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Fictions Lesbiennes :)
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18 mars 2018

Chapitre 18

La soirée se déroule tranquillement, j’arrive même à récupérer un spot sur le canapé et ne le quitte plus jamais. Mes yeux retournent systématiquement se poser sur Sasha, en grande discussion avec un type depuis une quarantaine de minutes.

Non pas que j’aie regardé l’heure.

C’est juste longuet… Si James a remarqué qu’il a à peu près 5% de mon total d’attention, il ne semble pas s’en formaliser. J’ai l’impression que la scène du bar juste après la mise en place de « la blague » se reproduit…

Je finis par croiser le regard de Sasha et fronce les sourcils en la voyant écarquiller les yeux, tentant visiblement de me faire passer un message. Lorsque le mec tourne la tête pour piocher dans les gâteaux apéritifs, elle en profite pour articuler silencieusement un “au secours”.
Ni une ni deux, je marmonne un “désolée mais le devoir m’appelle”, quitte mon perchoir sur le canapé sans même un regard en arrière et m’approche d’eux.

Tel un morpion sur son poil, je vais au plus près de Sasha, posant ma main gauche sur sa hanche opposée dans une étreinte lâche. Certainement habituée à ma proximité, elle ne se crispe pas et je jurerai qu’elle se blottit même un peu plus, mais c’est peut-être un effet de mon imagination débordante.

Le type me regarde d’un air contrarié, semblant se demander pourquoi je viens ruiner son coup.

J’aime mieux vous dire que ce n’est pas la compassion qui m’étouffe.

Puis ses yeux atterrissent sur ma main, Sasha en profitant pour poser la sienne dessus et je vois très clairement l’instant où il réalise ce que ça signifie.

Et ouais bonhomme, tu perds ton temps !  

Si je me pince suffisamment fort, je pourrais peut-être verser une larmichette pour lui ?

Ne sachant pas si ma simple présence va suffire à le faire déhotter, je prends les choses en main, m’adressant à Sasha :

- Hey, je peux te parler ?

Je lance au type un vrai faux sourire désolé, attendant la réponse de ma collègue, qui ne fait pas durer le suspens :

- Bien sûr ! Si tu veux bien m’excuser…

On s’éloigne toutes les deux et j’en profite pour attraper sa main, entrelaçant nos doigts.

Lorsqu’elle prend la parole, je vois que quelque chose a l’air de la déranger même si elle n’en dit rien :

- Merci ! Je n’arrivais pas à m’en débarrasser !

Elle détache nos mains, passant la sienne dans ses cheveux, ses yeux évitant soigneusement les miens avant de continuer :

- Écoute, je sais pas trop comment le formuler, mais… Je ne suis pas très à l’aise avec ce genre de démonstrations…

Si vous entendez un bruit de verre brisé, c’est mon cœur. Juste, si vous pouviez ne pas piétiner les morceaux, je vous en serais reconnaissante.

Je ne comprends pas ce revirement de situation : ce n’était pas la dernière à initier du contact et soudainement quelque chose de si anodin la dérange ?

Est-ce qu’elle a remarqué que j’ai des sentiments et c’est sa manière à elle de m’indiquer qu’elle ne ressent rien ?

Tentant de passer outre l’effet “coup de pied dans le ventre”, j’essaie d’acquiescer en gardant le visage aussi neutre que possible. Ce n’est pas un franc succès, puisque ça la pousse à se justifier ;

- Je veux dire… C’est pas cool envers Rachel.

Immédiatement, mes sourcils se froncent en entendant ça. De quoi elle parle ? Toujours éloquente, je marque mon incompréhension d’un :

- Hein ? Qu’est-ce qu’elle a à voir avec ça ?

- Tout. Je ne suis pas sûre qu’à sa place, j’apprécierais que ma copine soit aussi tactile avec d’autres femmes.

Oh bordel.

Elle croit que...

Ni une ni deux, je l’entraîne dans la chambre d’amis et ferme la porte à clé derrière nous :

- Je suis tout à fait d’accord avec toi sur le principe, mais Rachel et moi nous sommes séparées, tu te souviens ? Elle m’a larguée juste avant que l’on parte en formation. Cf. ma bonne humeur légendaire lors du voyage aller…

Elle adopte un air de profonde réflexion absolument trognon avant de murmurer :

- Mais alors, à l’aéroport ?

- Je n’ai pas répondu à son texto et comme elle avait gardé mes infos de vol, elle s’est dit que c’était l’occasion de me parler.

Je ne pensais pas que c’était possible, mais elle fronce encore plus les sourcils avant de continuer l’interrogatoire :

- Mais… Si… Pourquoi tu as couru vers elle alors ?

Oh boy.

Comment répondre à ça ?

Bah tu vois, je ne voulais pas que sa présence ruine mes plans consistants à te proposer d’aller dîner avec moi”.

Ouais, on va éviter.

Elle me regarde d’un drôle d’air que je n’arrive pas à cerner, attendant ma réponse.

Ok.

Reste évasive, tu peux le faire :

- Je… Voulais la faire partir aussi vite que possible.

J’essaie volontairement de rester vague, voulant en dire juste assez pour qu’elle me lâche la grappe, mais pas trop pour ne pas dévoiler la véritable raison. Me mordillant la lèvre, j’espère qu’elle va mordre à l’hameçon et laisser tomber.

Malheureusement, mes espoirs sont balayés comme un brin d’herbe coupé sur lequel passerait une tornade :  

- Pourquoi ça ? J’ai l’impression de rater quelque chose… Qu’est-ce que tu ne me dis pas Héléna ?

Glissant une main dans mes cheveux pour tenter d’évacuer le stress, je regarde partout sauf dans sa direction, m’assieds sur le coffre et abats ma dernière carte : un mensonge éhonté :

- Rien.

Malgré un sourire qui m’aurait certainement valu l’oscar de la plus mauvaise actrice, elle n’a pas l’air d’y croire une seule seconde.

Sasha s’accroupit devant moi, ses yeux verts cherchant à capter mon regard, plaçant délicatement une mèche de mes cheveux derrière mon oreille du bout des doigts :

- Hey… Tu peux me parler…  

On va voir ça.

De toute manière, je ne peux plus garder ça pour moi, il faut que je sois fixée.

Me relevant abruptement, je lui fais face et annonce, plus pour gagner un peu de temps que pour dédramatiser :

- Souviens-toi que c’est toi qui as insisté !

Je reçois un sourire encourageant en réponse, ce qui m’incite à me lancer.
Quand faut y aller, faut y aller :

- Je voulais qu’elle parte parce que…*grande inspiration* *temps d’arrêt* *petit caca culotte* j’ai des sentiments pour toi et je comptais tenter de savoir s’il y avait une chance qu’ils soient réciproques.

Je retiens ma respiration, attendant avec appréhension que la suite de notre histoire se détermine.

Elle me regarde fixement pendant quelques secondes, puis éclate de rire.

Pas exactement la réaction que j’espérais…

En plus il a l’air forcé.

Voyant que je n’ai pas l’air de trouver la situation amusante (du tout), elle ouvre des yeux immenses et sa bouche suit de peu. Elle finit par demander d’un ton hautement dubitatif, ou celui de quelqu’un qui craint le pire je ne sais pas trop :

- Tu… T’es sérieuse ?

Me sentant extrêmement vulnérable, je détourne le regard et réponds :

- Après ce soir, je sais que ce n’est pas ce que tu as envie d’entendre et je suis désolée si ça te met mal à l’aise. Mais tu voulais la vérité, maintenant tu sais.

J’ai EXTREMEMENT envie de fuir et ne plus jamais montrer mon visage sur terre, mais maintenant que je me suis lancée, je refuse d’avoir honte de quelque chose qui est hors de mon contrôle.

Plus qu’à attendre que le malaise soit suffisamment grand pour qu’elle se barre de la pièce…

- Héléna…

Elle a un ton très doux, le même qu’empruntent certainement les docteurs pour annoncer une mauvaise nouvelle, mais je n’ai franchement pas besoin qu’elle confirme davantage mes craintes.

Voulant m’éviter un râteau clair comme de l’eau de roche, je passe à l’offensive, levant la main dans un signe « stop » :

- Te fatigue pas... C’est pas comme si j’étais persuadée que tu allais me sauter dans les bras, j’attends ni explication, ni excuses. Juste, maintenant tu sais.

Je ponctue ma phrase d’un haussement d’épaules dépité et d’un petit sourire triste, comme si je ne venais pas de lui tendre mon cœur pour me le faire piétiner à coup de talons aiguille.

Peut-être que j’aurais dû lui envoyer une pique du genre « tu vois, ton insécurité n’était pas justifiée », mais je n’en vois pas l’intérêt. Mon couteau serait le seul que je remuerais.

- Héléna… Regarde-moi.

Espérant que ça va l’inciter à aller plus vite dans la destruction de mes organes vitaux, histoire qu’on passe à autre chose, je m’exécute.

Elle a le plus gros sourire que j’ai jamais vu sur le visage et le temps que je comprenne ce que ça veut dire, l’une de ses mains se loge dans mes cheveux et m’attire dans un baiser.

Ne perdant pas une seconde, j’enroule mes bras autour de sa taille tandis qu’elle se plaque contre moi, me piégeant entre son corps et la porte.

J’ai l’impression que mon cœur vient d’exploser dans ma cage thoracique.

Sasha m’embrasse !

Et pas pour faire une « blague » à quelqu’un !

Pour moi !

L’espace d’un instant, j’oublie la chambre d’amis, le lit recouvert de manteaux et la fête à laquelle nous sommes supposées participer.

Elle garde le baiser chaste et se recule pour venir trouver mon regard, annonçant :

- Je pensais que tu savais !

Je crois comprendre à quoi elle fait référence, mais préfère en avoir le cœur net :

- Quoi ?

- Moi aussi j’ai des sentiments pour toi, imbécile ! Enfin je veux dire, j’étais comme une moule sur son rocher. J’étais sûre et certaine que tu ne tentais pas d’aller plus loin parce que je ne t’intéressais pas.

Ignorant l’insulte, je la regarde comme si elle venait de m’annoncer qu’elle était la fille spirituelle du Dalaï-Lama et avait décidé de partir en voyage initiatique au Tibet :

- Comment j’aurais pu le savoir ? T’es super tactile avec tout le monde ! Et pour être honnête, quand j’ai compris que ce que je ressentais dépassait les limites de notre relation j’étais trop occupée à lutter avec moi-même pour faire attention au reste...

Je finis ma phrase d’un air penaud. Elle me sourit et caresse ma hanche du bout des doigts, continuant :

- T’es pas la seule à avoir tenté de réprimer tout ça. C’est pour ça que j’avais des réactions disproportionnées… À l’aéroport… J’étais verte de jalousie en te voyant courir vers Rachel. J’ai pas arrêté de ressasser la scène toute la semaine, en me demandant comment j’aurais pu faire pour te garder...

Ses aveux m’extirpent un large sourire. Au moins, son comportement prend du sens. Voulant être la plus claire possible, je la rassure :

- T’as pas de quoi, je te promets. Et pour en revenir à l’aéroport, maintenant je peux te demander : est-ce que ça te dirait d’aller dîner avec moi un de ces soirs ?

J’attrape sa main entre les miennes, ayant besoin de contact. Elle hoche la tête tellement violemment que je ne serais pas étonnée de voir son cerveau tenter de s’échapper par une narine :

- Oui, bien sûr que oui !

Mes yeux se posent sur ses lèvres et je franchis ce qu’il reste d’espace entre nous. C’est hyper bon de me dire que je peux faire ça sans faux prétexte, sans devoir me justifier derrière.

Juste parce que.

Elle répond avec enthousiasme, une main sur ma hanche, l’autre sur mes côtes, les deux m’attirant plus à elle.

Ses lèvres se détachent des miennes et mes protestations meurent dans ma gorge lorsqu’elle s'attaque à mon cou, m’embrassant et remontant vers mon oreille, dont elle capture délicatement le lobe entre ses dents avant de murmurer :

- T’as pas idée à quel point c’était dur de me retenir et d’être tactile que lorsqu’il y avait des gens autour. J’avais qu’une seule envie, passer mes mains partout sur toi, tout le temps.

Ça m’extirpe un rire :

- Oh tu ne m’aurais pas entendue me plaindre !

- Ah oui ?

Elle se recule, me fixe en se mordillant la lèvre inférieure et comme pour s’assurer que je dis la vérité, la main sur mes côtes monte plus au nord, venant englober mon sein.  

Mon téton réagit au quart de tour et je ne doute pas un seul instant que mon soutien-gorge n’est d’aucune utilité pour dissimuler ma réaction. Je m’entends émettre un petit gémissement de plaisir lorsqu’elle le masse, prenant bien soin de garder mon regard fiché dans le sien pour qu’elle sache ce qu’elle me fait. En retour, ses pupilles se dilatent encore davantage et je l’attire dans un baiser qui, je l’espère, lui indique à quel point j’ai envie d’elle.

Ça va vite, j’en ai conscience, mais pour être honnête j’ai l’impression d’attendre qu’il se produise quelque chose depuis des plombes.

Ma main, loin d’être en reste, se place sur ses fesses et l’incite à rester contre moi.

Après quelques minutes à se peloter par-dessus les habits comme des ados et désirant l’explorer moi aussi, j’inverse nos positions. Je la plaque contre la porte avec le poids de mon corps et place mes mains de part et d’autre de sa tête. Ne voulant pas risquer d’oublier ce moment, même si les chances sont maigres, je prends quelques secondes pour la dévorer des yeux, absorber chaque détail et l’imprimer dans ma mémoire.

Je veux me souvenir du goût de ses lèvres, de la manière dont son souffle est devenu erratique, de la façon dont elle m’observe comme si j’étais une proie et elle une prédatrice affamée…

Soutenant son regard, mes mains se détachent de la porte et caressent son cou, parcourent ses clavicules et vont trouver sa poitrine. Pour toute réponse, Sasha se cambre légèrement, m’encourageant à continuer avant de capturer mes lèvres à nouveau, emprisonnant mes mains entre nous.

Sa langue contre la mienne, le fait qu’elle m’incite à la toucher, tout ça me met dans tous mes états.

Si on ne s’arrête pas bientôt, je risque la combustion spontanée. De là où je me trouve, l’enjeu en vaut la chandelle.

Ma mort est quasi assurée lorsque ses doigts viennent s’enrouler autour de mon poignet, guidant ma main à la jonction entre sa jupe et sa cuisse, l’incitant à remonter avant de le relâcher une fois le message passé.

Je crève d’envie de parcourir l’espace restant, de la sentir au creux de ma paume, de glisser mes doigts dans la preuve de son excitation…

Mais je ne veux pas que ça se produise comme ça, comme avec une fille que j’aurais rencontrée en soirée, à la va-vite dans la chambre d’amis, entourée des manteaux des invités et risquant d’être surprises à tout moment.

Et je sais qu’à l’instant où j’aurais posé ma main sur son sexe, je serai incapable de stopper. C’est maintenant ou jamais.

Sasha interrompt le baiser en sentant que j’ai arrêté de bouger. Ses yeux verts viennent me sonder, un peu décoiffée et les lèvres légèrement gonflées, elle est plus belle que jamais.

- Changement d’avis ?

Vu son ton joueur, ce n’est pas vraiment quelque chose qui l’inquiète, mais je réponds quand même la vérité :

- Non ! Certainement pas !

- Oh, pas le premier soir c’est ça ?

Je souris à sa plaisanterie, elle comme moi sachant pertinemment ce qu’il se serait passé avec la fille du club si Dom n’était pas intervenu.

Éloignant ma main de la tentation, je caresse sa joue et m’explique :

- Pas avec toi. Pas ici. Pas si on risque d’être interrompues.

Elle acquiesce d’un signe de tête et je mets un peu de distance entre nous, à contrecœur. Je ne peux pas empêcher mes yeux de la parcourir des pieds à la tête, n’ayant plus rien à cacher et sachant que mes attentions sont les bienvenues.
- Héléna, si tu continues à me regarder comme ça, ça va mal finir.

Pour être honnête, je sais qu’une fois lancée, même si une équipe de télé rentrait dans la pièce et commençait le tournage, je ne m’arrêterais pas…

Proprement réprimandée, j’essaie d’être correcte :

- Désolée (pas vraiment) ! On y retourne avant qu’on ne vienne nous chercher ?

Faisant un geste en direction de la porte, elle annonce :  

- Après toi !

J’ai à peine fait un pas que je remarque la très désagréable sensation dans mes sous-vêtements. Génial. Rien de tel que de ressortir d’une chambre en marchant en canard. Alors qu’il ne s’est (presque) rien passé en plus…

Ça a dû se voir puisque Sasha demande, un sourire dans la voix :

- Tout va comme tu veux ?

Je lui lance un vrai faux regard fâché avant de répondre :

- Nickel. T’aurais pas une couche pour adulte par hasard ?

Ne perdant pas une seconde, elle s’approche de moi, collant son corps perpendiculairement au mien, main sur ma cuisse, à peu près à l’endroit où elle l’avait lors de notre dernier repas.

D’une voix m’indiquant très clairement le fond de ses pensées, elle propose :

- Non... mais je pourrais peut-être aider…

Ce faisant, elle remonte lentement, me donnant parfaitement le temps de la stopper si je le souhaite. Je devrais l’arrêter ou au moins signaler qu’étant donné qu’elle est à la source du problème, sa contribution risque plus d’aggraver mon cas qu’autre chose… Mais tout ce que je trouve à faire, c’est déballer mon sac, comme prise d’une version du syndrome de Tourette qui me ferait dire tout ce qui me passe par la tête, sans aucun filtre :

- J’ai comme une impression de déjà-vu...

Elle continue sa progression, me questionnant d’un “Mmh ?” entre deux baisers dans mon cou.  J’explicite mes pensées :

- Le dernier restau. Ta main… J’ai dû sortir à force d’imaginer jusqu’où tu pourrais aller, ce que tu pourrais faire…

Je la sens sourire contre ma peau avant de répliquer :

- Tu pensais à quelque chose…

Elle parcourt les derniers centimètres et me prend littéralement au creux de sa main, demandant :

- Comme ça ?

C’est vraiment, vraiment un coup bas.

Comment je suis supposée résister ?

Non pas que j’en aie envie...

Tournant la tête pour la regarder par-dessus mon épaule, je suis prise d’une espèce de contraction et laisse s’échapper un :

- Sasha…

Involontairement, mon bassin cherche plus de contact et les raisons pour lesquelles je souhaitais attendre m’échappent momentanément.

Jusqu’à ce que Dom tambourine à la porte comme une brute épaisse, criant :

- Tout va bien là-dedans ?

Une voix masculine étouffée se fait entendre et mon collègue ajoute :

- Vous n’avez pas intérêt à avoir tâché la veste de James !

 

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1 avril 2019

Partie 1

Note : ceci est un test de mini-fiction (soyons réalistes, on verra comment ça se passe) où VOUS choisissez la suite des événements... Pour être honnête, j'ai très longuement hésité à poster, parce que bien que les réponses aient été très majoritairement positives (97%), même pas 1/4 des personnes inscrites à la newsletter ont répondu. Du coup, je ne suis pas sûre que ça intéresse grand monde. On verra selon la participation, pour l'instant je n'ai pas prévu de faire quelque chose de très long, c'est vraiment un test (oui, vous êtes mes cobayes, ne faites pas genre de ne pas aimer !) 

Sexe : Alors ça, bonne question, il faudra bien choisir ! 

Résumé : quel serait le fun à ça ? Je le ferais à la fin...

Avertissement : il s'agit d'une fiction dans le milieu policier, mais c'est fait pour être léger. Si vous espérez un mélange entre the L word et les experts, vous risquez d'être déçu(e)s. Du coup, aucun sujet "hyper sensible" ne sera abordé. Oh, et l'un des personnages est assez puéril, c'est voulu et assumé, n'en soyez pas étonné(e)s ! 

 

Partie 1 (j'ai pas de titre d'histoire pour l'instant, faites avec, vous n'aurez qu'à choisir ça aussi !). 

 

- Hors de question.

- Claire, sois raisonnable.

Croisant les bras, je hausse un sourcil et campe sur mes positions :

- Ce que tu vois là, c’est moi étant raisonnable. Si je ne l’étais pas, vous auriez déjà retrouvé son corps dans un fossé.

Emilie soupire, comme si argumenter avec moi l’avait vidée de son énergie habituelle. Visiblement peu disposée à accepter ma réponse, elle essaie à nouveau de me raisonner :

- Ecoute, tu sais que je prendrais ta place si je pouvais… Mais Michel a spécifiquement requis votre partenariat sur cette affaire.

Sa remarque me pousse à lui lancer un regard hautement suspicieux :

- Et il n’a pas peur que je contamine sa précieuse protégée avec … comment c’était déjà ? ah oui, mon attitude infantile ?

Emilie retient vaillamment son sourire, mais je peux voir le coin de ses lèvres remuer.

- Tu dois reconnaître que ce n’était pas totalement volé…

Ok, peut être que la dernière fois qu’on s’est retrouvées dans la même pièce, on s’est bagarrées à même la moquette de la salle de pause et que lorsque le commissaire est arrivé, je n’ai rien trouvé de mieux à dire que “c’est elle qui a commencé”.

- Mh.

- Nan, sérieux, t’as même pas idée de combien vaut la cassette de vidéosurveillance de ce glorieux moment au marché noir de la police.

Un seul regard courroucé lui signifie qu’il est temps pour elle de changer de sujet, ce qu’elle fait :

- Mais si j’étais toi j’essaierais de la jouer profil bas pour le coup. Quoi qu’il se soit passé entre vous, prends sur toi, elle n’est pas si terrible quand tu apprends à la connaître...

Mes yeux s’écarquillent d’eux-mêmes et je suis au bord de l’implosion :

- Pas si terrible ? Pas si terrible ? Elle a pris des photos des trois égratignures qu’elle avait suite à l’altercation et s’est rendue à l’accueil. Je suis sûre qu’elle a déposé une main courante !

Passant une main sur son visage, Emilie sent qu’elle m’a trop agacée pour que la discussion continue :

- Allez, bouge,  t’es attendue en salle de réunion.

 

===

 

On a a peine fait deux mètres qu’elle trébuche et me renverse l’intégralité de son café sur le chemisier.

...

Cette journée s’améliore de minute en minute.

Maintenant, non seulement je vais devoir supporter la présence de ma némésis, mais je vais devoir le faire avec un haut plus mouillé que si j’avais eu des montées de lait surprise.

Evidemment, je ne peux pas me permettre d’arriver en retard étant donné que j’ai été personnellement convoquée par le commissaire, donc ma collègue se charge d’aller me dénicher une tenue de rechange.

Pendant ce temps, je m’assieds à table et essaie d’ignorer sa sainteté qui prend place en face de moi. Rien qu’à la voir se déplacer comme si elle faisait partie de la royauté, j’ai envie de la gifler. Avec une pelle.

Je ne sais pas pourquoi notre commissaire a soudainement décidé que nous mettre ensemble sur une affaire était l’idée du siècle, parce que le fait que l’on ne peut pas se blairer est à peu près aussi secret que les parties intimes d’une actrice X.

Une chose est certaine, si Michel croît qu’une cohabitation forcée va résoudre tous nos problèmes, ça signifie que quelque part, un village a perdu son idiot.

Pénibla sort ses stylos et les dépose sur la table un à un, semblant les trier par ordre de taille.

C’est trop tentant. Un sourire mauvais aux lèvres, je lance d’un ton ironique :

- Je vois que tes histoires de troubles obsessionnels compulsifs s’arrangent !

Elle lève un sourcil parfaitement épilé et m’adresse un regard impassible :

- Je te suggère d’essayer de rester courtoise, Rosenberg. Après tout, tu ne m’as pas entendue commenter sur ton haut recouvert de déjections.

- Ou quoi ? Tu vas tout moufter auprès du commissaire divisionnaire comme la dernière fois ? Et va te faire foutre, c’est du café !

Elle se penche par dessus la table, l’effet de tampon de cette dernière diminuant de minute en minute. A l’instant où elle ouvre la bouche, Michel fait son entrée.

Immédiatement, elle comme moi nous redressons comme si de rien n’était, lui adressant un sourire faux cul. Nous n’étions pas du tout sur le point de nous écharper commissaire, vous faites fausse route !

- Officiers, je vois que vous êtes déjà là, très bien, on va pouvoir commencer.

- Commissaire.

J’hésite à lui demander de reconsidérer ma participation. D’un côté, passer du temps avec Chloé, plus connue sous le nom de “madame médaille du mérite” ou “la chouchou du patron”, me fait autant envie que de me réveiller en pleine coloscopie surprise, de l’autre, je ne peux pas me permettre d’être mal notée… Mes résultats sont exemplaires, mon comportement, nettement moins.

Gardant mes doutes pour moi, je l’observe s’installer à la tête de la table, entremêlant ses doigts avant de prendre la parole :

- Je vais aller droit au but. Vous êtes ici car vous êtes les deux meilleurs éléments de la brigade des moeurs et que vous présentez des qualités complémentaires.

O...K. Je croise le regard de Chloé, qui a l’air tout aussi perplexe que moi.

Il commence par un léchage de fesses, ce qui signifie que je ne vais pas du tout aimer la suite :

- Nous avons reçu un appel des plus troublants d’une propriétaire d’une salle de sport. Pour faire simple : une personne placarde depuis des semaines des photographies à teneur sexuelle aux murs de la salle.

Fronçant les sourcils, je me demande pourquoi il ouvre un dossier là dessus. Certes, c’est de mauvais goût, mais d’ordinaire ce genre d’affaire fait l’objet d’un dépôt de plainte contre X ou d’une main courante, pas d’une enquête.

Comme s’il lisait dans mes pensées, Michel s’explique:

- Ces dernières semaines, il semble y avoir une escalade au niveau des clichés. Pour ne rien vous cacher, je crains que l’on passe d’une affaire d’exhibitionnisme à de possibles agressions sexuelles. Etant donné que la salle est ouverte 24h sur 24, je ne vous fais pas de dessin.

Chloé, toujours prête à relever l’évidence, demande :

- J’imagine que les caméras de vidéosurveillance n’ont rien révélé ?

Pinçant les lèvres, il remue la tête à la négative et annonce :

- Apparemment non, mais la propriétaire est affolée et cherche surtout à étouffer l’affaire. Il faudra revérifier quoi qu’il arrive. Chloé, merci de faire part de votre avancée sur votre affaire en cours à vos collègues, qui vont reprendre le flambeau.

Semblant se souvenir que j’existe, il reporte son attention sur moi :

- Vous serez accompagnées de Jérôme et Sidney en soutien. Que ce soit clair, j’attends de vous une collaboration exemplaire et je ne veux pas entendre parler de votre… inimitié.

Doux euphémisme.

Une seule chose me rassure, elle n’a pas l’air plus contente que moi à l’idée de devoir travailler ensemble. Au prix d’un effort surhumain, je dévoile mes dents dans une grimace qu’un être généreux pourrait qualifier de sourire.

Conscient de la tension dans la pièce, Michel demande confirmation verbale :

- C’est bien compris ?

Je grogne mon accord, tandis que Chloé acquiesce d’un “oui mon commissaire”.

- Très bien. Vous commencerez dès que possible, les éléments à notre disposition se trouvent sur vos bureaux, je vous laisse en prendre connaissance.

Ce faisant, il se lève et quitte la pièce, me laissant seule avec l’enfant prodigue.

On se regarde dans le blanc de l’oeil pendant quelques instants, aucune de nous disposée à faire le premier pas. Décidant de prouver que je suis la plus professionnelle des deux, je prends la parole :

- Jérôme et Sidney sont excellents dans tout ce qui est télécommunications. Ce sera utile si jamais on doit installer des caméras discrètes pour démasquer le coupable.

- Mhh.

Super, j’ai même pas droit à une réponse digne de ce nom. Comme dirait ma mère : donne à manger à un âne il te fera des crottes.

Je fais l’effort de lui tendre une branche d’olivier et elle me la renvoie en pleine face. Incapable de me retenir une seconde de plus, je décide de lui dire ce que je pense de son attitude :

- Hey. J’essaie là. Tu pourrais faire un effort.

- J’en ai fait.

Levant un sourcil, je me retiens difficilement de lui sauter à la gorge :

- Ah ouais ? Bah heureusement que tu me le dis !

Soupirant, elle remballe ses affaires, faisant claquer chaque élément qu’elle empile et terminant par un regard glacial dans ma direction :

- Au début.

Ma bouche se referme plus vite que mon ombre. Lèvres pincées, Chloé attend de voir si je vais mordre à l’hameçon.

Elle n’a pas tort.

Elle le sait, je le sais, personne ne va le dire.

Le truc, c’est qu’avant tout ça, au moment où je venais d’arriver dans le service, pendant trois glorieuses semaines, elle et moi on s’entendait très bien.

Trop, vous diront certains.

Et puis ensuite… Peu importe.

- Laisse le passé où il est, je n’ai pas l’intention de m’excuser.

Sa bouche fait un bruit bizarre, entre le dédain et l’incrédulité, avant qu’elle ne reprenne d’un ton faussement détaché :

- Garde tes excuses, Rosenberg, la seule chose que j’attends de toi est une explication.

Attrapant mes affaires, je me lève brusquement, la chaise crissant contre le sol :

- J’espère pour toi que t’es patiente.

C’est puéril, j’en ai conscience, mais j’éprouve une certaine satisfaction à l’entendre soupirer.

 

====

Dépitée, c’est carton en mains que je me dirige de l’autre côté du service. Mes collègues seraient ravis de déménager leurs affaires pour quitter le côté nord du bâtiment et retrouver le soleil, mais je ne pense qu’au “pourquoi” j’y vais.

Mon coeur se met à battre un peu plus vite au fur et à mesure que j’approche et je mets ça sur le compte de l’angoisse.

Michel m’attend au milieu du couloir, un air impassible sur le visage. Visiblement, il n’apprécie pas l'étendue de mon sacrifice à sa juste valeur.

Il dépose l’énorme pile de papiers qu’il tenait au dessus de mon carton et mes bras manquent de lâcher. Niveau galanterie, on repassera. 

- Claire, voici les informations relatives au dossier. Les locaux sont un peu chargés, mais vous pouvez vous installer en 12B ou occuper la salle de réunion en face du bureau de Chloé.

Mh… La 12B est une pièce borgne, minuscule et dont la moquette sent vaguement la transpiration. Ça ne me fait pas exactement rêver, mais j’aurais la paix.

D’un autre côté, la salle de réunion est entièrement vitrée et dispose d’une vue plongeante et ininterrompue sur Chloé. Sa simple présence suffit à me donner l’impression d’être jugée, si je dois subir son regard en plus…

 

 

8 avril 2019

Partie 2

 

Mes bras m’indiquent que j’ai plutôt intérêt à me décider rapidement si je ne veux pas tout réceptionner sur mes pieds donc je vais au plus proche : la salle de réunion.

Hors de question que je me terre dans un endroit miteux juste à cause d’elle !

La pièce est assez grande, composée d’une imposante table rectangulaire entourée de chaises ainsi que d’un bureau avec ordinateur. Il y a même le traditionnel panneau en liège géant pour y punaiser des informations pendant une présentation.

Me connaissant, si je me mets à la table, je vais réussir à la recouvrir de paperasse. Or, il vaut mieux que je reste organisée, je n’ai pas l’intention de m’éterniser dans cette collaboration forcée. Larguant mon carton sur la surface du bureau, je démarre l’ordinateur. Immédiatement une chose à laquelle je n’avais pas pensé me saute aux yeux. La salle est au milieu de l’espace et entièrement vitrée.

Immédiatement, je me sens comme un animal au zoo. Ce n’est pas le sentiment le plus agréable qui soit...

Je n’ai même pas le temps de battre un cil que Chloé pénètre dans la pièce, ordinateur portable dans les bras.

Sérieusement ?

Immédiatement sur la défensive face à ce que je considère comme étant une invasion, je croise les bras et demande d’un ton laissant paraître qu’il ne s’agit pas de quelque chose qui me réjouit :

- Qu’est-ce que tu fais là ?

Elle dépose ce qu’elle porte sur la table et rétorque :

- Ça ne se voit pas ? Je viens profiter de l’aura de bonne humeur qui t’entoure.

Elle ponctue le tout d’un sourire mauvais et j’avoue, sa réplique est plutôt drôle. Heureusement, trop occupée à se glisser sous la table pour trouver une prise, elle n’en saura rien.

L’espace d’une fraction de seconde, mes yeux vont se poser sur la paire de fesses située directement dans ma ligne de vision, avant que je ne me reprenne.

On ne fraternise pas avec l’ennemi, Rosenberg.

Apprends de tes erreurs et prends-toi en main.

Et pas d’une manière sexy.

Chloé se redresse, époussetant sa tenue pourtant impeccable. Une mèche de cheveux d’un noir ébène s’est échappée de son chignon et c’est un petit miracle en soi vu comme ce monstre a l’air serré. Parfois je me demande si elle n’a pas un business alternatif de coiffeuse pour mariages ou je ne sais quoi.

J’aimerais bien, j’ai toujours rêvé de dénoncer quelqu’un au fisc.

Elle prend place à la table, dos à la porte vitrée et me fixe sans rien dire, bras croisés.

Honnêtement, je suis lasse de cette situation entre nous. La tension, les prises de tête.

Mais maintenir cette animosité, aussi puérile que ce soit, me permet d’être certaine qu’elle garde ses distances. Je l’ai laissée s’approcher une fois de trop.

Trop fière pour re-demander ce qu’elle veut, je m’installe face à elle et l’observe en retour. Puisqu’elle veut jouer au con, jouons !

Fuck, ses yeux sont vraiment magnifiques, d’un vert émeraude qui interpelle par son intensité.

Elle ne cligne pas des paupières, alors moi non plus.

C’est vraiment bizarre.

J’espère que personne ne nous regarde.

Ou s’ils le font, qu’on a l’air de faire un truc cool, comme communiquer par télépathie. Pas juste se regarder dans le blanc des yeux sans raison.

Après même pas dix secondes, j’ai peur d’être la première cow-girl moderne à se mettre à pleurer en plein duel. Mes paupières ont très clairement envie de faire leur boulot et je lutte pour les garder ouvertes alors même que mes yeux s’embuent.

En cet instant, je suis quasi certaine d’avoir l’air constipée.

Ses épaules se mettent à bouger en premier, puis c’est tout son corps qui est pris de soubresauts alors qu’elle se met à rire.

Humiliée, je me rappelle qu’elle porte parfois des lunettes, ce qui signifie qu’elle doit actuellement avoir des lentilles… Sale tricheuse !

Je me relève et demande d’un ton hautement ironique :

- La ferme ! Qu’est-ce qui me vaut le plaisir de ta venue ?

Elle cesse de rire, sans pour autant avoir la décence d’avoir l’air désolée, avant de faire un signe de tête en direction du bureau, annonçant :

- Michel t’a filé l’unique version imprimée du dossier. Autant y jeter un coup d’œil ensemble.

- Mh.

Toujours agacée par son attitude, je marche jusqu’au bureau en prenant bien soin de taper des pieds. Oui, j’ai la maturité émotionnelle d’un enfant de quatre ans, allez vous faire voir !

J’attrape l’énorme dossier cartonné et vais m’installer à côté de ma collègue, sachant que me mettre en face ne serait pas pratique. A l’instant même où elle se décale pour me laisser approcher, je sens son odeur caractéristique : un mélange d’assouplissant et de parfum floral.

Elle s’apprête à plonger immédiatement dans le vif du sujet (et je m’en voudrais de la retenir trop longtemps !) mais je place ma main sur la couverture du dossier avant qu’elle ne puisse l’ouvrir :

- Il peut y avoir des clichés sensibles, une seconde.

- Bien pensé.

Je fronce les sourcils devant sa réponse, me relevant pour abaisser les persiennes de la pièce, seule la porte vitrée restant comme elle est. Elle n’a pas saisi la dynamique de nos interactions ou quoi ?

Avec ses conneries j’ai peur de me retourner. S’il faut elle est déjà en train de me tricoter un bracelet de l’amitié. Si c’est le cas, j’y rajouterai quelques perles octogonales pour qu’elle le sente mieux passer quand je lui enfilerai là où je pense.

Mon sourire sadique est remplacé par un lever d’yeux au ciel en constatant qu’elle est encore et toujours en train de me fixer.

Qu’elle prenne une photo, ça durera plus longtemps.

M’étant montrée suffisamment puérile pour la journée, je garde mes pensées pour moi et prends place.

Voyons quel genre de clichés ce pervers s’amuse à placader. Étant donné qu’elle est en train de boire à sa bouteille d’eau, je prends la liberté d’ouvrir le dossier.

Immédiatement, j’émets un son à la dignité discutable et referme le battant en carton, tandis que Chloé part dans une quinte de toux.

Oh mon dieu !

Il n’avait pas précisé, mais à l’instant même où Michel a indiqué qu’il s’agissait de clichés à caractère sexuel, je m’attendais à quelque chose de très... phallique.

Le next level de la dick pic non sollicitée, affichée partout par un militant de l’érection libre.

Mais non.

Je jette un coup d’œil en coin à Chloé, potentiellement en train de mourir à côté de moi, qui recule sa chaise pour mieux pouvoir se pencher et cracher ses poumons.

Profitant de l’occasion, je lève une main et viens l’abattre à plat au centre de son dos, m’apprêtant à renouveler l’opération avant d’être arrêtée net d’un simple regard distinctement assassin adressé à mon attention.

- Oh ça va, j’essayais de rendre service !

Je ré-ouvre avec appréhension le dossier et pose mes yeux sur le cliché en haut de la pile.

Oui, j’avais bien vu la première fois.

Une foufoune en gros plan. Genre microcosmos rencontre le télescope de la nasa, gros plan.

Voilà voilà...

Ce n’est vraiment pas le genre de clichés très haute définition qu’on a envie de regarder avec des collègues. En tout cas, pas dans mon corps de métier.

Voulant détendre l’atmosphère soudainement chargée, je dis :

- Plus qu’à trouver qui possède à la fois du très bon matériel de photographie et des goûts discutables… Facile.

Chloé m’adresse un sourire timide, visiblement aussi peu à l’aise que moi.

D’une main hésitante, elle soulève le premier cliché afin que l’on puisse voir celle du dessous. Elle comme moi sommes soulagées de constater qu’elle est “moins pire”. Il s’agit cette fois d’un cliché ayant pour vocation de nous mettre à la place de la personne sur la photo. L’angle de vue est positionné juste au-dessus de la poitrine et l’on peut voir un ventre plat et une main visiblement occupée entre des cuisses écartées.

Déglutissant, Chloé se met à parler, vraisemblablement plus pour avoir quelque chose à faire que pour apporter sa pierre à l’édifice :

- Notre suspecte est en bonne forme physique… Mais en même temps, ça se passe dans une salle de sport.

Prenant bien soin de ne pas croiser son regard, j’ajoute :

- Sans compter que rien ne nous indique que les photos sont récentes, ni qu'elle sont de la personne qui colle les "affiches". Le sujet pourrait très bien faire 150kg. 

- C’est vrai.

On passe les clichés suivantes en revue et il paraît très vite évident que l’on fait tout pour ne pas laisser la gêne s’installer, mais ce n’est pas chose facile. Après tout, on n’est plus exactement proches, donc si j’avais dû choisir quelqu’un avec qui regarder du contenu érotico-porno, elle aurait probablement été tout en bas de la liste. Mon seul lot de consolation est que sur la demi-douzaine de photos, excepté pour la première, le reste du temps une main cache le sexe du modèle.

Heureusement, le supplice prend fin pour être remplacé par un autre : les rapports écrits.

On lit la déposition de la patronne du club, prenant bien soin de noter les dates des incidents. À priori ils se sont déroulés les mardis et jeudi soir, ce qui n’arrange pas nos affaires car ce sont les jours où il y a le plus de cours collectifs organisés. Apparemment, les personnes ayant trouvé les « affiches » sont venues les déposer à l’accueil mais n’ont pas été entendus en nos locaux.

La responsable nous a communiqué la liste des clients de la salle ainsi qu’un extrait du logiciel de scan des cartes d’abonnés. Avec ça, on saura qui a pointé présent les jours des faits. Malheureusement, étant donné qu’il y a une offre “un abonnement pour deux”, il est possible voire même probable que notre suspecte soit venue en tant qu’invitée et que son nom ne figure pas sur la liste…

Un post-it est collé sur l’une des dernières pages, nous communiquant le mot de passe du dossier sécurisé sur l’intranet dans lequel les éléments du dossier ont été déposés.

Me laissant la version papier, Chloé s’empare de son PC portable et y accède. J’en profite pour prendre mes distances, contente que la salle soit immense. La collaboration forcée combinée à la promiscuité aurait été trop pour moi je crois.

J’ouvre les persiennes et m’installe au bureau, relisant les informations à notre disposition, commençant à recouper les éléments.

Une demi-heure plus tard, Chloé émet un petit bruit de confusion qui me fait sortir le nez de ma paperasse.

Levant les yeux dans sa direction, je l’interroge du regard.

- Je crois que l’on cherche deux personnes.

Je fronce les sourcils en entendant ça. Deux personnes ? Genre photographe et modèle (si on peut appeler ça comme ça) ?

- Comment ça ?

Les joues de Chloé prennent une teinte rouge vif, faisant ressortir ses yeux verts et c’est un ton limite penaud qu’elle m’annonce :

- Je pense que ce n’est pas le même sexe sur toutes les photos.

Mes sourcils partent fusionner avec mon cuir chevelu. Pardon ? C’est quoi cette histoire ?

Intriguée, je m’approche et me rassieds à sa gauche.

Face à mon air confus, elle décale son PC portable entre nous, me permettant de voir de quoi il retourne.  

Elle ouvre et fait glisser l’une des photographies sur le bord de droite de l’écran, faisant de même avec une autre sur le bord gauche, nous permettant de les comparer. L’une est le premier gros plan vomitif, l’autre une photo de masturbation. Le sexe est moitié dissimulé derrière une main de femme.

Euh… Je ne suis pas sûre de savoir ce que je suis supposée y voir. Je me tourne vers elle, un air interrogatif sur le visage, pas certaine de savoir comment formuler mes doutes.

Comprenant où je veux en venir, Chloé rougit de plus belle avant de pointer l’écran du bout de l'index, s’approchant :

- Là, regarde.

Elle zoome et à côté des doigts, on voit un point noir qui n’est pas présent sur l’autre cliché.

- Mouais, je ne sais pas trop. C’est flou, ça pourrait être n’importe quoi.

- C’est un grain de beauté, j’en suis quasi sûre.

La confiance en soi peut être une qualité plaisante à petites doses, mais là on est clairement dans l’excès. Agacée, je réponds avec un peu plus de vitriol que prévu :

- Si tu le dis, après tout, c’est ton domaine de prédilection.

Doigt toujours sur l’écran, elle tourne la tête dans ma direction, sourcils froncés, clairement sur la défensive :

- Ça veut dire quoi ça ?

Pour une fois qu’elle ne reste pas indifférente face à mes agressions, je n’en perds pas une miette :

- Oh allez, à d’autres, tombeuse. T’as du en voir un bon paquet non?

Ses lèvres se pincent, ses narines se dilatent et les muscles de sa mâchoire se contractent violemment. Je ne peux même pas vous dire à quel point c’est agréable de voir Chloé lutter pour rester maîtresse d’elle-même. D’ordinaire, elle est toujours composée, limite froide. Là, ses yeux sont vibrants et dangereux, quasiment aussi noirs que ses cheveux.

La tension est à son comble et je m’attends à ce qu’elle me saute à la gorge d’une seconde à l’autre, lorsque la porte vitrée s’ouvre derrière nous, nous faisant sursauter.

Chloé a le réflexe de rabattre l’écran de son PC, mais clairement, c’est beaucoup trop tard.

Emilie, immense sourire aux lèvres, referme derrière elle et nous dépose des DVD sur la table :

- Ne vous dérangez surtout pas pour moi… Mais attendez au moins que je sois partie pour agir sur la tension sexuelle entre vous.

Je vais la buter.

J’ai toujours refusé de lui dire pourquoi les choses se sont dégradées entre nous du jour au lendemain, alors elle a pris sur elle d’inventer des théories fumantes.  

Maintenant qu’elle nous a surprises, face à face, les têtes à 4 millimètres de photographies pornographiques, Emilie ne me laissera jamais en voir le bout.

Sachant qu’elle ne le prendra pas mal, je la remballe sans concession :

- Occupe-toi de ton enquête et arrête de mettre ton nez dans celles des autres.

- Oh je ne mets mon nez nulle part, moi. C’est pas ma faute si vous avez choisi un espace intégralement vitré alors que vous aviez connaissance de la nature de l’affaire ! Et je ne parle même pas des regards que vous vous lancez. A votre place, je songerai à faire payer, vous tenez quelque chose les filles.

Chloé lève les yeux au ciel et expire lentement, comme pour se calmer, avant de demander d’une voix totalement neutre :

-  Qu’est-ce que c’est ?

- Les enregistrements des caméras de vidéosurveillance.

- Nickel. Merci.

Et par nickel, il faut comprendre : youpi youpi tralala…

Les émissions de télé sur la police montrent rarement l’envers du décor. La plupart du temps, on est très loin des courses poursuites haletantes et de l’action non-stop. Ce genre d’enquête est nettement moins glamour et peut durer des mois. Et croyez-moi, personne n’aime éplucher les factures détaillées (fadettes pour les intimes) des suspects pendant des heures, le tout sans garantie de résultat.

- Bon sur ce, je vous laisse.

Sans attendre de réponse, Emilie repart comme elle est venue.

Je recule ma chaise, mettant de l’espace entre nous, n’osant pas regarder Chloé.

Même si j’en pense chaque mot, je me suis laissée emporter par mes émotions et n’aurais pas dû l’agresser de la sorte. Elle n’en vaut pas la peine :

- J’ai été trop loin, désolée.

Mes excuses sont minables, mais ont le mérite d’exister. Il ne faut pas perdre de vue notre objectif : trouver la personne derrière tout ça. Le reste importe peu.

N’importe plus.

Dans mon champ de vision, Chloé passe ses mains sur son visage, avant de relever la tête, demandant d’une voix éreintée :

- Claire, je... J’aimerais juste comprendre pourquoi.

Pour toute réponse, je me relève en silence, retournant à mon bureau, soulagée de pouvoir mettre de la distance entre nous.

A chaque fois que je pose les yeux sur elle, sur ses yeux verts expressifs, ses pommettes hautes, ses cheveux impeccablement coiffés, je suis ramenée quelques mois en arrière. Au sentiment d’humiliation. A la honte, au dégoût.

Alors non, on ne va pas en parler.

Venant croiser son regard, je nous recadre, on n’est pas là pour ça de toute manière :

- Comment tu veux répartir le boulot ?

Elle baisse les yeux, semblant momentanément accuser le coup, avant d’adopter un masque, le visage dénué d’expression :

- Le mieux c’est qu’on se sépare et qu’on fasse le point après. Tu préfères regarder les enregistrements vidéo et aller jeter un coup d’œil aux locaux sans attirer l’attention… ou entendre la patronne, qu’on ait quelque chose, une piste, n’importe quoi, parce que là on marche à l’aveugle ?  

 

16 avril 2019

Partie 3

 

- Tu te sens de t’occuper de la patronne ?

- Ouais, pas de problème.

- Ok, c’est parti alors.

Chloé me regarde, semblant vouloir dire quelque chose, avant d’acquiescer, ramasser ses affaires et quitter la pièce.

Bon vent.

===

[ Le lendemain ]

Je décide de commencer par les enregistrements, pour pouvoir mieux savoir quels champs sont couverts par les caméras et quelles zones sont situées dans un angle mort. Honnêtement, j’ai très peu d’espoir de sortir quoi que ce soit d’intéressant de ce visionnage.

Les clichés ont été scotchés à même les parois des cabines des vestiaires, où l’activité n’est bien évidemment pas sous surveillance. Du moins j’espère.

Mais bon, sait-on jamais, peut être que cela me permettra de repérer quelques personnes louches.

Je m’installe sur la chaise droite du bureau, sachant que j’aurais les fesses en bouillie d’ici peu. Les persiennes restent ouvertes et même si je suis moins qu’enchantée à l’idée que tout le monde va pouvoir me voir, ça m’évitera de m’assoupir.

4h plus tard.

Ugh. Je regrette tous mes choix de vie alors que je bataille vaillamment pour retenir un énième bâillement. Franchement, j’aurais pu m’en tirer avec une audition, quelque chose d’interactif et de sympa, mais noooon, il a fallu que j’opte pour l’option “par derrière, sans vaseline”. Et si vous avez l’impression que j’exagère, sachez que la seule raison pour laquelle je suis toujours sur cette chaise inconfortable, c’est parce que je crains l’instant où le sang recommencera à circuler dans mon postérieur.

Grâce à l’heure indiquée sur les enregistrements, en recoupant avec le timing de scan des pass abonnés, j’ai pu effectuer une sorte de trombinoscope d’une partie des clients présents les soirs des faits. Comme on le craignait, il y a des inconnus venus en tant qu’accompagnants.

MAIS (bonne nouvelle), tous n’étaient pas présents tous les soirs des faits. Au final, il me reste une trentaine de suspects potentiels. Nettement mieux qu’au départ, mais ça reste encore un nombre important.

Je sens que mes yeux sont fatigués, ils n’arrêtent pas de cligner. Clairement, j’ai bien mérité ma petite sortie. Je passe par mon vrai bureau, attrapant le sac de sport que j’ai préparé et me rends à ma voiture.

C'est une fois affalée derrière le volant que je réalise. 

 

Merde, c’est quoi l’adresse déjà ? Réfléchis Claire, hors de question d’y retourner.

Mhh…

Bon, sinon j’ai qu’à me rendre dans le quartier et je regarderai sur mon téléphone.

 

Oui, voilà, ça fera l'affaire.

15 minutes après, j'arrive sur place.  

J'ouvre l'application Google Maps et recherche les salles de sport à proximité.

Oh merde, il y en a un paquet pour une si petite zone.

Je fais défiler la liste des retours potentiels et finis par reconnaître le nom de notre salle.

Je m’y rends à grandes enjambées, sachant que je pourrais rentrer chez moi après. On est dans l’hyper centre ville, en zone piétonne et ce n'est pas une surprise que de trouver une superbe façade en pierre de taille. Situé à proximité du métro et proche des boutiques, l'emplacement est idéal mais doit coûter plus cher qu’un trimestre de mes salaires.

Je rentre et donne mon nom à la réceptionniste afin de bénéficier de l’offre d’essai gratuit. C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour pouvoir jeter un coup d’oeil l’air de rien.

Le temps qu’elle crée mon compte, je repère la caméra qui couvre l'entrée. Après avoir passé ma matinée derrière l'écran, je sais qu'il y en a d’autres, mais c’est la seule qui est réellement exploitable dans le cadre de l’affaire.

Mon interlocutrice m'indique l'emplacement des vestiaires, j'emprunte donc le couloir face à moi, passant le placard à balai et une issue de secours. Il faudra que je demande si elle est sous alarme, que l’on sache s’il s’agit d’une potentielle porte de fuite pour le ou la coupable.

Les vestiaires ressemblent à ceux d’une piscine. Les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, un mur de séparation au milieu. Quelque part, ça conforte mon impression que l’auteure des faits est une femme. S’il venait à se faire surprendre du mauvais côté, un mec passerait immédiatement pour un pervers et serait probablement signalé, ce serait trop risqué. D’un autre côté, peut être que quelque chose à été placardé côté garçons mais qu’aucun d’entre eux n’a trouvé quoi que ce soit à y redire…

Un frisson me parcourt en réalisant que certains seraient peut-être même contents d’une telle trouvaille.  

Bref.

D’un côté se trouvent des cabines, comme celles qu’on peut trouver dans les magasins pour les essayages, de l’autre, une rangée de casiers.

Sortant mon téléphone et profitant que les lieux soient vides, je prends une série de photos afin de me les envoyer sur mon adresse pro. C’est en voulant le faire que je réalise que nous sommes dans un vieux bâtiment et que je n’ai absolument pas de réseau. Partie remise j’imagine.

Optant pour me changer dans la cabine du fond, je me demande si les clichés ont tous été scotchés dans la même, car certaines sont plus en vue que d’autres. Je prends mon temps pour enfiler ma tenue de sport, essayant de m’imprégner des lieux.

====

Sans demander l’autorisation, je m’installe sur le siège en plastique de l’autre côté du bureau de Chloé.

- Alors ?

Sans relever la tête, elle continue d’écrire et prend la parole d’un ton monocorde :

- Bonjour à toi également, Claire.

- Bonjour. Alors ?

Elle dépose son stylo, croise les mains et annonce :

- C’est un miracle qu’il reste des cheveux sur ma tête. Non seulement elle me prenait clairement de haut, mais en plus elle était désagréable au possible.

Souriant, je demande :  

- Plus que moi ?

- N’exagère pas quand même !

Lui administrant un regard noir, j’annonce :

- Quoi qu’elle ait pu faire, ma journée était pire.

- J’en doute. Après avoir passé trois heures trente en sa compagnie, les conclusions que j’ai pu en tirer sont maigres.

- Raconte, je te dirais ce que j’ai après.

- En gros, elle est issue d’un milieu très riche et a investi dans ce business parce que cette franchise rapporte beaucoup. Tu vois le cliché de la bourgeoise proprette, accent très chic, qui regarde nous autres manants de haut ? Bah c’est elle. Elle ne sait pas qui a découvert les clichés, n’a pas posé de questions pour ne pas que ça se sache et m’a juré ne pas avoir d’ennemis. Vu son abjecte personnalité, j’en doute fortement. J’ai perdu une après-midi de ma vie à essayer de l’aider, tout ça pour qu’elle m’indique qu’il serait de bonne augure que je travaille sur mes manières, étant un peu rustre. En résumé : mobile, suspects, indices, rien. Remarques désobligeantes : beaucoup trop.

Outch.

