un petit haut rouge moulant juste ce qu'il faut et un pantalon noir classique. Sur quelqu'un d'autre, la tenue aurait eu l'air commune, mais j'avoue que c'est plus elle qui habille les vêtements que l'inverse. Elle est une injustice vivante envers toutes celles qui, dans les plus belles robes, ressemblent à des patates.

C'est facile de voir que les personnes présentes dans la salle savent qu'il va se passer quelque chose. Il y a une véritable effervescence. Tous les regards sont tournés vers Shaell ou moi et je dois faire un véritable effort pour ne pas gesticuler sous leur intensité.

 

Elle se racle la gorge, demandant l’attention immédiate des personnes présentes. En un instant, le silence est complet. Elle commence à parler de détails concernant le travail, comme convenu. J’entends à peine les mots qui s’échappent de ses lèvres, les battements de mon cœur m’assourdissant.

La plupart des gens paient à peine attention à ce qui se dit, beaucoup moins disciplinés que d’ordinaire. Peut-être que leur curiosité les pousse à ne pas tenir en place…

Même si j’y ai été à reculons, je sais qu’il faut le dire.

Pour notre bien.

Je suis soulagée qu’elle ait accepté de s’en charger. Je n’ai pas questionné la manière dont elle va s’y prendre, préférant ne pas m’y attendre. Au moins, je ne serais pas tentée de m’enfuir pile avant si je ne vois pas le moment arriver.

Je sens le regard de Steph se poser sur moi, me réconfortant silencieusement.

Elle a raison, je n’ai pas de quoi avoir peur.                       

Voilà quinze bonnes minutes que ma boss parle sans que j’écoute le moindre mot, mais je capte néanmoins son :

-        Bon, je crois que c’est tout…

La déception est palpable. La plupart des employés ne cachent pas qu’ils attendaient autre chose.

Je jette un regard glacial à Shaell.

Si elle ne voulait pas le faire, elle aurait dû me le dire, pas me faire croire ça.

Avant que je ne fasse une bêtise, façon scandale ou scène je me lève.

Je passe façon ouragan à côté d’elle, me retenant de lui coller un coup d’épaule pour faire comprendre mon point de vue.

-        Ah, j’oubliais !

Je sens sa main s’enrouler autour de mon poignet et tirer. Dans un mouvement manquant totalement de grâce, je me retourne pour atterrir directement dans ses bras.

J’ai totalement conscience du silence de mort qui règne dans la salle de réunion tandis que ma chef me fait un sourire timide.

Sans plus attendre, elle se penche et capture mes lèvres dans un baiser. Elle n’en fait pas trop, n’essayant pas de faire un show, juste de marquer son point.

Je me recule en souriant, soulagée.

Ça, c’est fait.

Quelque part, ça me rassure.

Elle a pris le risque.

Pour moi.

Pour nous.

Je prends une grande inspiration et me tourne pour faire face à la salle.

Je vois Phong debout, la bouche grande ouverte, se laisser tomber mollement sur son siège. Mel a un air triomphal, venant juste d’être couronnée reine du commérage. Steph nous regarde façon mère poule, un énorme sourire illuminant ses traits.

Je vois Tom qui croise inconfortablement ses jambes, l’air mal à l’aise mais me regardant néanmoins d’un air contrarié.

Victoire par KO mon vieux, va falloir t’y faire ! Je retiens le « Nananananèreuuuuh » que j’ai envie de lui lancer.

Les autres continuent pour la plupart de nous regarder bouche bée, sans dire un mot, osant à peine cligner des yeux.

J’imagine qu’ils envisageaient la chose, mais ne croyaient pas réellement que ça puisse être la vérité.

Une fois certaine que son audience lui prête de nouveau attention, Shaell reprend. Simplement, elle énonce les choses tout en me gardant contre elle :

-        Oui, c’est vrai. C’est récent. Et c’est la première et la dernière fois qu’une démonstration similaire aura lieu entre ces murs. Des questions ?

Si certains semblent en effet avoir quelque chose à dire, personne n’ose.

Hehehe. Je n’aurais jamais cru le dire un jour, mais voilà : Steph avait raison.

Ils n’ont pas de couilles.

Mes yeux se tournent involontairement vers ma supérieure. Elle respire la confiance en elle et laisse son regard émeraude parcourir la salle comme si elle savait qu’aucun n’oserait lui tenir tête. Elle a raison.

Comme quoi, sa réputation au travail sert parfois.

-        Bien. Dans ce cas, le sujet ne sera plus abordé. Étant donné que mes responsabilités se limitent à restructurer cette entreprise et qu’en aucun cas je ne suis amenée à promouvoir la carrière de Mlle Scott, la tâche échouant à M. Tanner, les éventuelles remarques concernant un favoritisme de ma part ont grand intérêt à ne pas parvenir à mes oreilles. N’oubliez pas que la démone a l’ouïe fine.

Ça a le mérite d’être clair. 

J’ai envie d’éclater de rire mais le moment est mal choisi. Personne ne semble à l’aise et n’ose bouger. C’est trop bon d’être de ce côté de la barrière pour une fois. J’imagine qu’ils ne se doutaient pas qu’elle avait connaissance de son surnom. Ça ajoutera de la pression, elle doit vraiment avoir les oreilles partout pour l’avoir su même avant que Steph ne fasse sa boulette.

-        Si vous n’avez plus rien à ajouter alors ce sera tout, vous pouvez aller profiter de la cafétéria.

Ils se lèvent tous sans demander leur reste et se dépêchent de quitter la pièce.

Je sais quel va être le principal sujet de discussion ce midi.

Steph reste en retrait et sort de sous la table un sachet. Elle s’approche et le tend à Shaell, qui en sort une bouteille de champagne.

-        Faut bien fêter ça…

J’ai envie de lui dire qu’on reste au travail, mais je vois ma supérieure commencer à libérer le goulot.

Ok alors.

Trois petites coupes en plastique font leur apparition devant nous.

Ma boss fait sauter le bouchon et commence à verser dans les coupes, n’en mettant pas une goutte à côté.

Steph s’en attribue une et me tend la mienne, laissant la dernière à Shaell.

Ma collègue est la première à lever sa coupe pour trinquer, lançant haut et fort :

-        A vous deux.

Ma boss me jette un regard plein de malice et dit :

-        A Liz, qui va devoir me supporter à présent.

Je lui fais un clin d’œil et lève mon verre à mon tour :

-        Ça va être un plaisir. A toi Steph pour m’avoir conseillée tout du long et surtout, surtout à Linda, que je ne remercierai jamais assez pour m’avoir amenée jusque-là.

-        Oh que oui ! Finalement, je devrais lui être reconnaissante, sans elle on aurait peut-être jamais franchi le cap !

Elle me jette un coup d’œil avant de tourner la tête, regardant tout autour. Voyant que les bureaux sont déserts, elle se penche pour déposer un bisou sur mes lèvres.

Steph sourit encore plus bêtement que moi devant cette scène, ce qui n’est pas peu dire. Cependant, quelque chose de contrariant attire mon attention :

-        Minute, tu veux dire que sans elle tu n’aurais pas succombé à mon charme fou ?

Shaell me fait un mouvement des sourcils avant de se diriger vers la sortie.

C’est censé vouloir dire quoi au juste ?

-        Hey, je t’ai posé une question !

Elle se retourne et me fait un clin d’œil avant de franchir la porte.

Je tape du pied, frustrée. Si elle croit s’en tirer comme ça…

J’aurais cette réponse, elle s’inclinera devant la déesse de la séduction que je suis !

Sous le regard amusé de Steph, je me lance à la poursuite de ma supérieure, bien décidée à lui extirper un aveu ou deux. Chef ou pas chef, elle va voir de quel bois je me chauffe.

 

Fin

 

Merci d'avoir pris la peine de lire jusqu'au bout, et n'hésitez pas à commenter (sous entendu: pitié!!!)

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7 octobre 2012

Chapitre 2

 

Je retire ma veste d’été et l’accroche à la patère dans l’entrée. J’effectue un demi-tour rapide, manquant totalement de grâce et sursaute en voyant Julien planté devant moi, un grand sourire aux lèvres.

-          Coucou chérie, comment ça va ?

Avant que je puisse répondre, il me plante un baiser sur les lèvres et se recule, passant une main dans ses courts cheveux bruns, comme nerveux.

Je dois dire que cet accueil est plutôt surprenant. D’habitude, au mieux il me fait un signe depuis le salon. J’imagine que je ne vais pas tarder à connaître la raison de sa bonne humeur.

-          Ça va et toi ?

-          Nickel, regarde ça !

Il farfouille dans la poche arrière de son jeans et en sort une enveloppe ouverte, de laquelle il extirpe deux bouts de papier et une lettre.

J’attrape sa main dans la mienne pour qu’il cesse d’agiter devant mon nez ce qui ressemble à des tickets. J’ai beau avoir une bonne vue, à moins de deux centimètres de mon visage et en mouvement, j’ai du mal à lire ce qui est écrit.

Je prends l’une des invitations et l’observe attentivement. C’est visiblement un coupon pour une entrée gratuite à une exposition automobile.

Le voyant sautiller de joie, je ne peux m’empêcher de sourire. On dirait un gosse. Il finit par me demander :

-          C’est cool hein ?

Il court dans le salon et revient, me montrant un magazine qui tombe en miettes.  Au moins, il l’aura lu avec attention celui-là.

Du bout du doigt, il me pointe l’article qui stipule qu’un concours sur internet peut permettre de gagner des entrées gratuites.

-          Mate ! J’ai gagné !

-          C’est bien, je suis contente pour toi.

Ça me fait plaisir pour lui mais je m’en fous un peu. J’avoue que les voitures, j’aime pour le côté pratique. Le reste je n’y porte qu’un intérêt modéré. Si vous l’aviez entendu me parler de mécanique à longueur de journée, vous aussi seriez peut être blasés.

Je le contourne et me rends dans la cuisine, étant donné que le diner ne va pas se faire tout seul. Les rares fois où il a tenté de s’y mettre, j’ai par la suite souhaité qu’il n’ait pas fait l’effort. Vous voyez quand les enfants font semblant de faire la cuisine et mettent n’importe quoi dans une casserole ? Et bien lui fait pareil, sauf qu’il s’attend à ce qu’on le mange après.

 

Alors que je fouille les placards à la recherche d’une idée de repas, Julien me suit à la trace. Au bout de quelques minutes durant lesquelles ses yeux bruns me fixent, il demande d’un air incertain :

-          Tu voudras venir avec moi ?

Vouloir ? Certainement pas. Cette perspective me tente autant que l’idée de lécher les aisselles d’un footballeur velu au terme d’un match. Pour éviter de le vexer, je dis d’un ton peu enjoué :

-          Si tu y tiens. Mais ça m’étonne que tu n’ailles pas avec Samuel.

Samuel, c’est son ami un peu beauf mais pas méchant. Lui aussi s’extasie devant les voitures. A eux deux, ils critiquent ma petite Twingo. N’empêche qu’après douze ans de bons et loyaux services, elle tourne comme un charme.  

-          Je voulais te demander avant.

-          C’est gentil. Mais vas-y avec lui, tu sais très bien que je n’y connais rien dans ce domaine. Ce serait du gâchis.

Je fais un sourire qui, je l’espère l’encourage à oublier l’idée de m’y emmener.

-          Tu viens de faire un futur heureux ! Et ta journée à la fac ça a été ? Tu rentres tard d’ailleurs.

Je lève la tête pour l’observer, étonnée qu’il ait remarqué.

-          Ouais, j’ai été faire du jet ski avec Erin.

-          Ta nouvelle collègue ? J’ai entendu dire qu’elle est canon !

-          Nico t’en a parlé ?

-          En long, en large et en travers. Il a l’air emballé par cette nana !

Je ris en l’entendant dire ça et ne peux m’empêcher de répliquer :

-          Quand ne l’est-il pas ? Enfin bref, je suis contente pour le jet-ski, ça faisait longtemps que j’avais envie de tester.

-          Tant mieux. Et moi je suis heureux d’avoir gagné le concours, c’est une bonne journée pour nous deux.

Intérieurement, je pousse un énorme soupir. Pour une fois, j’avais espéré qu’il allait s’intéresser à ce que j’aime, à ce que j’ai fait. C’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de parler de ce sport. Mais non, pour mon plus grand désarroi, il embraye sur l’un de ses sujets de prédilection. :

-          D’ailleurs j’ai vu qu’il va y avoir des bagnoles de dingue ! Le genre que j’ai vues uniquement en jouant à Forza 4 !

Je l’écoute d’une oreille distraite, trop déçue pour faire convenablement semblant de boire ses paroles. Parfois, juste parfois, j’aimerais que ça redevienne comme à nos débuts et qu’il me prête attention. Depuis qu’on a emménagé ensemble je me sens comme un meuble. Un truc IKEA mal monté dont on ne remarquera les problèmes que le jour où il s’écroulera !

                                  

*    *          *          *

 

Je sonne à la porte avec 15 minutes de retard, comme demandé par Nico.

Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour être une bonne meilleure amie, je vous jure… Je n’ai que quelques secondes à patienter sur le palier avant qu’il ne m’ouvre la porte, tout sourire !

-          Salut toi ! Tu arrives juste à temps !

Il s’écarte pour me laisser entrer et referme derrière moi.  Comme d’habitude, je lui fais un bisou sur la joue, pose mon sac dans l’entrée et le suis dans le salon !

-          Lu !

-          Salut !

Je fais la bise à Erin et Mika, mon cousin, avant de m’asseoir en tailleur à côté d’eux.

Visiblement, l’instruction « arriver en retard pour que Nico puisse être seul avec Erin » n’a pas été claire pour tout le monde.

Étant donné qu’ils sont sur le tapis, je leur demande :

-          Vous réalisez qu’il y a un canapé et des fauteuils ?

Ma collègue me fait un sourire radieux en annonçant :

-          On t’attendait pour faire un jeu !

Mon sourcil se hausse malgré moi. Vu que mon cousin est présent et que c’est un pervers, je crains le pire, du genre un strip poker ou quelque chose dans ce goût-là.

Je finis par remarquer la boite du Pictionary et mon soulagement est immédiat.

-          On fait quoi comme équipes ?

Je pose la question en souriant, sachant très bien avec qui veut être Nico. Mais Erin est la plus rapide et elle s’exclame avant même que mon meilleur ami ait pu songer à ouvrir la bouche :

-          Je me mets avec Fanny !

Un petit sourire désolé plus tard, je m’approche d’Erin tandis que Mika et Nico s’installent  de l’autre côté de la table basse.

Au fond, il devrait être content, de là où il est, il peut mieux la reluquer. Je tourne la tête en direction de ma collègue et suis présentée avec une vue plongeante sur son décolleté. Bon, peut-être que c’est moi la mieux placée après tout.

On commence à jouer dans la joie et la bonne humeur. Vu qu’ils ne sont pas galants, c’est Mika qui tire la première carte.

Il s’empare d’un stylo et de papier tandis que je retourne le sablier. Nico essaie vaillamment de deviner le mot, mais je ne sais pas si c’est parce que je suis à l’envers, mais ça a l’air de ne ressembler à rien de connu. J’encourage Erin à s’accouder davantage en direction de Nico un peu pour lui permettre de mieux voir, partiellement pour que mon meilleur ami « profite » de sa proximité, mais surtout afin que ça le déconcentre. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que bien que discutable sur un plan moral, mon plan est PARFAIT ! Il a les yeux 50% sur la feuille, 50% sur ma collègue, ou tout du moins son décolleté. Et le pourcentage d’attention au dessin va en décroissant.

C’est très fière de moi que je clame :

-          Finiiii !

Mika jette son stylo et annonce comme si c’était une évidence :

-          C’était calvitie !!!!

Je saisis le bout de papier et le tourne dans un sens, puis dans l’autre. Il aura beau dire ce qu’il veut, ça ressemble plus aux fesses d’un babouin qu’à un crâne atteint de calvitie. À la limite, ça aurait pu être un œuf transgénique, mais c’est à peu près tout !

Après s’être joyeusement moquées de lui, la main est à l’équipe bientôt victorieuse. Je parle de la mienne, pour ceux qui ne suivraient pas.

Erin commence, tire une carte au hasard et lit. Tout le monde a les yeux rivés sur elle alors qu’elle fronce les sourcils et fait une drôle de moue avec sa bouche, réfléchissant.

-          Ok, c’est bon !

Nico retourne le sablier. Ma collègue se penche sur la table et se met à crayonner furieusement dans le but de me faire deviner une expression. Elle dessine ce qui a l’air d’être une mer. « La mer et les poissons ! » Un visage… Et une flèche qui va de la mer en direction de la bouche.

 « Avoir le mal de mer ?» « Avoir une haleine de moule pas fraîche ? » Oui, bon, j’ai inventé cette expression, mais peut-être qu’elle existe !

Le ricanement de Mika est royalement ignoré par yours truly tandis que je me concentre pour tenter de trouver.

Erin secoue la tête et commence rapidement un autre dessin. On dirait… On dirait une paire de seins, des bonbons… Et maintenant un mec qui a les yeux rivés sur ces deux trucs. Qu’est-ce que ça peut bien être ?

-          Tic tac tic tac les filles !

Nico jubile déjà. Je m’efforce de l’ignorer, profitant des dernières secondes qu’il nous reste.

Elle fait une bouche ouverte avec plein de bave...

JE SAIS !

-          Avoir l’eau à la bouche ! 

Erin lève ses deux index vers le ciel et se tourne, me prenant complètement par surprise en m’attirant dans ses bras ouverts.

Une fois les premières secondes de « raideur involontaire » passées, je lui rends son accolade, savourant l’air doublement blasé de Nico par-dessus son épaule. Non seulement on vient de réussir, mais en plus c’est moi qui profite des fruits de notre victoire. Ce jeu s’avère être beaucoup plus divertissant que je ne l’aurais cru ! Je suis peut-être sadique sur les bords, mais personne n’est parfait !

Je tire une carte et constate avec joie et ravissement que je vais devoir faire deviner le mot « crapaud » à Erin, tout en dessinant de ma mauvaise main.

Je saisis le crayon et commence mon œuvre.

Franchement…

Heureusement que je n’ai pas tenté de vivre de mon art, parce que je serais morte de faim à l’heure qu’il est.

C’est horrible. Nan, pire que ça, c’est abominable.

Bien que ça fasse longtemps que je n’en ai plus vu, j’ai une vague idée de ce à quoi ressemble un crapaud et ce n’est clairement pas proche de ce que je suis en train d’esquisser. Ou alors si, si l’animal a été exposé à une forte dose de radiations au stade de têtard, là peut-être… Je crois que j’aurais mieux réussi si j’avais tenté de dessiner avec mon pied, mon nez, j’irais même jusqu’à dire avec mon omoplate !

Les mecs sont déjà ricanant, à se moquer de moi et je suis la première surprise en entendant Erin suggérer d’un ton incertain : « Un crapaud ? »

-          Yes !

Je jette le crayon et fais une petite danse de joie, plaçant mon doigt sur le menton de Nico pour l’aider à le remonter au passage. Erin n’est pas en reste et fait le geste « je me la pète » en époussetant son épaule.

Mon cousin étant le plus mauvais perdant de l’univers, il intervient direct :

-          Nan nan, mais commencez pas à tricher ! Jamais tu me feras croire que t’as deviné à partir de ça !!!

-          Et pourtant !

-          La prochaine fois, l’autre se retourne pendant que vous découvrez la carte !

Je souris et en rajoute une couche :

-          Sois pas déçu que même de ma main droite je sois meilleure que toi ! On a beau être de la même famille, on n’a pas tous eu les gênes du winner apparemment !

Mika ouvre sa bouche, certainement pour m’asséner une réplique désobligeante, mais est arrêté par Nico. J’imagine qu’il ne veut pas que l’ambiance se gâte, sinon ses plans « d’approche » tomberont à l’eau. Enfin ce qu’il en reste.

Je lance un coup d’œil à mon cousin qui fulmine toujours, et je dois dire que j’adore ça ! C’est juste trop trop bon de le taquiner, il part au quart de tour.

Le jeu reprend.

Au fur et à mesure que les minutes passent, ça devient de plus en plus évident. On est trop fortes !!!! Les garçons se font absolument laminer !

C’est Nico qui jette l’éponge en premier :

-          J’abandonne, vous avez gagné !

Immédiatement, Mika se redresse et se tourne vers lui, écarquillant les yeux :

-          Quoi ? Mais dis pas ça, on peut encore le faire !!!

-          Elles ont trop de points d’avance !

Vu le regard en coin auquel j’ai droit, c’est surtout la façon dont on « célèbre » nous victoires qui font qu’il est blasé. Je suis sûre qu’il regrette ne pas avoir directement demandé à Erin d’être dans son équipe. S’il l’avait fait, c’est lui qui aurait « profité » des éventuelles joies.

Rien que pour le saouler davantage, je déclare :

-          Que veux-tu, on est connectées Erin et moi !

Je regarde ma collègue, qui me sourit et hoche la tête, ajoutant :

-          Exactement !

Comme elle a l’air tactile, je n’hésite pas et passe ma main autour de ses épaules, l’attirant à moi comme si on avait élevé les cochons ensemble ! Si jamais vous vous demandez, oui, je l’ai fait pour narguer mon meilleur ami ! Erin se laisse faire, appréciant tout autant que moi les exquises expressions faciales des perdants !

Nico me jette un regard entendu et je sais qu’il a compris mon petit manège, mais c’était honnêtement beaucoup trop tentant pour résister !

 

*          *          *          *         

 

[Un mois et demi après la rentrée]

 

Mes yeux picotent alors que je tente désespérément de lire la copie d’un élève. Je savais que faire ce contrôle des connaissances était une mauvaise idée.

Résultat, du travail pour bibi qui ne comptera pas dans leur moyenne et mes pauvres globes oculaires qui menacent de tomber de leurs orbites.

Mon seul lot de consolation est que ces monuments de médiocrité peuvent toujours servir à éponger mes larmes de douleur ou comme absorbant si jamais je venais à renverser mon café.

 

Sérieusement, pourquoi les étudiants ont-ils la fâcheuse tendance, lorsqu’on leur demande quelque chose auquel ils n’ont pas réponse, à vouloir faire ceux qui sont au courant, mais qui restent vagues ?

Il faut que quelqu’un leur dise qu’on le voit ! Et surtout qu’ils apprennent qu’on a été un jour à leur place. On sait ce que c’est que d’essayer de prendre des notes sur son ordi alors même que la fac fait TOUT pour nous mettre des bâtons dans les roues.

Je n’exagère pas du tout !

On veut empêcher la jeunesse d’être studieuse, certainement dans une politique élitiste !

Exemple flagrant : le wifi !

À quoi ils pensaient au moment où ils nous ont mis ça en place ? Qu’on allait consulter la définition d’OPCM (Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières) pour être à même de répondre à la question du prof pile quand il la pose ?

Faut être réaliste, en donnant l’accès internet aux élèves, au mieux ils vont s’amuser de caricatures humoristiques en rapport avec le sujet.

Plus vraisemblablement, l’étudiant lambda va chercher s’il n’y a pas un groupe Facebook intitulé Je m’emmerde tellement en cours que j’ai réussi à trouver ce groupe inutile dans lequel il pourra poster une image de son wagon du train de l’ennui habilement dessiné sur Paint.

Je ris toute seule à mon monologue intérieur puis soupire en regardant la pile qu’il me reste à lire. Si je n’étais pas si épuisée, je me croirais dans un cauchemar !

J’entends un gloussement sur ma gauche et relève la tête pour lancer un regard pseudo menaçant à Erin.

-          Quelque chose t’amuse peut-être ?

-          Oui, toi !

Elle pourrait au moins avoir la décence de me mentir ! Je plisse les yeux et fais passer mon pouce tendu le long de ma gorge, comme j’ai vu faire dans les films.

Apparemment mon jeu d’actrice est à revoir puisque son sourire s’agrandit.

À la télé le destinataire de ce charmant geste s’était fait pipi dessus.

Peut-être qu’avec les cheveux gominés en arrière comme une vraie mafieuse je pourrais faire meilleure impression…

u_u

Vous voyez ?

Je suis tellement fatiguée que j’en viens à penser des trucs comme ça.

 

Je fais un gros bond sur mon siège en sentant les mains d’Erin se poser sur mes épaules. Alors que je tente de suffisamment calmer mon cœur pour pouvoir lui lancer une remarque assassine, ses doigts commencent un doux massage.

Ça élimine toute trace d’animosité en moi plus vite qu’un Valium !

Ma tête tombe légèrement en avant tandis qu’elle travaille les tensions dans ma nuque.

-          Faut que tu te relaxes et que t’apprennes à faire des breaks.

Je souris en entendant ça et réplique :

-          Je vois que tu as gardé ton côté étudiant en ce qui concerne la fréquence des pauses ! Je reconnais la jeunette fraîchement diplômée.

-          Exactement ! Tu sais ce qu’on dit, qui veut voyager loin, ménage sa monture ! Tu devrais être au courant, l’ancêtre.

J’acquiesce d’un signe de tête, étant donné qu’avec les sensations de pur plaisir que ses doigts me procurent, si j’ouvre la bouche je vais à coup sûr pousser un petit gémissement ou deux.

J’ignore au passage son commentaire sur mon âge, d’une part je l’ai bien cherché, de l’autre je n’ai que deux ans de plus qu’elle.

Un grognement de déception m’échappe lorsqu’elle arrête ce petit massage improvisé. Alors que je relève la tête et m’apprête à la remercier, elle s’exclame :

-          Allez debout, un bon café ne te fera pas de mal.

-          T’as raison. Pour une fois. 

Son sourcil se lève lorsque j’ajoute la dernière partie et un petit sourire en coin gagne mes lèvres.

Erin ferme la porte du bureau, plus par habitude que par réelle peur que quelqu’un nous vole quoi que ce soit. Je pense que personne ne m’envie la pile de copies qui attendent d’être corrigées. Et à vrai dire, si une âme charitable se dévouait pour me décharger d’une partie de mon travail, ce ne serait pas de refus.

Nous descendons les escaliers pour nous rendre dans la cafétéria. La pièce est petite et sans fenêtre. Seules les lumières blafardes des machines à café nous éclairent tandis qu’Erin choisit.

Je m’avance à mon tour, fouillant au plus profond de la poche de mon jean pour y pêcher le restant de monnaie qui s’y trouve. Ma collègue m’attrape par l’avant-bras et sort ma main de ma poche.

-          C’est pour moi.

-          Madame est trop bonne.

-          Oui je sais, je suis d’humeur royale aujourd’hui.

Cela dit, elle me tend une pièce de cinquante centimes. Je marmonne :

-          La royauté n’est plus ce qu’elle était. Mais merci quand même.

Je ponctue le tout d’un sourire moqueur, afin qu’elle sache que je plaisante.

Nous observons le travail des machines à café dans un silence quasi religieux.

J’attrape mon café et le touille méticuleusement afin de bien répartir le kilo de sucre que j’ai demandé. Erin fait une drôle de tête et semble hésitante, puis elle se met à parler d’une petite voix :

-          Nico est passé au bureau aujourd’hui.

Mes épaules se haussent comme par réflexe. Et alors ? Ça n’a rien de surprenant, il vient régulièrement me rendre visite.

-          Il voulait me déposer un truc ?

-          Ben justement. Ce matin, je lui ai dit que t’avais cours jusqu’à 17h et que tu serais pas de retour avant cette heure-là. Et il s’est repointé vers trois heures.

Ah… Je vois.

Mon petit oisillon tente de voler de ses propres ailes.

Apparemment, on a fait plus discret.

Mon cerveau a beau travailler le plus rapidement possible, je n’arrive pas vraiment à trouver d’explication qui ne sonne pas « il est intéressé + frétillement des sourcils ». En désespoir de cause, j’opte pour la vérité :

-          Il doit avoir envie de te connaître. Se rassurer que je ne passe pas mes journées enfermée avec une sorcière, tout ça… Il est prévenant !

-          Une sorcière ? Rien que ça ? Moi qui croyais avec été plutôt cool avec toi jusqu’à présent.

Je souris en voyant sa mimique faussement outrée. Mon air devient vite blasé en l’entendant continuer :

-          Ahhhh je sais. Désolée j’avais pas percuté. T’es maso et partisane de l’amour vache. Et moi qui pensais faire le bon choix en étant sympa. Tout s’éclaire. Tu veux que je te maltraite c’est ça ?

Erin ponctue sa question d’un sourire sadique tandis que j’analyse ce qu’elle vient de suggérer.

Venant de n’importe quel autre collègue, je serais probablement déjà dans le parking en train de verrouiller les portes de ma voiture et de prier pour qu’elle démarre sans problème.

Avouez que ça sonne bizarre. Ou c’est juste dans ma tête que ça sonne bizarre ?

En tout cas ce qui est bizarre c’est ce débat avec moi-même. Mais bon, passons.

Ce que je veux dire c’est que cette femme me met à l’aise. Je réalise qu’on n’a pas exactement élevé les cochons ensemble, mais j’ai l’impression qu’après seulement bientôt deux moisc’est tout comme.

Finalement, je me dis que si elle a décidé de jouer à ce petit jeu, je ne vais pas lui rendre la tâche facile.

-          Ça tombe bien que tu m’annonces ça pile au moment où j’ai du café brûlant en main. Tu sais que je t’apprécie ENORMEMENT hein ?

J’accentue volontairement le mot et m’approche d’elle avec un air menaçant.

À ma grande surprise, elle ne recule pas et renchérit en lançant :

-          Owi maltraite moi je n’attendais que ça !

Et c’est à ce moment-là ! Pile là, que le concierge rentre dans la cafétéria.

Je me justifierais bien, mais je crois que ça ne ferait qu’empirer les choses. En plus, ce type me drague depuis le jour 1, je n’imagine même pas à quoi il va rêver ce soir. Enfin il me drague… Moi et le reste des femmes de la terre.

Je suis mortifiée et Erin se contente de pouffer de rire. Sérieusement, qui a donné un diplôme à cette femme ? On peut pas mettre notre jeunesse entre ses mains c’est pas sérieux !

Tandis que j’ignore difficilement le nouveau venu, tentant de faire comme si de rien n’était, ma charmante collègue en rajoute une couche en disant :

-          Allez viens chérie, on retourne dans notre antre.

Je la déteste.

À peine arrivée dans le couloir, je chuchote :

-          Contrairement à d’autres, certaines tiennent à leur réputation ici !

Étant donné que sa seule réponse est un clin d’œil, j’abandonne et la suis jusqu’à notre bureau.

 

Une fois de retour dans mon fauteuil je décide d’être une bonne meilleure amie et de partir à la pêche aux informations pour Nico. Rien à voir avec le fait que l’alternative est de traiter la tour de Babel en copies qui trône devant moi.

-          Et avant que ta libido ne nous rattrape, tu disais quoi sur Nico ?

-          Ma libido ? Je te rappelle j’ai pas eu à te forcer pour rentrer dans mon jeu, associée !

Sachant que je n’avais rien à répondre à cette vérité, elle continue d’un ton sincère :

-          Il a l’air très sympa. Je l’aime bien. C’est ton meilleur ami c’est ça ?

Réponse plutôt vague, mais encourageante je dirais.

Elle n’a pas fait de critique du genre « parfait, sauf que ses chaussettes ne sont pas toujours assorties à sa tenue et ça se voit quand il s’assoit ». Bon, ok, je suis peut être l’une des seules que ça dérange, mais désolée, ça fait tâche !

Enfin d’un autre côté, étant donné qu’elle sait qu’on est proches lui et moi elle n’allait certainement pas me sortir cash que c’est le plus gros boulet que la terre ait porté.

-          Oui, c’est un type génial. Mon homme idéal.

Ses traits fins passent d’une moue curieuse à un air étonné en un instant. Je pourrais presque dessiner la petite ampoule au-dessus de sa tête. Elle réplique du tac au tac :

-          Ah ok ! Désolée j’avais mal compris je pensais que t’étais avec quelqu’un d’autre et que les rumeurs d’une relation entre vous deux c’était… bah que des rumeurs.

Je lève les mains pour l’interrompre :

-          Je t’arrête tout de suite ! C’est des ragots ! Je ne suis pas avec Nico. C’est mon meilleur ami et je l’aime, mais pas comme ça. J’ai eu le coup de cœur pour quelqu’un d’autre.

Elle fait semblant de s’éponger le front avant d’expliquer :

-          Le quiproquo ! Encore désolée, il se fait tard ! C’est juste que les fois où évoques ton homme, tu dis « mon chéri »  alors tout à coup, je me suis demandé si… Enfin tu vois !

D’un mouvement de tête, j’acquiesce et ajoute :

-          Pas de problème, je trouve ça assez flatteur que tout le monde pense qu’un type comme ça voudrait bien de moi ! Pi c’est vrai que je ne parle pas beaucoup de mon chér-

Je m’arrête net en réalisant que j’allais encore l’appeler par son « statut » et dans un raclement de gorge, je continue :

-          Et c’est vrai que je ne parle pas des masses de Julien.

Erin me lance un sourire puis demande avec un soupçon d’appréhension :

-          Comment ça se fait d’ailleurs ? Enfin si tu veux blablater d’un autre sujet je comprends hein !

Ma bouche se tord un peu alors que je réfléchis à sa question. Je discute peu de lui, mais c’est juste parce qu’il n’y a pas grand-chose à dire là-dessus. Et pi ça m’arrive de travailler aussi hein, je ne fais pas que papoter.

Je m’apprête à répondre lorsque quelque chose attire mon regard par la fenêtre. Intriguée je m’approche pour mieux voir.

Le concierge est là, au milieu de nulle part.

Deux hypothèses sont envisageables : soit il décide de tailler l’unique arbre à la nuit tombée et mains nues, soit c’est un vieux voyeuriste qui tentait de mater ce qui se passait dans le bureau. On n’a pas de vis-à-vis alors c’est le seul moyen pour lui.

Erin est à mes côtés et secoue la tête d’un air amusé. Au moins, je sais quelle option elle a à l’esprit. Je me tourne pour lui faire face et lance :

-          Bravo, tu vois ce que t’as fait ! Maintenant ce pervers se fait des films !

Me prenant totalement par surprise, Erin m’enlace et me renverse, se plaçant dos à la fenêtre. Alors que je suis dans la position « baiser renversé de fin de film romantique », je plisse les yeux dans une fausse menace en constatant son air amusé. Vu comme on est positionnées, je suis sûre que l’autre voyeur est persuadé qu’il se passe quelque chose.

-          Tu trouves ça marrant peut-être ?

Après un moment d’un inconfort certain, elle me remet à ma place d’origine. Je ne comprends pas pourquoi les gens aiment cette posture, j’ai l’impression que l’autre va me lâcher et que mon coccyx va faire une douloureuse rencontre avec le sol. C’était la première fois que je testais et non seulement c’était pour de faux, mais en plus c’était décevant.

Erin replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et répond :

-          Plutôt. Et j’essaie de voir en combien de jours la rumeur de votre relation peut devenir ménage à trois.

Elle me fait un sourire exagéré d’un air débile. Et elle est fière d’elle ! Visiblement, mon regard foudroyant n’est plus ce qu’il était. Je vais me planquer à mon bureau avant qu’elle ne décide qu’il serait bon qu’on fasse semblant de faire l’amour sur le sien pour aider les ragots. Mieux vaut prévenir que guérir. Cette femme est un danger, elle est totalement imprévisible. J’attrape une copie, l’air détaché et lance :

-          Quand la rumeur sera en place, je me vengerais, sache-le.

Elle hausse un sourcil et demande :

-          Comment ça ?

-          J’espère que tu n’as rien contre l’idée que tu pourrais pratiquer une sexualité alternative ! Fouet ou bondage hardcore, mon cœur balance !

Ses yeux s’écarquillent et elle demande d’un air inquiet :

-          Tu ferais pas ça ? Nan sérieux déconne pas !! Fanny ! …. ! Fanny ?

Fière de moi, je me concentre sur le torchon entre mes mains et commence ma lecture.

En arrière-plan, je l’entends s’inquiéter et ça, ça me fait sourire. Peut-être bien que j’aime l’amour vache, mais uniquement quand c’est moi qui pratique les vacheries ! 

7 novembre 2012

Chapitre 10

Mika arrête la voiture et me demande pour la millième fois environ :

-          T’es sûre que tu veux pas que je t’accompagne ?

-          Oui, je suis sûre, je vais y aller comme une grande fille, toute seule. Je lui dois bien ça.

Il acquiesce d’un signe de tête et me questionne :

-          Tu sais déjà ce que tu vas lui dire ?

Je hausse les épaules, me mordant l’intérieur des joues.

-          Pas la moindre idée… Je suis ouverte aux suggestions !

-          Tu comptes parler d’Erin et toi ?

Un large sourire pervers se dessine sur son visage et il ose même faire des mouvements de sourcils.

-          Arrête d’imaginer !

-          Trop tard !

-          Je suis ta cousine !!!!

-          Elle non !

Rahhh il m’énerve !

Je l’entends rigoler tandis que je boude, affalée dans le fond du siège. Je mets ma tête en arrière, contre l’appui-tête et lance :

-          En même temps, je sais même pas s’il y’a un Erin et moi.

-          Comment ça ? D’après ce que tu as insinué, et ce malgré le honteux manque de détails, c’est plutôt clair qu’elle t’aime plus que bien et c’est visiblement réciproque.

Je me passe les mains sur le visage. Il n’a pas tort sur ce point-là mais… Je suis pas sûre d’être prête à assumer. J’en ai envie mais j’en ai peur. Et là je suis à un stade où je peux toujours mettre ce qui s’est passé sur le compte d’une folie passagère. Enfin de folies à répétition. Ma mauvaise foi n’a pas de limites !

Du coup, l’idée c’est de ne pas y penser et de repousser au maximum le moment où j’en parlerai avec Erin. Je réponds aux textos de manière amicale et tout ce que j’ai envie de dire qui dépasse du cadre, je le garde pour moi. Mais je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir continuer comme ça, plus je la fuis, pire c’est.

Je soupire et me penche pour lui faire un bisou.

-          Je t’appelle dès que j’ai fini.

-          Ça marche.

J’ouvre la portière et mon cousin me lance un :

-          Merde !

-          C’est gentil.

Je sors et vais jusqu’à l’appart au radar. Arrivée devant la porte, je toque. J’ai les clés mais je ne me sens pas de les utiliser. J’ai l’impression que je poireaute des plombes, là, debout l’air bête à jouer avec ma chaine pour me donner une contenance. Finalement, Julien m’ouvre. Il a l’air surpris de me voir et il ne ressemble pas à grand-chose.

-          Oh, salut ! Je ne m’attendais pas à te voir ! Entre, je t’en prie.

Je lui fais un sourire et passe à côté de lui. Il ferme la porte derrière moi et je regrette d’être venue même s’il le fallait. C’est trop tôt, tout va trop vite pour moi en ce moment, j’aimerais bien retrouver un semblant de contrôle.

-          Ça va ?

C’est plus une question rhétorique qu’autre chose, vu sa tête ça ne va pas franchement. Ne sachant pas quoi en faire, je mets mes mains dans mes poches et me balance un peu. 

-          Pour être honnête, j’ai connu mieux.

Il s’affale sur le canapé tandis que je reste debout.

Je sais pas quoi dire, c’est horrible. Un long silence totalement inconfortable

Finalement, c’est lui qui prend la parole :

-          C’est vraiment terminé hein ?

Je baisse la tête. À son ton il connait déjà la réponse.

-          Je peux juste savoir pourquoi ?

Je ne peux pas lui dire que je suis attirée et obnubilée par quelqu’un d’autre, qui en plus se trouve être une femme… Alors j’opte pour l’autre partie de la vérité :

-          Mes sentiments pour toi ont changé… Je suis désolée.

 

* * * * *

 

Bien qu'on ait échangé des messages relativement courtois depuis, je n'ai pas vu Erin depuis notre « dispute ». Je suis nerveuse et je me demande comment je vais lui dire bonjour. La fois d’avant, étant donné qu’elle était fâchée, on s’est même pas salué à proprement parler, comme ça c’était réglé. Et oui, c'est pour ça que je suis plantée devant la porte du bureau, la main sur la clenche. Sentant que j'attire l'attention, je finis par entrer.

Erin est avec un élève que je reconnais des exams l'année dernière. Ironiquement, il m'a marquée parce que je n'avais jamais vu sa tête avant. Apparemment, son niveau d'implication a augmenté !

Ma collègue me fait un sourire radieux, comme si elle avait oublié à quel point j’ai été incorrecte avec elle et d'un geste de la main, m'indique de m'approcher. Je m’exécute et lui fais la bise, sûrement plus lentement que je ne devrais. À vrai dire, ça me fait super bizarre après ce qui s’est passé entre nous. C’est la première fois que je reviens dans le bureau depuis… l’incident.

L'élève, Benjamin me semble-t-il, me regarde d'un drôle d'air.

Peut-être qu'il est juste deg !

Je souris en pensant ça et vais me placer derrière mon bureau pour travailler. Mes yeux n'ont visiblement pas compris le concept puisqu'un millième de seconde plus tard, ils viennent caresser Erin.