Malgré moi, je souris. Le malheur des uns fait le bonheur des autres… Finalement je ne m'en tire pas si mal. Je regrette juste d’avoir raté ça et aussi un peu de ne pas avoir réalisé l’audition moi même, ça aurait pu être drôle. Chloé, rustre. Hahaha. Si elle m'avait eue en face, elle aurait certainement fait une syncope. 

- Si ça peut te consoler, après plusieurs heures passées à inspecter des vidéos de surveillance aussi passionnantes que de regarder de la peinture sécher, j’ai réalisé une sorte de trombinoscope des personnes présentes les soirs des faits.

Je fais glisser une version imprimée dans sa direction, la laissant en prendre connaissance tandis que je reprends la parole : 

- On a à présent une trentaine de suspects, pas tous identifiés. Et je me suis rendue sur place, comme prévu. J’ai pris quelques photos de la disposition des lieux, elles sont dans le dossier. Rien de fantastique et je confirme que la seule caméra exploitable est celle de l'entrée... 

Chloé pianote sur son PC, accédant aux clichés.

- Ok… Bon boulot. Même si on n’est pas vraiment plus avancées... Qu’est-ce qui pourrait avoir déclenché ce soudain “affichage” ?

Secouant la tête, je croise les jambes et annonce :

- Vendetta contre la patronne, exhibitionnisme, vengeance contre une ex, déclaration d’amour… T’en sais autant que moi, ça pourrait être tout et n’importe quoi, pour l’instant il ne faut écarter aucune supposition, aussi farfelue soit-elle.

Chloé lève un sourcil, un sourire au coins des lèvres :

- Déclaration d’amour ?

Haussant les épaules, je m’explique :

- Certaines personnes sont vraiment bizarres, ne les juge pas.

 

Un sourire totalement incrédule gagne ses lèvres, alors qu'elle me donne la réplique d'un ton moqueur :

- C’est toi que je juge en ce moment.

- Bref. T’as des suggestions pour la suite ? Jérôme et Sydney pourront pas nous aider si ce n'est niveau accessoires, on capte que dalle à l’intérieur.

- Et toi et moi on ne pourrait pas s’installer quelque part dans les locaux ? Planter un micro dans les vestaires ? 

Ça me rappelle quelque chose…

=====

[ Quelques mois plus tôt ]

- Elle est juste superbe, tu trouves pas ? Mate mate mate !

A mes côtés, Emilie semble complètement insensible aux charmes de la collègue que je reluque, sirotant sa bière et répondant d’un ton ironique :

- Oh si, je regrette de ne pas avoir mis de culotte dis donc dis donc.

Je lui adresse un regard noir, ponctuant ça d’une remarque désobligeante :

- Tu sers vraiment à rien. Je comptais sur toi pour être ma coach de drague !

Emilie se tourne vers moi et éclate de rire :

- Moi ? Chérie, je suis tellement seule que si j’écartais les jambes, il y aurait sûrement une colonie de chauves-souris qui en profiterait pour se faire la malle… Si je suis ton dernier espoir, t’es dans la merde.

Voyant qu’en disant ça, elle a sévèrement entamé mon enthousiasme, elle tente immédiatement de se rattraper :

- Je sais ! Et si toi et moi on allait s’installer à leur table ?

J’observe ma collègue et amie avec des yeux ronds. Ça y est. Je savais que ce n’était qu’une question de temps, mais ça a été encore plus rapide que prévu. Elle a perdu la boule.

- Hmmm… Ou pas ? Tu les connais ?

- Oui, vaguement, de nom. Mais ta future femme est avec eux, ça va le faire.

- Donc la réponse est non. Et ne l’appelle pas comme ça.

- Allez, relax, j’ai un plan. Et vis un peu, qu’est-ce que tu risques à tenter ta chance ?

Voyons… me faire jeter comme une merde ? Qu’elle me rie au nez ? La perte du peu de confiance en moi qu’il me reste ?

Après tout, je n’ai pas la moindre idée de sa sexualité. Tout ce que je sais avec certitude, c’est qu’elle a refusé ou s’est montrée insensible aux avances de tellement d’hommes que certains commencent à se poser des questions. Et aussi qu’avec ses yeux verts et ses cheveux ébène, elle est à tomber à la renverse…

Ça fait plusieurs semaines que l’on passe du temps ensemble en dehors du travail, juste comme ça. Pile assez pour que je développe un coup de coeur digne d’une ado. Plus je la côtoie, plus elle me plaît et maintenant c’est totalement hors de contrôle.

Sans attendre de réponse de ma part, Emilie se lève, m’attrape le bras d’une poigne de fer et me traîne jusqu’à la table autour de laquelle sont affairés nos collègues.

Sans gêne, elle s’y installe et demande :

- Hey. Avec Claire on se demandait si vous étiez intéressés par une partie de fléchettes ?

Immédiatement, les mecs refusent, étant clairement trop éméchés pour l’exercice.

Je sens le regard de Chloé sur moi et n’ose pas vraiment l’observer alors qu’elle répond “ouais, avec plaisir”.

Je la suis et affronte ma première épreuve : ne pas regarder ses fesses. L’uniforme lui réussit déjà très bien, mais pour cette soirée “détente”, elle porte un jeans près du corps, un haut noir épuré et j’ai cru observer une veste en cuir en arrivant. Autant dire que si vous entendez le bruit de quelque chose qui tombe, c'est probablement mes sous vêtements !

Elle fronce les sourcils, observant quelque chose par dessus mon épaule.

Me retournant, je ne peux que constater qu'Emilie n'a pas quitté la table.

Oh bordel.

Je ne perds pas de temps avant de l'interpeller, lui faisant les gros yeux :

- Tu fais quoi ? On t'attends !

Elle m’adresse un sourire en coin qui me fait immédiatement regretter de lui avoir fait confiance :

- Jouez toutes les deux, à trois ce serait bizarre.

Chloé et moi nous regardons, consciente qu’il s’agit d’une excuse totalement merdique. C’est franchement pas cool de la part d’Emilie. Soudainement, je suis tentée d'aller faire l'acquisition de mort aux rats afin d'en saupoudrer généreusement son café de demain. 

Je m’apprête à la menacer de sévices physiques si jamais elle ne venait pas dans la seconde, quand je sens une légère pression sur mon avant bras.

Elle me touche !

Je baisse les yeux pour vérifier, ce qui lui fait retirer sa main, un très léger blush aux joues :

- C’est pas grave, si ?

Bien évidemment, je m’empresse de la rassurer :

- Non, non ! Si ça te va, ça me va.

Mes efforts sont récompensés par un sourire qui me fait l’effet d’un coup de poing en plein coeur. Je ne sais pas pourquoi je réagis à ce point… Elle est magnifique, c’est clair, mais je ne sais pas, il y a quelque chose chez elle qui me fascine.

- 501 ça te va ?

J’acquiesce, profitant du fait qu’elle s’occupe de régler le mode de jeu pour m’auto encourager : ce soir, je passe la seconde.

Qu’elle me repousse ou non, il faut que je sois fixée.  

Je dépose ma bière sur le tonneau qui sert de table à proximité, m’accoudant avec plus de nonchalance que je n’en ressens.

Chloé se retourne et me demande :

- Tu veux commencer ?

- A toi l’honneur, je t’en prie.

Elle se retourne et vise, tirant la langue.

Ce n’est que lorsque sa première fléchette frôle le triple vingt que je réalise que j’ai plutôt intérêt à m’appliquer si je veux avoir une chance de l’impressionner.

Optant visiblement pour la sécurité, les deux fléchettes suivantes se contentent d’un vingt.

Alors qu’elle se dirige vers la cible pour les retirer, je me mets en mouvement. M’approchant, je place ma main dans le bas de son dos, priant pour ne pas me faire gifler :

- Laisse, je m’en occupe.

Chloé se retourne partiellement, son regard étonné venant croiser le mien. Je ne suis pas du tout tactile, elle le sait très bien.

On s’observe mutuellement pendant 2 à 3 secondes et je suis ravie qu’elle ne fasse pas le moindre mouvement pour se dérober ou faire cesser le contact. C’est bon signe.

Finalement, la surprise s’efface et elle me sourit, déposant la fléchette détachée au creux de ma paume.

Je retire mon bras et pivote sur mes talons, la libérant sans pour autant me reculer.

Son regard émeraude va très brièvement se poser sur mes lèvres alors qu’elle me frôle pour partir récupérer son verre et je me tourne rapidement vers la cible pour dissimuler mon sourire.

YES YES YES !

Que je gagne cette partie ou non, j’ai réellement l’impression d’avoir marqué des points.

Je me positionne à la distance réglementaire et joue mes trois coups. Près de 120 points en tout. Décidément, j’assure grave sur tous les tableaux ce soir !

Frôlant l’arrogance, je jette un regard satisfait à Chloé et vais détacher mes fléchettes.

Le reste de la partie se déroule quasi normalement, excepté des contacts somme toute innocents, mais répétés. C’est elle qui m’a “caressé” la main en récupérant ses fléchettes, c’est moi qui ai empiété sur son espace vital soit disant pour récupérer ma bière…

Je n’ose pas regarder en direction de la table où se trouvent ses collègues et Emilie, par peur qu’ils n’aient repéré notre petit manège.

La partie est serrée, mais je finis par l’emporter d’une très courte tête. Autant dire qu'elle va en entendre parler ! 

Avant même que je ne puisse me la péter, Chloé demande :

- On va dehors prendre l’air deux minutes ?

- Je te suis.

On franchit la porte et elle s’engage dans la rue adjacente :

- Ici on peut profiter encore un peu du soleil.

J’espère secrètement qu’elle m’a amenée à l’abri des regards indiscrets parce qu’elle souhaite faire quelque chose sans que nos collègues ne nous voient plutôt que par réelle envie d’air pur.

Je m’adosse au bâtiment, prenant un instant pour observer la manière dont le soleil met en valeur ses cheveux noirs, avant de demander :

- Du coup, qu’est-ce que je gagne ?

Elle glisse ses mains dans ses poches arrières, adoptant un air amusé avant de demander très sérieusement, une touche de défi dans sa voix :

- Je sais pas, qu’est-ce que tu veux ?

Maintenant ou jamais…

Me détachant du mur, je viens me positionner face à elle, à une dizaine de centimètres, pas plus.

Mon coeur s’emballe, n’ayant aucune certitude.

S’il faut, je me suis fait des idées, tout est dans ma tête et je m’apprête à ruiner ce qu’il y a entre nous.

Le vert dans ses yeux se fait de plus en plus discret mais elle ne bouge pas d’un pouce, pas même lorsque je joue avec une mèche de ses cheveux, remontant jusqu’à passer ma main à l’arrière de sa tête, mes intentions claires.

Mon regard se porte sur ses lèvres et je m’apprête à franchir les derniers centimètres lorsque je sens sa main sur mon épaule, exerçant une légère pression, m’incitant à prendre mes distances.

Je ferme les yeux et fais trois pas en arrière, ne sachant pas quoi dire ni faire.

Fuck.

Fais chier !

Comment j’ai pu y croire ?

On joue pas dans la même cour, c’est évident ! Elle s’est montrée sympa, m’a laissée voir ce qu’il se cache derrière ses airs un peu froids et débile que je suis, j’ai interprété ça comme ça m’arrangeait.

Mon auto-flagellation est interrompue par Chloé elle même :

- Claire...

J’ouvre les yeux et développe une soudaine fascination pour le goudron à mes pieds. Les ouvriers ont fait du bon travail.

- Je... Désolée. Ça ne se reproduira pas.

Je la vois s’approcher et n’ai pas le coeur à résister lorsqu’elle glisse sa main sous mon menton, m’encourageant à venir croiser son regard.

J’ai toutes les peines du monde à m’exécuter, n’ayant pas envie de voir la colère ou pire, la pitié dans son regard émeraude.

Elle m’adresse un sourire franc que je ne sais pas comment interpréter jusqu’à ce qu’elle prenne la parole :

- Est-ce que ça te dirait qu'on dîne ensemble demain soir ?

Fort heureusement pour moi, ses doigts sont toujours sous ma mâchoire, sans quoi elle serait certainement venue se briser à même le sol.

Elle m’a arrêtée parce qu’elle veut m’emmener en rancard ? Ou est-ce qu'elle veut juste traîner ensemble ?

Avec ces conneries, j’ai peur de tirer de mauvaises conclusions et aussi de demander.

Sentant mon hésitation, Chloé s’empare de ma main, entrelaçant nos doigts avant de reprendre la parole :

- Juste toi et moi, ça te tente ?

- C'est… ce que je crois ?

Elle me sourit et hausse les épaules, un air malicieux sur le visage :

- Accepte et tu sauras.

Rah, comment vous voulez que je lui refuse quoi que ce soit, alors que ses yeux verts pétillent et que ses cheveux volètent légèrement dans la brise, le tout au soleil couchant ?

 

======

[ Présent ]

J'arrive pas à y croire.

Oh la douce ironie.

Trois soirs que je suis enfermée dans ce maudit placard à écouter des conversations de vestiaire… Moi. La définition même de la lesbienne.

Si vous pensiez que votre vie avait touché le fond, c'est le moment de relativiser !

J'en peux plus. Sydney m'a filé une oreillette qui me fait hyper mal, je suis forcée d'endurer des conversations d'un niveau intellectuel proche de celui de la télé réalité et pour couronner le tout, je commence à développer un sérieux cas de claustrophobie.

Je jette un coup d'oeil à ma montre, soulagée de savoir que Chloé ne devrait pas tarder à me remplacer. À elle le glamour de cette merveilleuse planque, ça lui fera les pieds. Et j'espère qu'elle aura droit à une nouvelle édition de “oh la la t'as vu le prof comme il est bien gaulé ? Je te le dis, soit il aime vraiiiment beaucoup le saucisson de pays, soit il est monté comme un poney !”.

J'ai presque vomi dans ma bouche.

Fini le saucisson ! Plus jamais.  

En attendant, c'est moi qui vais rentrer chez moi avec toujours une vague odeur de serpillère et détergents dans le nez...

Le pire c'est que pour tout résultat, on a mis des prénoms sur les visages des quelques accompagnants inconnus grâce au visionnage en direct des images de vidéosurveillance. Pas exactement la meilleure utilisation que l'on peut faire de notre temps.

Chloé arrive avec quasiment dix minutes d'avance, vraiment bizarre étant donné que je suis certaine qu'elle n'a pas plus hâte que moi de commencer. Le temps qu'elle ouvre la porte, j'entrapercois son visage d'ordinaire impassible, qui cette fois laisse transparaître un certain agacement. Je me surprends à demander en chuchotant :

- Tout va comme vous voulez capt'aine sourire ?

Oui, le fait que je demande ça, c'est un peu l'hopital qui se fout de la charité, j'en ai conscience !

À travers le fin rai de lumière passant sous la porte, je devine à sa silhouette qu'elle dépose son sac à même le sol, soupirant avant de répondre :

- Non. Non seulement cette planque est de loin la pire de l'univers, on n'a pas avancé d'un poil, tu me détestes toujours sans raison, -.

Croisant les bras même si elle ne peut pas me voir, je rétorque :

- Il y a une raison !

- Oh pardon. Tu me détestes sans vouloir me dire pourquoi, mais en plus je viens de me faire passer un savon par Michel.

Notre commissaire, engueuler sa chouchou ? A ce rythme là, demain on va m'annoncer que la terre est plate... Evidemment, je suis intriguée. Et si elle pouvait me décrire en détail à quel point ça lui a brisé le coeur, ce serait un plus : 

- Ah ?

- Apparemment, notre chère patronne de club de gym est à la fois bonne amie avec le préfet et membre de la belle famille du commissaire. Quoi qu'il en soit, elle estime que nos mesures de surveillance sont à la fois désuètes et ridicules comparées à l'ampleur du problème. Oh et aussi que l'enquête n'avance pas assez vite.

Ça me coûte de le reconnaître, mais elle n'a pas totalement tort. Nos méthodes puent le désespoir, ça fait une semaine et l'on a rien si ce n'est une liste de suspects… Mais ce n'est pas exactement de notre faute. 

- Et qu'est ce que cette fine limière suggère ?

Chloé prend une grande inspiration, comme pour se calmer avant d'annoncer :

- Elle ? Rien. Michel veut que l'on passe la vitesse supérieure, qu'on aille sur le terrain sous couverture.

- Ensemble j'imagine ?

- Hmm. En tant que prof et abonnée ou amies allant à la salle ensemble.

Bien sûr.

Génial.

Manquait plus que ça.

Quoique ça veut dire plus de placard pour nous, ce qui est une victoire en soi.

- Ok… tu p- attends, chut, quelqu'un arrive.

Chloé et moi gardons le silence et retenons presque notre respiration alors que des pas rapides se font entendre. Je reconnais la voix de Gladys, qui travaille à l'accueil :

- Madame, votre collègue ne vous l’a pas dit ? Les horaires ont changé pour les semaines à venir,, il faudra revenir après minuit.

- Tsk. Non. J'ai pas signé un contrat de nuit, je dérangerai pas vous inquiétez pas, la musique des cours collectifs est tellement forte qu'ils n'entendront même pas mon aspirateur.

Oh merde, c'est la femme de ménage.

Elles viennent ici.

La poignée de la porte s'abaisse et j'ai une poussée d'adrénaline soudaine. Je sais ce qu'elles vont trouver : deux femmes adultes, dans le noir, dans un placard comportant un aspirateur, un sceau et une serpillère, des produits ménagers et une chaise en plastique délocalisée pour que l'on ne soit pas à même le sol. On aura forcément l'air vraiment bizarres. Or, on est supposées rester incognito pour le bien de l'enquête. Même la réceptionniste ignore la raison de notre présence.

Que faire ?

 

 

20 octobre 2019

Hors Limites - Partie 7

Kara ne m’a pas parlé ni envoyé de message depuis quasiment 24h. Et je pense qu’elle m’évite. Mais étant donné qu’elle a soudainement décidé de passer du temps avec son frère, ce n’est pas comme si je pouvais aller la confronter là-dessus.

J’entends frapper et n’hésite pas à dire « entrez » dans l’espoir que je puisse enfin m’expliquer. En y réfléchissant, je me suis reculée comme si j’avais soudainement réalisé qu’elle me dégoûtait… Ce qui n’est évidemment pas le cas.

Malheureusement, c’est Nathan qui pénètre dans la pièce :

– Hey.

– Hey.

Désignant mon lit, il demande :

– Je peux m’asseoir ?

– Fais comme chez toi.

N’étant pas vraiment d’humeur à faire la conversation, je continue de travailler la mousse thermoformable qui viendra servir d’épaulette, attendant qu’il parle.

– Ça va Naomi ?

Levant la tête le temps de lui jeter un coup d’œil, je lui fais un mini sourire et lance :

– Oui oui, désolée je suis concentrée.

– Je peux repasser si tu préfères.

– Non c’est ok, qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

– Aaron est venu me demander si tu lui fais la gueule.

Détournant le regard, je réponds :

– Non, pas du tout.

– C’est l’impression qu’il a. Et maintenant qu’il me l’a fait remarquer, j’aurais tendance à être d’accord avec lui.

Nathan aurait pu dire à Aaron que j’ai le béguin pour Kara, mais a gardé le secret, comme il avait annoncé qu’il le ferait. Je pourrais peut-être lui en dire un peu plus, juste en ce qui me concerne. Vider mon sac, même partiellement, ne me fera pas de mal.

Déposant mon travail sur le bureau, je vais m’asseoir à côté de lui sur le lit. Épaules voutées et tête basse, je me décide à avouer :

– Je passe moins de temps avec lui parce que je me sens coupable. Je lui avais promis que je n’approcherais pas sa petite sœur et c’est la seule chose que j’ai envie de faire...

Nathan place une main sur ma cuisse et demande en grimaçant :

– Ce que tu ressens, c’est juste… Sexuel ?

Hochant la tête à la négative, je reste silencieuse, prête à le reconnaître, mais pas à l’admettre à voix haute.

– Je vois. Et Kara ?

Dans l’accord que j’ai passé avec elle, il était question de garder ça entre nous et je ne veux pas trahir sa confiance, alors mieux vaut faire comme si je l’ignorais :

– J’ai l’impression qu’il y a quelque chose de son côté aussi. Pfff, je sais pas quoi faire.

– Tu devrais en parler à Aaron.

– Tu plaisantes ? Il me tuerait et je n’en verrais jamais la fin. Sans parler du fait que Kara serait probablement séquestrée dans la minute.

– Du peu que j’en ai vu, je suis persuadé qu’elle arrivera très bien à se défendre. C’est juste… Plus t’attends, pire ce sera.

– Pas si ça me passe.

Il me regarde d’un air désolé :

– Naomi. Ça fait un bon moment que je te connais et t’as toujours été du genre à agir sans réfléchir quand une fille te plaît. Le fait que tu hésites et résistes en dit long.

– Je veux pas trahir la confiance d’Aaron.

– Je crois qu’il n’y a pas que ça.

Agacée par son insistance, je décide de souligner un contre-argument qui ne doit pas faire de doute de son côté :

– Elle est hétéro.

– Depuis quand ça t’arrête ?

Il marque un point, mais il est hors de question que je le reconnaisse. Et il est temps qu’il s’en aille :

– En tout cas merci de m’avoir prévenue !

Ma tentative d’éviction est accueillie par un rire et il se lève avant de demander :

– Et pour Nina… ?

Oh, la fille de la fête. Euh… Je ne vais pas lui faire l’affront de sortir les banalités usuelles type « elle est très gentille, mais... ».

– J’ai pas trop la tête aux nouvelles rencontres en ce moment, je suis un peu paumée.

– Pas de problème, je passerai le message si jamais ce n’était pas déjà clair.

Il se dirige vers la porte, l’ouvre et lance :

– Essaie de faire un pas vers lui.

– Mhh. Je le ferai.

 

===========================

 

Tu devrais travailler Naomi.

C’est pas sérieux.

Accessoirement, regarder compulsivement le stream de la fille que tu ne peux pas vraiment avoir ne risque pas d’aider ton léger problème d’obsession.

Quoiqu’il paraît que l’on peut guérir le mal par le mal, avec du bol…  

Et puis après tout, tu faisais ça avant de la connaître et de fricoter avec, donc c’est moins flippant, non ?

Ma mauvaise foi m’ayant fourni de quoi justifier mon comportement, je continue.

J’ai l’impression qu’elle est moins enjouée que d’habitude et suis confortée de savoir que la paranoïa ne s’ajoute pas à la liste grandissante de mes qualités lorsque quelques fidèles lui demandent si ça va.

Kara plisse le nez et décide de parler :

– Vous êtes mignons. Oui ça va, je suis juste un peu préoccupée, ne vous inquiétez pas.

Elle ponctue sa phrase par un vague sourire supposé rassurer et je ne suis sûrement pas la seule à ne pas être convaincue.

Vu l’heure, la diffusion devrait prendre fin d’ici quelques minutes et j’irai lui parler.

Bien sûr, je n’irais pas me vanter de l’avoir regardée et encore moins d’être suffisamment présomptueuse pour penser que son humeur est étroitement liée à notre situation.

Il est temps que j’arrête de jouer avec ses sentiments comme les miens et que je me lance. Elle vaut le coup de tenter. J’espère qu’Aaron se montrera compréhensif.

J’attends patiemment, soit en regardant ma montre toutes les 10 secondes, mon rythme cardiaque augmentant au fur et à mesure. D’un côté, j’ai peur de m’embarquer dans quelque chose dont je ne ressortirais pas intacte, mais de l’autre, l’issue m’a l’air inéluctable quoi que je fasse…

Dès que j’estime que c’est bon, je me mets en route vers sa chambre.

– Oui ?

Rentrant dans la pièce, je trouve Kara pensive, encore assise sur sa chaise de bureau, jambes tendues et pieds sur son lit.

Elle m’adresse à nouveau un sourire manquant de peps qui m’incite à me lancer :

– T’as deux minutes ?

– Pour toi ? Toujours !

M’avançant, je décide de ne pas tourner autour du pot :

– Tu m’évites ?

À l’air coupable qui passe en coup de vent sur son visage, je connais la réponse. Elle met quelques instants à prendre la parole :

– Naomi… je suis pas sûre de pouvoir continuer comme ça...

Mon cœur marque un temps d’arrêt au moment où je comprends le sens de ses mots, avant de repartir de plus belle. C’est d’une voix faiblarde que je reconnais à peine que je m’entends balbutier :

– Co… Comment ça ?

J’aurais dû m’en douter. Une fille comme Kara n’allait pas attendre éternellement alors que je joue les difficiles…

Soupirant, elle pose ses pieds au sol, se lève et vient attraper ma main avant de s’asseoir sur le lit.

Honnêtement, je suis le mouvement à moitié parce que je ne suis pas sûre que mes jambes vont continuer à me soutenir longtemps. J’ai l’impression d’être en train de me faire larguer, ce qui est ridicule étant donné que l’on n’est pas ensemble, car une imbécile persistait à se refuser et nier l’évidence.

Elle me plaît.

Beaucoup.

Probablement trop.

– J’ai essayé de suivre tes règles ou de te faire craquer, vois ça comme tu veux et quoi que je fasse, le résultat est le même : je finis incroyablement frustrée.

Elle marque une pause et j’attends qu’elle reprenne le cœur dans ma gorge. Et ce n’est pas comme si j’avais quelque chose à dire pour ma défense…

– Au fond, je crois qu’il vaut mieux ne pas t’avoir du tout que… ça.

J’ai l’impression de m’être faite assommer. Incapable de réfléchir, je reste juste là, complètement sous le choc.

Serrant brièvement ma main, elle m’incite à croiser son regard :

– Dis quelque chose…

J’ai limite envie de pleurer. J’espérais que cette discussion m’apporterait tout l’inverse…

– J’étais venue te dire que je voudrais… que j’aurais voulu en parler à ton frère.

Je me reprends en milieu de phrase en réalisant que j’arrive un poil trop tard.

Putain !

Fermant les yeux, je baisse la tête.

J’ai senti qu’elle se distançait et j’ai mis plus d’une journée à réagir !

C’est quoi mon problème ?

C’est pas comme ça que je risque de lui faire comprendre que ça compte pour moi aussi. Que je lui fais confiance pour ne pas me briser le cœur.

Lèvres pincées, je hoche la tête et lance :

– Je ferais mieux d’y aller.

N’attendant pas qu’elle réponde, je bondis en dehors de la pièce sans un regard en arrière et cours à moitié jusqu’à ma chambre. Fermant la porte, je m’installe au bord du lit et place mes coudes sur mes genoux, tête entre mes mains.

Immédiatement, mon subconscient débite une litanie d’insultes à mon intention qui ferait rougir un matelot.

Je n’ai pas le temps de m’apitoyer sur mon propre sort que ma porte s’ouvre sur Kara, l’air chamboulée.

Mon regard croise le sien et je ne cache pas l’effet que m’a fait son choix. Si elle est venue pour s’engueuler, elle n’aura qu’à repasser plus tard, j’ai pas le cœur à ça.

– C’est vrai ?

Je garde le silence, me contentant de hausser les épaules.

Qu’est-ce que ça change ?

Elle a besoin d’une confirmation, comme si c’était invraisemblable. C’est le signe ultime que j’ai merdé de bout en bout.

– Réponds-moi !

– Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Quoi qu’il arrive, ta décision est prise non ?

Mon ton est plein de reproches que je n’ai pas le droit de lui faire. J’ai mis une éternité à me lancer justement parce que j’avais peur qu’elle ne change d’avis, se dise que finalement ce n’est pas pour elle ou je ne sais quoi. Au fond, je savais peut-être que c’est ce qui allait se produire.

Elle s’accroupit devant moi et s’empare de mes poignets pour me faire baisser les bras :

– Hey… Naomi… Je suis désolée...

Je ne veux pas la regarder. Parce que si je le fais, je risque de craquer. Il faut que je me protège, elle ne prend visiblement pas les choses autant à cœur que moi. Et même si ma réaction paraît disproportionnée ou gamine, j’assume :

– Pas de problème. Je me doutais que ça allait se finir comme ça. Et au fond, c’est sûrement mieux.

Le ton faussement détaché que j’essaie d’adopter a l’air de la caresser à rebrousse-poil, si bien qu’elle demande dans un froncement de sourcils :

– Pourquoi tu dis ça ? On veut la même chose non ?

Lui faisant un petit sourire dépité, j’explique :

– Kara, le prends pas mal, mais non, on ne veut pas la même chose… Si j’ai autant hésité, c’est en partie en raison de ton frère, oui, mais encore plus par rapport à toi. J’avais peur que tu ne changes d’avis ou te lasse et que je me retrouve trois fois trop investie, alors que toi tu pourrais repasser dans un contexte amical en un clin d’œil...

Je ne le dis pas, mais deux choses paraissent évidentes :

  • la peur n’évite pas le danger et je suis déjà trois fois trop investie.
  • Elle peut effectivement tout balayer d’un coup, la preuve.

À l’instant où j’ai fini de parler, son visage se ferme. Elle reste parfaitement immobile, mais ça me paraît être le calme avant la tempête. Les muscles de sa mâchoire se contractent par intermittence et je m’attends à me faire crier dessus, mais elle est d’un stoïcisme absolu lorsqu’elle dit :

– Je vois.

Même si ce n’est pas le dénouement que j’espérais, je ne veux pas me la mettre à dos, c’est pourquoi j’entreprends d’arrondir les angles :

– Kara, c’était pas une attaque…

S’appuyant sur mes genoux pour se relever, elle me fixe droit dans les yeux avant de lancer :

– Non. C’était la vérité. Et j’avais besoin de l’entendre. J’avais pas envisagé les choses sous cet angle. Merci.

Elle quitte ma chambre, fermant doucement la porte derrière elle.

Euh…

Il vient de se passer quoi là au juste ?

Elle est fâchée ou non ?

Confuse, je m’affale en arrière, venant m’écraser sur le lit. Des journées comme ça je m’en passerais volontiers.

 

==================

 

Je me lève la tête dans le rectum, pas fraîche pour deux sous. Sachant qu’il y a une fête organisée pour moi ce soir, j’ai voulu aller au lit tôt hier. La seule chose dans laquelle je me suis couchée, c’est un lit de mensonges quand j’ai cru pouvoir m’endormir direct.

Traînant des pieds, j’arrive dans la cuisine où mes trois colocs sont déjà affairés. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’interagir avec Kara depuis notre « engueulade » et ne sais toujours pas à quoi m’en tenir.

– Hey.

– Oh, l’enfant d’anniversaire nous fait grâce de sa présence…

Lançant un regard noir à Aaron, je rétorque immédiatement :

– L’enfant d’anniversaire n’apprécie pas les colocataires sarcastiques de bon matin !

Nathan et Kara s’observent l’un l’autre d’un air entendu, visiblement amusés par ma répartie.

Dès l’instant où je suis à portée, tous deux se jettent sur moi en criant « sandwich », Nathan derrière et Kara devant, me serrant comme des fous pendant qu’Aaron prend une photo. Une fois que c’est fait, il repose son téléphone et se joint au burrito. Ils commencent à me chanter joyeux anniversaire en nous balançant de gauche à droite et je suis partagée entre l’amusement et l’envie de me percer les tympans pour mettre fin à cette torture sonore.

Lorsque j’ai enfin retrouvé ma liberté de mouvement, j’en fais des tonnes, toussant et vérifiant l’intégrité de mes membres.

– Vous avez décidé de me tuer ?

Aaron me serre une nouvelle fois, Nathan se contente d’un « qui aime bien châtie bien » et Kara me propose des bisous qui guérissent. Les ignorant tous les trois, je m’empare d’une tasse et m’installe à table. J’attrape un petit pain au chocolat et commence à manger avant de remarquer qu’ils ont tout arrêté et me fixent. Face au silence et aux trois guignols qui m’observent, je termine de mâcher ma bouchée et essaie de comprendre la nature de leur problème, outre l’évident déficit intellectuel :

– Quoi ?

C’est Aaron qui demande avec une joie quasi enfantine :

– Tu veux pas tes cadeaux ?

Mes yeux s’écarquillent et je manque de m’étouffer :

– J’en ai ?

C’est hyper marrant de le voir se ruer derrière le bar pour en sortir un paquet et une enveloppe. Malgré ses gros muscles, il est très rapide quand il veut !

J’engloutis ce qu’il reste de ma viennoiserie et me lave les mains avant de retourner à l’îlot central, paumes tendues pour recevoir mon présent.

Aaron me donne le paquet. D’habitude, on ouvre la carte en premier, mais s’il me propose de faire l’inverse on ne va pas m’entendre m’en plaindre ! :

– On ne savait pas trop quoi te prendre avec Nathan alors on a improvisé, en espérant que ça va te plaire !

N’étant pas connue pour ma patience, je déchire l’emballage et découvre une superbe figurine en métal représentant une guerrière qui fait très steampunk. C’est pile mon style et je ne m’attendais pas du tout à ce genre de cadeau de la part de mes colocs !

– Wôw… elle est magnifique ! Merci !

Je m’avance et les enlace sans hésiter, trouvant absolument adorable la manière dont Aaron a encore l’air incertain alors que leur cadeau est top !

Une fois que je me suis reculée, il m’explique :

– Un de mes anciens meilleurs amis du collège travaille les métaux, il est hyper doué dans ce qu’il fait.

Je la tourne et la retourne entre mes mains, n’en croyant pas mes yeux.

– C’est clair ! Je l’adore ! Merci !

– Kara m’a dit que tu aimais ce genre de personnage. Et… enfin si tu veux venir voir l’atelier de mon pote ou apprendre les rudiments de son art, tu es la bienvenue !

Il ponctue sa phrase d’un sourire timide et ressent le besoin de se justifier :

– On sait que dans ton métier il faut que les éléments soient factices, mais si jamais ça t’intéresse… t’es pas obligée hein !

Riant, je mets un terme à sa logorrhée en posant ma main sur son épaule :

– Relax, c’est une super idée. Et ça m’intéresse de découvrir comment il s’y prend ! Merci à vous !

Je vais pour embrasser les trois mais Kara se recule, indiquant :

– Remercie les garçons, je n’ai rien à voir dans l’histoire !

Normal qu’elle ne m’ait rien pris, ça fait peu de temps qu’on se connaît et je ne m’attendais déjà pas à avoir un présent de qui que ce soit.

Retournant à ma place, je demande :

– Je peux lire la carte ?

Kara me tend l’enveloppe et précise :

– Il y a la carte et mon cadeau. Enfin un cadeau, j’en ai un autre que je te donnerai avant la soirée.

Elle a pensé à moi ? Cette idée me met beaucoup plus en joie qu’elle ne devrait et c’est toute intriguée que j’ouvre délicatement l’enveloppe, sortant une carte toute noire. À l’avant est écrit « 4 personnes sur 5 reçoivent de l’argent pour leur anniversaire » et à l’intérieur, avec plein de couleurs : « JOYEUX ANNIVERSAIRE N° 5 ! ».

Souriant, je vois que mes colocataires sont très fiers de leur coup et secoue la tête de gauche à droite en entreprenant de lire les messages qu’ils m’ont laissés :

 

Heureusement pour toi, c’est scientifiquement prouvé : plus tu fêtes d’anniversaires, plus tu vis longtemps ! :3 Aussi mordante soit-elle, j’espère bien profiter de ta compagnie pendant encore un bail ! D’ici là t’es encore (à peu près) jeune, profites en bien ! Bisous et encore joyeux anniversaire !

Nathan

 

Gaffe Naomi, jusqu’à présent quand t’étais sarcastique, on se disait que c’était ton humour ou ta façon d’être. Maintenant que tu prends de l’âge, on va commencer à se dire que t’es juste aigrie ! xD

(Je plaisante, pas taper !)

(J’ai pas peur hein !)

Continues de ne pas trop prendre la vie au sérieux, t’façon t’en sortiras pas vivante ! Bon anniversaire Tatie Danielle.

Bises

Aaron (ton préféré, je le sais).

 

Ça fait peu de temps qu’on se connaît, mais on a déjà eu l’occasion de passer de bons moments ensemble, j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres à venir et que dans 10 ans on sera toujours à tes côtés pour fêter ça ;)

Bon anniversaire !

PS : si ça peut te consoler, il paraît que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures !  

PS 2 : et je~

Le trait de stylo part dans une direction improbable et je comprends pourquoi en reconnaissant l’écriture d’Aaron la ligne d’après :

Et je rien.

Ils sont intenables ces deux-là ! Ayant visiblement réussi à récupérer la carte, c’est à nouveau ma coloc qui continue :

… Bref. On en parlera plus tard :D Gros bisous.

Kara

 

Relevant la tête, le sourire aux lèvres, je leur lance :

– Vous êtes graves ! Merci.

Ils me répondent un « de rien » et ce n’est qu’en remarquant une enveloppe scotchée au dos de la carte que je me rappelle que Kara m’a également prévu un petit quelque chose. Quand y’en a plus y’en a encore ! Trop bien !

 

Je l’ouvre, y trouvant plusieurs morceaux de papier. Tout d’abord, un feuillet coloré sur lequel est inscrit « Rêve pas, on n’a pas menti, il n’y a pas un rond dans cette enveloppe ! » qui m’extirpe un rire. Je n’en attendais pas moins d’eux.

Le mettant de côté, je fronce les sourcils devant un passe exposant pour une énorme convention prévue dans quelques mois.

Regardant Kara d’un air interrogateur, je ne suis pas sûre de bien comprendre :

– Qu’est-ce que...?

Un sourire en coin sur les lèvres, elle m’explique :

– Tout le monde a adoré quand tu as pris part à mon stream. Je me suis dit que tu pourrais m’accompagner pour la prochaine convention… Ils m’ont prévu un stand énorme, j’aurais bien besoin de quelques-unes de tes créations pour le remplir… Enfin si ça te tente bien sûr !

J’écarquille tellement les yeux que le fait qu’ils ne tombent pas de mes orbites relève du miracle :

– T’es sérieuse ?

– Très.

Renversant à moitié ma chaise dans ma hâte, je me rue sur elle pour la prendre dans mes bras. Avec le nombre de personnes qu’elle risque d’attirer, ça va me faire une pub de folie. J’avais envisagé de m’y rendre, mais les tarifs sont prohibitifs si l’on n’a pas d’invitation…

Au creux de son cou, je murmure en boucle :

– Merci merci merci !

– Attends d’y être avant de me remercier !

L’ignorant, je continue un moment et me recule, déposant à chacun de mes colocs un bisou sur la joue.

– Merci beaucoup, vous assurez ! Entre ces cadeaux et la fête de ce soir, ça va être une super journée !

J’esquive de peu le traditionnel savon qu’Aaron essaie de me faire, lui lançant un regard noir.

– C’est toujours bon pour tout à l’heure ?

Me tournant vers lui, je l’observe avec l’effroi de quelqu’un qui viendrait de retrouver un ongle de pied dans ses lasagnes :

– Bien sûr, c’est la tradition ! Le jour de mon anniversaire, on va manger une glace ensemble et se poser au parc ! La seule excuse acceptable que tu pourrais formuler pour te désister serait d’être hospitalisé et au seuil de la mort !  

Visiblement amusé par mon explication, il me fait un salut militaire et indique :

 – Bien noté. À tout à l’heure alors !

Satisfaite de savoir qu’il n’a pas l’intention de se débiner, j’acquiesce d’un mouvement de tête et, statuette en main, me dirige vers ma chambre. Avant de franchir le pas de la porte, j’entends Nathan demander à Kara si elle peut l’aider pour les préparatifs.

 

================

 

– T’as pas mangé j’espère ?

Je regarde Aaron l’air de dire « duh » et lance :

– Je suis pas une bleue ! C’est pas ma première visite dans cet endroit.

On parcourt le parc et malgré la panique, je dois avouer que ça fait plaisir de passer du temps avec Aaron. Je suis moins proche de lui que de Nathan, mais depuis l’arrivée de sa sœur, je me sens tellement coupable que je l’évite inconsciemment.

Il commande son habituelle glace menthe chocolat et grimace en m’entendant indiquer que je souhaite citron menthe et pistache, clamant que ça ne va pas ensemble.

On parcourt les allées en mangeant distraitement, perdus dans nos pensées jusqu’à ce qu’il demande :

– Ca va toi ? J’ai l’impression qu’on ne se voit plus ces derniers temps. Avoue, tu préfères ma sœur c’est ça ?

Secouant la tête en riant, je lui file un petit coup d’épaule et surenchérit :

– Elle est plus gentille, plus intelligente, plus jolie… Je suis désolée mon vieux, mais si on vient à déménager, tu as plutôt intérêt à prier pour qu’il y ait 4 chambres, sinon, je pense savoir de qui on devra se séparer ! 

Faussement blessé, il pose une main sur son cœur et s’exclame :

– Outch, t’es dure !

– C’est pas ce que tu disais en tâtant mes muscles l’autre jour…

– Haha j’avoue. Heureusement ton idole et sauveuse est venue à ta rescousse.

Ne sachant pas quoi répondre à ça, je continue de manger en marmonnant un « mhh ».

– Plus sérieusement, je suis content de voir que vous vous entendez si bien. Et si je peux être tout à fait honnête, tu as l’air d’aller mieux.

Bien que ni Nathan ni lui n’avaient dit quoi que ce soit, je sais que j’étais dans une mauvaise période suite à ma rupture. Même si je ne le reconnaîtrais JAMAIS, entre les sautes d’humeur, les coups d’un soir et le reste, ils mériteraient une médaille pour m’avoir supportée. Et c’est vrai que la présence de Kara m’a permis de sortir de ce cercle vicieux. Le focus s’est porté de ma pauvre petite misère personnelle à ma coloc…

Malgré tout, je suis rongée par la culpabilité en voyant que même s’il n’approuve pas ses phrases de drague, notre rapprochement semble lui faire plaisir.

Aaron est quelqu’un qui peut étonnamment être très volubile, mais uniquement sur des sujets de surface.

En revanche, il dévoile très peu de choses sur ce qu’il ressent et ce qui compte pour lui. J’imagine que garder son jeu près du corps, c’est sa manière à lui de se protéger.

Et avant qu’elle n’arrive, je savais quasi rien à propos de sa petite sœur excepté son prénom. C’est ce qui me fait dire qu’elle prend une place très importante dans son cœur.

– Effectivement, je vais mieux, merci de t’en inquiéter. Et on s’entend très bien. Je l’aime beaucoup, même si j’ai toujours du mal à croire que vous êtes de la même famille.

Ne lui laissant pas le temps de répondre à ma réplique désobligeante, je demande :

– Et toi t’as fait quoi ces derniers temps ?

– Oh, rien de particulier, il y a eu beaucoup de boulot à la salle, je suis sur les rotules.

Feignant la compassion, je tente d’en profiter :

– Si t’as peur de manquer d’énergie pour éliminer ta glace, je peux t’aider à finir. Je me sacrifierai sur l’autel de ton culte du corps. Une martyr des temps modernes, tu vois.

– Je vois surtout que ton amour de la glace ne change pas avec les années.

– Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Entre elle et moi, c’est du sérieux !

 

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27 octobre 2019

Hors Limites - Partie 9

Fermant la porte derrière les derniers invités, je vais dans ma chambre et m’arrête net.

Hein ?

Pourquoi il y a deux personnes sur mon lit ? Elles n’étaient pas là tout à l’heure !

Comme si elle avait entendu la question que je viens de me poser dans la tête, Kara passe la tête à travers le chambranle et annonce :

– Elles ne se sentaient pas de rentrer, vu que ce sont tes amies je me suis dit que ça ne t’embêterait pas…

Ça m’embête.

Beaucoup.

J’ai zéro envie de m’installer à même le sol et le canapé est déjà occupé…

Semblant suivre le fil de mes pensées, Kara ajoute :

– Tu peux venir passer la nuit dans ma chambre.

Oh non.

Non non non.

Je sais très bien comment ça se déroulerait cette histoire-là !

– Nan c’est ok, je vais dormir ici.

Elle a l’air aussi dubitative que je me sens :

– Et où exactement ?

Faisant preuve d’une mauvaise foi qui ferait honneur à ma mère, j’invente, pointant les trois centimètres d’espace libre entre les deux :

– Là. Si je mets ma tête ici et mon bras comme ça… ça devrait le faire.

Malgré mon évident potentiel au Tétris humain, Kara me jette un regard peu impressionné et insiste :

– Naomi, viens dormir avec moi.

– Je suis pas sûre que ça soit une bonne idée Kara…

– Pourquoi ça ?

– La chambre de ton frère est juste en face ?

Pourquoi ce que je dis sonne comme une question ? C'est un fait, Aaron dort de l'autre côté du couloir !

– Et alors ? Tu penses qu’on va pas pouvoir se retenir d’avoir une partie de jambes en l’air bruyante et limite bestiale dans ma chambre ?

Je lui adresse un regard entendu, auquel elle répond en riant :

– Ok, je vois ton point… mais t’en fais pas, ça va le faire !

– Je te préviens, si je viens je n’ai pas l’intention de poser les mains sur toi avec lui à côté !

– Ok.

Je ne suis pas convaincue, mais les alternatives sont tout sauf plaisantes.

Soupirant, je la suis dans sa chambre, regardant avec appréhension la porte derrière laquelle son frère doit être en train de se préparer à dormir.

S’il nous surprend maintenant, on aura l’air hyper louches.

À peine suis-je rentrée que Kara tourne la clé dans la serrure et me pousse sur son lit.

Instinctivement, je recule et marmonne :

– On avait dit pas de sexe !

Sur le dos, je la regarde avancer à quatre pattes sur le matelas jusqu’à se retrouver au-dessus de moi. Me souriant, elle me lance :

– Non, tu as dit que tu n’avais pas l’intention de me toucher, mais je n’ai rien promis.

– C’était sous-entendu !

M’ignorant, elle soulève mon haut et commence à embrasser mon ventre.

Mon erreur numéro 1 est de la regarder, parce que du coup je n’ai pas du tout envie de l’arrêter. Mon erreur numéro 2 est de laisser s’échapper un son d’approbation.

Relevant les yeux, elle me sourit et m’embrasse, se reculant pour mordiller ma lèvre inférieure avant de chuchoter :

– Laisse-moi faire…

J’en ai envie.

Putain que j’en ai envie.

Mais j’ai déjà dépassé les limites que je m’étais fixées et ça le fait pas…

Plaçant mes paumes sur ses épaules, je secoue la tête et annonce :

– C’est pas une bonne idée.

– Pourquoi ?

Question pertinente s’il en est une.

La moitié du temps moi aussi je me demande. 

J’ai peur que son frère l'apprenne, qu’elle soit mal à l’aise, que ça aille trop vite, pire, qu’elle regrette :

– Je veux pas aller trop loin. J’ai déjà l’impression de dépasser les bornes.

Il est hors de question que je mette en péril notre amitié et pour ça, il faut qu’on s’entende sur la nature de ce qu’on fait. Et je ne parle même pas d’Aaron…

Son regard s’adoucit et elle replace une mèche de cheveux derrière mon oreille :

– Hey… je te le dirai si on en arrive là… mais j’ai vraiment, vraiment très envie de découvrir ces mêmes limites avec toi. Si tu veux bien ?

Découvrir ses limites ?

Comme… Une exploration sexuelle ?

Juste comme ça ? Passer du bon temps ensemble ?

Je marque une pause, histoire de réfléchir à la chose. Elle se contredit par rapport à la fois où elle m’avait annoncé que je l’attirais et qu’il n’était pas uniquement question d’explorer sa sexualité. Là, elle confirme que je ne suis qu’un plan cul pour elle.

Mais quelque part, c’est plus rassurant.

Elle m’apprécie, mais je ne suis pas sûre qu’elle serait tombée amoureuse de moi si l’on avait décidé de se mettre ensemble. Au moins, je sais à quoi m’en tenir. Pas de fausses promesses.

Je peux gérer (erreur numéro 3).

Les yeux dans les siens, j’acquiesce d’un hochement de tête.

Elle se redresse, retire fébrilement mon haut et mon soutien-gorge et m’observe me rallonger. 

Ma respiration, déjà rapide, s’accélère lorsqu’elle se débarrasse de ses propres vêtements, nous mettant sur un pied d’égalité.

À cheval sur moi, vêtue uniquement de sa jupe, Kara est superbe. Elle place ses mains sur mes côtes, avant de suivre le galbe de mes seins du bout des doigts pour finalement les prendre en main. Elle a le même regard intense que lorsqu’elle est à fond dans un jeu et je n’arriverai plus jamais à voir son stream de la même manière.

Elle masse ma poitrine et instinctivement, mon bassin se soulève, cherchant le contact.

Le mouvement attire son regard et elle fait sauter le bouton de mon jeans sans l’ombre d’une hésitation. J’aime les préliminaires, mais ça fait des heures, que dire, des semaines que j’ai envie d’elle et j’ai BESOIN qu’elle me touche. Mon impatience doit être contagieuse puisqu’à peine une seconde plus tard, elle se décale pour retirer tout ce que je porte en bas.

Ses yeux me parcourent et me dévorent littéralement. Sur le dos, totalement nue devant elle pour la première fois, je ne me sens pas vulnérable, mais désirée.

Elle se met à genoux pour se débarrasser de sa jupe avec urgence avant de se replacer au-dessus de moi, sans me toucher.

J’aime mieux vous dire que mes yeux ne perdent pas une miette de la scène…

Nos regards se croisent, se soutiennent avant qu’elle ne baisse la tête, capturant mes lèvres.

Son corps suit le mouvement au milieu d’un baiser dévastateur et je n’essaie même pas de retenir mon grognement d’appréciation au contact de sa peau. J’attends ça depuis une éternité, et mon imagination n’était clairement pas à la hauteur…

Sa jambe fait pression à la jonction de mes cuisses et elle détache ses lèvres des miennes, les joues rosies, le regard noir. Elle sait ce qu’elle me fait.

Nos souffles se mêlent et je frissonne en sentant ses doigts à l’intérieur de mon genou.

Gardant mes yeux dans les siens, j’écarte les cuisses, lui laissant la voie libre.

Elle remonte avec assurance et mes poings se referment sur les draps pour m’ancrer.

J’arrive pas à croire que c’est en train de se produire. À l’instant où ses doigts atteignent leur but, il paraît évident que je ne vais pas faire long feu.

Je scrute son visage à la recherche de la moindre hésitation ou d’un inconfort quelconque, prête à tout arrêter s’il le faut.

Tout ce que je j’observe, c’est la manière dont elle capture sa lèvre inférieure entre ses dents et ses yeux se ferment lorsqu’elle me découvre du bout des doigts.

J’essaie de la laisser dicter le rythme, de prendre mon mal en patience. Mais mon bassin a une autre idée à l’instant même où elle entre en contact avec mon clitoris.

Ses doigts sont légèrement tremblotants, mais elle est attentive à mes réactions. Elle paraît 100 % concentrée sur mon plaisir, cherchant la bonne pression, le meilleur angle…

J’ai l’impression d’être un instrument qu’elle tente d’accorder. Et elle est bien partie pour réussir à m’extirper quelques sons… Bizarrement, ça m’excite encore plus qu’elle soit prête à se lancer de la sorte, à apprendre par elle-même plutôt qu’à me questionner.  

Ne voulant pas être en reste, une de mes mains vient jouer avec sa poitrine tandis que l’autre se glisse derrière sa nuque afin qu’elle me regarde.

Kara me sourit avant de suivre la ligne de ma mâchoire du bout des lèvres tandis qu’elle continue. Je peux sentir qu’elle n’est pas entièrement sûre d’elle et je l’aide à trouver ce qui me plaît autant que possible avec le peu de capacités cognitives qu’il me reste.

Elle me plaît beaucoup trop pour que je sois en mesure de réfléchir…

Les premières vagues de mon orgasme me prennent totalement par surprise, et je dois me faire violence pour essayer de garder mon appréciation à un niveau sonore raisonnable. Je la serre contre moi alors que mes hanches ondulent sous sa main à la recherche de mon plaisir.

Ayant fini en deux minutes à tout casser, j’aurais probablement honte de ma « performance » si elle n’était pas si… elle.

Sa voix à mon oreille m’extirpe un énième frisson lorsqu’elle demande :

– Combien ?

Encore un peu à l’ouest, je me contente d’un simple « huh ? « auquel elle répond en venant placer un doigt à l’entrée de mon sexe, posant à nouveau la question :

– Combien ?

– De… deux.

J’ai à peine fini de prononcer qu’elle me pénètre sans concession.

Fuck !

Cette fois-ci, elle n’a pas marqué la moindre hésitation ! Je ne m’attendais pas à autant d’assurance, mais c’est putain de sexy.

Ses doigts sont légèrement plus gros que les miens et m’étirent délicieusement.

– Hmmm… Kara…

– On va avoir un problème…

Écarquillant les yeux, je suis prise d’un vent de panique et essaie immédiatement de la faire se retirer, ne voulant pas la mettre mal à l’aise.

– Tu peux arr-

Encore ramollie par mon précédent orgasme, je suis bien moins rapide qu’elle… Ainsi, avant que je ne l’atteigne, elle prend appui sur ses genoux pour s’emparer de mes poignets et les plaquer au-dessus de ma tête.

Totalement à sa merci, mes yeux viennent trouver les siens. Ses iris sont à peine visibles et ses paroles sont limpides :

– Tu piges pas… j’adore te sentir autour de mes doigts… bon courage pour me tenir à distance maintenant…

Je n’ai pas le temps de formuler une réponse qu’elle se met en mouvement.

Oh bordel…

Je fais de mon mieux pour continuer à la regarder, appréciant l’intensité dans ses yeux et la manière dont les muscles de son bras se contractent.

C’est clair qu’elle n’a jamais fait ça, l’angle n’étant pas parfait, mais au lieu de calmer mon excitation, ça a l’effet inverse. Ce qui lui fait défaut en connaissances, elle compense en enthousiasme et attention prêtée à mes réactions.

Une chose est sûre, elle apprend vite.

Lorsqu’elle trouve mon point G en fléchissant les doigts, elle répond à la contraction involontaire de mon corps par un sourire plein de promesses, satisfait.

Ça marque le début de ma fin.

Relâchant mes poignets, elle s’abaisse, adoptant un angle plus confortable pour son bras, et vient le frapper à chaque va-et-vient.

Encore.

Et encore.

Et encore.

Ses cheveux chatouillent mes côtes et nos poitrines bougent à l’unisson sous la force de ses mouvements.

Ce n’est pas doux, pas tendre.

C’est Kara qui prend ce que je lui ai refusé pendant trop longtemps.

C’est moi qui me donne.

Ça ressemble à un rêve fiévreux.

Il n’est pas question de retenue. Elle me touche avec intensité, sans que j’aie besoin de lui dire ce que je veux. Je subis le rythme quasi brutal qu’elle impose et qui me fait me sentir totalement possédée.

Lorsqu’elle ajoute une nouvelle stimulation clitoridienne, j’abandonne tout contrôle et attrape le coin du coussin pour étouffer mes gémissements alors que mon plaisir s’accentue.

Mon bassin vient rencontrer ses doigts à mi-chemin et je sens la manière dont je me contracte autour d’elle, cherchant la satisfaction.

Nos corps bougent à l’unisson, se reculant pour mieux se retrouver, jusqu’à ce que je bascule.

Perdant le rythme, un son étranglé m’échappe et je me fige alors que le plaisir me gagne. Kara continue, inflexible, jusqu’à être sûre d’avoir tiré de moi tout ce qu’elle pouvait, mon corps retombant sur le lit comme une poupée de chiffons.

Elle s’allonge à mes côtés la tête sur mon épaule et restant en moi :

– Ça va ?

Reprenant mon souffle, j’enroule un bras faiblard autour d’elle et rétorque :

– Je te dirais ça dès que je me souviens comment je m’appelle…

Je sens son rire avant de l’entendre. Tournant la tête pour la regarder, je demande :

– Toi ça va ?

Elle m’adresse un sourire timide, déposant un baiser sur mes lèvres avant de dire :

– Je sais pas si... enfin… comment j’ai été, mais… ça m’a vraiment plu…

Plutôt que de répondre verbalement, je nous fais rouler, me retrouvant à cheval sur elle avant de me pencher pour l’embrasser. Me reculant et plaçant mon front sur le sien, je lance dans un sourire :

– Mhhh. Je sais pas trop quoi en penser, faudrait recommencer pour voir…

Souriant, elle fait bouger les doigts toujours à l’intérieur de moi et annonce :

– À votre disposition madame !

 

====================    

 

L’espace d’un instant, je n’ai aucune idée de l’endroit où je me trouve. Frottant mes yeux, je me tourne et tout me revient. Kara est nue à mes côtés et l’agréable sensation de satiété entre mes cuisses m’indique qu’il ne s’agissait pas d’un rêve.

Déposant un baiser sur son épaule, sa réponse n’est pas celle espérée :

– Nhhh. Va t’en !

Ça me fait rigoler et je persévère, recommençant et lançant :

– Kaaaaraaaa. Debouuuut.

– Nan !

Se dérobant à mes baisers, elle enroule ses bras autour de son oreiller et entreprend de se réinstaller.

Me penchant, je chuchote à son oreille :

– Karaaaaa. Tu veux pas passer du temps avec moi ce matin ?

– Nan.

Sa réponse me fait sourire et me donne envie de continuer à la taquiner :

– Une nuit et déjà le romantisme est parti.

Elle a beau la grommeler, sa phrase est très claire :

– Si t’en veux, t’as qu’à me ramener le petit déjeuner au lit, ça c’est romantique non ?

J’éclate de rire, ne m’attendant pas du tout à ça :

– Désolée, mais ça ne va pas être possible. Ton frère se poserait beaucoup trop de questions. Je ne sais déjà pas comment lui annoncer que…

Grognant, elle roule sur le dos et place une main devant sa bouche pour bâiller, avant d’annoncer :

– Y a rien à dire.

Outch.

Ce n’est pas exactement la chose que j’avais envie d’entendre dès le réveil. Ce n’est que du sexe et je ne m’imaginais pas qu’elle allait me déclamer une tirade amoureuse, me décrivant comment j’ai changé sa vie, mais là… c’est direct…

Au moins, je sais à quoi m’en tenir.

Secouant la tête de dépit et ravalant ma fierté, j’opte pour un changement de sujet :

– Tu peux me prêter des habits ? Du genre dans lesquels j’aurais pu dormir, j’ai oublié d’en prendre hier soir.

Acquiesçant, elle se redresse lentement, se dirige vers sa commode, farfouille quelques instants avant de me lancer un short et un T-shirt de la plateforme de streaming, avec son pseudo floqué à l’arrière.

Je m’installe au bord du lit et enfile rapidement ce qu’elle m’a donné. Kara se glisse dans mon dos et dépose des baisers dans mon cou, me murmurant :

– J’aime voir mon nom sur toi…

Je ne comprends pas les signaux contradictoires qu’elle m’envoie, n’ai aucune idée de comment me comporter et ça me met hyper mal à l’aise… Une minute elle me balance une horreur comme si de rien n’était, celle d’après quelque chose de limite mignon.

Tournant la tête, je dépose un baiser sur ses lèvres avant de me redresser pour quitter la pièce, lui adressant un petit sourire au passage. Fort heureusement, mes amies ont déjà évacué les lieux au moment où j’arrive dans ma chambre. C’est déjà ça.

J’ai besoin d’un moment pour moi. J’ai du boulot qui m’attend, va falloir ramasser et trier les morceaux de ma dignité…

Mes doigts jouent machinalement avec le bas du maillot qu’elle m’a prêté. Je suis totalement paumée. Je me sens utilisée. J’ai peut-être fait une connerie. 

– Fait chier !

Je sais pas ce qui est le pire : avoir trahi mon ami en craquant, me faire nonchalamment jeter comme une crotte dès le lendemain, ou n’être même pas sûre de regretter pour autant. 

Elle m’a dit qu’elle avait aimé, alors pourquoi cette réaction ?

Vraisemblablement, elle était plus curieuse que bi, mais je pensais qu’il était question d’explorer cette curiosité justement, trouver ses limites ou je ne sais pas quoi ?

J’aurais dû être plus méfiante, je l’ai senti venir à des kilomètres…

 

====================

 

Perceuse en main, je fais un trou dans le mur avant d’y glisser une cheville.

Je suis dégoûtée.

J’attrape les supports et les mets en place, vissant rageusement et ruinant à moitié le pas de la vis.

D’un côté j’ai envie de savoir, de l’autre, j’ai peur de la réponse.

M’emparant de la tringle, je l’installe, descends du bureau et observe mon travail.

Mhh. Ça fera l’affaire.

Sans regarder, je tire le rideau d’un seul coup.

M’asseyant sur mon fauteuil, j’ai à peine les fesses en place que ma jambe se met à gigoter.

Kara est dans sa chambre avec Mathieu, son « ami ».

L’ironie, c’est que même si elle n’est plus d’actualité, j’avais indiqué qu’elle pourrait voir qui elle veut avec cette stupide règle N° 2.

Plus j’essaie de ne pas y penser, plus ça m’obsède.

Et au lieu de la confronter en lui demandant s’ils couchent toujours ensemble, je suis partie au magasin de bricolage le plus proche pour faire l’acquisition d’un rideau et sa tringle…

S’il y a un mot pour me décrire, il commence sûrement par P et se termine par itoyable…

Ça fait deux jours que je suis peu à la maison et je sais qu’elle a remarqué que je l’évite. Disons que la fréquence avec laquelle je dois sortir des excuses me pousse à un certain niveau de créativité, inversement proportionnel à ma crédibilité… Par exemple, hier à 20h, alors que j’étais sur le canapé et que Nathan est parti à la douche, je n’ai pas pu lui parler, car je venais de me rappeler qu’il fallait absolument que je me fasse un masque à l’aloe vera…

Voilà voilà.

Bref.

Je ne suis pas fâchée contre elle, on ne s’était rien promis et j’ai bien l’intention de me comporter en amie. Mais aussi moche que ça soit, c’est surtout une réaction d’orgueil. Quand elle m’a parlé de « chercher ses limites », je me suis directement imaginé plein de choses et même si ce n’est pas justifié, je me sens… lésée ? Trompée ? J’ai l’impression de m’être faite avoir, qu’elle a pris ce qu’elle voulait et jeté le reste.  Pour ma part j’ai dépassé la limite qui m’était imposée et me sens bête.

Maintenant que je ne peux plus la voir à l’instant où je lève les yeux alors que je suis au bureau, peut être que je vais enfin pouvoir travailler. J’ai encore trois costumes à finir de retoucher pour une pièce qui débute la semaine prochaine !

Et puis de toute manière, c’est sûrement mieux comme ça. J’ai craqué, on l’a fait, je vais pouvoir passer à autre chose. Je n’ai plus qu’à apprendre à vivre avec mon affreux sentiment de culpabilité envers Aaron.

C’est juste un coup de cœur. Je n’ai pas pu résister parce que je fantasmais sur elle depuis longtemps, mais ça va me passer ! Je peux l’oublier et retourner à ma petite vie. D’ailleurs, c’est ce que je vais faire dès maintenant !

Satisfaite de ma nouvelle résolution, j’attrape le premier vêtement, prête à me mettre au travail.

La seule indication que plusieurs heures se sont écoulées est la tension qui a fait son apparition dans mon cou et mon pouce douloureux à force de tenir les ciseaux.

Aaron toque bruyamment à la porte de ma chambre, me faisant sursauter au passage, et parle à travers le bois :

– Naomi, t’as 10 minutes devant toi ?

Qu’est-ce qu’il me veut ? J’ai vraiment tenté de résister et c’est parce qu’elle n’a pas lâché l’affaire que j’ai fini par craquer. Alors elle n’a pas intérêt de m’avoir balancée ! Sinon je mets fin à ses jours et espère que ça passera en crime passionnel.

– Euh. Oui…

J’ai à peine eu le temps d’acquiescer que Kara rentre dans la pièce, se retourne pour remercier/congédier son traître de frère et annonce :

– Il faut qu’on parle !

Et merde. Faisant mine de me focaliser sur le placement de mon épingle, je lance d’un ton nonchalant :

– Pas maintenant Kara, je suis occupée.

– Tu viens de dire l’inverse à Aaron ! Il faut qu’on parle.

Soupirant, je prends une seconde pour me composer avant de lever un regard agacé dans sa direction :

– Je croyais qu’il n’y avait rien à dire ?

Je ponctue ma remarque d’un sourire mauvais qui aura le mérite de la faire réagir. C’est bas, mais ça m’énerve qu’elle ne respecte pas mon envie d’avoir la paix alors que j’accepte son choix.

Elle fronce les sourcils, ferme la porte à clef et s’approche de moi d’un pas décidé.

Plaçant ses mains sur ses hanches, elle demande :

– Qu’est-ce que c’est supposé vouloir dire ?

Ouh, madame n’aime pas quand les choses ne vont pas dans son sens ? Pas de chance !

Laissant un sourire narquois se glisser sur mes lèvres, je rétorque d’un air provocateur :

– À toi de me le dire…

Elle passe une main agacée dans ses cheveux, mettant à mal sa coiffure avant de prendre la parole d’un ton décidé :

– Ok stop. Je veux pas rentrer dans ce jeu. Pourquoi tu m’évites et agis comme ça ?

Le culot ! Me levant, je m’approche d’elle et suis claire cette fois :

– Ce matin-là… tu m’as déclaré qu’il n’y avait rien à dire. J’ai compris le message. On en reste là. De rien.

J’ai envie d’ajouter que je reviendrais vers elle d’ici quelques jours, qu’on est toujours « amies », mais ça équivaudrait à admettre que ça me touche et que j’ai besoin de ce temps mort. Or ça, c’est hors de question.

Kara plisse les yeux et fronce les sourcils, apparemment perplexe :

– Mais de quoi tu parles ? J’ai dit ça par rapport à Aaron ! Je ne vois pas l’intérêt de lui faire un rapport détaillé de ce qui ne le regarde pas alors même qu’on ne sait pas où ça va nous mener. C’est si déraisonnable que ça ?

Minute…

Elle ne m’a pas jetée comme une patate chaude ? Elle veut continuer ?

Je déteste la manière dont une vague d’espoir me gagne, façon tsunami.

Mettant apparemment trop de temps à répondre à son goût, elle reprend :

– Si ça te fait plaisir, on va lui dire dès maintenant ! Je ne comprends pas, je pensais que tu ne voulais pas qu’il se passe quelque chose par respect pour lui et que tu serais contente qu’il ne l’apprenne pas dans la seconde !

Alors qu’elle fait volte-face, certainement dans l’idée d’aller faire exactement ce qu’elle vient d’évoquer, je m’empare de sa main pour la retenir et demande :

– Donc… il y a des choses à dire… juste pas à Aaron ?

Au ton de ma voix, il est clair qu’il va falloir qu’elle réponde à cette question avec les pincettes nécessaires pour ménager mes insécurités.

Plaçant sa paume contre ma joue, elle s’avance pour déposer un chaste baiser sur mes lèvres, répondant sans ambiguïté :

– Bien sûr qu’il y en a. Tu me plais vraiment.

Je l’attire toujours. Ma « performance » n’a pas changé ça.

Suspicieuse, il me faut une clarification complémentaire :

– Et Mathieu ?

Elle grimace et j’ai peur qu’elle ne m’avoue ce que je crains, terminant d’achever mon amour-propre :

– Il est possible que son opinion de toi ait pris un gros coup…

– Comment ça ?

Je fronce les sourcils. Elle a été lui raconter ? Qu’est-ce que ça peut lui foutre ?

Kara hausse les épaules et m’explique :

– J’ai passé les derniers jours à me demander pourquoi tu agissais comme ça… Et j’ai vu deux conclusions possibles : soit tu regrettais, soit tu avais eu ce que tu voulais…

Elle baisse la tête après son admission et une partie de moi a envie de s’offusquer qu’elle ait pu penser ça. Mais l’autre partie, celle qui a conscience que l’hypocrisie n’est pas exactement une qualité, sait que j’ai suivi la même logique…

Malgré tout, je ressens le besoin d’en être 100 % sûre :

– Donc vous n’avez pas… ?

Elle lève les yeux au ciel en souriant :

– Non Naomi, on n’a pas…

Machinalement, je glisse ma lèvre inférieure entre mes dents, la mordillant pour cacher ma joie. Étonnamment, ce n’est apparemment pas en montant cette tringle que j’ai atteint le paroxysme du ridicule… J’ai passé tellement de temps à me dire qu’elle était hétéro et que ça ne pourrait jamais être plus qu’un coup d’un soir que j’ai fini par m’en convaincre on dirait…

Elle s’approche encore, jusqu’à venir coller son front au mien :

– On est ok ?

– On est ok.

Le regard brillant, elle me lance :

– Prouve-le.

Souriante, je place mes mains sur ses hanches, l’attire à moi et capture ses lèvres des miennes.

Kara n’hésite pas un seul instant à retourner mon baiser, laissant s’échapper des petits sons de contentement.

Dire que j’ai failli tout faire foirer parce que j’ai mal interprété ses propos et ne l’ai pas laissée s’expliquer.

Sa langue vient à la rencontre de la mienne et si je m’écoute, je la plaque contre le lit et rattrape le temps perdu.

D’ordinaire, si ça ne le fait pas je passe à autre chose sans problème, mais je ne pense pas que ça aurait été si simple avec elle. J’ai été naïve de croire que je pourrais me contenter d’une seule fois, j’en veux plus et l’intensité de ma réaction en est la preuve.

Maintenant arrive le plus dur : ne pas oublier les limites de notre deal. Je dépasse déjà les bornes vis-à-vis d’Aaron, il faut que je garde en tête qu’il s’agit d’une relation qui n’est que purement charnelle entre Kara et moi.

 

30 octobre 2019

Hors Limites - Partie 10

J’ai un problème.

Faut que j’aille dans une clinique ou je ne sais pas quoi.

Je suis incapable d’arrêter de penser au sexe avec Kara.

Dès que j’ai un moment de libre, ou (soyons honnêtes), dès qu’elle me regarde, c’est comme si mon corps prenait vie et j’ai envie qu’on finisse au lit.

C’est comme ça que cinq minutes après le départ des garçons pour leurs boulots respectifs, je me retrouve à cheval sur une Kara seins nus sur mes draps.

Elle caresse mes cuisses de ses mains, tandis que je dessine les contours sculptés de son ventre du bout des doigts.

Nos souffles sont erratiques après seulement quelques instants passés à s’embrasser. Et pas que le mien. Savoir que je la mets dans cet état n’aide pas à garder mon calme.

Elle se redresse pour venir frôler mes lèvres des siennes, lançant :

– J’ai envie de tester quelque chose, déshabille-toi.

Le fait que ma tête a tout à fait conscience que je ferais mieux d’arrêter là illustre parfaitement le fait que ce n’est pas elle qui décide. Je suis nue en quelques secondes, juste assez vite pour la voir baisser son pantalon, emportant ses sous-vêtements avec.

On sait que notre temps est compté et je ne suis pas la seule à vouloir en tirer le plus parti possible. 

M’adressant un sourire séducteur, elle me fait signe d’approcher d’un mouvement de l’index.

Je m’exécute sans attendre, reprenant ma place au-dessus d’elle tout en gardant la majeure partie de mon poids sur mes genoux. Je ne m’assieds pas totalement, ayant conscience d’être trempée.

Mes yeux parcourent ses formes et j’ai toujours autant de mal à me faire à l’idée qu’elle a autant envie de moi que l’inverse.

Du bout des doigts, je la caresse, suivant ses clavicules, le galbe de ses seins, traçant ses côtes puis sentant ses abdos se contracter à mon passage :

– T’es magnifique...

Elle est tellement belle qu’on dirait qu’elle est sculptée. Nan, pire, Photoshopée.

– T’as jeté un coup d’œil dans un miroir récemment ?

Elle ne me laisse pas le temps de répondre, glissant une main à l’arrière de ma nuque et m’attirant dans un baiser.

Curieuse de savoir ce qu’elle a en tête, je demande :

– Qu’est-ce qui te fait envie ?

Elle place ses paumes sur mes fesses et lance :

– J’ai cru remarquer que tu aimes bien mon ventre…  

Doux euphémisme. Si j’étais sculpteuse, j’en ferais des reproductions et je ferais fortune en les vendant dans les salons de l’érotisme !

– Mmhh mhh…

Fléchissant les bras, elle m’amène au-dessus de la zone en question et précise :

– Sers-t’en.

Mon regard vient croiser le sien, voulant m’assurer d’avoir bien compris. Elle acquiesce d’un signe de tête, accompagné d’un petit sourire et me pousse à m’abaisser.

Je baisse les yeux et retiens un grognement.

Bordel…

Elle est vraiment sexy.

Kara contracte ses abdos et ça suffit à me sortir de ma torpeur. Je bouge mon bassin et suis immédiatement récompensée à l’instant où mon clitoris entre en contact avec elle…

Son corps m’offre une friction absolument parfaite… Luttant contre ce que me dit mon instinct, je me recule l’espace d’un instant, juste pour pouvoir observer la manière dont je l’ai peinte de mon envie. J’ai du mal à croire que c’est en train de se produire et qu’elle l’a suggéré… Apparemment, on découvre des fantasmes tous les jours…

Je m’abaisse à nouveau, gémissant quasi instantanément.

Ses mains accompagnent mes mouvements et on trouve rapidement un rythme, son corps venant à la rencontre du mien, se contractant au moment opportun.

Ayant besoin de la toucher, je me penche en avant, prenant appui d’une main tandis que l’autre va se poser sur sa poitrine.

Au-delà des sensations, c’est surtout la situation qui m’excite... Son regard alterne entre mon visage, le mouvement de mes seins et mon sexe. Je me sens désirée, belle, même séduisante. Je ne sais pas comment j’ai fait pour capter son attention, mais je me fais des illusions si je crois pouvoir lui résister… Tout ce qui compte, c’est que lorsqu’on fait ça, elle est mienne et je suis sienne.

Je ne veux pas en oublier un seul instant et regarde partout et nulle part à la fois, tant et si bien que je manque de rater le moment où elle se redresse pour capturer un de mes tétons entre ses lèvres. Immédiatement, je détache ma main de sa poitrine pour la poser à l’arrière de sa tête, la maintenant en place.

Je l’utilise sans vergogne, me sers d’elle pour mon plaisir et si j’en crois la manière dont ses pupilles sont totalement dilatées lorsque son regard croise le mien, elle adore ça.

Mon corps commence à perdre le rythme, les vagues de plaisir se rapprochant, signaux précurseurs de la fin :

– Oui… Je suis plus très loin…

En guise de réponse, Kara gémit contre ma poitrine et empoigne plus fermement mes fesses, m’incitant à accentuer la pression.

Une seconde plus tard, je suis contrainte d’abandonner ma prise sur sa tête, plaquant mes deux mains sur le matelas alors que je suis envahie par le plaisir.

Mon corps est parcouru de spasmes et mes biceps lâchent, me forçant à m’accouder.

Je suis en train de reprendre mon souffle, alors que Kara enroule ses bras autour de moi et demande :

– Ça va ?

Je mets au moins trois secondes à répondre, mon cerveau étant réduit en bouillie. Pendant ce temps, elle dépose des baisers en haut de mon décolleté, me laissant le temps de reprendre mes esprits :

– Très bien. Toi ?

– Ça m’a vraiment, vraiment excitée…

Un lent sourire gagne mes lèvres et je me recule juste assez pour venir l’embrasser :

– Ah oui ? Je peux faire quelque chose pour aider ?

– Fais de moi ce que tu veux.

Ugh. Comment fait-elle pour toujours trouver les mots ?

Ni une ni deux, je nous fais rouler, me retrouvant sous elle. Je l’embrasse passionnément, parcourant avidement son corps de mes mains à présent libres. L’espace d’une seconde, je ne sais pas par où commencer. Puis soudain je me rappelle.

Je sais ce dont j’ai envie.

Captant son regard, je lance :

– Chevauche mon visage.

Je n’ai pas eu l’occasion de terminer ce que j’avais entrepris dans la salle de bain. C’est la première fois que nous sommes vraiment seules dans l’appart et j’ai bien l’intention d’en profiter sans avoir à m’inquiéter qu’on nous surprenne.  

Bien que le doute flashe dans ses yeux, elle me laisse la guider jusqu’à être placée au-dessus de ma tête. Mon regard se pose sur son sexe et clairement elle n’a pas menti, ça lui a plu. J’ai du mal à détacher mes yeux de cet endroit.

Je crève d’envie d’y plonger… Elle interprète défavorablement mon silence et immobilisme et demande :

– T’es sûre ? Te sens pas obligée.

Plutôt que de répondre avec des mots, je lève ses doutes par l’action. Aplatissant ma langue, je la passe de l’entrée de son vagin à son clitoris avant de redescendre pour la glisser en elle. Étant donné qu’elle n’est pas abaissée, ma nuque me fait un mal de chien, mais la sentir se contracter autour de moi en vaut la peine.

Elle gémit et je suis persuadée que c’est agréable, mais je ne suis pas satisfaite. Elle se retient alors que je souhaite qu’elle se donne, qu’elle s’abandonne.   

Je laisse retomber ma tête et je vois qu’elle lutte contre ce que lui dit son instinct : suivre ma langue.

Plantant mon regard dans le sien, je suis limpide :

– Kara. Je suis sûre. Maintenant je veux que tu t’abaisses, que tu te serves de ma bouche, de ma langue pour trouver ton plaisir. C’est ça dont j’ai envie. Que tu m’utilises comme je viens de le faire avec toi. Compris ?

Je ponctue ma phrase d’une très légère pression sur le haut de ses cuisses. Elle s’exécute immédiatement, renouant le contact.

– Mhhh…

Je suis tentée de fermer les yeux, car j’aime la sentir comme ça, au plus près.

Mais d’un autre côté, la vue n’est pas mal du tout. Alors que ses hanches font des va-et-vient au-dessus de ma bouche, elle s’accroche d’une main à la tête de lit tandis que l’autre masse sa poitrine.

Jalouse, je lâche une de ses cuisses pour poser ma main sur le sein dont elle ne s’occupe pas.

Elle ouvre les yeux de surprise et me fixe, se mordant la lèvre inférieure pour étouffer les gémissements qui lui échappent.

Son rythme est rapide et c’est elle qui fait la majeure partie du travail. Elle ne veut pas patienter et prend exactement ce dont elle a besoin. Quelles qu’aient été ses considérations passées, elles sont clairement loin derrière. Ma langue commence à fatiguer au moment où ses jambes se mettent à trembloter. Elle est proche.

Lorsqu’elle se recule, je me décale vers le bas et la pénètre avec ma langue, amenant un doigt sur son clitoris au cas où la pression exercée par mon nez ne suffise pas. Je n’ai plus d’air, mais j’ai toutes les sensations.

Je sens son plaisir arriver avant même qu’elle ne se crispe. Ses muscles enserrent ma langue et m’extirpent un gémissement approbateur. C’est quasi comme si je le vivais moi-même, je me sens hyper proche d’elle.

Les yeux fermés, la bouche entrouverte, elle gémit et place une main possessive à l’arrière de ma tête, m’attirant contre elle, parcourue de derniers petits spasmes.

Son corps passe de tendu à malléable et je sais que je vais devoir attendre pour recommencer, mais j’en ai déjà envie.

Elle se décale mollement sur le côté, s’adossant à la tête de lit et avalant de grandes bouffées d’air. Je me mets sur le flanc tout en léchant mes lèvres, avant de caresser l’intérieur de sa cuisse du bout des doigts, lui extirpant quelques frissons.

J’espère qu’elle ne pense pas que j’en ai fini avec elle…

 

====================

 

 Quelques heures plus tard, on est étalées côte à côte sur mon lit, agréablement épuisées.

– Je suis pas sûre de pouvoir marcher jusqu’à ma chambre.

– Haha !

– Rigole pas je suis sérieuse !

Je lui jette un regard du coin de l’œil et me remets à rire de plus belle, ce qui me vaut une tape sur le ventre. Elle laisse sa main, caressant ma peau et m’adressant un tendre sourire.  

Même avec ses cheveux complètement en bataille elle reste magnifique. J’essaie vraiment de prendre les évènements comme ils viennent, sans me poser de questions.

C’est du fun, rien que du fun, ça doit le rester. J’ai fantasmé sur elle pendant des mois avant même de la rencontrer, c’est normal d’avoir envie d’assouvir autant de choses que possible. Oui, il suffit qu’elle soit à proximité pour que mon cœur se mette à battre plus vite… Mais c’est juste parce qu’elle me plaît. Le rush de l’interdit aussi.

Même si j’aurais des regrets, je peux arrêter tout ça quand je veux, à un moment je VAIS arrêter de déconner, me lasser… Tout va bien.

– Naomi ?

– Oui ?

– Je crois que je suis bi.

Je tourne la tête dans sa direction, lui adressant un sourire :

– C’est fort possible, oui.

Enfin… Pour moi être bi c’est à la fois coucher avec les deux sexes et pouvoir avoir des sentiments amoureux… Il paraît évident que la partie sexe lui plaît, les sentiments c’est une autre histoire… Mais amener ce sujet sur la table revient à ouvrir la boîte de Pandore. Alors je vais garder ma grande bouche fermée et mes questions pour moi.

Elle s’installe sur le côté, posant sa tête au creux de mon épaule et lâche un petit soupir de contentement.

Ses doigts tracent mon ventre, parcourent mes côtes, jouent avec mon nombril…

– Ce soir-là… Quand je vous ai regardées dans la cuisine… Ça a été comme un déclic. Je savais que ce n’était pas bien, mais… J’arrivais pas détacher mes yeux. Tu l’as emmenée dans ta chambre et j’étais… furieuse.

– Furieuse ?

Je recule légèrement ma tête sur le côté, essayant de capter son regard. Pour toute réponse, elle se blottit un peu plus contre moi et reprend la parole : 

– Que tu t’intéresses à elle alors que… 'fin je veux dire, je venais de t’annoncer que je questionnais ma sexualité et… rien. Je me demandais si j’imaginais tes regards et notre complicité.

– J’avais promis à ton frère.

– Je sais… C’est juste… Peu importe.

Je crève d’envie d’insister, de lui tirer les vers du nez, mais j’ai peur de ce qu’elle pourrait me dire, des réponses qu’elle pourrait exiger en retour… Alors je ne demande rien.

Le changement de sujet est aussi brutal qu’étonnant :

– T’aimes bien les sex-toys ?

La question m’effraie. Elle se lasse déjà de ce qu’on fait ?

Malgré tout, je me retiens de sourire devant la manière dont elle a lâché ça pour immédiatement écarquiller les yeux. Un peu comme si elle n’arrivait pas à croire qu’elle venait de demander ça de but en blanc.

– Quand c’est de temps en temps oui, pourquoi ?

Elle rougit et s’explique d’une petite voix :

– Tout à l’heure… Quand t’étais au-dessus de moi, j’aurais vraiment aimé avoir… Tu vois.

Sa phrase reste en suspens, mais le message est clair. J’avoue, je suis quand même tentée de lui demander de préciser juste pour m’amuser. C’est plutôt marrant qu’elle n’ose pas dire les mots après ce qu’on vient de faire.

Souriante, je lance d’un ton plein de promesses :

– Ça peut s’arranger…

Elle relève la tête pour capter mon regard, l’incrédulité clairement perceptible dans la voix :

– C’est vrai ? Tu me laisserais… Le porter ?

Au moins, elle n’a pas l’air d’avoir compris qu’il n’y a pas grand-chose que je serais capable de lui refuser, c’est déjà ça.

À vrai dire, je préfère largement que ça lui fasse envie dans ce sens-là que dans l’autre. Même si dans mes expériences précédentes, j’ai systématiquement été la porteuse, je peux me montrer versatile. 

Et pour le coup, une partie de moi n’est toujours pas convaincue qu’elle ne va pas tout arrêter d’un instant à l’autre parce que l’excroissance qui me fait défaut lui manque.

Elle n’a pas l’air insatisfaite, loin de là, mais… Je ne sais pas trop. Ça paraît trop beau pour être vrai. J’ai jamais de bol d’habitude, je ne vois pas pourquoi ça changerait soudainement… Il faudrait peut-être que je travaille sur mes insécurités, mais il est préférable de me préparer au pire, non ?

Quoi qu’il en soit, j’acquiesce :

– Mh mh.

Elle m’adresse un immense sourire tellement joyeux qu’on pourrait penser que je viens de lui offrir une nouvelle voiture, pas uniquement d’accepter de lui mettre un jouet entre les mains (façon de parler).

Ayant du mal à la regarder trop longtemps lorsqu’elle a l’air si heureuse, je tourne la tête et jette un coup d’œil à mon radio réveil :

– Argh… T’as vu l’heure ? On ferait mieux de se rhabiller.

Kara fait la moue, visiblement contrariée, mais se relève néanmoins.

 

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– Je m’attendais au moins à un merci !

Baissant mon livre, j’observe Nathan d’un air curieux :

– Mh ?

– Le « cadeau » et la serviette…

Je n’avais pas réalisé, mais c’est évident.

Il est au courant.

De base, nous n’étions pas supposées divulguer quoi que ce soit, alors je ne sais pas si Kara a lâché le morceau ou si c’est lui qui a deviné.

– Ugh… Tu veux vraiment parler de ça ?

Il s’installe à côté de moi sur le canapé et m’adresse un regard amusé :

– Je ne te demande pas les détails sordides, j’ai grandi avec Internet, je crois être capable de deviner. Juste… Fais attention à toi.

Nathan a toujours été un bon ami et je me demande ce que cache cette mise en garde. 

– Comment ça ? Elle t’a parlé de quelque chose ?

– Non, du tout. Je m’inquiète juste pour toi. Je sais ce que ça fait de tomber amoureux de quelqu’un qui ne veut que du sexe.

Je n’arrive pas à retenir un petit sourire, levant les yeux au ciel :

– Tout de suite les grands mots. Je ne suis pas amoureuse. C’est… juste comme ça. Rien de sérieux.

Il m’observe en silence et il est clair qu’il n’est pas convaincu. S’emparant de ma main, Nathan s’assure de capter mon regard avant de dire :

– On n’a pas forcément passé beaucoup de temps ensemble ces derniers jours, mais tu peux me parler tu sais ?

Serrant sa main, je le rassure :

– Je sais. Et si quelque chose me tracasse, je le ferais, promis.

– Ok. Tu lis quoi ?

Lui présentant la couverture, je devine déjà sa réaction :

– Ugh ! Tu connais pas encore l’histoire par cœur ?

– Un peu, mais c’est un classique !

– Rien à voir, mais tu traînes parfois avec les acteurs de la pièce de théâtre pour laquelle tu prépares les costumes ?

Levant un sourcil devant sa question, je réponds :

– Oui, il y a toujours des retouches à faire, pourquoi ?

Il baisse légèrement la tête, les joues rouges :

– Tu crois que tu pourrais m’avoir un autographe de Stéphane ?

Un sourire gagne mes lèvres et j’ai très envie de le taquiner :

– Quelqu’un a un faible pour monsieur l’humoriste et acteur principal peut-être ? T’as pas un copain ?

– Je le trouve drôle c’est tout…

– Mhh mhhh… Rien à voir avec le fait que son corps a l’air d’être gravé dans le marbre, tout à fait ton style ?

Niant l’évidence, il fait fi de mes taquineries d’un signe de la main :

– Pfft. Qu’est-ce que t’en sais toi de toute façon, t’es même pas attirée par les mecs !

Voulant l’embêter, j’en rajoute une tonne :

– Disons que pendant les essayages des tenues, j’ai été dans l’obligation de prendre quelques mesures… Je l’ai observé de très très près…

Il m’adresse un regard blasé, sachant très bien que je suis en train de faire exprès de le narguer :

– Et donc, l’autographe ?

Reprenant la lecture de mon livre, je lance d’un ton nonchalant :

– Je verrais ce que je peux faire…

En réalité, j’ai même une meilleure idée…

 

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Nathan comprend mon plan à l’instant où nous nous engageons dans la rue du théâtre.

Tournant de grands yeux ronds dans ma direction, il s’exclame :

– Nan ?!

Souriant, j’acquiesce d’un signe de tête et réponds :

– Oui.

Sans dire un mot de plus, il me serre dans ses bras, m’étouffant à moitié.

Par-dessus son épaule, je regarde Aaron et Kara, que mon inconfort amuse visiblement.

– Nathan, j’ai besoin d’air !

Il me relâche immédiatement, se reculant, tout penaud :

– Pardon ! Mais je suis trop content !

Posant une main sur son épaule, je le rassure :

– Pas de problème. C’était le but.

Frappant à la porte de service, elle s’ouvre sur Paul, le colosse en charge de la sécurité :

– Hey Naomi. Entre, ils ne devraient plus tarder à commencer.

– Salut. Merci !

Mes colocs me suivent dans les coulisses sinueuses du théâtre, regardant partout autour d’eux.

Je m’y suis habituée, mais c’est vrai que cet endroit a quelque chose de spécial.

Finalement, nous arrivons à l’avant de la salle et je fais signe à mes colocataires d’aller s’installer au deuxième rang :

– On peut pas aller tout devant ?

C’est un vieux théâtre de quartier et la scène comporte des encoches au sol pour les souffleurs, être au premier rang n’est pas l’idéal. Mais bien sûr, je ne peux pas leur dire que c’est pour leur confort, j’ai une réputation de garce sans pitié à maintenir. Du coup, j’opte pour la moquerie :

– Je préfère mettre une rangée de sièges entre Nathan et son idole. Non seulement il devra les escalader si jamais il décide de se jeter sur lui, mais en plus avec de la chance ils absorberont la bave.

Loin de s’offusquer, mon coloc réplique du tac au tac :

– Rien de ce que tu peux dire ne ruinera cet instant Nom-Nom !

Aaron y va de son petit mot :

– C’est vraiment cool d’avoir fait ça pour lui, t’es une super amie… Je dois m’attendre à voir une de mes idoles sur scène ?

Immédiatement, ses paroles entachent ma bonne humeur. Je me sens hyper coupable d’avoir craqué et de trahir sa confiance à répétition. Au fond de moi, je sais que j’ai résisté autant que j’ai pu, mais s’il finit par l’apprendre, il ne me croira jamais, c’est certain.

– Non, mais certaines des actrices sont loin d’être vilaines, si tu vois ce que je veux dire…

Je ponctue ma phrase d’un clin d’œil et conclus ainsi mon ascension du mont hypocrisie.

Je me dirige vers le bout de la rangée, le plus loin possible de Kara comme d’Aaron, mais ce dernier n’est pas disposé à me laisser m’en tirer à si bon compte.

– Nan nan Naomi, c’est ton moment aussi, mets-toi à côté de Nathan.

De mauvaise grâce, je m’installe entre Kara et mon coloc, Aaron se plaçant de l’autre côté pour pouvoir « discuter entre mecs ». Quoi que ça signifie !

Les lumières deviennent tamisées et les acteurs font leur entrée. C’est la couturière, soit l’avant-dernière répétition et le metteur en scène a bien voulu que j’emmène mes invités de ce soir voir les fruits de mon travail. Faudra que j’aille lui acheter un petit quelque chose pour le remercier.

À mes côtés, l’excitation de Nathan est palpable et ça me fait vraiment plaisir de pouvoir faire ça pour lui. J’espère que la pièce va lui plaire.

Contrairement à moi, on peut compter sur lui et il mérite de belles surprises.

Très vite, on est tous happés par l’action sur scène. C’est hyper marrant, la part belle étant faite aux quiproquos. Je connais la moitié des répliques et suis à l’affût d’éventuels problèmes de garde-robe, mais ça me fait quand même bien rire.

Durant l’entracte, je m’éclipse pour aller voir les acteurs et leurs costumes.

De retour juste à temps pour entendre la fin de la tirade enflammée de Nathan, je reprends ma place et une seconde plus tard, Kara se penche pour me chuchoter à l’oreille :

– T’as fait du super boulot, leurs looks sont réussis.

– Merci.

Je me tourne vers elle pour lui adresser un sourire plutôt doux, auquel elle répond en tapotant ma main sur l’accoudoir.

Les lumières se tamisent à nouveau et dans le noir, elle entremêle ses doigts aux miens.

Mon cœur bat la chamade et ce n’est pas par peur d’être surprise par Aaron.

Je ne comprends pas pourquoi elle fait ça. Elle et moi… Ce n’est pas vraiment une relation type « main dans la main au clair de la lune »...

Qu’on s’entende : lui tenir la main n’est pas désagréable, mais il y a des limites tacites qui ont été tracées et qu’elle est en train de franchir. Je dois constamment me rappeler à l’ordre, sous peine d’oublier que je suis là pour l’aider à « découvrir ses limites » et rien d’autre, alors ces signaux contradictoires ne sont d’aucune assistance.

Je ne sais pas comment réagir. J’essaie de gérer les choses comme elles viennent, sans me prendre la tête sinon je vais me mettre à paniquer. Mais j’ai l’impression que je ne peux jamais savoir à quoi m’attendre et c’est particulièrement désagréable.

Fin bref !

On verra plus tard.

Au final, je passe le reste de la pièce la main dans la sienne et pars me coucher le cœur lourd de non-dits.

 

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Kara m’a à nouveau invitée à participer à l’un de ses streams et je ne pensais pas ça possible, mais je suis encore plus stressée que la dernière fois. Ils m’ont bien aimée lors de ma première apparition, j’ai peur de tout gâcher.

La porte est à peine fermée que ses lèvres sont sur les miennes. Est-ce que c’était un appel au sexe que j’ai mal interprété ?

Elle se recule, m’adresse un sourire penaud et explique :

– Désolée, ça faisait quelques jours que je n’avais pas eu ma dose.

En bonne hypocrite, je lui fais un clin d’œil et ne mentionne pas que je n’étais pas si occupée que ça. Si je l’écoute et passe tout mon temps libre avec elle… Elle va prendre une place bien trop importante dans ma vie et quand elle se lassera inévitablement, je ne saurais plus comment je faisais pour occuper mes journées avant elle.

Si elle remarque qu’elle m’a perdue l’espace d’un instant, elle n’en fait pas mention, m’attirant contre elle et levant son téléphone en mode selfie :

– Le PC est en train de s’allumer, on fait une petite photo pour Instagram histoire de prévenir du début imminent du stream ?

En temps normal, je n’aime pas les photos. Mais il est hors de question que je passe l’opportunité de me retrouver sur son fil d’actualité.  

Plutôt que de fixer l’objectif, mon attention se porte sur Kara qui exécute une parfaite imitation d’un phare avec son sourire 10 000 watts. Sachant que je n’ai aucune chance de rivaliser sur ce terrain, je croise les bras et lui adresse un regard peu impressionné, un sourire en coin se dessinant sur mes lèvres pour retirer un peu de mordant à mon expression.

Elle prend quelques clichés et sélectionne celui qu’elle préfère, le postant immédiatement, illustré par la mention :

En direct dans 10 min accompagnée de ma charmante coloc ». Venez nous retrouver !

Levant un sourcil, je ne relève évidemment qu’une seule chose :

– Charmante ?

Elle me fait face, me pince la joue et rajoute une nouvelle ligne à ma grandissante liste de raisons pour lesquelles elle doit mourir :

– Aww, t’en fais pas, je parlais de ton physique, pas de ta personnalité !

– Je te déteste !

Elle se mord la lèvre et j’ai tout à fait conscience que c’est volontaire, mais je ne peux pas m’empêcher de suivre le mouvement du regard.

– T’es sûre ?

Essayant de lui résister, je rétorque :

– Certaine.

– C’est dommage… J’aime beaucoup ton T-shirt, il irait très bien avec le sol de ma chambre, si tu vois ce que je veux dire…

Oh non, c’est reparti pour les tentatives de drague ratées. Je lutte vaillamment pour garder un visage neutre, mais c’est un échec. Il devient carrément cuisant lorsqu’elle passe le bout de son index le long du col en V du vêtement en question.  

Je chasse sa main d’un mouvement habituellement destiné aux moustiques, mais elle m’attire à elle par mes hanches, demandant :

– Comment je pourrais te faire changer d’avis à mon sujet ?

La lueur dans ses yeux me laisse penser que la question est moins anodine qu’il n’y paraît et ça m’effraie suffisamment pour que je fasse machine arrière :

– On va s’installer ?

Elle n’est clairement pas dupe, mais me laisse m’en tirer à bon compte, partant s’asseoir.

Elle lance la diffusion, remplaçant son écran d’attente par la vidéo et débute son introduction usuelle.

Je la regarde faire en souriant, réalisant un peu tardivement qu’elle m’avait parlé :

– Hm ?

– Je t’ai demandé à quoi tu voulais jouer.

– Oh… Je n’ai pas de préférence, comme tu veux !

– Ok. Les gens du chat, si vous avez des suggestions, c’est maintenant !

On lit toutes les deux les réponses et j’espère qu’elle ne remarque pas les rares commentaires soulignant la manière dont je la regarde avec les yeux de l’amour.

– Ouhh, « faites un jeu d’horreur, l’une au clavier, l’autre à la souris » j’aime bien l’idée et j’en ai justement un d’installé !

Je déteste.

Faire mine d’avoir les yeux qui grattent pendant les moments qui font peur au cinéma c’est une chose, mais devant la caméra je ne vais pouvoir tromper personne !

Kara se tourne vers moi pour avoir mon opinion et il est évident que mon visage laisse transparaître tout le mal que je pense de cette suggestion.

Immédiatement, un énorme sourire apparaît sur ses lèvres et elle s’exclame :

– On a trouvé !

– Tu peux me rappeler pourquoi j’ai un jour cru que participer à un nouveau stream était une bonne idée ? On peut se faire un Mariokart sinon !

Elle passe un bras autour de mes épaules et ignore ma suggestion :

– Awww… T’en fais pas, je te protègerai !

Évidemment, cette moquerie gratuite lui vaut un regard assassin. Sans la caméra, peut-être même une petite tape.

Elle lance le jeu et rien qu’à l’écran d’accueil, j’ai envie de m’enfuir. Comme si l’ambiance hyper glauque n’était pas suffisante, elle ferme les volets et laisse uniquement sa minuscule lampe de bureau allumée pour que la webcam serve à quelque chose.

– Tu veux la souris ou le clavier ?

– Aucun. Je veux changer de jeu !

– Viens par là.

Elle s’empare de ma chaise et la colle à la sienne, nos cuisses se touchant. Glissant le clavier dans ma direction, elle lance la partie.

Ça fait 10 minutes que l’on a commencé et si mes sous-vêtements n’ont pas encore de traces de freinage, ça ne devrait plus tarder.

C’est l’histoire d’un mec qui devient fou lorsque son niveau de stress augmente, y’a des « machins » qui rôdent et veulent vous buter et on ne peut même pas se battre contre eux ! C’est quoi ce délire ?

Je me sens comme la proie et c’est très déplaisant.

Maintenant que la partie est en cours, Kara fait nettement moins la maline. Je pourrais presque me la péter s’il n’y avait pas le retour de caméra à l’écran pour me rappeler que je n’en mène pas large non plus.

Après vingt-cinq minutes, j’ai juste envie d’abandonner, quitte à passer pour une poule mouillée. Entre la pénombre, la musique atroce et mon aversion pour ce genre de jeux de base, je n’étais pas prête du tout. Je m’imaginais faire une petite partie tranquille, pas ça ! Honnêtement, partir rendrait sûrement service à ma dignité.

Je tourne la tête dans sa direction, m’apprêtant à avaler ma fierté. Son regard vient croiser le mien avant de retourner sur l’écran. J’ai machinalement continué d’avancer et Kara pousse un cri lorsqu’un des méchants fait irruption juste devant nous. Elle lâche carrément la souris et cache sa tête au creux de ma nuque.

Évidemment, j’abandonne le clavier pour enrouler mes bras autour d’elle, me retenant difficilement de déposer un baiser dans ses cheveux. J’avoue, le contact physique me réconforte efficacement.

Se moquant, certaines personnes dans le chat s’empressent de faire des clips du moment, tandis que d’autres offrent leur soutien moral.

Kara se recule et m’observe, avant d’être distraite par le son d’une donation.

La voix robotisée se met à lire le texte :

« Moi aussi j’ai peur Naomi, je peux venir sur tes genoux ? »

Je m’apprête à répondre, mais c’est Kara qui s’en charge :

– Je ne suis pas sur ses genoux...

Elle se redresse et pointe l’accoudoir entre nous

– mais c’est une bonne idée ! Du coup désolée, la place est déjà prise !

Ce faisant, elle se lève et vient s’installer tranquillement sur moi, sans même me demander mon avis.

Amusée, je me décale sur le côté pour la regarder et m’enquiers d’un ton railleur :

– Ça va, je te dérange pas ?

Loin de partir, elle prend ses aises, rapprochant mon fauteuil et s’adossant à moi.

– Non, t’es plutôt confortable !

Bien sûr, elle ponctue ça de tout un cinéma à la façon d’un chat qui cherche la position dans laquelle il va s’endormir.

N’ayant aucune envie de la laisser avoir le dernier mot, je m’assure qu’on ne peut pas me prendre en flagrant délit et lui pince les fesses.

Immédiatement, elle se redresse comme si je venais de lui filer un coup de taser et lance :

– Tout compte fait, tu ne vaux pas mon fauteuil !

Elle retourne à sa place tandis que j’adresse un sourire satisfait à la caméra. Le chat se demande ce que j’ai bien pu faire, donc je décide de poser une question pour détourner leur attention :

– Et sinon on joue à quelque chose, madame la streameuse à plein temps ?

– Je me vengerai dès qu’on sera hors ligne, sache-le.

– Raison de plus pour trouver de quoi t’occuper un moment !

Ravie de ma répartie, je me pare de mon plus beau sourire innocent et manque de perdre une dent lorsqu’une manette est propulsée dans ma direction.

– Tu vas mordre la poussière !

– Ehhh… On va voir ça.

 

======================

 

Étant assise depuis un bon bout de temps, je me lève et m’étire tandis que Kara termine d’éteindre son ordinateur. J’ai toujours les bras en l’air lorsqu’elle m’enlace par-derrière.

Les rabaissant, je viens placer mes mains sur les siennes alors qu’elle dépose des bisous dans mon cou. Penchant la tête pour lui laisser le champ libre, je la taquine :

– Mhh… C’est ça ta vengeance ? Parce que ça ne m’incite pas exactement à bien me comporter…

Plutôt que de répondre par la parole, elle remonte lentement ses mains, prenant mes seins au creux de ses paumes et…

– Ahhh !

Je fais volte-face pour trouver une Kara fière d’elle. Plissant les yeux, je connais la réponse, mais pose néanmoins la question :

– Je rêve ou tu viens de me pincer les tétons ?

Son sourire s’agrandit.

Et ça l’amuse en plus !

– Tu l’auras voulu !

Sans lui laisser le temps de réagir, je me jette sur elle, la pousse sur le lit et la chatouille !

Elle se défend comme elle peut, mais ce n’est pas facile alors qu’elle est à bout de souffle :

– Pause, pause !

Je m’arrête l’espace d’un instant, restant à cheval sur elle, un sourire victorieux aux lèvres :

– Tu t’excuses ?

Faisant la moue, elle rétorque :

– J’irais pas jusque-là…

J’ai à peine les mains en position « attention je peux recommencer » qu’elle change d’avis :

– Oh oui ! 100 % désolée !

Il est clair qu’elle n’est pas du tout sincère, mais ça me va !

Cette position me donne envie de l’embrasser, alors je me redresse. J’ai peur de m’habituer si l’on commence à faire des choses comme ça sans sexe derrière. Et ce ne serait pas bon.

Je m’imagine tout à fait me lever, tête dans les fesses et venir déposer un baiser sur les lèvres de Kara alors que mes colocs sont aussi à table…

Nope.

Ça ne se produira pas.

6 novembre 2019

Hors Limites - Partie 12

Mes joues me font un mal de chien à force de sourire.

Je n’arrive pas à croire que je me trouve là ! Elle m’a emmenée !

C’est voyant la quantité de personnes qui font la queue pour avoir un autographe ou prendre une photo avec Kara que je réalise que j’ai de la chance d’être là.

Bien sûr, je sais combien de gens en moyenne suivent ses diffusions, mais c’est très différent de les voir en vrai. Ça fait vraiment prendre conscience de l’ampleur de sa popularité. Ce n’est plus juste elle dans une chambre, mais nettement plus.

Une bonne partie d’entre eux m’ont même reconnue et j’ai aussi eu des demandes de photos. C’était… Bizarre. Pas forcément désagréable, mais dépaysant.

Deux mètres plus à gauche, Kara porte le costume de Nova que je lui ai fabriqué et sans vouloir me vanter j’ai assuré.

Sûrement un peu trop étant donné que c’est au moins la 50e fois qu’un visiteur se sert de ça comme moyen de lui glisser qu’elle est belle.

Je profite d’un moment de calme pour remettre un peu d’ordre sur mon bout de stand, lorsque j’entends quelque chose qui me fait écarquiller les yeux. Juste à côté, une nana est en train de parler à Kara et annonce de but en blanc :

– Y’a pas mal de gens qui se posent des questions sur la nature de tes relations avec ta coloc.

Et bah qu’ils continuent de se les poser, ça ne les regarde pas ! Il n’y a rien de sérieux entre nous et je ne vois pas tous ces bien-pensants commères en train de rendre publique la liste de leurs sex-friends. Alors pourquoi nous on le devrait ?

Je tourne légèrement la tête pour pouvoir observer discrètement Kara du coin de l’œil. Elle hausse un sourcil et se pare d’un air amusé avant de répondre :

– Naomi n’a pas encore saisi que selon les règles d’Internet, elle doit impérativement être folle amoureuse de moi ! Je veux dire, elle m’a souri quand même !

Bien que ses propos soient clairement moqueurs, le ton sur lequel elle le dit fait que son interlocutrice ne s’en formalise pas. Kara marque une pause et reprend :

– Plus sérieusement, j’ai effectivement eu vent des rumeurs, mais pour être honnête, je ne sais même pas quoi y répondre.

Pourquoi c’est la première fois que j’entends parler de ça ? Faudra que j’aille faire un tour en ligne, j’ai besoin de connaître ce que ses fans racontent sur nous.

La fille, loin de laisser tomber le sujet, insiste :

– Il suffirait de dire la vérité !

Kara la fixe l’air de dire « vraiment, tu crois ça ? » et s’explique :

– Les gens ne veulent pas savoir la vérité, y’aura toujours des rumeurs. Pi j’ai peur que mes propos ne soient déformés ou froissent certaines personnes et que ça ait des répercussions sur mon travail, que ça change l’ambiance du chat par exemple…

Elle fronce les sourcils et hésite un instant avant d’ajouter :

– Et pour être tout à fait franche, je ne suis même pas sûre de comprendre pourquoi ça intéresse les gens ! J’en parlerai avec Naomi et on clarifiera les choses ensemble si vraiment ça devient un problème, mais d’ici là ce n’est pas un sujet que je souhaite aborder.

Bien qu’elle soit restée tout à fait courtoise, le ton de sa dernière phrase laisse catégoriquement savoir que la conversation est terminée.

C’est normal de trouver ça sexy ?

La nana acquiesce dans un signe de tête et reprend d’un air enjoué :

– Ok, pas de problème. On espère juste que tu as trouvé ton bonheur ! Bonne journée et bon courage.

– Merci, bonne journée à toi également.

Ne voulant pas risquer que la concierge de service ne vienne me poser d’autres questions dérangeantes, je me retire dans l’espace de stockage du stand.

Un placard glorifié quoi.

En gros, c’est une pièce exigüe, de deux mètres de long sur un mètre cinquante de profondeur, séparée du public par un frêle rideau et qui contient un mini frigo et quelques petits cadeaux à distribuer.

Comme il n’y a même pas de chaise, je teste la solidité d’un des murs avant de m’y adosser. Ça va me faire du bien de souffler un peu. Fermant les paupières, j’essaie de me détendre.