Amies on a dit.

Calme-toi.

Secouant la tête, je mets de l'ordre dans les stylos de mon pot à crayons, souriant en repensant à la raison qui fait qu'ils se sont trouvés par terre à la base. Elle a dû les ramasser...

Concentre-toi un peu !

Je remue une nouvelle fois la tête, comme le ferait un bovin qui veut se débarrasser d'une mouche. Et la réalité est beaucoup plus plaisante que l'exemple.

Finalement, je me constitue un H en trombones, pour me rappeler qu'au boulot, il faut que je pense Hétéro, avec un grand H.

Sauf que je viens de remarquer qu'Homo commence aussi par un H.

Bref.

Benjamin (ou quel que soit son nom)  raconte sa vie à ma collègue qui l'écoute patiemment.

Argh, je suis sûre qu'il est là pour la draguer ! J'ignore la ridicule vague de jalousie qui s'empare de moi. Après tout, qui pourrait le blâmer. Elle m'a fait changer de bord, pas étonnant que ceux déjà de ce côté de la barrière tentent leur chance.

Oubliant toute bonne résolution, mes yeux la parcourent sans retenue. Étant donné que mon bureau est placé perpendiculairement au sien et un peu en retrait, tout va bien, Benjamin n'en saura rien.

Erin porte une chemise manches courtes noire, ouverte juste ce qu'il faut pour faire saliver. Ses doigts jouent machinalement avec la fine chaine d'argent qu'elle a autour du cou. Je l'imagine me fixant droit dans les yeux, et la déboutonnant pour moi...

Péniblement, je parviens à regarder ailleurs. Mais j’ai parfaitement conscience du fait qu’elle est là et que je crève d’envie de l’observer. C’est beaucoup plus dur que je ne l’aurais cru. Résister à l’évidente attirance que j’ai pour elle, à tout ce que j’ai envie de lui faire, à la simple pensée d’être avec elle à nouveau… C’est un supplice.

Mon regard se pose sur le H en trombones, qui semble me narguer. Agacée, je le détruis d'un mouvement de la main et attrape dans mon sac le classeur qu'il me faut.

Allez, un dernier coup d'œil et je m'y mets.

Oh. Mon. Dieu.

Je regrette que notre vision n'ait pas de fonction zoom lorsque je la vois, stylo aux lèvres. J'arrive à deviner sa langue qui joue distraitement avec le bout de ce qui est le plus chanceux stylo  au monde. Et vu qu’il fixe également sa bouche, ce n'est pas Benjamin qui me contredira !

Amies on a dit !

Erin semble quant à elle complètement innocente et n'a pas l'air d'avoir remarqué notre émoi. J’aimerais avoir cet effet sur elle.

Enfin s’il faut, je l’ai et je l’ignore !

Cette idée m’en donne une autre, que je n’arrive pas non plus à déloger…

Je souris toute seule et hésite… Avant d’attraper mon téléphone. Quelques secondes plus tard, la vibration indiquant un nouveau message se fait clairement entendre dans le bureau autrement silencieux.

Mon cœur bat la chamade, j’ai vraiment peur de sa réaction.

Ma collègue s'excuse, saisit son propre smartphone et lit mon texto, celui-là même où il est écrit noir sur blanc "J'ai beau tenter de lutter, rien à faire, j’ai envie de toi...". Ses yeux s'écarquillent une seconde, puis semblent relire et me fixent d'un air incrédule.

C'est la première fois que je suis aussi directe avec elle. D’ailleurs, ça doit sûrement être la seule occasion où je l’ai clairement avoué.

Pour toute réponse, je lui fais un sourire en coin et hausse un sourcil, l'air de dire "t'en dis quoi ?". Inutile de faire marche arrière, ma volonté est inexistante aujourd’hui.

Reconnaissant un challenge quand elle en voit un, elle commence à me répondre et est interrompue par Benjamin qui lui demande :

-          Un message de votre petit ami ?

Pendant un instant, j'ai peur qu'il ait réussi à lire et tous mes doutes reviennent vitesse grand V, puis je réalise qu'il fait de la pêche aux infos.

N'empêche qu'il n'est pas le seul à vouloir connaitre la réponse. Peut-être que ça m’aiderait à savoir ce que je veux. Parce que si j’arrive à être raisonnable à distance, ça change radicalement dès qu’elle est dans la pièce.  C’est pour ça que le plan « je l’évite à vie » était pas si mal !

Erin lui fait un sourire qui, s'il m'était adressé, rendrait le port de sous-vêtements inconfortable et réplique d’un ton suave :

-          Ça, j’ai peur que ça ne te regarde pas !

Rabat-joie !

Mon téléphone vibre et je réalise qu'elle a répondu.

Benjamin, que visiblement rien n'arrête, en rajoute une couche.

-          En tout cas si c'est le cas, il a beaucoup de chance.

Est-ce que je finirais en prison si je lui fais un accidentel coup du lapin en lui lançant mon agrafeuse à l'arrière du crâne ?

Blasée, je retiens le "pffft" que j'ai envie de lâcher et lis mon sms, tandis qu'il tend un papier à une Erin gênée. Sûrement un poème d'amour d'ailleurs !

Je crois que tu as fait tomber un trombone.

Quoi ?

Mais de quoi elle parle ?

Je l’observe et suis accueillie par un sourire en coin.

Ahhh, j'ai saisi !

Héhé

C'est donc à ça qu'elle veut jouer ?

Je prends un des trombones qui composait mon H, la fixe, tends le bras et le laisse délibérément tomber. De là où je suis, il n'y a aucun doute quant au fait que ma collègue ne lit pas un mot sur la feuille mais m’observe.

Heureusement loverboy ne peut pas s'en rendre compte étant donné qu’il est debout et qu’elle a la tête baissée avec ses cheveux qui font barrage.  

Je fais un petit bruit d'agacement et me lève. Ma jupe est fendue à l'arrière et j'ai une idée très précise de l'étendue de peau qu'elle va dévoiler si je fais le mouvement que j’ai à l’esprit. Je me penche pour ramasser le trombone qui m’a "malencontreusement" échappé et m'abaisse en gardant bien les jambes bien droites. Le tissu de ma jupe se tend au niveau de mes fesses et je souris malgré moi... Inutile de regarder, je sais exactement où sont posés ses yeux et me sens complètement offerte. Ma main touche le trombone mais j'attends quelques secondes pour le saisir, le temps de lancer un coup d’œil en arrière.

Le regard noir de ma collègue n'est définitivement pas posé sur le papier qu'elle lit. Elle se racle la gorge, et fait mine de s'accouder en se tenant la tête, pour mieux se cacher j'imagine.

Ahhh le ramassage d'objets divers en tenue de secrétaire, certes un classique, mais un indémodable.

Fière de moi, je me redresse et retourne m'asseoir comme si de rien n'était, prenant bien soin de remonter un peu ma jupe. Le bureau me dissimulera aux yeux de Benjamin, mais c'est tout.

Je saisis mon téléphone et tape ;

Merci, je ne l'avais pas vu. Il fait chaud ou c'est moi ?

Et non, ce n'est pas une figure de style. Les hormones sûrement, mais je meurs.

Erin rend son papier au jeune homme et lui dit :

-          Il faudra voir avec le secrétariat pour ce dont tu parles dans le deuxième paragraphe. Pour les autres points, tout est là

Oh, elle a réussi à lire quand même, je suis impressionnée. Pendant qu'il relit sa feuille et celle qu'elle lui a tendue, elle répond :

C'est toi qui me donnes chaud. J'essaie de faire vite.

Je souris. Enfin une bonne nouvelle.

Je ne sais pas trop d'où sort ce nouveau côté "aventureux" que j'ai développé, je n'ai certainement jamais été comme ça avant, mais ce n'est pas pour me déplaire. Au moins pendant ce temps je m'amuse et je ne me prends pas la tête, et je peux me tromper, mais je crois que je ne suis pas la seule.

Je n'arrive pas à dissimuler mon sourire en entendant Erin dire :

-          Bon... Je crois que c’est tout, n'hésite pas à faire circuler l’info aux autres.

C'est tout juste si elle n'ajoute pas "merci d'être passé", histoire de bien le congédier dans les règles de l'art.

-          Merci pour tout. Et euh... Passez une bonne journée.

-          Oh ne t’inquiète pas pour moi !

A son silence, j’imagine que sa réponse le laisse perplexe et m'efforce de retenir mon sourire et d'avoir l'air concentrée sur ce que je prétends lire depuis tout à l'heure. J’en suis à la deuxième phrase. Le pauvre, il ne se doute de rien.

-          Au revoir Mme Klein.

Bien qu'étonnée qu'il se souvienne de mon nom, je lève la tête et lance :

-          Au revoir.

À peine a-t-il fermé la porte que j'entends Erin se mettre debout. Je continue de faire semblant de lire tandis qu'elle nous enferme puis vient se placer dans mon dos.

Son souffle pourtant chaud me fait frissonner lorsqu'elle écarte mes cheveux pour murmurer à mon oreille.

-          Tu réalises que c'est cruel de me dire des choses comme ça alors que je ne peux rien faire ?

Je ne réponds pas immédiatement, plus parce qu'elle m'embrasse partout dans le cou et c'est distrayant que par manque de répartie.

Amies ? Ça craint comme idée !

Ses mains me caressent les bras et je fais tourner ma chaise, mettant fin à sa douce torture avant de répliquer :

-          Tu crois que je mérite une leçon ?

Ses yeux noirs se plissent et elle passe sa langue sur ses lèvres avant d’acquiescer.

-          Hmm hmm, je crois en effet.

Et ses lèvres capturent les miennes.

Je retiens tant bien que mal le petit  gémissement que j'ai envie de pousser, ne sachant pas qui est dans le couloir à cette heure. Et ayant peur d’être surprise dans une position pour le moins compromettante.

À mon grand regret, elle met fin au baiser, mais s'installe à cheval sur moi, enroulant ses bras autour de ma nuque.

-          C'est peut-être con, mais ça m'avait manqué.

-          Alors on doit être deux connes...

Je pose mes mains sur ses fesses pour l'aider à tenir (bon et peut être un peu pour une autre raison moins avouable) et l'embrasse. Je ne pense pas pouvoir un jour m'en passer maintenant que j'y ai goûté. Elle se recule et me demande, tout sourire :

-          Je croyais qu’on devait s’en tenir à de l’amitié ?

-          Tu t’es regardée ? Je suis qu’humaine !

Ce concept de « juste potes » ne va pas le faire si je dois la côtoyer alors qu’elle est si… Pfiou !

Juste quand je m'emporte, on toque à la porte. Je fixe ma collègue l'air de dire "sérieusement ?" alors qu'elle se recule.

J'essaie de la retenir et chuchote, geignarde :

-          On n’est pas là !

Elle rit, me dépose un dernier petit bisou sur les lèvres et répond :

-          Ils ont rendez-vous. Je t'avais bien dit que tu allais être punie !

-          Très drôle.

Je l'observe aller ouvrir la porte, tentant de la déverrouiller silencieusement. Et si vous vous posez la question, OUI je suis blasée et OUI je boude !

 

* * * *

 

Je sens quelque chose se poser sur mon épaule et lorsque je tourne la tête pour regarder ce que c’est, un cri qui ne va pas exactement me faire passer pour une guerrière m’échappe.

Un demi-tour en toute hâte plus tard, je trouve mon cousin, une araignée en plastique à la main, se tordant de rire.

-          Très drôle.

-          Ohhh que oui ! T’aurais dû entendre ton cri !

-          Tu fais erreur, je ne crie pas !

-          Ça, c’est entre toi et… Erin si je ne m’abuse !

Il faut que quelqu’un m’explique pourquoi, au grand loto de l’univers, j’ai tiré le seul cousin diabolique !

Je lui arrache le jouet des mains, juste pour le plaisir de lui lancer au visage.

Si j’avais su, je ne lui aurais jamais parlé de cette histoire !

-          T’es cruel, tu en as conscience ?

-          Peut-être bien, mais c’est toi qui m’a appelé pour qu’on se voie !

-          Ouais bah je suis une idiote !

Il me regarde, souriant et demande :

-          Tu accepterais de répéter ça une fois que j’enregistrerai ?

-          Va chier ! Tu ne pourrais pas oublier ce que je t’ai avoué ce qu’il se passe ?

-          Tu plaisantes ou quoi ? Y’a pas eu de nouvelle aussi croustillante depuis le baiser entre Madonna et Britney ! Et quitte à ce que ma cousine soit une grosse lesbienne, Erin n’est pas un mauvais choix, elle est canon !

Je lui frappe la cuisse tandis qu’il se met à marcher à mes côtés.

-          T’es pas supposé la reluquer !!!

Mika se tourne et m’observe d’un air qui signifie plutôt clairement « t’es sérieuse là ? » :

-          Tu la connais, ce qui la rend abordable, elle est sublime et je suis un mec hétérosexuel célibataire, c’est si je le faisais pas que ça serait inquiétant !

Je soupire et secoue la tête en riant. Il est grave, mais on va dire que ça fait partie de son charme.

Grommelant, j’ajoute :

-          Et arrête de dire que je suis lesbienne !

On passe les haies qui délimitent l’entrée du parc et continuons à avancer, à la recherche d’un banc pour nous asseoir. Il hausse les sourcils et demande :

-          Parce que tu l’es pas ?

Comment je suis supposée savoir moi ? Si je connaissais la réponse, je serais au choix de retour dans les bras de Julien ou au lit avec Erin !

-          Euh… On a qu’à dire que je suis… Hétéro flexible.

-          Et on parle de quel degré de flexibilité là ?

Au vu de son air pervers, je sais qu’il pense à quelque chose que je ne préfère même pas imaginer. Sinon je risque de voir M. Haru plus longtemps que prévu.

Je lève et yeux au ciel et repère un banc, sur lequel je vais m’affaler en soupirant. Mika s’assied à côté de moi et pose une main sur mon épaule :

-          Pourquoi tu luttes autant ? Elle te plait non ?

-          C’est pas si simple !

-          Au contraire, je trouve ça très simple moi, mais explique toi.

Je relève la tête et observe les gens qui flânent autour de nous, cherchant mes mots.

-          Avant, c’était pas compliqué. J’étais avec Julien, la vie était « facile ».

Je mime des guillemets du bout des doigts et continue :

-          Et voilà qu’Erin arrive et tout est remis en question. J’ai l’impression de plus rien contrôler et je déteste ça. Un moment je me dis que c’était juste un coup de folie, que ça n’arrivera plus et la minute après je me surprends à faire des trucs dont je ne me croyais pas capable ! Et je m’énerve moi-même à ne pas savoir ce que je veux et à souffler le chaud et le froid avec elle !

Une fois ma petite tirade terminée, je respire rapidement, soulagée que ça soit sorti. Mika attend quelques secondes avant de me donner son avis :

-          Honnêtement ? La manière dont tu viens de présenter les choses implique que quoi que tu décides, tu finis toujours par aller vers elle. Et puisque je suis certain que tu m’as contacté pour obtenir les fruits de mon infinie sagesse sous la forme d’un conseil, le voilà : je serais toi, j’arrêterais de me prendre la tête et je foncerais !

Il a pas tort.

Argh, je DETESTE quand il a raison.

 

* * * * *

J’essaie de me voir tant bien que mal dans le reflet de la vitre du couloir, mais évidemment je n’y arrive pas. J’ai eu beau mettre environ 3H à choisir mes habits, je doute encore et toujours.

Finalement, je prends une inspiration et toque à la porte, étant déjà assez en retard comme ça. Travaux à la con !

J’entends des pas et après quelques secondes, Erin m’ouvre.

-          Salut ! Ne reste pas là, entre.

Elle se recule et je suis tellement soufflée par son look que j’en oublie de répondre. Elle a attaché ses cheveux, mettant son visage en valeur. Elle porte un petit haut sans bretelles, un genre de bustier à motif écossais avec un minuscule lacet à l’avant pour l’esthétique. Je passe à côté d’elle comme un zombie, échouant lamentablement à l’épreuve « ne pas regarder dans son décolleté ».

J’espère retrouver le contrôle de mes globes oculaires tandis qu’elle ferme la porte, mais c’est sans compter sur la façon dont son pantalon noir moule ses formes.

Arghhhh !

Finalement, elle se retourne et me fait face. Je réalise que je ne sais pas trop comment lui dire bonjour étant donné qu’on a jamais été vraiment seules depuis notre « dérapage ».

Elle s’approche de moi et me fait un petit sourire timide. Ses yeux pétillent et sont juste superbes, à tel point que j’oublie mes réserves et m’avance pour venir l’embrasser.

Étonnamment, notre baiser est doux et lent. Je découvre ses lèvres comme si c’était la première fois, prenant mon temps.

Elle se recule, mes mains dans les siennes et lance un :

-          Bonjour !

-          Bonjour !

Je suis fière de moi, j’ai pensé à répondre. Mon cœur fait encore une fois la course dans ma cage thoracique et je fais à Erin un sourire tellement grand qu’il me fait mal aux muscles faciaux.

Je me mords la lèvre et résiste vaillamment à l’envie de faire courir mes doigts sur le haut de sa poitrine, comprimée par le bustier.

À la place je me recule et me racle la gorge, bien consciente de son pouce qui caresse doucement le dos de ma main, et lui demande :

-          Ça va ?

-          Oui et toi ?

-          Ça va merci.

Je la regarde dans les yeux m’y noyant complètement et n’ayant pas la moindre intention d’appeler à l’aide. Son sourire me sort de ma torpeur :

-          T’es craquante, mais faut qu’on se bouge sinon on sera en retard.

Pfff. J’ai pas envie de m’y rendre de toute manière. Un sourire me vient aux lèvres en repensant à la tête du directeur quand je lui ai demandé à quel point cette réunion obligatoire l’était vraiment.

Apparemment, on n’a pas tous les mêmes priorités. La mienne est de réussir à parler à Erin plus de 5 minutes. Le reste m’est bien égal. Dire qu’à la base j’étais supposée arriver en avance pour qu’on fasse exactement ça, mais qu’à cause de ces travaux de m**** on ne peut pas… Ça me tue.

On descend les marches, et je la laisse marcher devant pour pouvoir voir son décolleté par-dessus son épaule. Ces derniers temps, je développe des talents de ninja pervers, ma progression est impressionnante !

Une pression sur le bouton contrôlant l’ouverture centralisée des portes et nous entrons toutes les deux dans ma voiture.

Après quelques minutes passées à lutter pour ne pas poser ma main sur son genou, on arrive à la fac. J’ai envie de parler de « nous », mais sans avoir à être pressée par le temps.

Un brouhaha ambiant règne dans l’amphi alors que nous rentrons. Je m’installe à l’arrière, comme au bon vieux temps où j’étais élève. Erin se glisse dans mon dos et s’apprête à se placer à côté de moi, quand le directeur lui fait signe de s’approcher. Elle me fait un petit sourire et va le voir, laissant sa main caresser mon épaule au passage.

Mes yeux glissent sur elle tandis qu’elle descend les marches avec une grâce féline. Je ne peux m’empêcher de remarquer la façon dont les têtes tournent sur son passage. Erin n’a pas l’air d’en avoir conscience, mais les trois quarts des personnes présentent l’observent. Je vois la main du directeur se poser sur son avant-bras et rit amèrement. Évidemment, lui aussi. Même s’il est marié et assez âgé pour être son père, il est complètement sous son  charme… Fais la queue bonhomme, t’es pas le seul dans cette file !

Je me sens soudainement insignifiante. Elle pourrait avoir n’importe qui dans cette pièce. Qu’est-ce qu’elle fout avec moi ? Enfin, non pas qu’on soit ensemble, mais… Je me comprends !

Sa tenue, qui me plaisait tant tout à l’heure, m’a à présent l’air trop… Juste trop. Je les vois la caresser du regard et ça me tue. Je m’efforce de rester immobile et de sourire, mais en réalité je doute. Et si jamais je lui faisais honte ? Je ne veux pas que tout le monde soit au courant de ma vie privée, mais je n’ai pas non plus envie d’être un vilain petit secret…

Finalement, une fois que j’ai eu le temps de ruminer, je réalise que je peux me permettre des libertés avec elle, qu’aucun d’entre eux n’oserait même rêver. Et ça, ça me fait sourire.

La réunion se passe rapidement, et je suis prête à m’enfuir lorsque j’apprends qu’il y a un pot d’organisé. À contrecœur je m’y rends. On se tasse tous dans une salle exigüe. Sérieusement, on n’aurait pas pu rester dans l’amphi ? Au moins j’avais un peu d’espace pour respirer !

Je me tourne vers Erin pour lui savoir ce qu’elle a envie de boire, mais elle me bat en demandant :

-          Tu veux quoi ma belle ?

Je suis à la fois heureuse et gênée par le petit surnom qu’elle vient de me donner devant nos collègues et réponds timidement :

-          La même chose que toi.

Elle sourit et secoue la tête en riant :

-          Comment tu peux dire ça, je ne sais même pas encore ce que je veux !

Je fais une moue malicieuse et réplique :

-          Ça me paraît être un bon choix !  Allez file !

Je la gratifie d’une tape aux fesses, qui aurait l’air amicale pour n’importe qui qui verrait la scène, mais vu la façon dont ma collègue me regarde par-dessus son épaule tout en partant, elle sait très bien que c’est juste une excuse pour la peloter. J’admire la façon dont son jeans lui moule ses parfaites petites f-

-          Vous avez l’air proches.

Hein ?

On te parle, concentre-toi perverse !

-          Pardon ?

-          Erin et toi, vous avez l’air proches.

Je retiens vaillamment à la fois le sourire lubrique et le frottement de mains que j’ai envie de faire et me contente d’un :

-          On l’est. Pourquoi ça ?

Le collègue hausse les épaules et répond d’un air faussement désintéressé :

-          Comme ça. Tu sais si elle a quelqu’un dans sa vie ?

Oui, et oui, maintenant dégage.

J’observe la « concurrence », tandis qu’il se tient devant moi avec sa petite chemisette blanche et son jeans années 40 remonté jusque sous les aisselles. Manque plus que les bretelles et le rire et on a un Steve Urkel.

Un autre collègue lui file un grand coup de coude et le regarde avec des gros yeux.

Je fronce les sourcils un instant, ne pigeant pas pourquoi il a fait ça. En voyant Steve Urkel rougir et baisser les yeux, j’ai soudain une idée bien précise.

Il se met à parler et confirme ma théorie pile au moment où ma collègue revient :

-          Enfin, je… j’ai entendu les rumeurs sur vous deux et je... enfin… j’espère que ce n’est vrai ?

Erin me fixe en haussant un sourcil d’un air amusé, me tendant une boisson encore non identifiée. Le type et son pote attendent bien sagement, n’osant pas croiser notre regard. Je me sens rougir et je la déteste, parce qu’elle l’a fait exprès. Finalement, elle me sauve de l’auto combustion en disant :

-          Tsss…. On peut pas te laisser seule cinq minutes hein ?

Je lui fais un petit sourire désolé, contente qu’elle ne le prenne pas mal.

Elle se penche vers les deux curieux, regarde de gauche à droite et leur lance sur un ton indéchiffrable :

-          J’essaie de lui faire comprendre qu’on est faites l’une pour l’autre, pour l’instant elle me repousse encore, mais c’est qu’une question de temps.

Ceci étant dit, elle les laisse plantés là, me tirant un peu plus loin. Je la sens glisser sa main dans la poche arrière de mon jeans. Je souris en secouant la tête et la lui frappe. Elle murmure un « oups » absolument pas convaincant et la place en bas de mon dos.

Je jette un coup d’œil derrière nous et les deux collègues sont toujours là, ne sachant pas si c’est du lard ou du cochon.

Je me tourne vers Erin :

-          Ça t’amuse ?

-          De quoi ?

L’air innocent qu’elle essaie de se donner contraste totalement avec le sourire coquin qu’elle arbore. Je n’arrive pas à m’empêcher de sourire en retour. Ses yeux brillent, elle est tout simplement superbe. Je me mords la lèvre pour tenter de me retenir de l’embrasser, et elle n’en manque pas une miette. Elle sait. Je détourne l’attention en déclarant :

-          Tu réalises que tu viens de confirmer la rumeur ?

-          Juste en ce qui me concerne. Et ce n’était pas un mensonge !

Je secoue la tête en riant et me colle à elle pour lui murmurer à l’oreille d’un ton joueur :

-          Ne me tente pas, je pourrais m’assurer que tout le monde voie que c’est réciproque !

-          Chiche ?

Je la regarde fixement, étant à une distance tout sauf raisonnable pour une amie. Si je m’écoute, je me jette sur elle. Mais c’est pas vraiment l’endroit. Et bien qu’on soit deux adultes consentantes, je ne sais pas comment ça pourrait agir sur nos carrières respectives. La fac est un milieu éclectique et tolérant, mais la société ne l’est pas. Et je n’ai pas envie d’être catégorisée comme « la lesbienne ». Même si n’importe quelle femme qui pose les yeux sur Erin le devient un peu.

Si si.

C’est une règle universelle j’vous dis !

Je suis sauvée par Nico qui arrive et nous passe toutes les deux un bras sur les épaules.

-          Du calme les filles, les gens bavent !

Je lui lance un regard noir, en partie pour sortir des conneries pareilles, mais surtout pour avoir brisé l’instant.

-          Très drôle.

-          Je suis sérieux !

 

25 avril 2019

Partie 4

 

 

Et merde. J'y vais à l'instinct.

La première idée qui me vient à l'esprit est d'attraper Chloé et de lui rouler la pelle de sa vie.

Mais c'est mort.

Même pas en rêve.

L'envie de l'embrasser m'est passée et m'a laissé le même souvenir impérissable qu'une intoxication alimentaire dans un avion.

En plus, connaissant sa légendaire décontraction, je me retrouverais sûrement à embrasser la réincarnation d'une planche, yeux grands ouverts et bras ballants.

Le but est d'arrêter la personne qui s'amuse à redécorer les cabines, pas que l'on pense que je suis derrière tout ça, me jetant sur n'importe qui !

Réfléchissant à la vitesse de la lumière, je place une main dans le bas de son dos, l'autre derrière son cou, amenant sa tête au creux de ma nuque. Je me laisse tomber en arrière, sachant que le mur est derrière moi et que Chloé est côté placard, ce qui veut dire qu'elles ne verront pas sa tête étonnée. Au moment où la lumière du couloir nous illumine, je place mes lèvres contre sa peau avant d'entendre un cri.

Feignant la surprise, je me tourne vers nos “invitées”, qui ont l'air totalement perplexes, mais surtout… silencieuses.

Chloé, en revanche, continue de gémir.

Je la repousse avec la ferme intention de lui faire comprendre qu'elle en fait dix fois trop, mais la vois porter sa main à son front, me lançant un regard assassin.

Oh merde. En m'adossant rapidement, je réalise que je lui ai éclaté le crâne contre le mur.

Ses yeux verts viennent se planter dans les miens, me foudroyant littéralement :

- Sérieusement ?

Je lève une main pour lui expliquer que je n'ai pas fait exprès, les mots d'excuse mourant sur mes lèvres alors qu'elle me bouscule pour sortir, sa paume toujours sur son front, des larmes aux yeux.

Nos deux spectatrices s'écartent sur son passage, trop étonnées et confuses pour oser poser des questions.

Mais ça ne va pas durer.

Et je ne veux pas être celle qui devra y répondre.

Fuck.

Adressant un sourire crispé à Gladys et la femme de ménage, je m'empresse de suivre Chloé, m'enfuyant tant que je le peux.

 

====

 

J'arrive sur le parking avec un sac de sport, deux cafés et des excuses méritées. Je n'ai pas réussi à la rattraper hier et je n'ai plus son numéro... Elle m’a indiqué le lieu de rendez-vous dans un email hyper professionnel et je me voyais mal lui expliquer à quel point je suis désolée à l’écrit.

À l'instant où j'aperçois Chloé adossée à sa voiture, je me sens hyper mal. Elle a appliqué une généreuse dose de fond de teint, mais il est clair que plus de 12 heures après, le choc est toujours visible, une zone rougeâtre bel et bien présente.

M’est avis qu’on n'a pas dû passer loin de la bosse…

- Hey.

Elle ne lève pas les yeux de son téléphone et me répond d'un ton glacial :

- Hey.

Déposant mon sac au sol, je lui tends le café que j'ai commandé spécialement pour elle. Elle plisse les yeux, fronçant les sourcils et l'espace d'une seconde je me demande si je ne vais pas finir brûlée au troisième degré…

Chloé lâche un soupir, place son téléphone dans la poche arrière de son jeans, attrapant finalement ma branche d'olivier et soulevant le couvercle, reniflant le contenu.

Intriguée, je mords à l'hameçon :

- Tu fais quoi ?

- Je vérifie qu'il n'y a pas d'arsenic, on n'est jamais trop prudente.

Sa réaction m'agace. Au début de notre “conflit”, elle voulait tout le temps que l'on s'explique, maintenant que les rôles sont inversés, je n'entends plus de “parlons-en entre adultes”.

C'est évident que la blesser n'était pas dans mes intentions !

Du coup, je me laisse aller :

- Pour ta gouverne, ce café ne contient rien, il est noir et amer, comme ton âme. Et l’arsenic peut être inodore.

- Ce genre de commentaire ne m’aide pas à avoir confiance...

Avant qu’elle ne puisse m’envoyer son café au visage pour de bon, je pose une main sur son avant-bras :

- Mais pour ce que ça vaut, je suis désolée, je n’ai pas vraiment fait exprès.

Ses traits restent hostiles et j’ai parfaitement conscience qu’elle essaie de déterminer si je suis sincère ou non, du coup je continue sur ma lancée :

- Pour me faire pardonner, tu n’as qu’à choisir nos rôles.

Cette nouvelle lui extirpe un demi-sourire :

- Ok, prof et élève.

Je hausse un sourcil :

- Qui jouera la prof ?

Elle s’auto désigne du pouce :

- Étant donné que j’étais dans le milieu du sport, je me dis que je serais sûrement plus crédible. J’en avais parlé avec la patronne et elle a justement un coach en arrêt maladie, alors ça l’arrangerait que quelqu’un le remplace aux frais du contribuable.

Hein ? Complètement confuse, je me demande à quoi elle fait référence :

- Comment ça ? Enfin oui, comme tu veux pour les rôles. Mais c’est quoi cette histoire de sport ?

Chloé à l’air mal à l’aise, passant sa main à l’arrière de sa nuque, faisant par la même cascader ses cheveux noirs et m’envoyant une bouffée de shampoing floral :

- Bah tu sais… La police, ma reconversion…

Euh… Non.

Non, je ne sais pas du tout.

Genre… zéro idée.

Mais je ne veux pas mettre encore plus en avant mon ignorance totale et absolue.

Et comment elle peut s’être déjà reconvertie ? Elle a le même âge que moi et j’en suis aux débuts de ma carrière.

Bref, je verrai plus tard.

Il suffira d’appeler Emilie, commère comme elle est, elle saura à coup sûr.

- Ah, ouiii ! Et donc, tu vas faire un cours de quoi ?

- Renforcement musculaire. L’idée, c’est qu’on interagisse avec le maximum de personnes possible, histoire d’essayer de débusquer le ou la coupable.  

- Ça me va.

J'espère que c’est la collègue Gladys qui s’occupera de la réception aujourd'hui, je n’ai pas du tout envie de la voir.

Chloé s’apprête à se mettre en mouvement lorsque je demande :

- Oh, et tu peux me passer ton numéro s’il te plaît ?

Ne voulant pas risquer qu’elle interprète ça autrement, j’ajoute :

- Ça peut être pratique en cas de piste, pour l’enquête.

- Tu ne…

Elle soupire, puis reprend : 

- Nan rien. Passe-moi ton tel.

Je lui donne, la regardant pianoter pour entrer son numéro. Je demande :

- Tu veux le mien ?

- T’as changé ?

- Non.

- Alors je l’ai.

Elle a gardé mon numéro ?

Avant que je ne puisse poser plus de questions, elle s’empare de son sac et tourne les talons.

Sachant que l’on ne peut pas arriver ensemble, j’en profite pour envoyer un message à Emilie :

Hey. J’ai besoin de tes talents de concierge. Chloé était une sportive avant d’entrer dans la police ?  Elle m’a parlé d’une histoire de reconversion ? T’es au courant ?

 

===

On a décidé de se rendre à d'autres cours que ceux des mardis et jeudi soir, car certains de nos suspects s’y trouvent et comme ça on pourra avancer sur plusieurs fronts. Techniquement, ça devrait nous permettre de diviser le nombre de personnes à sonder dans un seul cours tout en évitant les risques que quelqu'un surprenne une conversation qui mettrait l'enquête en péril.

Heureusement que je suis en bonne forme physique avec mon métier, sinon vu le planning qui nous attend, j’en aurais chié.

Et pour l'instant ça me permet de réussir les exercices sans trop de problème et d’engager la conversation avec les suspects sans cracher mes poumons au passage.

Les autres sont en train d’avancer sur les mains et les pieds, presque comme à quatre pattes mais les genoux à proximité du sol sans le toucher et une demi-douzaine de personnes et moi attendons notre tour.

Je me tourne vers ma voisine, qui fait partie des suspects qu’il reste à identifier et qui semble à l’aise et “normale”. Non pas que ça la disculpe. Elle est jeune et j’opte pour le tutoiement, ne voulant pas avoir l’air trop formelle :

- Ça fait longtemps que tu viens ici ?

Oh my God, ça sonnait pas comme une vieille phrase de drague dans ma tête...

Elle se tourne vers moi et m’adresse un sourire par pure politesse :

- Environ 5 mois, toi ?

- C’est mon premier cours collectif. J’espère que je vais réussir à tenir le rythme ! Oh, je ne me suis pas présentée, Claire, enchantée.

Elle serre ma main tendue et annonce :

- Maud, de même. Et t’en fais pas, ça va aller. Ce sera peut-être un peu dur au début mais si c’est le cas ça viendra très rapidement. Ah, c’est à nous.

Sans attendre de réponse, elle se met en position tandis que j’imite tout le monde. Je me sens un peu ridicule à avancer comme un singe, d’autant que Chloé nous demande d’être volontairement lents. Au début, je ne percute pas bien quelle est la difficulté, mais très vite je sens que ça fait travailler le gainage. Et puis ça me permet d’observer les mains de Maud. Les doigts ne correspondent pas à ceux de la photo je dirais…

Arrivées de l’autre côté de la pièce, je réfléchis à un moyen de reprendre la conversation, mais elle me bat à mon propre jeu :

- Tu vois, ça a été !

- Oui, mais ce n’est que le début. C’est plus les courbatures de “l’après” qui me font peur.

Je ponctue ma phrase d’un sourire malicieux, avant de demander :

- Sinon les gens sont sympa ici ?

- Globalement, oui, très.

- Globalement ?

Elle se tourne vers moi, cherchant visiblement à savoir si je suis digne de confiance, avant de se pencher pour me dire à l’oreille :

- À moins que tu n’apprécies tout particulièrement les gros machos pervers, à ta place je resterais loin du type en vert. Et si tu veux des conseils pour te muscler, mets-toi à côté de Salomé, elle t’en donnera sans même que tu aies à demander.

D’un mouvement de tête rapide, elle me désigne la femme-tank de l’autre côté de la pièce. Ok. Monsieur “vas me chercher un sandwich” et madame “conseils non-demandés”, c’est noté. Les deux sont dans la liste des suspects, avec une autre fille près de moi. Il s’appelle Fabrice je crois et Madame Muscle c’est Salomé.

J’ai bien envie d’aller le voir, mais j’ai peur des répercussions que ça aurait sur mon image auprès de Maud.

Il est misogyne et obsédé ? Oh coool, j’ai trop envie d’aller lui parler !

Ouais.

On va éviter hein.

Je finis par capter le regard de Chloé. J’articule le prénom de Fabrice sans faire de son, espérant qu’elle arrive lire sur mes lèvres et lui montre de qui il s’agit d’un mouvement des yeux.

Elle détourne la tête mais acquiesce, semblant avoir compris le message.

On change d’exercice, travaillant cette fois les jambes.

Franchement, c’est plus dur que ce à quoi je m’attendais, réflexion faite, je ne suis pas sûre de pouvoir faire toutes les séances qu’on a prévues…

Malgré moi, je ne peux m’empêcher de regarder la manière dont son pantalon de yoga épouse les formes de Chloé alors qu’elle enchaîne les squats sans sourciller, nous montrant ce qu’elle attend de nous.

À peine l’exercice a-t-il débuté qu’elle se dirige vers mon potentiel suspect, lui demandant visiblement de descendre plus bas.

Il pose une question et quelques instants plus tard, je la vois faire une nouvelle démonstration. Ce n’est pas franchement compliqué, s’il n’arrive même pas à comprendre ça sans assistance, je doute qu’il soit assez malin pour être notre coupable et ne pas s'être faire prendre.

Et puis, je comprends.

Les yeux du type comme les miens sont focalisés sur autre chose que la posture parfaite que Chloé adopte et j’ai un peu honte de me retrouver dans le même panier que lui. Mais pour ma défense, je suis dans le dos de ma collègue et ce qu’elle me présente sur un plateau est carrément sexy. En tant que lesbienne célibataire et sexuellement frustrée, c’est presque un devoir de regarder quand l'occasion se présente !

Secouant la tête pour me remettre les idées en place, je reprends l'exercice.

Je tends l’oreille, espérant que quelqu'un aborde le sujet pour lequel je suis ici, histoire que je puisse poser des questions sans être immédiatement grillée. Malheureusement personne ne fait d’effort et mes yeux retournent se poser sur ma collègue. Le type a abandonné tout exercice, fléchissant ses biceps. Chloé le palpe avant de contracter et pincer sa propre cuisse.

Elle est naïve ou quoi ?

Il la drague, ça se voit comme le nez au milieu de la figure !

La situation ne me plaît déjà pas beaucoup, mais lorsqu'il pose sa grosse paluche sur son quadriceps, se faisant visiblement plaisir, j’ai envie d’aller lui coller mon poing dans la face.

Elle lui a pas dit qu’il pouvait toucher, pour qui il se prend ?

Une suspecte sur ma droite, Marie je crois, semble remarquer les regards meurtriers que j’envoie et les interprète très librement :

- Si il te plaît, reste après le cours, il traîne généralement sur le banc de musculation.

Toute la bonne volonté du monde n'aurait pas suffi à retenir ma grimace de dégoût face à son insinuation :

- Ew, merci, mais non merci.

Amusée elle prend une grosse voix et annonce :

- Quoi ? T’es pas séduite par : mate moi ces abdos poupée !

Elle ponctue cela d’un furtif soulèvement de son haut de sport. Bon point pour elle, je remarque qu’elle a un grain de beauté sur le ventre et que son nombril ressort un peu, contrairement à celui des photos. Mauvais point : elle m’a rencontrée il y a moins de 30 secondes et me montre déjà des parties de son corps, le tout sans sollicitation.

- Pas vraiment non. Les gens imbus d’eux-mêmes ou exhibs c’est pas trop mon truc !

Son visage adopte un air amusé et je sais qu’elle s'apprête à sortir une connerie :

- T’es au mauvais endroit alors !

- Comment ça ?

Allez, pitié, faites qu’elle parle des clichés !

- Excepté le fait que la moitié des gens sont ici pour se montrer… tu sais, le scandale.

Elle termine sur un ton conspirateur et je dissimule ma joie du mieux que je peux :

- Euh, non, de quoi tu parles ?

Elle m'entraîne à l'écart en me tirant par le bras :

- Un cinglé affiche des photos pornos dans les vestiaires des femmes.

Essayant de me remémorer le dégoût que j’ai ressenti en voyant les clichés en lieu et place de l'excitation que je ressens réellement, je produis une superbe grimace de déplaisir :

- Quoi ? Ew ! Mais qui ? Pourquoi ?

Elle regarde autour d’elle, s'assurant que personne n’espionne notre conversation, avant d'expliquer :

- On sait pas. Mais on flippe. Pas mal de nanas envisagent de partir.

- Et personne ne sait qui c’est ? Même pas une petite idée ? Tu commences à me faire stresser, je viens de m'inscrire !

Je rajoute la dernière partie pour ne pas faire que poser des questions.

- Non… on n’en a aucune idée.

Je m'apprête à demander autre chose lorsque la voix de Chloé m'arrête net, indiquant la fin de l'exercice.

Je lui fais les gros yeux mais il est clair qu'elle ne pouvait pas faire durer plus longtemps sans que les gens ne commencent à se plaindre.

La séance de torture continue par un autre exercice bien connu : la planche.

Je me dirige vers ma bouteille d’eau que je termine avant d’aller me placer à côté de Madame Muscle.

M’installant en position, après 30 secondes je manque de m’écrouler lorsque Chloé vient m’appuyer dans le dos avec enthousiasme.

- Mhhhfff !  

Quelle salope !

J’y crois pas !

Abus de position dominante !

Sans vergogne !

Elle voit pas que je galère déjà avec les deux magnifiques poids que j’ai d’accrochés en permanence à l’avant du buste ?