J’entends toujours Kara qui enchaîne les photos et les compliments sur sa tenue. Franchement, j’admire sa ténacité. À sa place, j’aurais commencé à être particulièrement désagréable il y a au moins deux heures ! J’ai besoin de ces mini breaks pour rester saine d’esprit.

J’ouvre les yeux en l’entendant dire un gros mot alors que son visiteur s’excuse.

Elle marmonne un « ça va aller » et tire le rideau une seconde plus tard. S’engouffrant, elle referme derrière elle et je constate qu’elle a une main placée sur le haut de sa jambe.

Nos regards se croisent et je m’entends demander :

– Ça va ?

Elle retire sa paume, me montrant une grosse déchirure, partant de sa hanche jusqu’à l’intérieur de sa cuisse :

– Je viens de quasi flasher des centaines d’inconnus, mais à part ça…

– Laisse-moi voir.

Plaçant une main sur son torse, je l’incite à s’adosser au mur perpendiculaire au rideau et pose un genou à terre. Une fois à la hauteur, je ne peux que constater les dégâts. Le tissu est visiblement bien amoché, comme s’il avait été perforé puis arraché. Levant la tête pour venir croiser son regard, je m’enquiers :

– Comment c’est arrivé ?

– J’ai fait une photo avec un mec portant un sac en bandoulière avec des pics… En se tournant pour me remercier, lui dans un sens, moi dans l’autre… Tadaaa.

Pinçant mes lèvres, je pose mon autre genou à terre et essaie de voir s’il est possible de réparer les dégâts facilement.

Les bords de la déchirure sont irréguliers et le tissu élastique a été déformé à l’endroit où la perforation a eu lieu.

Grimaçant, je lui annonce ce que j’en pense :

– Quoi que je fasse, ça va se voir.

– Tant pis, je ne peux pas ressortir comme ça et j’ai laissé mes fringues dans la voiture.

– Retire ton pantalon, je vais essayer de faire vite.

Évidemment, je réalise la manière dont je viens de dire les choses à l’exact instant où c’est trop tard.

Kara frétille des sourcils et ne rate pas l’occasion de me faire regretter mes propos :

– Comment refuser quand c’est demandé de la sorte…

Elle baisse légèrement le tissu et place sa main à l’arrière de mon crâne, faisant mine d’accompagner ma tête en direction de son entrejambe avant que je ne me libère.

– Si tu as envie de sortir cul nul continue comme ça !

Elle lève les yeux au ciel, ôtant ses chaussures et défaisant son pantalon en souriant avant de lancer :

– Rabat joie. Je t’amène ici et j’ai même pas un merci !

Haussant un sourcil, je termine de lui retirer, m’empare du vêtement endommagé et me relève, m’assurant de passer un doigt le long de son sous-vêtement :

– Si mes souvenirs sont bons, t’en as déjà eu plusieurs…

Chassant ma main, elle me pousse gentiment en arrière avant de lancer :

– On verra si t’arrives à me rafraîchir la mémoire un peu plus tard, mais d’ici là…

Elle ponctue sa phrase d’un signe de tête en direction de mon nécessaire de couture. Portant une main à mon front dans un salut militaire moqueur, je sors ce dont j’ai besoin. Je travaille aussi rapidement que possible, sachant qu’elle a encore beaucoup de monde à voir.

Clairement, ce n’est pas la plus belle des réparations, mais c’est ce que je peux faire de mieux compte tenu des circonstances.

J’observe Kara enfiler son pantalon comme une brute, sautillant sur une jambe.

Une fois décente, j’ouvre le rideau et lance :

– Allez, va rencontrer tes fans

Kara me sourit, glisse une main dans le bas de mon dos et réplique :

– Pas toute seule, je vais avoir besoin de quelqu’un pour cacher l’état de mon pantalon sur les photos.

Je lui adresse un regard faussement assassin, le sourire sur mes lèvres en ruinant tout l’effet.

 

==========================

 

Affalée sur le canapé devant une série, Nathan ne me laisse même pas le temps de mettre pause qu’il va droit au but :

– Alors c’est officiel maintenant ?

Fronçant les sourcils, je lui adresse un regard en coin :

– De quoi tu parles ?

– Tu sais quoi.

Euh… Je devrais ?  Parce que là c’est le blanc total dans mon esprit.

– Non, vraiment pas.

– Kara. Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

Pardon ? Il perd la boule ou quoi ? Je lui ai confirmé qu’il y a bien eu rapprochement en précisant qu’il ne s’agit pas d’une relation sérieuse !

– On en a déjà parlé ! On n’est pas en couple.

Il m’adresse le même regard qu’un flic qui viendrait de prendre un suspect en flagrant délit et s’entendrait dire « j’ai rien fait ».

Me sentant obligée d’insister, je réitère mon affirmation :

– Non, vraiment, on n’est pas ensemble.

Sans rien ajouter, il penche la tête pour consulter son téléphone et je suis soulagée. Expliquer à Nathan qu’il ne s’agit que de sexe entre nous n’est pas l’idée que je me fais d’une après-midi de rêve. Heureusement, il a rapidement lâché l’affaire !

Malheureusement pour moi, je me retrouve face à l’air narquois de mon coloc alors qu’il me tend son smartphone, déclarant :

– Il faudrait peut-être vous montrer plus discrètes dans ce cas…

Fronçant les sourcils, je consulte l’écran et n’arrive pas le moins du monde à dissimuler ma surprise.

– C’est quoi ces histoires ?

Du bout du pouce, je fais défiler la page et suis de plus en plus mortifiée.

Sous mes yeux, des photos de la scène qui s’est déroulée dans la remise du stand. Depuis l’autre côté du rideau, on ne voit que mes genoux à terre devant Kara, mes poignets au moment où j’abaisse son pantalon, puis ses chevilles nues juste avant que je ne me lève pour aller le repriser.

Sous cet angle, ça a l’air… compromettant. Ajoutez la sortie avec son bras autour de ma taille, saupoudrez le tout de sourires particulièrement niais sur nos deux visages et vous obtiendrez un beau quiproquo.

Totalement abasourdie, je me tourne vers Nathan et prie pour qu’il me croie :

– Un fan venait de trouer le pantalon de son costume, je ne faisais que constater les dégâts. D’ailleurs, mate !

Je zoome sur la photo où nous sourions, essayant d’ignorer la manière dont on se regarde l’une l’autre et pointe du doigt la zone fraîchement réparée.

Il se penche et observe la preuve de ma bonne foi, me laissant espérer être tirée d’affaire :

– Bon ok, je me disais aussi que je voyais mal Kara en tant qu’exhibitionniste.

Deux choses me font tiquer :

1 merci pour moi et 2 s’il savait…

Ne pouvant ni ne voulant lui dévoiler cette facette de notre relation, je me contente de lui adresser un regard blasé.

 

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Je me pose sur un banc face à une fontaine, quasi hypnotisée par le mouvement des jets d’eau. Malheureusement, ce n’est pas assez pour calmer mes angoisses.

Comment je suis supposée retourner à l’appart ? Aaron suit sa sœur sur les réseaux sociaux, il aura vu les publications. Et même si ce n’était pas vrai cette fois-ci, je n’ai pas envie de lui mentir en pleine face en niant avoir couché avec Kara.

J’aurais jamais dû céder. J’aurais dû être forte et garder mes distances.

Pas me jeter à corps perdu dans le… tourbillon de son sillage. Ça a été trop loin.

Le banc vibre sous le poids de quelqu’un qui s’installe à côté de moi.

– J’espérais te trouver ici.

Fermant les yeux, j’essaie de maîtriser les émotions contradictoires qui m’envahissent. Secouant la tête à la négative, un seul mot m’échappe :

– Kara…

Elle place sa paume sur mon genou et c’est comme si je venais d’être branchée sur le secteur.

Je fais mine de croiser mes jambes pour faire cesser le contact.

Elle retire sa main, entremêlant ses doigts sur ses cuisses. Du coin de l’œil, je la vois se mordre la lèvre :

– Il faut qu’on en parle…

J’apprécie l’effort, le fait d’avoir rajouté « en ». Mais ce n’est pas cette histoire de photos volées et interprétées qui m’inquiète le plus. Pour le coup, la vérité fera l’affaire. J’ai du mal à gérer le changement et j’ai l’impression de n’avoir fait que foncer vers l’inconnu depuis que je l’ai rencontrée.

Je me tourne vers elle, plaçant mon coude de l’autre côté du dossier :

– Qu’est-ce que tu veux dire de plus ?

– Je ne peux pas ignorer ces messages, il faut que j’y réponde.

– Je sais.

J’ai conscience d’être inutilement difficile, que je n’ai pas besoin de faire des réponses monosyllabiques. C’est pas de sa faute si j’ai été faible. Je m’en veux d’avoir craqué, de m’être laissée embarquer.

D’une voix incertaine, Kara demande :

– Est-ce que tu veux en profiter pour… dire ce qui se passe entre nous ? Clarifier la situation ?

Un petit rire dénué d’humour m’échappe et je rétorque sans détour :

– Le fait qu’on s’amuse ensemble ne regarde pas tes fans. Oui, c’est sympa, mais c’est que du fun, je me vois mal annoncer ça. Et sans parler de la syncope que ferait Aaron.

Ça me fait de la peine de le reconnaître à voix haute, mais si c’est ce qu’il faut faire pour retrouver un peu de lucidité et parvenir à garder mes distances, alors c’est ce que je ferai.

Kara devient blanche comme un linge, son sourire s’effaçant instantanément. On dirait bien qu’elle n’avait pas percuté que son frère n’était toujours pas au courant. Soudainement mal à l’aise, elle m’adresse un sourire-grimace, déglutissant avant de lancer d’une petite voix :

– Oh… Ok.

Je l’observe en silence, ne comprenant pas pourquoi ses yeux deviennent embués. Il y a quelques jours encore, elle me proposait de tout raconter à Aaron. À vrai dire, j’aurais limite cru que le fait d’avoir à lui annoncer allait la soulager.

Lèvres pincées, elle m’adresse un drôle de regard et s’exclame :

– Bon. Je vais y aller.

La retenant par son poignet, je demande :

– Tu vas dire quoi ?

– La vérité, que mon pantalon était troué. Inutile de t’impliquer plus que ça dans cette histoire.

De toute manière, ça aurait été difficile de m’impliquer davantage…

Elle libère son bras et s’éloigne de quelques pas avant d’effectuer une brusque volte-face :

– Je crois qu’on ferait mieux de garder nos distances pendant un moment.

Ce n’était qu’une question de temps, prévisible, vraiment, mais j’ai l’impression qu’elle vient de me poignarder en plein cœur. Son regard cherche le mien et je baisse la tête pour m’y dérober, acquiesçant. Je suis stupide.

– Bien sûr.

Mon ton n’était pas aussi détaché que je l’aurais souhaité, tant est si bien que je ressens le besoin de rajouter :

– Comme tu le sens, pas de problème.

Elle m’observe en silence quelques instants, avant d’enfoncer ses mains dans les poches de sa veste et lancer :

– Ok.

– Ok.

Kara se retourne et quitte le parc d’un pas rapide.

Je reporte mon attention sur la fontaine, lâchant un souffle que je n’avais pas conscience d’avoir retenu.

– Fait chier.

J’ai toujours su que ça allait se terminer comme ça et pourtant j’ai été incapable de m’arrêter. J’espère juste que la fin de notre arrangement ne marque pas celle de notre amitié.

 

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Je présente les tickets à l’ouvreur, qui nous laisse passer. Nathan demande :

– Je vais aller acheter du popcorn, vous voulez quelque chose d’autre ?

– Des bonbons ?

Aaron répond quant à lui à la négative, tandis que Kara annonce :

– Je t’accompagne.

Super…

Je les regarde s’éloigner et reporte mon attention sur Aaron, gênée de me retrouver dans cette situation.

Il doit sentir mon inconfort, puisqu’il pose une main sur mon bras et me rassure :

– Stresse pas. Kara m’a expliqué.

Je lui adresse un minuscule sourire, n’étant pas capable de plus. Je ne sais pas exactement ce qu’elle a été lui raconter, mais je doute que ça soit l’entière vérité, dans son intégralité. Il est hors de question que je prenne le risque d’avancer en terrain miné, chaussée de mes gros sabots. D’un côté, ça me rassure de ne pas avoir à lui mentir, de l’autre… finalement ça aurait presque été un soulagement de me libérer de ce poids sur ma conscience.

Il marche en direction de la salle qui projette le film sur lequel on s’est mis d’accord, non sans mal. Les mecs voulaient aller voir un film de guerre qui dure 3h30, mais ni Kara ni moi n’étions motivées. Autant dire que la négociation a été âpre. Je suis sortie de mes pensées par Aaron qui lance :

– C’est pas cool de la part de ses fans de spéculer comme ça.

– Non. Surtout que je suis quasi sûre que la nana qui a posté les premières photos est la même à qui Kara avait dit qu’elle ne souhaitait pas aborder ce sujet.

– Ouais. Certaines personnes ne respectent aucune limite.

Tournant la tête, je fais mine d’être captivée par les mini-écrans diffusant les bandes-annonces. Une chose est claire : mon visage est criant de culpabilité. J’en connais une autre qui n’a rien respecté.

La salle est déjà ouverte et Aaron s’y engouffre, espérant certainement réserver de bonnes places. On s’assied en milieu de rangée et n’avons même pas terminé de retirer nos manteaux que nos colocs reviennent les bras chargés.

Nathan m’indique :

– Je voulais te prendre des ours en guimauve, mais Kara m’a dit que t’as un faible pour ceux-là !

Il s’avance dans la rangée, allant s’installer de l’autre côté d’Aaron et me déposant un mini paquet de bonbons piquants sur les genoux au passage.

– Merci.

Elle s’est souvenue de mes préférences. Ce n’est pas grand-chose, mais ça me fait plaisir.

Kara s’approche et je tends les bras pour m’emparer de mon manteau, afin de libérer la place à côté de moi. Elle m’arrête d’un signe de la main :

– Je vais aller à côté de Nathan, j’aime mieux être bien au centre.

– Oh. Ok.

Je décale mes jambes pour la laisser passer, ignorant mon pincement au cœur.

C’est juste un siège, n’en fais pas un drame. Et si jamais elle avait un fan ou deux dans le cinéma, c’est sûrement mieux si on ne nous aperçoit pas côte à côte, ils seraient capables de s’imaginer que c’est un rencard…

Les bandes-annonces commencent et j’ouvre les bonbons tant qu’il est encore ok de faire du bruit.

Sachant qu’elle aime ça elle aussi, je me penche en avant et tends le paquet dans la direction de mes colocs, demandant :

– Quelqu’un en veut ?

Je cherche à croiser le regard de Kara, mais elle refuse poliment sans même tourner la tête dans ma direction.

Me réinstallant contre le dossier, je laisse échapper un soupir.

Nos interactions me manquent. C’est horrible parce qu’elle ne m’évite pas, n’est pas méchante, juste… distante. Je m’étais habituée à avoir toute son attention, être l’objet de ses affections et soudainement, plus rien. La transition est hyper violente. Même si je sais que ce n’est pas possible, j’ai envie que ça redevienne comme avant, rien qu’un instant.

 

============================

 

Ça fait une semaine. C’est pas long une semaine. 7 jours.

D’un unique post Instagram, Kara a tout clarifié le jour même de notre « explication ». Depuis, on a fait plein d’activités ensemble, mais jamais seules. Et jamais vraiment ensemble. Pas comme avant.

Je ne sais pas exactement comment c’est possible, mais elle me manque alors même qu’elle est là.

Si les garçons ont remarqué que l’on n’est plus aussi proches que ces derniers temps, ils n’en ont pas fait mention. Je devrais probablement en parler avec Nathan, qui s’est toujours montré de bon conseil, mais j’ai peur du « je te l’avais bien dit » qu’il serait en droit de m’administrer.

Posée sur mon lit, j’essaie de comprendre. Rentrer à l’appart ne me donne plus la sensation d’être à la maison, plus comme avant. Je dors mal, je suis stressée et irritable.

Globalement misérable.

Quant à Kara… Je ne sais pas trop si ça lui fait pareil. D’un côté, j’ai l’impression de sentir son regard sur moi quand j’ai le dos tourné, de l’autre, il n’y a plus ces échanges silencieux entre nous. Je jurerais qu’elle avait un petit sourire qui m’était réservé et que je n’ai pas vu depuis.

Même ses atroces répliques de drague ont cessé. Si on m’avait dit qu’un jour j’allais les regretter…

Pathétique comme je suis, j’ai créé un nouveau compte Twitch pour pouvoir continuer à la regarder sans qu’elle le sache. Écouteurs dans les oreilles, j’observe l’écran avec attention. Elle répond aux questions des internautes en attendant de trouver une partie :

– Taz, merci pour les cinq euros !

Se penchant, elle répète à voix haute le texte de la donation :

– Y’a une fille que j’aime bien. Comment je peux savoir si ce que je ressens est juste de l’amitié ou plus ?

Elle se redresse et adresse un sourire à la caméra, rétorquant d’un ton autodérisoire :

– Étant moi-même célibataire, je ne suis pas sûre d’être la mieux placée pour te parler d’amour, mais je vais tenter de répondre.

Levant les yeux d’un air pensif, elle tapote sa bouche de son index et lance :

– Pour moi, il y a plusieurs formes d’attirance. Celle que je recherche, le Graal si tu veux, c’est celle qui crée une sensation mixée de familiarité et d’inconnu.

Fronçant les sourcils, je focalise toute mon attention sur l’écran :

– Cette fille, est-ce que t’as hâte de la retrouver ? Est-ce que sa simple présence fait qu’une activité banale devient géniale ? Est-ce que tu retiens chaque minuscule détail qu’elle partage avec toi ? Est-ce que t’as toujours envie d’en savoir plus sur elle ? Est-ce que la voir heureuse fait que toi aussi tu l’es ?

Elle secoue la tête, un petit sourire limite triste aux lèvres, puis reprend :

– Si oui, alors je dirais que c’est plus que de l’amitié et que ça vaut le coup de tenter quelque chose.

Mon cœur bat la chamade.

Je repense à tous ces moments qu’on a partagés, j’entrevois à quel point ce qu’elle vient de dire s’applique à mon cas.

Et je comprends.

Je suis une idiote.

Une abrutie finie.

Limite irrécupérable.

Le boulet de l’amour.

L’handicapée du sentiment.

Les trois quarts du chat se moquent gentiment de son côté « docteur love », tandis que le quart restant demande si elle parle d’expérience.

– Vous voudriez bien savoir, pas vrai ?

Elle fait frétiller ses sourcils et ouvre la bouche pour répondre.

Arrachant mes écouteurs, je claque l’écran de mon pc portable, ne POUVANT pas savoir.

Dans un cas comme dans l’autre, je suis foutue.

Merde !

Je ne comprends pas...

J’ai été hyper prudente !

Tout du long, j’étais prévenue que ce n’était pas sérieux et que ça pouvait prendre fin à tout instant.

Quand est-ce que j’ai franchi la limite entre sexe et sentiments ? Est-ce que j’en avais déjà avant même que l’on couche ensemble ?

Je repense à tout ce qu’on s’est raconté et tout ce qu’on a tu. Tout ce qu’on s’est dit sans qu’aucun mot ne soit échangé.

À la Kara tous publics et ma Kara à moi.

Non, je ne veux même pas savoir en fait.

Me frottant les yeux, je m’allonge sur le dos, regardant le plafond.

Et maintenant ?

Je fais quoi ?

Si oui, alors je dirais que c’est plus que de l’amitié et que ça vaut le coup de tenter quelque chose.

Et si je suis la seule à avoir profité de l’espace Schengen et qu’elle est restée de son côté de la frontière, ça donne quoi ?

Maintenant que je sais, je n’ai aucune idée de comment j’ai pu ignorer que je développais des sentiments pour elle. Enfin, sans admettre que j’ai été finie à l’urine j’entends ! 

Jetant un coup d’œil à ma montre, j’ai soudain l’impression d’être pressée par le temps.

Si jamais elle a eu envie de plus entre nous, même rien qu’une seconde, je ne veux pas prendre le risque d’attendre et que ça lui passe.

Qu’elle rencontre quelqu’un.

Si mes sentiments sont à sens unique, je pourrais apprendre à vivre avec, mais pas avec des « et si ». Il faut que je sache, quitte à me faire briser le cœur au passage.

Me levant d’un bond, je trottine jusqu’à l’autre côté de l'appart, frappant à la porte.

– Ouais ?

J’entre, referme derrière moi et tourne en rond.

Depuis son lit Aaron m’observe dans une moue circonspecte :

– Naomi ? Tout va comme tu veux ?

Maintenant ou jamais.

– Nan.

Il se décale pour venir s’asseoir sur le bord du matelas, demandant d’un ton inquiet :

– Qu’est-ce qu’il se passe ? T’as l’air… bouleversée.

– Aaron, je…

Allez, lance-toi. Comme un pansement, d’un seul coup :

– Je suis amoureuse de Kara.

Je ferme les yeux, m’attendant à me faire incendier, mais certainement pas à sentir sa main attraper l’une des miennes :

– Hey, tout va bien. Assieds-toi.

Il répond au regard craintif que je lui lance par un sourire encourageant, tapotant l’espace à côté de lui.

– Je suis désolée, j’ai pas voulu ça. Je viens de comprendre.

Ma respiration est rapide et saccadée et Aaron me surprend en passant une main le long de mon dos, cherchant visiblement à me réconforter :

– Calme-toi, ça vaut pas le coup de te mettre dans des états pareils.

– … T’es pas fâché ?

Sous l’effet de l’étonnement, il se recule légèrement, fronçant les sourcils :

– De quoi ? Que tu aies vu à quel point ma sœur est géniale ?

– Oui, mais… Tu m’as clairement fait comprendre qu’elle est hors limites.

Il s’empare d’une de mes mains, qu’il vient placer entre les siennes :

– Regarde-moi Naomi.

Gardant la tête baissée, je lève timidement les yeux dans sa direction, ayant toujours un peu de mal à croire qu’il n’est pas sur le point de me décapiter :

– Après ta dernière séparation, t’étais… instable. Je t’ai dit ça parce que je ne voulais pas que Kara soit juste une marque de plus à ton tableau de chasse.

Immédiatement, je me redresse, avec la ferme intention de lui expliquer qu’il n’est pas question de ça du tout, mais il me réduit au silence en reprenant la parole :

– Je suis pas aveugle, tu sais. C’est évident qu’il se trame quelque chose entre vous. J’ai vu la manière dont tu la regardes et les sourires qu’elle t’adresse quand elle pense que personne ne fait attention.

Coupable, je baisse à nouveau la tête, honteuse. Il était au courant. D’une certaine manière, c’est encore pire. Il m’a fait confiance avec sa sœur, mais de mon côté j’en ai manqué pour tout lui avouer. 

– Je suis désolée.

– Arrête de t’excuser.

Haussant les épaules, je lance :

– C’est tout ce qu’il me reste à faire.

– Tu lui as dit ? Que tu as des sentiments ?

Secouant la tête à la négative, je me livre :

– Non. Je voulais t’en parler avant… J’ai peur d’avoir déjà tout gâché.

Il passe un bras autour de mes épaules et m’attire à lui, déposant un bisou sur mes cheveux :

– Tu sais, Kara est… plus sensible qu’il n’y paraît. Fais-lui comprendre, peut-être qu’elle te surprendra.

– Je vais lui dire, mais ça va pas être facile. J’ai l’impression qu’elle fait tout pour éviter de se retrouver seule avec moi depuis cette histoire de photos…

Il m’adresse un large sourire :

– Ça, je peux y remédier. Ça demande juste de l’organisation. Ton jour sera le mien !

Comment j’ai pu appréhender sa réaction à ce point ? Même dans le meilleur des scénarios auxquels j’ai pu penser, jamais je n’aurais imaginé qu’il me proposerait son aide. Autant battre le fer pendant qu’il est encore chaud :

– Elle ne streame pas demain soir…

– T’as un endroit particulier en tête ?

Merde. Non. Je ne sais même pas ce que je vais bien pouvoir lui dire pour bien présenter les choses ! Grimaçant, j’avoue :

– Nan.

– Ok, pas besoin d’aller loin. La connaissant, elle sera plus à l’aise dans un lieu familier.

– Le parc ?

Il remue la tête à la négative :

– Nan, après ce qu’il s’est passé, c’est pas une bonne idée de la mettre sous les feux de projecteurs en public.

Il n’a pas tort. Et c’est inquiétant que le coureur de jupons soit plus doué que moi pour ça…

– Ici ?

– Ouais, mais dans le salon alors, il faut un endroit « neutre ».

Et comme ça, si elle décide de me briser le cœur, je n’aurais pas à aller trop loin pour m’effondrer.

– Ça me va.

– Ça me va aussi.

– Merci.

Je dépose un bisou sur sa joue avant de me relever. Me souriant, il répond du tac au tac.

– Pas de quoi. Je m’arrangerai pour qu’elle soit à 19h devant la télé dans le salon. J’emmènerai Nathan avec moi, histoire que vous soyez tranquilles pour parler.

Acquiesçant, je me penche pour l’enlacer, ne revenant toujours pas de la chance que j’ai.

– Encore merci. Tu sais ce que vous allez faire ?

– Nan, mais je vais bien trouver.

Une idée me vient à l’esprit :

– Sinon, vous avez qu’à dîner et aller voir le fameux film de guerre dont on vous a privés l’autre jour, c’est moi qui offre.

– Si tu proposes… Je vais pas dire non !

– Deal.

Amusé, il serre la main que je lui tends.

– Deal.

Je m’apprête à quitter sa chambre, déjà en train de réfléchir à comment je vais bien pouvoir m’y prendre, lorsqu’il s’exclame :

– Et Naomi ?

– Oui ?

– Ne te rate pas !

4 mars 2018

Chapitre 9

Plus que quelques jours de calvaire.

Après ça je pourrais retourner à ma petite vie, remettre mes œillères et me concentrer sur le voyage à gagner.

J’ai hâte.

D’ailleurs, ça me fait penser, faudra que je négocie une compensation au prorata de mon CA sur les autres mois pour le temps passé ici, ça m’a forcément fait perdre un peu de terrain sur la vente de machines.

Mais bon, d’ici là autant apprendre des choses. Le formateur est moins soporifique que celui de la semaine dernière, je n’ai pas besoin d’une perfusion de café pour tenir et c’est déjà ça, car Chris traîne systématiquement près du distributeur et je l’évite comme la peste.  

Je n’ai aucune idée de ce qu’ils se sont dit avec Sasha et ai bien l’intention de ne pas le savoir, ne voulant plus jamais entendre parler de cette histoire dans le maigre espoir d’oublier le traumatisme.

Essayant de me concentrer sur la formation, histoire de n’avoir pas fait ce voyage pour rien, je porte toute mon attention sur l’orateur et suis très étonnée lorsque tout le monde se lève pour partir déjeuner.

C’est passé vite. Avec un peu de chance, ça va faire pareil pour le temps qu’il me reste ici.

Comme on a une heure et demie de pause, James, Dom et moi décidons de nous rendre dans un charmant restau à proximité. Sur le chemin, alors que l’on marche devant un kiosque à journaux, Dom pousse un petit cri, se rue sur un journal pour en faire l’acquisition et revient vers nous.

Il a repéré le prochain Playboy peut-être ?

Me plaçant la couverture à 1mm du visage, il s’exclame :

- C’est quoi ça Héléna ? Tu m’expliques ?

Me reculant, je lui arrache des mains pour découvrir de quoi il s’agit, retrouvant la photo de Sasha et moi à la Gay pride. Un petit sourire se glisse sur mes lèvres et je le réprime aussitôt, ne voulant pas me faire charrier.

Je hausse les épaules et tente de diminuer les faits :

- Je vous ai déjà raconté qu’on avait été invitées sur le char. Je ne vois pas ce qui t’étonne…

- Ce qui m’étonne !?

Dom lève les bras au ciel, comme pour dire “nan mais vous l’entendez celle-là ?”, avant de reprendre :

- Ce qui m’étonne, c’est de vous voir aussi cosy. Je sais que James t’a expressément demandé de faire des efforts pour “supporter” Sasha et t’en rapprocher, mais ça va un peu loin là ! T’as pensé à elle ?

Une espèce de bruit d’étonnement se fait entendre derrière nous et nous nous retournons pour voir Sasha porter sa main à sa bouche.

Elle n’a visiblement pas manqué une miette de la réflexion qu’il vient de me faire et l’on peut observer le moment où son visage passe de la surprise à l’énervement. Ses yeux se plissent, sa bouche adopte une moue de dégoût et elle secoue la tête de gauche à droite.  

Le tout dirigé vers moi.

Oh non.

Non non non.

Voulant limiter les dégâts, je tends la main dans sa direction et tente un :

- Sasha… je peux expliquer.

Se reculant brusquement avant que je ne puisse l’atteindre, elle fait volte-face et part rapidement. Me retournant pour adresser un regard assassin à Dom accompagné d’un “merci bien ! On va avoir une discussion quand je reviens.”, je ne perds pas une seconde de plus pour me lancer à la poursuite de ma collègue.

Je trottine pour la rattraper et la saisis par le bras lorsqu’elle pénètre dans l’immeuble où se tient la formation. Elle se dégage d’un mouvement d’épaule agrémenté d’un “fous-moi la paix” et continue de marcher, s’engouffrant dans un couloir.

Qu’on soit clairs : j’ai bien compris qu’elle n’a pas envie de me parler ni d’écouter mes excuses. Mais l’idée qu’elle puisse penser rien qu’un instant que j’ai joué la comédie sur ordre de mes collègues m’est insupportable.

À vrai dire, en rétrospective le seul moment où je mentais était à moi même quand je m’auto-persuadais que je ne pouvais pas la blairer. Je crois qu’elle m’a toujours intriguée et que je ne comprenais pas pourquoi.

Je finis par l’intercepter au niveau des salles de réunion, me plaçant devant elle pour lui barrer le passage.

Son visage est complètement fermé et l’on peut voir les muscles de sa mâchoire se serrer en rythme.

- Laisse-moi t’expliquer…

Elle tourne la tête et regarde à travers la porte entrouverte de la pièce adjacente, avant d’y entrer en me tirant derrière elle.

Soulagée, je commence à préparer mon argumentaire dans ma tête.

Je ne sais pas comment je vais bien pouvoir lui résumer la situation sans divulguer la théorie de James mais je suis prête à en arriver là s’il le faut.

Une fois la porte fermée, elle me fait face et la trahison qu’elle ressent est clairement visible dans sa gestuelle comme dans son ton :

- Nan. C’est toi qui vas m’écouter. J’aurais dû me douter de quelque chose quand ton attitude a changé du tout au tout du jour au lendemain.

Son regard passe rapidement sur moi, ne s’y attardant pas, comme si le simple fait de me voir la répugnait :

- Mais je me suis dit que tu commençais simplement à lâcher tes aprioris, que j’allais peut-être voir une autre facette de toi que la garce à laquelle j’avais toujours eu affaire. Qu’il devait y avoir une raison pour que les garçons t’apprécient à ce point.

- Sasha, c’est pas…

Elle m’interrompt et continue :

- C’est pas ce que je croyais oui, je vois. Y’a pas d’autre facette. Alors quelle que soit la raison qui t’a poussée à accepter ce petit pari ou je ne sais quoi qu’il y a entre James, Dom et toi, tu seras gentille de me laisser en dehors de vos jeux sadiques. Je ne veux rien avoir à faire avec vous.

Totalement sous le choc qu’elle puisse aller jusqu’à penser qu’on a fait un pari cruel sur elle, ma seconde d'inattention lui permet de s’éclipser, me laissant seule.

J’imagine qu’on parlera plus tard.

Ou pas.

Fixant la porte fermée, j’expire bruyamment, espérant relâcher une partie de la tension.

Échec.

Putain ça me saoule !

Et je ne sais pas ce qui est le pire : que Dom ouvre sa bouche sans réfléchir ou qu’il suffise d’une phrase pour que Sasha change radicalement d’opinion à mon sujet.

C’est bien la preuve de la haute estime qu’elle me porte.

Voilà pourquoi je ne dois pas m’attacher.

Ne voulant pas voir mes collègues, j’achète un truc à manger à un vendeur ambulant et m’isole pour le reste de la pause repas.

Comment je vais pouvoir réparer les pots cassés ?

Plaçant mes coudes sur mes genoux, j’attrape ma tête entre mes mains, me cachant derrière mes cheveux. Il faut que je trouve comment faire en sorte qu’elle m’écoute. Il ne nous reste plus que quelques jours et il est hors de question qu’elle reparte de son côté en pensant ça de moi. Elle peut me détester, mais pas pour quelque chose que je n’ai pas fait.

Quelle merde.

Perdue dans mes pensées, je n’ai pas remarqué que je n’étais plus seule et sursaute en sentant la main de James sur mon épaule :

- Héléna, ça va reprendre.

Refusant de croiser son regard et passant à côté de Dom en l’ignorant, je retourne dans la salle et attrape mes affaires pour aller m’isoler à l’arrière.

Le formateur recommence sa démonstration, non sans jeter un coup d’œil à sa montre puis à la place de Sasha, laissée vacante.

Contrairement à ce matin, le temps ne s’écoule plus.

Sentant mon téléphone vibrer dans ma poche, j’ai un regain d’espoir. Le déverrouillant, mon cœur ne sait pas s’il doit être déçu ou excité de voir que le message n’est pas de Sasha mais de Rachel.

C’est quoi déjà la citation “Lorsqu'une porte se ferme, il y en a une qui s'ouvre.” ?

Mouais.

Pas sûre de vouloir rester dans ce couloir.

Je n’ai pas eu de nouvelles depuis l’épisode “voiture”, mais de là à dire si c’est une bonne ou une mauvaise chose…

Oui, je l’ai nettement plus mal vécu que je ne l’aurais cru, mais j’aime penser qu’on avait quand même noué quelques liens d’amitié.

Plaçant mon pouce sur l’icône du SMS, j’essaie de ne pas me faire de faux espoirs avant d’en lire le contenu :

 

Salut Héléna.

Désolée de ne pas avoir donné de nouvelles.

J’ai beaucoup repensé à la manière dont j’ai géré les choses et je voulais m’excuser. C’était  indélicat, tu mérites mieux que ça. Si le planning n’a pas changé, tu ne devrais pas tarder à rentrer j’imagine.

Si ça te tente, j’aimerais beaucoup qu’on se voie pour un café ou quoi...

Bisous.

 

Fronçant les sourcils, je relis la dernière partie. “Un café ou quoi...” ? Ça veut dire quoi ça ?

Ça n’a pas fonctionné avec sa nana et du coup on se rabat sur le plan B, la bonne vieille Héléna ?

Ma journée s’améliore de minute en minute.

Pfff… je ne réponds même pas.

Est-ce que je devrais envoyer un texto à Sasha ?

Ouais, non. Vaut mieux attendre qu’elle se soit calmée et lui expliquer face à face si je veux éviter tout malentendu

J’endure bravement le reste de l’après-midi, essayant tant bien que mal d’arrêter de focaliser mon attention sur l’espace béant dans les premiers rangs. Sans succès.

Dès que l’on nous libère, je presse le pas pour me rendre à l’appart, espérant y trouver ma collègue.

Pas de bol je crois.

Je m’enferme dans ma chambre, ne sachant pas quoi faire de plus. Mon téléphone vibre à nouveau, me redonnant espoir pour rien :

Hey ma belle. James et moi la cherchons. On va la retrouver et lui expliquer, ça va le faire. J’ai merdé, mais je compte me rattraper.

Ne prenant pas la peine de répondre, je m’allonge sur le lit oreiller entre mes bras, face à la porte ouverte, comme pour pouvoir constater que celle de Sasha reste close.

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Me réveillant en sursaut, je mets quelques instants à me rappeler où je suis. Un coup d’œil à ma montre m’indique que ma fatigue émotionnelle m’a plus épuisée que je ne le pensais. C’est en entendant un autre bruit que je comprends que je ne suis plus seule dans l’appart.

Dom et James l’ont retrouvée ?

Dans la pénombre, je distingue très clairement les silhouettes de Sasha et Chris dans le couloir.

Elle lui saisit la main et l’entraîne rapidement dans sa chambre sans même un regard en direction de la mienne.

La porte se ferme derrière eux.

Je baisse mes paupières et tente d’ignorer l’énorme coup au moral que ça vient de me faire.

Elle fait ce qu'elle veut.

J’ai l’impression que quelqu’un s’amuse à serrer mon cœur dans sa main. Et autant dire que ce type le fait aussi fort qu’il le peut et qu’il est du genre à faire des compétitions où on le concept de fun consiste à soulever des roues de tracteurs.

Je roule sur le dos et essaie de respirer calmement et d’ignorer le fait que le bellâtre est entré dans la chambre de ma collègue. Est-ce que c’est sa manière de se venger de moi ?

Nan, elle pense que je suis une sans-cœur, c’est pas logique.

Il n’empêche que je le vis comme une vendetta très personnelle. Avant-hier encore elle m’expliquait qu’ils n’allaient pas du tout ensemble et maintenant elle l’entraîne dans sa chambre au milieu de la nuit…

Ça me saoule.

Gardant les yeux clos, je fais tout mon possible pour ne pas imaginer ce qu’ils peuvent être en train de faire, mais c’est peine perdue. Ça me tue de le visualiser poser ses mains sur elle, même si c’est dans ma tête. Elle mérite mieux que lui.

J’attrape mon téléphone dans l’espoir de me changer les idées et retombe direct sur le message de Rachel. Nan mais vas-y la vie, oublie toutes les bonnes manières, frappe-moi lorsque je suis à terre ne te dérange surtout pas. Dépitée, je le verrouille et le glisse dans ma poche, retournant à ma tentative d’ignorer ce qu’il se passe autour de moi.

Après seulement quelques minutes, la porte s’ouvre et l’idée qu’il soit un mauvais coup m’extirpe presque un sourire.

Presque.

L’abattement que je ressentais un peu plus tôt a laissé place à un profond agacement et j’ai juste envie de les gifler l’un et l’autre.

Mes yeux s’écarquillent de surprise en entendant toquer. Si je comptais faire semblant de dormir, c’est raté. Retenant un grognement, je tourne la tête pour faire face à mon visiteur, lui lançant un regard noir. S’il a l’audace de me narguer, le monde comptera un eunuque de plus ce soir.

Le soulagement est de mise lorsque je constate qu’il a au moins eu la décence de s’habiller.

- Hey… Désolé de te réveiller. Je dois rentrer et Sasha voudrait discuter. Tu peux aller la voir s’il te plaît ?

Elle veut ENFIN parler ?

Où est ce que je suis de nouveau Héléna le plan B parce qu’il doit partir et qu’elle est restée insatisfaite ?

Non pas que coucher avec elle soit envisageable.

En revanche, ça peut être l’occasion de me comporter comme la garce qu’elle pense que je suis. Puisque c’est ce à quoi je suis réduite. Me levant sans dire un mot, j’ai la ferme intention d’ignorer Chris mais suis interceptée par sa main sur mon bras.

Je m’arrête net en sentant ça et le peu de patience qu’il me reste est mise à rude épreuve :

- Retire ta main.

 Il s’exécute et chuchote :

- Elle était mal toute la soirée. J’espère que tu pourras changer ça.

Ça me console un peu de savoir que je n’étais pas la seule misérable et qu’il n’a pas réussi à lui remonter le moral. Ça m’énerve un peu plus de me dire que ça n’était pas nécessaire du tout, si seulement elle m’avait laissée parler.

Acquiesçant d’un mouvement de tête, ma réponse semble le satisfaire puisqu’il se dirige vers la sortie.

Bon vent !

Je place ma main sur la clenche et prends une grande inspiration avant de me lancer et d’entrer.

La lumière est éteinte et je distingue à peine Sasha en boule sur les couvertures. Fermant derrière moi, je reste debout, n’étant pas sûre de ne pas me faire jeter si je venais à m’asseoir sur le lit. Comme toujours lorsque je suis le cul entre deux chaises, mon éloquence s’est faite la malle :

- Hey.

Elle relève la tête et semble me sonder du regard avant de dire :

- Installe-toi s’il te plaît. Il faut qu’on parle.

Je laisse s’échapper un petit rire dédaigneux en entendant ça. Ça y est madame la marquise est disposée à m’accorder audience ?

Raide comme un piquet et le postérieur périlleusement proche du bord, je m’assieds, faisant face à la porte plutôt qu’à ma collègue. La voir ne ferait que m’énerver davantage.

Je veux dire : elle m’accuse injustement du pire, ne me laisse pas la moindre chance de me justifier, amène le bellâtre dans sa chambre pour se changer les idées puis me convoque et joue les misérables ?

Je ne crois pas non.

Ça ne marche pas comme ça.

Lorsqu’elle prend la parole, c’est avec un ton auquel je ne m’attends pas du tout :

- Dom et James m’ont retrouvée au bar, ils m’ont expliqué. C’est la vérité ?

- S’ils t’ont dit que James m’a demandé d’essayer d’être un minimum sympa avec toi parce que ça les mettait mal à l’aise d’être au milieu de nos histoires alors oui, c’est la vérité. Pas un pari ou je ne sais quel sombre film sordide tu t’es fait.

Je sens qu’elle se déplace sur le lit et malgré la colère qui m’habite toujours, suis soulagée lorsque ses bras s’enroulent autour de mon cou et son corps se colle à mon dos.

- Je suis vraiment, vraiment désolée.

J’esquisse un mouvement d’épaule supposé donner l’impression que ça ne m’affecte pas tant que ça, mais je doute que le reste de mon corps le vende très bien.

Ses mains descendent le long de mes bras pour venir prendre les miennes, auparavant crispées sur mes genoux. Elle dépose un baiser dans mon cou et j’ai conscience qu’il s’agit uniquement d’une technique pour retourner dans mes bonnes grâces, mais je frissonne quand même.

Elle me laisse un instant et reprend la parole :

- J’ai toujours eu des problèmes d’insécurité et … je sais que c’est pas une excuse…

Elle marque une pause, comme pour me permettre de digérer ses paroles, puis recommence :

- … Je me suis ouverte à toi ces derniers jours et quand j’ai entendu Dom… J’ai eu l’impression que tu t’étais foutue de ma gueule et que cette relation naissante n’était qu’une vaste farce pour toi.

Mon cœur se met à battre à cent à l’heure. Je m’accroche autant que possible au fait que ce n’est pas logiquement possible que j’aie développé une attirance pour elle si vite et en partant de si loin, mais ça commence à être un peu faiblard comme argument au vu de mes réactions physiques à sa proximité.

Et relation peut être utilisé de manière platonique, n’essaie pas trouver des sens cachés entre les lignes. Tu as eu la démonstration aujourd’hui même de la raison pour laquelle il ne faut pas baisser ta garde.

Sasha se décale sur le côté, lâchant l’une de mes mains pour guider mon menton dans sa direction, m’encourageant à la regarder malgré la pénombre :

- Tu veux bien me pardonner ?

Mes yeux viennent trouver les siens, légèrement embués.

Impossible de rester de marbre devant ça.

Je n’ai pas l’intention de passer l’éponge aussi facilement, mais la voir si vulnérable et pourtant assez courageuse pour me dire ces choses… Argh.

Elle doit sentir qu’elle a percé ma carapace, car son visage s’illumine et un grand sourire apparaît sur ses lèvres.

C’est à ce moment, dans l’intimité de sa chambre, à l’observer, que je réalise que d’une manière ou d’une autre, j’ai effectivement développé une forte attirance pour ma collègue. Ce n’est pas cool du tout.

Me tournant afin que tout mon corps lui fasse face, je la laisse m’amener à elle et poser mon front contre le sien.

Son soulagement est contagieux et je me retrouve à sourire en retour.

Ne l’embrasse pas Héléna.

Ne fais surtout pas ça.

C’est uniquement une réaction physique à sa proximité, comme ça ferait à n’importe qui qu’une jolie femme « entreprendrait » de la sorte.

Elle est tellement proche que je perçois son souffle sur mes lèvres et sens les traces d’alcool dans son haleine.

Alcool qu’elle a consommé avec Chris.

Avant de l’emmener dans sa chambre.

Penser à ça me fait le même effet que si quelqu’un m’avait versé un seau d’eau glacée sur la tête et me calme net. Je me recule sans croiser son regard et m’apprête à me relever pour retourner dans mon antre. Me tirant doucement le bras, elle s’enquiert :

- Tu veux bien rester ?

Euh… Non !

T’as même pas changé les draps ! C’est en regardant ces derniers que je réalise que l’unique endroit où le lit ne paraît pas tiré à quatre épingles est celui où Sasha était blottie un peu plus tôt.

Est-ce que …?

Il faut que je demande, même si ça met en évidence la seule raison pour laquelle ça pourrait m’importer :

- C’est quoi le deal avec Chris ?

Elle hausse les épaules et joue avec une peluche sur le dessus de lit :

- J’avais besoin de quelqu’un d’extérieur pour pouvoir discuter d’autre chose et faire comme si de rien n’était… Il était là. S’il te plaît ?

Croisant son regard, elle annihile toute tentative de résistance en tirant une fois de plus sur ma manche.

Levant les yeux au ciel pour feindre l’agacement, je concède :

- Ok.

Bien évidemment, après plusieurs semaines passées à mes côtés, elle voit à travers mon (très mauvais) jeu d’actrice.

Sans perdre un instant, elle me guide, m'incitant à m’installer au milieu du matelas.

Héléna, c’est ta conscience qui te parle : t’allonger dans le lit de Sasha est la pire idée du siècle… Et Dieu sait que tu as fait des trucs très très cons dans ta vie…

Merci conscience, ta remarque est notée. Mais sans vouloir te vexer, je pense qu’après la journée de merde que j’ai connue, je peux bien me laisser aller pour ce soir, histoire de me remettre de mes émotions...

Je réalise mon erreur stratégique au moment où l’arrière de ma tête vient se poser sur l’oreiller et qu’une effluve de son odeur m’assaille.

Sasha ne manque pas un battement et colle son corps au mien, sa tête sur mon épaule, son bras drapé le long de ma taille, main sur ma hanche et sa cuisse partiellement entre les miennes.

Elle est très proche, même pour quelqu’un de tactile… Est-ce qu’elle se comporte comme ça avec tout le monde ?

Une fois installée, elle me serre momentanément, appuyant ce faisant son genou là où j’ai désespérément besoin qu’elle ne s’aventure pas si je compte conserver un semblant de contrôle.

Je ne vais jamais tenir.

Conscience, je te présente mes excuses. J’ai raté une occasion de t’écouter.

Peut-être qu’avec un peu de chance elle souhaitera éviter le scandale et ne portera pas plainte si je craque et l’attouche ? Après tout, elle n’a rien dit pour Chris !

- Ça va comme ça ? Je ne t’écrase pas ?

Nickel.

- Mhh.

Si tu pouvais faire un peu plus pression à la jonction de mes cuisses, juste deux trois minutes, mon corps t’en serait reconnaissant, merci d’avance.

Ses doigts jouent avec le bas de mon T-shirt, caressant ma peau au passage.

C’est atroce. Elle sent super bon, est collée contre moi, me touche… Je ne sais pas quoi faire pour me sortir de cette situation !

Ok.

Voici le plan : tu joues l’indifférente et attends que ça passe.

Extérieurement, je suis parfaitement immobile, quasi stoïque.

Intérieurement, je suis à un niveau d’excitation d’un garçon de 14 ans qui vient de peloter pour la première fois les seins de la fille qu’il convoitait depuis des mois.

Sauf que dans mon cas la nana en question m’a juste effleuré la hanche… C’est un peu triste.

Au creux de mon cou, Sasha murmure :

- Je suis vraiment désolée de t’avoir dit toutes ces choses…

Plutôt que de répondre par la parole, je dépose un baiser dans ses cheveux, la sentant relâcher une partie de la tension en retour.

Je passe l’éponge un peu facilement, j’en ai conscience, mais pour le moment, tout ce qui m’intéresse c’est de retrouver sa proximité.

Visiblement satisfaite, elle réussit l’impossible en se blottissant un peu plus contre moi. Oubliant toutes les raisons tout à fait valides pour lesquelles cette idée est très mauvaise, je ferme les yeux et profite entièrement du sentiment de plénitude que je ressens en cet instant.

Je me lèverai dans cinq minutes.

28 février 2018

Chapitre 7

Je vérifie pour la trois millième fois le contenu du plateau, mais sais pertinemment bien qu’il s’agit uniquement d’une technique pour repousser l’échéance. Je plaide la folie passagère, je ne vois pas comment j’ai pu croire que ça allait être une bonne idée.

Il suffit d’un bruit en direction du couloir des garçons pour que je ne craigne que James se lève et me mette en mouvement. Arrivée à la porte, je frappe et n’ayant pas de réponse, hésite très fortement à entrer.

Après tout, je ne sais pas si bidule est parti hier soir, ni si Sasha dort habillée. La dernière des choses dont j’ai besoin, c’est de me retrouver avec un visuel de ce à quoi je ne m’autorise pas à penser.

Alors que je suis sur le point de me dégonfler et d’abandonner la mission, j’entends un tout petit :

- Oui ?

- C’est Héléna, je peux entrer ?

- Ouais.

J’ouvre délicatement la porte, en tentant de garder le plateau en équilibre de mon autre main. Sasha est sur le ventre au milieu du matelas, seule (ouf) et tente visiblement de fusionner avec son oreiller.

Lorsqu’elle finit par me regarder, elle écarquille tout grand les yeux, puis se les frotte des deux poings, avant de reprendre son air totalement éberlué.

- Je suis en train de rêver ?

Déposant le plateau sur le lit, je réplique :

- Madame est servie, croissants et café, un sucre, deux doses de crème. Et malheureusement, non, tu ne rêves pas. Mais je veux bien te pincer si ça peut t’aider.

Visiblement très satisfaite de ma réponse, elle rit avant de se retourner sur le dos et s’étirer comme un pacha.

Me retenant difficilement de poser le regard sur ses formes que son t-shirt large dissimule mal, j’entame une RRS.

Rapide Retraite Stratégique.

Entre ma tenue et la nouvelle dynamique entre elle et moi, je me sens extrêmement vulnérable. Malheureusement, j’ai à peine débuté mon demi-tour qu’elle répond :

- Pas besoin, vu ta réplique je sais que c’est toi ! … Viens par là.

Elle me fait signe d’approcher et je suis très réticente à cette idée. Mais entre le pari, ma promesse de faire des efforts et le fait que refuser me donnerait juste l’air louche, je n’ai pas l’impression d’avoir vraiment le choix.

Sasha décale le plateau et ouvre ses bras.

Mon envie de fuir revient à toute vitesse et chaque pas dans sa direction est une lutte contre moi-même. James et elle sont beaucoup trop tactiles pour moi.

Je me penche finalement pour la laisser me serrer dans ses bras tout en restant aussi éloignée que possible, essayant de ne pas faire durer plus que je ne devrais.

Sa voix est encore un peu rauque de sommeil lorsqu’elle me murmure à l’oreille :

- Merci beaucoup Héléna. Et je vois que tu as noté mes préférences en matière de café, c’est mignon.

Je me recule immédiatement et fais mine de ne pas sentir mon visage en état de combustion avancé, lançant un :

- Bon appétit.

- Hey ! Je ne t’ai pas congédiée !

Levant les yeux au ciel, je demande :

- Je peux y aller ?

Elle arrache un petit morceau de croissant et m’adresse un simple “nan” avant de le jeter dans sa bouche.

L’espace d’un instant, je fais une rechute dans l’ancienne Héléna et espère qu’elle va s’étouffer. Mais je n’ai pas cette chance puisqu’elle se décale d’un demi-millimètre et tapote le lit.

Grommelant, je m’assieds de très mauvaise grâce, le tout dans une absence totale de délicatesse afin de bien lui faire comprendre que je ne suis pas ravie d’être là.

Je m’adosse au mur et croise les bras, attendant qu’elle se lasse et me laisse partir.

Elle déplace le plateau de l’autre côté d’elle et se jette soudainement sur moi, appareil photo en main.

Je n’ai le temps que de l’entrapercevoir, mais je sais déjà que le selfie qu’elle vient de prendre est tout bonnement abominable.

Elle me tourne le dos pour consulter le résultat avant de donner un petit coup d’épaule dans la mienne :

- Fais pas cette tête !

Il est impensable que je la gratifie d’une réponse.

- Héléna, c’était trop tentant, tu ne devrais même pas être étonnée.

Sasha me tend un bout de croissant que je mets dans ma bouche pour me l’occuper.

Nope, je ne lui répondrais pas.

- On peut en refaire une si tu veux. Mais il est hors de question que je ne garde pas trace de la fois où tu m’as apporté le petit déjeuner au lit avec l’air d’être sortie d’un shooting photo playboy !

Sa remarque lui vaut un énième regard noir. Elle est obligée de m’humilier en plus de m’avoir comme esclave ?

- Approche ma belle.

Juste pour clarifier la situation : j’ai conscience qu’elle m’a appelée comme ça juste pour m’amadouer, mais il n’empêche que ça me fait plaisir. Un compliment reste un compliment.

Sasha lève l’appareil et pose sa tête sur mon épaule, plaçant son autre main d’une manière étrange. Elle appuie sur le déclencheur au moment exact où je réalise.

La petite fouine !!

Elle approche l’écran et éclate de rire en découvrant le résultat.

- Regarde, c’est génial !

J’ai les yeux ronds et la bouche ouverte en un “O” de surprise. Au creux de mon cou, Sasha a l’air le plus pervers de l’univers, son visage arborant un sourire digne du joker et sa main dans le vide créant l’illusion parfaite d’elle en train de me peloter… Inutile de parler de l’angle de la photo, option plongeon dans mon décolleté.

Histoire qu’il n’y ait pas place au doute, on voit très clairement que nous sommes sur un lit défait.

Honnêtement, je n’aurais jamais cru qu’elle avait ça en elle ! Comment j’ai pu me tromper à ce point sur sa personnalité ?

Ça fait bien trente secondes que j’attends patiemment qu’elle ait fini de glousser, mais dès que je pense arriver au bout du tunnel, un coup d’œil au cliché et c’est reparti de plus belle.

Laissant transpirer mon agacement dans mon ton, je tente ma chance :

- Je peux y aller maintenant ? Je n’ai vraiment pas envie que James m’aperçoive habillée comme ça…

Plaçant une main sur son cœur comme si elle était émue, elle réplique :

- Awwww c’était juste pour moi ? C’est encore mieux ! Va te changer, profites-en pour te faire un café et reviens finir le petit déjeuner !

Je bondis hors du matelas, ne demandant pas mon reste de peur qu’elle ne change d’avis quant au changement de tenue, même si l’idée de retourner à côté d’elle sur son lit ne me met pas particulièrement à l’aise.

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 J’espérais secrètement que Sasha ne comptait pas trop profiter de cette journée, mais mes pires craintes se sont vérifiées dès mon retour dans la chambre, alors qu’elle m’a annoncé qu’elle avait toujours rêvé d’avoir un porteur pour ses affaires lorsqu’elle fait du shopping, “comme dans les films”.

C’est pourquoi je suis présentement à l’arrière d’un taxi, à me préparer psychologiquement pour cette épreuve.

Ce n’est pas tant que je n’aime pas ce genre d’activité, mais plutôt le fait que j’ai un peu de mal à gérer mon imagination et je ne pense pas que voir Sasha essayer différents types de vêtements va beaucoup m’aider.

Je suis sortie de mes pensées par le chauffeur :

- Désolé, je dois vous arrêter ici, il y a une manifestation et on ne peut pas s’approcher davantage. La principale rue commerçante se trouve tout droit, entre 5 et 10 minutes de marche je dirais.

Avec un peu de chance Sasha va avoir la flemme de marcher et changer d’avis ?

- Pas de problème.

Je la regarde payer et sors du taxi pour en faire le tour et lui ouvrir la porte, n’ayant pas oublié la raison pour laquelle je suis obligée d’endurer ça. Je ne ferais plus jamais de pari de toute ma vie. Je l’ai déjà dit, mais cette fois c’est vrai ! J’ai appris ma leçon.

Nous nous mettons en route dans la direction indiquée et entendons la musique au bout d’une centaine de mètres. Ça m’a l’air très festif ce rassemblement !

Sasha se tourne vers moi, les yeux pétillants et la tête d’une enfant à qui l’on vient d’annoncer qu’elle a gagné son poids en bonbons :

- Nan ?

Elle s’empare de ma main et me traîne en direction du cortège de manifestants au pas de course.

Je comprends de quoi il s’agit uniquement lorsque je vois les drapeaux arc-en-ciel.

Parfois je suis un peu lente.

- Oh regarde, ils n’ont pas encore démarré et il y a des stands d’accessoires !

Oh non.

S’il y a bien une chose que je n’ai pas envie de faire, c’est de participer à la gay pride avec Sasha.

C’est important de s’y rendre rien que pour montrer qu’il n’est pas question d’une si petite minorité que ça et que non, les lesbiennes ne le sont pas parce que les hommes les ont rejetées.

Ne riez pas, si vous saviez le nombre de fois où on ne m’a pas crue lorsque j’ai annoncé ma sexualité, parce que je n’ai “pas l’air lesbienne” ou devrais “pouvoir trouver un homme sans problème”.

Et effectivement, ils ont raison en un sens, les trouver, ça va, c’est leur faire me lâcher le slip qui est difficile !

Du coup, je suis totalement pour montrer la diversité de la communauté LGBT.

Mais avec Sasha à côté ? Certainement pas !  

En plus, ça me force à la voir sous un nouveau jour, à reconnaître que je ne la connais pas.

À choisir entre deux maux, je préfère le moindre :

- La rue des boutiques est par là...

Ignorant complètement mon évidente réticence, elle se dirige vers le chariot extrêmement coloré débordant de produits. Étant donné que j’attends toujours qu’elle me lâche la main, je suis forcée de suivre le mouvement.  

Je la regarde faire l’acquisition de morceaux de facepaint arc-en-ciel et charmer le couple de petits vieux à côté d’elle, leur prodiguant des conseils sur la meilleure manière de s'accessoiriser. Lorsqu’ils tournent leur attention sur moi, je me contente de leur adresser un sourire poli accompagné d’un mouvement de tête.

Après cinq minutes à taper la discute à des étrangers en m’ignorant au plus haut point, Sasha semble se rappeler que j’existe. Pile quand je contemplais l’idée de m’éclipser discrètement… Elle se retourne abruptement et m’attire vers elle :

- Viens par là.

Avant que je puisse protester, elle m’affuble de deux traits arc-en-ciel au niveau des pommettes.

...

Exactement ce qu’il me fallait pour compléter mon look.

Levant les yeux au ciel, je tente à nouveau ma chance :

- Et le shopping ?

Pétillante comme jamais, Sasha m’adresse un sourire joyeux tout en sautillant sur place et serrant ma main des deux siennes :

- Allez, c’est qu’une fois dans l’année, les boutiques seront toujours là après !

J’essaie VRAIMENT de rester imperméable à son excitation, mais c’est difficile et je dois faire un effort conscient pour ne pas répondre à son sourire.

Ne perdant pas espoir, j’abats ma dernière carte en espérant que ça suffise :

- Pas la porteuse !

- Oh, je suis quasi sûre que je pourrais la convaincre d’une manière ou d’une autre…

Je fronce les sourcils en entendant ça.

Qu’est-ce que c’est supposé vouloir dire ?

Mes pensées sont brutalement interrompues par Sasha me fourrant le mini “crayon” dans ma main libre :

- Tu me maquilles ?

Du coin de l’œil, je constate que les deux papis ne se sont pas éloignés et discutent entre eux, scrutant nos interactions.

- Est-ce que j’ai le choix ?

- Tu as perdu un pari ou pas ?

Pinçant mes lèvres pour étouffer la remarque désobligeante qui menace de m’échapper et soufflant mon mécontentement par le nez, j’ignore le sourire qui la gagne en voyant ma réaction.

Maintenant que j’y pense, les deux arcs-en-ciel sur mon visage doivent sérieusement entamer ma crédibilité.

Oh comme je regrette le temps où James et Dom n’avaient pas ruiné ma réputation auprès d’elle.

J’extirpe ma main de la sienne et demande de mauvaise grâce :

- Tu veux ça où ?

- Où tu veux.

Pendant une seconde, je considère l’option de lui peinturlurer l’intégralité du visage, mais me souviens que je vais devoir lui obéir pour le restant de la journée et potentiellement souffrir en conséquence.

Mouais, le risque n’en vaut pas la chandelle.

Portant le crayon sur son visage, je lui fais deux traits verticaux, partant de chaque côté de son front, m’arrêtant au sourcil et reprenant au niveau de ses pommettes jusqu’à la limite de sa mâchoire.

Une fois terminé, je recule d’un pas pour admirer mon œuvre. On dirait qu’elle a des bretelles faciales.

Sasha se passe une main dans les cheveux, les mettant complètement sens dessus dessous et demande :

- Ça donne quoi ?

Je ne sais pas comment c’est possible, mais les couleurs vives font ressortir le vert de ses yeux au lieu de l’atténuer. Perturbée, je prends une seconde de trop pour répondre et vois son sourire vaciller un peu en attendant mon verdict :  

- Tu es ravissante.

Vraiment Héléna ? Parle-lui en alexandrins tant que tu y es.

Et puis ce n’est pas comme si le compliment était un peu disproportionné compte tenu du fait qu’il s’agit juste de pâte grasse colorée étalée sur son visage et non de l’essayage d’une robe de mariée…

La panique commence à s’installer en réalisant que j’en ai sûrement trop dit, mais fort heureusement Sasha ne relève pas et son visage s’illumine suite à mon éloge.

Elle s’approche et me prend dans ses bras, m’amenant contre elle en prenant garde de ne pas tacher nos vêtements.

J’espère qu’elle ne sent pas à quel point mon cœur bat vite.

Une barrière lâche en moi et pour la première fois depuis que j’ai arrêté de tout faire pour la détester, je m’autorise à sincèrement retourner son étreinte.

Mes bras s’enroulent autour d’elle et l’attirent plus à moi, en contraste parfait avec toutes les fois où j’ai enduré son côté tactile en restant le plus loin possible. Elle me serre un peu plus fort en sentant que je réciproque.

Je suis soulagée lorsqu’elle se recule, car j’étais à deux doigts de placer mon nez dans son cou ou ses cheveux pour renifler son odeur. Et toutes les excuses de l’univers n’auraient pas pu justifier ça.

Son regard brillant vient trouver le mien et je souris malgré moi.

C’est dingue à quel point son aura de bonne humeur déteint sur les gens. C’est sûrement ça qui explique qu’elle arrive à charmer quasi tout le monde au bout de cinq minutes. Sauf moi bien sûr !

Si elle les a rencontrés, les parents de Chris doivent l’adorer.

Cette pensée me calme d’un coup, me rappelant ma place.

J’ai soudainement besoin d’une minute pour me refaire une contenance.

Repérant un vendeur de boisson, je le pointe du doigt dans un “tu veux quelque chose ? Je vais aller me prendre une bouteille je reviens” adressé à Sasha.

À l’instant même où elle me répond par la négative, je m’éclipse aussi rapidement que possible.

Je me sens coupable de me laisser happer aussi facilement par sa manière d’être, mais depuis que j’essaie de passer outre la tonne d'aprioris que j’ai sur elle, sa présence a quelque chose de vraiment chaleureux, quasi familier et c’est un peu trop addictif à mon goût.

En rentrant je devrais peut-être en parler avec James et lui dire que j’ai beau faire des efforts, c’est trop dur ou je ne sais pas quoi. N’importe quelle excuse fera l’affaire, je veux juste retourner me planquer derrière mes murs, ne pas rester aussi vulnérable et réceptive à tout ce que fait Sasha.

Bouteille en main je la rejoins, à nouveau en grande discussion avec les vieux Messieurs, communiquant autant par sa gestuelle que par la parole. En la voyant, un sourire tente de se frayer un chemin sur mes lèvres, mais je le réprime autant que possible.

Si je dois me prendre en main, il faut bien commencer quelque part.

Le char de tête annonce que la marche va bientôt débuter et essaie de motiver la foule en augmentant le volume de la musique.

Ma collègue a visiblement du mal à dissimuler son impatience, trépignant sur place. C’est la première fois de ma vie que je vois quelqu’un d’aussi joyeux à l’idée de participer à la gay pride. Et dire que je pensais qu’elle était tellement coincée qu’elle frôlait l’homophobie...

À peine le char commence-t-il à bouger qu’elle s’empare de ma main pour me traîner au milieu du cortège, invitant ses nouveaux meilleurs amis à se joindre à nous. Malgré les basses surpuissantes, j’entends quelques bribes de leurs échanges et dois avouer qu’ils ont l’air charmants, super gentils.

Pile au moment où j’avale une grosse gorgée, l’un d’eux dit :

- En tout cas, si je peux me permettre vous formez vraiment un très joli couple.

Évidemment, je m’étouffe instantanément. Alors que je suis en train d’essayer d’expulser l’eau qui s’est engouffrée dans mes poumons, Sasha vient tapoter mon dos de sa main et leur adresse un :

- Merci.

Entre deux quintes de toux, je lui lance un regard incrédule. Pourquoi elle ne les corrige pas !?

Sentant certainement que je m’apprête à remettre les choses dans leur contexte, elle se penche pour me murmurer à l’oreille :

- Ils sont trop mignons, laisse-les croire, ça leur fait plaisir et ça ne mange pas de pain !

Ça, c’est elle qui le dit !

Une fois mes voies respiratoires à nouveau en étant de fonctionner, je me redresse et fais mine de n’avoir rien entendu, espérant qu’ils vont en rester à un simple commentaire.

La chanson change et Sasha se tourne immédiatement vers moi, piétinant à reculons :

- Oh je l’adore celle-là. M’accorderez-vous cette danse très chère ?

Non.

Je veux rentrer et me terrer dans ma chambre, dans le noir, à attendre que mes colocataires oublient jusqu’à mon existence. Mais comme ça paraîtrait un peu dramatique comme réponse, je me contente d’un :

- On est en train de marcher…

- Tu n’as pas d’imagination !

Euh… pour le coup je ne suis pas d’accord, c’est bien ça mon problème.

D’ailleurs, je devrais peut-être profiter d’être entourée de femmes que mes charmes ne laissent potentiellement pas insensibles pour faire du repérage et me sortir certaines pensées parasites de la tête.  

Sasha se retourne et je pense (à tort) qu’elle a lâché l’affaire.

Ne perdant pas de temps pour commencer à regarder autour de moi, je percute ma collègue qui s’était visiblement arrêtée, me stabilisant et l’empêchant de tomber en posant mes mains sur ses hanches.

- Oh pardon !

J’espère qu’elle ne va pas me demander d’explication quant aux raisons de ma distraction, je me fais déjà suffisamment charrier par Dom et James, pas besoin de leur donner des munitions supplémentaires.

Elle tourne la tête et m’adresse un sourire par-dessus son épaule, avant de placer ses mains sur les miennes pour les maintenir en place et de plaquer son corps contre moi, marquant le rythme à chaque pas.

- Tu vois, ce n’est pas si terrible.

Elle plaisante j’espère ?

Ses fesses me frottent à un endroit tout à fait inapproprié, mes seins sont collés dans son dos et je l’enlace à moitié… Je vois difficilement comment ça pourrait être pire !  

Ce mix entre la queue-leu-leu et la salsa ne me plaît pas du tout.

Enfin si.

Mais ça ne devrait pas.

- Héléna, si on veut passer pour un couple il va falloir lâcher ton imitation d’une planche !

Alors déjà ON ne veut pas, je m’en fous de passer pour un couple.

Et je la trouve dure. Je ne suis quand même pas si raide.

- J’y peux rien si c’est comme ça que je danse.

Malheureusement pour moi, mon mensonge est immédiatement découvert puisqu’elle me répond du tac au tac :

- Tu te souviens de la fois où l’on s’est croisées dans le club ? Celle où tu te déhanchais avec Rachel et les autres sans l’ombre d’un manche à balai là où je pense...

Pendant une seconde, je suis tentée de feindre l’ignorance, mais je ne suis pas suffisamment naïve pour croire que ça va fonctionner.

Sasha remarque immédiatement le changement et continue comme si je n’avais pas ouvert la bouche :

- Allez danse Héléna. Apprends à te lâcher, tu verras que ça peut être bon !

À vrai dire, j’ai un peu peur de ce qu’il se passerait si je venais justement à le faire, c’est bien ça le problème.

Mais j’imagine que je peux me laisser aller pour une fois. Au pire je dirais que je n’ai fait qu’accéder à sa requête. Relâchant une partie de la tension, je l’attire plus à moi, façon moule sur son rocher et piétine en rythme.

Sentant que j’ai cédé, Sasha tourne la tête et dépose un baiser sur ma joue.

Je pourrais m’y faire.

Penchant légèrement la tête, mes yeux viennent trouver les siens, un sourire se dessine sur mes lèvres et je finis par réciproquer le geste d’affection.

L’ancienne Héléna en moi crie d’effroi, la nouvelle est étonnée de voir à quel point ça lui a paru naturel.

On danse comme ça pendant 10 ou 15 minutes, avant que les papis nous fassent des signes incompréhensibles. Je regarde Sasha s’éloigner et s’approcher d’eux, ne sachant plus trop quoi faire de moi-même.

Une jolie fille sur ma droite me sourit tout en dansant. Ça me fait bizarre de me dire que trop focalisée sur ma collègue, je ne l’avais même pas remarquée. Il faut vraiment que je me sorte la tête de là où je pense.

Fais gaffe de ne pas trop te prendre au jeu avec Sasha, Héléna. On sait comment ça va finir...

En parlant du loup, la voilà qui revient toute contente.

- On est invitées sur le char !

Elle s’empare de mes mains et me tire rapidement en direction du véhicule, certainement pour ne pas me laisser le temps de manifester une quelconque objection.

Sauf que pour une fois ce n’était pas mon intention.

J’ai goûté à sa proximité et n’ai pas la moindre idée de comment je vais pouvoir gérer la distance une fois retournées à l’appart.

Profitant d’un break dans l'avancée, Sasha place le pied sur la plateforme surélevée du char et attrape les deux bras tendus pour l’aider à se hisser. Une fois debout, elle ouvre la barrière et se met en place de l’autre côté, main brandie dans ma direction.

M’en saisissant sans hésiter, je perds un peu l’équilibre lorsque le conducteur redémarre sans crier gare. Heureusement, ma collègue est réactive et m’agrippe par mon haut de son bras libre, me plaquant contre la rambarde derrière laquelle elle se trouve, nos visages à quelques centimètres l’un de l’autre.

Pas perturbée pour deux sous, Sasha me fait un sourire séducteur et dit :

- Vous ici ? Bonjour belle inconnue…

Je ne peux pas m’empêcher de rire et répliquer :

- Vous habitez toujours chez vos parents ?

Elle me libère pour ouvrir le portillon, me laissant passer :

- Non, pire, je crèche avec mes collègues.

- Outch, dur !

Tout sourire, je referme derrière moi d’un mouvement du bras, ne détachant pas mes yeux de Sasha.

Elle me fait signe de m’approcher d’un signe de l’index et je me déplace immédiatement, mes mains reprenant leur poste sur ses hanches. J’aurais bien assez de temps pour questionner mes choix de vie une fois de retour à l’appart.

Cette fois-ci, nous sommes face à face et je n’ai aucun moyen d’échapper à son regard si ce n’est d’être aussi proche que possible. Inutile de risquer qu’elle ne lise dans mes yeux quelque chose que je ne suis pas prête à assumer.  

On se met à danser et je perds toute notion de là où on se trouve, me focalisant totalement sur elle. J’ignore la petite voix qui me rappelle d’être prudente et m’autorise à remarquer notre parfaite synchronicité, la manière qu'a sa main au creux de mon dos de me maintenir en place (comme si j’avais voulu me reculer), l’odeur de son shampoing, son souffle sur ma peau…

Quelqu’un profite de notre proximité pour nous placer un collier de fleurs multicolores autour du cou. Ça nous fait relever la tête et on se sourit mutuellement, sans pour autant faire un geste en direction de l’accessoire qui nous unit, le laissant tel quel.

Si on m’avait annoncé il y a une semaine encore que je participerais à la gay pride avec Sasha, qu’on allait danser ensemble et que je passerais un bon moment, j’aurais ri au nez de cette personne.

Et pourtant.

Ça doit être l’humeur festive qui déteint sur moi.

Je vois que ça.

Une fois de plus, je ne suis pas celle qui met fin au contact. Sasha s’arrête, venant placer son front contre le mien et murmurant :

- Je crois que j’ai besoin d’un break.

Elle n’a pas l’air si essoufflée que ça, mais j’acquiesce mon accord sans poser de question.

Un moment pour respirer et me remettre les idées en place ne peut pas me faire de mal.

Elle se désengage du collier hawaïen qui retombe contre ma poitrine.

Voulant lui laisser un instant pour elle, je m’accoude à la barrière, observant le cortège en souriant.  

Les deux papis me font coucou et accompagnent cela de pouces levés. Riant, je les salue d’un mouvement de tête. Apparemment, ma reconnaissance de leur existence constitue un encouragement suffisant pour me charrier en faisant des signes “cœur” de leurs deux mains, mimant des battements. Je leur adresse mon air le plus blasé possible. Quand est-ce que je suis devenue le bouc émissaire national !?

- Je vois que tu charmes tout le monde dès que j’ai le dos tourné.

Je ne modifie pas mon expression faciale et regarde Sasha avec.

Tout sourire, son regard vient trouver le mien. Le moment est brisé par l’arrivée d’un type portant un énorme appareil photo. Pointant du doigt le logo d’un quotidien sur sa veste, il nous interpelle :

- Excusez-moi, je suis photographe pour ce journal et j’ai pris un cliché qui pourrait s’avérer parfait pour illustrer le futur article à paraître. J’aurais voulu évoquer avec vous cette possibilité.

Avant que je puisse lui dire “même pas en rêve”, il tourne son appareil pour nous laisser voir l’écran.

La photo a été prise juste après qu’on nous ait mis le collier. Prise en hauteur, nous sommes au premier plan sur le tiers bas de la photo, la foule colorée du cortège occupant les deux autres. On est toutes les deux de profil, enlacées et souriant béatement en se regardant dans les yeux.

Je dois reconnaître que hors contexte, on a vraiment l’air d’un couple heureux.

Assez pour que j’accepte qu’on utilise mon image dans des circonstances qui laissent penser que … ?

Oh que non.

Qu’il n’y ait pas méprise, Sasha est une jolie femme et maintenant que j’ai réussi à passer outre mes œillères, je comprends pourquoi tout le monde l’apprécie. Elle forme un bel ensemble, est très pétillante.

Mais est-ce que j’envisage davantage qu’une amitié au mieux ? Certainement pas.

Et si jamais ce cliché venait à paraître, James ne m’en laisserait jamais voir le bout.

- La photo est très jolie, mais…

Sasha m’interrompt quasi instantanément, plaçant une main sur ma bouche :

- Mais rien, merci de nous avoir prévenues. On achètera un exemplaire !

Sentant que le vent ne va peut-être pas souffler longtemps dans son sens, le journaliste ne demande pas son reste et s’éloigne de nous.

Je n’arrive pas à croire qu’elle ait osé et lui adresse un regard incrédule :

- Sérieusement ?

Elle hausse les épaules et dit :

- Artistiquement parlant le cliché est parfait ! Ça aurait été dommage de ne pas s’en servir. Et ça nous fera un souvenir.

Agacée, je ne réfléchis pas avant de répondre et lance d’un ton exaspéré :

- Qu’est-ce qui te laisse penser que j’ai la moindre envie de me souvenir de cette journée ?

Sasha ne commente pas, mais a un petit mouvement de recul, presque comme si je l’avais frappée.

Elle pince les lèvres et hoche la tête, encaissant.

Je réalise trop tard ce que je viens de dire.

Fermant les yeux et blâmant mon incroyable stupidité, je place ma main sur son bras afin de ralentir son demi-tour :

- Désolée... Ça ne sonnait pas comme ça dans mon esprit.

- Pas de problème.

C’est ce qu’elle dit, mais le sourire qu’elle m’adresse ensuite est tout sauf sincère. Génial. Pour une fois qu’on était à l’aise et progressait...

Il faut que je me rattrape :

- Une glace, ça te tente ? C’est moi qui offre.

 

8 août 2012

Suspecte (histoire)

 

Je regarde d’un œil amusé tous ces gens qui se pressent pour donner leur passeport et ensuite refaire la queue. A quoi bon ? Ma correspondance n’est pas avant des plombes et même si j’étais en retard, bousculer les autres ne m’avancerait à rien. Dans le pire des cas, il y aurait un appel avec mon nom et je pourrais tous les doubler.

L’idée me paraît soudainement séduisante, bien qu’inutile. J’ai deux heures et demie à tuer, autant en passer une partie ici.

On piétine tous les uns derrière les autres, oubliant pour un instant la notion d’espace vital. Bien vite, c’est à mon tour de poser mes effets personnels dans un bac, prêts à être analysés au rayon X. Dès fois que j’aie caché un bazooka dans mon sac à main… Vu la taille du truc, ça paraît improbable mais protocole oblige. De toute manière, je suis persuadée que qui veut détourner un avion le peut. Par exemple, j’ai les ongles vraiment durs, si je les taille en pointe ils ne sont pas moins dangereux qu’une lame de rasoir. Mais passons.

Je vide mes poches, n’écoutant que d’une oreille distraite les instructions qui me sont données. De toute manière, je ne comprends pas.

Une fois persuadée que j’ai tout déposé, je passe avec confiance dans le portillon automatique.

J’attends avec appréhension, mais aucune sonnerie stridente ne retentit.

Une douanière s’approche, et me fait signe de mettre les bras à l’horizontale, perpendiculaires à mon corps. Je m’exécute et l’observe. Elle porte un uniforme strict, kaki couleur armée, d’une matière qui a l’air soyeuse. Sous sa casquette, on aperçoit ses cheveux blonds maintenus dans un chignon très strict.

Elle me jette un coup d’œil sévère et m’écarte les jambes sans ménagement et s’agenouille pour commencer à me palper.

Malgré moi, je souris. J’ai toujours aimé les femmes autoritaires. Ses fines mains parcourent mon corps avec assurance, sans l’ombre d’une hésitation. Le contraste entre son uniforme, symbole de pouvoir et sa position me plait certainement plus qu’il ne devrait.

Elle relève la tête puis se redresse rapidement, s’approchant très près de mon visage et ses yeux d’un bleu limpide viennent se ficher dans les miens. Son ton est entre la curiosité et l’agacement quand elle me dit :

-          Dlaczego się uśmiechasz?

Immédiatement, mon sourire disparait. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle vient de me demander, je sais juste qu’il y a un « pourquoi » dans le tas. Je réponds ma phrase type :

-          Przepraszam, nie rozumiem.

Désolée, je ne comprends pas.

Elle penche la tête, plissant les yeux comme pour jauger de ma sincérité, puis fait un pas en arrière, me laissant un peu respirer.

-          Why do you smile ?

Son anglais est bon, elle dissimule assez efficacement son accent de l’est, bien qu’on puisse encore le deviner.  

Je ne sais pas si la vraie réponse lui conviendrait.

Derrière moi, les passagers s’impatientent visiblement et l’un deux l’interpelle en polonais, ayant été fouillé et attendant sa compagne. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle lui répond, mais rien qu’au ton employé, je sais qu’il vaut mieux pour lui que ce type reste à sa place.

Elle lui lance un regard glacial quelques secondes de plus que le nécessaire et une fois assurée qu’il ne l’interrompra plus, redemande :

-          Why do you smile ?

Ses yeux cherchent les miens, maintenant mon regard. Etant dans un pays conservateur, j’ai peur de vocaliser la raison, ou même de lui faire un compliment, alors je me contente de maintenir son regard, tentant de rendre le mien séducteur. Mon gaydar réagit toujours aux femmes en uniforme, mais c’est peut-être la perverse en moi qui espère vainement.

Finalement, voyant qu’elle attend toujours ma réponse, je fais dans le cryptique :

-          I think you know why.

A la façon dont elle reprend sa palpation, me fixant droit dans les yeux, comme pour s’assurer qu’elle ne s’est pas trompée, je suis convaincue qu’elle sait.

Elle ne dit pas un mot et termine son boulot. Je m’efforce de détourner le regard tandis qu’elle glisse une main dans ma poche, car mon jeans a une espèce de motif qui empêche de savoir ce qu’il y’a dedans par l’extérieur.  Je savais bien que je n’aurais pas dû le mettre !

La douanière fronce les sourcils et donne un ordre à son collègue. Celui-ci s’empresse de courir chercher quelque chose.

Les gens  qui attendent sont visiblement intrigués. Je sens le poids de leurs regards braqués sur moi. Un coup d’œil dans leur direction confirme mes craintes en voyant les regards soupçonneux qui me sont adressés. Crétins.

Mon attention est reportée sur la douanière qui me dit :

-          Step away please. But do not move. 

Je m’exécute et me place sur le côté, attendant bien sagement.

Elle fait signe à celle que je pense être la compagne du monsieur de s’avancer et effectue la fouille de routine. En la voyant se pencher, je ne peux m’empêcher de regarder. L’uniforme est cintré, parfaitement adapté à sa morphologie et c’est la chose la plus sexe que j’ai vue depuis bien longtemps.

Ses mains reproduisent les gestes qu’elle a faits sur moi il y a quelques instants et elle semble assurée que la dame n’a rien à se reprocher.

Elle se recule et fait signe à la dame de circuler. A sa taille, une grosse ceinture en cuir, à laquelle sont attachés une matraque et un revolver dans son étui ajoutent un côté « butch » à sa carrure autrement très féminine. J’ai vraiment un souci avec les femmes en uniforme.

Son collègue revient en courant, l’interpellant. Elle tourne son buste, ses seins faisant pression contre le tissu de sa chemise militaire. J’espère secrètement qu’un bouton va lâcher.

Trop occupée à la reluquer, je suis presque étonnée de la voir se diriger vers moi, une sorte de bâton à la main.

Je suis de nouveau la bête de foire de l’aéroport tandis qu’elle passe ce que j’imagine être un détecteur le long de mon corps.

Arrivé au niveau de mon jeans, celui-ci émet une vive lumière rouge et un bip strident s’en échappe.

Je me crispe soudainement. J’ai envie de fourrer ma main dans mon jeans pour savoir ce que j’ai pu oublier qui déclenche le tout, mais n’ose pas, de peur que ça soit perçu comme une menace.

Les regards des autres passagers sont à présent ouvertement hostiles.

La douanière fronce les sourcils, et repasse le détecteur. Ma poitrine ne sonne pas, mon ventre non plus et… Toujours la même réaction au niveau de mon jeans.

Je le savais que c’était une mauvaise idée, mais je venais de l’acheter, il fallait que je le mette quand même ! Stupide, je suis juste STU-PIDE !

Elle se pince les lèvres dans une moue désapprobatrice et secoue la tête de gauche à droite, avant d’appeler un collègue qui s’est visiblement échappé de l’enclos des gorilles du zoo le plus proche.

-          Please, follow him.

Je hoche la tête et m’exécute, suivant de près la montagne humaine qui tient à la main le bac contenant mes effets personnels.

Je me retourne pour voir la douanière faire signe à la dame suivante d’avancer. Elle doit s’y reprendre à deux fois étant donné que l’attention de tous les passagers est braquée sur moi.

Manquait plus que ça. Moi qui déteste déjà voyager.

Je soupire et me laisse conduire dans une petite salle. La pièce est quasi vide, ne contenant qu’une table et deux chaises placées face à face. Une caméra est montée dans le coin de la pièce et m’est avis que le miroir au fond de la salle est sans teint. Mon garde du corps personnel vide le contenu du bac sur la table, regarde mes billets d’avion de plus près et se recule.

La peur me gagne. Est-ce que je vais subir un interrogatoire ? Qu’est-ce qu’elle a bien pu sentir dans ma poche ?

Je m’apprête à mettre ma main dans ma poche, quand l’énorme paluche du douanier s’enroule autour de mon poignet.

Il secoue la tête en signe de négation et dit :

-          Nie. No.

Je recule  ma main et lui présente mes paumes tendues, comme s’il m’avait dit haut les mains. Je n’ai rien fait et je me sens coupable. Je n’ose pas bouger, clouée sur place par le regard de l’homme rocher.

Finalement, il se dirige vers la porte, puis se retourne et me lance dans un anglais teinté d’un fort accent de l’est :

-          Don’t move !

Il fait le geste de mettre la main à sa poche et ajoute :

-          No.

De son doigt, il pointe la caméra et amène ses doigts en V au niveau de ses yeux en me fixant. J’ai saisi. Pas bouger, on me surveille.

Visiblement, son anglais n’est pas au niveau de sa collègue. En même temps, il faut des cerveaux et des bras pour faire un monde. Vu la taille des siens, je sais à quelle catégorie il appartient.

Il quitte la pièce et me laisse seule. J’ai envie de retourner mes poches pour savoir ce que j’ai pu oublier dedans. Je suis pourtant persuadée de bien les avoir vidées…

L’attente est longue et insupportable. Ça me rend complètement parano de ne pas savoir ce qui va m’arriver. En plus je balbutie à peine le polonais. Merde, merde, merde !

Mes pas me conduisent jusqu’au miroir sans teint. J’approche mon visage de la surface et met mes mains en coupe autour de ma tête, bloquant la lumière pour tenter de voir derrière. Sous mes yeux, ma réflexion, qui me fait loucher, mais c’est à peu près tout.

Les minutes passent encore plus lentement que dans la salle d’attente du médecin, alors que je suis seule, enfermée dans cette pièce, sans savoir ce qui va m’arriver.

J’entends le bruit caractéristique d’une porte qui se referme, suivie d’un lourd raclement de gorge.

Je me retourne lentement et tente de dissimuler ma surprise à la vue de la douanière. C’est visiblement un échec cuisant étant donné qu’elle me fait un sourire en coin.

Reprenant un peu contenance, je m’approche et pose mes fesses contre la table. Sa main joue distraitement avec mes effets personnels mais ses yeux sont braqués sur moi. Elle s’approche, ses rangers faisant un bruit sourd dans l’étouffant silence de la pièce.

Elle m’observe de haut en bas. Je n’ai pas la moindre idée de ce qui va m’arriver, de comment je suis supposée me comporter et ça me rend extrêmement nerveuse.

Tous mes efforts sont concentrés dans le but de ne pas gesticuler sur place. Ça pourrait me rendre encore plus louche.

Enfin je veux dire c’est ridicule, je n’ai pas de raison d’être nerveuse puisque je SAIS que je n’ai rien à me reprocher, excepté un trop plein hormonal.

Sa voix me sort de mes pensées :

-          Turn around.

Le ton de laisse pas de place à la discussion. Je déglutis et me retourne comme demandé, non sans une certaine appréhension.

Quelques instants plus tard, je sens ses mains se poser sur mes épaules, pour descendre le long de mes bras, très lentement, comme si elle avait tout le temps du monde. Elle prend mes mains dans les siennes et va les poser à plat, paume contre table.

Coincée entre elle et le meuble, des questions me viennent à l’esprit. Est-ce qu’elle a seulement le pouvoir de faire ça ? Peut-être que je devrais l’arrêter ? Demander un avocat ? Après tout, personne n’a pris le temps de me lire mes droits, c’est pas une obligation ça ?

Mais je ne fais rien, mieux vaut attendre, s’il faut je serais sortie d’ici une petite minute.

Elle vient se plaquer contre moi, ses seins appliquant une délicieuse pression dans mon dos. Nope, pas d’avocat pour moi.

Je m’efforce tant bien que mal de rester immobile et je suis sûre que j’ai l’air crispée. Je lutte contre l’envie de passer ma main derrière moi pour venir la poser sur son chignon strict, le défaire et…

Arrête ça tout de suite !

Je ferme les yeux, pensant bêtement que ça va m’aider, mais le seul accomplissement que ça me permet de réaliser est de beaucoup mieux visualiser la scène.

Peut-être que je me fais des films, que c’est la procédure habituelle, mais je la trouve drôlement tactile. Je secoue la tête, inutile de partir là-dedans, s’il faut elle me prend juste pour une terroriste et envisage de me faire croupir trois semaines en prison, juste par mesure de sécurité.

De sa rangers, elle donne une petite tape à l’intérieur de mon pied et ordonne :

-          Spread your legs.

A ces mots, un sourire m’échappe. Je n’ai pas la moindre idée de « pourquoi » je lui obéis aveuglément mais je n’hésite pas un instant avant d’écarter les jambes.

J’attends. Qu’elle fasse quelque chose, me dise quoi faire, peu importe. Je peux sentir son souffle sur ma nuque et ça me rend dingue.

Ses doigts courent du bas de mon dos jusqu’au milieu, où elle fait pression de sa paume.

Je m’abaisse sans broncher, jusqu’à être presque allongée à même la table. Mes mains sont moites, de peur ou d’excitation, je ne sais pas. Sûrement un peu des deux.

Son corps est toujours collé au mien, ferme à loisir. Je sens son entrejambe contre mes fesses. Instinctivement, je les contracte, voulant offrir plus de résistance.

Elle laisse s’échapper un petit rire et me « réprimande » :

-          Tsk tsk…

La déception m’envahit en la sentant se décaler plus à gauche. A la place, je perçois un … truc long et dur qui fait pression pile là où il faut.

Mes yeux s’écarquillent et je tente de me relever mais elle est rapide et me maintient en place.

Je me sens parfaitement à sa merci, offerte. Il me faut un moment avant de comprendre que l’objet que je sens n’est autre que sa matraque. J’ai envie qu’elle appuie davantage. Sa main est toujours en place dans mon dos, mais ne me maintient plus, comme si elle savait que mon attention était portée ailleurs. Ou que je n’ai pas l’intention de m’enfuir.

J’ai l’impression qu’elle fait pression de sa hanche, mais je me fais peut être des idées. Trop souvent je me suis faite avoir à croire des choses qui n’existaient pas, maintenant je me méfie.

Ma respiration est lente et profonde, je dois dire que la sienne n’a rien à m’envier. Les bruits de l’aéroport ne parviennent pas à franchir la porte. Il n’y a qu’elle, moi et un silence oppressant. Qui sait si quelqu’un m’entendrait si je venais à crier ?

J’ai envie de lui demander ce que je fais là, de quoi on me soupçonne, ce qu’elle attend de moi. Mais j’ai peur de briser l’instant, et terriblement envie de voir ce qu’elle va faire.

Le fait de me savoir totalement à sa merci m’excite certainement plus que ça ne le devrait. Et ce ne sont pas les quelques ordres qu’elle m’a donnés qui vont me calmer, vu leur teneur…

Derrière moi, elle s’accroupit, comme elle l’avait fait aux portillons de détection. Je jette un coup d’œil au miroir sans teint devant moi, et voit juste le haut de sa tête qui dépasse derrière moi. De là où je me tiens, on jurerait qu’on a d’autres activités.

Je sens mon sexe se contracter à cette idée. Malheureusement, mon jeans n’est pas assez fin pour sentir son souffle me caresser… Heureusement, j’ai beaucoup d’imagination.

Je penche la tête et jette un coup d’œil dans l’espace entre mes seins et la surface de la table. Sa tête est pile au niveau de mon entrejambe et si je n’avais pas de pantalon, je demanderais à être payée pour le show.

Par intuition ou simplement parce qu’elle m’a vue bouger, elle baisse la tête et son regard vient trouver le mien.

Le bleu si clair de ses yeux m’hypnotise totalement. Ça sonne stupide, mais j’ai l’impression qu’elle peut lire en moi. J’ai arrêté de respirer, toute mon attention portée sur notre échange silencieux. Elle ne rompt pas la connexion et semble s’amuser de ma surprise en sentant ses mains sur mes chevilles ? Un petit sourire narquois orne les traits fins de son visage. Je lui en fais un en retour.

Malgré ma gorge soudainement sèche, je déglutis. Elle remonte petit à petit, jusqu’à arriver en haut de mes cuisses. Ses doigts s’arrêtent à la jonction entre ma cuisse et mon intimité.

Son regard est toujours fiché dans le mien, le soutenant avec une incroyable intensité.  Un énorme frisson me parcourt, et je ne fais rien pour le dissimuler.  

Elle brise le contact et se relève, faisant glisser sa main le long de la couture de mon jeans, dans une caresse légère, presque fantôme. Elle se remet debout derrière moi, replaçant sa matraque pile au bon endroit.

Cette fois, je sais que ça n’est pas une coïncidence.

Ses mains parcourent mon dos, entre fouille et massage. Elle passe sur mes épaules, l’extérieur de mes bras, puis l’intérieur. Ses doigts se font plus légers lorsqu’ils frôlent à peine mes clavicules, que mon haut décolleté ne couvrent pas.  Elle se presse encore plus contre moi et descend lentement ses mains.

J’ai abandonné l’idée de contrôler mon souffle, c’est mission impossible.

Un rapide coup d’œil dans le miroir m’informe qu’elle observe mes moindres faits et gestes. Je baisse la tête pour voir ses mains recouvrir mes seins qui se soulèvent rapidement au rythme de mes respirations.

Je ne sais pas comment on en est arrivées là mais ce n’est clairement plus une fouille que je suis en train de « subir ». Bien que j’en crève d’envie, je ne bouge pas d’un poil, continuant à jouer le jeu. Hors de question que je prenne le risque qu’elle s’arrête si je change les plans.

Mes doigts se crispent sur la table. Même à travers la barrière de tissu, mes seins répondent à la stimulation et je l’entends sourire plus que je ne la vois.

Bien trop vite, ses mains reprennent leur descente j’ai bien du mal à réprimer le gémissement qui menace de s’échapper de mes lèvres. Elle continue de simuler sa fouille, mais elle et moi savons qu’elle ne cherche pas vraiment à savoir si je compte faire exploser l’avion.

Sans rien qui laissait prévoir ses actions, elle m’attire à elle, me redressant et me pressant contre son corps. Sa main droite repose sur ma hanche tandis que de la gauche, elle écarte mes cheveux, exposant ma nuque.

Son regard dans le miroir ne me quitte pas tandis qu’elle embrasse et mordille cette zone si sensible. J’ai l’impression que je vais prendre feu si elle n’accélère pas les choses, mais si l’attente me tue, ce sera une belle mort.

Ses lèvres entourent le lobe de mon oreille et je sens sa langue me caresser. Elle se recule et me murmure à l’oreille :

-          Am I out of line?

Est-ce qu’elle dépasse les bornes ? Officiellement, clairement. Officieusement, elle n’a pas intérêt à s’arrêter là.

Plutôt que de répondre, je saisis sa main droite et la fais glisser jusqu’à mon sexe, le couvrant de nos mains jointes. Malgré l’épaisseur de mon jeans, je la sens qui fait pression. Je sens à quel point je suis trempée. Les secondes passent et elle semble apprécier me torturer. C’est à la fois trop et pas assez. Sa bouche reprend son œuvre dans ma nuque tandis que ses doigts viennent défaire le bouton de mon jeans. Bien vite, la fermeture éclair n’est plus qu’une histoire ancienne elle aussi. Elle me retourne et abaisse le vêtement.

J’en profite pour l’observer. Sourire pendant la fouille est décidément la meilleure idée que j’ai eue de la journée. Peut-être même de ces dix dernières années. Mon attention se porte sur ses lèvres, fines mais pleines et bien dessinées. Inconsciemment, ma langue passe sur les miennes.

J’ai envie de l’embrasser, de savoir quel goût à l’interdit.

Ses yeux observent ma bouche et à son sourire en coin, je sais qu’elle est au courant de mes pensées. Puis ils continuent leur route vers le reste de mon corps.  L’air relativement frais de la pièce ne fait rien pour calmer mes hormones.

Pendant un instant, je me rappelle la caméra et le miroir, et je me demande si quelqu’un regarde. C’est à ce moment qu’elle défait très lentement les premiers boutons de sa chemise et j’oublie tout de notre « possible auditoire ». A vrai dire, ça m’est bien égal, tant qu’elle ne s’arrête pas. Et si c’est effectivement filmé, je voudrais une copie du dvd.

Je suis ses moindres faits et gestes. Sa chemise s’ouvre, laissant apercevoir un soutien-gorge très féminin et une poitrine généreuse. Elle défait les boutons jusqu’au dernier mais n’écarte pas les pans du vêtement.

D’un mouvement de tête, elle désigne mon haut et se contente de me dire :

-          Off.

Sans une once d’hésitation, mes mains viennent se porter à mon vêtement et je le retire, le jetant Dieu sait où.

Pendant un instant, on s’observe mutuellement, comme deux prédateurs prêts à attaquer. 

On se jette l’une sur l’autre en même temps. Nos deux corps se rencontrent et je l’entends gémir en même temps que moi. Ne sachant pas ce qui m’est « autorisé », je l’embrasse dans le cou, parcourant avidement chaque centimètre de peau de mes lèvres. Je ne sais pas si c’est un parfum ou juste elle, mais elle sent divinement bon.

Elle me laisse faire un moment jusqu’à ce que sa main vienne se resserrer dans mes cheveux dans une poignée généreuse de laquelle elle se sert pour tirer ma tête en arrière. Je suis à peine séparée de son cou que sa bouche vient rencontrer la mienne.

Son baiser n’a rien de tendre. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que je lui rends toute la passion qu’elle y exprime.

Nos mains sont partout et nulle part à la fois, et je n’ai jamais eu autant envie de posséder quelqu’un que cette parfaite étrangère. 

Oubliant mon rôle, j’agrippe les pans de sa chemise et les descend de force, bloquant ses bras dans son dos et maintenant le tissu d’une main.

Ses yeux s’écarquillent un instant, mais sa nature reprend bien vite le dessus. Elle est complètement à ma merci, et pourtant elle me nargue en haussant un sourcil, n’essayant pas le moins du monde de se débattre. Mon regard parcourt ses seins qui se soulèvent au rythme de ses respirations, dissimulées derrière le soutien-gorge. Sans plus réfléchir, je baisse le tissu qui m’obstrue la vue et la découvre.

Je prends tout mon temps pour observer l’étonnante perfection du corps de ma douanière. Elle se tient debout devant moi, fière malgré son état débraillé, sa poitrine exposée demandant qu’on lui prête attention. Et qui suis-je pour refuser ?

Je me penche et viens la caresser de mes lèvres. Elle me dévore des yeux tandis que ma langue joue avec son téton, me transperçant complètement de son regard. Ses pupilles dilatées, d’un noir intense, contrastent totalement avec le bleu clair de ses yeux, c’est la chose la plus sexy que j’ai jamais vue.

Distraite, je relâche un instant ma poigne sur sa chemise mais ça suffit à ce qu’elle se libère. Je me retrouve poussée en arrière, mes fesses entrant en contact avec la table. Elle me soulève pour m’asseoir dessus et s’attelle à retirer mon pantalon et mes chaussures. Ses mains se portent à la ceinture où sont attachés sa matraque et son flingue mais je l’arrête avant qu’elle l’ait retirée :

-          Leave it on…

Elle me fait un sourire coquin et je crois qu’elle sait que ces « symboles de pouvoir » m’excitent. Je passe mes doigts dans les passants de son pantalon et l’attire à moi. Notre baiser reprend de plus belle, tandis que nos mains ont la même idée : retirer nos soutiens gorge respectifs.

A regret, je délaisse une seconde ses lèvres le temps qu’on se débarrasse des sous-vêtements et gémis en la sentant enfin sans barrière. Sa peau me paraît brûlante, en parfait contraste avec l’air frais et climatisé de la salle.

Ses mains parcourent mon dos, me pressant contre elle, me griffant par endroits. Ça me rend totalement dingue. Comme animée d’une volonté propre, ma main se resserre sur sa hanche, puis défait le bouton de son pantalon. Elle se recule pour  me regarder tandis que je m’efforce de baisser la fermeture récalcitrante. Pile au moment où je réussis, elle me pousse, me forçant à m’allonger sur la table, les jambes pliées dans le vide.

Je lève la tête et l’observe, tandis qu’elle grimpe dessus à son tour, plaçant ses genoux de part et d’autre de mes cuisses. Son regard capte le mien et seules nos respirations saccadées se font entendre. Elle reste un instant comme ça, à cheval sur moi, seins nus, le pantalon défait, et mes yeux n’en manquent pas une miette. Elle est totalement maitresse de la situation et je n’ai absolument pas l’intention de faire quoi que ce soit pour changer ça.

Elle s’abaisse lentement, me caressant délibérément de sa poitrine, m’extirpant un gémissement. Ses lèvres retrouvent les miennes, et je veux instantanément plus, tellement plus.

Je profite du fait qu’elle est obligée de s’appuyer sur un bras et découvre son corps de mes mains. Du bout des doigts, je parcours ses flancs, puis l’extérieur de ses seins. Sans prévenir, mes caresses légères deviennent plus appuyées et je prends sa poitrine dans mes mains. Elle gémit dans ma bouche et savoir que ça lui plait autant qu’à moi m’excite plus que de raison. L’une de mes mains descend plus au sud, caressant son ventre, la frôlant à la limite de son sous vêtement. Elle sourit dans le baiser en sentant que je joue avec ses nerfs, ne lui donnant pas ce qu’elle attend. Je finis par craquer et glisse mes doigts en dessous du fin tissu.

Je suis accueillie par la preuve de son envie, mais je n’ai pas le temps de réellement savourer que déjà je sens sa main imiter la mienne.

On se découvre mutuellement, prenant notre temps, nous torturant l’une l’autre. D’un mouvement de bassin, elle me fait comprendre qu’elle veut plus.

Notre baiser prend fin, plus parce qu’on n’arrive plus à respirer correctement qu’autre chose.

Je descends mes doigts et les laisse un instant hors de sa portée, la sentant se contracter pour les attirer en elle. Je souris et lui jette un regard défiant, la sachant à ma merci. J’aime l’idée de l’avoir « littéralement » au creux de ma main. Elle lève un sourcil et soutient mon regard, avant de me pénétrer sans prévenir. Mon sourire disparait aussi vite qu’il est venu et je me mords la lèvre inconsciemment, fermant les yeux un instant. Elle me prend sans aucune concession, ses doigts faisant de rapides va et viens, appuyant là où j’en ai besoin.

Je suis sortie de mes rêveries par le son de sa voix :

-          Take me.

Ses yeux clairs confirment ce que je viens d’entendre. Elle n’a pas à me le dire deux fois.

J’entre en elle sans hésiter. Mes mouvements sont restreints par son pantalon toujours en place, mais elle ne semble pas s’en plaindre. Une sensation de puissance m’envahit alors qu’elle gémit et perd un peu le rythme de ses mouvements en moi. Ma paume fait pression sur son clitoris et je la sens se contracter autour de mes doigts. Je ne suis pas sûre que ça soit elle qui profite le plus des sensations vu à quel point ce que je lui fais m’excite.

Le plaisir est tel que j’ai du mal à garder les yeux ouverts, mais je m’efforce de le faire, ne voulant rien rater du spectacle. Elle est à moitié penchée, toujours en appui sur un bras, sa main entre mes cuisses. Elle sourit en voyant que je l’observe, caressant ses seins de mon regard, puis allant jusqu’à ma main qui disparaît dans son pantalon. Ses hanches ondulent au rythme auquel je la pénètre et je ralentis un instant mes mouvements pour mieux la sentir s’empaler sur mes doigts.

Mes yeux s’arrêtent sur sa ceinture, à tel point qu’elle finit par regarder ce qui m’intrigue tant. Dans un sourire, elle se redresse, sans jamais briser nos rythmes. Sa main prend la mienne et l’amène à sa hanche.

-          Show me what you want.

Je crois qu’elle sait très bien ce que je veux, mais qu’elle préfère que ça vienne de moi. Sans hésiter, mes doigts viennent caresser la matraque brillante qui bouge au rythme de ses mouvements de bassin. Elle la détache de sa main et la place sous ma gorge, presque comme une menace. Je relève la tête, défiante. Ses yeux viennent capter les miens et elle commence à la faire glisser entre mes seins, puis sur mon ventre, toujours plus bas…

Un énorme frisson me parcourt à l’idée de ce qu’elle va faire et vu l’endroit où se trouvent ses doigts, elle ne peut que le sentir. Elle ne prend même pas la peine de retirer mon sous vêtement, se contentant de l’écarter sur le côté.

Ses yeux me scrutent, et si j’avais une once de pudeur restante, je pense qu’elle ferait son apparition. Mais ce n’est pas le cas et l’idée qu’elle me voie totalement offerte, ses doigts encore en moi ne fait que m’exciter davantage. Un instant plus tard, je la sens se retirer, me laissant une sensation de vide. Elle caresse mon intimité du bout de la matraque, l’humidifiant, avant de le placer à l’entrée de mon sexe. Elle et moi semblons retenir notre respiration.

Elle s’assure de capter mon regard et fais glisser sa matraque en moi. Je ne suis pas habituée et il faut un moment à mon sexe pour s’accommoder à la taille de l’objet.

Mes doigts sont toujours en elle et je la sens réagir à ses actions. Je me sens complètement à sa merci, tandis qu’elle commence à reprendre un rythme. Les gémissements qu’elle m’extirpe semblent l’encourager à se laisser aller et bientôt elle n’hésite plus et fait de moi ce qu’elle veut.

La matraque me pénètre avec une déconcertante facilité, et je sais qu’il ne va plus me falloir longtemps. Au vu de la manière dont elle bouge contre moi, je crois bien que je ne suis pas la seule. Les vagues de plaisir se font de plus en plus intenses.

Ne voulant pas la laisser en reste, j’accentue la pression de ma paume et courbe mes doigts en elle. Elle se contracte autour de moi, plus fortement qu'avant, poussant un gémissement qui me fait la suivre juste derrière.

On étire les sensations le plus longtemps possible jusqu’à ce qu’elle se laisse un peu retomber sur moi. Je sens son corps pulser tout autant que le mien, de petits tremblements nous gagnant toutes les deux. Je retire ma main de son pantalon, la caressant de l’autre, savourant la douceur de sa peau. Nos souffles mettent un moment avant de se calmer.

Elle pousse un soupir en même temps que moi et on se met à rire.

Je n’aurais pas cru ça possible, mais elle est encore plus belle maintenant. Je n’ai pas envie d’en rester là.

Elle retire la matraque avec précaution, me faisant frissonner. On regarde toute les deux son symbole de pouvoir, n’arrivant pas vraiment à croire ce qu’on vient d’en faire.

Elle se penche et caresse mes lèvres des siennes, dans un baiser qui dénote de la sauvagerie de ce qui vient de se passer entre nous.

Après un moment, sa bouche délaisse la mienne et vient caresser mon cou. Je penche la tête, lui autorisant l’accès. Elle descend de plus en plus bas et au regard qu’elle me lance alors que sa langue vient jouer avec mon téton, je sais qu’elle et moi n’en avons pas fini, loin de là…

* * * * *

Elle se penche et attrape mon jeans, m’offrant au passage une vue plus qu’appréciable. C’est à peine fini que j’en veux encore.

Une fois la fermeture de mon jeans remontée, je ferme le bouton, me rendant à nouveau présentable, enfin si on ne regarde pas ma coiffure.

Mon regarde s’attarde sur la douanière. Sa tenue est plus difficile à remettre ce qui fait qu’elle boutonne seulement sa chemise. J’observe avec avidité son ventre sculpté et sa poitrine avant que le tissu ne les dissimule complètement, essayant de les imprimer dans ma mémoire. Le risque que j’oublie ce léger « incident » est plus que faible, mais sait-on jamais ! Son petit sourire me laisse penser qu’elle m’a vue la dévorer des yeux et honnêtement, ça m’est complètement égal. Elle est plus que sexe et après ce qu’elle vient de me faire, je sais qu’en plus d’être extrêmement belle, elle est… douée.