D’une voix mielleuse qui tranche avec la noirceur de son âme, elle m’indique :

- Plus bas, plus bas. Voiiiiilà.

Je suis en train de mourir et ne peux pas me permettre de gaspiller mon précieux souffle, mais croyez-moi que le regard assassin qu’elle se prend devrait être plus que clair !

Imperturbable, elle fait mine de faire son lacet et me murmure :

- Ça c’est pour m’avoir valu les pires minutes de ma vie ! Prépares-toi à souffrir lors des prochaines séances.

J’y suis pour rien si le type était un gros lourd !

Offusquée, je m’apprête à clamer mon innocence (toute relative) mais ma collègue est déjà partie, complimentant ma voisine, qui y va de son petit commentaire désobligeant :

- Merci, je m’applique à faire ce qui m’est demandé. La planche, pas la tente, haha.

Qu’elle continue comme ça et elle va voir le pied.

Au cul.

Le mien précisément.

C’est décidé, je ne l’aime pas !

C’est pas parce qu’elle est aussi féminine qu’Hulk qu’elle peut se permettre ce genre de réflexions ! Et Chloé qui rigole à sa “blague”...

Elle ne perd rien pour attendre !

Mes tentatives de discussion “vestiaire” avec le steak à mes côtés sont toutes très vite avortées, c’est tout juste si elle ne me demande pas de la fermer. Pourquoi elle ne va pas juste soulever de la fonte si elle refuse de parler avec les gens de son cours collectif ?

Les exercices s’enchaînent et Maud n’avait pas menti, elle n’est pas bavarde mais en revanche cette chère Salomé n’est pas avare en conseils non-désirés.

“Tu devrais te mettre plus comme ça”. “Tu n’as pas la bonne posture”. “Mouais, je ne suis pas sûre que ça fasse travailler grand-chose là”.

Si, ma patience.

Juste au moment où je pondère la possibilité de sa mort violente par strangulation (je ne suis pas sûre que mes deux mains suffiront à faire le tour de son énorme cou de taureau, d’où le temps de réflexion), Chloé lui sauve la mise :  

- On va clôturer la séance comme il se doit : des étirements !

On commence et je crois bien avoir trouvé le talon d’Achille de la montagne protéinée à mes côtés. Aussi souple qu’un parpaing, ses mouvements font franchement peine à voir.

Me parant de mon plus beau sourire mauvais, je lui dis :

- Plus bas, plus bas, il faut que ça étire !

Tout en sachant qu’elle ne pourra pas le faire.

Fort heureusement, ça ne l’empêche pas d’essayer, prenant ça comme un défi. Je jubile à la vue de la veine palpitante qui apparaît sur son front sous le coup de l’effort.

Elle semble satisfaite de son résultat, alors évidemment, je surenchéris dans un haussement d’épaules :

- Oh, bon, peut-être la prochaine fois !

Ce faisant, je me mets en position de grand écart frontal avant de m’allonger le long de ma jambe droite.

Elle fulmine, c’est évident.

C’est l’un des plus beaux moments de ma vie.

Si je pouvais, je la prendrais en photo.

Ma collègue m’arrête à nouveau dans le tissage de cette amitié bourgeonnante, demandant au groupe :

- Certains font du yoga ?

Quelques mains se lèvent et j'imagine que c'est la réponse qu'elle attendait :

- Alors c'est parti pour Adho Mukha Svanasana, la posture du chien tête en bas.

Personnellement, ça ne m'évoque rien du tout mais je suis apparemment l'une des seules, puisque quasi tout le monde se place à quatre pattes, avant de se relever petit à petit. Leur position finale est : penché en avant, mains au sol, à bonne distance des pieds et tête dans l'alignement du corps.

Ne tenant pas particulièrement à me retrouver à proximité du cul tendu d'inconnus, je m'écarte légèrement de la masse de corps avant de les imiter.

Chloé se déplace parmi nous d'un pas nonchalant, distillant quelques conseils par ci par là.

Je sursaute en sentant ses mains se poser de part et d'autre de mes hanches, me tirant vers son bassin et s’arrêtant juste avant que l’on entre en contact.

Elle a perdu la boule ou quoi ? Je n'ai pas signé de contrat indiquant que j'étais partante pour faire sa co-star de mime d'accouplement surprise !

Ignorant la réaction de mon corps devant son geste possessif, je relève la tête brusquement, prête à lui faire remarquer que contrairement à ce qu'elle a l'air de croire, elle n'est pas à l'abri d'une plainte pour harcèlement sexuel. J’ai à peine le temps d’ouvrir la bouche qu’elle resserre sa prise sur ma hanche d’une main tandis que l’autre se place en bas de mon dos, faisant pression.

Ok ça va trop loin.

Si elle mime le geste de la fessée, je lui en colle une, auditoire ou pas.

Ils n’auront qu’à la coffrer elle pour les photos !

Affaire résolue, merci, au revoir.

Mes pensées meurtrières sont interrompues par sa voix :

- Il faut que tu alignes ton bassin avec ton dos, ton pubis est trop en avant.

Oh.

Elle me repositionne.

Je me sens stupide d’avoir pu penser qu’il s’agissait d’autre chose… Après tout, ce bateau a coulé depuis un moment maintenant. En même temps c’est sa faute, elle m’a déjà provoquée tout à l’heure !

Malgré tout, mon agressivité retombe comme un soufflé, remplacé par un autre sentiment sur lequel je n’arrive pas mettre le doigt.

Je me détourne, me replaçant face au sol. Chloé retire ses mains, me laissant avec une sensation de froid à la place.

On continue avec d’autres étirements et une fois terminé, je m’empresse de me rendre dans les vestiaires, espérant capter quelques conversations.  Chloé reste derrière pour échanger avec les abonnés et répondre à leurs éventuelles questions. J’espère qu’elle va avoir trouvé quelque chose, parce que j’ai hâte de pouvoir retourner à ma petite vie.

Tendant l’oreille, je prends mon temps pour me changer, mais excepté quelques ragots, il paraît vite clair que je ne vais rien apprendre d’intéressant.

Changée, je me dirige en direction de la sortie, essayant d’ignorer la vague de honte qui me traverse lorsque je vois que Gladys a repris son poste.

En chemin, je constate que Chloé est en grande discussion avec une superbe fausse rousse qui la trouve apparemment hilarante, à en juger par ses petits gloussements débiles. Levant les yeux au ciel, mon regard croise celui de Gladys à l’instant où il redescend.

Elle a l’air désolée pour moi.

Génial.

Maintenant non seulement elle pense que je suis du genre à fricoter dans les placards, mais qu’en plus Chloé est déjà passée à quelqu’un d’autre. Même pas 24 heures après.

La classe.

Ne supportant les généreuses pelletées de pitié que la réceptionniste est en train de m’adresser, je me dirige vers le distributeur de boissons. Alors que j’attends que la machine me livre ma bouteille d’eau, je jette un coup d’oeil à mon téléphone portable. Emilie m’a répondu :

T’es tellement sympa avec moi, je ne sais pas si je devrais t’aider… Mais ouais, jsuis au courant, tout le monde en parlait à son arrivée, tu vivais sous une roche ou quoi ?! Elle était biathlète, elle a fait les JO et tout !

Oh !

Ceci explique cela. Je ne peux m’empêcher de jeter un coup d’oeil furtif à ma collègue. Athlète olympique ? Ça rigole pas.

Elle a l’air un peu trop à l’aise avec son interlocutrice.

J’ai fait la liste et je suis 100% certaine qu’il ne s’agit pas d’une suspecte.

Et même si sa voix est semblable au son d’ongles sur un tableau, niveau physique, je dois avouer que la nana est totalement irréprochable. Genre “madame, madame, vous vous êtes trompée de bâtiment, miss univers c’est à côté”, irréprochable.

J’ai envie d’aller interrompre leur idylle, partiellement parce que si je suis sympa, ça montrerait à Gladys que cette situation ne me dérange pas, partiellement parce que je ne suis pas convaincue que Chloé est effectivement en train de chercher à faire avancer l’enquête.

J’attrape vigoureusement la bouteille d’eau, sentant toujours le poids d’une paire d’yeux dans mon dos. Je ne sais pas si je devrais. Si jamais elle est réellement en train de bosser, elle pourrait s'agacer et je lui ai déjà éclaté la tête hier, il ne faudrait peut-être pas exagérer... 

 

16 novembre 2011

Chapitre 17 & 18 (fin)

Chapitre 17

Oh mon Dieu…

Est-ce que c'était vraiment ce que je crois ? Ca voudrait dire que…

J'avale vite la framboise, à moitié de travers mais qu'importe.

Jo commence à se reculer et je réalise que je suis en train de laisser passer ma chance.

Mes mains viennent se placer de chaque côté de son visage et lentement mes lèvres rejoignent les siennes.

Je ne bouge pas, attendant qu'elle fasse quelque chose, qu'elle me repousse ou qu'elle réponde. Je ne suis pas certaine que la scène a vraiment lieu. Tout ça paraît trop irréel.

Mon cœur s'arrête de battre pendant un instant, pour reprendre à un rythme d'enfer lorsqu'elle réagit et m'embrasse en retour. Sa main vient se placer dans le bas de mon dos, m'attirant plus à elle. Les miennes quittent son visage pour aller dans son dos.

Il n'y a pas d'urgence dans notre baiser, je crois qu'on essaie toutes les deux de réaliser ce que ça signifie.

Si tu savais combien j'ai attendu ce moment…

Je mets fin au contact au bout d'un temps. Je n'en peux plus, j'ai besoin de la voir. Mes mains viennent se placer au bord du bandeau qui m'aveugle. Elle me laisse faire sans dire un mot. Je sens son souffle sur ma peau et je sais qu'elle est dans le même état que moi.


Le morceau de tissu ne résiste pas longtemps et je lève les yeux pour rencontrer les siens.

J'arrive pas à croire à la chance que j'ai...

Elle me fait un sourire un peu timide et baisse la tête, comme si elle avait honte de ce qui venait de se passer. Oh non Jo, tu ne vas pas me faire ça…

Ma main libre vient lui saisir le menton, la forçant à me regarder. Pas question de reculer maintenant. Son regard est confus, je ne sais pas quoi en penser. Il faut qu'elle me confirme que c'était pas comme ça, pas juste une fois…

- Jo… t'es sû…

En un instant, son regard change du tout au tout et elle m'embrasse à nouveau avant que j'aie eu le temps de terminer ma phrase.

Je suppose que cela répond à ma question...

Elle pousse un petit gémissement alors que le baiser s'approfondit. Sa main m'attire encore davantage à elle. Mes jambes s'enroulent autour de sa taille. Elle me porte entièrement. J'ai besoin de la sentir contre moi. Mes mains accroissent la pression dans son dos. L'une des siennes vient se placer entre mes omoplates tandis que l'autre se place sous mes fesses pour que je ne tombe pas.

Comme si j'allais la lâcher.

Elle vacille légèrement, mais je sais que c'est uniquement sous l'effet de nos baisers. Mon intuition est confirmée lorsqu'elle fait quelques pas et sans rompre le contact me place dos au mur pour me fournir un appui.

Sa bouche délaisse la mienne pour mon cou. Des frissons me parcourent alors que j'essaie de maîtriser ce que je ressens. C'est encore meilleur que je n'aurais cru.

J'ai envie de sentir sa peau et mes mains passent sous sa chemise. Je m'émerveille du toucher. Je découvre une peau douce et souple. Mon corps réagit à ses baisers plus que je ne l'aurais cru possible.

Elle me rend dingue…

Ses mains désormais libres viennent se placer sur ma taille. Je sens qu'elle ne sait pas trop ce qu'elle doit faire mais qu'elle a envie de me toucher. L'une de ses mains va jusqu'à mon épaule.

Nos regards se croisent à nouveau et nos bouches se retrouvent. Sa main descend lentement de mon épaule et vient se poser sur mon sein.

Elle retient son souffle. Je me recule pour la regarder. J'ai du mal à croire à ce qui est en train de se passer. Et à la tête qu'elle fait, elle a du mal à y croire également.

J'ai peur de la brusquer et je ne veux surtout pas aller trop vite. Si quelque chose doit se passer, mieux vaut ne pas prendre le risque que ça se fasse sur un coup de tête et qu'elle le regrette après.

Je prends doucement sa main dans la mienne. Elle me regarde, ne semblant pas comprendre.

- T'en as pas envie ? Me dit-elle d'une toute petite voix.

Cette remarque me fait sourire. J'ai bien envie de rire mais elle serait capable de le prendre comme une moquerie. Qui n'aurait pas envie d'elle ? Faudrait vraiment être bête !

- Si, bien sûr que j'en ai envie… Mais je veux que tu saches qu'on a tout notre temps… Je veux dire… Ce n'est pas comme si ça faisait des semaines que j'en crevais d'envie !

 

*       *       *          *          *

 

Oh… Laura, est-ce que tu ne serais pas en train d'insinuer que ça fait longtemps que tu attends ce moment-là ? Elle repousse une mèche de ses cheveux blonds et me fait un clin d'œil qui me fait fondre.

Tout à coup, je réalise ce qu'elle vient de dire. Elle veut attendre que je sois prête…

Ca compte beaucoup pour moi l'air de rien. Toute ma vie, les gens étaient plus intéressés par mon physique qu'autre chose. Personne ne m'avait encore dit qu'il était prêt à attendre. A vrai dire, c'était plutôt l'inverse !

Mais bon, pour une fois je suis prête, très prête même !

Je la repose à terre. Elle me prend dans ses bras. Je ne peux pas m'empêcher de prendre une grande inspiration. C'est trop bon de l'avoir contre moi. Elle enfouit sa tête au creux de mon épaule.

La porte d'entrée qui claque nous fait sursauter toutes les deux. J'entends le pas caractéristique d'Anna s'approcher. Laura essaie de se reculer mais je la garde contre moi. J'ai assez caché mes sentiments et je suis assez grande pour faire ce que je veux sous mon toit.

Anna s'arrête un instant en nous voyant, regarde le CD qu'elle était revenue chercher, puis fait le premier sourire sincère dont j'aie été témoin depuis des mois. Elle n'a pas l'air étonnée du tout.

- Vous voyez quand vous voulez ! Bon, je m'en vais. On ne va pas revenir avant… trèèès longtemps avec Kim... Passez une bonne nuit !

Sur ce, elle nous gratifie d'un petit sourire en coin et s'en va. Je regarde Laura, qui a la bouche grande ouverte sous le choc. Bon, au moins ça veut dire que je ne suis pas la seule étonnée de l'allusion ouvertement sexuelle que ma petite sœur vient de faire.

Une fois l'appartement de nouveau tranquille, un lourd silence gêné s'installe. Vas y, embraye là-dessus !

 

Je la regarde timidement. Je me sens comme prise en flag par Anna. Pourtant on n'avait encore rien fait. Elle est en train de m'observer, je le vois bien.

- Mais euh… quoi ?

- Oh, rien… J'ai le droit de regarder maintenant alors je rattrape mon retard.

- Et si je suis pas d'accord ?

- T'as pas les moyens de m'en empêcher. Et me mettre un bandeau sur les yeux ne sera pas toujours aussi facile.

Pas les moyens, c'est ce qu'on va voir.

Je m'avance et l'embrasse doucement. Ses yeux se ferment. J'ai gagné. Je n'arrive pas à m'empêcher de sourire. Elle coupe court au baiser.

- Oh ça va, je sais ce que tu penses ! Mais c'était déloyal ! Par contre si ça t'ennuie pas je vais t'abandonner, me brosser les dents et reprendre une douche.

J'acquiesce sans un mot. Ca me donnera le temps de repenser aux dernières minutes qui viennent de s'écouler… 

Elle me fait un tout petit bisou et se dirige vers la salle de bain.

Je l'entends murmurer  " oh oui, une douche très froide " et je souris à cette remarque.

Mes yeux dérivent dangereusement vers le bas de son dos sans que je n'aie aucun contrôle sur eux. Je déteste quand ça fait ça !

Je m'étale sur le lit avec bonheur. Elle ne m'a pas repoussée !!

J'ai vraiment eu peur. Je ne sais pas ce que j'aurais fait…

Tu te serais probablement confondue en excuses et aurais prétexté un moment de folie...

Et dire qu'il y a quelques semaines, c'était une parfaite inconnue, qu'elle était à la rue etc… Ca me paraît être il y a une éternité.

Bon en même temps, y'a eu pas mal de chemin parcouru.

Maintenant on est ensemble.

Enfin je crois, j'espère.

Je me rappelle que je m'étais juré de ne plus douter de Laura. Ok, on est ensemble.

Je dois avoir l'air d'une abrutie finie là, à sourire toute seule. Mais pour ma défense j'ai des circonstances atténuantes…

Et dire qu'à cet instant, ma petite blonde préférée s'apprête à rentrer sous la douche...

Evidemment, des images HD me viennent à l'esprit. Je pourrais résister mais j'en ai pas la moindre envie. Je laisse mes pensées gambader pendant une ou deux minutes et je n'en peux plus.

Ca devrait être interdit d'être aussi désirable…

Je me lève et traverse le couloir de bout en bout. J'ouvre la porte de la salle de bain sans ménagement. Laura sursaute et finit de poser sa brosse à dents en me lançant un regard interrogateur. Sans prendre la peine de lui fournir une explication, mes lèvres viennent rejoindre les siennes. Elle répond immédiatement à mon baiser alors qu'un soupir m'échappe déjà.

La chaleur dans mon bas ventre s'accroît tandis que notre baiser devient plus passionné et que toute idée de retenue m'a définitivement quittée.

Nos mains deviennent bien vite baladeuses. Je la plaque contre la porte de la cabine de douche et l'embrasse de plus belle, la façon dont elle me touche me rendant complètement dingue. Je n'ai plus aucun contrôle sur la situation, répondant à mes instincts, ça me plait.

Au bout d'une minute, alors que je me colle encore un peu plus à elle, la porte finit par s'ouvrir, nous propulsant toutes les deux à l'intérieur. La main de Laura  raccroche le robinet, et l'eau nous tombe dessus.

Elle est glacée mais je n'en ai strictement rien à faire. A vrai dire, la situation me plait de plus en plus.

 

            *          *          *          *          *

 

Je regarde Jo, m'apprêtant à m'excuser, puis je remarque que sa chemise commence à devenir complètement transparente, laissant deviner ce qu'elle cachait.

J'avale difficilement. Plus question de faire marche arrière maintenant.

Elle a vu où mes yeux se trouvaient, je le sais et ça n'a pas l'air de la gêner, au contraire, elle se rapproche et vient se placer contre moi.

Nos habits trempés collent à la peau tandis que l'eau a désormais la température idéale. La façon dont elle m'embrasse ne fait qu'accroître mon excitation.

Je sens sa main saisir l'une des miennes et la placer sur son sein.

- Touche-moi…

Je ne me fais pas prier bien longtemps et mes deux mains prennent place où elles l'entendent. Son corps réagit à mes caresses. Je sens ses seins durcir encore davantage au creux de mes paumes. Sa bouche entame une longue torture alors qu'elle s'attaque à mon oreille.  Inconsciemment, je penche la tête pour lui laisser plus de place.

C'est pas possible d'avoir autant envie de quelqu'un…

Elle se recule juste assez et place ses mains au bas de mon t-shirt. Je comprends le message et lève les bras. Le tissu colle à ma peau et il nous faut quelques secondes pour en venir à bout. Alors que je me retrouve en soutien gorge, ses yeux parcourent le haut de mon corps librement. Ils sont noirs de désir. C'est con à dire, mais je me sens belle dans son regard…

Je me mets à l'embrasser de nouveau, je n'ai plus envie de la laisser partir. Elle vient se coller à moi encore davantage et la chaleur de son corps contraste délicieusement avec la fraîcheur du carrelage dans mon dos. L'une de ses cuisses vient se placer entre les miennes et j'ai du mal à me retenir de lui sauter dessus. Mon bassin commence à bouger dans un rythme lent imprimé par sa cuisse. C'est fou comme elle a l'air de savoir ce qu'elle fait.

J'ai bien envie de m'abandonner à ses caresses mais je ne compte pas la laisser s'en tirer comme ça. J'ai bien trop envie d'elle pour ça et c'est elle, la supposée novice après tout.

L'eau continue de couler sur nous sans qu'on fasse un seul petit mouvement pour l'arrêter. Je saisis le premier bouton de sa chemise et entreprends de le défaire. Elle me laisse juste assez de place pour ne pas gêner mes mouvements tandis qu'elle me mordille le bas de la nuque. J'essaie de garder ma concentration mais mes mouvements deviennent de plus en plus désordonnés. J'arrive enfin à bout du dernier bouton. La chemise mouillée ne reste pas longtemps en place et vient vite rejoindre mon t-shirt sur le sol. Son corps est purement et simplement parfait. Je n'en reviens pas. Je crois que je suis la fille la plus chanceuse au monde en cet instant précis.

 

            *          *          *          *          *

 

Le regard de Laura est sur moi et ça me plait plus que je ne l'aurais cru possible. Ses yeux viennent accrocher les miens alors que l'eau ruisselle toujours sur nous. Ma respiration est courte, je le sais, je le sens. La sienne est identique.

Cette fois, c'est elle qui vient rétablir le contact entre nous. J'aime sentir sa peau contre la mienne. Je suis adossée contre la paroi en verre tandis qu'elle lève une main pour venir la placer sur mon visage. Elle caresse doucement ma joue, puis descend le long de mon cou, passe entre mes seins, glisse jusqu'à mon nombril puis plus bas pour finalement se poser sur le bouton de mon jeans. Elle me regarde pour avoir l'autorisation. Comme si elle n'avait pas déjà tous les droits…

Au bout de quelques instants, mon pantalon n'est plus que de l'histoire ancienne. Ses mains viennent se placer juste en dessous de mes seins avant d'aller épouser mes hanches. Elles sont douces et visitent lentement mon corps. L'une d'elles continue sa descente et passe lentement à l'extérieur de ma cuisse. Ses yeux sont toujours dans les miens, tandis que sa main remonte doucement vers l'intérieur de ma cuisse. Mes yeux se ferment bien malgré moi lorsque sa main passe sur le fin morceau de tissu entre mes jambes. Pourtant sa main ne s'attarde pas et remonte avant de passer dans mon dos. Des frissons me parcourent de bas en haut. Je suis complètement à sa merci.

Sa main vient se loger derrière ma nuque et elle m'embrasse en accentuant la pression. Mes lèvres quittent les siennes pour son épaule. Je sème des petits baisers partout sur son ventre, descendant toujours plus bas, jusqu'à atteindre la limite de son pantalon. Mes mains attrapent le bouton et la fermeture éclair et en viennent à bout. Je fais lentement glisser le vêtement jusqu'au sol et j'en profite au passage pour découvrir son corps d'un peu plus près.

Je me relève, elle me sourit. Comme je peux aimer ce sourire !

Elle m'embrasse tandis que ses mains viennent dégrafer mon soutien gorge. Son souffle sur ma peau, ses mains sur moi, tout me plait. Je voudrais arrêter le temps à cet instant précis.

Je la laisse faire, appréciant le contact de sa peau sur la mienne. Sa bouche vient se poser sur ma poitrine mise à nu. Des frissons me parcourent de bas en haut.

Elle relève un peu la tête et j'en profite pour l'embrasser, il faut que je l'arrête avant d'être hors de contrôle. Je lis le désir dans ses yeux.  Mes mains dégrafent son soutien gorge. Je sens une humidité croissante entre mes jambes et je sais bien que ça n'a rien à voir avec l'eau de la douche. Mes mains se posent sur ses seins, bien vite suivies par mes lèvres. J'arrive à lui extirper des sons très intéressants.

Je ne résiste pas longtemps à la tentation et bien vite, je m'agenouille pour venir lui retirer  son dernier sous-vêtement. J'ai du mal à croire à ce que je suis en train de faire, mais en même temps tout ça m'est complètement naturel. Elle me relève. Son corps est encore plus beau que tout ce que j'aurais pu imaginer.

Nos lèvres se retrouvent dans un baiser tout sauf chaste. Je voudrais lui dire tout un tas de choses mais actuellement, le seul vocabulaire que je suis capable d'émettre consiste en une paire de gémissements.

Je coupe l'eau, j'ai bien trop chaud. Les vitres sont pleines de buée.

Ma main se pose sur son ventre, en dessine les courbes musclées, parcourt le pli de l'aine. La chaleur dans mon bas ventre redouble d'intensité. J'ai envie d'aller plus loin, même si je ne sais pas ce que je suis en train de faire. Elle me regarde, saisit ma main et sans jamais rompre le contact de nos yeux, la descend très lentement sur son intimité.

Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine tandis que mes doigts découvrent son sexe. Sa main quitte la mienne et vient se poser sur mon entrejambe, que seul un mince morceau de tissu recouvre encore.

Ses caresses me rendent dingue, j'aime la sentir vibrer sous les miennes.

Elle m'embrasse passionnément, je n'en peux plus. Mon corps lui appartient, elle peut tout prendre.

Le froid commence à se faire sentir. La gardant contre moi, j'ouvre la porte de la douche. On se dirige vers la chambre. Elle me pousse délicatement sur le lit et se met à cheval sur moi en m'embrassant. J'ai du mal à me concentrer sur autre chose que son corps nu sur le mien, mes yeux étant irrémédiablement attirés par quelques parties de son anatomie incroyablement proches de moi.

Sans jamais rompre le baiser, ses mains parcourent chaque centimètre de mon corps. Elle se relève un peu et vient à bout de mon dernier vêtement. 

Mes mains découvrent sa peau, toujours plus. Chaque parcelle de son corps est chaude et ferme, comme rien d'autre que j'aie jamais touché.

Une goutte d'eau est accrochée sur le bout de son nez, puis se détache et je la vois s'écraser sur le bas de mon ventre. Elle me regarde et me sourit tout en se penchant. Elle vient retirer la goutte d'eau d'un baiser, puis en sème d'autres, descendant toujours plus au sud.

Ses lèvres évitent soigneusement l'endroit qui les réclame, entamant une longue torture.
Je sens mon corps tout entier frissonner quand elle me touche et m'embrasse. Oh, elle sait vraiment ce qu'elle fait.

Son souffle seul suffit à me rendre folle. Je suis à deux doigts de la supplier lorsque sa bouche vient se poser sur moi.

- Oh mon Dieu !

Ca m'a échappé avant même que j'aie eu le temps d'y penser. Mes mains vont se serrer dans ses cheveux.

Je ne comprends pas comment j'ai pu passer à coté de ça toutes ces années.


Chapitre 18 (Fin)

J'ouvre péniblement les yeux. Un mince rayon de soleil pointe timidement à travers les rideaux. J'ai peu dormi. Des images de la nuit dernière me reviennent en mémoire. Ses caresses, ses baisers, l'odeur de sa peau… argh !!!

Je me retourne doucement pour ne pas la réveiller. Dieu qu'elle est belle ! Ses traits sont parfaits. J'ai vraiment de la chance. Elle est parfaite… Jo…

Comme si elle savait que je l'observe, elle ouvre les yeux.

- Hey… bien dormi ? me dit-elle d'une petite voix toute endormie.

Je replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille avant de répondre

-  Quelle question ! J'ai rêvé d'être dans tes bras à l'instant où je t'ai regardée. Hier c'était…

Son index vient se poser sur ma bouche, m'interrompant.

- Je sais Laura…

Je souris un peu sous cette remarque. Je me suis peut-être légèrement emportée…

Elle me regarde et s'avance pour poser doucement ses lèvres sur les miennes.

Mon cœur se met à battre plus vite, jamais quelqu'un ne m'avait fait réagir à ce point.

Un silence agréable s'installe entre nous.

Sa main vient caresser ma joue.

- Tu veux bien me prendre dans tes bras ? me dit-elle d'une voix toute timide.

Je me mets sur le dos alors qu'elle vient se placer contre moi. Je réalise qu'elle est encore nue. De longs frissons me parcourent alors que sa main dessine les courbes de mon ventre tandis que la mienne joue distraitement avec ses cheveux noirs.

Aucune de nous deux ne dit un mot. Au fond, je crois qu'on n'a pas besoin de parler. On est juste bien. Je me sens comblée, plus que je ne l'ai jamais été dans les bras d'aucune fille.

 

Elle se relève juste un peu et m'embrasse dans le cou. Rien que des petits baisers, j'ai à peine le temps de les sentir.

- Il… faudrait … qu'on se lève, tu ne crois pas ?

Je gémis doucement. Plus de dépit que d'autre chose.

- C'est le week end Jo…

 

Et puis je voudrais profiter. Je crois qu'elle ne se rend pas compte à quel point j'ai attendu cet instant, à quel point j'ai espéré que cela arrive sans oser y croire.

Elle semble convaincue par mon argument de choc et se réinstalle contre moi.

Aussitôt, une douce chaleur m'envahit. Pour la première fois de ma vie, je goûte au sentiment de plénitude. Tout est allé si vite…

Avant même que j'aie eu le temps de me rendre compte que mon attirance était bien plus que physique, j'étais sous son charme. Ne passez pas par la case simple crush, ne touchez pas 20 000.

Je suis bien. C'est un nouveau sentiment pour moi, intense, hors de contrôle, mais définitivement plaisant.

 

*          *          *          *          *

 

Je prépare le petit déjeuner tandis que Laura est toujours au lit.

Au lit.

Oh merde, j'ai fait l'amour avec une fille.

Et j'ai aimé ça !

Oh bordel !

Je mets la tasse aux micro-ondes et sens deux mains se glisser sur mon ventre. Son corps vient se coller au mien.

- Tu croyais quand même pas que j'allais te laisser t'échapper ?

Son souffle chaud dans mon oreille me fait frissonner. Je n'ai pas vraiment envie de m'échapper là à vrai dire…

- J'aurais raté mon coup ?

Je tourne la tête et ses lèvres retrouvent immédiatement les miennes. C'est toujours aussi bon. Encore un peu étrange, mais je crois qu'à ce rythme là, il ne me faudra vraiment pas longtemps pour m'y faire.

- Définitivement.

Je me tourne, m'adossant au plan de travail. Elle vient immédiatement se blottir contre moi.

- Tu vas faire quoi de ta journée ?

Laura passe sa main sous mon haut et caresse doucement mon dos.

- Tu veux dire mis à part rester collée à toi ?

Je ne peux pas retenir un petit rire, mais je dois avouer que l'idée n'est pas mauvaise, au contraire. Un sourire coquin vient se figer sur mes lèvres tandis que je lui demande :

- Et une fois collée à moi, tu comptes faire quoi ?

- Hum… pourquoi pas…

De son nez, elle pousse le bord de ma chemise, avant de venir poser ses lèvres sur la peau ainsi dévoilée. Elle descend de plus en plus bas et alors que j'avais déjà complètement oublié ma question, elle reprend :

- Aller se balader ?

- Ca me parait être une bonne idée, mais d'abord…

Je me tourne, saisis un croissant au chocolat et le lui tends.

- Prends des forces… tu risques d'en avoir besoin !

Ses yeux pétillent de malice tandis qu'elle prend une bouchée.

- Promesses, toujours des promesses…

 

[1 mois plus tard]

 

Je regarde Laura, cherchant dans ses yeux un peu du courage qu'il me manque. Elle me sourit et tous mes doutes s'en vont.

Sa main trouve la mienne, ses doigts se mêlant aux miens. Je lui rends son sourire.

- T'es sûre de vouloir le faire ?

Je prends une inspiration, considérant avec attention la question. Mon cœur bat la chamade. Est-ce que j'en ai envie ?

Et alors que je me pose la question, je me demande pourquoi je le fais, puisque mon cœur à la réponse.

Je la fixe droit dans les yeux, repousse une mèche de cheveux blonds derrière son oreille de ma main libre, avant de me tourner vers la porte.

- Sûre.

Je presse un peu sa main dans la mienne. Une dernière inspiration.

C'est parti.

Ma main vient trouver la clenche de la porte. Trop tard pour faire marche arrière maintenant.

 


FIN

 


Merci d'avoir pris le temps de me lire et n'hésitez pas à commenter !

16 novembre 2011

Chapitre 1

Chapitre 1

La Conquérante balaya la salle du regard. Elle avait déjà examiné toutes les tentures, les tapis, la table et tout ce qu'il était possible de voir depuis sa place, mais rien n'y faisait. Ses doigts parcouraient distraitement les motifs qui ornaient son trône tandis qu'elle avait de plus en plus de mal à retenir des bâillements. Dieux qu'elle haïssait les banquets, même ceux donnés en son honneur.

Près de deux chandelles qu'elle était assise là, feignant de prêter une quelconque attention aux discussions sans fin. Le sujet était à présent porté sur le théâtre et ses œuvres.

Un homme prit appui sur la table, titubant sous l'effet de l'alcool et leva son verre en l'honneur d'une pièce intitulée " Une destinée a part " et qui aurait apparemment changé sa vie. Tous semblèrent acquiescer et se mirent à encenser l'auteur de cette œuvre.

La guerrière ne put retenir un petit rire moqueur. Les artistes ne sont que des bons à rien, qui, sous couvert d'un quelconque talent, profitent de la naïveté du peuple pour lui vendre du rêve. Et ces gens là sont adulés ? Hum.

Il se tourna vers Xena et lui demanda :

- Comment avez-vous trouvé la pièce, Conquérante ?

La guerrière arqua un sourcil, intriguée par la question de l'homme. Celui-ci paraissait certain qu'elle y avait assisté.

- Qu'est ce qui te fait croire que je l'ai vue, Siron ?

- Euh, c'est-à-dire que…

Une vague de murmures se fit entendre dans la salle. Tous semblaient étonnés par la nouvelle. Pourtant, il était de notoriété publique que Xena, Conquérante des Nations, avait de plus grandes choses à faire de son temps. Du moins le croyait-elle.

Elle observa les invités. Ils avaient apparemment tous assisté à la pièce et elle crut même déceler quelques sourires moqueurs chez certains.

La réalité la frappa soudain : elle était en train de passer pour une imbécile qui ne sait rien de ce qui l'entoure, tout juste bonne à faire la guerre.

Toute l'attention se reporta sur elle lorsqu'elle saisit un couteau pour le planter dans la table en  interpellant l'homme à nouveau :

- Réponds ... à … ma … question.

Les murmures enfiévrés étaient venus à bout de sa patience et elle commençait à être sérieusement irritée.

Siron prit quelques secondes avant de parler, semblant choisir ses mots avec précaution pour ne pas froisser son hôte, la guerrière étant réputée pour son tempérament de feu :

- C'est-à-dire que… tous les seigneurs de la région ont été invités… et la pièce à fait grand bruit. Il se dit que c'est l'une des meilleures œuvres jamais écrites.

L'une des meilleures œuvres ? Tiens donc. Mais là n'était pas le point le plus important.

- Tous les seigneurs, dis-tu ?

- Ou...Oui.

- Et pourquoi n'ai-je pas eu vent de l'invitation ?

La menace était évidente dans sa voix. Elle parcourut ses invités du regard, un à un, cherchant une réponse. Ses yeux se posèrent finalement sur un vieil homme à l'autre bout de l'immense pièce. Elle se leva et se dirigea vers lui dans la démarche féline qui la caractérisait. Si l'homme n'avait pas déjà été terrifié, la voir s'approcher de façon prédatrice l'aurait définitivement effrayé.

Ses doigts vinrent s'enrouler autour de la gorge du malheureux. Elle se pencha, son visage s'arrêtant à quelques centimètres du sien. Lorsqu'elle parla, sa voix était basse et sensuelle.

- Dis moi, Tharis…  toi qui possède le théâtre de Corinthe, pourquoi  n'ai-je pas été conviée ?

Le vieillard déglutit tant bien que mal. Il avait conscience que de sa réponse dépendrait sa vie, comme le savaient tous ceux dans la pièce. Lorsqu'il prit la parole, sa voix était dénuée de toute l'arrogance qui caractérisait le personnage :

- Personne n'ignore que la Conquérante… n'est pas … portée… sur les manifestations artistiques… J'ai pensé que…

Elle pouvait sentir les battements de son cœur dans sa gorge. Elle savait qu'une légère pression supplémentaire et c'en était fini de lui.

Il venait de signer son arrêt de mort en confirmant les craintes de Xena : elle passait pour quelqu'un qui n'y connaissait rien à l'art. Et chacun sait que l'art est la distraction favorite des grands de ce monde, de ceux qui n'ont pas besoin de gagner leur vie et occupent leur temps libre dans ce genre de distractions.

Elle fit un sourire à Tharis et le sentit se crisper davantage. Dieux qu'elle aimait cette sensation de pouvoir. Il était à sa merci. Un silence de mort régnait dans la salle du trône.

Plus une moquerie, plus un murmure.

Nettement mieux.

 

Elle se glissa dans son dos, passant ses mains dans ses cheveux.

- Et bien…

Un sourire cruel se dessina sur ses lèvres tandis que sa main droite vint caresser la joue de Tharis avant de se poser sous son menton. Elle s'adressa à tous les invités en disant:

- Dorénavant… vous saurez qu'il ne vous est pas demandé de penser en mon nom.

D'un mouvement sec, ses mains se fermèrent sur la tête du vieil homme et elle lui brisa la nuque dans une torsion.

Un sentiment de puissance l'envahit. Tous la regardaient à présent, redoutant ses prochains gestes. Satisfaite, elle s'adressa à un garde :

- Je veux quatre places, au balcon, demain.

L'homme hocha la tête vigoureusement et courut presque hors de la salle.

La Conquérante vint se replacer sur son trône, tandis que plus personne ne semblait d'humeur à parler art.

 

                        *          *          *          *          *

 

Le lendemain, elle fut accueillie par la veuve de Tharis elle-même et escortée jusqu'à son siège. Celle-ci ne mentionna pas l'incident qui avait coûté la vie à son mari. Sage femme.

Xena pensa qu'elle devait certainement lui être reconnaissante, après tout cet homme était une plaie. Elle aurait du le tuer depuis longtemps déjà.


Elle s'installa confortablement dans son siège, attendant avec impatience que la pièce débute. Alors que les lumières s'éteignaient, elle se pencha en avant pour mieux voir.

Une jeune fille s'avança et commença à réciter son texte.

La petite était douée. La Conquérante fut prise dans le récit et lorsqu'on annonça l'entracte, elle fut même un peu déçue. Le temps était passé beaucoup plus vite qu'elle ne l'aurait cru.

Cette pièce était loin d'être comme la dernière tragédie à laquelle elle avait assisté. C'était… une succession d'étranges coïncidences. Se pourrait-il que… ?

Il fallait qu'elle rencontre l'auteur.

 

*          *         *         *         *

 

- Ellis tout est prêt?

Gabrielle brossa sa tenue du revers de la main pour la énième fois, essayant de cacher le stress qui montait crescendo depuis que les spectateurs avaient envahi la salle.

- Oui, oui, ne t'inquiète pas. Qui aurait cru que nous ferions un tel succès dans cette ville de barbares? Fit remarquer Ellis, un petit sourire au coin des lèvres.

- Je ne m'inquiète pas, je vérifie. Mmh, la question est est-ce qu'ils comprennent vraiment le message après avoir entendu la pièce? Demanda Gabrielle. Tous ces coups sur la tête, ça ne rend pas vraiment très… très quoi d'ailleurs? Est-ce qu'on peut parler d'intelligence quand on évoque les toutous de la Conquérante?

Elle sourit, mutine.

Mais avant qu'Ellis puisse répondre les lumières de la salle furent éteintes  et trois coups retentirent dans le silence. Le rideau allait se lever.

- Souhaite-moi bonne chance. Dit Gabrielle en prenant une grande inspiration.

- Tu n'en as pas besoin.

Ellis prit ses lèvres entre les siennes, l'embrassant doucement avant de murmurer à son oreille.

- Mais bonne chance.

 

                        *          *          *          *          *

 

Un parterre de roses jonchait encore la scène quand Gabrielle descendit de sa dernière prestation dans la ville de Corinthe la guerrière.

Derrière le rideau tout le monde la félicita, commentant cette prestation particulièrement réussie.

La jeune femme, les oreilles bourdonnant encore des applaudissements parvint jusqu'à sa loge où un calme bienvenu l'attendait. Elle referma la porte et s'appuya contre la cloison, soupirant doucement. Les yeux fermés elle laissa l'adrénaline quitter son corps au rythme de sa respiration.

C'était vraiment une bonne soirée. Même la légère douleur de sa gorge d'avoir tant parlé lui était agréable. Et puis surtout c'était son dernier jour dans cette ville étrange, sa tournée l'amenait maintenant vers Athènes, la cité de tous les artistes, la ville de sa reconnaissance. Un retour en grande pompe vers le berceau de son talent…

Un coup frappé doucement à la porte mit fin à ses pensées de gloire prochaine.

- Gabrielle?

Ellis entra dans la loge, refermant la porte derrière elle.

- Valeria voudrait te féliciter, elle t'attend dans l'ancien bureau de Tharis.

Elle s'appuya à son tour contre la cloison tandis que Gabrielle se dirigeait vers la coiffeuse, retirant les épingles qui maintenaient en place sa coiffure complexe.

- Hey, tu veux une bonne nouvelle?

- Une de plus? Demanda Gabrielle en libérant ses longs cheveux, appréciant la liberté et la légèreté soudaine. Attends, laisse moi deviner, on quitte la ville demain matin? Devina-t-elle, connaissant les sentiments d'Ellis pour la ville et ses habitants.

- Bingo! Plus besoin de porter allégeance à Sa Majesté Xena - sa voix prit une teinte moqueuse - Madame la Conquérante de toutes les Nations peureuses, Chef Suprême des Incultes de ce pays, Imbécile Absolue qui dirige les pauvres idiots que nous sommes!

Ellis attrapa deux verres sur une commode et les remplit du délicieux vin fruité qu'elle adorait. Elle tendit un verre à Gabrielle en souriant et lança:

- Buvons à notre départ de Corinthe!

Les deux jeunes femmes trinquèrent, mais n'eurent guère le temps de profiter de ce calme moment d'intimité, dérangées par des coups frappés à la porte de la loge.

- Oui?

Ellis ouvrit la porte à deux soldats portant l'armure et le sceau de la Conquérante. Le premier observa la jeune femme de haut en bas, fronçant les sourcils.

- C'est toi Gabrielle?

- Qu'est-ce que vous voulez?

Avant même qu'Ellis puisse répondre Gabrielle s'était avancée, observant à son tour les deux hommes avec un dédain ostensible.

- Laquelle des deux est Gabrielle?

- Je vous ai posé une question, qu'est-ce que vous voulez? Et répondez vite, je n'ai pas que ça à faire.

Le deuxième soldat lui jeta un regard effaré, ce n'était pas souvent qu'une femme osait répondre ainsi à un soldat de l'armée impériale.

- J'ai ordre de venir chercher Gabrielle la poétesse.

A peine ces mots prononcés, Gabrielle éclata de rire.

- Ordre? Et pour aller où?

Cette fois le soldat se fit menaçant.

- Ce sont les ordres de la Conquérante, alors suis-moi.

Il attrapa le bras de Gabrielle et la tira vers l'extérieur sous le regard de l'autre soldat qui ne savait pas si maltraiter la jeune artiste était permis ou non. La Conquérante n'avait rien dit, mais il avait vu la pièce, et c'était vraiment bon. Si la Conquérante avait apprécié le spectacle, il n'était pas sur que contraindre l'artiste lui donnerait l'occasion de monter en grade. Ou de garder la vie sauve. 

- Mais lâchez-moi! S'indigna Gabrielle en se débattant. Vous n'avez pas le droit!

La poigne du soldat se resserra et la jeune femme ne put rien faire d'autre que de le suivre, refoulant des larmes de douleur.

 

 Malgré ses efforts, elle n'eut d'autre choix que de suivre les gardes. Ils la firent pénétrer dans une petite pièce sombre, à l'arrière du bâtiment.

La poigne de l'homme se fit plus incertaine, tandis qu'il regardait autour de lui avec inquiétude.

- Lâche là.

La main du garde lâcha immédiatement sa prise. Lui et acolyte se mirent au garde à vous, attendant un autre ordre, les yeux dirigés vers l'endroit d'où était provenue la voix.

- Sortez.

Ils ne se firent pas prier et quittèrent la pièce, laissant Gabrielle seule avec la Destructrice des Nations.

- Mais qu'est ce que ça signifie, pourquoi m'avoir amenée ici ? s'écria la jeune femme, la colère transparaissant dans sa voix.

La Conquérante avança vers elle, sortant des ombres qui la dissimulaient. Ignorant la question qui lui avait été posée, elle parla d'une voix doucereuse :

- Bonsoir Gabrielle.

- Seuls mes amis m'appellent comme cela. dit-elle dans un ton qui se voulait sec.

Xena s'approcha encore davantage de l'artiste, jusqu'à être à un pas seulement. Gabrielle leva ses yeux pour rencontrer ceux de la femme en face d'elle.

Elle dût reconnaître que les nombreuses peintures représentant la souveraine ne lui rendaient pas justice. Elle avait beau avoir vu ce visage frappé sur toutes les pièces de monnaie, elle avait l'impression de le découvrir pour la première fois.

Les traits de la Conquérante étaient quasi parfaits, elle avait devant elle une beauté aux yeux bleus aussi froids que la glace.

Elle s'arrêta net dans sa contemplation en découvrant un sourire narquois sur les lèvres de la guerrière.

- Et comment suis-je censée t'appeler alors ?

- Qui te fait croire que j'ai envie d'être appelée, Conquérante ? Tous les sujets de Grèce ne sont pas à ta disposition.

L'insolence de la poétesse aurait été immédiatement sanctionnée, si celle-ci n'avait pas présenté un quelconque intérêt pour la guerrière.

Xena usa de sa volonté légendaire pour s'empêcher de répliquer par la violence. A la place, elle lui répondit, sur un ton malicieux.

- Non, en effet, ce sont tous les hommes du monde connu qui le sont.

Gabrielle s'approcha d'elle jusqu'à sentir son souffle sur sa peau. Lorsqu'elle prit la parole, on pouvait entendre la colère dans sa voix.

- Je comprends mieux comment nous en sommes arrivés là, au vu de ta considération pour le peuple et ce qu'il peut vouloir.

- Et toi, que sais-tu du peuple, Gabrielle ?

La voix était calme, sincère. Pourtant la question fit rire l'artiste. Comment la femme la plus puissante du monde osait elle lui demander cela ?

- Plus que toi, sois en sûre.

- Il est facile d'affirmer petite fille. Mais il n'est pas donné à tout le monde d'être proche du peuple. Surtout lorsqu'on a le luxe de pouvoir avoir accès à l'instruction.

La poétesse fulminait sous les attaques de la Conquérante.

- La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité !

Sa réplique n'eut d'autre effet que de faire rire la Destructrice des Nations.

- Jusqu'où va ton hypocrisie ? Et ça… 

La Conquérante saisit dans sa main le fin collier d'argent qui pendait au cou de Gabrielle, puis le bracelet assorti.

- Dis-moi, sont-ce des nécessités aussi ?

Pour la première fois de sa vie, la jeune femme se trouva à court de mots. Elle n'avait pas d'explication valable à fournir à son adversaire. 

Son silence ne fut pas manqué par Xena qui arborait un sourire suffisant.

C'en fut trop pour Gabrielle.

- Bonne soirée Conquérante, j'espère que le spectacle t'a plu.

Elle tourna les talons et s'apprêtait à prendre la porte lorsqu'elle sentit un corps musclé venir se plaquer dans son dos et qu'une voix chaude lui murmura à l'oreille.

- Il m'a plu. Où pourrais-je voir une autre représentation ? On m'a dit que tu quittais Corinthe. 

Gabrielle se détacha de l'autre femme avant de se retourner.

- Ta présence n'est pas requise, mais je vais à A…

- Xena…

La voix sortie de nulle part fit sursauter Gabrielle, qui cherchait à présent à distinguer qui avait bien pu parler. Un homme sortit des ombres et s'approcha de la guerrière.

- Arès.

Arès, le Dieu de la guerre ? C'était impossible, personne ne parlait aux Dieux parmi les mortels, excepté quelques élus.

- Qu'est ce que tu veux ? Tu ne vois pas que je suis occupée ? dit la Conquérante d'une voix lasse.

La blonde regardait Xena, incrédule. Elle s'adressait à un Dieu comme à un ami de longue date. Celui-ci ne sembla pas s'en formaliser et vint passer ses mains sur la taille de la guerrière qui ne s'était pas retournée et l'enlaça tendrement.  Il se pencha et dit à son oreille :

- Une rébellion, à Athènes. De grande envergure.

- Que ferais-je sans toi pour me distraire ?

Dans un sourire, elle tourna la tête vers le Dieu qui captura ses lèvres dans un long baiser avant de disparaître.

Xena se reprit, époussetant nonchalamment sa tenue avant de capter le regard ébahi de l'autre femme.

- Où en étions-nous ?

- Je… tu parles aux Dieux, dit-elle, les yeux grands ouverts.

La guerrière ne put s'empêcher de rire sous l'affirmation de la poétesse.

- A vrai dire, ce sont surtout eux qui me parlent. Je m'en passerais volontiers… Tu ne m'as toujours pas dit où tu allais.

Gabrielle reprit contenance et lorsqu'elle parla, son ton était dédaigneux :

- Athènes. Mais inutile de te donner la peine de venir. Je ne voudrais pas que tu aies à te mêler au petit peuple.

Xena arqua un sourcil. Bien peu avaient osé lui parler sur ce ton et aucun n'était encore là pour le dire. Pourtant, cette gamine l'intriguait.

C'était une des rares à oser lui tenir tête, ou du moins, à être assez folle pour le faire en sa présence. Dans d'autres circonstances, elle aurait tué cette insolente pour dix fois moins. Mais quelque chose dans la pièce avait attiré son attention. Elle aurait voulu discuter davantage de son œuvre avec l'auteur, mais leur première entrevue ne s'était pas déroulée exactement de la façon escomptée.

Gabrielle vit la Conquérante perdue dans ses pensées et en profita pour tenter une sortie.

- Bien, je vois que nous en avons fini.

Elle se trouvait lâche de fuir ainsi, mais le fait est que la Conquérante n'était pas comme tous ces gens l'avait dépeinte, et voir toutes ses certitudes ébranlées en une seule fois était beaucoup pour la jeune femme.  La fuite semblait l'alternative la plus raisonnable.

Elle se dirigea vers la porte plongée dans l'obscurité.

Mais la guerrière se glissa devant elle si rapidement que Gabrielle manqua de lui rentrer dedans.

Sa voix était douce lorsque, poussant une mèche de cheveux blonds, elle murmura à son oreille :

- Si elle te fuit, bientôt elle courra après toi ; si elle refuse tes présents, elle t'en offrira elle même ; si elle ne t'aime pas…

La Conquérante ne donna pas à Gabrielle l'occasion de répondre et sortit précipitamment.

Sans qu'elle comprenne pourquoi, son cœur battait à tout rompre. La guerrière connaissait Sappho.

Si elle ne t'aime pas, bientôt son cœur brûlera pour toi, qu'elle le veuille ou non.

 

Une minute plus tard, elle sortit à son tour de la pièce. Elle ne fut pas étonnée de ne pas voir une seule trace du passage de la Destructrice des Nations.

Elle retourna d'un pas distrait dans sa loge, où Ellis l'attendait, inquiète.

- Gabrielle, par les Dieux, où étais-tu?

La jeune femme lui sauta littéralement dessus, folle d'inquiétude.

- Ellis, tout va bien.

Gabrielle caressa distraitement le visage de son amie en face d'elle, ses pensées toujours tournées vers la surprenante rencontre. Oui, que c'était-il passé exactement?

La jeune femme elle même n'aurait pas pu le dire.

- J'étais morte d'inquiétude, ces maudits gardes n'ont pas voulu me laisser sortir!

Ellis expira bruyamment, essayant de se calmer. Elle avait besoin d'un remontant se dit elle en apercevant son verre de vin intact posé sur le meuble. Il fut vide en un instant, et la douceur fruitée glissa dans sa gorge tandis qu'elle étudiait une Gabrielle au regard perplexe.

- Alors, où étais-tu?

- Elle parle aux dieux. Gabrielle secoua la tête en essayant de détacher son esprit de la rencontre. En fait, je crois même qu'elle couche avec un dieu.

Ça avait été tout simplement incroyable. Elle n'aurait jamais cru qu'ils pouvaient paraître si… Normaux? Mortels? En tout cas ça expliquait pas mal de choses au sujet de la Conquérante.

- Tu as vu la Conquérante?

- Mmh mmh.

- Est-ce qu'elle te voulait? Demanda Ellis, intriguée.

- Bonne question. Elle voulait simplement savoir si… Gabrielle hésita. Elle a aimé la pièce.

Cette fois Ellis resta muette.

- Elle est tellement… arrogante! Sa Majesté pense que je ne suis pas proche des gens. Sa voix passa de la perplexité à la colère. Que sait-elle, elle, du peuple?

Elle défit d'un geste brusque les attaches de sa robe et la laissa tomber au sol, enfilant une tunique de soie importée directement de Chine, un cadeau parmi d'autres qu'elle recevait à la suite de ses prestations sur scène.

- Tu sais quoi? Gabrielle fixa les attaches de son col d'un geste brusque. Quittons cette ville de barbares. Nous trouverons bien une auberge sur la route.

Ellis sourit. La Gabrielle fougueuse qu'elle aimait tellement était de retour.

- Bien sûr, laisse-moi juste le temps de faire préparer nos chevaux.

La jeune femme se dirigea vers la porte, mais au moment de sortir, elle se retourna.

- Au fait, n'oublie pas de passer voir Valeria.

- Oui oui.

- A tout de suite.

 

 

*          *         *         *         *

 

Dieux, si c'était vrai que l'on naissait avec des talents bien déterminés, celui de Valeria était de savoir lécher les bottes de tout le monde pour obtenir ce qu'elle voulait.

Gabrielle sortit du bureau de la nouvelle directrice les bras chargés de parchemins de meilleure facture que ceux que l'on pouvait trouver sur le marché. En acceptant ce cadeau, la jeune femme savait que c'était une promesse implicite de revenir dans son théâtre et uniquement dans celui-ci, la prochaine fois qu'elle reviendrait se produire à Corinthe.

Mais après tout, qui pouvait dire si elle reviendrait dans cette ville un jour?

Gabrielle visait un siège haut placé à l'Académie, les voyages incessants la fatiguaient, ne lui laissant que moins de temps pour la création de ses pièces.

Alors prendre les parchemins ne la contraignait pas vraiment.

 

Arrivée à sa loge elle déposa son fardeau sur un des sièges bas avant d'aller préparer son sac. Mais son geste fut stoppé net quand elle aperçut une courte note posée sur la coiffeuse. Ça portait le sceau de la Conquérante.

Son cœur se mit à battre plus vite quand sa main toucha le parchemin, et ses yeux glissèrent rapidement, lisant les quelques mots.

Ce soir.

Et c'était signé d'un simple X. 

 

 

*          *         *         *         *

 

- Gabrielle, pourquoi devons nous partir si vite? Demanda Ellis en laissant son regard faire le tour de la chambre une dernière fois avant d'en sortir.

- Je croyais que tu étais pressée de quitter cette ville?

Gabrielle n'avait pas parlé de la note trouvée dans la loge, et elle n'en avait nullement l'intention. Sa rencontre avec la Conquérante était trop étrange pour qu'elle puisse en discuter avec quiconque, même avec Ellis.

- Hey, je ne m'en plains pas! Répondit Ellis en l'observant. Tu es sûre que tout va bien?

- Oui, alors arrête de me poser la question ! Rétorqua Gabrielle en s'éloignant d'un pas vif.

Son amie soupira et elle la suivit, sans un regard en arrière pour la ville de Corinthe.

 

*          *         *         *         *   

 

Sur la route entre Corinthe et Athènes, le lendemain.

Les deux jeunes femmes longeaient tranquillement le bord de la route, Ellis écoutant Gabrielle répéter une nouvelle histoire qu'elle voulait inclure à la prochaine représentation. C'était une histoire assez simple mais Gabrielle était un peu tatillonne sur la manière de rendre l'action aussi prenante que possible.


Un bruit dans les fourrés les fit toutes les deux sursauter.

- T'as entendu? Demanda Ellis.

- Oui… Ce… ça doit sûrement être un animal!

Gabrielle tentait de se montrer rassurante, mais il était évident qu'elle ne se sentait pas en sécurité.

Quelle idée elle avait eu de partir précipitamment. Elles se retrouvaient maintenant seules au beau milieu d'une forêt.

Leurs chevaux commencèrent à s'agiter, leur confirmant que quelque chose ne tournait pas rond. Soudain, trois hommes leur firent face.

- Salut les filles. Vous êtes perdues?

Sans attendre de réponse, deux des hommes saisirent Ellis par l'épaule et tentèrent de l'arracher de son cheval. Elle se débattit du mieux qu'elle put mais ses efforts étaient vains.

- Descends.

Gabrielle était comme paralysée, incapable de faire le moindre mouvement et encore moins de réfléchir.

L'homme fit un pas menaçant vers elle, lui faisant retrouver ses esprits. Elle descendit de son cheval. Elle ne pouvait pas abandonner Ellis et peut être que si elles se montraient coopératives, ils ne leur feraient pas de mal…

- Nous n'avons pas beaucoup d'argent mais…

Il lui fit signe de se taire de la main.

- Votre argent ne nous intéresse pas, vous avez bien mieux à offrir…

Le chef s'approcha davantage de Gabrielle. Il était grand, musclé et vu son odeur, les notions de toilette quotidienne n'étaient pas son fort. Il attrapa Gabrielle par le bras et l'attira à lui. Elle essaya de se libérer de sa prise, mais l'homme était bien trop puissant. Lui jetant un regard lubrique et impatient, il posa sa main sur sa poitrine.

- Lâche là, fils de Bacchante!

Ellis se débattit de toutes ses forces, la vue de Gabrielle à la merci de cet individu lui donnant une poussée d'adrénaline supplémentaire. Les deux hommes avaient à présent du mal à la retenir. Elle était comme folle à lier, une véritable hystérique.

Elle sentit soudain leur prise se relâcher et profita de l'instant pour se ruer sur leur chef.

Ellis se jeta littéralement sur lui, le faisant tomber dos à terre. Elle lui infligea quelques coups de poings au visage avant qu'il ait eut le temps de réagir.

Gabrielle restait immobile. Elle n'avait jamais vu Ellis dans un tel état. Elle fut sortie de sa torpeur lorsque celle-ci lui cria:

- Gabrielle! Aide-moi!

Sans plus attendre, elle donna un violent coup de pied dans les côtes de l'homme, lui coupant le souffle. Puis un autre dans la tête.

Elles ne s'arrêtèrent que lorsqu'elles virent l'homme inconscient, le visage en sang.


Le seul bruit dans la nuit était celui de leurs respirations erratiques.

- Ça va?

Ellis posa sa main sur l'épaule de Gabrielle. Celle-ci hocha la tête sans un mot.

- Viens, allons nous en.

Gabrielle saisit la main tendue et se releva. Elle monta sur son cheval, tandis qu'Ellis faisait de même sur le sien. Gabrielle eu un dernier regard sur l'homme inconscient, ne voyant plus trace des deux autres.

Elles partirent au galop, sans demander leur reste.

 

                        *          *          *          *          *         

 

Plusieurs marques de chandelle plus tard, Gabrielle arrêta son cheval et regarda alentour.

- Il y a une clairière pas loin, je suis déjà venue ici. On devrait se reposer…

- T'es sûre?

Ellis se retourna, regardant une fois de plus la route.

- Ils… et si ils reviennent?

- Ils sont loin. On a plus rien à craindre. Et je suis épuisée Ellis…

- T'as sûrement raison. Je te suis…

Gabrielle guida Ellis jusqu'à une petite clairière à l'abri des regards.

- Presque personne ne connaît ce coin, t'en fais pas. 

Ellis installa leurs couvertures côte à côte pendant que Gabrielle tentait d'allumer un feu.

- Au fait, comment t'as fait?

- Fait quoi? Demanda Ellis.

- Ben pour te débarrasser des deux autres?

- A vrai dire… je sais pas trop…

- Comment ça?

Gabrielle jeta un regard intrigué en direction de sa compagne. Elle regarda une dernière fois le feu qu'elle venait tout juste de faire prendre et vint s'installer à ses côtés.

- J'ai vu ce gars mettre sa main sur toi… et… je me suis libérée…

- Comme ça?

- Ben… ouais… mais tu sais quoi?

Ellis se plaça devant Gabrielle, posant ses mains sur les siennes. Elle se mordit la lèvre en la regardant et s'approcha, sa bouche s'arrêtant à quelques millimètres des lèvres de Gabrielle.

- J'ai pas vraiment envie de parler d'eux… là … tout de suite…

Elle se pencha et captura ses lèvres. Le baiser devint vite plus fougueux et la fatigue qu'elles avaient pu ressentir quelques temps plus tôt semblait être de l'histoire ancienne.

Une main dans ses cheveux, Ellis allongea Gabrielle sur les couvertures, collant son corps au sien. Leurs langues se combattirent un instant puis Ellis glissa ses lèvres sur son cou, l'effleurement se transformant en légères morsures, augmentant son envie d'elle à chaque seconde. Sous la douce exploration Gabrielle ne pouvait retenir les vagues de frisson qui la parcouraient.

Une main caressa son dos, et bientôt son haut ne fut plus qu'un souvenir. Ellis fit glisser son autre main de ses cheveux à son épaule, avant de descendre sur sa poitrine, et un doigt caressa la vallée entre ses seins.

Les muscles du ventre de Gabrielle se contractèrent quand la pulsation entre ses jambes devint trop obsédante. Elle se cambra. Le feu qui courait dans ses veines demandait à être assouvi. Immédiatement.

Elle prit la main d'une Ellis qui semblait décidée à prendre son temps et la fit descendre sur son corps jusqu'à ses cuisses nues, puis remonta lentement, la faisant passer sous sa jupe. Leurs mains liées rencontrèrent son sexe sous le tissu de sa culotte, chaud et humide d'un désir qui n'allait pas tarder à la submerger et elle la regarda dans les yeux, dans un ordre silencieux.

Ellis se redressa et lui fit un sourire charmeur avant de capturer un sein entre ses lèvres. Elle joua avec un téton dressé, l'aspirant, le mordillant.

La main de Gabrielle lâcha la sienne et ses doigts glissèrent dans son intimité brûlante, donnant à Gabrielle ce qu'elle voulait.

" Continue… " Gémit Gabrielle dont les hanches bougeaient d'une manière incontrôlable au fur et à mesure que son plaisir augmentait.

Elle savait qu'elle ne tiendrait pas longtemps. Ellis avait toujours su comment la faire réagir. Son corps tremblait sous les mains expertes, un plaisir intense qui la parcourait, le long de ses jambes, dans son ventre, entre ses reins.

Ellis retira ses doigts puis la pénétra à nouveau, plus profondément. Encore. Et encore.

Gabrielle se cambra contre ses doigts, les yeux à moitié clos, cherchant la délivrance.

" Plus fort " Souffla-t-elle entre ses dents.

Alors qu'elle était au bord du gouffre un mouvement dans les buissons sur sa gauche attira son regard.

Ses yeux se fichèrent dans ceux de la personne qu'elle était certaine de reconnaître. Et elle ne rompit jamais le contact alors même que les vagues de plaisir s'emparaient de son corps, gardant les yeux grand ouverts quand la jouissance l'atteignit enfin.


 

18 novembre 2011

L'insupportable

Voilà un petit texte au titre évocateur ! Parce que sur le moment, fallait que ma frustration s'exprime ! ^.^'

L'insupportable

 

Elle est là, juste en face de moi, en train de parler à ses amis.
J’en peux plus.
Je croyais pouvoir tenir, mais je suis forcée de me rendre à l’évidence. Elle m’énerve, elle m’agace, elle m’horripile, elle m’irrite, elle m’ennuie, elle m’exaspère, elle me contrarie… Bref elle me soule.

Ça ne vous est jamais arrivé? Être avec quelqu’un qui vous agace, même quand elle ne fait rien? Sa seule présence ou même penser à elle suffit à me mettre sur les nerfs.
Par exemple, là elle parle, ne demandant rien à personne et je n’ai qu’une chose en tête: la faire taire, option à tout jamais.
Je pourrais utiliser la violence… Oh oui… Ça m’apporterait sûrement des ennuis mais quel soulagement en perspective! Je pourrais aussi simplement lui dire de la fermer, mais elle serait foutue de continuer.

Je pense avoir saisi, elle à fait un vœu! Le vœu de vouer toute son existence à me pomper l’air. Quel talent en tout cas!

Elle me regarde et me fait un sourire mielleux. Je suis sur le point de sauter par-dessus la table pour l’étrangler. Il faut que je sorte d’ici et il faut que je le fasse très vite avant qu’un (pas très) regrettable incident n’arrive.

Il faut probablement aussi que je la quitte. Rapidement.

18 novembre 2011

Faucheuse d'âme

Un monument d'égocentrisme et d'égoïsme. Juste parce que ça change !

 

Faucheuse d'âme.

Un regard à la dérobée. Je peux presque sentir ma peau me brûler là où ses yeux se posent. Elle est à moi. Elle a perdu.
Je l’avais repérée il y a de ça un mois. Je l’ai sentie différente. Recluse, perdue, solitaire. Elle m’a tout de suite plu. Elle n’était pas comme toutes ces filles, que je séduis, que je possède jusqu’à l’âme et que je jette. Elle avait le mérite de m’intriguer.

J’ai grandi dans un monde ou tout le monde ment, tout le monde triche. Le roi étant simplement le plus grand de tous les manipulateurs. Le mensonge m’a été inculqué à la naissance, il coule dans mes veines, emplit chaque cellule de mon être.
Pendant des années, j’ai observé à loisir tous ces gens qui tentaient de me tromper. S’ils savaient… Vivre au milieu d’eux m’a appris bien des choses. Aujourd’hui, je peux lire en eux comme dans des livres ouverts. Ils n’ont pas de secrets pour moi. Ils l’ignorent.
J’aime cette phase d’approche. Cette phase ou je lis leurs moindres désirs, où je vois leurs rêves les plus fous. C’est là que naît mon pouvoir.


Rien de surnaturel là dedans… Juste des filles, qui croient avoir trouvé l’amour, la personne qui enfin les comprend. Elles n’ont pas besoin de me parler, je sais à l’avance ce qu’elles attendent de moi. Et je suis exactement ce qu’elles recherchent. Je leur offre une personnalité à part, quelqu’un d’unique, qui leur correspond.
Oh, évidemment ce n’est pas moi. Je n’ai pas de personnalité propre, je ne suis pas schizophrène, je suis joueuse, c’est tout. J’ose me considérer comme une vendeuse de rêve.
Je pourrais me servir de mon physique pour séduire, j’en ai conscience. Mais les moyens traîtres ont toujours eu mes faveurs. Je joue la bonne copine, celle toujours là au bon moment, pour les soutenir. Lentement, je m’insinue en elles. J’occupe leurs pensées, jours, comme nuits. Elles sont intoxiquées, elles ont besoin d’y croire.
Au fond, je sais qu’elles savent que celle qu’elles croient connaître n’existe pas, que je ne suis que le fruit de leur imagination, que je suis leur fantasme. Ca leur plaît, elles aiment penser que quelqu’un comme moi pourrait s’intéresser à elles.


C’est là qu’elles se trompent. Elles ne m’intéressent pas. Je ne veux pas les posséder elles, je veux le pouvoir, l’ascendant. Je veux voir dans leurs yeux cet amour inconditionnel qu’elles me portent. Par-dessus tout, j’aime la prise de conscience. Le jour où, dans un infime accès de lucidité, elles comprennent. Alors elles me regardent d’une toute autre façon.
Non, tu n’étais pas unique. Oui, vous vous êtes toutes faites avoir. Oui, vous en redemanderez. Mais vous n’avez plus rien à me donner désormais…


Mais elle… elle était farouche, inaccessible. Ou du moins elle voulait le faire croire. Il n’y avait personne qui l’approchait. Pourtant, elle était jolie. Mais l’on avait l’impression qu’elle allait vous mordre, si jamais vous osiez faire un pas de trop. C’était un défi, peut être le plus dur de tous.

Ca n’a jamais été mon genre de reculer. Je vis pour ça.

J’ai été lui parler. Elle n’était pas bavarde, ce fut dur. Seule sa gestuelle m’indiquait ce qu’elle pensait. Elle aimait les hommes. Ca promettait d’être intéressant.
Le fait qu’elle soit en couple ne me posait pas de problème, ce n’est pas elle qui m’intéressait, je pouvais très bien la partager. Elle m’a vite confié ses secrets, ses craintes. Elle a trouvé en moi quelqu’un qu’elle croyait la comprendre, quelqu’un qui la complétait. Jamais il ne m’est venu à l’esprit de lui avouer mes penchants pour la gent féminine. Le secret est là.
A une soirée, alors qu’elle avait un peu bu, je me suis rapprochée d’une autre fille, ne daignant plus lui adresser le moindre regard. Si ces beaux yeux avaient pu tuer, je n’aurais pas donné cher de la peau de ma cavalière.
Les filles ont besoin de se sentir valorisées, uniques. Suis moi je te fuis, fuis moi je te suis. Elle perdait le contrôle qu’elle croyait avoir. Peut être n’étais je pas sa chose en fin de compte. Peut être la compagnie de cette étrangère m’était elle plus agréable. L’alcool aidant, la rendant moins discrète, j’ai pu sentir la jalousie s’insinuer en elle. Lentement, perfidement. Je n’en demandais pas tant…


18 novembre 2011

Simplement elle

Simplement elle

C’est à reculons que je vais vers l’endroit où elle se trouve. Bien sûr, elle est superbe, comme à l’accoutumée. Ses yeux cherchent les miens, me sourit, de ce même sourire qui me fait me sentir si mal depuis quelques jours. « Ca va ma belle ? » me dit elle.
J’ai envie de lui crier non, de m’enfuir en courant, tant que j’en ai encore la force. J’avais envie de la connaître, de croire que j’étais désintéressée. Je ne voulais pas penser qu’elle m’attirait, qu’elle me plaisait.

J’ai forcé notre rencontre en allant lui parler, moi d’habitude si timide. Mais elle m’obsédait, il fallait que cela cesse.
Nous avons commencé à nous voir, régulièrement. Elle était tout ce qu’on peut vouloir d’une femme. Elle était mon idéal.
Tous ces petits moments passés avec elle, à la désirer plus que je ne l’aurais cru possible, à m’imaginer prendre une place dans son cœur, partager les petits rien qui font sa vie.

Bien sûr, je n’avais pas une chance, j’en ai conscience. Elle était mon rêve, notre couple, mon utopie. Je pourrais lui avouer que mes nuits étaient remplies de songes la concernant… Mais elle n’était pas faite pour moi, son bonheur n’est pas dans mes bras, alors à quoi bon ?
Je lui ai moi-même présenté celui qui partage sa vie depuis un an. Elle était heureuse et c’est tout ce qui importait.

Cela faisait quelques mois que je ne la voyais plus, c’était trop dur. Je m’étais résolue à la laisser faire seule son bout de chemin.

Jusqu’à ce qu’on se retrouve dans le même bureau.

Alors je me mens en me disant que je l’ai oubliée, qu’elle n’est plus qu’une amie. Je ne veux pas savoir, je refuse de voir.

Tous les jours, je vais la rejoindre, les paupières closes mais le cœur grand ouvert.

18 novembre 2011

Juste un courant d'air

Juste un courant d'air

Des pas dans les escaliers. La porte qui s’ouvre. Un souffle sur ma nuque. Ses mains parcourent mon ventre, m’extirpant des frissons. J’en veux plus. Elle le sait. Je me contente de profiter des moindres instants qui me sont offerts. Alors que mes désirs deviennent incontrôlables et que je me laisse emporter, tout s’arrête. Je voudrais me retourner, lui parler, lui dire de continuer.
Mais déjà ses caresses appartiennent au passé et je le sais. Ma peau est encore chaude là où ses mains sont passées. Mon corps a gardé son odeur. Son souffle dans ma nuque ne me quitte pas.
Pourtant je sais qu’elle n’est plus là.
Tout ce qu’il me reste, c’est le souvenir de ses pas, le souvenir de ces moments là.
C'était juste un courant d'air...

 

(oui, il était tout pitit celui là :p)

26 janvier 2012

Chapitre 2

Chapitre 2: L'installation

 

Quelques étages plus haut, elle fait glisser le pass dans la serrure et la porte s'ouvre dans un doux cliquetis. Je la laisse pénétrer en premier dans la pièce, avant d'y entrer à mon tour. L'homme à l'accueil n'avait pas menti, la chambre est superbe, je veux bien croire qu'elle compte parmi l'une des meilleures de l'hôtel.

Il y a une pièce principale où trônent deux canapés et une table basse, puis une double porte coulissante donne sur la chambre en elle-même, avec un lit king size entouré de deux tables de nuit.

Ma boss s'approche de l'énorme baie vitrée qui prend tout le mur du fond, et en caresse la surface du bout des doigts. Elle admire la vue d'un air pensif. M'y rendant à mon tour, je constate qu'il y a de quoi être impressionnée. Les divers casinos se démarquent à perte de vue dans le soleil couchant, leurs néons illuminant le ciel.

Elle se tourne vers moi et me sourit timidement.

-          Pas mal huh ?

-          C'est le moins qu'on puisse dire…

Son regard reste ancré dans le mien quelques instants, puis elle se dirige vers le lit, avant de s'y laisser tomber mollement.

-          J'ai attendu ce moment toute la journée ! me dit-elle depuis sa place.

Je suis quant à moi captivée par la vision que j'ai. Et même si son haut s'est légèrement soulevé, laissant entrevoir un joli ventre plat, ce n'est pas ça qui me captive le plus.

C'est elle.

Je veux dire, elle est superbe, même allongée nonchalamment sur le lit. C'est le genre de femme que tous les hommes rêvent de retrouver chaque soir à la maison. Celui qui partage sa vie à de la chance. Même si elle a sans nul doute un caractère de cochon, elle est aussi brillante et a beaucoup de charme.

 

J'avoue qu'au travail, même s'il m'arrive souvent de lui porter un intérêt purement lubrique, je ne l'avais jamais vue aussi clairement que maintenant. D'ordinaire, sa présence indique des souffrances à venir. Elle est tout ce qu'il y a de plus dur et paraît insensible, complètement focalisée sur le travail.

C'est sûrement stupide, mais il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'elle puisse être une personne " ordinaire " une fois sortie de l'enceinte de l'entreprise.

A la voir, affalée sur le lit, je m'en demanderais presque si la dragonne existe réellement, ou si elle n'est qu'un personnage, un masque destiné à inspirer le respect.

 

Je suis sortie de ma rêverie par son regard posé sur moi. Avant qu'elle ne me fasse une quelconque réflexion, je secoue lentement ma tête et vais chercher les valises pour les amener plus au centre de la pièce, me donnant une contenance. Le problème va maintenant être de savoir où l'on va mettre nos affaires respectives, étant donné qu'il n'y a qu'un seul placard et qu'une seule commode. J'aime mieux le dire franchement, je ne m'imagine pas du tout partager un tiroir à sous-vêtements avec la harpie.

Mon éloquence naturelle reprend le dessus et je finis par lui demander :

-          Comment on va faire ?

Devant son sourcil levé dans une question muette, j'indique les valises puis les deux meubles de rangement.

-          Oh. Et bien… Vous préférez sûrement le placard j'imagine ?

Elle me fait un sourire tout ce qu'il y a de plus malveillant en disant cela.

Le placard, j'en suis sortie, merci bien.

-          Non, je préfère vous le laisser, vous devez sûrement avoir plus de choses à mettre dedans.

Je fais de mon mieux pour ne pas dire " Et toc " en voyant son air vaincu à la fois amusé et amer. 

-          Très bien, prenez la commode alors…

 

Alors que je me dirige vers le meuble afin d'y ranger mes vêtements, je songe au fait qu'il n'y a qu'un seul lit.

Honnêtement, je me vois TRES MAL dormir avec elle.

Outre le fait qu'elle seule est capable de me procurer des rêves qui me réveillent toute palpitante en pleine nuit, c'est surtout ma boss, la bien nommée femme glaçon !

Cependant, la perspective de dormir sur un des canapés ne m'enchante guère. Vu la tête du revêtement en cuir, je pense que dormir à même le sol pourrait s'avérer plus confortable. Après tout il y a des tapis...

D'un autre côté, le lit est tellement grand qu'il y a peu de chances pour qu'on se touche pendant la nuit.

N'arrivant pas à me décider à proposer l'une ou l'autre solution, je choisis de lui laisser cette responsabilité.

Profitant du fait qu'elle s'est levée, j'attrape l'une des couvertures que  je plie avant de la poser sur le divan. Sentant son regard sur moi, je dis :

-          Vaut peut être mieux que je prenne le canapé.

-          Okay.

-_-'

Vous voyez, c'est de ça dont je parle. N'importe qui d'autre aurait répondu " mais ne soyez pas ridicule, Liz, le lit est bien assez grand pour nous deux ".

Mais pas elle !

Elle me laisse dormir sur le canapé sans aucune vergogne ! Même pas un merci, même pas de reconnaissance pour mon sacrifice, juste un " okay " ! Retenant le soupir qui menace de s'échapper, je vais me servir et prends un oreiller dans le lit.

-          Vous pensez qu'ils auront bientôt des chambres de libre ?

Elle réfléchit un instant à ma question, remettant une mèche de ses cheveux bruns derrière son oreille avant de répondre :

-          J'en doute. Apparemment les conventions et autres événements ne sont pas ce qui manque à cette époque de l'année. J'imagine qu'on va devoir faire avec.

Arf…

Enfin en même temps, c'est pas elle qui va devoir passer les sept prochaines nuits sur un canapé tout ce qu'il y a de plus inconfortable !! Ok, je le juge avant de m'être assise dessus, mais quand même !

 

Une fois toutes mes affaires bien rangées dans la commode, je vais à mon tour m'affaler sur le lit. La sonnerie étouffée de mon téléphone me tire bien vite hors de mon monde de confort, me forçant à me lever pour aller le chercher dans mon sac. Voyant que c'est Steph, je m'empresse de répondre, tout en fermant les doubles portes qui séparent le salon de la chambre.

-          Hey ma belle, comment ça va ? Le voyage s'est bien passé ?

-          Bah la routine, le mal de l'air etc… Et disons que ça pourrait aller mieux.

Je l'imagine sans mal à l'autre bout du fil, mâchouillant quelque friandise que ce soit, en tournicotant ses longs cheveux bruns entre ses doigts.

-          Terminator a encore frappé hein ?

-          Pas vraiment, ce n'est pas franchement sa faute pour le coup.

Sachant très bien que la curiosité de ma collègue est légendaire, je fais exprès de ne pas en dire trop. Sa réaction ne se fait pas attendre :

-          Bon, tu craches le morceau ou quoi ?

-          On est obligées de partager la chambre.

J'éloigne rapidement mon oreille du téléphone, connaissant suffisamment Steph pour savoir qu'elle a tendance à manifester sa surprise de façon… brutale dirons-nous.

-          KWAAAAAAAA ?

-          A mon avis, le petit stagiaire qui s'est chargé des réservations va recevoir un coup de fil bien salé demain.

-          Bah, il va se faire virer, comme celui d'avant ! Mais comment une telle chose a pu se produire ?

Je lui explique rapidement ce qu'il en est, la laissant digérer les informations. Après quelques secondes d'étonnement muet, elle finit par dire :

-          Ma pauvre…

J'aurais pu rire de son ton si désespéré si je n'étais pas entièrement d'accord avec elle.

-          Ouais, comme tu dis.

-          Tu penses survivre plus d'une nuit avec elle ? Dans la même chambre ?

-          On verra bien. Pour l'instant, elle s'est montrée étonnamment gentille.

Pas besoin d'être à côté d'elle pour imaginer ses yeux noisette se plisser, ni son air accusateur :

-          Mouais, c'est le chien qui jappe pour que tu t'approches et GNAP, il te mord la main !!!

-          T'exagère pas un peu là ?

-          Pas du tout, on a bien vu ce qu'elle a fait de Marc !

Marc… Après deux erreurs, il est passé de chef comptable à… sorte de secrétaire en comptabilité. Autant dire qu'en le rétrogradant, elle n'a pas fait les choses à moitié.

-          Enfin bref, je vais te laisser, je suis crevée et je rêve de prendre une douche.

-          Ok ça marche ! Et vu que vous partagez la même salle de bain, profites-en pour regarder ce qu'elle met comme crème sur le visage, je tuerais pour avoir une peau comme la sienne !

-          Je verrais ce que je peux faire, mais je promets rien. Je compte pas fouiller dans ses affaires, c'est pas mon genre et l'idée qu'elle puisse me brûler vive si elle le découvre ne m'attire pas spécialement !

-          T'as raison, mais si elle laisse en évidence hein… Tu penses à moi !

-          Oui ok, bon à plus tard hein, je te tiens informée. Bisous.

-          Bisous.

 

Je raccroche, soulagée. Pour une fois que j'arrive à terminer relativement rapidement une conversation avec elle… Je m'étire un bon coup, regarde avec dépit ce qui va me servir de lit et vais toquer à la double porte.

-          Oui ?

 

Oh mon Dieu.

Je tente de garder une certaine contenance, mais j'ai certainement devant moi la femme la plus sexy de ce côté des Etats-Unis. Si vous n'avez jamais rencontré quelqu'un qui puisse faire crier un caraco et pantalon de sport moulant " SEXUALITE ", c'est normal. Mais à voir l'effet qu'elle me fait dans une tenue aussi banale… J'ai peur pour moi.

Résister à la tentation, ça je peux faire.

Ne pas regarder c'est impossible.

-          Vous avez vu quelque chose qui vous plait ? dit-elle en arrêtant de se brosser les cheveux.

Ok. Ça, c'est fait.