Finalement, elle termine de s’habiller et pousse un gros soupir en même temps que moi. Bien que je n’aie pas la moindre idée du temps qui vient de s’écouler, il m’a semblé beaucoup trop court.

Elle s’approche du miroir,  et demande :

-          How do I look ?

-          Perfect… just perfect.

En réalité elle a l’air d’une femme qui vient de coucher avec une parfaite inconnue dans une salle d’interrogatoire, mais pour quelqu’un qui ne le sait pas, elle aura probablement juste un air étrange. Elle me fait un clin d’œil dans le miroir et si je m’écoutais, je repartirais pour un tour. Mais malheureusement, un avion m’attend. La douanière prend mes affaires et me fait signe de lui ouvrir la porte. Ma main se pose sur la clenche et je me penche pour lui faire un dernier baiser. Elle m’embrasse avec tout autant d’abandon que moi, sachant très bien que c’est très probablement un adieu.

Le temps de reprendre un semblant de contenance et nous marchons jusqu’aux portillons. La douanière reprend sa place comme si de rien n’était. Ses collègues lui lancent des regards curieux qu’elle fait mine d’ignorer. Elle donne ce que j’estime être des ordres et se tourne vers moi, qui suis toujours plantée là, me sentant un peu stupide.

-          Here you go, and again, sorry for the inconvenience.

J’attrape mes affaires alors qu’elle les tend, ayant du mal à retenir mon sourire narquois en l’entendant dire ça. Des désagréments dans ce genre là j’en voudrais bien tous les jours. C’est sur un ton poli que je lui réponds :

-          That’s alright, you were just doing your job.

Elle me répond par un sourire bien à elle et un mouvement de sourcils que personne à part moi ne peut voir. D’une voix tout à fait professionnelle, elle ajoute :

-          Have a nice trip, Mrs. Lewis.

-          Thank you.

Je me demande un instant comment elle connait mon nom étant donné que je ne lui ai pas dit, puis réalise qu’elle a tout simplement du le lire sur mon passeport. Mes yeux la parcourent une dernière fois des pieds à la tête, tentant de tout mémoriser. Je crois que je n’en aurais jamais assez.

Il faut que je garde les apparences et  vu qu’il est hors de question demander son nom devant ses collègues, je me contente d’un signe de tête avant de tourner les talons.

C’est dur, mais je ne jette pas de coup d’œil en arrière pour voir si elle me regarde partir. Pas envie de savoir. Ou plutôt peur de faire demi-tour si c’est le cas, ou d’être déçue si je me suis trompée.

Je m’assieds dans une des chaises en métal modèle « inconfort ultime » que nous prête gracieusement l’aéroport et sort mon Ipod pour y voir l’heure. Plus que 40 minutes avant mon vol, c’est une bonne nouvelle ça !

Je mets les écouteurs dans mes oreilles et ferme les yeux, mes pensées revenant irrémédiablement à ce qui vient de se passer et à la superbe douanière qui vient de rendre ma journée nettement meilleure. Je regrette de ne pas lui avoir demandé son nom. Maintenant, elle restera à jamais une inconnue.

Remarque, c’est peut être mieux, ça m’évitera de penser à elle dès que quelqu’un avec le même prénom sera mentionné.

Je souris et me laisse aller à mes rêveries très, très plaisantes.

Au bout de quelques minutes, l’hôtesse de l’air appelle les passagers des premières rangées. J’embarque dans l’avion et m’assieds dans l’espace qui m’est dédié, trop étroit pour quiconque a des jambes, avant de repenser à un truc.

Mon voisin me lance un regard plus qu’interloqué en me voyant tenter d’accomplir un numéro digne des meilleures contorsionnistes pour mettre la main dans ma poche.

Mes doigts s’enroulent autour de quelque chose de non identifié et je l’extirpe rapidement des confins de mon jeans, ayant envie de savoir quel objet m’a valu cette fouille et mérite d’être exposé dans une vitrine.

Je fronce les sourcils en ne le reconnaissant pas immédiatement. On dirait un bouton, ou un écusson… Je le tourne dans ma main. Depuis quand j’ai ça mo- 

Ah, ok…

Au creux de ma paume, se trouve fièrement gravé en rouge et blanc, l’aigle polonais.

Je n’arrive pas à retenir un éclat de rire qui fait se retourner bien des passagers de l’avion autrement calme.  

Forcément je ne reconnais pas ce truc, peu importe ce que c’est.

Il ne m’appartient pas.

Elle avait tout orchestré…  Mon voisin de rangée me regarde comme si j’avais définitivement perdu la tête et je dois dire que ça me fait rire de plus belle.

Je finis par me maitriser, les yeux toujours rivés sur cet espèce d’écusson quand je réalise…

Ce serait vraiment impoli de ma part de ne pas le rapporter à ma prochaine visite en Pologne…

 

FIN

 

Verdict ?

11 mars 2018

Chapitre 14

La voix de Dom me parvient très clairement, même à travers la porte :

- Héléna, bouge-toi !

Finissant d’attacher mon élastique, je me regarde une nouvelle fois dans le miroir.

Pas mal.

Pas mal du tout.

Bien que le déjeuner n’ait pas précisé de code vestimentaire, j’ai opté pour un costume trois-pièces gris bien cintré, chaussures oxford et chemise légèrement entrouverte, sans cravate. J’ai l’air soignée, limite raffinée et je le sais.

Pour éviter d’apparaître plus stricte que nécessaire, j’ai lissé mes cheveux pour les attacher dans une tresse épi de blé un peu lâche.

Niveau maquillage j’y suis allée sobrement, juste de quoi souligner les traits de mon visage.

Fine stud Héléna est dans la place.

- Ça va, ça va, j’arrive.

J’ouvre la porte et peine à retenir un petit sourire satisfait en voyant la tête de mes collègues.

Ils approuvent mon choix vestimentaire je crois.

Après 3 ou 4 secondes d’observation mutique, James s’adresse à Sasha :

- T’as fait tomber un truc.

Confuse, elle détache ses yeux de ma silhouette pour regarder par terre :

- Quoi ?

- Ta mâchoire, t’as fait tomber ta mâchoire !

Il place un doigt sous son menton pour fermer la bouche de ma collègue alors que Dom et lui éclatent de rire.

Sasha, blasée, ne répond pas si ce n’est en s’approchant pour me prendre le bras :

- Tu voulais me voir me battre pour ton attention avant de partir, c’est ça ?

Elle n’a pas vraiment besoin d’en arriver là pour la capter, mais ça, c’est une autre histoire. Notant que sans le savoir elle a opté pour une chemise grise en soie parfaitement assortie à mon costume, accompagnée d’une jupe noire classique bien que relativement courte, je réplique, la balayant clairement du regard :

- L’inverse. Je préfère que tes futurs prétendants comprennent qu’ils n’ont aucune chance AVANT, comme ça je n’aurais pas besoin d’intervenir.

- Belle parleuse…

- Eh, on fait ce qu’on peut.

Je lui adresse un clin d’œil complice, aimant cette manière qu’on a de se charrier. Plus ça va, plus je me dis qu’il faut VRAIMENT que je lui demande officiellement s’il est possible qu’on se revoie (en toute amitié) une fois de retour au bureau. L’idée est de le faire tant que je suis encore dans ses bonnes grâces.

Les garçons se sont eux aussi mis en valeur et nous sommes rejoints dans le couloir par une Alycia qui veut visiblement marquer le coup auprès de Dom, arborant une très jolie robe blanche.

Je manifeste mon approbation par un sifflement appréciateur, qui fait rougir Alycia et déclenche les tendances violentes de Sasha, qui me reprend d’une tape sur la main. Elle joue la fille jalouse, mais n’arrive pas totalement à dissimuler l’amusement dans son ton lorsqu’elle dit :

- T’es supposée n’avoir d’yeux que pour moi tu te souviens ?

Mon regard croise le sien :

- C’est le cas, n’en doute pas une seule seconde.

C’est certainement très très con, mais ça fait du bien de pouvoir m’exprimer, même si je suis certaine à 99% qu’elle va prendre ça à la rigolade. Ce qui est le but si je suis tout à fait honnête. Mais il n’en reste pas moins qu’on n’est pas très loin de la vérité en ce moment. J’en reviens pas d’avoir changé d’avis du tout au tout en ce qui la concerne.

James mime des bruits de relents, bien trop réalistes à mon goût, avant de dire :

- Oh les tourterelles ! Pensez un peu à celui qui tient la chandelle svp ! Ce n’est pas possible d’être autant au taquet l’une avec l’autre !

Mes yeux viennent trouver ceux de ma collègue et l’on échange un regard amusé devant les frasques de James. Pour un génie autoproclamé, il y en a un qui va se sentir con en fin de journée…

On s’empile dans l’espèce de mini-navette louée par l’entreprise pour nous amener au lieu du déjeuner. Je ne vois pas ce qu’ils reprochent à notre salle de formation, mais hey, c’est eux qui paient.

Sasha est bien évidemment à côté de moi durant le trajet et je ne peux m’empêcher de remarquer la manière totalement naturelle qu’elle a de mettre sa main sur ma cuisse. C’est bizarre de me dire que ce soir ce sera fini.

Les autres occupants nous jettent des regards en coin et vu leurs sourires niais je suis persuadée qu’ils nous perçoivent comme le petit couple amoureux que l’on n’est pas. James devrait d’ailleurs être plus méfiant que ça, il sait pertinemment que je ne suis pas spécialement démonstratrice, alors ça devrait être louche que je tolère d’avoir Sasha dans mes pattes toute la journée.

Le trajet dure une vingtaine de minutes et se déroule dans une bonne ambiance. La salle est décorée très sobrement, des tables rondes recouvertes de nappes blanches et sur lesquelles trône de la vaisselle certainement coûteuse prennent la majorité de l’espace.

Dès que l’on franchit la porte, tous les yeux se posent sur nous, la distraction étant bienvenue. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais arriver comme ça par la grande porte avec Sasha à mon bras me fait penser aux bals de fin d’année que l’on voit dans les films. Acné en moins et bon goût en plus j’entends.

Dom s’exclame :

- Eh ben, ils ont mis les petits plats dans les grands !

Ce qui encourage James à y aller de son commentaire :

- Ils doivent vouloir qu’on revienne.

La nourriture n’est pas mauvaise, mais je suis au bout de ma vie. J’ai conscience qu’il s’agit d’un repas professionnel, mais mes collègues se sentent visiblement obligés de parler de boulot chaque seconde et je n’ai vraiment pas la tête à ça. Bande de rabat-joie !

En plus, je risquerais de leur apprendre des trucs si je participais à la discussion et j’ai un voyage à gagner. Toujours conserver son objectif en ligne de mire !

Hors de question que cette parenthèse me coûte ma place. En rentrant, je vais cravacher et ma récompense sera de me prélasser au soleil aux frais de l’entreprise !

Sasha colle sa chaise à la mienne et à mon grand dam, participe à la conversation, même si elle n’a pas l’air d’être autant investie que les autres.

J’ai conscience que ça pourrait me valoir une ordonnance restrictive m’interdisant de m’approcher à moins de 200 mètres si j’étais prise, mais je renifle discrètement son parfum. Je ne sais pas ce que c’est mais je suis vraiment fan.

En même temps, plus ça va plus mon crush empire. Maintenant, il suffit d’un sourire, parfois même juste un regard pour que mon cœur se mette à battre un peu plus vite.

Nous sommes à table depuis 90 minutes environ, mais j’ai l’impression que ça fait des heures qu’elle me frôle, me chuchote à l’oreille et m’adresse des sourires, juste parce que.

Il faut absolument que je réussisse à prendre du recul et me détacher d’elle. Ce n’est pas sain d’être focalisée à 100% sur Sasha, de profiter de ses attentions et me faire des films.

Or, c’est exactement ce que je suis en train de faire depuis qu’on est arrivées.

Extérieurement, je ne moufte pas, mais intérieurement je manque de faire un arrêt lorsqu’elle place nonchalamment sa main sur ma cuisse. Certes, elle est à peu près au milieu niveau hauteur, mais clairement plus vers l’intérieur qu’au-dessus.

N’y prête pas attention.

C’est pour le show.

Même si c’est sous la table et que je ne suis pas sûre que qui que ce soit va remarquer l’angle de son bras…

Comme pour m’empêcher de penser à autre chose et s’assurer que mon échec est ÉPIQUE, elle se met à faire des petits mouvements de pouce, certainement inconscients…

C’est fini.

Juste comme ça, mon niveau de participation à la discussion passe de très faible à inexistant.

Au cas où vous n’étiez pas au courant, la cuisse est une zone particulièrement érogène.

C’est la seule explication pour laquelle j’ai l’impression que les mouvements de son doigt se font une vingtaine de centimètres plus haut.

Après avoir imaginé des choses tandis que les autres parlaient boulot, je suis beaucoup trop réceptive…

Il va falloir que je vire sa main, et vite. J’attends juste d’accumuler la force mentale nécessaire afin d’être certaine de la décaler dans le bon sens.

J’observe son profil, voulant capter son regard et lui faire comprendre que ce n’est PAS ok de profiter du fait que je suis en manque pour ruiner mes sous-vêtements sans mon accord, mais elle fixe résolument la table.

Plan B donc.

Je gigote un peu, faisant mine de me réinstaller, espérant que le mouvement de ma jambe va l’inciter à cesser tout contact physique.

Sa seule réaction est de me glisser un sourire et d'effectuer une petite pression de sa main.

Bah, je ne suis plus à un échec près…

En revanche, la nouvelle position me fait remarquer que mon trouble ne se manifeste pas que dans ma tête.

Comment dire…

Si jamais, dans un accès de folie difficilement justifiable, je décidais de retirer les vêtements couvrant la moitié inférieure de mon corps, j’aurais toutes les peines du monde à éviter l’effet toboggan et rester en place sur ma chaise.

Ok, j’exagère un peu, mais vous voyez l’idée…

Est-ce qu’elle a conscience qu’elle me “chauffe innocemment” là ? Encore 5 minutes de ce traitement et je vais faire quelque chose que je ne suis pas sûre de regretter…

Ce qui signifie qu’il est grand temps de fuir.

Ok, Héléna.

Lève-toi, va prendre l’air et essaie de ne pas marcher comme une fille dont les sous-vêtements ont connu des jours meilleurs.

Ayant hâte de faire descendre la pression que je suis la seule à ressentir, je recule ma chaise comme une brute, raclant les pieds au sol, ce qui attire le regard de tout le monde sur moi.

Leur offrant un sourire crispé, le même qu’un candidat perdant à la présidentielle qui devrait répondre à la question “à votre avis, pourquoi Machintruc vous a battu ?”, je ressens le besoin de me justifier :

- Je vais faire un tour, à tout à l’heure.

Ne demandant pas mon reste, j’attrape ma veste, que j’avais placée sur le dossier de ma chaise et me dirige rapidement vers la sortie. L’air frais va me faire du bien.

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Une fois les portes passées, je vais au coin de l’immeuble et m’adosse au mur, respirant un bon coup. Je ferme les yeux et soupire en entendant des pas dans ma direction.

Sérieusement ? Je ne peux même pas faire un break de deux minutes ?

Ouvrant les paupières, j’ai la ferme intention d’évacuer une partie de ma frustration sexuelle en agressant verbalement le relou qui a eu l’audace de me suivre.

 - Hey. Ça va ?

Les remarques acerbes meurent dans ma gorge lorsque mes yeux se posent sur Sasha :

- Oui, t’inquiète.

Je n’extrapole pas et lui adresse un petit sourire crispé. Même si ça me touche qu’elle ait pris la peine de venir vérifier que je suis ok, mon échappatoire devient totalement contre-productive si elle s’isole avec moi, alors avec un peu de chance elle va faire demi-tour si je ne suis pas bavarde.

Bien évidemment, comme rien ne va jamais dans mon sens, elle se contente de s’installer à proximité respectant partiellement mon envie de solitude en gardant le silence. Regardant le ciel nuageux, je profite de l’instant. C’est rare de trouver quelqu’un avec qui l’on peut être confortable sans rien dire.

Rêvassant, je repense aux bons moments passés lors de la formation. Vu toute l’affection que je lui portais au début du voyage, c’est étonnant de voir à quel point ma collègue occupe une place primordiale dans la plupart d’entre eux. J’ai généralement du mal à m’ouvrir et m’attacher, alors ça me tue de me retrouver dans une situation pareille avec Sasha.

Sa respiration un peu saccadée attire mon attention. Posant les yeux sur elle, je vois qu’elle se frotte les bras :

- Froid ?

Elle acquiesce vigoureusement de la tête, s’exclamant :

- Oui, je comprends pas comment on a pu perdre autant de degrés depuis la gay pride !

Levant les yeux au ciel devant ses frasques, je relativise :

- Ça va l’exagération ? C’est pas si terrible.

Elle me regarde, sourcils froncés et lèvres serrées. J’ai très envie de lui pincer les joues, mais ça me vaudrait sûrement quelques bleus alors mieux vaut m’abstenir.

- Tu dis ça, mais non seulement tu es à tomber dans ta tenue, mais en plus elle est à l’épreuve du froid.

J’essaie vaillamment de contenir mon sourire, mais c’est peine perdue :

- À tomber ?

Lâchant un soupir très clairement exagéré, elle réplique :

- J’aurais dû savoir que c’est ça que tu allais retenir.

Hey, c’est pas tous les jours que la femme qui vous attire vous lance un compliment pareil !

Exhalant bruyamment à mon tour, je m’apprête à retirer ma veste pour la lui donner. Si elle attrape une pneumonie à tous les coups ça va être considéré comme ma faute et ce n’est pas comme si je n’avais rien en dessous.

J’esquisse à peine le mouvement qu’elle m’arrête :

- J’ai une meilleure idée.

N’attendant pas mon aval, elle se colle à moi entre les pans écartés de ma veste.

Environ 1 seconde plus tard, je la sens défaire le premier bouton du gilet de mon costume et glisser sa main le long de mes côtes, longeant mon soutien-gorge. Satisfaite, elle pousse un petit soupir et place sa tête sur mon épaule, son autre bras dans mon dos, sous ma veste.

Elle est sérieuse là ?

Je reste les bras ballants, ne sachant pas comment réagir face à la réaction quasi viscérale que sa proximité m’évoque. Mon cœur se met à battre comme un dingue et ça m’étonne que la main sur mon flanc arrive à tenir en place, j’ai l’impression d’avoir un tremblement de terre dans la poitrine.

C’est horrible parce que d’un côté je veux la repousser pour ne pas qu’elle découvre mon *pas si* petit secret, de l’autre j’ai appris à apprécier qu’elle soit aussi tactile avec moi.

Comme toujours, la raison l’emporte et je m’entends demander :

- Sasha ? T’es au courant que personne ne va nous voir ici ?

Le message est clair je crois.

Pas besoin de jouer la comédie.

Tu peux te reculer…

Maintenant par exemple...

Elle relève la tête et m’adresse un regard contrarié avant de revenir exactement dans la même position, marmonnant :

- J’ai froid et t’es toujours brûlante.

C’est pas vraiment une justification pertinente par rapport à ma question et mon côté je-sais-tout s’apprête à le lui faire remarquer, mais elle me prend de court en reprenant la parole :

- Stp... Je veux juste un câlin.

Il y a quelques semaines, elle aurait perdu deux dents si elle avait osé rien qu’esquisser un dixième de ce qu’elle vient de faire et son besoin d’affection elle aurait pu se le coller où je pense.

Mais aujourd’hui, j’accorde de la valeur à ses envies, sûrement trop si l’on considère que pour le coup sa requête est à mes dépens.

Dans un soupir pseudo-agacé très largement surjoué, je réponds enfin à l’étreinte, l'enlaçant à mon tour, ce qui lui extirpe un petit son de contentement.

Fermant les yeux, je m’autorise un moment de paix à profiter de notre proximité sans m’inquiéter. J’aurais bien assez le temps de tout décortiquer et suranalyser à mon retour au bureau.

Malheureusement, l’instant tranquillité se termine en queue de poisson lorsqu’elle chuchote :

- Ton cœur bat vite.

Pile au moment où mon cerveau comprend la signification de ses mots, l’organe susmentionné s’arrête.

OMG non.

Pas comme ça.

Ok.

Inspire.

Expire.

Maintenant justifie-toi d’un air décontracté :

- Ouais, désolée, je pensais au voyage retour, prendre l’avion me rend nerveuse.

Si je pouvais sortir de mon corps, je me donnerais une tape dans le dos. C’est l’un des meilleurs mensonges que j’ai pondu, il est crédible !

- Oh… Je te rassurerai va.

Voulant marquer mon point, je la poke au niveau du flanc du bout de mon doigt, répliquant :

- À d’autres. C’est juste une excuse pour avoir des câlins.

Sasha relève la tête pour croiser mon regard, un sourire coquin aux lèvres, n’essayant même pas de nier :

- Hé, c’est pas ma faute si en réalité t’es une espèce de nounours grognon qui adore mes attentions et qu’en plus tu sens bon ! 

J’ouvre la bouche, mi-offusquée mi-épatée par son audace ! Ah ouais, carrément ! La nana n’a peur de rien !

- J’ai dû mal entendre, comment tu m’as appelée là ?

Elle se détache de moi, me tirant légèrement par la main en direction de la porte :

- Allez viens, on retourne à l’intérieur…

Ouais c’est ça.

Attention hein !

Voulant asseoir mon autorité, je lance un :

- J’aime mieux ça.

Elle tourne la tête, lâche ma main et termine sa phrase avant d’accélérer le pas :

- Nounours grognon.

- Viens ici tout de suite Sasha !

Elle fait volte-face et marche à reculons, haussant les sourcils à répétition, me narguant ostensiblement.

Réflexion faite c’était mieux quand on ne se connaissait quasiment pas et qu’elle avait encore un peu de respect…

10 novembre 2019

Hors Limites - Partie 13

 

Elle s’est affalée sur le canapé, ne réalisant pas encore que son frère et Nathan ont déjà quitté l’appartement.

Maintenant ou jamais.

Prenant une dernière inspiration, je lance la vidéo depuis mon téléphone, tapotant l’icône me permettant de la diffuser sur la télé via la box.

Je l’entends marmonner quelque chose, se demandant certainement ce qu’il se passe, puis ma voix résonne dans le salon :

Je pourrais vous dire la base : son nom — Kara Lincoln —, depuis combien de temps elle streame — 5 ans —, la couleur de ses cheveux blonds, l’exacte teinte de ses yeux bleus… Mais si on va au-delà de ça…

Penchant rapidement la tête dans l’embrasure de la porte, je l’aperçois les yeux rivés sur la télé, où je continue mon laïus.

Sa couleur préférée est le rouge. Son chiffre fétiche, le 3. Elle vous dira que sa glace favorite est celle aux cookies, mais en réalité elle a un faible pour la version noix de macadamia. Son jogging préféré à un énorme trou au genou depuis des lustres, mais si on lui fait remarquer, elle répondra qu’il vient de se former et qu’elle va s’en occuper. Elle fredonne dès qu’elle pense être seule et le pire c’est qu’elle chante juste. Si elle n’arrive pas à trouver le sommeil, elle met des reportages policiers, parce qu’elle s’attache aux bébés des documentaires animaliers et qu’ils finissent par mourir dans 90 % des cas. Elle a un épi du côté droit de son front et il ressort dès qu’elle est agitée parce qu’elle a la fâcheuse manie de passer sa main dans ses cheveux…  

Je pourrais continuer comme ça longtemps et en apprendre des centaines de plus sans jamais me lasser… par exemple, je serais intéressée de savoir quelles langues elle aimerait maîtriser, quelle chanson lui apporte un sentiment de sérénité et…  

La vidéo s’arrête.

Maintenant ou jamais Naomi.

Trop tard pour te dégonfler.

Sortant de ma chambre, je m’avance rapidement en direction du salon, prenant soin de ne pas l’observer de peur de ce que je pourrais voir :

– Et si son idiote préférée avait une chance d’être moi.

N’osant pas espérer grand-chose, je viens croiser son regard.

Kara a les coudes posés sur ses genoux et se redresse.

Je réalise que mes efforts arrivent peut-être trop tard lorsqu’elle m’adresse un demi-sourire :

– Naomi je… Je suis pas sûre de comprendre où tu veux en venir.

J’ai vraiment l’impression de me mettre à nu, mais si c’est ma seule chance de réparer les pots cassés, je refuse de reculer :

– Je suis tes conseils, je tente quelque chose.

Elle fronce les sourcils et je ne lui laisse pas le temps de formuler sa question que je reprends :

– Ce que j’essaie de dire, c’est que tout du long, je me suis rabâché que c’était que du fun. Et je sais que j’ai été maladroite l’autre jour, quand on… Enfin bref… J’avais besoin de ce déni pour ne pas prendre peur. Mais la vérité Kara, c’est que j’ai plus peur de passer à côté de quelque chose avec toi que du reste. Je veux pas juste du fun.

Je termine ma tirade et baisse les yeux, attendant son verdict, avec l’impression d’avoir placé mon cœur sur le billot. Elle laisse s’échapper un soupir et demande :

– Est-ce que tu peux arrêter de dire le mot « fun » s’il te plaît ?

Pas exactement la réaction à laquelle j’aspirais, mais je ne désespère pas d’obtenir une réponse.  

Je m’approche d’elle, m’asseyant dans un des fauteuils adjacents et prenant l’une de ses mains entre les miennes :

– Seulement si tu me dis si j’ai tout gâché ou pas.

Son regard vient croiser le mien et elle se livre un petit peu :

– J’ai réellement essayé d’être neutre envers toi cette semaine. Et je ne veux pas que cette histoire se mette entre nous, même s’il va me falloir du temps. Ce que tu m’as dit au parc m’a vraiment blessée, tu ne peux pas me demander de faire semblant que tout va bien…

– J’ai été maladroite…

Ma justification n’a pas l’effet escompté, puisqu’elle arrache sa main et m’adresse un regard courroucé :

– Tu m’as sorti que c’était que du fun !

– Parce que c’était ce qu’on avait convenu !

À la manière dont elle se recule comme si je venais de la gifler, je suis prise d’un affreux doute :

– Non ?

Elle détourne la tête, comme si elle ne supportait même plus de me regarder, un sourire amer aux lèvres :

– Peut-être pour toi.

Son ton est final, défait.

Je ne comprends pas… C’est quoi ce délire ? Je suis complètement paumée.

Refusant d’en rester là, je me lève et vais m’asseoir à côté d’elle, quitte à empiéter un peu sur son espace vital. Penchant la tête pour essayer d’apercevoir ses yeux, le ton de ma voix laisse entendre mon doute lorsque je demande :

– Mais… C’est pas ce que tu voulais ? Tester tes limites ou je ne sais pas quoi ?

Elle relève la tête et la quantité de fureur que je lis dans son regard me fait écarquiller les yeux :

– Donc c’était quoi ton rôle selon toi ? La gentille lesbienne qui m’accompagne dans ma découverte de la sexualité ? T’es vraiment quelqu’un d’hyper serviable Naomi, merci !

Elle marque un temps d’arrêt et reprend, toujours aussi énervée :

– Si j’avais uniquement voulu du sexe, tu ne crois pas que j’aurais fait ça avec quelqu’un d’autre ? On vit ensemble ! Si ça avait juste été pour l’expérience, j’aurais été tirer mon coup avec une inconnue que j’aurais pu éviter par la suite si jamais ça ne m’avait pas plu. Contrairement à ce que t’as l’air de croire, ma vie sentimentale n’est pas triste au point que j’en sois à essayer de séduire une lesbienne pendant plusieurs semaines juste pour du « fun ». C’est toi qui m’as dit que tu ne voulais pas dépasser les bornes. Je pensais que t’avais besoin de temps, que tu craignais que ça ruine notre amitié ou celle entre Aaron et toi. Pas je ne sais quoi que tu es allée inventer ! 

Je la regarde fixement, parce que c’est la seule chose que je suis en mesure de faire.

Comment j’ai pu passer à côté de ça ? Elle a tout pour elle, pourquoi elle se serait donné autant de mal pour m’avoir moi alors qu’il doit y avoir des centaines de femmes qui n’attendent que ça ?

Mon silence n’est pas à son goût, puisqu’elle m’ordonne :

– Dis quelque chose !

Mais quoi ? Je comprends mieux sa réaction au parc. Si la fille avec qui je pense être en couple me lance en pleine face que pour elle c’est « que du fun », je doute être capable de me comporter aussi bien qu’elle l’a fait la semaine passée.

– Je suis désolée. Quitte à avouer mon statut de totale crétine, je t’assure que je n’avais vraiment pas compris. Je suis loin d’être un modèle de délicatesse et d’éloquence, mais de là à formuler les choses comme ça… Je n’avais aucune idée.

Elle me regarde d’un air circonspect, avant de demander :

– Et les… moments qu’on a eus ensemble… C’était que des parties de jambes en l’air pour toi ?

À son visage et à la manière dont elle a posé la question, il est évident qu’elle se sent vulnérable. Étant donné que dans ma maladresse, j’ai quasi sous-entendu que notre connexion n’était que dans sa tête, je peux la comprendre.

Il faut que j’arrive à la rassurer et pour ça il faut que je continue à être honnête.

Me laissant glisser par terre, je me mets à genoux entre la table basse et elle, saisissant ses mains :

– Non. Cette histoire de —

Je m’abstiens de dire fun et opte pour une version plus correcte :

– « d’expérimentation », c’était mon mantra, l’excuse derrière laquelle je me cachais pour pouvoir continuer à aller toujours plus loin sans me sentir coupable. Je sais qu’après ce que j’ai fait ça peut être difficile à croire, mais… j’ai des sentiments pour toi. Je suis tombée amoureuse de toi.

Ses yeux parcourent mon visage, jaugeant certainement de ma sincérité, mais elle garde le silence. J’ai peur d’arriver trop tard.

Décidant que le moment est bien choisi pour dédramatiser la situation, je tente le tout pour le tout :

– Ok... Je vais essayer de parler ton langage, peut-être que ça fonctionnera mieux. Est-ce que t’es une voyageuse spatio-temporelle ? Parce que je te vois bien dans mon futur.

Un minuscule sourire fait son apparition au coin de ses lèvres et je prends ça comme un encouragement :

– T’es sûre de ne pas être un prêt bancaire ? Parce que t’as mon intérêt !

Le sourire s’agrandit, mais elle lutte encore pour le retenir :

– Il y a un souci avec mes yeux. Je n’arrive pas les détacher de toi !

Cette fois, c’est un vrai sourire, mais encore un peu timide à mon goût :

– Je ne suis pas électricienne, mais j’aimerais beaucoup être celle qui illumine ta journée !

Aussi pourrie qu’elle soit, cette dernière phrase de drague a raison d’elle et Kara me gratifie d’un éclat de rire, allant jusqu’à me donner une petite tape sur l’épaule :

– T’es bête.

– On est d’accord là-dessus.

Je garde le silence l’espace d’un instant, venant capter son regard avant de reprendre la parole d’un ton laissant transparaître que je ne plaisante plus :

– J’ai pas assuré. Même grave merdé. Si ça te tente, on rédigera ensemble ma candidature au Guinness Book pour le prix de la connerie. Mais je refuse de continuer à laisser la moindre place au doute. Alors au risque de passer pour une collégienne, il faut que je demande : Kara est-ce que tu veux être ma petite amie ?

À nouveau ce silence que je déteste. Il me fait flipper et m’offre le loisir de ressasser toutes mes erreurs. Et il y en a un paquet. Après cette discussion, je sais qu’elle tient à moi, que ce n’était pas uniquement dans ma tête, mais pas si elle a des sentiments amoureux pour moi. Du coup, je m’attends au meilleur comme au pire. Elle reprend la parole d’un ton grave, qui me fait craindre pour l’intégrité de mon cœur :

– Y’en a qui pensent que le bonheur, c’est le fait d’être libre.

Mon timide sourire s’éclipse.

Crotte crotte crotte.

Elle ne souhaite pas s’attacher, c’est ça ?

Je me prends le retour du boomerang verbal que je lui ai lancé au parc ?

Je ferme les yeux, ne voulant pas me souvenir de son visage alors qu’elle me repousse :

– C’est parce qu’ils n’ont jamais été tenus dans tes bras.

Minute…

Je pose un regard plein d’espoir sur une Kara qui me fait un timide sourire en coin, sachant que je viens de réaliser qu’il s’agissait d’une énième et toujours très mauvaise tentative de drague.

– T’es sérieuse ?

Plutôt que de me répondre verbalement, elle glisse une main à l’arrière de ma nuque et m’attire dans un baiser. En toute objectivité, on s’est déjà embrassées de manière beaucoup plus excitante que ça, mais en cet instant, alors qu’on sourit toutes les deux beaucoup trop pour que ce soit réellement sexy, je ne l’échangerais pour rien au monde.

Détachant ses lèvres des miennes, elle s’allonge sur le canapé, tirant délicatement sur ma main pour m’inciter à la suivre.

Je me positionne au-dessus d’elle, marquant un temps d’arrêt pour apprécier la vue. Son regard vient croiser le mien et la lueur que j’aperçois dans ses yeux accélère encore mon rythme cardiaque.

Et soudainement, j’ai besoin de faire mes preuves. Quels que soient ses doutes, il est impératif qu’ils disparaissent.

Je m’abaisse rapidement, récompensée par la sensation de ses bras s’enroulant autour de moi pour me maintenir en place. Mes lèvres vont se positionner sur son cou, Kara penchant la tête pour me laisser le champ libre.

Je sens les frissons que je lui procure et souris lorsqu’elle glisse ses doigts dans mes cheveux pour m’inciter à continuer alors je mordille la base de sa nuque. Remontant lentement, je m’en prends à son oreille avant de me redresser, croisant son regard tout en retirant mon haut. Immédiatement, elle lève les bras, m’invitant à faire de même et je me suis à peine débarrassée du vêtement qu’elle se cambre pour me permettre de passer une main dans son dos. Je dégrafe son soutien-gorge alors qu’elle fait impatiemment sauter le bouton de mon jeans.

On se départit rapidement de tout ce qui nous fait obstacle jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien entre nous que des kilomètres de peau nue.

Je lui fais signe de se positionner sur le côté et me glisse dans son dos, me serrant contre elle.

Évidemment, Kara commence par se plaindre :

– Je peux pas te toucher comme ça !

La frôlant du bout des lèvres à la jonction entre sa nuque et son épaule, je laisse échapper un petit rire avant de lancer :

– C’est l’idée…

Mes dents se referment sur sa peau, la mordillant alors que ma main se glisse le long de ses côtes avant de remonter pour caresser son sein.

Je la sens s’arc-bouter dans ma paume, tandis que ses doigts se resserrent sur le haut de ma cuisse, m’attirant à elle.

Je joue avec elle et m’amuse de voir qu’elle a du mal à se concentrer lorsqu’elle lance :

– C’est une… mauvaise idée.

Je souris au creux de sa nuque et mordille un peu plus fort, étant aux premières loges pour constater les frissons que ça crée chez elle :

– T’es sûre ?

– Je te déteste.

Plutôt que de répondre, mes lèvres remontent en direction de son oreille, la prenant délicatement entre mes dents et m’assurant qu’elle profite pleinement de ma respiration.

Je détache ma main de sa poitrine et fais courir mes ongles le long de son ventre, la sentant se contracter au passage. Elle est clairement à ma merci et j’adore ça.

Alors que ma descente continue, je passe la pulpe de mes doigts sur l’os de sa hanche, pour me diriger vers l’intérieur de sa cuisse. Instinctivement, Kara l’écarte pour me faire place et je ris au creux de son oreille :

– Hmm, t’as l’air de me détester effectivement.

Peu disposée à se faire moquer, elle se retourne partiellement, pliant sa jambe pour la mettre à l’arrière de mon genou et m’attirant dans un baiser.

Profitant de sa distraction, je remonte jusqu’à l’endroit qui me fait envie.

Ça ne fait que quelques minutes que tout ça a commencé et c’est une très agréable surprise de la sentir aussi… prête.

Comme si elle était capable de lire dans mes pensées, Kara détache ses lèvres des miennes et murmure :

– Tu vois ce que tu me fais ?

Mes yeux viennent trouver les siens alors que je parcours son sexe de mon majeur, le lubrifiant de son envie.

– T’as le même effet sur moi.

– Laisse-moi te toucher.

Sachant qu’elle ne pourra pas glisser sa main entre nous alors qu’elle est à moitié allongée sur moi et n’étant pas disposée à mettre mes plans de côté, je l’embrasse tendrement avant de répondre :

– On verra plus tard.

Sa protestation meurt sur ses lèvres, remplacée par un gémissement essoufflé dont je ne me lasserai jamais.

Du bout du doigt, je continue de stimuler son clitoris, variant volontairement les rythmes pour ne pas qu’elle jouisse trop vite.

Son corps ondule au-dessus de moi et c’est presque comme si je ressentais moi-même les fruits de mon travail.

Elle libère son bras du dessous pour venir caresser sa poitrine et je suis partagée entre la jalousie et le plaisir de la voir faire.

J’aime qu’elle se sente suffisamment à l’aise avec moi pour ne pas hésiter à faire ça. Son côté aventureux fait partie de ce qui m’attire chez elle et c’est très agréable de le voir appliqué pour ce genre de choses.

Ne résistant plus, je plonge mes doigts en elle, effectuant directement des allers retours très rapides, ma paume venant frapper son clitoris à chaque fois, ne perdant pas le rythme que j’avais établi.

J’entends les sons que font mes doigts en elle et l’espace d’un instant je repense à notre dérapage téléphonique du début. 

Sa bouche s’ouvre dans un « o » muet et le reste de son corps cesse tout mouvement alors que ses hanches viennent à la rencontre de ma main, accentuant l’intensité de mes gestes.

Elle se contracte autour de mes doigts et je peux suivre la vague de son plaisir du regard à la manière dont son corps se raidit à chaque passage.

Putain ce qu’elle est belle.

Je l’observe prendre son pied et mon cœur ne bat plus à cent mille à l’heure.

Non.

Au lieu de ça, j’ai l’impression qu’il grossit dans ma cage thoracique jusqu’à occuper toute la place et quasi déborder. Déposant un baiser dans ses cheveux, je murmure un « je t’aime » qu’elle n’entendra pas, trop assaillie par ses sensations.

Kara finit par cesser tout mouvement, si ce n’est ses lèvres venant retrouver les miennes dans un baiser suffisamment négligé pour que je sache que je peux être fière de moi.

 

================================

 

Essoufflée, j’essaie de reprendre ma respiration tandis que Kara se met à rire.

Levant un sourcil, je fais l’effort surhumain de tourner la tête dans sa direction pour demander :

– Quoi ?

– Je croyais que… comment c’était déjà ? Ah oui, il n’était pas nécessaire d’étaler mes fluides corporels sur ce canapé, parce que tu le nourris avec les produits adéquats ?

Grommelant, j’essaie d’avoir l’air contrariée en fronçant les sourcils, mais mon sourire béat brise un peu l’effet escompté :

– Quand je dis que t’as une mauvaise influence…

Un lent sourire séducteur gagne son visage, alors qu’elle me fait passer ses ongles dans le pli de l’aine :

– Mh, je ne t’ai pas entendue te plaindre il y a quelques instants.

Arrêtant sa main dans sa descente en direction de mon pubis, j’avoue l’évidence :

– Que veux-tu, apparemment je suis faible quand il s’agit de toi. Et je me laisserais bien tenter, mais je ne tiens pas particulièrement à ce que les garçons découvrent qu’on a mis les choses à plat entre nous de cette manière.

Je ponctue ma phrase par un aller-retour sur son corps. Elle fait une adorable grimace avant de reconnaître :

– T’as raison.

Soupirant, elle dépose un baiser sur mes lèvres et se redresse. Je fais de même et profite du fait qu’elle remet son soutien-gorge pour l’embrasser dans le cou, murmurant :

– On est ok ?

Elle enfile à nouveau son haut et se tourne vers moi, demandant sérieusement :

– J’ai dit oui pour être ta petite copine, non ?

Me rappelant qu’elle me l’avait joué « suspens jusqu’au bout », je rétorque :

– Techniquement t’as dit que tu voulais être dans mes bras ou quelque chose du genre.

Elle m’adresse un regard faussement menaçant, consciente que j’ai bien saisi là où elle voulait en venir :

– Oui, on est ensemble.

Rien qu’à l’entendre prononcer ces mots, mon cœur se met à battre la chamade. Je n’osais même pas l’espérer et me voilà en couple avec la femme de mes rêves.

Je termine de m’habiller avant de passer un coup sur le canapé par respect pour les garçons, tandis que Kara aère rapidement pour retirer les preuves de notre réconciliation. J’ai un sourire béat aux lèvres et quelqu’un qui ne me connaît pas penserait très certainement que j’ai été bercée trop près du mur, mais je n’ai pas l’intention de dissimuler ma joie. Elle me rend heureuse, autant qu’elle le sache.

Elle me rejoint sur le canapé et j’allume la télé, lui passant la télécommande. Je suis dans ma bulle, il vaut mieux qu’elle choisisse le programme étant donné que je ne vais pas y prêter beaucoup d’attention. Kara se blottit contre moi et je l’enlace sans hésiter, déposant un baiser sur sa tempe.

C’est dans cette position que les garçons nous trouvent 1h plus tard. Je me suis tellement habituée à dissimuler mes sentiments que je dois me faire violence pour ne pas m’éloigner de Kara comme si elle était en feu.

Bien qu’ayant eu sa bénédiction, je crains la réaction d’Aaron. C’est une chose de le savoir, une autre de le voir.

Mais mes inquiétudes sont infondées puisque Aaron sourit à l’instant où il pose les yeux sur nous.

– J’en déduis que tout s’est bien déroulé ?

Kara et moi nous regardons et j’ai conscience que mes yeux trahissent le fait que je suis raide dingue d’elle.

J’acquiesce d’un signe de tête, sans la quitter des yeux et m’entends dire :

– Oui. Les gars, je vous présente ma petite amie.

Nathan place ses mains devant sa bouche et émet un cri de joie proche des ultrasons tandis qu’Aaron se contente d’un sourire chaleureux.

J’écarquille les yeux et ai à peine le temps de me préparer que je me retrouve écrasée sous les poids combinés d’une Kara amusée et d’un Nathan joyeux.

– Umph. Vraiment Nathan ?

Regardant par-dessus eux, ma détresse est affichée en toutes lettres sur mon visage alors que je demande à Aaron :

– Tu peux me filer un coup de main s’il te plaît, j’ai du mal à -- umph.

Je laisse ma tête retomber contre le dossier du canapé, n’ayant pas d’autre choix de toute manière.

Nathan chantonne « je suis trop content pour vous !! » et Aaron, au sommet de la pile, se contente de nous enlacer. Je suis proche de l’asphyxie, mais extatique que la soirée se termine comme ça.

 

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[ Cinq mois plus tard ]

 

Assise à l’ilot central de la cuisine, je penche la tête pour laisser le champ libre à Kara. Ses lèvres profitent immédiatement de l’espace, venant se poser sur mon cou alors que ses bras se glissent autour de moi, m’enlaçant par-derrière.

Je place mes mains sur les siennes et tâche de ne pas frissonner en l’entendant me dire « bonjour » au creux de l’oreille. Tous les matins ont beau se ressembler, je ne m’y habitue pas et c’est très bien comme ça.

Me tournant pour lui déposer un bisou sur les lèvres, j’entends un son devenu à présent coutumier.

– Mrgh cough cough... Nathan, tu peux me passer un sachet à vomi s’il te plaît ? Ou une fourchette pour mes yeux, le plus rapide.

Alors que je m’apprête à répondre à ses bruits de régurgitation, Kara englobe ma mâchoire de ses mains, me gardant en place pour quelques baisers supplémentaires :

– Ignore-le.

– Bien madame.

– Oh comme je regrette d’avoir donné mon accord pour cette hérésie… Je pensais que la phase lune de miel allait vite vous passer, mais ça fait des mois que ça dure… 

Je tire la langue à Aaron, sachant très bien qu’il plaisante. Kara s’installe sur le tabouret à mes côtés, écartant légèrement sa cuisse pour qu’elle vienne toucher la mienne.

Je n’aurais jamais cru possible que l’on devienne l’un de ces couples qui ont besoin de contact permanent et pourtant, nous voilà.

 Détournant notre attention, Nathan demande :

– Quoi de prévu aujourd’hui ?

Kara est la plus rapide à répondre :

– Je vois Mathieu en début d’après-midi et après stream, comme d’hab.

Malgré moi, je me raidis en entendant le prénom de celui que je n’arrive pas à considérer autrement qu’en un rival. Pour ma défense, la manière dont il me regarde n’aide pas à me vendre l’idée qu’il m’apprécie, quoi qu’elle en dise.

« Mais non, tu te fais des idées, on est juste amis lui et moi ».

Sauf que j’ai été à sa place (quand je pensais qu’on passait uniquement du bon temps ensemble) et je peux vous assurer que s’ils s’étaient mis en couple juste après, j’aurais eu toutes les peines du monde à être civile avec lui. Je sais ce que ça fait d’être avec elle. Alors vouloir me faire croire qu’il a pu l’avoir l’espace d’un instant, pour se retirer gracieusement de l’équation sans broncher, ça me paraît gros.

Évidemment, ma réaction ne manque pas d’en amuser certains, nommément Aaron :

– Ça va Naomi ? T’as un teint un peu verdâtre soudainement.

J’adresse un regard noir à mon coloc, et dépose un baiser au creux de la nuque de Kara, décidant de frapper là où ça fait mal :

– Ça va merci. Je fais confiance à ta sœur et je sais qu’on finira la journée ensemble.

Il lève les yeux au ciel face à l’emphase apportée sur le « ensemble ». Il est clair que je fais référence à ma chambre, où Kara dort quasi toutes les nuits.

Ça lui apprendra.

Nan, mais.

Semblant réaliser quelque chose, Nathan s’enquiert :

– D’ailleurs, vos proches le savent, mais tu penses le dire en stream un jour Kara ?

Elle ouvre la bouche avant de me regarder, demandant :

– T’expliques ou je le fais ?

Après l’histoire des photos mal interprétées, la question s’est rapidement posée entre nous.

– Je t’en prie, vas-y.

– Officiellement, Naomi est ma coloc et c’est tout.

Visiblement, Nathan est confus face à mon manque de réaction :

– Et toi, jalouse comme un pou avec Mathieu, ça ne te dérange pas qu’elle se présente comme célibataire ?

– Alors déjà je ne suis pas jalouse comme un pou… Juste, je n’aime pas spécialement les regards entendus qu’il m’envoie lorsqu’ils vont s’enfermer dans sa chambre.

Immédiatement, Kara fronce les sourcils :

– De quoi tu parles ?

Évidemment qu’elle n’a rien remarqué. Elle donnerait le Bon Dieu sans confession à la terre entière… Si elle trouvait un type cagoulé, couteau en main et recouvert de sang, debout face à un cadavre, et que le mec lui sortait « c’est pas ce que vous croyez, approchez », elle dirait sûrement « ok, j’arrive ».

– Je te raconterai plus tard. Et Nathan, c’est tout l’inverse en fait. En ne leur disant pas, elle garde les spectateurs à l’écart de sa vie privée. Faut pas voir ça comme « elle me cache », mais plutôt « elle ne veut pas me partager ».

– Je confirme, je n’en ai pas du tout envie.

 Je tourne la tête, lui adressant un sourire. Sourire qui effectue un grand numéro de disparition au moment même où elle redemande :

– Et donc, c’est quoi cette histoire de regards ?

J’ai raté une occasion de fermer ma bouche. Même si je ne le porte pas dans mon cœur, ce n’est pas une raison pour jeter Mathieu sous le bus. Fort heureusement, c’est Aaron lui-même qui s’en charge à ma place :

– Fais pas genre t’as rien remarqué ! Il fixe Naomi et c’est tout juste s’il ne rajoute pas « na na na na nèreuuuhh » à chaque fois qu’il s’apprête à fermer la porte derrière vous…

– Sérieux ?

Je lève les yeux au ciel :

– Ben oui sérieux !

Visiblement mécontente, elle serre ma cuisse sous la table et m’annonce :

– Je vais essayer de le prendre en flag. T’as vraiment pas de raison de t’en faire mon cœur.

Ignorant les deux petits cons qui font un concert de « ohhhh », je me penche pour lui déposer un bisou sur la joue :

– Merci !

Ayant terminé de manger, elle se lève, range ses affaires et, au passage, me murmure à l’oreille :

– Tu me remercieras plus tard, j’ai déjà quelques idées…

Et après avoir lâché sa bombe, elle s’éloigne tranquillement, arborant un sourire particulièrement satisfait. Mon esprit part immédiatement en zone humide, sans passer par la case départ.

Mon visage doit le laisser transparaître puisqu’Aaron soupire bruyamment. Soit ça, soit il n’est pas suffisamment dupe pour penser qu’il s’agissait d’une remarque innocente. Nathan se contente quant à lui de glousser.

C’est normal d’avoir hâte que Mathieu arrive ?

 

FIN

 

Nota : 

Un grand merci à ceux et celles qui ont commenté tout du long (vous vous reconnaîtrez), c'est vraiment génial de partager ça avec vous et ça me fait super plaisir de lire vos réactions au fur et à mesure : MERCI. 

Pour les autres, il n'est jamais trop tard pour commenter ( :p je tente ma chance de façon éhontée, j'assume). 

21 mars 2018

Chapitre 20

Penchée sur mon contrat, j’essaie de me concentrer et d’ignorer le bruit monstrueux que font mes collègues à la machine à café. J’abandonne toute idée de travailler lorsque James passe sa tête dans l’embrasure de la porte :

- Hey !

- Coucou.

Il s’avance et vient s’installer sur une chaise face à moi :

- Comment ça va ?

- Bien et toi ?

Déposant mon stylo, je commence à remballer une partie de mes affaires, sachant très bien que je ne ferais rien de plus de ma matinée et que la pause de James n’est jamais très longue.

- Tranquille. T’es invitée à la présentation des nouveaux extensomètres laser ?

- Oui. C’est toi qui es chargé de nous apporter l’illumination ?

- Eh, comme toujours !

Mon téléphone vibre et je souris en voyant que c’est un message de Sasha :

Hey. Comment ça va ? Encore 2 jours coincée au milieu de nulle part. J’ai hâte d’être de retour. J’espère que je vais avoir le contrat au moins, à titre de compensation !

Voulant la taquiner, je réponds volontairement à côté de la plaque :

Si les bureaux te manquent, je peux prendre une petite photo de Gontrand pour t’aider à tenir le coup.

Relevant les yeux, je croise le regard de James qui a un sourire aux lèvres :

- J’en déduis que c’est toujours la phase Lune de Miel entre la miss et toi ?

- Qu’est-ce qui te fait croire que c’est à elle que je parlais ?

À l’instant où je m’aperçois qu’il est content que je demande, je réalise que j’ai commis une erreur :

- Oh je ne sais pas, ton air béat, ton sourire benêt ou le fait que pendant l’espace d’une minute je n’existais plus ?

- Très drôle.

Mon téléphone signale l’arrivée d’un nouveau message par un bip. James me fixe d’un air narquois, persuadé que je vais me ruer sur ce dernier pour le consulter.

Ce n’est pas l’envie qui manque...

Mais je résiste autant que possible, m'efforçant de continuer à ranger mes affaires comme s’il s’agissait d’une tâche nécessitant une extrême concentration. Voyant que je n’ai pas l’intention de céder, James lance :

- J’ai appris que le voyage aux Seychelles est pour deux personnes…

Hmm… Intéressant tout ça…

Plaçant mon téléphone dans ma poche, j’attrape la poignée de mon sac et demande :

- Et ?

- Tu comptes m’emmener pour me remercier ?

Pour être honnête, depuis le début je suis davantage focalisée sur l’idée de remporter la victoire que sur le prix en lui-même.

Mais une chose est sûre : je n’ai strictement aucune intention de m’infliger James en maillot de bain !

Je l’aime beaucoup, mais habillé et loin de moi !

- Euh… Non !

- On pourrait faire de la plongée ?

Levant les yeux au ciel devant son insistance qui ne m’étonne pas du tout, je me répète :

- Non.

- Boire des cocktails sur la plage ?

Je sais qu'il ne compte pas s'arrêter de dire des âneries et opte donc pour la fuite, m’emparant de mon sac.

- Non James. Et bonne journée !  

Alors que je passe l’embrasure de la porte, je l’entends continuer :

- Prendre des bains de minuit ?

Je recule de quelques pas, juste assez pour qu’il voie ma tête et annonce :

- Non.

Fière de moi, je m’enfuis avant qu’il n’ait une autre idée saugrenue. J’ai à peine mis un pied dans mon véhicule que j’extirpe mon téléphone de ma poche, consultant la réponse de Sasha :

Oh je sais pas trop… Celle-ci fait déjà pas mal l’affaire.

IMG_08178.jpg

Alors même que je suis seule dans la voiture, je rougis en voyant la photo qu’elle a prise de moi lors de la séance photo pour sa pote. Évidemment, elle a choisi le moment où j’ai la robe rouge, suis de dos et la fixe par-dessus mon épaule…

D’une manière ou d’une autre, il va falloir que je me procure d’autres clichés d’elles. J’ai tellement regardé les selfies enregistrés sur mon téléphone que je pourrais les reproduire les yeux fermés et en peignant le tout avec mes pieds !

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Je regarde mon téléphone pour la millième fois, m’assurant que je suis à l’heure. Je n’ai pas pu voir Sasha physiquement depuis que l’on s’est réveillées enlacées chez elle… Malgré nos échanges par SMS, je stresse.

J’ai vraiment envie que ça fonctionne entre nous.

Le pire, c’est que je ne peux pas en parler avec Dom ni avec James.

J’aurais dû leur dire la vérité quand j’en avais l’occasion…

Mais noooon, pourquoi avouer alors qu’on peut s’infliger le poids d’un mensonge ?

Jetant un dernier coup d’œil dans le rétroviseur central et rassurée par ce que je vois, j’ouvre la portière pour quitter ma voiture.

Mes yeux se posent sur le petit bouquet de fleurs que j’ai amené.

C’est un peu vieux jeu, mais je ne voulais pas arriver les mains vides, histoire qu’elle garde un souvenir tangible de la soirée les jours qui suivent et puis bon… Qui n’aime pas les fleurs ? Au pire si c’est son cas ou qu’elle est allergique elle les jettera, mais ça ne mange pas de pain d’essayer.

Je m’avance jusqu’à la sonnette et décide finalement de toquer. C’est con, mais je n’ai pas envie que mon arrivée soit accompagnée d’un bruit potentiellement strident. Si j’étais convaincue qu’en appuyant sur le bouton un doux son de harpe allait se faire entendre, là peut-être…

Ses talons sur le parquet annoncent son arrivée avant qu’elle n’ouvre la porte et j’en profite pour prendre une dernière inspiration.

La première chose que je remarque sont ses yeux verts, dont la couleur est soulignée par un trait d’eye-liner et du mascara.

Puis ses lèvres, que je sais être souples, s’étirant dans un sourire.

Enfin, sa tenue, un jeans noir et un petit haut à manches courtes dont le ton fait écho à ses yeux.

Ce n’est qu’en lisant l’amusement dans son regard que je réalise qu’il pourrait être intéressant de parler…

Tendant le bouquet de fleurs, je me reprends en main :

- Bonsoir…

Ses yeux s’écarquillent en voyant mon cadeau et je m’auto congratule pour ce choix lorsqu’elle s’en empare rapidement, me l’arrachant quasiment des mains, comme si je m’apprêtais à le retirer en disant “nan j’déconne c’est pas pour toi !”.

Semblant réaliser ce qu’elle vient de faire, elle rougit et amène les fleurs contre elle, plaçant son nez sur le bouquet et déclarant d’une petite voix :

- Bonsoir. Et merci. Elles sont très belles... Toi aussi d’ailleurs.

Contente de sa réaction et n’y tenant plus,  je me penche pour déposer un baiser sur ses lèvres.

Elle me rejoint à mi-chemin et y répond, avant de se reculer pour dire :

- Entre 5 minutes, je vais les mettre dans un vase.

Je m’exécute et l’attends patiemment dans le salon, le retrouvant comme la dernière fois que j’y suis entrée, bien qu’un peu plus rangé. Est-ce qu’elle a l’intention de me ramener là après le dîner ?

Mais oui Héléna, commence à te faire des films AVANT la soirée, c’est toujours une bonne idée !

Sasha me rejoint et attrape une veste légère placée sur le porte-manteau :

- Tu vas enfin me dire où tu comptes m’emmener ?

- Pour qu’après si tu réussis à t’enfuir tu racontes à la police exactement où tu te trouves ? Même pas en rêve !

Elle me lance un regard qui me pousse à croire que je n’aurais pas trop d’efforts à faire pour finir ma soirée en beauté et réplique :

- Oh je n’en serais pas si sûre à ta place. Je crois que j’ai un syndrome de Stockholm déjà bien développé.

Elle est attachée à moi ?

Alors qu’elle glisse sa main au creux de mon coude, un immense sourire s’installe sur mon visage et ruine tout espoir que j’aurais pu conserver d’avoir l’air cool.

Je m’y connais en séduction (en temps normal) et les imbéciles heureux sont rarement vus comme les partenaires idéaux. Personne n’a jamais mouillé sa culotte devant Mr. Bean déguisé en clown. Quoique, les coulrophobes peut-être, mais ça ne compte pas !

C’est juste… je sais que je lui plais, mais jusqu’à maintenant je n’étais pas vraiment sûre que ce n’était pas purement physique.

Il faudra quand même qu’on en parle, mais on va garder les discussions lourdes de conséquences pour après, histoire qu’on ait de la place pour le dessert si jamais c’était un peu dur à avaler !

On se dirige jusqu’à la voiture et je lui ouvre la portière avant d’aller m’installer de mon côté.

Après avoir créé tant de suspense, j’espère que mon idée va lui plaire…

- Nan mais sérieux on va où ?

Souriant dans sa direction, je décide de lancer un sujet qui devrait la faire parler :

- Au fait, tu ne m’as pas raconté comment s’était passé ton voyage. Que je sache si ton absence valait le coup !

- Je pense que j’ai de grandes chances de remporter l’affaire…

- C’est un gros truc ?

C’est évident que oui lorsqu’elle répond l’air de rien :

- Disons que j’aurais peut-être droit à mon assistante personnelle après ça !! Mais n’essaie pas de changer le sujet : où m’emmènes-tu ?

Évidemment, il fallait qu’elle voie clair dans mon jeu.

Malgré les multiples questions, je tiens bon et arrive à l’endroit prévu avec mon secret toujours bien gardé. Je me gare sur le parking et prends sa main, enlaçant nos doigts tandis que je l’amène en direction de l’hippodrome.

Elle me regarde curieusement, se demandant certainement ce qu’on fait là étant donné que ni elle ni moi n’avons mentionné une quelconque passion pour les sports équins.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’aujourd’hui il s’y tient un évènement spécial.

Lorsqu’elle voit les banderoles, Sasha se tourne vers moi et s’exclame :

- Un festival de food truck ? C’est trop cool !

Je suis vraiment soulagée qu’elle réagisse comme ça. J’angoissais un peu à l’idée qu’elle préfère dîner dans un établissement classique et pense que j’ai organisé notre rendez-vous comme une soirée à la bonne franquette entre potes.

C’est sûr que manger de la nourriture potentiellement grasse à mains nues ne déborde pas de romantisme, mais elle s’attendait sûrement à un restaurant et dans ce cas la réalité serait confrontée à ses attentes. Que là ce n’est pas le cas ! Elle ne s’attend à rien donc tout ce qui viendra pourra être considéré comme une bonne surprise !

Croisant son regard, je souris et explique mon raisonnement :

- Je me suis dit que non seulement ça changerait, mais qu’en plus tu pourrais choisir ce qui te tente parce qu’il y en a pour tous les goûts.

Je donne nos tickets à la dame à l’entrée et fais passer à Sasha le petit prospectus que j’ai pris le soin d’imprimer depuis Facebook. Il y a tous les food trucks de présentés avec les spécialités de chacun.

On entre dans l’enceinte de l’hippodrome et je tends la main pour la débarrasser du flyer mais elle l’amène plus à elle et me regarde comme si elle avait 2 ans et que je venais de suggérer que l’on passe son doudou au mixeur.

- Je veux le garder !

Étant donné qu’elle a l’air un peu défensive, je lui présente mes paumes en signe de reddition et réponds :

- Ok, ok, tu peux !

Visiblement satisfaite, elle le place dans son sac avec une délicatesse qui laisserait penser qu’il pourrait s’agir du vase de Soissons et non d’un simple bout de papier.

On marche côte à côte lorsqu’elle me prend la main, entremêlant nos doigts.

Une sensation d’intense satisfaction parcourt ma poitrine en sachant qu’elle a initié le contact d’elle-même, et j’ai conscience que mon visage trahit certainement à quel point je suis heureuse. Je dois probablement avoir l’air simplette à sourire à ce point, mais c’est pas rien pour moi.

Après Rachel, je m’étais à moitié convaincue que je n’étais « pas suffisante » et qu’aucune femme ne me voudrait pour autre chose que mon corps, alors savoir que non seulement j’ai mes chances avec Sasha mais qu’en plus elle n’est pas effrayée par l’idée de nous montrer ensemble en public… Ça me fait quelque chose.

Je continue de marcher avec l’air de celle à qui l’on vient d’annoncer qu’elle a gagné au loto lorsque j’entends :

- T’es vraiment trop mignonne.

Me prenant par surprise, Sasha ponctue son affirmation par un bisou sur ma joue. Offusquée, je me tourne pour lui lancer un pseudo regard noir :

- Je ne suis pas mignonne.

- T’es sûre ? Parce que de là où je me tiens…

La pointant du doigt avec mon autre main, j’essaie d’avoir l’air menaçante :

- Retire ça tout de suite Dastré !

Pas intimidée pour deux sous, elle se colle contre moi et me demande en battant innocemment des cils :

- Ou quoi ?

Euh… Bonne question !

Heureusement, son attention est immédiatement captée ailleurs, m’évitant de dévoiler mon absence de répartie puisqu’elle s’exclame :

- Ouhhh japonais ! Oh et Thaï ! Indien aussi ! Je ne sais pas quoi choisir !!

Elle m’adresse un regard plein de détresse auquel je réponds d’un ton amusé, accompagné d’une petite pression de ma main :

- Tu sais quoi ? J’aime quasi tout ce qu’il y a ce soir alors tu n’as qu’à choisir pour moi et on pourra partager. Ça te va !?

Immédiatement, elle lâche ma main pour enrouler ses bras autour de moi :

- Ouiiii merci !

C’est bien Héléna, tu marques des points !

Elle se recule et je comprends rapidement que je n’ai aucune chance de capter son attention face à ma concurrente : la nourriture. Parfois il faut savoir s’incliner devant plus fort que soi.

Sasha va de camion en camion, quasi au pas de course, semblant mémoriser leur carte avant de passer au suivant. C’est vraiment chou… Et un peu sexy la manière intense dont elle regarde les menus et se lèche les lèvres lorsqu’elle voit quelque chose qui lui fait envie.

Finalement, elle se décide pour des nouilles Thaï et un plat à base d’effiloché de porc façon nouvelle Orléans.

On fait les queues ensemble et une fois servies, je la guide à l’intérieur de l’hippodrome. Les gradins ont été ouverts et il y a une compétition de saut à cheval.

Nous nous asseyons et j’entame mon plat lorsque mon attention est attirée par Sasha qui goûte ses nouilles et gémit.

Omg elle veut ma mort ou quoi ?

J’ai déjà du mal à retenir mes pensées perverses la plupart du temps, si elle fait des bruits pareils c’est fini !!

- Mhhhh oh Héléna il faut que tu goûtes ! C’est divin !

Elle pioche dans son carton et me tend une bouchée du bout de ses baguettes.

Sans hésiter, je prends les nouilles en bouche et dois reconnaître qu’elle n’a peut-être pas fait ce son dans l’unique but de me tourmenter. Mâchant rapidement, je m’exclame :

- J’avoue, c’est délicieux ! Tu veux goûter le mien ?

Elle acquiesce d’un mouvement de tête et plutôt que d’approcher ses baguettes, elle semble attendre que je la serve avec ma fourchette.

Si Dom ou James nous voyaient, on aurait à coup sûr droit à une réflexion quant au fait qu’on se donne mutuellement la becquée !

Je la regarde s’approcher comme au ralenti et observe ses lèvres se placer autour de mon couvert, non sans être envieuse de ce dernier ! Le goût atteint ses papilles, ses paupières se ferment et je peux deviner qu’elle aime rien qu’à l’expression qu’adopte son visage. Ça et le fait qu’elle hoche la tête de haut en bas.

Lorsqu’elle ouvre les yeux, je réalise que j’étais tellement focalisée sur le plaisir qu’elle avait l’air de prendre que je tiens toujours ma fourchette vide en l’air.

Reste concentrée Héléna, pour l’instant tu te débrouilles bien !

Tu ne t’es pas encore humiliée, continue comme ça tu es sur la bonne voie !

La rabaissant comme si de rien n’était, je demande un résultat que je connais déjà :

- Verdict ?

- J’ai vraiment bon goût que veux-tu que je te dise ?!

Ne pouvant pas m’en empêcher, je rétorque, faisant visiblement allusion à ma petite personne :

- Ça, j’aurais pu te le dire, après tout, c’est pour ça qu’on est là !

Habituée à mes frasques, elle m’adresse un clin d’œil et porte son attention sur la compétition. On suit l’avancée de la compétition en silence, savourant nos plats respectifs et optant pour échanger à la moitié. Je n’y connais strictement rien, mais ça se laisse regarder !

Prenant les emballages, je vais les jeter à la poubelle tout en réfléchissant à ce qu’on pourrait faire après. Je n’ai pas prévu le reste de la soirée, partiellement parce que je ne savais pas combien de temps on allait passer ici, partiellement parce que je n’étais pas convaincue que ça allait forcément bien se dérouler.

Je me retourne et bien qu’il y ait un peu de monde dans les gradins, je ne vois qu’elle. Si j’étais du genre superstitieuse, je serais persuadée qu’elle m’a jeté un sort ou je ne sais pas quoi. Sans être une coureuse, j’ai toujours regardé les autres femmes et depuis qu’elle a cessé de m’agacer, Sasha semble avoir totalement éclipsé la concurrence.

Je veux dire, certaines cavalières sont loin d’être moches et elles ont les fesses tendues en l’air lors des sauts et pourtant c’est tout juste si je les ai calculées ! Si ça ce n’est pas de la magie noire, je ne vois pas ce qui le serait !

M’installant à côté d’elle, je sens que Sasha frissonne légèrement. On ne voudrait pas qu’elle prenne froid pas vrai ?

Joue-la cool, décontractée, l’air de rien. Tu peux le faire !

Passant mon bras dans son dos, je l’encourage à venir se blottir contre moi tandis que je demande :

- Tu veux regarder la fin de la compétition ?

Elle relève la tête et semble observer mon profil avant de répondre :

- Ça dépend, c’est quoi l’alternative ?

Pendant une seconde, je me sens naze de n’avoir pas assez réfléchi à « l’après », mais peut être que je peux tourner ça à mon avantage :

- Ce qui te fera plaisir. On peut aller regarder un film, se promener, trouver un endroit pour le dessert…

Immédiatement, j’ai l’impression que c’est la troisième proposition qui a retenu son intérêt. Pourquoi ça ne m’étonne qu’à moitié ? Lorsqu’elle prend la parole, c’est pour dire quelque chose auquel je ne m’attends pas du tout :

- Ça t’embêterait qu’on rentre ?

Mon enthousiasme tombe à plat en entendant ça.
Je suis la seule à passer une bonne soirée ou quoi ? Je savais qu’il ne fallait pas que je m’emballe trop vite ! J’en ai vraiment marre !

Rigide, je me détache légèrement d’elle pour lui adresser un regard interrogateur, voulant comprendre la raison de ce revirement de situation.

- Prendre le dessert chez moi et pourquoi pas regarder un film sur le canapé ?

Je me sens immédiatement rassurée. Elle se mordille la lèvre inférieure en attendant ma réponse, qui ne tarde bien évidemment pas :

- Avec plaisir !

Je ne demande pas ce qu’elle a à manger, parce que pour être honnête je m’en fiche un peu. Je n’ai plus vraiment faim, juste envie de passer plus de temps en sa compagnie.

On retourne à la voiture et elle me donne un petit coup de hanche, annonçant :

- Merci de m’avoir emmenée ici, c’était une super idée.

Intérieurement, je me dis que la journée n’est pas finie et qu’elle ferait peut-être mieux d’attendre un peu avant de me remercier ! Mais quand je pose mes yeux sur elle, alors que nous sommes quasi seules sur ce parking avec le soleil couchant en toile de fond, je ne peux qu’être satisfaite de ma soirée. J’ai géré.

- Tout le plaisir était pour moi ! Minute… Ça signifie que j’aurais droit à une deuxième sortie pour tenter de gagner tes faveurs ?

Plaçant son doigt sous mon menton, elle guide mon visage en direction du sien tandis qu’elle s’adosse à ma voiture et murmure, les yeux dans les miens :

- Si tu continues à bien jouer tes cartes, je prendrais ta demande en considération…

Passant ma langue sur mes lèvres, je réplique :

-  Mhhh, dans ce cas je vais m’efforcer de continuer sur cette voie…

Sa réponse est de poser ses mains sur mes hanches et m’attirer contre elle, déposant un baiser sur mes lèvres. Nous sommes interrompues dans notre élan par un groupe de jeunes sifflant leur appréciation dans notre direction.

Me reculant, je leur adresse un signe de la main signifiant « ouais, ouais, c’est bon, on se calme » avant de regarder Sasha et demander dans un sourire :

- On y va ?

- On y va.

 

16 mai 2019

Partie 7

 

Sans réfléchir, je me rue en direction de Chloé. J'ai jamais tapé un sprint pareil. La voiturette approche rapidement et l'espace d'un instant, j'ai peur de ne pas arriver à temps. Elle relève la tête juste avant que je ne l'atteigne, lui rentrant dedans à pleine vitesse.

Une chose apparaît évidente, j'ai raté une carrière dans le rugby ou le foot américain, car je nous envoie toutes les deux valser comme des poupées de chiffon.

En plein vol, j'ai la présence d'esprit de placer une main à l'arrière du crâne de ma collègue, ne voulant pas avoir fait tout ça pour que son crâne vienne s'ouvrir en deux comme un oeuf lors de l'impact avec le goudron.

Notre atterrissage n'est pas du tout gracieux et j’essaie de me rattraper comme je peux sur ma cheville. Malheureusement, non seulement on s’étale quand même comme des crottes, mais en plus elle plie beaucoup plus que prévu.  

Le pépé distrait n'a même pas vu mon acte héroïque et continue sa route tandis que j'amène immédiatement une main à ma jambe.

Nan mais le danger public quoi, il manque de renverser des piétons et ne s’en aperçoit même pas !

A mes côtés, Chloé m'observe avec des yeux écarquillés, ses mains survolant mon corps, paumes ouvertes mais sans me toucher.

- Claire, ça va ?

- Putain de bordel de merde, ça fait mal ! Toi ça va ?

Elle se mord la lèvre inférieure et annonce :

- Oui. Merci.

Elle se relève et me tend une main, m'aidant à faire de même. Je reste à cloche pied, n'étant pas sûre qu'il soit sage de poser mon pied à terre sans savoir ce que j'ai.

Chloé place une main sur mon épaule, me stabilisant, tout en regardant au loin, sourcils froncés :

- T'as relevé la plaque ?

- Non. Toi ?

- Quelques lettres seulement, pas assez. Mais j'irais demander à voir la vidéosurveillance du parking et glisser tout ça à nos collègues, ce type ne doit pas rester sur les routes !

J'avoue que de là où je me tiens, c'est difficile d'être en désaccord avec elle. Ma cheville pulse à chaque battement de coeur et je peux la voir enfler à vue d'oeil. Définitivement pas une bonne réception.

- Le suspect, t'as vu qui c'était ?

- De dos, mais Salomé est reconnaissable, t'avais raison.

YASSSS ! * Danse de la victoire intérieure *

Je le savais !

Même si elle n'en fait pas état, je peux sentir que Chloé est déçue de ne pas l'avoir attrapée et essaie de la réconforter :

- Entre ton témoignage, la pièce à conviction et la vidéosurveillance, ça devrait suffir à la confondre. On va l'avoir quoi qu'il arrive.

Confuse, elle fronce les sourcils et me corrige :

- Y a pas de vidéo, elle a fui par la sortie de secours.

- Ouais, mais justement. Elle ne sera jamais repassée par l'accueil. Il suffit de voir qui est rentré, qui est sorti et de faire la soustraction.

Un petit sourire fait son apparition sur ses lèvres et je suis contente d'avoir pu la rassurer.

N'ayant pas oublié ce pourquoi on est là, j'entreprends de retourner à la salle à cloche pied.

Chloé lève les yeux au ciel et me contourne pour s'accroupir devant moi :

- Grimpe.

Elle est sérieuse là ?

- Nan, je t'ai vue souffler y'a deux minutes, t'es crevée.

Elle m'adresse un regard entendu, avant de me remettre à ma place :

- C'est pas 30 pauvres secondes de sprint qui m'ont fatiguée... Elle m'a envoyé un énorme conteneur poubelle dessus et entre l'odeur infâme et la gueule de bois, j'ai dû m'arrêter à cause de nausées. Sinon je l'aurais rattrapée, merci bien !

Haha, j'aurais payé pour voir ça ! Mais je ne peux pas lui dire alors je me moque à la place, lançant d'un air peu convaincu :

- Mh mh, si tu le dis.

Son visage se fait plus sérieux et elle annonce :

- Grimpe ou je te traîne.

Sachant qu'il est fort probable qu'elle mette sa menace à exécution, et ne tenant pas spécialement à galérer, je place un bras sur son épaule et enroule ma jambe endolorie autour de sa hanche avant de sauter sur son dos.

Elle encaisse mon poids comme si de rien n'était, commençant à marcher en direction de l'entrée de la salle, l'issue de secours s'étant automatiquement refermée derrière nous.

Une chose est limpide : il est temps pour moi de mettre fin à ma diète sexuelle puisque cette simple démonstration de force suffit à m'exciter... J'imagine toutes les circonstances dans lesquelles elle pourrait supporter mon poids et...

- Y'avait un cliché dans la cabine ?

Le retour de mon petit monde imaginaire est brutal et déplaisant :

- Oui. Immonde. Pire que les autres.

- C'est possible ?

- Tu verras par toi même. J'ai vraiment hâte de savoir le motif derrière tout ça, j'espère qu'elle va se mettre à table...

On arrive devant la salle et les portes automatiques s'ouvrent sur notre passage. Gladys nous adresse un regard effaré, se demandant très probablement ce qu'on fabrique. Non pas que je puisse la blâmer.

Autant vous dire qu'après ça, j'espère ne jamais plus la revoir de ma vie !

Chloé se dirige vers l'un des bancs de musculation et pose un genou à terre, me déposant tout en douceur et annonçant :

- Ok, laisse moi deux minutes pour appeler Sydney et une équipe de police scientifique et je t'amène à l'hôpital.

C'est son enquête aussi et après avoir autant galéré avant d'avoir des résultats, je n'ai pas envie de la priver des derniers instants. Ni de la vue de cette atroce photo.

- T'embête pas, je peux demander à Emilie de venir me chercher.

Chloé regarde autour de nous, s'assurant que personne n'écoute avant de s'accroupir et m'expliquer d'un air agacé :

- Tu as risqué ta vie pour me mettre hors de danger. C'était complètement crétin sachant que je m'en serais voulue s'il t'était arrivé quelque chose de grave, mais je t'en suis reconnaissante. Alors la moindre des choses que tu peux faire est de me laisser t'accompagner à l'hôpital, capice?

Ouh !

Oui maîtresse !

J'accepte les règlements de compte par fessée !

Enfin, je veux dire :

- Compris m'dame.

Son visage passe de la contrariété à l'amusement et c'est le regard rieur qu'elle me dépose un bisou sur le front avant de se lever, direction les vestiaires.



====

 

- C'est bientôt à nous tu crois ?

D’une voix qui trahit sa lassitude, elle m’indique :

- Non. On vient à peine d'arriver et la salle d'attente est comble.

Sa réponse ne me satisfait pas du tout, en ayant déjà marre.

J'ai envie de parler du baiser qu'on a échangé dans les vestiaires, de savoir ce qu'il veut dire, où on en est... Mais avec toutes ces personnes autour, ce n'est pas le bon moment.

J'ai besoin d'une distraction :

- Du coup, si c'était pas elle, pourquoi Maud t'a flashée ?

Chloé a l'air gênée et j'ai ma réponse avant même qu'elle ne parle :

- Ce matin, elle m'a proposé d'aller boire un verre un de ces quatre.

- Oh. Et t'as dit quoi ?

La direction qu'est en train de prendre notre conversation ne me plaît pas du tout.

- J'ai dit oui.

Petit miracle, mes yeux réussissent à rester à l'intérieur de ma tête même lorsque je les ouvre en grand, n'en croyant pas mes oreilles. Sans réfléchir, je m'exclame :  

- QUOI ?

Quelques têtes se tournent pour nous adresser des regards désapprobateurs auxquels Chloé répond d'un sourire gêné avant de se tourner vers moi, un air réprobateur sur le visage :

- Shhh, on est dans un hôpital. Et tu voulais que je fasse quoi ? Elle était notre deuxième suspecte et on avait besoin d'infos !

Mouais. Elle se donne pour la cause, bravo la martyr ! Si elle attend une médaille, j’espère pour elle qu’elle est patiente !

Je n'ai pas le temps de rétorquer quoi que ce soit que mon nom est appelé. Bah, de toute manière ce n'est pas bien grave.

Je me redresse, immédiatement suivie par Chloé qui m'offre son épaule en soutien. A deux, on clopine derrière l'infirmière jusqu'à un box. Je m'assieds au bord du brancard qui s'y trouve et même pas une minute après, une doctoresse franchement canon fait son apparition.

D'une voix mélodieuse, elle se présente comme étant Dr Jasmine Frost et me pose une question que je rate totalement. En même temps, avec ses cheveux corbeau en queue de cheval et ses yeux noirs, elle est carrément distrayante ! J'ai des circonstances atténuantes !

Chloé me file un coup dans l'épaule, sachant très probablement pourquoi il y a un délai dans ma réponse. Adressant un sourire désolé à la doctoresse, je demande :

- Pardon, vous pouvez répéter ?

C'est tout juste si je ne bats pas des cils, espérant avoir l'air mignonne.

Elle m'adresse un sourire charmeur, jette un coup d'oeil à l'ordinateur et s'agenouille devant moi, demandant :

- Vous avez fait une mauvaise réception sur votre cheville droite c'est bien ça ?

L'espace d'un instant, je reste juste à cligner des yeux, complètement fascinée par la vue du Dr. Frost à genoux devant moi. Fantasme #83, bonjour !

Chloé me rappelle à l'ordre sous la forme d'une moquerie accompagnée d'une pas-si-petite tape dans mon dos :

- Oui c'est ça. Mais vu qu'elle semble avoir des moments d'absence je commence à me demander si sa tête n'a pas pris un coup elle aussi.

Fuck.

Est-ce que je suis en train de rêver ou Chloé est jalouse ?

L'attitude passive agressive de ma collègue n'échappe pas à la doctoresse qui lui adresse un sourire entendu avant de s'adresser à l'idiote mutique que je suis, posant une main sur mon genou :

- Vous souhaitez que votre petite amie reste dans la pièce pour l'examen ?

Sa question me sort de mon silence, mais ce n'est pas franchement pour le mieux :

- Mugh. Quoi ? Elle pft moi non xfk. Euh...

Chloé est écarlate et pas beaucoup plus éloquente, tandis que l'on essaie toutes les deux de s'expliquer. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que cette consultation va être longue.

 

====

 

Deux jours plus tard, armée de béquilles, je me rends au bureau de Chloé, sachant que Salomé ne devrait pas tarder à venir se présenter suite à sa convocation. On a le résultat du relevé d'empreintes papillaires trouvées sur l'infâme photo.

Me voyant arriver, ma collègue fronce les sourcils. Je ne l'ai pas vue depuis l'hôpital et la première chose qu'elle me dit est :

- Qu'est-ce que tu fais là ?

Lui adressant mon plus beau sourire, je me penche pour déposer un baiser sur sa joue avant de répondre :

- Bonjour Chloé, contente de te voir également ! Et je viens pour l'interrogatoire de la suspecte.

- Tu devrais te reposer, il ne faut pas fatiguer ta cheville.

- J'ai des béquilles et si tu crois qu'une petite entorse va m'empêcher de venir profiter du spectacle, tu te trompes !

La manière dont elle lève les yeux au ciel est adoucie par le sourire affectueux qui l'accompagne. Sachant probablement qu'il est inutile de discuter (après tout, je suis l'être le plus têtu de la galaxie), elle se lève pour m'apporter une chaise, la plaçant aux côtés de la sienne, plus proche que strictement nécessaire.

Non pas que je m'en plaigne.

Alors que je prends place avec grâce et élégance, elle s'empare d'un mug propre avant d'y verser du café et me le tendre.

- Merci.

Elle s'installe à mes côtés et commence immédiatement par me taquiner :

- Alors, dis-moi la vérité. T'es là pour espérer avoir le fin mot de l'histoire ou voir Salomé en difficulté.

Je porte la tasse à mes lèvres, sachant très bien que mon sourire n'est que partiellement dissimulé :

- Mh, un peu des deux. T'imagines si elle n'a même pas de mobile ? Qu'elle trouve juste ça cool ? Peut-être qu'elle espère créer des vocations masturbatoires !

Je ponctue ma phrase d'un frétillement de sourcils auquel Chloé répond d'un air absolument écoeuré :  

- Ew. Tu me dégoûtes.

Sachant que c'est beaucoup dire pour quelqu'un qui avait sa langue dans ma bouche il y a un peu plus de 48 heures, je ne peux pas résister :

- C'est pas ce que tu avais l'air de dire dans les vestiaires...

Je ponctue ma taquinerie d'un clin d'oeil, tout en réalisant qu'amener ce sujet n'était pas un coup de génie. On n'en a pas du tout parlé et je ne sais pas ce qu'elle en pense.

Et effectivement, l'atmosphère change et Chloé me sonde du regard avant de demander :

- Dîner chez moi une fois que tu seras remise de ta petite entorse ?

J'osais pas l'espérer mais suis absolument ravie de la tournure que prennent les événements. Mais avant, je préfère clarifier quelque chose :

- Ça dépend, c’est quand ton rencard avec Maud ?

Visiblement fière de me clouer le bec, Chloé rétorque :

- Jamais, j’ai annulé !

- Bon dans ce cas… T'es sûre de pouvoir attendre aussi longtemps ?  C’est quand même dans une semaine !

Elle m'adresse un sourire en coin, répondant du tac au tac :

- Et toi t'es bien sûre de toi tout à coup !

Haussant les épaules, j'opte pour l'honnêteté :

- J'essaie un nouveau truc : la confiance. Tu m'as dit que je te plais, alors je te crois.

Chloé hausse les sourcils en faisant la moue, faussement impressionnée, avant de répondre :

- Je crois que c'est une très bonne initiative et - une seconde.

Elle décroche son téléphone, faisant ainsi cesser la pire sonnerie de l'univers. Quelques secondes plus tard, elle repose le combiné et m'annonce :

- Elle est là. Je vais la chercher je reviens !

Je la regarde partir en souriant, contente que l'on soit à nouveau à l'aise l'une avec l'autre. On dirait bien qu'elle va me laisser ma chance malgré tout !

Quelques minutes plus tard, elle est de retour accompagnée de notre coupa- suspecte. Présomption d'innocence, Claire.

Salomé se laisse tomber dans la chaise de l'autre côté du bureau, passant sa langue sur ses dents, un air menaçant sur le visage. Elle croise comme elle peut ses énormes bras musclés que son débardeur met en valeur et me lance un regard assassin lorsque je lui envoie un "bonjour" un chouïa trop guilleret auquel elle ne daigne même pas répondre.

Je crois l'entendre marmonner un "des putains de flic, j'aurais du m'en douter" mais elle n'assume pas suffisamment pour le dire à voix haute.

Gros muscles, pas d’ovaires.

Imperturbable, Chloé s'installe et demande :

- Bon, j'imagine que vous savez pourquoi vous êtes là ?

Pour ses efforts, ma collègue est récompensée d'un véritable grognement :

- Non.

S'attendant à cette réponse somme toute typique, Chloé ne tarde pas à s'expliquer :

- Nous souhaitons vous entendre dans le cadre de l'affaire des clichés à caractère sexuel placardés dans la salle de sport.

Salomé nous regarde de la même manière que quelqu'un fixerait le la crotte de chien dans laquelle il vient de marcher :

- Et ?

J'ai un mal fou à me retenir de lever les yeux au ciel. Elle sait que Chloé l'a reconnue hier... Il n'y a pas 60 000 femmes qui une fois de dos, ressemblent à s'y méprendre à un taureau sur ses pattes arrières...

N'étant pas beaucoup plus disposée que moi à se laisser mener en bateau, Chloé passe à l'offensive :

- Et la question est : pourquoi ? Qu'est-ce qui vous a poussée à faire ça ?

Ma collègue garde ses mains au dessus du clavier, espérant certainement que cette fois elle va obtenir autre chose qu'une réponse monosyllabique. Salomé se repositionne, s'adossant encore plus à sa chaise, comme pour être le plus loin possible de nous :

- Je me rappelle pas avoir fait d'aveux.

Sa réponse m'extirpe un sourire et j'annonce :

- On va faire un relevé ADN à l'issue de l'audition, ça terminera de vous confondre. Pourquoi ?

Elle laisse s'échapper un souffle dédaigneux, comme si ce que je disais était ridicule :

- Z'avez rien contre moi.

Un lent sourire gagne les lèvres de Chloé, qui choisit de mettre en évidence ses contradictions :

- Pourquoi vous avez couru si ce n'est pas vous ?

- J'ai pas couru.

D'un calme olympien face à la montagne de muscles et de mauvaise foi devant nous, Chloé ajoute :

- Salomé... J'étais derrière vous. Je connais tous les gabarits des personnes présentes à la salle, je vous ai reconnue formellement et je suis prête à témoigner sous serment que c'était bien vous.

- Ta parole contre la mienne.

Agacée que comme la moitié des suspects, elle se permette le tutoiement une fois acculée, je décide d'intervenir bien qu'étant officiellement en repos, mettant mon grain de sel dans la conversation :

- Et aussi la caméra de vidéosurveillance qui a filmé tout le monde en train de quitter les lieux, sauf vous. Donc soit vous avez développé un incroyable don d'ubiquité et vous vous trouvez toujours sur place, soit vous êtes bien la personne qui s'est enfuie.

De très mauvaise grâce et après un temps de réflexion important, probablement nécessaire à l'élaboration d'une pitoyable excuse, elle annonce :

- J'avais peur que vous ne vouliez me mettre ça sur le dos, comme j'ai un casier...

Chloé annonce :

- Pour des faits minimes qui n’ont strictement rien à voir et vous le savez, arrêtez de changer le sujet. Pourquoi ?

Salomé fronce les sourcils et se penche en avant, mains sur les genoux, pour lancer d'un ton venimeux :

- J'en... Sais... Rien. C'est pas moi, faut vous le dire en quelle langue ?

Ouh, elle s'agace. C'est généralement bon signe avec ce genre d'individus. Ça montre qu'elle n'arrive plus à s'en tenir à ses réponses monosyllabiques du début.

Sentant qu'il est temps de pousser, Chloé en remet une couche :

- Puisque vous êtes totalement innocente, peut-être que vous pourrez nous expliquer pourquoi vos empreintes ont été trouvées sur la dernière pièce à conviction ? Oh, et pour les aveux, le français fera l'affaire.

C'est avec fascination que j'observe l'apparition d'une énorme veine au milieu du front de Salomé. La suspecte souffle comme un boeuf, ayant visiblement du mal à se maîtriser. Mais elle garde le silence.

Après trente secondes, je décide d'intervenir à nouveau, sachant que comme elle ne peut pas me blairer il est possible que ça constitue la goutte d'eau :

- C'est quoi le deal derrière tout ça ? Ça vous excite c'est ça ?

Elle tourne son regard vers moi et si je n'étais pas dans un commissariat en pleine journée, je serais probablement nettement moins tranquille devant la quantité de rage et de dégoût qui s'y trouve :

- Bien sûr que non !  

Oh donc Madame nous gratifie d'affiches pornographiques équivoques mais s'offusque qu'on questionne ses goûts et motivations ?

Ben tiens !

Chloé comprend qu'elle tient quelque chose et surenchérit :

- Alors pourquoi ? Par exhibitionnisme ?

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- Non ! Non pour qui vous me prenez ?

Ma collègue sent que c'est le bon moment pour jouer la carte de l'empathie :

- Là, tout de suite, on ne sait pas quoi penser. On a suffisamment de preuves pour vous confondre quoi qu'il arrive. On voudrait juste comprendre pourquoi. Sans compter que c'est dans votre intérêt de collaborer si vous ne voulez pas que l'on aille vers les mauvaises conclusions... Au vu de la nature des clichés, vous pourriez terminer au fichier des délinquants sexuels...

Elle essaie de le cacher, mais c'est évident que Salomé est ébranlée à cette idée. Sa jambe se met à tressauter et elle se mord la lèvre pendant bien quinze secondes avant de décider de passer à table :

- Ok, c'est bon. Oui, c'est moi.

Je me penche un peu en avant, excitée à l'idée d'avoir enfin le fin mot de l'histoire. Après m'être torturé l'esprit dans tous les sens à essayer de deviner, sans succès même après des heures passées seule dans un placard, je suis vraiment curieuse de savoir comment elle compte justifier ça.

- Avant l'ouverture de la salle, la patronne avait entamé des démarches pour faire partie de la franchise FitGoGo. Sauf que les franchisés ont une zone d'exclusivité commerciale contractuelle à respecter. Et l'emplacement empiète clairement sur la zone d'une autre salle.

Je me rappelle soudain la toute première fois où je me suis rendue sur place. C’est vrai que j'avais été interpellée par le nombre de clubs de fitness à proximité. Mais je ne suis toujours pas sûre de voir le rapport. Heureusement, une fois lancée, Salomé ne s’arrête plus :

- Même si elle n'y connaît rien en sport, elle a entendu que c'était porteur alors elle s'est pointée chez le franchisé en place pour lui proposer le rachat de son établissement. Il n'a pas voulu et elle est repartie comme elle est venue. Sauf qu'elle avait pris des photos des locaux, des programmes et des tarifs sans qu'il le sache. Et elle a ouvert sa salle quasi à l'identique, mais avec 5 € de moins sur le prix des forfaits et une meilleure flexibilité au niveau de l'abonnement. L’autre pouf a même tenté de recruter certains de ses coachs sportifs là-bas. Eux ne sont pas venus, mais une bonne partie de la clientèle, si.

Chloé profite d'une pause dans le récit pour terminer de taper l'explication et demander :

- Et comment vous en êtes venue à faire ça ? Je n'arrive pas bien à saisir le rapport.

Salomé déglutit et acquiesce d'un mouvement de tête, expliquant :

- Le franchisé, c'est mon mec. Il sait pas que j'ai fait ça, mais ça fait des années qu'il me soutient, m'accompagne en compétition et tout... Je pouvais pas laisser une poufiasse assoiffée de fric ruiner sa vie. Cette salle, c'est son bébé. Elle aime même pas le sport !

Ok, c'est un peu plus clair, mais pas de beaucoup.

- Mais pourquoi des photos pornos ?

- Elle a repris tous les codes de la franchise, les couleurs et le programme s'adressent clairement plus aux femmes. C'est elles la clientèle principale de ce que j'en ai vu. C’était une copie claire et nette de la recette miracle mais les responsables de la franchise ont refusé de lancer une action en justice.  Donc je me suis dit que si les nanas pensaient qu'il y avait un pervers dans les locaux, elles allaient vouloir se tirer de là rapidement. La salle de mon chéri est juste à côté et propose aussi des cours de base en self défense... Je placardais les photos et quand on me parlait d'insécurité, je mentionnais l'air de rien la prise de cours de self défense.

Putain. Maintenant qu'elle me le dit, je me souviens que Chloé avait mentionné entendre ça.

C'est vraiment hyper tordu, y a pas de doute, mais ça pouvait marcher.

Qu'est-ce que je raconte, ça a marché, plusieurs abonnées m'ont dit qu'elles ne comptaient pas rester.

J'avoue être déçue qu'il y ait une explication "logique" derrière tout ça. Je l'aime pas, j'avais aucun mal à l'imaginer en espèce de vicelarde malsaine...

Chloé hoche la tête en signe de "oui", terminant de taper la confession de Salomé, avant de demander :

- Et votre compagnon n'est pas mêlé à tout ça ?

Immédiatement, la suspecte le défend :

- Nan, il a rien à voir dans l'histoire si ce n'est que j'ai fait ça pour lui. Il méritait pas ce que lui a fait l'autre connasse... Il pense que je cherchais de nouveaux sponsors… Je voulais pas lui dire parce que sinon il aurait essayé de m’arrêter.

Chloé me regarde et je sais qu'elle essaie de déterminer si je crois Salomé.

Ça m'emmerde, mais oui. Pour le coup, je pense qu'elle dit la vérité. Si la salle est vraiment le "bébé" de son mec, il n'aurait pas voulu la mettre encore plus en péril.

- Et la personne sur les clichés ?

Elle hausse les épaules, comme si ça allait de soi :

- Des images de promo pour des films porno haute définition, recadrées pour pas que ça soit évident.

Oh. Charmant.

Chloé pose la dernière question à laquelle je m'attendais :

- Toutes issues du même film ?

Euh… elle a perdu la boule ? Elle veut en faire l'acquisition ou quoi ?

Salomé aussi à l'air de se demander où elle veut en venir, tant est si bien qu'elle grimace avant de répondre :

- Non. Après me demandez pas les titres, pour être honnête c'était peu ragoutant j'ai pas trop fait gaffe…

Sa réponse extirpe un sourire satisfait à Chloé qui se tourne vers moi et annonce :

- J'te l'avais bien dit que c'était pas la même femme ! Le grain de beauté !

Elle est sérieuse ? La petitesse de remettre ça sur la table, juste pour dire qu'elle avait raison :

- Oh ça va. Mais bon je te l'accorde, pour une fois que t'es dans le vrai…

 

====

 

Elle a de la chance que je daigne apporter du vin après avoir refusé de me voir avant mon rétablissement. J’ai dû patienter, c’est un scandale !

En vrai, ma cheville me donne toujours l'impression d'être un peu instable mais je n’ai pas l'intention de lui dire.

Dans l’ascenseur, mon téléphone portable vibre, m’indiquant l’arrivée d’un nouveau message. L’espace d’une fraction de seconde, je crains que Chloé n’ait changé d’avis, mais heureusement c’est un SMS d’Emilie :

Merde ! J’attends des remerciements pour mon coaching et un récit extrêmement détaillé à l’instant où tu quittes les lieux.

Bah voyons… Ne voulant pas la laisser s’emballer, je réponds immédiatement :

100 balles et un Mars aussi ? Et t’emballes pas, peut-être qu’elle veut juste célébrer la fin de l’enquête. Quoi qu’il arrive, je resterai muette.

Satisfaite de ma réponse, je sors de l’ascenseur, avançant dans le couloir et n’ai pas fait 3 mètres avant que mon téléphone ne vibre à nouveau.

Pff.  Comme si tu pouvais me cacher quoi que ce soit ! Considère-ça comme une manière de te faire pardonner pour les mois durant lesquels j’ai dû te supporter et te voir te plaindre de sa simple existence alors qu’elle n’avait rien fait.

Connasse ! Ça mérite même pas une réponse.

J’ai à peine frappé que la porte s’ouvre, dévoilant une Chloé à couper le souffle.

Deux choses me viennent à l'esprit :

  1. Pour avoir été aussi rapide elle devait être à proximité de l'entrée. (Est-ce qu’elle avait hâte que j’arrive ?)

  2. Je suis la femme la plus chanceuse de l'univers.

Ses yeux me parcourent des pieds à la tête et j’en profite pour faire de même. Elle porte un jean noir sans fioritures et un haut vert d’eau qui fait ressortir ses yeux, déjà laaargement mis en avant par un maquillage charbonneux qui lui donne l’air dangereuse.

Ses cheveux ébène sont lâches et tombent sur ses épaules en de sublimes grandes boucles.

Elle a fait des efforts, c’est évident.

Ha !

Amies, mon cul.

- Hey.

Je m'approche, place une main sur sa hanche et dépose un baiser un peu plus long que nécessaire sur sa joue, me reculant lentement.

Elle jette un coup d'œil à mes lèvres et ça me conforte dans l'idée qu’il ne s’agit ni d’un dîner entre collègues, ni d’une manière de me remercier de l’avoir poussée hors de danger.

Sa voix est quasi silencieuse lorsqu’elle me répond :

- Hey. Entre, je t’en prie.

- Merci. T’es superbe…

Elle se décale et j’en profite pour la frôler au passage, passant mon doigt le long de son avant bras et savourant la chair de poule qui s'ensuit.

Dans le couloir, je retire mon manteau et lui donne la bouteille que j’ai amenée. Je n’y connais pas grand chose, mais le pépé spécialiste que j’ai alpagué et supplié de m’aider dans les rayons du supermarché m’a dit qu’il était bon… Chloé prend mes affaires et pars les mettre je ne sais où dans un “je reviens, tu connais le chemin”.

Ne sachant pas si elle est maniaque, je laisse mes chaussures à l’entrée et arrive dans la pièce à vivre. Mes sourcils se haussent d’eux mêmes lorsque je réalise qu’elle a déjà mis une superbe table en place sur l’îlot de la cuisine. À l’instant même où elle est de retour, je lui fais savoir :

- Wow, si tu cherchais à m’impressionner, c’est réussi.

Un rose pâle vient teinter ses joues tandis qu’elle répond timidement :

- Attends au moins d’avoir goûté ce que je propose avant de me complimenter !

Immédiatement, mon esprit pervers m’amène là où elle n’a certainement pas voulu aller. D’ailleurs elle n’a rien proposé de tel !  

J’essaie de le dissimuler mon côté obsédée tant bien que mal, mais je vois le coin de sa lèvre frémir, comme si elle luttait pour masquer son amusement :

- Pas comme ça, perverse… Prends place, je t’en prie. J’espère que t’as faim !

Je m’exécute et lève les paumes dans sa direction, annonçant :

- Ok ok, étouffe mes espoirs dans l’oeuf. Et j’ai toujours faim !

- Bonne nouvelle ! Tu nous sers un verre de vin pendant que je ramène le plat ?

- Avec plaisir.

M’emparant du tire bouchon posé sur la table, je m’attèle à ouvrir la bouteille en ayant l’air de savoir ce que je fais.

J’ai à peine terminé de la servir qu’elle se retourne avec un plat dont l’odeur seule suffit à me faire saliver.

La première bouchée confirme mes craintes.

C’est foutu.

Je n’ai plus le choix.

Plus qu’à la séduire et la convaincre de m’épouser !

C’était déjà peu probable, mais maintenant c’est sûr, je ne trouverai pas mieux.

Malgré moi, je laisse s’échapper un son qui ferait fureur dans les doublages de films pour adultes et m’empresse de la complimenter avant qu’elle ne relève :

- C’est vraiment délicieux ! Je ne savais pas que tu cuisinais !

Elle termine sa bouchée et m’explique dans un sourire nostalgique :

- C’est ce qui nous rapprochait ma mère et moi.

On continue de manger en silence et terminons par un sorbet citron-menthe maison. Chez elle, elle semble nettement plus décontractée qu’à l’accoutumée et ça me rassure de voir qu’elle se sent à l’aise en ma compagnie.

- On migre vers le canapé se regarder un petit film ?

- Ça me va !

Je la laisse choisir ce qu’elle veut regarder, espérant bien en rater une partie parce que je serai en train de l’embrasser…

On s’installe, côte à côte, sans se toucher mais suffisamment proche pour que je sente la chaleur de son corps. Je crois que c’est bon signe, ce canapé est immense et l’on est quasi collées.

Les premières minutes se passent dans un silence quasi religieux et je me décide à tenter gentiment ma chance.

Réduisant à néant l’espace entre nous, je pose ma tête sur son épaule et attrape sa main dans la mienne. Ne voulant pas la brusquer ou la mettre mal à l’aise, je demande :  

- Ça va comme ça ?

Plutôt que d’acquiescer, elle retire sa main pour passer son bras autour de moi, m’encourageant à me blottir contre elle dans un sourire.

Je n’hésite pas une seule seconde avant de m'engouffrer dans la brèche, me collant littéralement contre elle. De ce que je peux en sentir, son corps est doux, ferme, chaud et tout simplement divin.

Je passe une main le long de sa taille et tente de retourner au visionnage du film.

Sauf que c’est tout bonnement impossible.

Du bras qui m’enlace, elle me caresse du bout des doigts, peut-être même sans s’en rendre compte et ça me rend absolument dingue.

En plus, d’aussi près, je peux sentir le parfum floral que j’associe à présent à elle mais aussi d’autres notes, plus sucrées… Son odeur à elle. Celle de sa peau.

Et j’en veux beaucoup, beaucoup plus.

Abandonnant tout prétexte, je relève ma tête pour nicher mon visage au creux de son cou, laissant simplement mon souffle caresser sa peau dans un premier temps.

Chloé marque un temps d'arrêt dans sa respiration mais reste détendue, ce que je prends pour un feu vert.

Dans un premier temps, je me contente de la frôler du bout du nez, appréciant à sa juste valeur la chair de poule que mon geste crée. Mais bien vite, je ne tiens plus et place mes lèvres contre sa peau. Elle penche légèrement la tête et c'est tout l'encouragement qu'il me fallait. J'embrasse toute la peau que je trouve, me faisant violence pour ne pas l'embrasser elle ou remonter la main qui se trouve autour de sa taille. Si l'on doit en arriver là, c'est Chloé qui devra en prendre l'initiative. Je pense que mes intentions sont limpides.

Je remonte vers son oreille et prends son lobe entre mes dents, prenant bien garde de m'assurer que la caresse de mon souffle lui crée des frissons. Le bras autour de moi se resserre et du coin de l'oeil, je vois qu'elle ferme les yeux.

Cet instant de calme, d'acceptation de ce qu'il se passe entre nous, la manière dont elle se montre malléable sous mes lèvres est à l'opposé de la tension habituelle entre nous. Et pourtant, c'est maintenant, alors qu'elle semble avoir baissé sa garde, qu'elle m'excite le plus.

J'aime la Chloé qui prend les choses en main, mais cette version plus vulnérable me plaît énormément.

Après s'être laissée torturer pendant de longues secondes, elle resserre sa prise autour de moi et m'incite à venir me positionner à cheval sur elle. Il ne me faut qu'un millième de seconde avant de passer à l'action.

Ma jambe à peine de l'autre côté d'elle, ses mains viennent sur poser sur mes hanches, tandis que je place mes paumes à plat de part et d'autre de sa tête, contre le canapé.

Mon regard vient croiser le sien et il est évident que je ne suis pas la seule à désirer l'autre. Son regard émeraude est assombri par l'envie, même si j'y décèle des traces de vulnérabilité. Vu notre passé, à ses yeux me faire confiance représente certainement un risque.

Sans me quitter du regard, elle remonte une main le long de mon dos, par dessus mes vêtements, s'arrêtant à l'arrière de ma nuque et venant faire pression.

Je m'abaisse en même temps qu'elle se cambre légèrement, me retrouvant à mi-chemin dans un baiser brûlant.

On s'embrasse avec urgence, retombant à l'unisson contre le dossier. Sa langue vient retrouver la mienne et je ne sais pas laquelle de nous deux laisse échapper un gémissement d'approbation. Je fais glisser l'une de mes mains jusqu'à sa mâchoire, prenant le contrôle du baiser. Alors qu'elle cherche à approfondir le contact, ma langue se dérobe volontairement. Je cherche à l'allumer, qu'elle en vienne à prendre plutôt que de recevoir.

L'attente ne dure pas longtemps.

Elle place une main à plat dans mon dos, m'attirant à elle tandis que l'autre vient englober ma fesse dans une prise extrêmement possessive.

Cette fois, le gémissement étouffé que l'on entend est très clairement le mien alors que mon bassin bouge de lui même, cherchant à soulager la sensation entre mes cuisses.

La main dans mon dos vient se placer en bas de mon haut, se glissant en dessous avant de tirer délicatement dessus dans une question silencieuse.

Au prix d'un effort surhumain, je parviens à détacher mes lèvres des siennes et lève les bras pour lui faciliter la tâche alors qu'elle retire mon vêtement d'un mouvement fluide.

Si elle avait des réserves, on dirait qu'elles ont quitté les lieux alors qu'elle me dévore du regard. À cheval sur elle, je sais que ma poitrine généreuse est mise en avant par le soutien gorge noir et bleu électrique le plus sexy que je possède. J’étais pas sûre de comment la soirée allait se dérouler, mais ça ne veut pas dire que je n’étais pas prête !

Soudainement, la confiance que je porte en ma capacité à la séduire grimpe en flèche.

Sa main gauche retourne sur ma fesse, tandis que la droite part à la découverte de ma peau. Du bout des doigts, Chloé caresse mon cou, suit la ligne de ma clavicule, descend jusqu'à mon sein qu'elle contourne en en suivant le galbe. Ses yeux suivent le tracé et je pense qu'elle aime ce qu'elle voit puisqu'elle fait remonter sa main avec révérence, avant d'englober ma poitrine de sa paume.

Elle exerce une unique pression avant de craquer, joignant l'autre main à la fête.

Son front contre le mien, je la laisse m'embrasser quelque secondes avant de me reculer, ne voulant pas rater ma chance :

- Toi aussi.

Je mets le strict minimum de distance entre nous et m'empare du bas de son haut. Un coup d'oeil à son visage pour avoir confirmation et je soulève le vêtement. Faisant appel à un self control que je pensais m'avoir désertée depuis longtemps, je prends mon temps pour relever le tissu, savourant l'instant.

Une fois retiré, je le jette le plus loin possible sans regarder où il atterrit. J'ai bien mieux à faire....

Sous mes yeux se dessinent des kilomètres de peau parfaite, un ventre plat et une poitrine absolument superbe qu'un soutien gorge en dentelle noire dissimule partiellement.

Je viens croiser son regard et c'est d'une voix que je reconnais à peine comme étant la mienne que je lance :

- T'es absolument magnifique...

Chloé se mord la lèvre inférieure et passe une main dans son dos, dégrafant son soutien gorge.

J'ai les yeux rivés sur elle et ose à peine respirer lorsqu'elle enroule sa main autour d'un de mes poignets, l'amenant à son épaule, là où la bretelle est toujours en place.

Sans attendre d'encouragements supplémentaires, je l'abaisse et lui libère un bras, puis l'autre.

Son souffle est toujours court et la manière dont sa poitrine se soulève à chaque inspiration mériterait qu'on écrive un livre à ce sujet. Avec des images. Beaucoup d'images. Mais je serais la seule personne ayant le droit de l’acheter.

Elle est encore plus belle que je ne l'imaginais... Et pourtant j'ai imaginé !

Mes paumes restent un instant à survoler ses seins avant de les prendre en main, ce qui extirpe de Chloé le son le plus sexy au monde.