Son ton est joueur, mais quelque chose dans ses yeux me dit que je ferais mieux de faire attention. Je remarque qu'elle ne reprend pas son brossage, ce qui me fait réaliser qu'elle m'a posé une question. Question à laquelle je n'ai VRAIMENT pas envie de répondre. Je décide à la place de demander ce pour quoi j'étais venue.

-          Euh, je peux prendre la salle de bain ?

-          Oui, mais pour l'emporter où ?

Autant pour mon éloquence naturelle.

-          Enfin je veux dire, je peux prendre une douche ?

-          Même un bain !

Acquiesçant, j'entre dans la salle d'eau et suis immédiatement immergée dans une odeur que je qualifierais de… de… ELLE !

Oui bon, ce n'est pas un hasard si je n'ai pas fait d'études littéraires, inutile de se moquer !

Je remarque une minuscule trousse de toilette posée sur le marbre qui entoure l'évier. Steph s'était trompée si elle croyait que madame notre boss était artificiellement belle. Apparemment pas.

Je dépose ma trousse de toilette à côté de la sienne et verrouille la porte. Ça m'étonnerait qu'elle tente d'entrer, mais un moment d'inattention est bien vite venu. La situation est déjà assez étrange comme ça sans devoir en rajouter.

 

Les robinets ultra polis tournent facilement sous mes doigts et laissent s'échapper un filet d'eau. Je me débarrasse avec soulagement des vêtements que j'ai portés toute la journée et me laisse glisser au fond de la baignoire.

Fermant les yeux dans le vain espoir de réussir à me détendre, je me mets à penser à l'incongru de la situation. Le moins qu'on puisse dire est que je ne m'y attendais pas le moins du monde. En revanche, je ne sais pas ce qui est le pire : être coincée avec elle ou le fait qu'elle est l'actrice principale de mes fantasmes depuis qu'elle est entrée dans la boite huit mois plus tôt.

Soupirant, j'immerge ma tête sous l'eau, savourant la sensation de pur bien être qui m'envahit. Sa voix me parvient à travers la porte :

-          Vous avez vu, c'est une baignoire qui fait jacuzzi aussi ! Je viens de le lire dans la brochure !

En y regardant de plus près, c'est vrai que de petits trous ornent le fond et les côtés de la baignoire. Je finis par trouver le mécanisme et me prélasse dans les bulles.

Savonnée et rincée, quelque temps plus tard, je constate que je n'ai pas eu la présence d'esprit de ramener de quoi me changer. Ce qui signifie que grâce à mon génie, je vais devoir traverser sa chambre en serviette de bain.

Si vous avez déjà été dans un hôtel, alors vous savez sûrement que, vu la taille des serviettes, ça s'annonce comme un défi que de couvrir ma modestie.

Finalement satisfaite du patchwork de serviettes que j'ai réalisé, je toque à la porte et sors dès que j'entends son autorisation.

Pour m'arrêter aussi sec.

Elle est là, penchée en avant, les mains sur ses pieds et sa tête contre sa jambe. Étant positionnée parfaitement derrière elle, ça vous donne une idée de ce qui m'est présenté.

Ajoutez la chose moulante qui lui sert de pantalon et je suis en enfer.

-          J'ai cru que je vous avais perdue là-dedans. Ça fait au moins 2h que vous êtes rentrée dans la pièce.

Mes yeux sont rivés sur son postérieur et je suis bien incapable de bouger ou même parler, trop occupée à recycler en salive les deux litres d'eau avalés dans la journée.

Elle se relève pour me faire face, ses cheveux bruns cascadant sur ses épaules dans le mouvement. Je remarque la légère teinte rosée qu'ont prises ses joues, avant de venir planter mon regard dans ces choses vertes à tomber par terre qui lui servent d'yeux.

Plus le temps va, plus cette femme m'inspire les pensées les plus dépravées.Et la… Elle porte un air de " fuck me now " qui lui va à merveille…

Une lueur de chance se fait pourtant dans mon malheur, lorsqu'elle interprète ma contemplation lubrique comme un intérêt quelconque pour ce qu'elle pouvait bien faire.

-          Je fais des étirements matins et soirs…Vu que je n'ai pas le temps de faire autant de sport que voulu, ça me garde en forme, dit-elle comme pour s'excuser.

-          Ok.

Fière de ma réponse courte ne dévoilant pas mon état, j'effectue une rapide retraite dans ma partie de la pièce, me congratulant au passage pour n'avoir pas lâché mes serviettes sous l'effet du choc.

Je sens que je vais rêver de cette scène pendant des mois, sinon des années.

 

            *          *          *          *          *         

 

Je suis sortie de mon semi sommeil par sa voix qui m'appelle.

-          Liz, vous dormez ?

-          Non. Enfin presque.

-          Oh pardon… Je ne vous dérange pas davantage.

Je me redresse et lui demande :

-          Non non, que se passe-t-il ?

-          J'avais pensé aller faire un tour, profiter un peu du cadre avant d'être plongée dans le boulot, et je m'étais dit que peut-être vous voudriez m'accompagner.

-          Bonne idée, je m'habille et j'arrive !

Elle s'approche, les cheveux détachés et encore un peu humides, pour venir se planter devant moi.

-          Sans vouloir vous offenser, vous êtes déjà habillée.

-          Oui mais je ne peux tout de même pas sortir comme ça… dis-je en montrant mon pantalon en lin et mon haut préféré, un décolleté qui a connu de meilleurs jours. 

-          Pourquoi pas ? Beaucoup sont en vacances ici ! Et pis je ne suis pas mieux. Vous êtes très bien, je vous assure.

Je suis doublement traumatisée : l'idée qu'elle puisse ne pas se trouver canon, même en vêtements décontractés et le fait qu'elle m'ait fait un compliment. Bon, l'unique but de sa flatterie était certainement d'éviter d'avoir à m'attendre, mais il n'empêche !

-          Bon, d'accord…

Mes pieds viennent trouver mes chaussures rangées le long du canapé et je me lève, la suivant jusqu'à la porte d'entrée.

-          Vous ne prenez pas de sac ou de portefeuille ? Vous n'êtes pas joueuse ? me demande-t-elle avec un air malicieux.

-          Oh, j'avais oublié !

Prenant mon portefeuille sur la commode, je la dépasse et lance par-dessus mon épaule :

-          Et si, je suis joueuse. Et vous ?

Je me retourne à temps pour la voir afficher un sourire en coin tout ce qu'il y a de plus coquin. Elle prend cependant quelques secondes pour répondre.

-          Aussi. Très. Après tout, ne sommes-nous pas ici pour jouer gros ?

-          Très juste, très juste… murmurai-je en la suivant le long du couloir.

Tandis que l'ascenseur se fait désirer, je détaille la décoration du couloir. De la moquette rouge et noire parcourue de motifs complexes orne les sols. Les murs ont, quant à eux, une teinte jaune pâle. Toutes les deux portes environ, on trouve une table basse surplombée d'un bouquet de fleurs fraiches. L'atmosphère est à la fois feutrée, chic et accueillante, ils ont bien réussi leur coup.

L'ascenseur arrive et nous nous y engouffrons rapidement, nous positionnant toutes les deux le long du mur du fond. Bien évidemment, celui-ci s'arrête l'étage juste en dessous, pour laisser rentrer ce que je pense être l'équivalent d'un bus de touristes asiatiques.

Elle se rapproche donc de moi, histoire de laisser un peu plus d'espace aux autres clients.

Les effluves de son parfum légèrement vanillé, à la fois doux et sensuel, me montent au nez. Quelques instants plus tard, je crois percevoir à nouveau son gel douche, ou peut-être son shampoing. Quoi que ce soit, c'est sucré et ça me donne envie de la croquer… Au sens figuré j'entends. Enfin…

On se regarde d'un air de dire " ils peuvent pas prendre un autre ascenseur ? " avant que je ne détourne la tête, un peu mal à l'aise à cause de la proximité.

Finalement, les portes s'ouvrent et la vague humaine se décide à sortir, suivie de près par ma boss et moi. Nous passons par l'accueil, nous dirigeant vers la sortie, lorsque je remarque le petit présentoir du jeu organisé par l'hôtel.

-          Une seconde, je reviens.

Elle me regarde d'un air perplexe et m'attend, tandis que je me dirige vers la pub en question. En quelques instants, je réponds aux questions rudimentaires qui composent le formulaire avant de glisser le tout dans la fente prévue à cet effet. On ne sait jamais, peut-être que la chance qui me fait cruellement défaut depuis que j'ai pénétré dans la salle de réunion quelques jours plus tôt va tenter de se faire pardonner… On peut toujours rêver.

-          Vous vous sentez en veine ?

-          Pas franchement, mais qui ne tente rien n'a rien, paraît-il. Dis-je en la suivant à l'extérieur.

Nous sommes aussitôt immergées dans un océan de chaleur, l'air brûlant du soleil couchant du désert du Nevada remplaçant la fraicheur climatisée de l'hôtel.

-          Je n'avais pas remarqué que la température était aussi élevée en arrivant. Me dit-elle en s'épongeant le front. 

A vrai dire moi si, mais je pensais que c'était dû au fait que mon visage devait arborer une jolie teinte rouge pivoine après m'être littéralement jetée sur ses genoux dans le taxi.

-          Vous êtes déjà venue ici ? me demande-t-elle.

-          Non, vous ?

-          Il y a quelques années, avec mon petit ami… D'ailleurs, nous le verrons certainement dans le courant de la semaine, il fera partie de la convention. Ajoute-t-elle d'un air pensif.

" Petit ami "… Argh je le savais ! Pourquoi fallait-il qu'elle ruine une série de fantasmes qui comprenait déjà plusieurs épisodes ?! Je mets une seconde de trop avant de répondre :

-          Une partie de l'audience est déjà conquise alors ?

-          C'est une façon de voir les choses… Disons qu'il s'est montré de très bon conseil lorsque j'ai monté ce projet. Il fait partie de la profession, il connait les problèmes et attentes de ses confrères.

7 novembre 2012

Chapitre 7

 

 

Je me rends sur le pont à la sortie de la fac après mes cours, étant donné que c’est là qu’Erin m’a donné rendez-vous. J’espère que son plan implique un repas parce qu’il est midi et j’ai faim !

C’est bizarre qu’elle m’ait envoyé un texto alors même que je l’ai vue ce matin. Entre temps, qu’est-ce qu’il y’a pu y avoir de nouveau ?

Je me demande ce qu’elle me veut.

Et… Ok, j’appréhende aussi.

Au moins, on sera à la vue de tous. Je ne risque pas de lui sauter dessus.

Je la repère de loin, adossée à la rambarde du pont.

Ses cheveux volent avec la légère brise dans ce que j’appelle un « instant photo ». Moment Kodak pour les plus âgés !

Les trois quarts des mecs font un arrêt sur image et se retournent après l’avoir passée, mais elle n’a pas l’air de remarquer. Le mieux c’est qu’elle n’a vraiment pas conscience de l’effet qu’elle produit.

Finalement, elle finit par me repérer et un sourire illumine son visage.

Ses yeux sombres m’informent qu’elle est contente de me voir et mon cœur se serre un peu à cette idée.

Oh mon Dieu, j’espère que j’ai pas un souffle au cœur ou un truc dans le style, c’est bizarre ce qu’il me fait en ce moment.

Ne riez pas, c’est la seule explication « raisonnable ».

J’arrive à sa hauteur et la salue. Elle pose une main sur l’extérieur de mon bras et se penche pour me déposer un baiser sur la joue.

C’est mal d’avoir envie de regarder les mecs alentour avec un sourire narquois ?

-          Ça va toujours ?

-          Oui et toi ?

-          Moi ça a toujours été ! Et j’ai bien commencé la journée !

Je rigole en secouant la tête. On dirait une réplique de mauvais dragueur.

Après quelques secondes à s’observer l’une l’autre en silence, je demande :

-          Pourquoi tu voulais me voir ? Je te manquais déjà ?

-          Exactement. Viens, tu verras.

Elle saisit le sac à dos qu’elle avait posé au sol et se met à marcher sans moi. Je la rattrape rapidement, n’ayant pas confiance en mes yeux et les verts pâturages qu’ils pourraient découvrir plus au sud de ses reins si jamais je restais en retrait. Eh oui  mesdames, ce n’est pas que la galanterie qui pousse les hommes à vous laisser passer devant !

C’est quand on arrive au plan d’eau que je réalise qu’elle veut faire du jet-ski.

Alors qu’elle parle à monsieur Univers, je me demande si c’est bien raisonnable.

Elle revient avec les clés et me fait signe de me diriger vers l’engin.

Inquiète, je m’enquiers :

-          T’es sûre de toi ? On dirait qu’il va pleuvoir.

-          Mais nooooon !

Un coup d’œil au ciel accompagné de ses gros nuages menaçants et je réponds :

-          Mais siiii !!!!

-          On verra ! Allez viens, tu ne vas quand même pas tout ruiner en étant une poule mouillée qui se comporte comme si elle était en sucre ?

Je lis le défi dans ses yeux et moins de deux secondes plus tard, je suis installée derrière elle.

Un jour, je finirai bien par me rappeler que je n’ai plus 5 ans.

J’attache le gilet de sauvetage toute seule comme une grande cette fois-ci et enroule mes bras autour de sa taille. J’espère que personne ne voit mon sourire.

Elle démarre en trombe et je manque de terminer à la flotte. Je lui demande d’un ton qui laisse penser que j’en suis sûre :

-          Tu n’essaierais pas de me faire tomber à l’eau par hasard ?

-          Nan, juste de vérifier si t’es bien agrippée et te donner des sensations fortes au passage.

Elle prend un virage que je qualifierais « d’audacieux » et je suis persuadée que je vais finir par-dessus bord. Après un petit cri qui n’était pas DU TOUT dû au fait que j’ai vu le lac de très près, je l’informe :

-          J’ai pas d’habits de rechange, vaut mieux pour toi que je me noie quand je serais tombée à l’eau, sinon une fois remise de ma pneumonie je me vengerai !

Je la sens rire et je regrette d’avoir dit ça, c’est encore plus dur de m’accrocher si elle gigote.

Je demande :

-          Plus sérieusement, qu’est-ce qu’on fait là ?

-          On te change les idées !

Je suis à deux doigts de répondre et me mords la lèvre pour me censurer. Expliquer que je n’ai pas besoin de ça pourrait non seulement la faire arrêter, mais en plus je passerais pour une garce. Ce que je suis peut-être un peu étant donné que je n’ai pas vraiment pensé à Julien de la journée. Normalement le jour de la rupture avec la personne avec qui vous étiez depuis longtemps ça doit vous faire quelque chose non ?

Bref.

-          T’aimes ?

-          C’est une plaisanterie ?

-          Ok ok j’ai rien dit… Y’en a que le manque de sommeil rend grognon !

 

Après peut-être vingt minutes de sensations fortes, elle s’approche de la berge d’une minuscule île que je n’avais même jamais remarquée. Faut dire que je ne vais pas souvent dans le coin, c’est reculé.

Elle est assez étroite, vraiment rien de plus qu’un petit bandeau de terre coincé entre les deux bras du fleuve qui vient se jeter dans le lac. Elle met pied à terre et je fais de même, bien que perplexe. Elle sort une corde du sac à dos que j’ai dû porter (où va le monde !) et attache le jet-ski au tronc d’un arbrisseau. J’espère secrètement qu’il ne va pas se déraciner, parce que même si c’est sympa, je n’aimerais pas mourir ici !

Elle s’aventure quelques mètres plus loin et étale un plaid dans un espace entouré de fourrés qui offrent un abri parfait contre le vent et les regards indiscrets.

C’était donc ça son plan !!!

Erin me fait un sourire et tapote à ses côtés. Je m’assieds et contemple l’endroit un peu plus.

C’est difficile à croire, mais je ne serais pas étonnée que nous soyons une des rares personnes à avoir jamais mis les pieds ici. Y’a même pas de déchets ou de trace d’activité humaine !

Elle sort une espèce de longue fourchette pas franchement engageante et je dois dire que ça me fait hausser les sourcils.

-          Erin, si tu comptes me tuer, t’aurais dû prendre une pelle pour enterrer mon corps après !

Elle fait semblant de réfléchir, l’air contrarié avant de répliquer :

-          Je savais bien que j’avais zappé un truc !

Elle hausse les épaules et me sort le plus naturellement du monde :

-          Bah tant pis, j’en reviens au plan A, la noyade !

-          T’es méchante !! Où est passée la gentille collègue qui voulait me faire oublier mes malheurs ?

En temps normal, une réponse pareille lui aurait valu un coup, mais là elle a deux de ces pics en main et soudainement je n’ai pas envie de me la mettre à dos !

-          T’inquiètes, j’y travaille !

Elle se lève et ramasse quelques branches mortes qui ont séché sur la rive, et fait contribuer nos amis les fourrés. Elle place quelques pierres en rond et place le bois au centre.

Après quelques minutes de mise en place, j’observe Mc Gyver au féminin TRICHER de manière éhontée en se servant d’un briquet pour allumer son petit feu.

Bien vite, celui-ci prend et elle s’assoit à mes côtés. Coup de bol ou géniale planification, le peu de fumée que celui-ci fait ne vient pas vers nous.

Elle sort une bouteille de vin blanc de son sac et me tend des verres en plastique que je tiens religieusement tandis qu’elle s’occupe de retirer le bouchon.

-          A la tienne !

Je me vois obligée de répondre :

-          Non, à la tienne, merci d’essayer de me changer les idées !

-          C’est normal.

Je sirote le vin tout en fixant le feu. Même si le temps est nuageux, il fait encore étonnamment bon pour cette période de l’année et il n’était pas vraiment nécessaire d’exposer ses talents de pyromane.

Elle me tend un sac plastique avec ce que j’identifie comme étant des minis sandwichs de différentes sortes.

-          Tiens, tu dois avoir faim. Désolée pour la présentation, je ne voulais pas gâcher la surprise en me pointant avec un panier à pique-nique !

J’ouvre le sachet et rien qu’au nez, je sais que je vais me régaler. C’est rien de bien compliqué, mais ça à l’air divin.

On mange toutes les deux en silence, tandis que je me demande si elle compte me reparler de ce que j’ai fait avant de partir ce matin. Quelque part j’en doute. Même si l’ambiance est assez « romantique », je n’ai pas l’impression que c’est un guet-apens, elle a vraiment l’air de juste vouloir me distraire. Et je dois avouer que ça fonctionne. 

Une fois qu’on a tout englouti, je comprends à la fois l’intérêt du feu et des engins avec lesquels elle comptait me donner la mort quand elle sort un paquet de marshmallow !

-          J’espère que t’aimes ! dit-elle en le soulevant pour mon inspection.

-          Oh tu sais, moi dès qu’il y’a du sucre…

Elle sourit et me tend le paquet ouvert. J’en attrape deux que j’empale sur ma fourchette avant de les faire dorer sur les flammes.

Elle a l’air tout aussi captivée que moi par le feu et son doux crépitement.

J’ai envie de me pencher et de l’embrasser sur la joue sous le faux prétexte du remerciement. Enfin, il y aurait de quoi lui dire un gros « merci » mais je sais très bien que ma motivation est toute autre.

À la place, je repose ma fourchette et m’allonge, regardant le ciel. Même si l’on est au milieu de la ville, le bruit de l’activité humaine à l’air lointain et c’est surtout les piaillements des oiseaux et le léger bruissement de l’eau qui emplissent mes oreilles.

Au bout de quelques minutes, je la sens s’installer elle aussi et me tourne donc sur le côté, m’accoudant.

Elle est sur le dos, les yeux fermés, visiblement paisible. Je contemple un instant sa poitrine qui se soulève et s’affaisse au rythme de sa respiration puis porte mon attention sur son visage. Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de l’observer de la sorte et laissez-moi vous dire que j’en profite.

Son nez est droit et assez petit, on aurait presque envie de le croquer. Je fais glisser mes yeux sur ses fins sourcils qui donnent encore plus d’intensité à son regard, puis vers ses longs cils qui agrémentent si bien ses iris sombres. Malgré moi, chaque détail se grave dans ma mémoire, de la discrète cicatrice près de son sourcil gauche, qui n’ôte rien à la perfection de ses traits et lui procure encore plus de charme, à ses lèvres pleines que je sais être douces, à ses joues qui arborent des fossettes dès qu’elle se met à rire…

Sentant certainement le poids de mon regard, elle ouvre les yeux, avant de se tourner vers moi. Elle m’offre un sourire sincère et replace une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille. Je n’ose pas bouger et suis sortie de mon état second par le son de sa voix :

-          Ça va tu t’ennuies pas ?

Je me racle la gorge, histoire de me donner un instant pour me composer et répond :

-          Non, j’adore. Ça fait du bien de décompresser de temps en temps.

-          Tant mieux alors.

Elle arrache un brin d’herbe et joue avec. Pour une obscure raison, j’ai envie de prendre ses mains dans les miennes. Mais comme d’habitude, je ne fais rien. Bizarre comme mon self-control est très efficace pour les petites choses et totalement absent lorsque j’ai envie de dépasser les bornes.

Malgré le plaid, le sol n’est pas très confortable et je décide de profiter de mon popotin comme d’un coussin, me relevant pour m’asseoir dessus.

Erin fait de même et se met à genoux face à moi. Ses doigts jouent encore et toujours avec le petit brin, et je me surprends à envier celui-ci.

Finalement, je ne tiens plus et prends ses mains dans les miennes. Elle me laisse faire, mais je vois une question dans ses yeux.

J’aurais surement mieux fait réfléchir avant de faire ça.

Pour masquer la vraie raison, j’ouvre la bouche pour en faire sortir un semi-mensonge :

-          J’apprécie vraiment ce que tu fais pour moi, je sais que t’es pas obligée. Et je suis contente de te connaitre.

Ok, peut-être trop d’informations là !

Gênée, je regarde partout sauf son visage et cherche un changement de sujet avant qu’elle puisse répondre. Je constate que son gilet a glissé et que son épaule est découverte, et tends la main pour le remettre en place. Ce n’est pas génial comme diversion, mais ça fera l’affaire. Pile à ce moment, une goutte d’eau vient s’écraser sur son épaule.

Immédiatement, je m’arrête et m’exclame :

-          Je te l’avais dit qu’il allait pleuvoir !

Elle jette un œil sur son épaule et se fait un bisou à elle-même, ce qui fait disparaitre les traces.

Amusée, même s’il parait que c’est malpoli je la pointe du doigt et l’accuse :

-          Destruction de pièces à conviction, ça va vous couter cher !

Une autre goutte s’écrase sur l’ongle de mon doigt tendu et avant que j’aie pu réagir elle l’a elle aussi effacée d’un baiser.

Aussitôt, elle proclame d’un air faussement innocent :

-          Je ne vois pas de quoi vous voulez parler !

-          Et moi je crois que tu vois très bien ! Il pleut, j’avais raison ! Comme d’hab devrais-je dire d’ailleurs !

Je n’hésite pas et me la pète ! Après tout, en ayant fait un total de 1 pronostic juste, ça me rend plus efficace que la météo !

-          Euh… sans vouloir te faire de peine, il ne pleut pas.

Je regarde autour et je suis forcée d’admettre que bien qu’il y’ait eu ces gouttes, il ne pleut effectivement pas.

En fait, même le ciel se fout de ma gueule si j’ai bien compris. Il pleut juste ce qu’il faut pour que je me ridiculise et ça s’arrête ?

Contrariée, je me mets à genoux et lève la tête vers les nuages, les sourcils froncés.

Pour une fois, j’envoie des messages mentaux pour que le déluge arrive au lieu de demander qu’il fasse beau. Apparemment Monsieur Météo ne capte pas, ou alors il me fait le coup du tunnel.

 J’entends Erin rire doucement en m’observant et ça m’agace encore plus ! C’est injuste, j’étais SURE d’avoir raison !

Défaite, je baisse la tête lorsqu’une grosse goutte s’écrase pile au coin de mes lèvres.

Je déglutis.

Les iris sombres d’Erin fixent la goutte qui a élu domicile sur ma bouche. L’atmosphère change et j’oublie complètement cette stupide histoire de pluie.

Inconsciemment, elle passe sa langue sur ses lèvres.

Elle va pas…

Elle peut pas !

Elle peut ?

En voyant qu’elle s’approche, je prends une inspiration de surprise et la goutte en profite pour rouler jusqu’à être au bord de ma lèvre.

Ses yeux sont encore braqués sur ma bouche et je ne sais pas quoi faire.

Ma respiration se stoppe lorsqu’elle croise mon regard dans une question muette.

Je réalise que j’ai serré la main que je tiens toujours quand elle se remet à avancer.

Mes yeux s’écarquillent et pourtant je ne bouge pas.

Elle s’arrête à quelques millimètres de moi, son souffle caressant ma peau, me laissant maîtresse de la situation.

Mon cœur bat à cent à l’heure dans ma poitrine et je me décide.

Je penche légèrement la tête et parcours les quelques millimètres qui nous séparent.

Je frôle ses lèvres plus que je les embrasse jusqu’à ce que je n’en puisse plus et appuie pleinement.

Ses mains viennent se placer à plat dans mon dos, m’attirant à elle.

Je fais de même et remonte jusqu’à glisser mes doigts dans ses cheveux. La sensation de son corps contre le mien est divine.

Ses lèvres ont gardé le gout des marshmallows et ils sont plus succulents encore que tout à l’heure.

Nous surprenant toutes les deux je crois, je fais pression pour qu’elle s’allonge et la suis sans rompre notre baiser.

Je passe une cuisse de l’autre côté d’elle, me plaçant à cheval. Ses mains me font une sorte de massage et ça combiné à ses baisers, je sens le peu de contrôle qu’il me restait m’échapper un peu plus.

J’ouvre davantage ma bouche, caresse sa langue de la mienne et c’est encore meilleur que dans mes souvenirs.

Au bout d’un moment, ayant besoin d’air, je me recule et vais immédiatement placer d’autres baisers dans son cou. J’ai BESOIN de la sentir, je suis comme consumée par l’envie.

Elle tourne la tête, me laissant plein accès. Je remonte  jusqu’à son oreille et la prends entre mes dents, mordillant délicatement la chair sensible.

Je sens le frisson qui la traverse et l’une de ses mains passe sous mon haut. Elle me caresse le bas du dos du bout des doigts, créant elle aussi son lot de frissons.

Sa peau est chaude et souple sous mes lèvres et si j’avais su que quelqu’un pouvait avoir si bon goût, j’aurais craqué bien avant.

Mon cœur n’en finit plus de s’emballer.

Je me recule et plonge mon regard dans le sien. Elle est légèrement décoiffée, sa bouche me fait plus qu’envie et ses yeux sont noirs de désir. Sans hésiter, je m’abaisse et retrouve ses lèvres. Après quelques instants, elle nous fait rouler et je suis bien vite sur le dos avec elle allongée de tout son long entre mes jambes.

Notre baiser gagne encore et toujours en intensité, me rendant folle. J’ai perdu tout contrôle de mes mains qui vont se placer sur ses fesses sans l’ombre d’une hésitation et l’amènent plus à moi. Dans l’opération, son corps fait pression à l’endroit où j’ai le plus besoin d’elle et je m’entends gémir.

Ses lèvres quittent les miennes et d’une main elle écarte le tissu de mon haut pour embrasser ma clavicule. J’ai l’impression que toutes mes terminaisons nerveuses se situent là où se trouvent ses lèvres tandis qu’elle explore ma peau avec passion.

Elle s’approche de mon oreille, son souffle rapide créant une délicieuse torture. Finalement, après quelques secondes, elle parle d’une voix plus rauque que d’ordinaire :

-          Si tu savais depuis combien de temps je résistais à l’envie de faire ça…

Sa bouche continue ses attentions et je crois que j’ai une idée de ce qu’elle veut dire.

Une idée très précise même.

Je m’apprête à répondre quand un énorme bruit de tonnerre m’interrompt et immédiatement, des trombes d’eau glacée se mettent à nous tomber dessus.

Je ne peux pas m’empêcher et lance, dans un sourcil levé accompagné d’un sourire :

-          Il ne pleut pas, hein ?

Erin rit et se penche pour déposer un petit bisou sur mes lèvres, avant de dire :

-          Non, il fait un temps superbe. Mais on ferait mieux d’y aller si on ne veut pas attraper la mort.

-          Je croyais que c’était l’idée, me faire mourir.

Elle se relève et me tend la main. Je la saisis et elle m’attire à elle sans difficulté. Je voulais faire la maligne avec cette réplique, je me retrouve bouche bée lorsqu’elle me regarde et dit d’un ton suggestif :

-          Faudra que je te la réexplique alors…

Gulp.

Il pleut de plus en plus et elle comme moi sommes trempées. On remballe vite fait les quelques affaires qu’on avait amenées tandis que le feu a été éteint net. Sous l’effet de la pluie, ses vêtements lui collent à la peau et je n’ai jamais été aussi contente du mauvais temps. Ne la quittant pas des yeux, j’enfile mon gilet tandis qu’elle fait de même avec le sien et alors qu’elle s’apprête à grimper sur le jet-ski, je n’arrive pas à me retenir de l’attraper par la main pour la faire se retourner.

Ne s’y attendant pas, elle atterrit dans mes bras et je ne perds pas un instant avant de l’embrasser. Sachant que c’est le dernier avant un moment, j’y mets toute ma passion et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Erin me fait écho. Au prix d’un effort surhumain, je m’arrête, car si je continue on ne quittera jamais l’île.

Je finis par me reculer et plante mes yeux dans les siens.

Elle est sublime. Et peut-être que je suis une garce, mais je suis la plus chanceuse de toutes les garces au monde !

Son regard m’indique à quel point elle a envie de moi et je dois dire que c’est réciproque. Mais ce n’est pas le moment. Décidant d’être un minimum responsable, je me force à détourner les yeux et lui donne une petite tape sur les fesses, plus pour mon plaisir personnel que pour la mettre en mouvement.

-          Allez, on se bouge !

Elle sourit et enjambe l’engin.

-          Grimpe.

Sans hésiter, je monte derrière elle. Je fais passer mes bras autour d’elle mais viens caresser ses cuisses, remontant lentement. Je souris en sachant qu’avec l’eau glacée, la sensation de mes mains chaudes doit se sentir même à travers le tissu…

De la voix de quelqu’un qui souffre, elle dit :

-          Si tu continues comme ça, on va vraiment finir à l’eau...

Je ris et décide d’être sage, m’agrippant comme il faut à sa taille, mais me rapprochant bien plus d’elle qu’à l’accoutumée.

 

7 novembre 2012

Chapitre 8

De retour sur la berge, on rend les clés au type de la location qui nous mate comme si on avait deux têtes étant donné qu’on est trempées jusqu’aux os et on se met à courir en direction de la fac.

En plus de la pluie, maintenant il y a de sacrés éclairs et étant recouverte d’un liquide hautement conducteur d’électricité, je préfère éviter de trainer dehors.

On rentre en trombe dans le bâtiment, sous les yeux amusés des élèves.

Erin se penche pour reprendre son souffle, puis me regarde et éclate de rire.

-          Hey !

-          Pardon.

À peine s’est-elle excusée qu’elle recommence de plus belle. J’imagine que je ne dois pas ressembler à grand-chose. Elle s’approche d’une poubelle et essore ses cheveux dedans, avant de se recoiffer de ses doigts.

Devant mon regard étonné, elle dit :

-          Inutile de faire des flaques qu’on peut éviter, non ? Même si c’est pas nous qui nettoyons.

Elle me saisit par le bras, ses vêtements comme les miens faisant des « piouc » à cause de l’eau et me traine dans le couloir.

On se rend à notre bureau et refermons la porte sur les élèves estomaqués par notre apparence dans un fou rire total.

On s’approche de la fenêtre pour observer le déluge de plus près.

Erin semble penser comme moi :

-          On aurait peut-être dû aller à mon appart…

-          Fallait qu’on s’abrite…

Elle me regarde d’un air incrédule :

-          Pour quoi faire, on est déjà trempées ?

-          Certes, mais ça peut encore se calmer !

À l’instant même où je dis ça, j’ai conscience que c’est probablement une connerie. Il pleut toujours des trombes d’eau et ça n’a pas l’air de vouloir s’arrêter dans un futur proche.

Du coin de l’œil, je vois Erin frissonner et j’avoue que maintenant qu’on a cessé de courir moi aussi je commence à avoir froid.

-          Faut qu’on se change !

Je m’adresse à elle en feignant le mécontentement :

-          Oui, et à cause d’une certaine personne que je ne nommerai pas, je vais attraper la mort.

-          Ah merde, c’est vrai que ce que t’as là c’est déjà ta tenue de rechange…

Elle fait une grimace. Tandis que je lui fais ma tête qui signifie « non, tu crois ? ».

Elle se retourne et fouille dans l’armoire, me jetant le sac qui contient ses affaires.

-          Tiens, prends les miennes.

Je hausse les sourcils :

-          T’en as deux paires de rechange ?

-          Nan, je vais faire sécher celles que j’ai.

O.ô

Mes yeux s’écarquillent plus que je n’aurais cru possible en la voyant retirer son gilet et porter ses mains sur le tout petit haut qu’elle a en dessous.

Dans la panique, je lui relance le sac, manquant de peu de lui crever un œil :

-          Nan mais tiens, je t’en prie, c’est les tiennes.

-          Peut-être, mais c’est ma faute si t’es comme ça et c’est toi qui importe le plus aujourd’hui.

C’est mignon… Mais pas suffisant pour que je retourne ma veste. Je croise les bras et annonce :

-          Ne sois pas ridicule et enfile ça.

-          Non. Je fais sécher mes fringues et le sac est là, si jamais tu changes d’avis…

Elle s’approche des persiennes et les ferme, bloquant la vue du déluge et nous laissant à la seule lumière des néons au plafond. Dans un moment de lucidité, je vais tourner la clé dans la serrure.

Je sais que ça n’est pas correct, mais me yeux sont fixés sur elle tandis qu’elle s’apprête à se déshabiller. Mon corps a gagné la bataille contre ma raison.

Après tout, c’est comme si on était en maillot de bain…

Je me décide à enlever mes vêtements mouillés, car sinon c’est la maladie assurée.

J’essaie de me donner un air naturel, mais mes mains tremblent et me trahissent. Erin retire son haut et mes doigts s’arrêtent carrément de fonctionner.

Ma collègue remarque que quelque chose ne va pas, dépose son habit sur le radiateur et s’approche de moi.

Je m’efforce de ne pas loucher sur son soutien-gorge et la partie de son anatomie qu’il peine à dissimuler, mais c’est difficile. Elle dégage une impressionnante aura de féminité, là, la poitrine uniquement recouverte du délicat sous vêtement rouge et noir. Ses cheveux encore humides laissent perler quelques gouttes qui  roulent doucement le long de son décolleté.

Tout à coup, on entend le craquement du tonnerre et la lumière s’éteint, nous plongeant dans l’obscurité.

Je finis par retrouver un semblant de raison et essaie tant bien que mal de sortir un bras de mon haut, mais le tissu colle à ma peau et je réussis juste à m’emmêler un peu plus.

Je bataille, même si ça ne fait qu’empirer les choses, jusqu’à ce qu’Erin me dise dans un souffle :

-          Laisse-moi faire.

Elle porte ses mains sur mes hanches et les glisse sous le tissu mouillé.

Leur chaleur me brûle presque. Je n’ose pas bouger, alors qu’elle soulève mon haut petit à petit. Je l’aide en levant les bras, et bientôt il ne reste plus qu’elle, moi, et ses yeux posés sur le maillot de bain qui me fait office de soutien-gorge.

J’ai pleinement conscience de la façon dont son regard me parcourt, s’attardant sur ma poitrine. Je sens mes seins réagir à l’attention visuelle qui leur est portée et le fin tissu qui les recouvre ne le camoufle pas du tout. Je n’ose pas bouger et tente bien vainement de contrôler ma respiration.

La pluie s’abat violemment sur les fenêtres et dans la quasi pénombre, les yeux d’Erin viennent accrocher les miens.

 

Finalement, je dévore du regard l'étendue de peau nue devant moi et lève inconsciemment le bras, frôlant son épaule du bout des doigts. Sa chevelure laisse s'échapper une goutte d'eau qui passe à côté de ma main. Comme hypnotisée, j'en suis le trajet, et descends petit à petit au rythme de la respiration d'Erin. Je longe la ligne de son soutien-gorge, observant la chair de poule qui se forme rapidement après mon passage. J'ai envie de glisser mes doigts en dessous, d'écarter le tissu qui me gêne et...

Les frôlements initiaux se muent malgré moi en caresses plus appuyées et je teste mes limites. Je n’ai pas conscience de ce que je suis en train de faire, du fait que c’est trop tôt, qu’en temps normal l’idée de la toucher me terrifie… Tout ce qui importe, c’est la sensation de sa peau…

-          Fanny...

Comme sortie de ma transe, je lève les yeux vers Erin, n'arrivant pas à me résoudre à reculer ma main pour autant. Les battements frénétiques de mon cœur résonnent jusque dans mes oreilles.

J'attends qu'elle dise quelque chose, ne faisant pas confiance ni à ma voix ni à mon cerveau.

-          Ne commence pas quelque chose que tu ne comptes pas finir...

Ses iris quasi noirs sondent les miens, pleins de détermination et d'envie. Et je vois ce qu’elle veut dire. Ce n’est pas qu’elle est contre, juste qu’elle ne veut pas que je joue avec elle.

Je comprends son inquiétude, mais elle est infondée.

Elle et moi suivons mon index, qui a repris sa course. Du bout du doigt, je caresse le galbe de sa poitrine, que sa respiration rapide fait ressortir. Je frôle la peau à la limite du soutien-gorge, puis me glisse en dessous.

Erin me laisse faire, tandis que mon index découvre la peau encore dissimulée. Ne tenant plus, j'abaisse le tissu qui me gêne, l'exposant à mon regard. Ma langue passe inconsciemment sur mes lèvres et j'observe son sein avec envie. Elle est superbe.

Bien que la vue soit plus que plaisante, mon attention se porte sur le visage d’Erin. Ses yeux sont mis clos et sa bouche entrouverte pour laisser s'échapper l'air en de petites bouffées. Malgré tout, son regard reste fixé sur moi.

Je m'entends dire d'une voix que je reconnais à peine:

-          J'en ai marre de résister à ce qui me fait envie...

Pour appuyer mes dires, mes deux mains viennent se poser franchement sur sa poitrine et je sens ses seins réagir à l'attention qui leur est portée.

Un déclic se produit et Erin passe sa main à l'arrière de ma nuque pour m'attirer à elle. Un gémissement m'échappe lorsque sa peau rencontre la mienne. Son corps est à la fois brûlant et frais, l'eau de pluie contrastant avec sa chaleur corporelle. Ses lèvres rejoignent les miennes dans un baiser qui n'a plus rien de doux. Je la sens glisser un bras dans son dos et dégrafer son propre soutien-gorge. Je me recule un instant pour la laisser se débarrasser et en profite pour faire de même avec mon haut de maillot de bain.

Je le jette sans même regarder où il atterrit et ne quitte pas Erin des yeux tandis qu'elle me découvre à son tour.

Moi qui suis d'ordinaire très pudique, je me surprends à aimer sentir son regard sur ma peau. Ma poitrine se tend, plus pour demander de l'attention que parce que le fond de l’air est frais. Même dans la pénombre dans laquelle nous sommes plongées, je lis clairement la passion dans les yeux sombres d'Erin, et j'ai envie qu'elle me consume.

Le temps semble s'être arrêté.

Je craque et attrape ses mains dans les miennes.

-          Touche-moi.

Je les accompagne jusqu'à mon ventre et les libère. Immédiatement, elles remontent le long de mes côtes pour venir dessiner les contours de mes seins. Ma respiration devient incontrôlable lorsqu'elle les prend dans ses mains.

Elle me regarde et me dit d’un ton incertain :

-          N’hésite pas à me guider !

Je lui dépose un baiser et réplique, essoufflée :

-          Continue comme ça !

Moi qui me suis toujours crue peu sensible à cet endroit, je réalise à quel point j'avais tort. Ses attentions se répercutent directement entre mes cuisses et il n'est pas question que je recule.

Je n'y tiens plus et l'attire à nouveau à moi, nous retournant de sorte que ses fesses touchent mon bureau. Sa main se glisse sous mes cheveux et fait pression à l'arrière de mon crâne, m'encourageant, tandis que l'autre reste sur ma poitrine.

Sans rompre notre baiser, je dégage d'un mouvement de bras tout ce qui se trouve sur mon bureau, me foutant totalement de ce que ça peut bien être et incite Erin à s'y allonger. Je délaisse ses lèvres le temps de monter moi aussi, me plaçant à cheval sur elle. Immédiatement, elle se relève à moitié. Sa bouche me parait quasi brûlante lorsqu'elle rencontre ma poitrine. Toute mon attention est portée sur ses lèvres, qui s'approchent lentement mais sûrement de l'endroit qui me fait le plus envie. Elle finit par atteindre mon téton et le caresse de sa bouche, de sa langue.

Ma main gauche s'est placée derrière sa tête, ne faisant pas pression mais la guidant. Je peux sentir qu’elle n’est pas sûre d’elle, mais également à quel point elle veut me donner du plaisir. Elle remplace sa bouche de ses doigts, et s'attaque à mon autre sein. Ses yeux, auparavant clos, s'ouvrent et viennent trouver les miens. Elle se recule suffisamment pour que je puisse voir ce que sa langue me fait, tout en maintenant le contact visuel. Je n'ai jamais eu autant envie de quelqu'un que d'elle en cet instant.

Je m'abaisse et l'embrasse avec tout ce que j'ai, la faisant se rallonger et la suivant de mon corps. Je sens son pubis faire pression à l'endroit exact où j'ai besoin d'elle et je réalise qu'elle en a conscience au moment où ses mains se placent sur mes hanches pour m'inciter à bouger. Je ne sais même pas comment c'est possible, mais notre baiser gagne encore en intensité tandis que je me laisse aller et suis les signaux que m'envoie mon corps.

N'arrivant plus respirer, je me redresse sans arrêter de bouger mon bassin. Je sens les yeux d'Erin me caresser tout autant que ses mains pendant que je la chevauche, et ça me plait sûrement plus que ça ne devrait. Je commence à trembler et me rabaisse, l'embrassant dans le cou. Sa main gauche est placée sur ma poitrine et l'autre est sur mes fesses, accentuant la pression de mes mouvements. Je sais que je ne vais pas tenir longtemps à ce rythme-là.

Elle s'approche de mon oreille, la saisissant délicatement entre ses dents et c'est tout ce qu'il me manquait.

Je me contracte et gémis à son oreille alors que le plaisir m'emporte. Je fais de mon mieux pour garder une partie du poids de mon corps sous contrôle alors que je suis parcourue de spasmes.

Ça ne m'était jamais arrivé aussi rapidement et encore moins de cette façon et moitié habillée. Techniquement elle ne m'a même pas touchée. Je reprends mon souffle et mordille sa nuque appréciant l’odeur de sa peau, tout en descendant une main le long de son corps. C'est le moment où j'entre vraiment dans l'inconnu et je suis un peu nerveuse. J'ai peur de "mal faire", mais l'envie de lui donner du plaisir l'emporte. Je verrai bien.  

Je déboutonne son jeans trempé et me recule pour la regarder dans les yeux alors que ma main disparait sous son sous vêtement.

Mes doigts se faufilent tant bien que mal sous le tissu glacé qui colle à sa peau, jusqu'à trouver une intense chaleur. Je suis comme émerveillée en sentant son envie sous mes doigts, découvrant pour la première fois cette sensation. Je glisse entre ses replis sans rencontrer de résistance tandis qu'elle fait de son mieux pour me laisser un peu de place pour manœuvrer. Je me baisse et caresse sa poitrine de mes lèvres en rythme avec les mouvements de ma main. Je ne suis pas sûre de savoir ce que je suis en train de faire, mais si les petits gémissements qui s'échappent d'Erin sont une indication quelconque, je me débrouille pas trop mal.

Ses yeux alternent entre ma bouche et la vision de ma main qui disparait dans son pantalon. Elle saisit mon poignet et abaisse un peu ma main, murmurant :

-          Je veux te sentir en moi.

Mon sexe se contracte en l'entendant dire ça. Mes doigts sont placés à son entrée et je ne résiste pas plus. Je suis immédiatement enserrée et c'est une sensation extraordinaire. Erin gémit et bouge son bassin, me sortant de ma transe.

Je me mets en mouvement. Elle a gardé sa main sur la mienne, et ça combiné à son jeans serré aident ma paume à faire pression sur son clitoris tandis que mes doigts la découvrent. Je n'arrive pas à m'empêcher de la regarder, seins nus et ondulant sous moi, juste sublime.

Comment j’ai fait pour avoir autant de chance ?

Je vais embrasser sa nuque et profite de l'angle plus confortable pour accentuer mes mouvements. Elle me guide de sa main pendant un moment, puis la retire, me laissant le champ libre.

Son souffle est rapide à mon oreille et elle se contracte de plus en plus rapidement autour de mes doigts. Son corps devient rigide et Erin étouffe ses gémissements dans ma gorge alors que le plaisir l'emporte. En la sentant, je la désire à nouveau, peut-être encore davantage.

Contente de moi, je souris et me recule pour venir l'embrasser. Même si je n'en ai pas envie, je retire délicatement ma main de son pantalon et demande :

-          Ça va ?

Elle calme un peu sa respiration et déglutis avant de répondre :

-          C'est une vraie question ?

-          Hey !

Elle rit doucement et m'attire à elle dans un baiser beaucoup plus tendre que tout à l'heure. Pourtant, bien vite il retrouve une partie de son urgence et je sais que j'en veux encore plus. Erin semble du même avis puisque je la sens déboutonner mon pantalon. Alors qu'elle essaie de le descendre, quelqu'un toque lourdement à la porte.

Merde !

On regarde l’entrée du bureau comme si c’était une bombe à retardement. Nos yeux s'écarquillent et on se lève toutes les deux en catastrophe pour rechercher nos habits.

-          Fanny, comment ça se fait que t'es pas partie, y a plus d'électricité les cours sont annulés !

Nico, double merde !

Affolée, j’observe autour de moi l’étendue du carnage. Je n’ai pas la moindre idée d’où sont nos fringues, tout ce qui était sur mon bureau est au sol et ni Erin ni moi ne sommes présentables.

À travers la porte, j’entends que mon meilleur ami s’impatiente :

-          Je peux rentrer ?

-          NON !

Dans la panique, je crie à moitié. Je ne suis plus sûre d’avoir fermé à clé et si jamais il nous voyait telles qu’on est là ce serait dur à expliquer.

-          Pourquoi ?

Je regarde Erin pour avoir de l’aide, mais elle ne fait que grimacer en haussant les épaules, et le mouvement attire mon attention sur ses seins.

Quoi ?

C’est pas facile de se concentrer quand elle est dans cette tenue.

Elle lève les yeux au ciel et me pointe du doigt. Je crois comprendre.

-          Je… je suis pas habillée.

-          Hein ? Mais tu fous quoi nue dans ton bureau ?

Je lance un regard plein de désespoir à Erin, qui se contente de rire en silence. Je pensais qu’il allait lâcher l’affaire, mais nooon.

-          Je suis pas nue, juste dévêtue. O-… j’ai été surprise par l’orage, je fais sécher mes habits !

Ma collègue me jette mon haut de maillot de bain que j’attrape au vol et elle s’habille en même temps que moi.

-          Ben débrouille-toi, les gens me regardent bizarrement vu que je suis en train de parler à une porte, couvre l’essentiel et laisse-moi rentrer ! C’est pas comme si je ne t’avais jamais vue en sous vêts.

Erin lève un sourcil à cette admission et je gesticule frénétiquement en essayant de lui faire comprendre qu’il faut qu’elle se cache.

 

Elle m’observe d'un air désemparé. Bon, c'est vrai qu’à moins de se mettre à quatre pattes sous le bureau, les options sont limitées ! J'ai enfin fini de m'habiller et j'informe mon meilleur ami à travers la porte :

-          Nan nan pas besoin, je sors dans une seconde ! Bouge pas !

Ma collègue et moi fixons la porte avec anxiété, s’attendant à ce que Nico l’ouvre d’un moment à l’autre. Après quelques secondes, on l’entend grommeler et rien ne se passe. Je relâche l’inspiration que j’avais involontairement prise.

Je saisis mon sac et vérifie une dernière fois que je suis présentable.

Nickel.

Je jette un coup d'œil en direction d'Erin, tout aussi habillée que moi. Gênée de la planter comme ça, je lui fais un petit signe de la main en baissant la tête. Je me tourne vers la porte et Erin m'attrape par le bras, me retournant vers elle. Même nos vêtements mouillés ne cachent pas l'intense chaleur de son corps, ni n'entament l'envie que je sens dans son baiser. Une fois encore, j'oublie tout autour de nous et me laisse aller.

Elle se recule et dans un sourire me murmure à l'oreille :

-          Allez file avant qu'il n'entre. On se parle par texto.

J'acquiesce et me retourne, recevant une petite tape sur les fesses au passage. Je pose la main sur la clenche de la porte et la regarde une dernière fois. J'ignore royalement le sourire en coin d'Erin et l'observe des pieds à la tête. Que ça soit la façon dont ses vêtements mouillés laissent entrevoir ses formes, la pluie battante à la fenêtre ou tout simplement l'atmosphère  tandis que le bureau est plongé dans la pénombre, je veux me souvenir de tout. Un soupir plus tard et je tire sur la clenche.

Ouf, c’était verrouillé… J'entrouvre la porte, me glissant rapidement dans le couloir.

Je prends soin de fermer la porte à clé avant même de lui dire bonjour. J'espère qu'Erin n'a pas oublié les siennes quelque part !

-          La politesse voudrait que tu me salue d’abord je te signale. Si je ne te connaissais pas si bien je jurerais que tu as quelque chose à cacher dans ce bureau.

Peut-être que tu ne me connais pas si bien alors... Enfin remarque, vu mes actions ces derniers temps je ne suis plus si sûre de me connaître moi-même.

Étant donné que je ne peux pas lui répondre ça sans lui mettre la puce à l'oreille, j'opte pour un mensonge, et c'est dans un sourire un peu coupable que je réplique :

-          Désolée, je ne sais pas si Erin compte repasser et j'ai peur de zapper après, je suis distraite aujourd'hui !

Mais POURQUOI tu as fait ça ? Fallait pas la mentionner imbécile ! Visiblement le jour des soldes sur les cerveaux t'es arrivée à la bourre et t'as eu les restes !

Fort heureusement pour moi, Nico se contente de demander d'un ton compatissant :

-          Je peux comprendre, vu que... Ça va quand même ?

Je l'attrape par le coude et le tire plus loin dans le couloir avant de répondre :

-          Oui. Je... Je sais juste pas trop où j'en suis.

Techniquement c'est la vérité, sauf que je fais référence à ma collègue... Je sais très bien où j'en suis par rapport à Julien. 

7 novembre 2012

Chapitre 11

Après un temps bien trop long pour quelqu’un qui porte les instruments de torture que j’ai aux pieds, on est de retour chez Erin.

Nico s’est très discrètement éclipsé. Je crois qu’il se fait des idées sur nos plans pour ce soir... En réalité, j’en suis même sûre, vu comme il a lourdement insisté sur le fait que si jamais je ne rentrais pas dormir, il ne s’inquièterait pas.

Ma collègue a gardé le silence tout le long du trajet et j’ai fait de même. Je me gare et coupe le contact.

 Erin se tourne vers moi, me fixe avec intensité et demande :

-          Tu veux monter ?

J’oublie un instant de respirer.

Elle approche sa main et prend la mienne, auparavant posée sur le levier de vitesse. Je sonde son regard à la recherche de réponses, mais je n’y vois rien d’autre de l’espoir, teinté de nervosité.

Je déglutis et retire les clés du contact. Elle me sourit et sort de la voiture, sûre que je vais la être sur ses talons.

On gravit ensemble les marches qui montent à son appart et je deviens de plus en plus agitée à mesure qu’on touche au but. Erin déverrouille et me laisse entrer, me suivant de près.

Bizarrement, moi qui tout à l’heure voulais parler, j’ai juste envie de fuir. Je m’avance dans l’appartement tandis qu’elle ferme derrière nous, mon regard atterrissant sur la porte entrouverte donnant sur sa chambre.

Ma main me démange et je me surprends à la lever pour toucher la porte du bout des doigts. Celle-ci s’ouvre un peu plus, mais je n’ai pas le temps de profiter des fruits de ma curiosité, car Erin me prend l’autre main.

Je me retourne vers elle et ne me gêne pas pour la dévisager. Elle sourit et je vous jure qu’elle est tellement belle que c’en est presque douloureux, aussi stupide que ça puisse sonner.

Je n’arrête pas de me répéter qu’il ne faut pas que je tombe amoureuse d’elle, et l’auto persuasion c’est clairement merdique puisque je sais qu’il est déjà trop tard. Moi qui, il y a quelques mois, pensais épouser Julien un jour, vu le 180° que je viens de faire, faut sérieusement que je reconsidère mon équilibre mental. Et ma sexualité.

Je n’avais pas vraiment réalisé ce que je faisais, tant est si bien que la voix d’Erin me surprend lorsqu’elle énonce :

-          Si tu continues à me regarder comme ça, on ne parlera jamais.

Je sais que j’avais dit qu’on le ferait… Mais mon cœur s’emballe quand je pose mes yeux sur elle et au fond, c’est la seule réponse qu’il me manquait. Elle était là depuis le début, je ne voulais juste pas la voir.

Il est temps que j’arrête d’essayer de résister à ses pouvoirs lesbiens. Nan parce qu’à ce niveau-là, c’est OBLIGE qu’elle en ait !

Je m’approche d’elle, jusqu’à la faire reculer tout contre le mur du couloir. Hésitante, je lève ma main et effleure le côté de son visage. Elle penche la tête et ferme les yeux, savourant le contact.

Finalement, je n’y tiens plus et c’est moi qui franchis le peu d’espace qui restait entre nous nous pour venir caresser ses lèvres des miennes. Erin n’hésite pas à répondre à mon baiser, tout en le gardant léger.

Au bout d’un moment, mes poumons me rappellent que de l’air est nécessaire à leur bon fonctionnement et je me recule à regret. Ma « collègue » me sourit et demande :

-          On va pas l’avoir cette discussion, hein ?

Je cherche à capter son regard, et y lit tout ce dont j’ai besoin pour dissiper mes derniers doutes. De l’envie, de la passion, et de la tendresse…

Non, on ne va pas l’avoir.

Sans prendre le temps de réfléchir ni de répondre, je retire mon haut, m’exposant.

Ses yeux me parcourent, caressant mes épaules, puis plongeant dans le décolleté légèrement accentué par mon soutien-gorge et enfin glissant sur mon ventre, créant des frissons sans même me toucher.

Me mordillant la lèvre d’hésitation, ou peut-être par peur du rejet, je finis par lui poser une question en retour :

-           Tu ne veux pas montrer plutôt que parler ?

Elle me sourit et passe sa main derrière ma nuque, m’attirant à elle sans rencontrer l’ombre d’une résistance de ma part.

Alors que nos lèvres se retrouvent une nouvelle fois, j’avoue me demander pourquoi j’ai mis tant de temps à comprendre que c’est ça, non, que c’est ELLE que je veux…

Je me colle à elle, ayant besoin qu’elle sente que je suis là, que je veux ce qui va se passer.

Quelques instants plus tard, je me recule légèrement et totalement à contrecœur, l’observant, savourant le moment, avant de dire :

-          J’ai envie de te sentir contre moi…

Je ponctue mes propos d’un doigt qui tire sur son bustier, lui faisant comprendre le message. Sur sa bouche se dessine un sourire coquin, son regard vient s’ancrer dans le mien et elle se retourne, posant ses mains à plat contre le mur du couloir, m’offrant un total accès aux crochets.

Sans perdre une seule seconde, je me débarrasse des attaches et sens le vêtement relâcher sa pression. Erin frissonne en même temps que moi alors que je le jette sans ménagement.

Mon soutien-gorge ne tarde pas à le rejoindre sur le sol.

Je fais glisser le bout de mes doigts le long de son dos désormais mis à nu. Elle ne dit rien, mais j’entends sa respiration s’accélérer, suivie de près par la mienne.

Mes mains atteignent ses hanches et se faufilent à l’avant de son corps. Je découvre avec émerveillement à quel point ses abdominaux réagissent à mes caresses. Mon pouce vient frôler la ligne de son jeans, s’insinuant en dessous par moments.

De mon visage, j’écarte sa queue de cheval et dépose une série de baisers de son épaule à son oreille. J’effleure le galbe de sa poitrine, sentant la chair de poule se former sur mon passage.

Mes lèvres s’attaquent à présent à son oreille, et je me sens puissante en la voyant serrer ses poings tout en gardant ses mains contre le mur.

D’une voix que je reconnais à peine, elle me murmure :

-          Tu vas me tuer…

Je souris et avance, frôlant son dos de mes seins avant de me plaquer contre elle. Mes mains approfondissent leurs caresses et je perçois sa réaction au creux de mes paumes. N’essayant même pas de me retenir, je mordille sa nuque, ce qui la fait s’appuyer davantage contre moi. Je ne peux pas dire que je m’en plaigne…

Sans crier gare, elle se retourne et je me retrouve dos au mur opposé.

Ses yeux sont encore plus sombres que d’ordinaire et à cette vue je sens une nette répercussion entre mes cuisses.

Elle garde ses distances, se contentant pour l’instant de me dévorer du regard. Peut-être que ça fait de moi une exhibitionniste, mais me savoir partiellement exposée me plait énormément.

Provocante, je la fixe et fais sauter le bouton de mon jeans, descendant la braguette dans la foulée.

Erin est contre moi en une fraction de seconde, ses lèvres prenant totalement possession des miennes. Je suis pressée contre le mur et l’une de ses mains soulève ma cuisse, enroulant ma jambe autour d’elle. Ce geste m’expose et immédiatement elle vient faire pression de son corps là où j’en ai le plus besoin. Instinctivement, mon bassin se met en mouvement.

Mes bras autour de ses épaules, je l’empêche de trop se reculer alors que nous nous interrompons pour respirer.

Je la regarde tout en tentant de maitriser mon souffle. Des mèches se sont échappées de sa queue de cheval et encadrent son visage, ses lèvres sont brillantes et oh combien tentantes et ses yeux… Ses yeux me disent que la nuit va être longue…

Elle se penche légèrement et m’encourage à sauter pour enrouler mes jambes autour de sa taille. Elle m’embrasse dans le cou tout en me portant en direction de la chambre, me rendant absolument folle rien que par la sensation de ses lèvres sur ma peau et ses mains sur mes fesses.

J’ai l’impression d’être en ébullition, que toutes les sensations de mon corps sont comme exacerbées.

Elle s’approche du lit et m’assied sur la commode adjacente. Immédiatement, ses mains s’attellent à retirer mon pantalon et mes talons. Ne voulant pas être en reste, je déboutonne son jeans et glisse mes doigts à l’intérieur. Erin revient contre moi, me laissant la découvrir par-dessus son sous-vêtement.

Même à travers le tissu, je sens la preuve de son envie. Je baisse les yeux pour voir mon poignet disparaître à l’intérieur de son jeans et cela m’excite plus que je ne l’aurais cru possible.

Ses mains explorent ma poitrine, enflammant mes sens. Elle cesse un instant ses baisers dans mon cou pour demander :

-          Lit ?

J’opine et me dirige vers le lit sur des jambes flageolantes. Elle me laisse passer et me regarde m’asseoir tout au bord. Mes doigts se glissent dans les passants de son jeans et je l’attire à moi.

Ne résistant pas en ayant sa peau si proche, mes lèvres effleurent son ventre et je caresse la limite de son sous-vêtement de ma langue. Je me recule et lui adresse un sourire séducteur, alors que je vais me placer un peu plus au centre du lit, m’accoudant pour mieux la voir, mes jambes pliées sur le côté.

À travers ses volets partiellement clos, la lumière du soleil couchant vient illuminer la perfection de son corps. Je prends un moment pour l’admirer, graver cet instant dans ma mémoire avant de dire :

-          T’es trop habillée.  

Elle me sourit et c’est les yeux dans les miens qu’elle se débarrasse de tout ce qui lui reste.  Je crois que j’ai oublié de respirer.

Je la dévore du regard, la découvrant enfin dans toute sa splendeur.

Inconsciemment, mes jambes s’écartent et à la façon dont ses yeux font un aller-retour, je sais qu’elle l’a vu. Elle pose un genou sur le lit, puis l’autre, avant d’avancer vers moi, séductrice. Ses doigts s’enroulent autour de mon sous-vêtement et je retiens ma respiration alors que je lève les fesses pour l’aider à me le retirer.

Mon sexe se contracte à l’idée de ce qu’il va se passer et je sais pertinemment que je suis trempée.

Elle se positionne au-dessus de moi, sans jamais me toucher, me torturant sciemment, un petit sourire défiant au coin des lèvres. Elle sait que je la veux.

Mais c’est un jeu auquel je n’ai pas l’intention de m’avouer vaincue.

La fixant, j’amène mes mains à ma propre poitrine et me caresse sous ses yeux, n’ayant pas à simuler ma réaction lorsque je prends mes tétons entre mes doigts.

Le regard d’Erin est devenu encore plus noir qu’auparavant et je m’y perds totalement. J’ai la présence d’esprit de lui faire un sourire satisfait bien à moi.

Ses mains attrapent mes poignets et les placent de part et d’autre de ma tête. Je déglutis en l’entendant me susurrer d’un ton sans équivoque :

-          Laisse-moi faire…

Elle se recule et s’abaisse, me caressant le ventre de ses seins, puis remontant… Arrivée au niveau de ma poitrine, nous avons toutes les deux le regard posé au même endroit.

Sans lui laisser le temps de réagir, je me glisse le long d’elle et saisis son téton entre mes lèvres, le titillant de ma langue, le prenant doucement entre mes dents. Mes yeux cherchent les siens et maintiennent le contact visuel.

Erin frissonne et fait pression, s’offrant à moi en s’abaissant et en libérant mes poignets. Immédiatement, mes mains vont se glisser dans son dos, la griffant délicatement et l’amenant plus à moi.

J’ai envie de la consumer.

Je me recule pour laisser échapper un soupir en sentant ses doigts frôler l’intérieur de ma cuisse. Erin en profite et se déplace pour venir m’embrasser. Sa langue retrouve la mienne et notre baiser s’approfondit à mesure que sa main remonte.

Finalement, elle atteint son but et je la sens sourire en sentant mon envie sous ses doigts.

Je gémis et écarte davantage mes jambes, voulant plus. Erin fait pression sur mon clitoris, m’extirpant un gémissement. Elle découvre mon intimité d’un toucher sûr et passionné.  Voyant que je suis incapable de continuer à l’embrasser convenablement, elle glisse sa tête au creux de mon cou, venant gémir à mon oreille lorsque ses doigts sentent mon sexe se contracter, tentant de l’attirer en moi.

Elle me pénètre beaucoup plus lentement que ce qu’il me faudrait, me faisant subir une délicieuse torture. Je fais de mon mieux pour me contracter, la voulant au plus profond de moi. Mes hanches ondulent sous sa main, cherchant à accentuer les sensations.

Je suis persuadée qu’elle en est tout à fait consciente. Peut-être qu’elle aussi est étonnée de la chaleur presque brûlante qu’elle a créée en moi, de la façon dont je me serre autour de ses doigts…

Oubliant toute trace d’inhibition et pour tout dire m’en foutant totalement, je finis par lui dire à l’oreille :

-          Prends-moi.

Je l’entends arrêter de respirer, comme pour digérer mes paroles…

Immédiatement, ses mouvements s’accélèrent. Elle me pénètre sans concession, semblant savoir ce dont j’ai besoin. J’ai l’impression qu’elle est partout. Sa bouche vient caresser ma poitrine et je jurerai que sa langue suit le rythme de sa main. Elle me possède complètement.

Mes mouvements deviennent de plus en plus erratiques, le plaisir me gagnant tandis qu’Erin accélère encore le tempo.

Je relève ma jambe, voulant lui offrir un semblant de friction. Dès l’instant où je sens son humidité contre ma peau, qu’elle fait pression de ses hanches, le plaisir m’envahit totalement.

Finalement, je l’attire à moi et étouffe mon gémissement dans son cou, continuant à onduler quelques secondes pour faire durer le moment, me contractant avant de retomber sur le lit. Je serre mes cuisses autour de son poignet et elle arrête de bouger, sentant les derniers soubresauts de mon plaisir autour de ses doigts.

J’ai du mal à me remettre, mais j’ai néanmoins conscience qu’elle me fixe et je lui souris alors que je tente de reprendre mon souffle. J’écarte mes jambes et elle se retire, me faisant frissonner et même si je sais que je devrais sentir le vide, j’ai l’impression de toujours sentir le fantôme de ses doigts en moi.

Une fois que j’ai retrouvé un semblant de maitrise de moi-même, je me redresse, pressant ma poitrine contre celle d’Erin, à présent à cheval sur mes cuisses.

Je l’embrasse lentement et profondément, sachant que ses pensées sont concentrées sur ma main qui descend plus au sud.

Sa peau est beaucoup plus douce que celle d’un homme, et même si je le savais, je ne pensais pas que la différence se ferait autant sentir. Je malaxe ses cuisses, comme pour la masser, lui laissant le temps de me voir venir.

Le problème est que je me torture tout autant qu’elle en nous faisant attendre.

Mes doigts glissent finalement entre ses replis humides et cette sensation fait battre mon cœur encore plus vite.

J’ai un peu plus confiance en moi que la première fois et la caresse comme elle me l’avait montré, étant récompensée par le mouvement inconscient de ses hanches tandis qu’elle gémit dans le baiser. Sa chaleur me stupéfie une fois de plus.

Mon autre main se glisse sur sa fesse, l’encourageant à bouger avec moi. Ses gestes me font comprendre qu’elle veut me sentir en elle et je ne me fais pas prier, voulant retrouver cette incroyable sensation.

Mes doigts retrouvent son océan de chaleur, la sensation m’excitant plus que tout.

Erin respire de manière erratique et rompt notre baiser, mettant un bras en arrière pour s’appuyer dessus.

Mes yeux parcourent avidement son corps, de son cou offert tendit qu’elle met la tête en arrière, à ses hanches qui ondulent sous ma main, la faisant s’empaler sur mes doigts, en passant par sa superbe poitrine et ses muscles abdominaux qu’on voit se contracter…

Elle est parfaite…

Et j’ai envie de vénérer chaque parcelle de son corps, de savourer sa peau, ses réactions, de l’entendre gémir pour moi…

Erin ne s’y attend pas quand je la retourne pour l’allonger sur le lit. Elle me regarde, passant une main dans mes cheveux.

Je lui souris et reprends les mouvements de ma main, m’aidant de ma cuisse pour faire pression. Ma bouche vient caresser sa poitrine, avant d’aller se placer sur son ventre... Je décale mon corps et continue de descendre. Ce n’est que lorsque j’embrasse l’intérieur de sa cuisse qu’elle a l’air de réaliser ce que je m’apprête à faire.

Je vois l’envie dans son regard, mais aussi l’inquiétude. Elle sait que je n’ai jamais fait ça. Je devrais probablement avoir peur de mal m’y prendre, ou je ne sais pas… Mais à cet instant, alors que son intimité n’est qu’à quelques centimètres de mon visage, je n’ai plus aucun doute.

Mes doigts sont toujours en elle, couverts des preuves de son excitation et je n’ai qu’une seule envie… La goûter.

Je mordille la jonction entre sa cuisse et son sexe, faisant durer le moment.

Ses yeux ne me quittent pas et je m’efforce de la regarder, sachant pertinemment ce que ça fait de croiser le regard de la personne à ce moment-là, encore dans l’anticipation, ne voulant qu’une chose, sentir sa bouche sur soi. À la vue de ma tête entre ses cuisses, je la sens se contracter davantage autour de mes doigts.

Je contemple son intimité et, n’y tenant plus, glisse ma langue entre ses replis. D’elle ou moi, je ne sais pas laquelle a le plus gémi à ce geste. Je n’aurais jamais cru que cela allait autant me plaire… Je prends mon temps pour la découvrir sous ce nouvel angle, ralentissant les mouvements de mes doigts.

Je m’efforce d’ouvrir les yeux pour la regarder. Elle est cambrée, ses seins témoignant de son excitation et bien qu’elle a la tête en arrière, je l’entraperçois qui se mord la lèvre.

Je dois me retenir pour ne pas jouir à cette seule vue. Je caresse son clitoris de ma langue et le prends entre mes lèvres, exerçant une succion. Les hanches d’Erin décollent et le moins que l’on puisse dire est que ça m’encourage. Elle glisse ses cuisses sur mes épaules, m’offrant un angle encore meilleur.

Je me recule un instant et souffle sur son intimité. Ça me fait sourire, connaissant cette sensation et sachant exactement par quoi elle passe.  L’excitation et la frustration combinée qu’elle peut produire. Un trop-plein sensoriel et pourtant insuffisant.

Ça à l’effet escompté et Erin lève bien vite la tête pour me voir. Je capture son regard et n’hésite pas un seul instant, replaçant ma bouche contre elle.

Ses paupières menacent de se fermer et je vois qu’elle lutte pour continuer à m’observer. Je ne cache pas mon plaisir et rends les mouvements de ma langue plus insistants, tandis que mes doigts s’accélèrent et se replient en elle.

Elle gémit et abandonne le combat, fermant ses yeux. Je sais qu’elle ne va plus tenir très longtemps, me sentant incroyablement connectée avec elle. L’ensemble de son corps est secoué de tremblements et sa main qui vient se placer délicatement dans mes cheveux est la dernière indication qu’il me manquait.  Elle pousse un profond gémissement et se raidit, enserrant délicatement ma tête entre ses cuisses, tandis qu’elle jouit dans ma bouche et sur mes doigts qui continuent tous deux leurs mouvements.

Lorsqu’elle retombe, je suis à la fois contente de moi et déçue de le pas pouvoir poursuivre encore et encore… Je continue de la caresser de ma langue, prenant soin d’éviter de toucher à son clitoris sensible et ne m’arrête à contrecœur que lorsqu’elle me fait signe de remonter.

 

Dire qu’avant de la rencontrer, j’avais toujours trouvé l’idée de faire ça inconcevable et j’étais persuadée que je ne pourrais pas… Comme quoi…

La vérité, c’est que j’ai trouvé ça intime, excitant et que si je m’écoutais, je recommencerais tout de suite. Ou je n’aurais pas arrêté, au choix.

Arrivée à sa hauteur, elle me fait un bisou et m’incite à m’allonger sur elle, la tête au creux de son épaule, nos jambes entremêlées. Je la sens encore parcourue de soubresauts et bien que je ne le montre pas je ne suis pas peu fière de moi !

Elle déglutit plusieurs fois et met un bon moment avant de reprendre son souffle. Finalement, elle lève la tête pour regarder autour de nous alors qu’on est complètement en diagonale dans le lit et une fois qu’elle a clairement repris ses esprits me fait rire en demandant :

-          T’es sûre que t’as jamais fait ça ?

Tout en caressant son ventre du bout des doigts, je me contente d’acquiescer en disant « hmm hmm ». Je ne me fais pas assez confiance pour parler. D’ici à ce que dès que j’ouvre la bouche je lui annonce que j’ai la ferme intention de perfectionner ma technique sur elle, il n’y a qu’un pas, croyez-moi. 

Je lève les yeux vers son visage, profitant du fait que… Bah que j’ai le droit, pour l’observer.

Elle me voit faire et lève un sourcil avant de croiser mon regard :

-          Quoi ?

Et pour une fois, je décide d’être honnête :

-          Rien, t’es juste… superbe. Et j’ai de nouveau envie de toi.

Ok, j’ai été un peu plus honnête que prévu ! Un peu trop honnête.

Erin me lance un sourire carnassier avant de me retourner sur le dos et s’allonger sur moi, me créant un gigantesque frisson. Alors qu’elle s’abaisse pour m’embrasser, déclarant officiellement le début du « round 2 », je me dis que finalement, dire la vérité c’est pas si mal !

 

28 février 2019

Mini Clexa oneshot sur ao3

Bonjour,

 

juste pour info, j'ai écrit un tout petit Clexa (Clarke / Lexa de The 100) oneshot en anglais que j'ai posté sur ao3 à l'occasion de la Clexaweek 2019:

https://archiveofourown.org/works/17953076

 

Pour les histoires françaises plus "sérieuses" (tout est relatif), j'écris encore (même si la deuxième vitesse a toujours un peu de mal à passer, je n'avance pas vite) et j'ai une fiction qui est quasi terminée au niveau de l'écriture.

Le problème, c'est qu'on arrive à la partie que j'aime encore moins : la relecture et le peaufinage. Généralement, c'est le moment où je décide arbitrairement de changer la moitié des éléments et c'est reparti pour un tour... Mais je vais essayer de me motiver pour la sortir dans un délai décent! (peut être que je vais descendre en dessous de mon usuel "1 fic tous les 2 ans"?).

En plus, j'ai une autre idée en tête qui vient me perturber (j'ai envie de l'écrire mais je sais qu'il faut que je finisse l'autre d'abord sinon elle finira au cimetière déjà très fourni de mes fics non terminées).

Bref, c'était tout ! 

Bonne journée / soirée 

 

23 avril 2012

Lui

 

Elle attend.

Une minute, rien qu’une.

Et elle le verra pour qui il est.

Un traître qui sourit quand il devrait pleurer.

Ses yeux le parcourent, cherchant.

Elle sait. Ses doigts écartent les pans du vêtement qui lui bloque la vue.

Rien.

Pas de bleu, pas de marque.

Elle était si sûre.

Si sûre qu’il y allait avoir trace d’abus.

Il la regarde en retour, semblant la moquer. Son ordinaire perfection intouchée, comme immuable.

Elle a envie d’arracher son masque, lui jeter en pleine face, voir s’il sourit toujours après ça.

Il peut tromper tout le monde, oh oui, tout le monde.

Mais pas elle.

Pas elle.

Elle ne sait pas qui elle déteste le plus. Tous ces abrutis qui croient en ce pathétique menteur, ou lui… Lui qui se montre tel qu’il n’est pas.

Il sourit et rit, mais personne ne le pourrait. Pas dans ces conditions.

Elle le fixe. Encore et encore. Il va finir par craquer. Elle observe, analyse, essaie de voir des failles. Mais elle ne voit que les siennes.

Elle le hait.

Elle le hait.

Elle le hait !

Lui, son si parfait reflet. 

 

 

18 novembre 2011

Il faut que je lui parle

Il faut que je lui parle


C’est fou comme les gens sont curieux. Ils sont là, à former un attroupement, me regardant, allongée sur l’asphalte, la vie me quittant petit à petit.


Je regarde le ciel, pour y chercher les étoiles, et son visage vient remplacer cette image. Dieux qu’elle est belle. Les larmes coulent à flots. La voir dans un tel état me fait bien plus mal que le couteau plongé dans mes entrailles.
Je voulais juste la protéger, je voulais juste la rendre heureuse, il voulait juste me tuer pour ça.

J’ai du mal à garder les paupières ouvertes. Je me sens partir. Elle essaie de capter mon attention, comme si je pouvais voir autre chose qu’elle ! Plus que d’être sûrement à quelques minutes de la fin, de ma fin, c’est l’idée de la perdre à tout jamais, de l’abandonner qui m’est insupportable.

Je voudrais lui dire tout ce que je n’ai pas osé dire avant qu’il ne soit trop tard. Je voudrais lui dire que je l’aime, que je l’aime plus que tout, qu’elle est ma vie, que c’est pour la voir que tous les jours je me rendais dans ce bar miteux pour y servir des bières. Mais je n’en ai plus la force.
Je lui ouvre mes pensées à travers un regard plein d’amour, j’esquisse un dernier sourire. Elle l’a vu, elle a comprit, elle sait, elle me sourit à son tour… Je peux partir.

Je ne résiste plus à l’appel du néant. Mes paupières se ferment. Au loin j’entends les pompiers. Ils n’arriveront pas à temps.
Ses mains enserrant la mienne, je me sens bien, même si ça peut être difficile à croire. Une dernière pression, un dernier souffle, je sens les battements de mon cœur qui ralentissent, puis s’arrêtent. Ca y est, je suis morte.

J’ouvre les yeux, je suis en nage, les draps sont froissés au pied du lit, et mon cœur bat la chamade. Toujours ce même rêve…

Il faut que je lui parle.

16 novembre 2011

Chapitres 11 & 12

Chapitre 11

Les lèvres de Fred me paraissent rugueuses et ses baisers ne me font ni chaud ni froid. Je ferme les yeux, repensant à Laura et à la façon dont elle m'avait fait frissonner hier encore.

En une seconde, il n'est plus question de continuer à me mentir. Je ne suis pas hétéro. Je suis tout simplement dingue d'une fille.

 

Il faut que j'arrête cette mascarade.

Je me recule. Fred me regarde, l'air de ne pas comprendre. Il m'a dit qu'il ne m'avait pas oubliée, que je lui manquais, que ça lui avait fait un choc de me revoir. Il aurait voulu réessayer.

 

Mais pas moi.

Je l'ai complètement oublié et mon cœur n'appartient plus qu'à une seule personne.

- Excuse-moi Fred, mais ça va pas être possible.

Il baisse la tête, encaissant le choc.

- Ok. Merci de me l'avoir dit maintenant.

- De rien. Je ne m'en fais pas pour toi, tu vas trouver quelqu'un de bien.

- J'espère, sois heureuse Jo…

 

Il reprend ses clés sur la table basse et sort en silence. A peine la porte fermée, je cours presque jusqu'à la chambre.

Je vais tout lui avouer. Ce serait trop bête de me dégonfler alors que je n'ai jamais été aussi sûre de quelque chose de toute ma vie.

J'entre en trombe dans la chambre.

 

La seule chose qui bouge est le rideau agité par le vent. Je cours à la fenêtre. Elle est là, avec son sac à dos, prête à s'engouffrer dans une ruelle.

- LAURA !

Elle se retourne, des larmes plein les yeux. Elle porte sa main à sa bouche et m'envoie un baiser. On se regarde quelques secondes, puis elle disparaît à reculons, emportée par les ombres.

Je voudrais lui crier de revenir, mais aucun son ne sort. Ma gorge est serrée. La fenêtre est la seule chose qui m'empêche de m'écrouler.

Pourquoi est-elle partie ? Pourquoi maintenant ?

Je n'ai même pas eu le temps de lui dire ce que je ressentais.

 

Je suis incapable de bouger. Je n'arrive pas à comprendre. Je ne sais pas exactement ce qui lui a pris, si c'est à cause de Kim ou… 

Merde, si j'étais allée la voir plus tôt, si je n'avais pas répondu à la porte…

 

J'espère qu'elle va revenir, que c'était qu'un coup de tête, mais je n'y crois pas trop.

La pluie commence à tomber. Très vite, je suis trempée. Mon corps se met à trembler, je ne sais pas si c'est à cause de mes sanglots ou du froid et pour tout dire je m'en fous.

Plus rien n'a d'importance maintenant.

 

*          *          *          *          *

 

Je regarde par la fenêtre et croque dans la pomme que j'ai en main. Charlène m'a autorisée à rester dans une salle de repos le temps que je touche ma première paye et que je puisse prendre un appart. C'est pas le grand luxe, mais c'est mieux que rien.

Et puis la vue donne sur le commissariat. Tous les matins, je la regarde prendre son service. Cela fait bientôt deux semaines que je suis partie.

Je n'arrive pas à me faire à l'idée que je ne lui reparlerai peut-être plus jamais. En même temps, j'ai honte de m'être enfuie comme ça, je ne lui ai même pas donné d'explication…

Elle mérite mieux que ça…

Son rire me manque, sa façon d'être, tout en fait ! Je me demande comment ça s'est passé avec Fred. Comment elle a pu se rendre compte de mon absence si vite ? Elle comptait déjà l'emmener dans sa chambre à coucher ou quoi ?

Je ne devrais pas penser à ça, mais je n'arrive pas à croire qu'il n'y avait que de l'amitié entre nous. D'un autre côté, je sais bien que je me fais sûrement des films, que j'y crois parce que mon cœur a envie d'y croire.

Charlène m'a dit que Jo était déjà passée trois fois pour savoir si elle ne m'avait pas vue. Elle n'a jamais utilisé son abonnement.

J'ai préféré expliquer la situation à Charlène, qui a très bien compris. J'ai de la chance qu'elle soit aussi ouverte d'esprit. Elle m'a dit qu'elle ne me couvrirait pas éternellement, mais je peux la comprendre, c'est aussi l'amie de Jo, même avant d'être la mienne.

 

Je reste sans bouger de longues minutes, perdue dans mes pensées. Le soleil caresse ma peau à travers la vitre. Il fait super beau aujourd'hui. J'en ai vraiment marre de rester enfermée. Et puis de toute façon, il faudra bien me résigner à sortir un jour ou l'autre.

 

Je me balade tranquillement dans le parc juste derrière la salle de sport. Les oiseaux chantent, le soleil brille… Tout est parfait. Je me pose sur un banc, regardant les passants.

En fait, la seule chose qu'il me manque, c'est une fille à mon bras.

Une image de Jo me vient à l'esprit.

- J'espère au moins que t'es heureuse dans les bras de ton homme… dis-je tout bas

- Je ne suis plus heureuse depuis que tu es partie.

Cette voix… Non…

Je me retourne lentement, retardant l'échéance. C'est bien elle. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine lorsque je la vois. Elle porte encore son uniforme. Comme la première fois que je l'ai vue.

Je regarde le chemin, évaluant mes chances.

Elle m'attrape par le bras avant que j'aie bougé.

- N'y songe même pas Laura ! Je commence à te connaître…

Elle s'assoit à côté de moi. Elle est furieuse, je le vois.

- Mais où t'étais passée ? Merde t'as la moindre idée du souci que je me suis fait pour toi ?

- Fallait pas. Je voulais vous laisser, toi et ton homme.

Mon ton est plus sec que ce que j'aurais voulu. Elle me regarde, l'air de ne pas comprendre. Genre !

- Quel homme ?

- Monsieur le beau gosse maître nageur, tiens ! Celui qui t'embrasse dans le cou.

- Nan… attends… Laura…

Elle me regarde, incrédule, pendant quelques secondes. Elle prend sa tête entre ses mains, posant ses coudes sur ses genoux, avant de dire tout bas :

- C'est … c'est pour ça que t'es partie ?... A cause de moi ?

- …

Pas la peine de répondre. Je me sens un peu ridicule tout d'un coup… Un petit silence s'installe. Elle n'a pas cessé de me regarder. Elle attrape ma main entre les siennes. J'essaie de déterminer la nature de l'étrange lueur dans ses yeux, mais elle se met à regarder derrière elle et dit :

- Ok, tu sais quoi ? … Là je ne peux pas trop rester, je suis en service. Mais est-ce que tu veux bien venir ce soir au parc près du lac ? ... Comme ça on pourra parler un peu si tu veux bien… Je crois qu'on a pas mal de choses à mettre au point, toi et moi !

A quoi bon venir ? Pour qu'elle m'explique qu'elle aime les mecs et que je n'en suis pas un ? Qu'on peut "  rester amies " ! Hum super !

 

- Et si j'ai rien à te dire moi ? mon ton est volontairement froid et dur.

- Alors viens au moins écouter ce que moi j'ai à te dire…

Elle semble hésiter un instant et ajoute :

- Je crois que tu me dois bien ça.

Elle a raison, je le sais.

 

- Ok, j'y serai. A quelle heure ? dis-je.

- 7h… Viens, s'il te plait. Ca compte beaucoup pour moi.

 

Ce faisant, ses yeux viennent accrocher les miens. J'essaie de rester distante autant que possible, mais chacun de ses regards me touche en plein cœur.

J'ai envie de me noyer dans le bleu de ses yeux pour ne jamais en sortir. Rhh je ferais mieux de me noyer dans la Seine quand je pense des trucs comme ça ! Pourquoi faut-il que l'amour me rende niaise ?

Elle se lève et me dépose un léger baiser sur le front. " Fais attention à toi. À ce soir ".

Je la regarde s'éloigner. Je pourrais la reconnaître rien qu'à sa façon de bouger. Moi qui d'habitude peine à retenir les prénoms des gens, je me souviens des moindres détails la concernant. Pas de doute, je l'ai vraiment dans la peau.

Avec ça, je ne suis pas sortie de l'auberge…

Chapitre 12

 

A droite, personne, a gauche, une mamie:

Calme toi Jo, elle va arriver...

J’attends avec impatience de la voir et d’enfin pouvoir lui dire ce que j’ai sur le cœur. J’étais tellement sûre de moi à propos de ce que je ressentais, à propos d’elle et moi… mais elle est partie et maintenant je ne suis plus sûre de rien.

J’ai peur qu’elle parte à nouveau et je ne veux pas l’effrayer ou risquer de me tromper sur mes sentiments…

Une main se pose sur mon épaule et je fais un bond d’au moins 2 mètres.

- Je t’ai fait peur peut être ? dit elle en prenant un faux air innocent. Et dire que c’est ça qui est censé nous protéger… ehhh ben elle est belle la police !


Je lui donne un petit coup dans l’épaule.

- Hey tu vois un uniforme là ? J’ai fini pour aujourd’hui ! Et pi c’est facile de se moquer ! Tu veux te battre peut être?

- Ouais je veux me battre !

Elle se jette sur moi et je tombe à la renverse, les quatre fers en l’air. Je ne sais même pas ce qu’elle cherche à faire, trop concentrée sur la façon dont elle gigote sur moi… Elle a réussi à me bloquer les deux bras sous ses genoux avant que j’aie eu le temps de m’en rendre compte.

-J’ai gagnééé !!! Mais que fait la police ?

-Tu vas voir….

Je me sers de ma taille pour me redresser et la faire basculer. Elle n’arrive pas à se rattraper et tombe en arrière. J’attrape ses deux poignets, l’empêchant de bouger.

Elle essaie de se libérer puis comprend qu’elle n’y arrivera pas. Elle me lance un regard qui se veut méchant mais l’effet est visiblement raté.


- Ok et qu’est ce que tu vas faire maintenant ? J’ai les moyens de te faire me lâcher tu sais ? me dit elle, l’air sûre d’elle.

Je lève un sourcil, dubitative.

 

Puis je sens l’une de ses cuisses se lever et venir se loger sur mon entrejambe, appliquant une délicieuse pression.

Jo, tu ne peux pas la laisser gagner comme ça, c’est une question d’honneur !

Oui mais en même temps si sa jambe reste encore la ne serait-ce qu’un quart de seconde, je ne réponds plus de rien !

La meilleure solution étant de la perturber, je décide de lancer LA question qui va à coup sur casser l’ambiance.
- Laura… Pourquoi t’es partie sans rien dire ?

Son sourire disparaît aussi vite qu’il était venu. Sa jambe cesse quasi-instantanément de me torturer. Elle détourne le regard.
- Je n’ai pas spécialement envie d’en parler.

Tu m'étonnes, surtout parce que tu n'as pas l'ombre d'une raison valable !

On se relève toutes les deux tant bien que mal. Je voudrais vraiment savoir, mais d’un autre côté je suis contente de l’avoir retrouvée et je ne veux pas tout gâcher. Elle finira bien par me le dire quand elle sera prête. Enfin j’espère.

Ca me coûte de prononcer ces mots et je pense qu’elle l’entend à ma voix mais tant pis :
- Comme tu veux… Je voudrais juste savoir… c’était… à cause de moi ?
- Non non !

Dans le genre mauvaise menteuse j’ai rarement vu mieux. Elle transpire la culpabilité.
- Et tu habites où ?
- Charlène m’a laissé utiliser une pièce dans la salle de sport, c’est pas le grand luxe mais c’est mieux que rien
- Ah la traîtresse, elle m’a dit qu’elle ne savait pas où t’étais !

Je tape de mon poing dans ma main. J’aurais jamais cru ça de Charlène. Laura pose sa main sur mon épaule pour me calmer et me dit d’une voix douce :
- Ne lui en veux pas, c’est moi qui lui ai demandé… Mais elle te l’aurait dit si la situation durait trop…
- Mais quelle situation au juste ? J’ai la désagréable impression d’être concernée et de tout ignorer ! Arrête de me cacher des choses Laura ! Et pourquoi tu m’as évitée tout ce temps ? Je sais même pas ce que j’ai fait !

Une fois encore, elle baisse les yeux. Elle joue avec ses doigts nerveusement quelques secondes avant de reprendre :
- J’avais besoin d’être un peu seule… de faire le point sur tout ça. Je … je suis désolée si je t’ai blessée ou fait peur…

Les deux oui !

Comme d’habitude je n’aime pas la voir triste. C’est mal de passer l’éponge aussi vite mais incapable de me retenir, je m’avance et la prend dans mes bras. J’avais oublié comme c’était bon. L’odeur de sa peau, la façon dont elle me serre contre elle, tout me plait.

Jo, t'es dans la merde ma vieille !

- Tu sais, si tu veux… tu peux toujours revenir à la maison. Enfin euh, c’est toi qui vois !

- Je ne voudrais pas te déranger Jo… t’as déjà fait beaucoup pour moi, j’en suis consciente…

- Allez fais pas style ! On va aller chercher tes affaires ! Mais avant ça te dit de voir si on peut faire un peu de sport ? J'ai tout ce qu'il faut sur moi et pas mal de tension à évacuer !

Et ça ce n’est vraiment pas un mensonge !

 

*        *         *         *         *        

 

Oh, moi aussi j’ai besoin de me détendre un peu la !

Une fois arrivées à la salle de sport, on consulte les programmes. Je lis à haute voix bien qu’avec sa taille, je suis sûre qu’elle peut lire par dessus ma tête sans problème.
- Alors voyons… on est jeudi soir, il est 20h… alors on a Lutte ou… ou Lutte ! Débutants acceptés.
- Lutte ? Euh… je sais pas trop… dit elle visiblement peu convaincue.
- Poule mouillé !

Je lui lance un sourire, l’air de dire : alors, t’en dis quoi ? Elle me regarde, relevant le défi.
- On verra qui sera la trouillarde quand elle pleurera rien qu’a l’idée d’avoir à combattre un mastodonte !

Je lui tire la langue, vu qu’il n’existe pas de meilleure réponse.
- Arrête tu m’excites ! me dit-elle.

 

Oh oh oh STOP ! Pause la! Elle vient de dire ce que je crois qu’elle a dit? Jo, MA Jo a dit ça ??

Je fais un arrêt sur image le temps de décider quelle attitude adopter. Elle me regarde et explose de rire.
- C’est trop facile Laura, ça marche à tous les coups avec toi!
- Ok ok t’as gagné, je boude! dis-je.
- T’as raison, continue, t’es trop chou quand tu fais ça !

J’ai très chaud tout d’un coup. Je suis certaine qu’à l’heure actuelle, si on m’abandonne dans un champ de tomates on ne me retrouvera pas de sitôt !

C’est le délire total, j’ai des réactions d’adolescente pré pubère à son contact. Reprends-toi Laura !!

 

Elle m’attrape la main et nous nous dirigeons vers la salle ou se déroule le cours. A peine arrivée, je suis forcée de constater qu’il n’y a que des gens à coté de qui l’actuel gouverneur de la Californie aurait l’air frêle.

Ca commence bien. Qui veut faire de la bouillie de petite blonde ? Je suis prête !

Charlène se dirige vers nous, le sourire aux lèvres.
- Enfin réconciliées à ce que je vois. Tu lui as parlé ? me demande-t-elle
- Parlé de quoi ? lui dis je accompagné d’un regard explicite signé « ferme la ».
- Non non rien ! Bon, alors Jo tu vas aller avec Val là bas.

 

Elle pointe du doigt un gars d’un moins 1 m 90 et visiblement baraqué. Jo déglutit bruyamment, avant de me lancer un « à tout à l’heure » qui sonne comme un adieu.

Je ne peux pas m’empêcher de rire. Elle à vraiment pas de chance !
- Rigole pas trop vite, me dit Charlène, ton adversaire à toi est là bas.
- Euh, tu veux dire le gros barbu de plus de 120 kg ? Celui genre bûcheron Canadien ?

Elle sourit et acquiesce.

Elle regarde Jo à l’autre bout de la pièce avant de dire :

- A moins que tu  ne préfères faire un corps à corps avec Mademoiselle ?

Visiblement contente d’elle, elle attend ma réponse, un sourire en coin fiché sur ses lèvres.

Deux choix s’offrent à toi Laura : piétiner ton amour propre, ou te faire piétiner.

Un seul regard à la montagne qui serait mon possible adversaire achève ma réflexion. Oh et puis ça sera certainement plus agréable d’être contre Jo. Je la regarde du coin de l’œil faire connaissance avec celui qui s’apprête à l’aplatir. Définitivement plus agréable.

Résignée, je regarde Charlène et opine de la tête. Elle fait signe à Jo de revenir. Le soulagement est réciproque je crois.

 

Afin de s’échauffer, nous faisons des combats de coq. Une fois battue à plate couture par Jo à plusieurs reprises, je regarde Charlène. Elle fait signe à tout le monde d’arrêter.
- Ok, alors là on va faire un jeu qui va vous paraître stupide mais qui prendra tout son sens ultérieurement.

Elle nous donne un foulard à chacun.
- Vous allez mettre ce foulard autour de votre cheville. Le jeu se déroule à quatre pattes, 1 contre 1. Le but est de prendre le foulard de votre adversaire en conservant le vôtre.

Je regarde mon adversaire, plutôt confiante. Je suis petite et mobile, ça demande de la dextérité, pas de la puissance, j’ai toutes mes chances !

- Jo, prépare-toi à être déplumée !
- Ne crie pas victoire trop vite !

On attache nos foulards respectifs à notre cheville droite. Je lui lance un regard l’air de dire : « T’es prête ? ». Elle se jette à moitié sur moi, essayant d’attraper ma jambe. J’arrive à l’esquiver de justesse. Je ne la pensais pas si rapide. Ca ne va pas peut être pas être aussi facile que tu le croyais !

J’essaie de la contourner mais on tourne en rond comme des imbéciles. Une autre idée me vient. Je l’attrape par la taille et l’empêche de bouger davantage. Elle fait un mouvement pour essayer de se libérer mais je ne lâche pas prise. J’essaie de passer par dessus elle pour attraper sa jambe.

 
- Eh les deux là bas, le but n’est pas de copuler, mais d’attraper le foulard de l’autre.

Je regarde notre position. Je suis au dessus de Jo, sa tête presque entre mes jambes et mes mains sont fermement agrippées à son postérieur.

OUPS !

Tous les autres ont également arrêté de combattre pour nous regarder suite à la remarque de la prof. Bien sûr, le ridicule de la situation ne leur a pas échappé. Charlène, je te hais, tu le sais ça ?

Comme si elle savait ce que je viens de penser, elle me fait un sourire tout ce qu’il y a de plus charmant.

Je me recule lentement, conservant tant bien que mal un semblant de dignité. Jo fait de même. Son visage arbore une superbe couleur rouge. Ca me console un peu de voir que je ne suis pas la seule à avoir honte.

On continue encore pendant quelques minutes faisait bien attention à nos gestes.

Un moment d’inattention lui suffit pour s’emparer de mon foulard.

- C’est de la triche !
- Ah, et pourquoi donc ?

Parce que je repensais à mes mains sur tes fesses.

Ceci n’étant pas une réponse envisageable je lui sors un :
- T’as fait un triple nœud à ton foulard !
- C’est le jeu ma pauvre Lucette ! Comme quoi les entraînements de la police ne sont pas si inefficaces que ça ! C’était il y a longtemps mais j’ai encore de beaux restes. dit elle en se la jouant.

16 novembre 2011

Chapitre 2

Chapitre 2

La Conquérante était seule dans sa chambre, profitant d'un des trop rares moments de répit qui lui étaient accordés.

Comme bien trop souvent à son goût depuis quelques semaines, elle repensait à la jeune artiste qu'elle n'avait pourtant rencontrée qu'une seule fois. Pourquoi diable la laissait-elle en vie?

Après tout, ce n'était jamais qu'une petite insolente, qui, sous prétexte d'une quelconque forme d'instruction, se croyait tout permis, pensait tout savoir.

Jamais dans toute sa vie, celle qu'on nommait à juste titre la Destructrice des Nations, n'avait laissé quelqu'un lui répondre de la sorte en toute impunité.

Pour couronner le tout, elle n'était pas venue ce soir là. Elle avait préféré prendre la fuite, lâche.

Et Dieux qu'il faut être stupide pour partir en pleine nuit, sachant que la route entre Corinthe et Athènes était une des plus dangereuses du royaume. Des forêts à perte de vue, tous les précepteurs ramenant les impôts collectés par ces chemins… Un endroit idéal pour les bandits.

Elle se leva, marcha jusqu'à son bureau pour saisir un morceau de parchemin et y inscrivit " sécuriser la route entre Athènes et Corinthe ".

Elle porta la plume à ses lèvres, levant les yeux au ciel.

Dans un sourire quelque peu sadique, elle reprit un parchemin pour y griffonner quelques mots.

 

            *          *          *          *          *

 

- Gabrielle, ça va ?

- Hein, euh oui oui !

Gabrielle sortit de ses rêveries. Une fois de plus, elle repensait à ce qu'il s'était passé dans la forêt, à ces yeux qui la hantaient.

Elle n'était même pas sûre de n'avoir pas totalement inventé la chose… Et si tout ça n'avait été que le fruit de son imagination ?

Pourquoi avait elle été incapable de détacher son regard ?

 

Le directeur du théâtre vint à leur rencontre, empêchant Gabrielle d'obtenir des réponses qu'elle n'était de toute manière pas certaine de souhaiter avoir. Il se gratta la tête, visiblement embarrassé. Ellis fut la première à prendre la parole:

- Que se passe-t-il Eode ?

- Il… Il y a un problème, nous ne pourrons faire qu'une seule représentation de votre pièce… Je suis désolé !

- Mais enfin pourquoi ?

- Le théâtre va être détruit… Dans une semaine.

Gabrielle ne put cacher sa surprise.

- Quoi ? Mais comment est-ce possible ? Ce…

Eode l'interrompit en donnant une explication qui était sans appel :

- Ordre de la Conquérante.

Gabrielle n'en croyait pas ses oreilles.

- Et quel est exactement son intérêt là dedans ?

Mis à part me pomper l'air, pensa-t-elle.

- On raconte qu'elle…

Eode sembla hésiter un instant avant de reprendre.

- Enfin, la rumeur dit… qu'elle projette de construire une immense stèle à son effigie à cet endroit.

Gabrielle prit un instant pour réaliser. La Conquérante le faisait exprès, ce n'était pas possible. Oui, voilà, elle essayait de la rendre dingue ! Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle y arrivait à merveille.

- QUOI ? Une stèle à son effigie, pile à cet endroit ?

Elle serra les poings, visiblement enragée, sous l'œil étonné des deux autres.

- Je… Je vais la tuer !

D'un air déterminé, Gabrielle quitta la pièce en un instant, laissant Ellis et Eode sur place.

Ils se regardèrent un instant, incrédules. Il fut le premier à prendre la parole.

- Qu'est-ce qu'elle va faire ?

- Je… J'ai peur qu'elle n'aille voir la Conquérante en personne.

L'homme pâlit rien qu'à l'idée. Cette petite devait être folle pour espérer contrarier les plans de la Destructrice des Nations.

 

*          *          *          *          *

 

La guerrière était en train de consulter un amoncellement impressionnant de parchemins lorsque Gabrielle entra dans la pièce.

- Qu'est-ce que ça signifie ?

- Bonjour Gabrielle. Dit Xena sans se retourner.

- Oui, bonjour, peu importe. C'est quoi cette histoire de stèle ?

Xena ne put réprimer un sourire satisfait. Tout se passait exactement comme prévu.

- J'ai pensé que c'était une bonne idée…

Pendant quelques instants, Gabrielle resta complètement sonnée à cette annonce. Une " bonne idée "? Comment cela pouvait-il apparaître comme une " bonne idée "?

- … Et puis ça aura eu le mérite de te faire venir !

Oh, de mieux en mieux, pensa Gabrielle.

- Si tu voulais me voir, il suffisait de demander, Conquérante !

- C'est pourtant ce que j'ai fait l'autre soir. Dit Xena tout en sortant une lime à ongles et commençant à s'en servir. Son calme apparent ne faisait qu'énerver Gabrielle, qui rétorqua:

- J'ai dit demander, pas ordonner. Et puis " Ce soir ", n'était pas vraiment très clair quant au lieu du rendez vous.

Gabrielle avait prit une grosse voix pour dire " ce soir ", singeant la guerrière. Celle-ci leva la tête, un sourcil arqué.

- Pas de ça avec moi Gabrielle, ce n'est pas moi qui joue à cache-cache depuis le début !

Gabrielle n'en croyait pas ses oreilles. Jouer à cache-cache ? QUI jouait à ça depuis le début, donnant des rendez vous dans des pièces sombres, laissant des mots sur sa coiffeuse etc… ?

- Je joue peut être à cache-cache, mais en attendant, ce n'est pas moi qui espionne les gens la nuit dans les fourrés, Conquérante.

Xena rit ouvertement, ce qui agaça encore davantage Gabrielle, si tant est que c'était possible.

- Mais de quoi parles-tu ?

- Oh ne fais pas l'innocente, je t'ai vue !

La jeune blonde pointa un doigt accusateur en direction de la Destructrice des Nations.

- Et qu'est-ce que tu prétends avoir vu au juste ?

- Toi, dans la forêt, nous espionnant Ellis et moi.

Gabrielle mit ses mains sur ses hanches, la tête haute, sûre d'elle. La Conquérante porta un doigt à sa tempe, mimant une intense réflexion.

- Ah oui, ça y est, ça me revient, le passage " la femme la plus puissante au monde n'a rien d'autre à faire que d'aller espionner deux artistes, la nuit, au milieu de la forêt ".

La Conquérante marqua une pause, laissant à Gabrielle le temps de digérer ses paroles et de se rendre compte de l'absurdité de son accusation. Elle reprit, d'un ton moqueur :

- Si tu veux mon avis, il serait temps de songer à réduire ta consommation d'herbe aux poules Gabrielle !

Gabrielle ne savait pas quoi dire, se sentant ridicule, humiliée au plus haut point. Plutôt que de rétorquer, elle décida que le moment était opportun pour changer de sujet et revenir à l'objet initial de sa visite:

- Bon, que va-t-on faire à propos du théâtre ?

- On? " On " ne va rien faire du tout, ce théâtre va être détruit, remplacé par une œuvre d'art !

-  Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! Murmura Gabrielle pour elle-même.

- Pardon ?

Gabrielle observa un instant la Conquérante et à en juger par son sourire en coin, comprit que celle-ci avait très bien entendu. Hors de question de se défiler.

- J'ai dit " qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ".

Gabrielle leva le menton tout en fixant la guerrière, dans un geste de défiance évident.

- Et qu'est-ce que je devrais faire à la place selon toi, ô grande Gabrielle ?

Dieux que cette femme pouvait être horripilante ! Mais c'était là l'ouverture que Gabrielle attendait, pas question d'entrer dans le jeu de la Conquérante et de laisser filer sa chance.

- Épargne le théâtre

- Qu'est-ce que j'aurais à y gagner ?

- Tu permettras au peuple de garder contact avec l'enseignement qui lui fait cruellement défaut… Et bien sûr, tu t'épargneras le ridicule de voir une statue te représentant couverte de fientes d'oiseaux.

Xena ne put s'empêcher de rire. Cette fille était surprenante, tout ce qu'il y a de plus insolent, gonflé, agaçant, mais surprenante…

- Alors ?

Et impatiente avec ça, pensa la guerrière.

- Très bien, mais sache que tu me seras redevable.

Son sourire en coin n'échappa pas à Gabrielle qui ne savait que trop bien à quoi elle s'exposait. Redevable… Oh Dieux, était ce vraiment une bonne idée ?

Mais après tout, elle avait réussi son coup, elle venait de sauver le théâtre. Ellis n'allait pas en croire ses oreilles. Pressée de raconter la bonne nouvelle, elle s'éclipsa :

- A une prochaine fois Conquérante.

Elle prit la porte sans attendre de réponse.

 

La Conquérante se retourna vers son bureau, songeant au fait que son plan avait fonctionné à merveille. Mais elle n'avait plus le cœur à travailler, les pensées monopolisées par une horripilante petite blonde.

Une horripilante petite blonde dont les yeux noirs de désir au moment de l'amour refusaient de quitter son esprit.

 

*          *          *          *          *

 

Quand Gabrielle revint au théâtre quelque temps plus tard, Ellis avait déjà déballé leurs affaires et elle était à présent occupée à vérifier les décors apportés directement de Corinthe.

Apparemment une fausse colline, peinte sur un rideau de soie était abîmée, les fils fragiles étirés jusqu'à la trame.

- Quel est l'imbécile qui a laissé traîner ça? Il va falloir des heures pour récupérer un truc pareil !

A ses côtés un jeune homme hochait la tête à chacun de ses propos, visiblement effrayé. Il  connaissait probablement le fautif… Mais fallait-il pour autant qu'il donne le nom de son collègue ?

Son dilemme fut interrompu quand Ellis se tourna vers Gabrielle qui venait de pousser la porte du hall.

- Gabrielle, où étais-tu passée ?

Ellis abandonna immédiatement le bout de tissu entre les mains du jeune homme pour se précipiter vers son amie.

- Je me faisais un sang d'encre ! Où étais-tu ?

Gabrielle soupira. Décidément Ellis se faisait toujours un sang d'encre dès qu'elle s'éloignait de quelques pas.

Une vraie mère poule.

- Calme toi Ellis, je ne suis pas en sucre.

- Oui, et bien excuse-moi de m'inquiéter, mais tu es quand même partie en hurlant que tu allais tuer la Conquérante…

La frustration d'Ellis était en train de se transformer en colère contre Gabrielle. Dieux, ça faisait des heures qu'elle était partie, et elle avait le culot de lui demander de se calmer !

- Et quand bien même je serais allée hurler sur la Conquérante, comment veux-tu que je passe les barrières de gardes qui l'entourent ? Réfléchis un peu Ellis, je suis simplement partie faire un tour pour me calmer.

Elle n'avait aucune intention de parler de ce qui s'était passé depuis le moment où elle avait quitté le théâtre. Les quelques heures passées ensuite à déambuler dans les rues agitées d'Athènes ne lui avaient apporté aucune réponse. Comment avait-elle fait pour arriver directement jusqu'à la Conquérante sans rencontrer d'opposition de la part des gardes? C'était presque comme si les soldats attendaient sa venue… Comme s'ils l'avaient d'une certaine manière guidée…

Gabrielle secoua la tête. Si son arrivée, telle une furie dans le bureau de la Conquérante avait été pour le moins étonnante, la discussion qui avait suivie l'était encore plus.

A bien y repenser la situation était finalement assez comique. Enfin comique dans le genre bizarre.

Elle était certaine de l'avoir vue dans les fourrés, absolument certaine. Et au souvenir de ce moment particulier un léger frisson la parcourut.

En fronçant les sourcils elle secoua de nouveau la tête, tentant de s'éclaircir les idées.

- Je suis allée faire une petite balade du côté de l'Académie, et devine ce que j'y ai appris ? dit Gabrielle dans un sourire radieux.

Ellis prit une grande inspiration. Pourquoi n'arrivait-elle pas à rester en colère contre cette femme ?

- Je n'en ai aucune idée, j'étais coincée ici à m'occuper du décor.

Pas de colère mais un petit fond de rancune, après tout elle s'était inquiétée pendant des heures.

- Et bien moi j'ai discuté avec quelques personnes et apparemment cette histoire de destruction de théâtre était bidon. Ce n'était qu'une rumeur lancée par un mauvais plaisantin…

Elle fit une pause.

- Du moins c'est-ce qui se dit dans la cité.

- Mais ? Comment ? Eode nous a dit lui-même que l'ordre venait de la Conquérante.

- Et bien il se sera trompé. Elle ne fera rien.

- Et tu sais ça comment ?

- Je le sais, c'est tout.

Je suis allée me balader dans le bureau de la Conquérante pour lui crier dessus et elle m'attendait.

Je le sais parce qu'elle m'a regardée dans les yeux et m'a promis de ne pas toucher au théâtre, tu peux y croire, Ellis ? J'ai discuté avec elle de fientes d'oiseaux et de sous-bois un peu sombres…

 

*          *         *         *         *

 

Au même moment, dans le bureau de Xena.

- Alors ma belle, que penses-tu de ma petite distraction ? Est-elle assez satisfaisante pour tes appétits guerriers ?

Un rire bas s'éleva dans la pénombre.

- Oh oui Arès, c'est parfait, dit Xena tandis que le dieu l'attirait sans douceur à lui.

Elle posa une main à plat sur sa poitrine et remonta jusqu'à son cou.

- Tout simplement parfait.

Ses doigts glissèrent dans les cheveux sombres et elle attira Arès dans un baiser brûlant.

 

16 novembre 2011

Chapitre 3

Chapitre 3

Gabrielle et Ellis flânaient dans les rues d'Athènes, rassasiées après un copieux déjeuner dans une des meilleures auberges de la cité. Autour, des marchands ambulants vantaient les mérites de leurs fruits, poissons frais et autres fournitures alimentaires.

Une agréable odeur de pâtisserie flottait dans l'air, faisant gronder l'estomac de Gabrielle.

- Tu n'en as donc jamais assez ? demanda Ellis en riant doucement.

Gabrielle sourit en posant une main sur son ventre bruyant.

- Pas besoin d'avoir faim pour des roulés aux noix.

Elle repéra le stand et tira Ellis à sa suite.

- Allez viens, j'entends les gâteaux m'appeler…

 

Cette fois, Ellis était certaine que Gabrielle était une sorte de mutante. Après le repas plus que copieux qu'elles venaient de finir, elle était maintenant en train de s'empiffrer de pâtisseries, comme si elle n'avait pas mangé depuis des jours… Les joues gonflées, les lèvres pleines de miel, et des miettes sur les habits, la célèbre artiste ressemblait à une gamine gourmande.

Des cris retentirent soudain sur la place du marché, sortant Gabrielle de sa torpeur sucrée.

- Qché che qui che pasch ?

- Hein ?

Ellis regarda Gabrielle avaler les restes de son gâteau tout en frottant l'avant de sa tunique dans l'espoir d'ôter les innombrables miettes que celle-ci venait tout juste de lui postillonner dessus.

- C'est quoi ?

- Comment veux tu que je le sache, je ne t'ai pas lâchée depuis tout à l'heure au cas où tu n'aurais pas remarqué.

Gabrielle lui jeta un regard noir et se dirigea rapidement vers la grande place.

 

Des hommes en armure, arborant l'emblème de la Conquérante étaient en train d'acculer une bande d'adolescents dans une ruelle adjacente, ne leur laissant aucune perspective d'échappatoire. Gabrielle s'approcha et s'enquit auprès d'un passant:

- Qu'est-il arrivé ?

- Les hommes de la Conquérante sont arrivés et ont encerclés ces jeunes… Mais pourquoi… On en saura probablement jamais rien.

Il secoua la tête d'un air dégoûté:

- Comme si il fallait des excuses à cette chienne pour crucifier des innocents. Tout le monde sait que ça lui plaît, voilà tout.

Gabrielle était partagée. En son for intérieur, elle ne pouvait pas croire que Xena tuait pour le plaisir, mais des dizaines d'exemples avaient déjà prouvé le contraire.

Horrifiée, elle vit le chef des soldats sortir son épée, immédiatement imité par le reste de sa troupe. L'issue paraissait inévitable.

Guerriers aguerris: 1

Adolescents pré pubères avec trois poils au menton: 0

 

Ellis n'eut pas besoin de regarder Gabrielle pour savoir ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle posa sa main sur son bras, prévenant tout mouvement.

- Ne fais pas ça…

Gabrielle se retourna. Le message dans ses yeux était clair: Je vais le faire, ne te mets pas en travers de mon chemin.

Ellis connaissait suffisamment sa compagne pour reconnaître une bataille perdue d'avance. Résignée, elle desserra sa poigne avant que Gabrielle ne s'agace davantage. Celle-ci s'élança sans plus attendre, s'interposant entre les protagonistes.

- Ne faites pas ça !

Le chef sembla hésiter un instant, avant de lui dire d'un ton sec:

- Écarte-toi. 

Mais Gabrielle, qui ne tremblait pas devant la Destructrice des Nations, n'était pas du genre à se laisser impressionner par un quelconque officier.

- Pourquoi ne pas vous en prendre à quelqu'un de votre taille ?

- Personne ne m'égale au combat !

Il partit d'un rire gras, visiblement fier de lui. Faisant tournoyer son épée, il s'avança à nouveau en direction des jeunes hommes.

- Assez joué.

Gabrielle se jeta entre le garde et ses futures victimes, faisant obstacle de son corps. Le cœur d'Ellis manqua un battement à cette vue. Elle allait se faire tuer, c'était sûr.

Le garde, pourtant visiblement contrarié, ne frappa pas l'artiste.

- Je n'aime pas me répéter, écarte toi.

- Ce ne sont que des enfants… Ils… Ohhh incroyable !

Elle pointa un point derrière l'épaule du chef de la garde, qui se retourna pour voir ce qu'il y avait à voir, imité par les trois quart de l'audience.

Gabrielle poussa le groupe d'adolescents vers la foule. En quelques secondes, ils disparurent parmi les badauds.

Quand le soldat se rendit compte de la supercherie, il était déjà trop tard, il ne restait plus une trace des individus incriminés.

Sa mâchoire se serra. On pouvait clairement voir qu'il était prêt à exploser. Gabrielle réalisa qu'elle ferait bien mieux de courir si elle voulait sauver sa peau. Elle courut en direction de la masse agglutinée des citoyens. Ceux-ci lui firent une place avant de faire barrage, semblant l'avoir happée.

Le garde en bouscula quelques uns, cherchant à poursuivre la fuyarde, mais elle était déjà hors de vue.

 

A peine une demi marque de chandelle plus tard, après une vaine recherche des fugitifs, le soldat attendait misérablement dans un bureau du palais provisoire de la Conquérante. Il devait annoncer à la Destructrice des Nations qu'un groupe de rebelles leur avait échappé, que le leader de la rébellion faisait partie des fuyards, et tout ça à cause de la jeune femme que la Conquérante voulait épargner. Il l'avait reconnue au premier coup d'œil, celle que son supérieur avait expressément autorisée à passer toutes les barrières, lui accordant une audience exceptionnelle avec la femme qui régnait sur le monde.

Il passait d'un pied sur l'autre, cherchant quels mots prononcer, sachant pertinemment qu'il risquait fort de ne jamais plus voir la lumière du jour. La Conquérante fit son entrée, mettant fin à son questionnement.

- Pourquoi m'as-tu fait déranger ?

Il déglutit bruyamment avant de prononcer d'une voix faible

- Le chef des rebelles… Il… Il nous a échappé…

Il baissa immédiatement la tête, les yeux clos, attendant la sanction. Pourtant rien ne vint.

- Comment ?

Le ton était glacial, laissant présager que l'explication avait intérêt à être bonne.

- La jeune femme blonde, celle qui était au palais ce matin, elle…

La Conquérante le bouscula sans qu'il puisse ajouter le moindre mot et sortit rapidement de la pièce.

Le garde relâcha le souffle qu'il n'avait pas eu conscience de retenir, soulagé. Il n'allait peut être pas mourir aujourd'hui après tout. Mais à en juger par le regard qu'avait la Conquérante au moment de sa sortie, il était bien possible qu'il y ait néanmoins une victime d'ici la nuit tombée.

 

Xena se rendit directement au théâtre, se doutant que c'était là que Gabrielle se trouvait. Ses mains étaient fermées en deux poings qu'elle serrait si fort que le sang semblait les avoir désertés. Elle n'aimait pas du tout l'idée, mais il allait falloir éliminer la jeune femme qui l'intriguait tant. Pas question de continuer à la laisser interférer dans ses affaires plus longtemps. Elle avait franchi la limite entre l'audace et l'inconscience, était déjà allée trop loin pour reculer.

Elle s'arrêta un instant aux portes massives du théâtre, prenant un moment pour réaliser ce qu'elle s'apprêtait à faire. Puis, d'un mouvement brusque, poussa un battant et pénétra dans l'imposante bâtisse.

S'il n'y avait à priori aucun signe de vie manifeste, la Conquérante savait pourtant que Gabrielle se trouvait là. C'était presque comme si elle pouvait la sentir.

Chaque pas de la guerrière résonnait dans les couloirs vides et un instant, elle eut l'impression que le bruit de ses bottes sur la pierre ressemblait étrangement au son du glas.

 

Gabrielle était assise sur un tabouret dans une loge, dos à l'entrée de la pièce, la tête entre ses mains. Elle ne vit pas qui arrivait.

- Ellis, laisse-moi tranquille s'il te plaît.

Sans un mot, la Conquérante s'approcha rapidement d'elle. Gabrielle ne réalisa le danger qu'une fois qu'elle n'avait plus une chance de s'échapper.

Elle se retrouva bientôt debout, face contre le mur, une dague appuyée sur sa gorge, menaçant de déchirer sa peau.

Elle n'avait pas besoin de se retourner pour savoir qui était derrière elle. Dès qu'elle s'était échappée, elle savait qu'elle devait s'attendre à une visite.

Tout comme son corps, le souffle de la Conquérante était brûlant. Malgré sa peur, Gabrielle ne put réprimer un frisson quand la guerrière lui dit à l'oreille:

- Donne-moi une bonne raison pour ne pas te trancher la gorge dans l'instant.

- Ils… C'étaient des adolescents…

La Conquérante la retourna d'un mouvement brusque et remplaça la lame par son avant bras. Tout son corps était en contact avec celui de la jeune femme, l'empêchant de se soustraire.

- C'était le chef des rebelles et ses acolytes.

La guerrière scrutait avec attention les moindres réactions de Gabrielle. Elle vit la surprise passer dans les yeux verts avant que celle-ci ne dise:

- Je n'en savais rien… Je… Désolée…

Xena hésitait. Elle pouvait discerner le mensonge de la vérité et savait que l'artiste ne mentait pas. Devait-elle la tuer ou l'épargner?

Gabrielle n'était soudain plus sûre d'avoir pris la bonne décision en sauvant les jeunes hommes. Elle le fut d'autant moins quand la guerrière dit :

- La semaine dernière, j'ai arrêté une flèche à quelques centimètres de mon cœur. N'importe qui d'autre serait probablement mort. Dis moi Gabrielle, crois tu qu'il était judicieux de laisser s'échapper quelqu'un qui, après seize printemps tout au plus, est déjà un assassin suffisamment aguerri pour m'avoir presque touchée?

 

Elle savait que la Conquérante avait raison au fond. Tout comme elle savait que celle-ci n'avait pas réellement envie de la tuer, mais qu'elle n'hésiterait pas si jamais ce type d'incident se reproduisait.

Pourtant, à mesure que la pression sur son cou grandissait, rendant sa respiration laborieuse, elle pouvait voir la colère quitter les si beaux yeux de la Destructrice des Nations.

 

Le corps chaud contre le sien était un vrai supplice. La Conquérante savait qu'elle devait relâcher la pression très vite où Gabrielle étoufferait. Mais elle n'arrivait pas à se résoudre à faire cesser le contact. Et puis il fallait lui donner une leçon. Elle s'apprêtait à la lâcher lorsqu'un cri la fit se retourner. Elle était tellement plongée dans ses songes qu'elle n'avait pas entendu Ellis arriver.

- Mais que… Relâche là !

Le ton impératif n'avait pas échappé à la Conquérante.

Ellis tenta de se jeter sur elle mais elle ne l'atteignit jamais, se retrouvant les fesses au sol sans trop savoir comment. Regardant Gabrielle droit dans les yeux, toujours méfiante, Xena se recula prudemment.

Un silence tendu s'installa. Ce fut la guerrière qui le brisa en pointant Gabrielle du doigt :

- Que ça ne se reproduise plus… Je pourrais ne pas être aussi clémente la prochaine fois.

Elle était presque sortie de la pièce lorsqu'Ellis l'interpella.

- Alors c'est ça, il suffit de venir, de menacer les gens et de repartir ?

La Conquérante marqua un temps d'arrêt. Ses doigts jouaient avec le pommeau de la dague qu'elle gardait nichée au creux de sa poitrine. Elle pourrait tuer cette insolente en un instant et la regarder se vider de son sang. Un léger sourire parcourut ses lèvres pleines. C'était tentant.

Elle se retourna au ralenti en direction d'Ellis. L'un de ses sourcils se leva dans une question muette, la dague toujours entre ses doigts.

Gabrielle se posta devant Ellis, qui ne semblait pas mesurer le danger.

- Pardonne-la Conquérante, elle a parlé sous le coup de l'émotion !

Ellis tenta d'objecter, mais fut réduite au silence par la main de Gabrielle sur sa bouche.

Xena avança dangereusement vers les deux femmes.

- Laisse la parler Gabrielle.

A peine libérée, Ellis lança:

- Tu m'as très bien comprise ! Pourquoi devrait-on vivre dans la terreur et taire la vérité ?

La Conquérante fit un grand sourire, qui la fit ressembler à un terrible prédateur. Ses yeux étaient particulièrement explicites quant à ses intentions. Elle avança encore, faisant reculer Ellis jusqu'au mur et ne s'arrêtant qu'une fois leurs corps en contact.

La regardant droit dans les yeux, elle caressait le cou de la jeune femme du dos de sa main.

Gabrielle était pétrifiée, priant pour que la guerrière n'étrangle pas Ellis. Elle attendait de voir ce que la Conquérante allait répondre.

- Parce que je pourrais très bien te faire souffrir jusqu'à ce que tu me supplies de t'achever, et que personne n'y trouverait rien à redire…

-         Alors c'est tout… Je devrais me taire ? Nous devrions tous nous taire ou mourir ? Ma vie, ma passion, mon boulot consiste à m'exprimer et je ne vois pas pourquoi je renoncerais à ce droit pour toi ! Ou peut être penses-tu que tous les artistes devraient aussi se taire parce que ce qu'ils ont à dire ne te conviendrait peut être pas ?

- L'art se porterait très bien sans toi et crois moi, tu ne veux pas vraiment savoir ce que je pense des artistes.

- Laisse-moi deviner, des bons à rien, c'est ça ?

Gabrielle assistait à l'échange, interdite. Il y avait une bonne et une mauvaise nouvelle : Le sujet n'était plus porté sur la possible mort d'Ellis, mais il n'en était pas moins épineux.

La Conquérante eut l'air satisfaite de la réponse d'Ellis, ne relevant pas la provocation.

- Exactement. Ce qu'un artiste fait, n'importe qui dans la rue est capable d'en faire autant !

Ellis fulminait, visiblement insultée.

- Ah oui ? Tu veux dire que même toi, Conquérante, tu pourrais faire ce que nous faisons ?

La guerrière eut un sourire arrogant, accompagné d'un petit rire.

- Bien sûr !

- Alors prouve le, viens créer notre prochaine pièce avec nous.

 

Gabrielle pâlit visiblement. Il n'y avait qu'une seule explication logique à tout cela : Ellis avait perdu la tête. Elle fut soulagée en entendant la réponse de la Conquérante.

- Je n'ai pas que cela à faire.

Elle s'apprêtait à s'en aller lorsqu'Ellis rajouta d'un air détaché.

- Hum hum, c'est-ce qu'on dit.

Gabrielle qui n'avait pas prononcé un mot depuis quelques minutes déjà s'empressa de dire.

- Ah ah, elle plaisante Conquérante ! Bien sûr que tu as mieux à faire de ton temps !

Elle tenta de lui servir son sourire le plus faux jeton qu'elle possédait. Pourvu que cela fonctionne.

Xena allait se contenter de la réponse de Gabrielle lorsqu'elle croisa le regard de sa compagne, les yeux pleins de défi.

Elle ne pouvait pas décemment se laisser mettre à genoux.

- Très bien, demain, une demi-journée, rien de plus.

 

Sur ce, la Conquérante quitta enfin la pièce. Gabrielle fut visiblement soulagée. Elle se tourna vers Ellis qui affichait un sourire satisfait. C'en fut trop :

- T'as perdu la tête ou quoi ?

- Mais non, c'est l'occasion de montrer à cette… Cette… Qu'elle ne sait pas tout !

Gabrielle fut tentée de répondre, mais se rendit compte qu'essayer de raisonner Ellis était une de ces causes perdues d'avance. Elles en reparleraient le lendemain, une fois que le désastre aurait eu lieu.

 

                        *          *          *          *          *

 

Assise sur le devant de la scène, Ellis observait Gabrielle expliquer laborieusement à une Conquérante pour le moins sceptique le scénario de leur future histoire. Leur prochaine pièce devait parler d'un amour interdit entre une riche bourgeoise et un marchand corrompu et elles avaient décidé de prendre à parti la Conquérante pour mettre en scène leur projet.

- Bon, euh… En fait nos méthodes de travail sont un peu… Spéciales…

- C'est-à-dire ?

Xena commençait déjà à s'ennuyer ferme.

- Et bien comme il nous manque encore une partie de l'histoire, nous jouons la scène en inventant les dialogues, ça donne un côté plus… Réaliste. Pendant qu'Ellis notera tout, je vais jouer Cléa et toi Dimitrius.

Gabrielle sauta sur la scène et jeta un regard de défi à la Conquérante.

- Prête ?

Bien sûr elle ne pouvait pas refuser, c'était elle qui avait fixé la date de ce stupide pari. En retenant un soupir Xena hocha la tête et rejoignit la jeune femme.

- Et maintenant ?

- Dimitrius et Cléa se sont rencontrés à l'occasion d'un repas organisé par le mari de Cléa, et ils se détestent. A chacune de leur rencontre Dimitrius se montre odieux, mais il ne peut pas s'empêcher de penser à Cléa, et vice-versa.

Mmh, ironique, pensa Xena.

- On va jouer la scène suivante, quand Cléa se rend compte que Dimitrius est un truand.

- Bien.

Ellis s'installa dans les gradins, un parchemin sur les genoux, une plume dans la main.

- Je suis prête, c'est quand vous voulez !

Pour Gabrielle la situation était trop bizarre pour que son esprit puisse y penser: elle était en train d'inventer une pièce de théâtre avec la Conquérante. Vraiment trop bizarre.

Elle prit une grande inspiration et sourit à Ellis avant de croiser le regard glacé de Xena.

 

- Dimitrius ?

Il se retourna en entendant son nom.

- Elle, bien sûr, murmura-t-il. Je reviens.

Il alla à sa rencontre, laissant derrière lui les hommes avec qui il conversait.

- Cléa, quel bon vent t'amène ?

Il se rembrunit en la voyant croiser les bras, le visage fermé.

- J'aurais besoin d'épices, mais je ne voudrais pas perturber tes manigances !

Elle pencha un peu la tête pour voir les truands.

- Je tombe mal peut être ?

- Mais pas du tout, qu'est-ce que tu racontes ! Allez viens par là.

Il passa sa main dans son dos pour la guider. Elle repoussa le bras indésiré et le suivit dans une petite pièce adjacente. A peine entrée, elle pointa vers lui un doigt accusateur.

- C'est toujours pareil avec toi… Tu ne peux pas t'en empêcher hein ?

- Je n'ai pas l'impression que tu parles des épices…

- Ce qui s'est passé… Ce… C'était une erreur, une effroyable erreur, et ça n'arrivera plus, tu m'entends ?

- Difficile de faire autrement. Mais pour une fois je suis d'accord avec toi, quoi que ça ait été, c'est terminé.

- Oui, voilà, tout à fait !

Cléa piétinait sur place, à la fois satisfaite et mécontente. Ça n'était pas exactement la réponse qu'elle s'était imaginée.

- Dimitrius… Je veux que ça soit clair entre nous, c'était uniquement à cause de l'alcool.

- Ah mais tout à fait. Je m'en souviens d'ailleurs à peine. Et tu sais ce qu'on dit, si on ne s'en souvient pas, c'est que ça ne valait pas la peine de s'en…

Il fut interrompu par une claque magistrale.

Lorsqu'il tourna la tête vers Cléa, se massant la joue, leurs yeux s'accrochèrent pendant un long moment. L'air était chargé d'électricité.

Puis quelque chose passa dans les yeux de celle-ci et avant qu'il ait pu faire le moindre geste, elle s'était jetée sur lui. Pendant un instant, il ne répondit pas au baiser, trop surpris et encore énervé. Et alors qu'il commençait à l'embrasser en retour, elle se recula, bien trop tôt.

- Je… Non… Désolée.

Elle allait partir, mais alors qu'elle se retournait, il agrippa son bras et l'attira à lui.

Leurs lèvres se retrouvèrent instantanément. Le baiser était sauvage, tendre et passionné à la fois. Leur manière d'exprimer tout ce qu'ils ne pouvaient pas se résoudre à dire.

La douceur des lèvres de la Conquérante et l'enivrant contact de sa langue contre la sienne ramena Gabrielle à la réalité.

Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Pensa-t-elle.

Elle interrompit le baiser, à bout de souffle. Tout son corps avait répondu aux assauts de la guerrière. Non, aux assauts de Dimitrius.

 

- Bravo, c'était magnifique, convaincant ! Génial !

Ellis applaudissait avec entrain, ne se rendant pas compte du malaise ambiant.

- Et là… Euh… Les truands arrivent ! proposa la Conquérante plus timidement que d'ordinaire.

Ellis monta sur scène et se jeta littéralement dans les bras de Gabrielle. Celle-ci lui rendit son étreinte sans grande conviction, les yeux dans ceux de Xena.

Ellis se recula, un immense sourire aux lèvres.

- J'ai tout retranscrit, ne t'en fais pas ! Je suis si contente !!! C'était une scène géniale ! Et le baiser était… Whaou ! J'ai vraiment vu Cléa et Dimitrius s'embrasser… C'était… Passionné et… Et… Whaou…

Elle se tourna vers la Conquérante.

- Tu pourrais le refaire sur scène ?

Gabrielle ouvrit des yeux comme des soucoupes en comprenant ce qu'Ellis suggérait. Il était absolument hors de question qu'une telle scène se reproduise.

- Euh… Ellis, chérie, la Conquérante est occupée voyons. Et puis elle avait dit une demi journée tu te souviens?

Xena s'empressa d'acquiescer.

- Euh… Il se fait tard ! Je… J'ai des … Trucs à faire. Oui, voilà. Faut que j'y aille.

Ellis regarda la Conquérante s'en aller d'un pas très pressé, ne comprenant pas vraiment la nature de l'urgence. Elle se tourna vers Gabrielle pour lui dire, un air ébahi sur le visage :

- Elle est pas mal hein ? Et où a-t-elle appris à faire des faux baisers aussi convaincants ?

Gabrielle déglutit difficilement.

- Euh… Pas mal, oui !

Et ne me parle surtout pas de ce baiser.

 

16 novembre 2011

Chapitre 8

Chapitre 8

La Conquérante était en train de s'entrainer à l'épée lorsque le garde vint l'informer que Gabrielle demandait audience. La guerrière fut surprise d'entendre ça. Elle savait que la jeune femme habitait désormais à au moins deux jours de marche et se doutait que celle-ci lui en voulait toujours pour son incartade avec la serveuse.

Elle s'épongea le front avant de rentrer au château pour rencontrer son invitée. Elle devait admettre qu'elle était intriguée.

Gabrielle l'attendait sagement assise sur un banc. Elle paraissait minuscule au milieu de la salle remplie de tapisseries venues d'Orient et de meubles en bois riches. Xena vint se poster devant elle :

- Bonjour.

- Bonjour Xena.

La guerrière remarqua le teint pâle de l'artiste ainsi que les cernes noires qui soulignaient ses yeux, témoignant de nuits sans sommeil. Spontanément, elle voulut poser sa main sur la joue de Gabrielle, mais se ravisa, se passant la main dans les cheveux à la place, mal à l'aise.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Mes parents vont mourir.

Une larme coula le long de la joue de Gabrielle, bien vite essuyée par le pouce de la guerrière. Celle-ci s'accroupit pour la prendre doucement dans ses bras, oubliant un instant qu'elle ne savait absolument pas comment consoler quelqu'un et qu'elle n'avait jamais essayé de le faire de sa vie.

Elles restèrent l'une contre l'autre pendant quelques instants, échappant au monde extérieur, entièrement plongées dans leur étreinte. Xena se recula pour demander d'une voix douce :

- Je peux faire quelque chose ?

Gabrielle prit une grande inspiration, comme pour se donner du courage, persuadée que la guerrière allait s'énerver, que la douce chaleur procurée par la main sur sa cuisse allait être remplacée par un ton glacial.

- Ils… Les intempéries ont détruit la récolte, ils… ne peuvent pas payer l'impôt.

Même si elle s'y attendait, le regard dur de la Conquérante brisa les derniers espoirs de Gabrielle. Xena se recula, comme désabusée, secouant la tête. Elle eut un petit rire dénué d'humour avant de dire d'un ton mordant :

- Mais bien sûr Gabrielle, laisse-moi juste le temps d'aller piocher dans les réserves du palais, combien te faut-il ? Ou non, abolissons tous les impôts plutôt !

La jeune femme ne trouva rien à répondre. Elle était épuisée aussi bien physiquement que psychologiquement. Elle sentait la colère de celle en face d'elle et n'avait pas la force de combattre, laissant la guerrière continuer :

- Je me disais aussi ! Pourquoi viendrait-elle me voir si ce n'est pas pour me reprocher quelque chose ou me demander un service ?

Cela fit sortir Gabrielle de sa torpeur. Elle se leva, des larmes plein les yeux, poings serrés le long du corps.

- J'aurais pu venir pour te voir, si seulement tu n'avais pas été si… si…

- Si Moi ?

L'artiste sembla sur le point d'exploser :

- Si égocentrique ! Tu crois que ça me fait plaisir ? Tu crois que j'ai le choix ? Mes parents ont sept jours à vivre et toi… Laisse tomber.

Gabrielle se retourna, prête à partir. Inutile de perdre plus de temps. Il ne lui en restait déjà que trop peu. Sa retraite fut interrompue par la guerrière :

- Pourquoi sont-ils encore en vie s'ils n'ont pas payé l'impôt au printemps ?

- Ils l'ont payé. C'est ton nouvel impôt qui va faire tuer tous les petits paysans.

Xena regarda Gabrielle pendant un long moment, semblant réfléchir intensément. Finalement, elle dit d'un ton dénué de sympathie :

- Je viendrai. Va t'en maintenant.

La jeune femme observa la guerrière un instant, blessée par la façon dont elle venait de se faire congédier. Elle avait réussi à sauver ses parents, mais pas la fragile relation qu'elle avait avec la Conquérante. Au fond d'elle, elle savait qu'elle avait déçu l'autre femme. Mais ça en valait la peine.

 

Xena attendit que Gabrielle ait quitté la pièce pour reprendre sa place sur le banc, posant ses coudes sur ses genoux, la tête entre ses mains. Pour la première fois depuis longtemps, la guerrière se sentait utilisée, et non l'inverse. C'était un sentiment qui ne lui avait pas manqué. Elle aurait voulu dire non à Gabrielle, mais elle n'avait jamais pu et n'était pas sûre de pouvoir un jour.

 

*          *          *          *          *         

 

Gabrielle faisait les cent pas dans sa cuisine, impatiente.

- Mais que fait-elle, Gabrielle, elle avait bien dit qu'elle ferait quelque chose non ?

- Oui Lila, elle va venir. J'ai confiance.

- Tu es bien la seule…

Gabrielle se retourna pour fixer sa sœur :

- Garde tes commentaires pour toi. C'était ton idée à la base. Maintenant si tu vois autre chose à faire plutôt que d'attendre, je suis toute ouïe !

Lila préféra ne pas rétorquer. Après tout, elle n'avait pas tort, il n'y avait pas grand-chose d'autre à faire.

Elles s'assirent et attendirent en silence. Gabrielle observa les nœuds du bois de la table à manger, essayant d'y trouver des motifs, s'occupant l'esprit.

Elles sursautèrent en entendant frapper à la porte. Leurs yeux se rencontrèrent, craignant que les soldats ne soient déjà là. Lila se leva et se dirigea vers la porte d'un pas hésitant. Elle prit une grande inspiration avant de poser une main tremblante sur la clenche.

Elle se retrouva nez à nez avec la Conquérante en personne.

- Bonjour. Lila je présume ?

Hébétée, celle-ci ne put qu'acquiescer. Elle n'avait jamais eu l'occasion de voir la guerrière de près, car lors des manifestations publiques, la sécurité était renforcée. Elle n'aurait jamais cru voir un jour ce visage aux traits si fins, ni même ces yeux qui faisaient tant parler.

Se ressaisissant, elle s'écarta pour la laisser entrer.

- Xena, j'ai bien cru que tu ne viendrais pas ! dit Gabrielle, espérant égayer les autres, mais échouant lamentablement, cette remarque semblant blesser la Conquérante.

- Je t'avais dit que je viendrais. Un guerrier n'a que sa parole en ce monde.

- Oh, excuse-moi, je ne voulais p-

- Laisse tomber, c'est bon.

Xena prit une des chaises, la posa dans le coin de la pièce et s'assit. Dans l'ombre, on pouvait seulement deviner sa forme, mais rien de plus.

Lila retourna à sa place, visiblement intimidée.

- Ne t'en fais pas, une fois cela réglé je m'en irai.

Gabrielle se leva, voulant régler ce malentendu. Elle s'approcha de la guerrière. Celle-ci restait le regard fixé sur la porte, mais toutes deux savaient bien qu'elle évitait les yeux de l'artiste.

La main de Gabrielle vint se poser sur la joue de Xena dans une douce caresse. Elle resta en place, comme pour apprécier le contact. Leurs regards se trouvèrent et Gabrielle murmura :

- Je ne veux pas que tu t'en ailles… Il faudra que je te parle…

Derrière les deux pupilles bleues, on pouvait voir les émotions se succéder : hésitation, doute, puis acceptation dans un battement de cils.

Lila était figée, regardant sa sœur et la femme la plus puissante du monde se parler dans une langue universelle. Jamais elle n'aurait cru qu'elles puissent être proches, du moins pas à ce point. Leurs mondes étaient diamétralement opposés, et pourtant.

Ce fut Xena qui rompit le silence, indiquant à Gabrielle d'aller s'asseoir lorsqu'elle entendit des bruits de botte.

On frappa lourdement à la porte, faisant trembler les murs fins de la petite maison. D'un signe de tête, la guerrière fit comprendre à Lila d'aller ouvrir la porte.

Quatre soldats lourdement armés se trouvaient de l'autre côté.

- Nous venons chercher l'impôt.

- Il... n'est... pas prêt ? dit Lila d'une voix apeurée.

L'homme de tête grogna de mécontentement. Il sortit son épée, prêt à en finir :

- Je n'aime pas qu'on me prenne pour un con…

Le voyant lever son épée, Lila mit par réflexe ses bras au-dessus de sa tête. Elle entendit un gros bruit et releva timidement les yeux pour voir que l'épée du soldat avait été brisée au niveau de la garde. A vrai dire, tous avaient les yeux fixés sur l'arme si bien qu'ils ne virent la Conquérante qu'une fois sa main autour du cou de l'agresseur.

- Ca tombe bien, moi non plus je n'aime pas ça…

Profitant de la stupeur des assaillants, elle brisa la nuque de l'homme d'un mouvement sec. Tout sourire, elle avança vers ses acolytes qui répondaient à chacun de ses pas par un en sens inverse.

Bien vite, ils se trouvèrent tous les trois au centre de la place du village, en vue de tous. Les habitants, comprenant que quelque chose d'important se tramait, regardaient tous avec intérêt la scène qui se déroulait devant leurs yeux.

- Alors comme ça on s'offre des revenus supplémentaires en MON nom ? J'aurais pourtant juré qu'aux dernières nouvelles, c'était MOI qui dirigeais cet empire…

Aucun des soldats ne répondit, complètement terrorisés.

Lorsque la guerrière sortit son épée, l'un deux émit un gémissement étranglé.

- On n'est plus si courageux lorsqu'il ne s'agit pas que de paysans sans défense hein ?

D'un mouvement souple, elle assena un coup d'épée qui déchira le ventre de l'un des hommes. Les deux autres se regardèrent avant de porter leur attention sur la mare de sang qu'était leur ancien compagnon. Le plus petit des deux commença à s'incliner en marmonnant des excuses, tremblotant.

Cela fit sourire la Destructrice des Nations qui lui trancha net la tête d'un seul coup d'épée. Le dernier des soldats renégats recula rapidement, visiblement terrorisé. Il se retourna et, dans sa hâte, trébucha.

Xena avança vers lui lentement, semblant se réjouir de la peur qu'elle inspirait. Elle agrippa l'homme par son armure, empêchant sa fuite et lui assena un coup avec la garde de son épée. Le soldat s'écroula, évanoui.

La Conquérante sonda la place du petit village, s'assurant que plus personne ne contestait son autorité. Tous les villageois avaient les yeux rivés sur elle, véritable déesse de mort. Elle se mit à parler d'une voix forte :

- Aucun impôt supplémentaire ou modification profonde des règles que j'ai instaurées ne se fera jamais sans annonce officielle préalable.

Elle attendit un moment avant de continuer, pointant du doigt les restes des hommes :

- Ces prétendus soldats vous ont trompés, volés. Une partie de ma garde personnelle est actuellement au sein de leur campement. L'argent que nous trouverons sera redistribué aux familles.

Elle sortit un mouchoir de sa poche et essuya consciencieusement son épée encore teintée de sang.

- Oh, j'oubliais. Ne vous en faites pas, ils seront châtiés…

Au fond d'elle, Xena savait très bien que tous les habitants du village n'avaient pas le moindre doute à ce sujet. Dans un dernier moulinet, elle rangea son épée dans son fourreau, puis porta une main à sa bouche pour émettre un puissant sifflement. Aussitôt, une poignée de soldats arrivèrent et commencèrent à nettoyer la place.

La guerrière jeta un coup d'œil en direction de Gabrielle pour constater que celle-ci la fixait. Voyant qu'elle avait capté son regard, la jeune femme fit un léger mouvement de tête, invitant silencieusement Xena à la suivre tandis qu'elle passait à l'arrière de sa demeure.

La Conquérante prit une grande inspiration avant de se diriger vers l'endroit où l'artiste avait disparu. Elle s'était montrée particulièrement violente avec les soldats dans l'espoir de la dégouter et lui faire changer d'avis quant à cette discussion. Visiblement, c'était loin d'être un franc succès. Elle trouva Gabrielle dissimulée entre la remise à bois et le poulailler.

 Pouvait-il y avoir endroit plus romantique pour leur rencontre ?

L'artiste observa la guerrière pendant ce qui parut être de très longues secondes, jusqu'à ce que celle-ci s'agace et lance un :

- Quoi ?

- Je voulais m'excuser pour la façon dont j'ai disparu pour finalement venir quand j'avais besoin de toi…

- Ca va, ça m'est égal.

Xena voulut se retourner et partir, mais Gabrielle ne la laissa pas fuir la conversation :

- Tu sais ce que je crois, Conquérante ? Je crois que mon attitude t'a blessée et qu-

Un franc éclat de rire l'interrompit :

- Je t'arrête tout de suite. Tu te trompes…

- Non. Je sais qu'il y a quelque chose entre nous…

- Oui, tu as raison sur ce point, il y a quelque chose. Il y a une petite histoire sordide et sans avenir.

- L'amour n'est pas sordide…

- Tu me parles d'amour entre une remise à bois et un poulailler, cachée pour ne pas qu'on te voie en ma compagnie, c'est ça l'amour Gabrielle ?

L'artiste ne trouva rien à rétorquer. Pas la moindre petite remarque pleine d'esprit, pas de réplique…

- C'est ce que je pensais… dit amèrement Xena avant de s'en aller.

 

            *          *          *          *          *

 

Gabrielle était plongée dans ses pensées depuis quelques jours maintenant. Sa sœur avait essayé de la faire parler mais sans succès.

Elle avait besoin d'être seule pour faire le point. Car il y avait beaucoup à penser, surtout au vu de ce que lui avait fait remarquer la guerrière…

Après tout, elle s'offusquait d'être traitée comme une trainée par Xena, mais que lui avait-elle offert ? Des moments à la va-vite, dans des recoins sombres ?

Une histoire sordide…

Pourtant, au fond d'elle, la jeune femme savait qu'elle voulait plus… La Conquérante, corps et âme. Faire passer la passion physique pour coupable était facile, mais ce type de passion n'entraîne en aucun cas la déraison. Il y avait plus, autrement comment expliquer que malgré toutes leurs altercations, elles soient toujours revenues l'une vers l'autre ?

Comment expliquer sa jalousie envers la jeune serveuse, si ce n'est parce que celle-ci avait eu ce qu'elle convoitait ?

Elle réalisa qu'elle pensait que la guerrière lui revenait de droit. Mais au nom de quoi osait-elle prétendre pareille chose ?

Soupirant, elle saisit son oreiller pour le poser sur sa tête, espérant se couper du monde. Quelques instants plus tard, elle entendit pourtant qu'on toquait à la porte. Intriguée, elle regarda par la fenêtre pour voir que le soleil était sur le point de se coucher. Qui pouvait bien venir à cette heure ?

- Entrez.

La petite porte en bois s'ouvrit dans un léger grincement. Le cœur de Gabrielle manqua un battement en voyant Ellis se glisser dans sa chambre. Elle pensait ne jamais la revoir et encore moins recevoir sa visite…

- Bonsoir…

Gabrielle se ressaisit vite et articula un " 'soir Ellis " très incertain.

- J'ai croisé Lila au marché ce matin…

- Oh !

- Je suis passée voir comment tu allais.

Gabrielle détourna la tête, ne pouvant pas supporter le fait qu'Ellis avait l'air de s'inquiéter, malgré tout ce qu'elle lui avait fait subir :

- Pourquoi ? Je… je suis la pire idiote que la terre ait porté, pourquoi t'en fais-tu ?

- Parce que même si tu l'es et même si je ne te pardonnerai jamais ce que tu m'as fait… je… je ne veux pas te voir souffrir…

Ellis déglutit, ayant un mal fou à s'exprimer. Elle reprit si bas que l'artiste faillit ne pas entendre :

- J'ai toujours des sentiments pour toi, même si cela me tue.

Un lourd silence s'installa dans la pièce. Ellis était debout et trépignait sur place, sa nervosité apparente. Gabrielle se décala un peu, remit la couverture en place avant de tapoter son lit dans une invitation silencieuse. Elle regarda l'autre femme venir s'asseoir et lisser des plis imaginaires sur sa jupe.

- C'est à cause d'elle, c'est ça ? Tu l'aimes ?

Pour une artiste reconnue comme éloquente, Gabrielle se trouva à court de mots. L'aimait-elle ? Certainement. La détestait-elle pour ce qu'elle lui faisait ressentir ? Aussi.

- Je… je ne sais pas. Oui. Non. Je… Tu n'es peut-être pas la meilleure personne pour en parler…

- Au contraire. Je sais ce que c'est que d'aimer quelqu'un en sachant que la raison voudrait qu'on haïsse cette personne.

- Je suis désolée pour ce que je t'ai fait. Je ne me reconnais pas… Je suis devenue le type de personne que j'ai toujours méprisé. Je t'ai fait du mal. Je regrette tellement…

Ellis prit Gabrielle dans ses bras tandis que des larmes trop longtemps retenues commençaient à couler. Pendant un instant, elles eurent l'impression d'être revenues dans le temps, quand il suffisait d'être près de l'autre pour aller bien. Elles s'enivrèrent de l'odeur de l'autre, familière et rassurante. Mais une fois les yeux ouverts, l'illusion ne faisait plus guère effet.

- Tu sais ce que pense Xena ?

- Pas exactement. Je crois qu'elle ressent quelque chose pour moi, mais qu'elle le refuse…

- Je le crois aussi… La preuve, tu es encore en vie !

Gabrielle sourit à ces paroles. Elle déposa un baiser sur la joue d'Ellis avant de retourner se blottir contre elle.

- Tu m'as manqué.

- Toi aussi.

Elles s'allongèrent côte à côte, se regardant dans les yeux. Gabrielle vint remettre une mèche de cheveux derrière l'oreille d'Ellis qui sourit tristement.

 

            *          *          *          *          *

NB : Madame Wu (625-705) a réellement existé, même si l'époque ne correspond pas du tout à l'antiquité. Ancienne favorite, elle a vécu lors de la dynastie Tang avant de créer sa propre dynastie, les Zhou. C'était une femme assoiffée de pouvoir qui a commis les pires atrocités pour arriver à ses fins, torturant, mutilant, tuant. Despotique et cruelle, elle ira même jusqu'à éliminer sa progéniture pour rester sur le trône. J'utilise son nom uniquement pour aider à cerner le personnage.

 

La lieutenante de la Conquérante entra dans la pièce et immédiatement le silence se fit. La jeune femme, ancienne guerrière amazone était dotée d'une plastique qui n'avait rien à envier à celle de Xena. Grande brune aux yeux noirs dotée d'un corps puissant et musclé qui mettait en valeur ses formes, elle avançait avec l'assurance des plus grands.

La Destructrice des Nations sourit de l'effet produit. Un second qui inspire un tel respect ne peut être que bénéfique. De plus, celle-ci lui était fidèle depuis maintenant des années.

Bien sûr, Xena savait que César avait tout fait pour acheter la loyauté de la farouche amazone, lui offrant le pouvoir, l'argent, tout ce qu'elle aurait pu désirer. Et pourtant Varia était restée à ses côtés alors même que le sort du monde n'était pas décidé et qu'elles s'apprêtaient à mener une bataille qui promettait d'être épique. Sans un second aussi doué, la conquête de Rome n'aurait pas pu se faire en aussi peu de temps. Une telle alliée n'avait pas de prix.

Voilà deux lunes que l'amazone était partie dans les terres de Chine, seul endroit connu qui n'était pas encore sous le joug de la Conquérante. Sa mission était de former une alliance avec le puissant empire chinois. Normalement, Xena s'occupait elle-même des questions diplomatiques, mais Varia était une oratrice de talent en qui on pouvait avoir confiance et la guerrière ne voulait pas quitter la Grèce pour des raisons très personnelles.

 

- Varia, quel plaisir. Les nouvelles sont bonnes ?

L'ancienne amazone s'inclina avant de répondre :

- J'ai là une proposition d'alliance… Voire même plus…

 

Xena sourit, réjouie par ces perspectives. Le dénouement rêvé.

La seule raison pour laquelle elle avait cessé ses conquêtes était que les hommes avaient besoin de répit, de voir leurs familles avant de repartir de plus belle. Un accord serait parfait.

En attendant.

Elle congédia ses conseillers avant de tendre la main en direction du parchemin que Varia lui offrait.

Ses yeux parcoururent le document rédigé dans une écriture fine et délicate. L'un de ses sourcils se leva, bientôt suivi de l'autre.

Un léger rire lui échappa avant qu'elle ne relève la tête en direction de sa lieutenante qui était visiblement satisfaite des termes de l'accord.

 

- N'était-elle pas hétérosexuelle aux dernières nouvelles ?

- Si. Elle a dû voir une des peintures qui te représentent. Honnêtement, qui pourrait la blâmer ?

 

L'amazone lança un regard plein de désir qui ne laissait aucun doute quant à son avis concernant le physique de la Destructrice des Nations. Celle-ci lui répondit par un coup d'œil d'égale intensité. Elle songea un instant à Gabrielle, se sentant vaguement coupable, avant de repousser cette idée. Elle ne lui devait rien. L'artiste était toujours source de déception.

Après tout, pourquoi se refuser ce plaisir ?

 

Voyant une ouverture, Varia vint se poster derrière Xena, posant une main sur son épaule avant de descendre plus au sud.

L'audace, le choix du bon moment, c'est aussi cela qui fait un fin tacticien.

La Conquérante se lécha les lèvres avant de saisir la main inquisitrice tout en se tournant. Elle attira Varia à elle, l'amazone désormais à califourchon sur la guerrière.

- Une négociation aussi réussie mérite une récompense…

Les yeux noirs se posèrent dans le décolleté provocateur de la Conquérante, ne laissant aucun doute quant au type de récompense envisagé.

- Tu me veux ?

Pour toute réponse, la lieutenante embrassa sauvagement sa supérieure. Voilà des années qu'elle attendait cet instant, elle n'allait pas laisser passer cette chance. Bien sûr, elle se doutait que quoiqu'il se passerait dans quelques instants, cela n'aurait lieu qu'une fois, mais qu'importe. Ce qui l'intéressait, c'était de posséder Xena, pas d'entretenir une amourette.

La Conquérante passa aisément la main sous la jupe de combat de sa lieutenante, l'accès étant facilité par leur position intime.

Leur baiser était sauvage, les lèvres de Varia étant aussi agressives que la personnalité de l'amazone. Elle gémit en sentant les doigts de la guerrière la caresser à travers le fin tissu.

Xena passa son autre main sous les fesses de son amante et se leva, la soulevant. Elle l'assit sur le bord de l'imposante table de conférence et poussa tous les plans qui y étaient étalés d'un grand mouvement de bras.

Varia défit les attaches qui maintenaient en place l'armure royale, se délectant du corps ainsi révélé. La Conquérante n'était pas en reste, ayant déjà ses mains posées sur la poitrine qu'elle avait mise à nu.

L'amazone recula sur la table, ses yeux ne quittant pas ceux de l'autre femme, avant de s'arrêter. Impudique, elle écarta légèrement les jambes, laissant entrevoir l'unique sous-vêtement que sa jupe courte ne cachait plus guère.

Xena se mordit à lèvre à la vue de cette superbe créature vêtue seulement de sa jupe et ce qu'elle dissimulait…  L'attitude provocatrice de cette dernière n'était pas pour lui déplaire. Elle savait ce qu'elle voulait et n'hésitait pas à le dire… elle.

Si seulement toutes ses amantes pouvaient être ainsi…

Un visage commença à se former devant ses yeux. Un sourire, une…

Agacée, la Conquérante repoussa la pensée dérangeante, posant un genou sur la table, puis l'autre, avançant à quatre pattes en direction de Varia.  Elle s'arrêta juste avant de l'atteindre, souleva la jupe et vint frôler le sous-vêtement du dos de sa main. Elle sentit l'humidité que celui-ci dissimulait. Ses yeux se relevèrent vers ceux de l'amazone, n'y voyant qu'un désir non dissimulé.

N'y tenant plus, elle arracha le tissu offensant. Elle se pencha jusqu'à poser ses lèvres sur le sexe offert. Immédiatement, la main de sa lieutenante vint se placer à l'arrière de sa tête.

D'ordinaire, la guerrière n'usait pas de ses talents… oraux, mais elle ressentait un besoin impérieux de soumettre la farouche amazone, de la sentir à sa merci.

Et celle-ci ne la déçut pas. Elle haletait déjà sous les administrations expertes de son amante.

Les doigts de la guerrière vinrent s'ajouter à l'équation,  bougeant à l'unisson avec la langue habile.

 

Elles tournèrent toutes deux la tête en entendant la porte s'ouvrir. Un regard de pure terreur passa dans le regard de la Conquérante et elle parut presque soulagée de découvrir Najara.

Varia retint son souffle, ne sachant pas quoi faire tandis que la concubine officielle de son amante se tenait dans l'embrasure, la bouche grande ouverte. Elle était visiblement choquée par la vue qui s'offrait à elle, tant et si bien qu'elle posa une question dont la réponse paraissait évidente.

- Qu'est-ce que vous faites ?

Xena arqua un sourcil tout en regardant sa compagne avant de répondre d'un ton détaché :

- Nous célébrons un accord.

- Et…

Najara s'arrêta immédiatement devant le regard faussement interrogateur de Xena. Elle n'avait rien à dire, c'était la Conquérante et elle n'était que celle qui chauffait son lit. Elle savait que la guerrière voyait d'autres femmes. Il n'était pas question d'amour et ses aventures ne la dérangeaient pas tant que celle-ci revenait à elle. Elle était toujours revenue… Sauf ces derniers temps…

Alors c'était elle, Varia, qui s'occupait désormais des envies de Xena ? Elle aurait pourtant juré que l'arrogante petite blonde y était pour quelque chose… 

Mais le fait que ce soit entre les cuisses de l'amazone que la guerrière venait assouvir ses envies la rassurait. Aucun risque. Observant la superbe femme devant ses yeux, elle se dit qu'elle n'aurait pas choisi mieux.

Voyant Najara en pleine réflexion, Xena se mit à genoux entre les cuisses de sa lieutenante et remonta jusqu'à son cou, pressant ses seins contre ceux de l'amazone. Sa bouche vint jouer avec l'oreille offerte un instant avant de murmurer :

- Elle te plait ?

Varia observa la nouvelle venue sous toutes ses coutures et le sourire qui lui vint aux lèvres parla pour elle.

Satisfaite, la Conquérante se pencha pour venir mordiller la nuque de l'amazone tout en tendant sa main en direction de Najara. Celle-ci contempla les deux femmes devant elle pendant quelques instants. Le gémissement qu'émit Varia sembla la sortir de sa torpeur, si bien qu'elle avança pour venir poser sa main sur celle de la Conquérante.

Xena sourit dans la nuque de l'amazone avant d'attirer sa compagne plus à elle. Elle s'attendait à ce  que la blonde accepte une telle offre. Les " envies " de celle-ci étaient célèbres dans tout le royaume. L'une comme l'autre savaient que leur relation n'avait pas grand-chose à voir avec l'amour alors pourquoi se priver d'un petit extra ?

Regardant la jeune blonde dans les yeux, elle vint caresser sa joue de sa main avant de la passer derrière sa nuque, la guidant vers sa lieutenante. Najara s'était visiblement remise de sa surprise, car elle n'hésita pas un seul instant avant d'embrasser l'autre femme.

 

La guerrière se délectait du spectacle qui lui était offert. Un plaisir trouble l'envahit, cette situation lui plaisant de plus en plus. Sa main alla caresser l'amazone offerte, constatant qu'elle n'était pas la seule à apprécier cette idée. 

- Xena…

Ne voulant pas être en reste, Varia déshabilla rapidement l'autre femme avant de l'attirer encore plus à elle. Sa bouche vint se fermer sur la poitrine offerte, la sentant se raidir instantanément sous ses lèvres.

Najara vit les doigts expérimentés de l'amazone venir découvrir les replis humides de son sexe et ne put retenir un gémissement. Rien que la vue de Xena donnant du plaisir à une autre qu'elle aurait pu suffire à l'amener au bord de la jouissance et les administrations de Varia ne calmaient en rien le brasier qui avait pris en elle.

La Conquérante accéléra le rythme de sa langue et de ses doigts en sentant les muscles de sa lieutenante se serrer sur ses doigts. Elle savait que celle-ci ne tiendrait plus longtemps… mais qu'importe, elles avaient la journée devant elles…

 

            *          *          *          *          *

 

Xena écoutait distraitement les paroles de ses conseillers, plongée dans les souvenirs qu'avait connus la table à laquelle ils discutaient.

A sa droite, Varia était tout sourire, sûrement pour les mêmes raisons à en juger par la façon dont son regard venait régulièrement se poser sur les lèvres de la guerrière.

La Conquérante commença à exposer le contenu de l'accord trouvé. Tous étaient surpris de la nouvelle, ne s'attendant pas à une telle chose de la part de l'impératrice Wu.

- Pour conclure, je dirais juste que nous avons tout à gagner. Ce n'est pas tous les jours qu'un traité aussi arrangeant peut être signé. Je crois qu'il est temps de préparer les célébrations…

A ce mot, son regard croisa celui de l'amazone qui lui lançait un sourire provocateur. Voilà une femme comme elle les aimait… A cette pensée, une précision lui vint à l'esprit :

- Oh, j'oubliais. Envoyez des missives à tous les seigneurs de la région pour les convier, ainsi qu'à l'artiste Gabrielle.

 

Satisfaite de son idée, elle se retira dans ses appartements. Les dés étaient jetés.

Cela ne pouvait pas continuer ainsi, sa relation avec la jeune blonde devait cesser.

Elle pouvait mentir à Najara et aux autres tant qu'elle voulait, prétendre que le sort de Gabrielle lui était égal, elle finissait toujours par rêvasser à son sujet, même dans les moments les plus… incongrus.

La Conquérante était incapable de s'empêcher de penser à la jeune femme peu importe ce qu'elle faisait, avec qui elle couchait, ou les sentiments contradictoires qu'elle portait à l'autre femme. Cela devenait trop dangereux de continuer ainsi. Si elle n'arrivait pas à se raisonner, alors il faudrait que la décision vienne de Gabrielle.

Sur le papier, le plan était sans faille.

Elle s'allongea au milieu de l'immense lit aux draps de soie qui occupait la pièce.  Ses doigts vinrent se refermer sur un coussin qu'elle attira sous sa tête.

Son cœur battait la chamade.

La Conquérante inspira lentement et profondément à plusieurs reprises, mais rien n'y fit.

Toujours cette impression d'avoir pris la mauvaise décision.

Elle porta une main à son visage, se massant le nez entre le pouce et l'index.

Ouvrant les yeux, elle observa sa main. Celle d'une guerrière, calleuse et forte.

Et pourtant, elle était là, sur son lit, en train de se lamenter comme une jeune vierge qui aurait le béguin pour quelqu'un. Pas comme une guerrière. Pas comme la Conquérante. Pas elle-même…

Dieux, qu'est-ce qu'elle lui avait fait ?

Rageuse, Xena attrapa le verre qui se trouvait sur sa table de nuit et l'envoya s'éclater sur le mur le plus éloigné.

 

            *          *          *          *          *

 

Gabrielle remuait distraitement le contenu de sa tasse quand on frappa à la porte. Connaissant sa mère, elle ne bougea pas un cil. Comme elle s'y attendait, cette dernière s'empressa d'aller à la porte :

- J'arrive !

L'homme qui se trouvait à l'entrée portait une tunique aux couleurs de la Conquérante. Regardant le parchemin entre ses mains, il farfouilla un instant dans le sac qu'il portait en bandoulière avant de dire :

- Bonjour. J'ai une missive pour Gabrielle.

- Gaby, mon poussin, viens c'est pour toi !

L'artiste leva les yeux au ciel. Pourquoi fallait-il qu'en présence d'étrangers sa mère l'affuble de surnoms ridicules ?

- Oui ?

L'homme lui sourit tout en lui remettant l'enveloppe cachetée.

- Merci.

- De rien, bonne journée " mon poussin " ! dit il dans un clin d'œil.

 

Gabrielle monta dans sa chambre, souhaitant s'isoler pour lire le message que Xena lui avait adressé.

Elle était excitée à l'idée que la guerrière se soucie suffisamment d'elle pour lui écrire. Leur dernière entrevue laissait croire que la Conquérante ne pensait pas que du bien de ce qu'il y avait entre elles. Et pourtant elle lui écrivait.

Elle sourit à cette idée,

Elle caressa le sceau royal du bout des doigts pendant un instant avant de se décider à décacheter la missive. Le parchemin était de la meilleure qualité qui soit.

Le cœur de Gabrielle cessa un instant de battre lorsqu'elle prit connaissance de la nouvelle. Ses yeux s'ouvrirent en grand, puis se refermèrent successivement, ne croyant pas ce qu'elle lisait. Ses mains se mirent à trembler et elle lâcha le parchemin comme s'il l'avait brûlée. Elle sortit de la pièce en courant, laissant la missive à même le sol.

 

On pouvait y lire :

Gabrielle,

La Conquérante Xena, Destructrice des Nations vous invite cordialement à venir célébrer son alliance avec l'impératrice de Chine, Wu Zeitan.

La cérémonie d'engagement aura lieu le jour du solstice d'été et regroupera les grands de ce monde à Corinthe.

 

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