Ils sont sublimes, ni trop petits, ni trop gros, surmontés de tétons assez sombres qui contrastent avec sa peau. Je la masse, appréciant la manière avec laquelle elle se cambre pour avoir plus de contact avant de me reculer pour venir jouer des pointes érigées entre mon index et mon pouce.

Je suis tellement concentrée à la tâche que je mets quelques instants à réaliser qu'elle vient d'abaisser l'un des bonnets de mon soutien gorge. Par pur instinct, mes mains la quittent pour venir s'ancrer dans ses boucles ébène à l'instant où elle pose ses lèvres sur moi.

Fuck...

Je baisse les yeux et la vois, le visage à quelques millimètres de ma poitrine, sa bouche brûlante englobant mon téton. Le vert de ses iris est à présent totalement éclipsé et c'est d'un regard noir qu'elle me fixe, se reculant juste assez pour que je constate la prise qu'elle a entre ses dents. Elle la relâche, pour mieux la battre rapidement du bout de la langue. Malgré moi, mon bassin adopte un rythme assez proche, à la recherche d'une friction inexistante.

C'en est trop pour moi.

Je me débarrasse de mon soutien gorge et ne lui laisse pas le temps d'apprécier la vue avant de l'attirer dans un nouveau baiser. Profitant de sa distraction, je me décale pour venir chevaucher l'une de ses cuisses, laissant échapper un gémissement de soulagement en sentant son muscle sous moi. Je glisse une main à l'arrière de son crâne, au milieu de ses cheveux, comme j'ai rêvé de le faire des centaines de fois, tandis que l'autre descend en direction de son pantalon. Passant le revers de mes ongles sur ses côtes, ma descente est volontairement lente, lui donnant l'opportunité de m'arrêter. Lorsqu'elle ne fait rien, je fais sauter le bouton de son jeans avant de baisser sa braguette.

Elle interrompt le baiser quasi immédiatement :

- Ma chambre.

Le souvenir du fameux "juste une fois, pour t'oublier" est bien trop frais pour que je risque ça. Secouant la tête à la négative, je réplique :

- Non, ici.

J'aurais pu sortir une excuse du type "trop loin", mais la vérité est que j'ai malgré tout peur que ça soit mon unique chance avec elle. Alors j'aime autant faire en sorte qu'elle ne puisse plus s'asseoir ou même regarder ce canapé sans penser à moi.

Je me remets debout, contente que mes jambes flageolantes réussissent à soutenir mon poids et m'assure qu'elle n'en manque pas une miette alors que je me débarrasse lentement de mon pantalon, embarquant mes chaussettes au passage.

Rapidement, je me penche en avant pour amener mes mains à son jean. Une nouvelle vague d'excitation me parcourt devant la manière dont elle soulève instantanément ses hanches pour me laisser le champ libre. Je la libère et me détourne un instant pour jeter son pantalon. Lorsque je me tourne pour lui face face, je constate qu'elle a avancé, se postant au bord du canapé. Chloé m'adresse un sourire prédateur, faisant glisser ses mains de mes hanches à ma poitrine alors que ses lèvres viennent frôler la limite de mon sous vêtement.

Elle s'amuse de me voir frissonner sous ses lèvres et ses yeux pétillent lorsqu'elle glisse sa langue dans le creux entre l'os de ma hanche et le tissu.

De là où elle est, je suis certaine qu'elle peut me sentir et sais exactement ce qu'elle va trouver à l'instant où elle retirera le minuscule bout de tissu saturé qui me fait office de sous-vêtement.

Honnêtement ?

Tant mieux.

Après tout ça, autant qu'elle sache réellement l'effet qu'elle a sur moi.

Ses doigts quittent mes seins pour venir accrocher le bord de mon sous-vêtement. Chloé m'observe et sourit à nouveau lorsque j'acquiesce sans perdre un instant.

J'ai l'air impatiente ? C'est parce que je le suis !

Très vite, je ne porte plus rien sur moi.   

Chloé prend son temps pour me regarder, ne réalisant pas que si elle ne me touche pas rapidement, je risque d'imploser.

L'air frais me fait réaliser à quel point mon désir est transparent et je crève d'envie de retirer sa dernière barrière pour la voir elle aussi.

Mais avant que je puisse faire quoi que ce soit, elle passe la pulpe de ses doigts à l'arrière de mon genou, me donnant une petite tape pour m'indiquer de placer mon pied sur l'accoudoir.

Machinalement, je m’exécute tout en étant dubitative.

Nan...

Nhh nhh.

C'est pas pratique elle peut pas sérieu-

Hmffff, elle peut.

Je lutte pour garder les yeux ouverts, voulant graver cet instant dans ma mémoire. Sa langue est putain de divine et en d'autres circonstances, j'aurais honte de la manière dont mon bassin bascule immédiatement pour venir à sa rencontre. Mais aux vibrations que je sens au plus près de moi, je suis certaine de ne pas être la seule à apprécier...

Bien trop tôt, elle se recule aussi soudainement qu'elle a commencé et je me fais violence pour ne pas la suivre. D'une main, elle vient placer pouce et index de part et d'autre de mon sexe, avant de souffler, un air diaboliquement sexy sur le visage. Le courant d'air est à la fois trop et pas assez et je suis tentée de me dérober lorsque son autre main se place sur ma fesse et m'attire à elle.

Oh bordel, c'est reparti.

Cette fois, je suis incapable d'empêcher ma main de venir se plaquer à l'arrière de son crâne et je suis totalement éhontée dans la recherche de mon plaisir.

Sauf que je suis à dix secondes de jouir plus vite que Lucky Luke ne dégaine et bien que peu surprenant, ce n'est pas du tout le plan. Plutôt que de lui demander d'arrêter et risquer la confusion, je resserre ma prise sur sa tête et me recule brusquement, reposant mon pied au sol. À vrai dire, je me recule tellement vite que j'ai le temps de la voir fermer sa bouche et cette image va probablement me servir de matériel pour séances solos dans les années à venir...

Avant qu'elle ne puisse s'inquiéter, je lance :

- T'es un peu trop douée à ce jeu là... Et trop habillée.

Un sourire satisfait gagne ses lèvres encore luisantes et la manière dont elle passe sa langue dessus pour se "nettoyer" est juste maléfique. De la torture.

- On peut y remédier.

Elle s'adosse au canapé, jouant avec son sous-vêtement quelques secondes avant de l'abaisser, s'en débarrasser d'un mouvement de la cheville et d'écarter lentement les jambes, s'exposant à ma vue.

Mes yeux se posent immédiatement sur son sexe et je peux constater qu'elle est dans le même état que moi.

Ça tombe bien, j'en ai pas fini avec elle.

Elle est absolument parfaite et j’ai hâte d’explorer ce que son corps a à offrir…

J'ai l'intention de lui rendre la monnaie de sa pièce mais Chloé m'attire à elle, m'encourageant à chevaucher sa cuisse.

Sinon ça c'est bien aussi...

Je retrouve ses lèvres et me sentir encore présente sur sa langue manque de me faire basculer.

Une distraction.

Il me faut une distraction.

J'ai besoin de la toucher, de l'entendre gémir.

Je glisse un bras entre nous, ma main parcourant l'intérieur de sa cuisse avant de remonter vers la zone qui m'intéresse.

Sa voix se fait entendre à l'instant où mes doigts entrent en contact.

Il y a quelques temps encore, lui plaire me paraissait improbable mais j'en ai là la preuve incontestable.

Je frôle sciemment son clitoris, savourant la façon dont son bassin vient à la rencontre de mes doigts, cherchant plus de contact. Elle grogne et me mordille la lèvre mais ça ne me fait que sourire dans le baiser, sachant que pour ma part je passe un très bon moment avec son quadriceps.

Mon instant de gloire est de courte durée puisqu'elle recule sa cuisse pour faire place à sa main, n'hésitant pas avant de me pénétrer, sa paume plaquée contre moi.

- Hmpff. Tricherie.

Ok, c'est peut-être pas éloquent, mais je parle, ce qui constitue un petit miracle en soi.

C'est à son tour de sourire, puis mettre fin au baiser pour venir mordiller la jonction entre mon épaule et ma nuque, tandis qu'elle m'encourage à chevaucher ses doigts en accompagnant ma hanche de sa main libre.

Je décale la tête et me laisse faire le temps de réaliser qu'il s'agit d'une tactique de diversion.

Ne voulant pas être en reste, je vais placer mon majeur à l'entrée de son vagin, restant quelques secondes à la sentir se contracter pour essayer de m'attirer avant d'entrer en elle.

Elle laisse s'échapper un gémissement de plaisir et c’est une révélation : j'ai trouvé le nouveau but de ma vie.

Lui faire reproduire ce son encore et encore.

Elle penche la tête pour venir capturer mon sein du bout des lèvres et de la langue et j'ai toutes les peines du monde à rester concentrée. Je peux sentir la manière dont ses doigts fléchissent en moi et j'ai l'impression que tous mes sens sont exacerbés. Si j'avais su qu'elle était aussi douée de ses mains et sa bouche, j'aurais probablement couché avec elle, pari ou pas.

Malgré les distractions, Chloé se contracte rythmiquement autour de mon majeur et je pense qu'elle n'est plus très loin. Savoir qu'elle en est là alors que je l'ai à peine touchée ne m'aide pas à ne pas jouir instantanément. J'ajoute mon annulaire à l'équation sachant qu'elle est en mesure de l'accommoder et voulant qu'elle passe le meilleur moment possible.

Profitant de ma mobilité, je viens placer mon genou à l'arrière de ma paume et m'en sers pour toujours faire pression sur son clitoris. Dans cette position, mon poignet me fait un mal de chien mais je donne tout ce que j'ai lorsque je l'entends gémir contre moi. J'accélère le mouvement et Chloé est tellement perdue dans son plaisir qu'elle met plusieurs secondes à remarquer qu'elle n'est plus en moi alors que je me suis légèrement reculée pour gagner en confort, précision et puissance.

Après seulement quelques dizaines de secondes, sa tête bascule violemment en arrière, venant s'appuyer sur le dossier du canapé et son ventre est parcouru de multiples contractions. De là où je me trouve, je peux voir les vagues de plaisir la gagner et je l'accompagne du mieux que je peux, de mes doigts en elle à mes lèvres qui viennent caresser sa poitrine.

Quelques glorieux instants plus tard, elle retombe mollement et je cesse mes mouvements, mais pas de l’observer.

Elle reprend son souffle et ouvre un oeil pour me regarder, juste avant de se plaindre :

- Et tu oses me traiter de tricheuse !

Je l'observe, sourcils levés l’air de dire “ah ouais ?“ et rétorque :

- J’ai gagné à la loyale, t’es juste une mauvaise perdante.

Je ponctue ma réplique en retirant ma main, amenant mes doigts à mes lèvres et m’assurant qu’elle voit bien ce que je fais lorsque je les place dans ma bouche, la goûtant pour la première fois.

Et j’ai bien l'intention de réitérer, mais sans intermédiaires.

Ma provocation fait réagir Chloé, qui semble gagner un second souffle et m’ordonne :

- Debout.

À son ton, je suis nettement plus excitée qu’inquiète et m'exécute, me tenant sur mes jambes en coton et attendant la suite.

D’un signe de l’index, elle m’indique de me tourner.

Ce n’est pas ce à quoi je m'attendais mais je suis curieuse de voir où elle veut en venir.

Elle parcourt mon dos de ses mains, puis mes fesses, puis mes cuisses, avant de remonter et me tirer en arrière par les hanches.

J’ai peur de l'écraser mais réalise qu’elle s’est mise bien au fond et que je suis à présent entre ses jambes écartées.

Elle passe une main dans mes cheveux, décalant ma tête et en profitant pour venir jouer avec mon oreille.

Je place mes mains sur ses cuisses, la serrant pour l'encourager.

- Tu sais provoquer… mais est-ce que tu sais aussi recevoir ?

On verra bien mais j’aime beaucoup la direction que ça prend.

Elle termine en plaçant ses mains sur ma poitrine,réveillant tous mes sens.

Je m'entends marquer mon appréciation et ne sais pas si je dois me concentrer sur ce qu’elle me fait ou sur la délicieuse sensation d'elle nue dans mon dos. Sa bouche descend au niveau de mes trapèzes tandis que sa main se glisse bien plus au sud.

J’aimerais dire que je reste calme mais ce serait une grossière exagération, car à l’instant où elle me pénètre en mordillant mon épaule, je manque de me liquéfier.

Chloé ne me laisse strictement aucun répit et me prend à un rythme soutenu. Je laisse tomber ma tête en arrière, m'appuyant sur son épaule et haletant comme jamais. Je n’ai aucune idée de comment je peux ne pas être en train de jouir car le plaisir qu’elle me donne est carrément intense.

Chloé dépose un baiser sur ma mâchoire et je me tourne pour l’embrasser du mieux que je peux avant d'être remise dans le droit chemin :

- Regarde ce que je suis en train de te faire…

Elle soulève lentement son épaule pour m'encourager et je baisse les yeux pour faire le constat. Ses doigts plongent en moi et ressortent rapidement, sa paume venant frapper mon clitoris à chaque va et vient.

C'est sur cette vue que le plaisir m’envahit, mes yeux se fermant malgré moi alors que je suis parcourue de spasmes.

Normalement, c’est le moment pour moi de lui sortir une réplique maline sortie de mon chapeau pour ne pas lui laisser le dernier mot, mais mon esprit est totalement vide.

Le blanc total.

On pourrait entendre les mouches voler là dedans.

 

Passant mes jambes par dessus sa cuisse, je réunis ce que j’ai d’énergie pour me tourner sur le côté, me retrouvant perpendiculaire à elle.

Une seconde.

C’est le temps qu’il me faut pour passer de “parfaite satiété” à “du rab, filez moi du rab !”. Juste le temps de baisser les yeux et voir nos corps nus l’un contre l’autre.

Et cette fois, je pense qu'elle me laissera goûter ce qu’elle propose, quoi qu’elle ait dit tout à l’heure à table !

Profitant de mon inattention, elle capture mes lèvres dans un baiser très tendre qui contraste totalement avec ce qu’il vient de se passer. Je me recule et viens poser mon front contre le sien, demandant d’un ton amusé :

- C’est à ça que tu pensais en m'invitant à dîner ?

Elle laisse s'échapper un rire et joue avec mon nez du bout du sien :

- Haha, pour qui tu me prends exactement ?

On est loin de la Chloé “on dirait que je sors de chez le coiffeur” du quotidien.

Je lui adresse un sourire entendu avant de la remettre en place :

- Si tu veux jouer les vierges effarouchées, garde ça pour les gens qui n’ont pas vu ce que tu sais faire…

Elle se mord la lèvre et surenchérit d’un ton séducteur :

- T’as pas encore tout vu...

Chloé tente de se pencher pour m'embrasser mais aussi sublime qu’elle soit, cheveux ébène complètement décoiffés et yeux ayant perdu toute trace de vert, je l'arrête d’une main sur la cage thoracique.

- Nhh nhh… t’en as assez fait pour l’instant, je crois bien que c’est à mon tour de faire mes preuves… Allonge toi.

Son air confus se mue en une moue coquine et je ne crois pas l’avoir déjà vue bouger aussi rapidement de toute ma vie.

 

====

 

Il est 3 heures et quelques du matin, on vient de migrer sur son lit maintenant qu’elle m’a mise en confiance et je suis à deux doigts de partir dans les bras de morphée quand j’ai une question.

- Chloé ?

- Ouais ?

- T’as eu quoi comme médaille aux JO ?

- Pfft, j’ai fini 8ème.

Quoi ?

Ok Emilie n’a jamais dit qu’elle avait gagné, mais j'espérais ! Même pas au pied du podium quoi !!

D’une voix faussement dévastée, je m’exclame :

- J’y crois pas… Je viens de coucher avec une perdante.

Elle me file un coup sur le ventre avant de venir se blottir contre moi :

- Oh je sais pas, selon moi j’ai plutôt tout gagné ce soir.

Ça me fait sourire et je dépose un baiser sur le haut de sa tête, me contentant d’un simple :

- Pour être honnête, moi aussi.

 

FIN

 

Et voilàààà ! Merci à tous ceux qui ont participé et ceux qui ont / vont commenter ! 

Pour info, j'ai posté un récap des choix (et %) de chaque partie en commentaire de ce message, ainsi qu'une indication des idées que j'avais pour les alternatives, pour ceux que ça intéresse.

Je n'ai pas encore changé le titre car je voulais poster le plus tôt possible et je ne suis pas encore convaincue que ça ne va pas faire complètement foirer le menu. Lisez tranquillement, je changerais ça d'ici quelques temps ! 

Merci de ne pas reposter cette histoire sur un autre site / une autre plateforme. 

8 mai 2019

Partie 6

- Va pour le bar... 

Ni une ni deux, elle attrape son sac à main, ferme derrière nous et nous voilà parties.

Lorsque je comprends qu’Emilie a l’intention de me traîner au bar où l’on va avec les collègues, elle ne me laisse pas d’autre choix que de râler :

- Sérieux ? Tu connais pas d’autres bars ?

- Pas aussi bien !

- Ouais mais le but c’est d’oublier toute cette histoire, pas de risquer de croiser des gens qui m’y feront penser !

Emilie lève les yeux au ciel :

- Arrête de pleurnicher. Y’a plein de monde, ça va être cool.

Même si mon instinct m'indique que c'est probablement une mauvaise idée, je suis ma collègue à contrecoeur. Après tout, vu ses exploits des mois passés, mon intuition peut aller se faire voir...

- Ouh, il y a une table qui se libère, go go go, file comme le vent, je vais commander.

Ni une ni deux, Emilie me bouscule dans la direction souhaitée, se ruant pour sa part vers le bar. J'espère juste qu'elle va garder à l'esprit qu'on bosse demain. Aller faire du sport l'après-midi avec une gueule de bois de l'enfer ne me fait pas du tout envie !

Lorsqu'elle revient avec un mètre de shooters, il est clair qu'elle n'a pas reçu le mémo.

- Emilie ! Je suis supposée être en mesure de rentrer chez moi après !

Loin d'être repentie, elle me fourre un verre dans la main, lançant :

- Bah, t'auras qu'à dormir à la maison. A ta connerie !

Mon regard est clair, il dit "vraiment Emilie ?". Pas impressionnée, elle rétorque sans sourciller :

- Quoi ? Tu dois avouer qu'il y a matière à célébration, elle a atteint des proportions inégalées !

Malgré moi, ça m'extirpe un sourire. Levant mon shooter, je surenchéris :

- A ma connerie, qui impose le respect !   

- C'est ça, t'as saisi l'idée !

Alors qu'il descend dans ma gorge, l'alcool m'apporte sa chaleur familière et un peu de réconfort. J'espère vraiment que je vais réussir à arranger les choses avec Chloé. Je me demande quelle serait la meilleure approche...

- Tut tut tut ! Non non non, je te vois réfléchir ! Visiblement tu n'as pas bien saisi le but de l'exercice ! Ce soir, tout va bien ! Tiens.

Elle fait glisser un nouveau shooter dans ma direction, m'indiquant de m'en occuper d'un coup de menton. Oh et puis après tout, qu'est ce que j'ai à perdre :

- Ce soir, tout va bien.

Je bascule la tête en arrière et repose le shooter bruyamment contre la table. J'ai une très faible tolérance à l'alcool et quoi que ce soit que je suis en train de boire, je sais que ça va avoir raison de moi !

Emilie et moi enchaînons rapidement nos verres et je commence à me détendre. Une fois que l'on est venues à bout du mètre, elle me demande :

- Une bière ou un cocktail pour faire passer le tout ?

C'est une mauvaise idée...

- Yep !

Elle part en sautillant en direction du bar, clairement affectée elle aussi.

Elle revient même pas trente secondes plus tard, les mains vides (affront) et l'air secouée. Un sourire détendu fait son apparition sur mon visage et je demande :

- Heyyyy relaaaaax. Qu'est-ce qu'il se passe ? T'as l'air bizarre ?

Emilie se penche pour me murmurer à l'oreille :

- Chloé est au bar.

Quoi ? Nan, je voudrais un peu de répit niveau drama s'il vous plaît.

Voulant la rassurer, j'essaie de paraître plus calme que je ne le suis :

- T'inquiète, je vais rester en dehors de son chemin et je ne pense pas qu'elle va venir me voir. J'aime autant qu'elle profite de sa soirée en compagnie de non-débiles...

Emilie m'agrippe le bras, écarquillant les yeux :

- Elle a pas l'air de profiter. Et vu son état apathique, la seule personne avec qui elle partage quoi que ce soit c'est une conversation avec le barman pour être resservie.

Et moi qui pensais naïvement que j'avais atteint le sommum de la culpabilité... Je me sens encore plus mal maintenant que je sais qu'elle est plus affectée que je ne le pensais.

Haussant les épaules, je m'exclame :

- Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ?!

- Vas la voir.

Je la regarde comme la cinglée qu'elle est :

- Ça va pas la tête ? Je suis la dernière personne qu'elle a envie de voir !

Emilie s'accroupit devant moi, prenant mes mains dans les siennes :

- Si c'était le cas, elle ne serait pas là. Vas la voir.

- Emilie, vraiment, je ne pense pas...

- Claire. Vas-y.

- Et toi ?

Elle croise les bras et adopte un ton plus sérieux :

- Je suis une grande fille, j'arriverai retrouver mon chemin. Vas-y.

J'ai déjà vu cet air. C'est sa tête de cochon. Elle et moi savons comment ça va se terminer... Après 3 heures d'argumentation, elle va finir par me contraindre à aller dans son sens, par la force s'il le faut.

Autant m'épargner ça.

Pétulante, j'abdique :

- Ok. Mais si ça finit mal, ce sera ta faute !

- Et si ça finit bien, vous avez intérêt à appeler votre premier né comme moi.

Fronçant les sourcils, je ne réfléchis pas au ridicule de notre conversation avant de demander :

- Même si c'est un mec ?

- Emilio fera l'affaire dans ce cas.

Sourire narquois fermement en place, elle fait un mouvement de tête en direction du bar. Me voilà congédiée.

Je me lève, fais mine de remettre en place mes vêtements histoire de gagner quelques précieuses secondes avant de me frayer un chemin en direction du bar.

Là tout de suite maintenant, je ne fais pas du tout la fière.

J'aperçois rapidement Chloé, assise à une extrémité, accoudée au bar, une main dans ses cheveux noirs. Elle est tête baissée, ses yeux restant fermement fixés sur le verre devant elle.

Je flippe grave. Mais Emilie avait raison (j'irai pas lui dire !), elle n'a pas l'air de profiter. Si je m'écoute, je pars immédiatement devenir dompteuse de chevaux sauvages en Mongolie, plaquant tout derrière moi pour aller me terrer là où personne n'aura l'idée de venir regarder.

Mais Emilie m'a dit qu'aller la voir était la chose à faire, alors j'aime autant l'écouter. Prenant mon courage à deux mains, je me lance, me glissant entre Chloé et son voisin de tabouret.

- Hey.

Ses yeux verts viennent se poser sur moi, avant de retourner à leur position d'origine. La seule indication qu'elle m'a vue est la manière dont sa main se raidit autour de son verre.

Fuck.

Je m'attendais à de la colère, de l'agacement, mais pas ça. Et je ne sais pas du tout comment réagir.

J'opte finalement pour rester à ses côtés en silence.

Le type dans mon dos n'apprécie que très modérément la manière dont j'empiète sur son espace vital et me le fait savoir en me plantant son coude dans la colonne avant de quitter son siège.

Ni une ni deux, je ne lui adresse même pas un regard et m'empare du tabouret, le rapprochant de celui de Chloé. Elle me regarde faire du coin de l'oeil, avant de pincer les lèvres puis prendre une grande lampée de son whisky.

Finalement, alors que je commence à me sentir sérieusement ridicule, elle prend la parole :

- Vas-t'en Claire, tu ne vois pas que je suis en train de parier ?

Elle détache un instant sa main de son verre pour se pointer elle-même du doigt :

- Cette garce sans-coeur rencontre un succès fou ce soir !

Je ferme les yeux et encaisse, contente qu'elle me parle, même si c'est pour dire ça.

- Chloé... C'était pas...

Je soupire en réalisant que je n'ai pas envie que l'on s'explique dans ces conditions et opte finalement pour ne rien ajouter.

Pendant ce temps, elle s'empare de son verre, le finissant cul-sec. Elle fait signe au barman de lui en apporter un autre et je m'assure qu'elle ne me voit pas alors que je lui fais "non" de la tête.

Heureusement pour moi, il a l'air d'avoir compris le message puisqu'il se tourne vers d'autres clients, ignorant l'étagère sur laquelle sont disposées les bouteilles d'alcool fort.

Aussi peu claire qu'elle soit, Chloé comprend le message et laisse s'échapper un chapelet de jurons, contrariée.

Elle se lève et enfile sa veste, ayant clairement l'intention de quitter les lieux.

Je la suis à l'extérieur et résiste à l'envie de passer mon bras autour de sa taille lorsque je vois qu'elle titube légèrement.

Elle se met en route et je me positionne environ 1 mètre derrière elle, voulant la laisser respirer. L'air frais me fait du bien, dissipant le reste de la brume que l'alcool avait semée dans mon esprit.

On marche en silence pendant une dizaine de minutes et elle s'arrête finalement devant un immeuble résidentiel. Chloé glisse sa main dans sa poche, attrape ses clefs, avant de les faire tomber. Je les ramasse et les lui tend gentiment. Elle s'en empare rapidement, faisant passer le bip pour ouvrir la porte et se dirigeant vers l'ascenseur. Elle presse le bouton du 3ème étage et je me demande pourquoi je la raccompagne. Clairement, elle est saoule mais capable de rentrer chez elle sans encombre.

Mais bon, maintenant que je suis là, autant aller jusqu'au bout. L'ascenseur ouvre ses porte et Chloé tourne à droite dans le couloir, s'arrêtant devant la deuxième porte.

Elle essaie de viser la serrure à plusieurs reprises, sans succès, jurant à chaque échec. J'enroule ma main autour de la sienne et la guide jusqu'à ce que la clef glisse sans résistance.

Elle déverrouille la porte et je m'apprête à partir lorsque je remarque qu'elle l'a volontairement laissée ouverte derrière elle, comme si elle voulait que je la suive.

Bon... Bah c'est parti j'imagine. 

J'entre dans son appartement et ne suis pas déçue. Il est exactement comme je l'avais imaginé. Immaculé, de bon goût et semblant sortir tout droit d'un catalogue.

Je l'entends se faire couler un verre d'eau du robinet et me donne une contenance en regardant les étagères en pin brut qui occupent l'espace autour de sa télé.

Le plan est simple. Tu lui souhaites une bonne nuit, lui indiques que tu aimerais vraiment beaucoup clarifier les choses entre vous demain et rentres chez toi.

Mon super plan tombe à l'eau lorsque j'ai un sursaut de 15 mètres en sentant les bras de Chloé s'enrouler autour de ma taille.

Euh...

What the fuck?

Qu'est-ce qu'elle fait ?

Nan, plus important : qu'est-ce que je dois faire ?

Elle détache l'une de ses mains pour venir décaler mes cheveux, déposant des baisers dans mon cou.

Je suis toujours raide comme la justice, immobile et les yeux écarquillés.

Pourquoi je n'ai pas juste refermé la porte derrière elle ? J'aurais tellement pu, il y a juste un poussoir côté extérieur, c'est le genre qui se verrouille dès qu'elle claque...

Des frissons parcourent intégralement mon corps alors qu'elle est en train de mordiller la jonction entre ma nuque et mon épaule. Mes tétons m'indiquent clairement qu'ils sont là, venant presser inconfortablement contre le bonnet de mon soutien gorge. Elle n'a quasi rien fait et je suis déjà au bord de la liquéfaction lorsqu'elle annonce d'une voix pleine de promesses :

- Ma chambre est au bout du couloir...

Oui, bah ravie de l'apprendre, mais je viens de me souvenir que j'ai ce truc très très important à faire chez moi.

Prendre une douche froide.

La main qu'elle a sur ma taille se glisse sous mon haut et commence à remonter sur mes côtes, me faisant comme un électrochoc. Je bondis hors de son étreinte, mettant deux bons mètres entre nous.

Je lève les mains, paumes dans sa direction, avant de prendre la parole :

- Hm. Ok. Wow. Je ferais mieux d'y aller. On se voit demain.

Elle fronce les sourcils, visiblement perplexe face à ma réaction :

- Juste une fois. Pour t'oublier.

Super.

Je n'ai jamais prétendu être une déesse du sexe, mais là c'est limite offensant. Ma performance serait mémorable, j'en suis sûre ! 

Sans compter que je n'ai pas du tout envie qu'elle m'oublie.  

- Bonne nuit, n'oublie pas de boire beaucoup d'eau avant d'aller te coucher.

Je me dirige vers la porte et l'ouvre avant d'être interpellée par sa voix, clairement confuse :

- Mais… C'est pour ça que tu m'as suivie, non ?

Ironie du sort, je suis blessée qu’elle puisse penser ça de moi. Merci Karma, vraiment. Toujours face au couloir, je m’explique :

- Non Chloé, je voulais juste m'assurer que tu allais rentrer en toute sécurité. Bonne nuit, n'oublie pas de boire beaucoup d'eau.

Je quitte les lieux sans demander mon reste, tâchant d'ignorer le sentiment de déception qui m'envahit.

Elle est saoule et malgré ça, ça me fait chier qu'elle ait pu penser que je comptais profiter d’elle. Alors je n'imagine même pas ce qu'elle a ressenti en découvrant la piètre image que j'avais d'elle.

Je ferme la porte derrière moi, poussant un peu pour m'assurer qu'elle est bien verrouillée avant de partir.

 

===



J'arrive au commissariat et suis attendue de pied ferme par Emilie. En rentrant chez moi hier, j'ai pas réussi à dormir.

- Salut. Et wow, t'as pas dormi de la nuit ou quoi ? Tu ressembles à rien.

- Merci, je suis au courant, j'ai des miroirs à la maison.

Moqueuse, elle rétorque :

- Clairement, t'en fais pas bon usage...

Je lui lance un regard noir, prenant ma tête entre mes mains en espérant que ça va faire partir la migraine que je me traîne.

- J'ai enfin reçu les retours d'enquête sur nos principaux suspects et je dois regarder leurs dossiers avant d'aller au prochain cours en fin d'après-midi...

- Et tu devrais pas faire ça dans ton joli bocal ? Tu évites ta promise ?

- Relax, je suis juste passée te dire bonjour, même si là tout de suite, je me dis que ça ne valait pas le coup. Et non, ma "promise" donne des cours ce matin.

- Ça s'est bien passé hier soir ?

Je hausse les épaules, me contentant d'un :

- Je l'ai raccompagnée chez elle.

- Et ?

J'hésite à évoquer ce qu'il s'est passé une fois arrivées à son appart et opte pour garder le silence. Ça ne regarde que nous.

- Et rien, je suis rentrée chez moi.

- Pas marrant. Tu réalises que je compte sur toi pour vivre une vie amoureuse par procuration ?

Je lève les yeux au ciel, me sers dans sa cafetière et me dirige vers la salle de réunion / mon bureau plutôt que de la gratifier d'une réponse.

Je m'affale sur la chaise inconfortable, me souvenant très bien du baiser de Chloé dans cette même pièce.

Concentre-toi, c'est pas le moment de flancher. Vous avez une enquête à résoudre ! 

Je consulte les fichiers que Sydney m'a retourné.

Ok donc Marie est commerciale, en couple et vient à la salle environ 3 fois par semaine, uniquement aux cours collectifs.

Fabrice est ingénieur, célibataire invétéré et vient tous les jours.

Salomé est culturiste, en couple et vient à la salle 2 à trois fois par semaine.

Maud est responsable marketing, célibataire et vient une à deux fois par semaine.

Minute.

Culturiste.

Seulement 2 fois par semaine ?

Y'a quelque chose qui va pas.

Je l'ai bien regardée, Madame Montagne-de-muscles, et je suis certaine que l'on obtient pas ce genre de résultats en quelques heures par semaine. Même en y allant à grand renforts de compléments alimentaires sur-protéinés ! Et encore moins en participant à des cours collectifs...

Maintenant que j'y pense, on trouve ce genre de physiques devant les miroirs, à soulever de la fonte, pas en train de faire de la cardio ou je ne sais quoi.

Plus j'y pense, plus je trouve ça bizarre.

Elle est hyper baraquée, pourquoi elle irait s'inscrire à du renforcement musculaire ?

Intriguée, je cherche son nom dans les rapports que Chloé et moi avons fait.

J'ai l'impression d'être sur une bonne piste. Enfin un os à ronger !

Mais si c'est elle, quel serait le mobile ?

Pourquoi aller placarder des photos de quelqu'un d'autre ? Parce que bon, il est clair que ce n'est pas son corps. Elle se serait faite griller direct !

Peut-être qu'elle joue dans notre équipe et que les organes génitaux féminin représentent sa version de l'art ? Un frisson d'effroi me parcourt à cette idée. J'espère pas ! 

Un coup d'oeil au rapport fait par Sydney me suffit à constater qu'elle sort avec un mec.

Mh. A priori non, à moins qu'elle ne soit bi mais je préfère la laisser à la gente masculine, donc on ne va pas trop y penser.

Ça n'a pas de sens, ce n'est pas vraiment une piste, mais c'est la première réelle incohérence que je trouve et ça m'intrigue énormément.

Je n'ai qu'une hâte, aller en parler à Chloé. Avec un peu de bol, l'excitement de la situation (on avance enfin \o/) va lui faire oublier qu'elle est fâchée contre moi.

 

====

 

Patientant tant bien que mal, je regarde avec envie le petit bout de peau qui dépasse à proximité de mon pouce.

Si je m'écoute, je l'arrache, sachant très bien que j'aurais mal après.

J'attends Chloé, lui ayant donné rendez-vous dans le même parking que la dernière fois, plus tôt que nécessaire.

Elle a vu mon texto, mais pas répondu.

J'espère qu'elle sera là.

Avec du bol, elle me laissera une chance de m'expliquer avant son cours de l'après-midi. Cette fois, je n'ai pas l'intention d'attendre des mois avant d'avoir une discussion avec elle.

Je suis soulagée de la voir arriver au loin, lunettes de soleil sur le nez malgré le temps maussade. Elle s'approche et rien qu'à sa voix éreintée, je sais qu'elle a une gueule de bois :

-  Hey. Tu voulais me parler ?

Il se met à pleuvoir, alors je lui ouvre la portière arrière de ma voiture, à la fois pour être au sec et m'assurer que personne ne surprendra notre conversation.

Même avec ses lunettes de soleil, je sais qu'elle me regarde et hésite. Je peux la comprendre, je ne me ferais pas confiance non plus.

Visiblement, la fatigue joue en ma faveur puisqu'elle soupire et se glisse de l'autre côté de la banquette, tandis que je monte à mon tour et referme derrière nous.

Elle retire ses lunettes et même la jolie couleur verte de ses iris ne suffit pas à lui donner une apparence humaine. Je m'attendais à devoir faire toute la conversation, mais Chloé me surprend en prenant la parole :

- Désolée pour hier soir.

Merde. J'étais persuadée qu'elle avait oublié ou qu'elle n'allait pas en parler, du coup je ne m'étais pas du tout préparée à cette éventualité :

- C'est ok. T'avais bu, le karma en a profité pour me donner une leçon.

Même si ça m’a blessée, peut-être que si je n’en fais pas tout un plat, ça la mettra dans de bonnes dispositions pour me pardonner ? Mes méthodes puent le désespoir, mais ça ne m'empêche pas d'espérer. 

- Hm. Désolée quand même, j'aurais pas dû.

On reste toutes les deux silencieuses et je sais que c'est à moi de faire le premier pas.

- Est-ce que l'on peut parler de... du quiproquo ?

J'observe les muscles de sa mâchoire se contracter, avant qu'elle ne tourne la tête en direction de la fenêtre, annonçant :

- Je ne vois pas ce que tu pourrais me dire qui changerait quoi que ce soit, mais je t'écoute.

J'ai les mains hyper moites et à la manière dont son buste est tourné dans la direction opposée à la mienne, j'ai vraiment l'impression que je me fatigue pour rien.

Pour autant, j'essaie :

- J'ai eu tort de présumer le pire et ne pas venir t'en parler. Si tu veux me couronner la reine des abruties, dis-moi juste la date de la cérémonie et je t'assure que je serai là, parce que je le pense aussi…

Silence. Bon, continuons :

- Tu m'as jamais donné de raison de douter de toi et c'est ce que j'ai fait.

Elle tourne sa tête vers moi, demandant très sérieusement :

- Pourquoi ?

Incapable de soutenir son regard, je baisse la tête et joue avec mes doigts, prenant une grande inspiration avant de m'humilier davantage en avouant :

- Honnêtement ? C'était trop beau pour être vrai.

Je sens qu'elle s'apprête à m'interrompre et relève la tête, m'expliquant :

- Chloé, t'es... T'as tout pour toi. T'es intelligente, douée, belle à couper le souffle... Et moi, je suis... juste moi.

Je termine en haussant les épaules, une moue défaite sur le visage. Elle s'empare de ma main, voulant ajouter quelque chose mais aussi petit soit-il, cet acte de soutien me donne le courage de continuer sur ma lancée :

- Le fait que tu puisses t'intéresser à moi me paraissait difficile à croire de base. Mais après les fléchettes... j'ai fini par me dire que peut-être j'avais mes chances. Et t'as pas idée à quel point j'avais à la fois hâte et peur de cette soirée. Alors quand j'ai surpris cette conversation, je sais pas comment dire... Je me suis sentie tellement... j'ai même pas de mots.

Chloé serre ma main dans la sienne et demande :

- Pourquoi t'es pas venue m'en parler ? C'est ça que je comprends pas ! On aurait pu régler ça !

- Le peu de fierté qu'il me restait. J'étais incroyablement humiliée et me sentais stupide d'avoir cru que tu pouvais sincèrement t'intéresser à moi. Je voulais pas que tu saches que j'avais découvert le pot-aux-roses, parce que comme ça, toi aussi tu seras restée le cul entre deux chaises.

Chloé passe une main sur son visage, semblant absorber ce que je viens de lui dire. Finalement, elle soupire et laisse retomber sa tête contre la vitre, demandant :

- Pourquoi t'étais aussi agressive envers moi ? Si j'avais vraiment été faire des paris, ça m'aurait mis la puce à l'oreille ! J'aurais deviné que tu savais ! 

La pluie tombe dru sur l'habitacle de la voiture et entre ça et notre discussion, c'est assez oppressant je dois dire.

L'emmener dans un minuscule espace clos n'est pas ma meilleure idée.

Pas la pire non plus ceci dit.

- Peut-être, mais j'avais besoin de m'assurer que tu restes bien loin de moi et être aussi immature et agressive que possible me paraissait être la méthode la plus simple.

- Pourquoi tu voulais que je reste loin ? Pourquoi tu m'as pas confrontée ?

Et merde.

On en arrive PILE là où je ne voulais pas en arriver.

Bon.

Tant pis.

C'est parti.

- Parce que même avant ce fameux jour au café, j'étais déjà en train de tomber amoureuse de toi.

Ses yeux s'écarquillent tellement que c'en serait presque drôle. Avant qu'elle ne puisse relever, je continue :

- Parce que j'avais peur qu'en te laissant t'expliquer t'arrives à me retourner la tête. Parce qu'à chaque fois que je pose les yeux sur toi, j'ai...

J'en ai déjà trop dévoilé. Lâchant un énorme soupir, je regarde à mon tour par la fenêtre :

- Peu importe. Au moins maintenant tu sais.

Chloé garde le silence à mes côtés et j'ai l'impression d'avoir copieusement étalé mes tripes sur ma banquette arrière, tout ça pour rien.

Finalement, elle prend la parole et son ton est hyper calme, ce qui ne présage rien de bon :

- Tu sais le pire dans l'histoire ?

Ah parce qu'il y a pire ?

- Non.

- Je me souviens de cette fameuse discussion. J'avais changé le sujet parce qu'Olivier se moquait allègrement de moi. Tu serais arrivée cinq minutes plus tôt, t'aurais su à quel point moi aussi j'avais hâte.

J'encaisse, mais je ne peux pas dire que ça me fasse plaisir de savoir ça. Amère, je me contente d'un :

- Désolée. J'ai raté ma chance. Si tu veux bien je vais aller prendre l'air deux minutes, tu peux rester là.

J'amène ma main à la poignée intérieure mais Chloé m'interrompt en me tirant délicatement sur le bras :

- Demande moi.

- Quoi ?

- Demande moi ce que je lui ai dit.

Je secoue la tête à la négative.

Nope. Le masochisme, très peu pour moi. 

Je crois que je ne préfère pas savoir.

J'ai déjà une intense envie de m'auto-gifler, il est préférable qu'on en reste là si on veut éviter que ça n'escalade en hara-kiri.

Je me tourne vers elle et lui adresse un regard suppliant :

- Chloé... J'ai grave merdé c'est vrai. Et je t'assure que je m'en veux déjà à mort. Y a pas besoin de ça.

- Je crois que si.

Son regard vient croiser le mien et elle tire tellement fort sur mon bras que je tombe dans sa direction. Ses bras m'enlacent immédiatement, sa bouche venant se poser à proximité de mon oreille. Mon coeur bat la chamade, un mélange de terreur et d'excitation. J'ai envie de savoir, mais peur de ne pas être capable de gérer la déception qui s'en suivra :

- Je lui ai dit que j'étais la plus chanceuse du monde. Que t'avais tout ce que je recherche chez une femme. Sympathie, humour, intelligence, talent, beauté… Et que j'espérais vraiment être à la hauteur. Je lui ai avoué que j'avais peur que tu me trouves trop fade, trop rigide pour toi et que tu changes d'avis…

Je sais pas quoi répondre à ça, alors je me contente de me reculer, venant croiser son regard, cherchant à savoir si elle dit vrai.

Elle a l’air vulnérable et j’ai envie de tout faire pour la réconforter.

Mes yeux descendent en direction de ses lèvres et j'hésite à réduire la distance entre nous mais suis interrompue par l'intéressée secouant la tête à la négative.

Je ferme les yeux et lui rends son espace vital, retournant de mon côté de la banquette.

Sa voix est timide, presque hésitante lorsqu’elle propose :

- Je peux pas. C’est trop frais. Je suis trop en colère, trop déçue. Mais l’on peut essayer d'être amies, t’en dis quoi ?

Hier soir j'étais en fuckzone, ce matin je suis en friendzone. Yay ! 

Honnêtement je prendrais n'importe quelle zone tant qu’elle s’y trouve. Son regard inquisiteur est posé sur moi et je n’ai pas l'intention de rejeter son offre somme toute plus généreuse que ce que je ne mérite.

J’ai probablement tort, mais je vis sa proposition comme un “pas maintenant” et non un “c’est mort”.

Mon sourire est timide mais vaillant et ma voix décidée lorsque je réponds :

- J’aimerais vraiment.

Le coin des lèvres de Chloé se soulève devant ma réponse et je sais que c'était la bonne.

Je laisse passer quelques instants, savourant la paix retrouvée entre nous, les possibilités pour le futur. Je sais qu’elle ne m’a pas pardonnée, mais elle me laisse une chance de regagner son amitié et c'est plus que ce que je mérite vu mon comportement odieux.

Finalement, c’est elle qui prend la parole :

- Ce matin, j’ai appris quelque chose d'intéressant.

- Ah ?

- Maud a payé ses études en faisant du mannequinat. Des photos de lingerie. Parfois très dénudées…

- Oh…  intéressant.

J’ai pas envie de savoir, mais je demande quand même :

- Comment t’as su ça ?

- Après le cours, on parlait de travailler les muscles pectoraux pour les femmes et elle a sorti son téléphone pour me montrer ça. C'était hyper bizarre…

- Mh. C’est louche. Tu crois que tu l'intéresses, que c'était de l'exhibitionnisme, ou…?

- Aucune idée. J'ai pas trop compris. Une minute on parlait normalement, celle d'après j'avais une photo extrêmement provocatrice sous les yeux.

Je ne suis pas jalouse, je trouve ça juste très limite de la part de Maud. Elle ne connaît même pas la sexualité de Chloé, c’est un peu malsain comme comportement. Et si c'était elle qui se cachait derrière tout ça ? 

Mettant de côté mes réservations sur la suspecte, j’essaie de rester objective et d'en savoir plus :

- Et le cliché, c'était le même genre d’angle que sur les autres photos ?

- Nan, il était clairement de qualité professionnelle lui aussi, mais plus destiné à des magazines spécialisés… Et ça ne veut rien dire, un angle ça se change. Je pense qu’on devrait creuser de son côté.

- Bonne idée, je vais demander à Sydney de faire une recherche approfondie sur elle. J'ai aussi une piste. Salomé.

Chloé lève un sourcil, à la fois intriguée et moqueuse :

- Ah ? T’es sûre que c’est pas parce que tu ne peux pas la voir ?

- Écoute ce que j’ai à dire et vois par toi même !

 

===

 

Le cours s’est terminé et j’ai marqué Maud à la culotte tout du long, espérant en apprendre plus. On a décidé qu’il était plus sage que Chloé s'occupe de Salomé car après nos premiers échanges, je crois qu’elle ne me porte pas dans son coeur. On se demande bien pourquoi ! 

Mais bon, malgré tous mes efforts, je n’ai pas avancé d’un iota. Ah pour s'exhiber devant ma charmante collègue y'a du monde, mais pour ma part mes mirettes sont hyper sèches, j'ai pas eu la chance de me rincer l'oeil ! 

Tout le monde se dirige vers les vestiaires et Chloé et moi traînons un peu en arrière, chacune de notre côté, attendant que les cabines se décongestionnent. La plupart des gens ont déjà quitté les lieux et Chloé pénètre dans la cabine la plus proche lorsque j’écarquille les yeux.

Ni une ni deux, j’empêche ma collègue de refermer derrière elle et m’immisce dans le cubicule à ses côtés, refermant derrière moi.

Je vois qu’elle s'apprête à râler mais place un doigt sur ses lèvres.

L'espace n’est pas pensé pour deux personnes et nous sommes tellement à l'étroit que je n’ai que très peu de chemin à faire pour lui murmurer à l'oreille :

- Une ancienne suspecte vient d'entrer dans la pièce. Elle sait qui je suis, je ne voulais pas risquer de me faire voir…

Malgré moi, je remarque la manière dont Chloé frissonne lorsque mon souffle vient caresser sa peau.

Elle m’indique qu’elle a compris d’un hochement de tête et elle comme moi tendons l'oreille, attendant impatiemment le bruit d’un verrou. Evidemment, comme par hasard, l'autre prend biiiiien son temps. Cette fois c'est sûr, je suis maudite. Ou j'étais un monstre dans une vie antérieure ! 

Ses vêtements de sport ne laissent que peu de place à l'imagination alors je n’ai pas d'autre choix que de croiser le regard de Chloé si je veux espérer rester maîtresse de moi même. Depuis sa proposition hier, j'ai eu le temps d'imaginer ce qu'il aurait pu se passer si j'avais des notions morales plus que discutables... Dans un cas comme dans l’autre, c’est de la torture.

Elle ne brise pas le contact visuel et je peux voir la couleur émeraude de ses yeux se faire grignoter par ses pupilles. Je sais ce que ça signifie.

La tension semble toujours passer de zéro à cent avec elle.

Elle fait un pas vers moi et je me retrouve plaquée contre la porte, le souffle court, bras ballants, ne sachant pas quoi faire.

Je me souviens très bien de ce qu’on s’est dit dans la voiture et ça ne me paraît pas DU TOUT en adéquation ! Elle me dévore littéralement du regard et empiète sur mon espace vital… Désolée mais ça ne crie pas “sois mon amie”!

Ses yeux vont se fixer sur mes lèvres et je la vois se pencher, puis marquer une pause.

Ce n'est ni l’endroit, ni le moment et ce qu’il me reste de conscience professionnelle m’indique que je devrais l'arrêter.

 

Maintenant, de préférence.

Mais j’en suis incapable.

Alors comme je ne peux pas reculer, encore moins la repousser, je ne bouge pas. En cet instant et avec le peu de contrôle qu'il me reste, c'est le mieux que je puisse faire. 

Quelle que soit sa décision, c’est à elle de la prendre. Je me contente de l'observer, voulant mémoriser chaque trait, chaque expression.

Chloé ferme les yeux un instant, fronce les sourcils et à l’instant où ses paupières se soulèvent à nouveau, je sais.

Je lis la détermination et j’ai à peine le temps de passer ma langue sur mes lèvres qu’elle franchit les derniers centimètres sans hésiter, plaquant son corps au mien, ses lèvres contre les miennes.

Fuck.

On ne devrait peut être pas, mais putain ce que c’est bon ! Je ne sais pas comment c’est possible, mais elle est à la fois hésitante et assurée.

Combien de fois j’ai rêvé de sentir sa bouche contre moi, de la manière dont son souffle se mêlerait au mien ? Bah laissez moi vous dire que j'avais fait un très mauvais travail. Rien ne vaut cette réalité.

Je ne tarde pas à passer ma langue sur ses lèvres, lui demandant la permission d’entrer, ayant besoin de plus. Nos langues se rencontrent et j’ai tout juste la présence d’esprit de ne pas gémir mon approbation. Elle m’embrasse avec passion et lorsque j’écarte les jambes, sa cuisse vient immédiatement faire pression là où j’en ai besoin.

Sans que je réalise, ma main est venue se placer à l'arrière de sa tête, l'empêchant de se reculer. Non pas qu’elle essayait.

La main qu’elle a sur ma hanche s'apprête à passer sous mon haut lorsqu’on entend quelque chose.

Chloé se recule immédiatement, yeux grands ouverts, aussi étonnée que moi. Ses lèvres semblent gonflées par nos baisers, son souffle est tout aussi erratique que le mien mais pourtant il faut que je parvienne à me concentrer.

Nan, c’est pas…

Le bruit se répète et cette fois il n’y a pas de doute. Du scotch. Puis un verrou, la porte qui grince.

Notre coupable.

Immédiatement, je m'avance, déverrouillant le loquet et me collant à Chloé afin d'ouvrir la porte dont le battant est vers l'intérieur.

On se rue toutes les deux à l'extérieur, ayant à peine le temps d'apercevoir une basket blanche.

Chloé lance un “stop”, immédiatement suivi de bruits de course alors que notre suspect prend la fuite.

Elle me lance :

- Sécurise la pièce à conviction.

Et se met immédiatement à courir après la personne tandis que je pousse les portes des cabines une a une.

Je trouve mon “bonheur” dans la dernière.

Ew.

 

Mais non !

De pire en pire.

Qui que soit le malade qui fait ça, je n’ai pas envie que Chloé se retrouve seule avec cette personne.

Je cours vers mon sac et rentre dans la cabine avec. J’attrape un mouchoir propre et ferme délicatement le verrou, le touchant le moins possible. Avec du bol, on trouvera des empreintes. Au pire, il y aura la photo.

Dès que c'est fait, je m’allonge à même le sol pour glisser sous la porte, mes baskets crissant à même le sol alors que j'entre dans le couloir à toute blinde.

Je cours vers l'accueil et m'adresse à Gladys :

- Chloé, la prof. Dans quelle direction elle est partie ?

Elle me regarde vraiment curieusement, se demandant certainement si j'ai à nouveau l'intention de la violenter et je m'apprête à réitérer ma question lorsqu’elle répond enfin :

- Elle est pas encore sortie je crois. Du moins je l'ai pas vue.

Fuck.

La sortie de secours.

Je fais demi tour et presse la barre permettant d’ouvrir la porte, qui s’ouvre sans résistance.

Pas sous alarme, évidemment.

J’aperçois immédiatement Chloé au loin, à la sortie d’un parking, mains sur les hanches, reprenant sa respiration et regardant fébrilement autour d’elle.

Je trottine dans sa direction et panique immédiatement.

Sous mes yeux, un papi déboule au volant d’une voiture sans permis, en train de farfouiller dans sa boîte à gants, les yeux partout sauf sur la route.

J’en suis certaine, il ne l’a pas vue.

 

3 novembre 2019

Hors Limites - Partie 11

J’ai les yeux détruits et les mains en piteux état, ce qui signifie qu’il est temps d’arrêter.

Rangeant mon matériel de couture, je jette un coup d’œil à ma montre.

Il est encore tôt et j’irais bien me promener.

Mon regard se porte machinalement vers ma fenêtre. Kara ne devrait pas streamer avant quelques heures, je pourrais peut être l’inviter à se joindre à moi…

Est-ce que je devrais ?

Je frappe à sa porte au moment même où je réalise que j’étais supposée prendre un peu de distance.

Elle m’ouvre rapidement, un sourire venant se poser sur son visage à l’instant où elle m’aperçoit. Elle se recule dans une invitation silencieuse, mais je préfère m’appuyer sur le chambranle de la porte, croisant les bras :

– Je vais aller faire un tour au parc, prendre un peu l’air, ça te tente ?

Enthousiaste, elle acquiesce d’un signe de tête :

– Laisse-moi juste cinq minutes pour me rendre présentable !

Intérieurement, je me demande ce qu’elle a bien besoin de faire de plus, étant donné qu’elle est déjà parfaite, mais ce n’est pas le genre de phrases qu’on peut sortir nonchalamment alors je m’abstiens de tout commentaire. 

Quinze minutes plus tard, on pose nos fesses dans l’herbe, au bord d’un petit point d’eau.

– Tu viens souvent ici ?

Haussant les épaules, je m’accoude et penche la tête en arrière, observant le ciel :

– Quand j’ai besoin d’un break.

Kara imite ma position et soupire avant de prendre la parole, plissant son nez :

– Je te comprends. J’adore ce que je fais, mais c’est parfois dur de déconnecter. D’avoir une vie à moi, en dehors de tout ça.

– Ton petit jardin secret.

– Exactement.

Ça me fait plaisir qu’elle se sente suffisamment à l’aise avec moi pour évoquer ce genre de sujet.

Elle pointe le ciel du doigt et lance :

– Mate, on dirait un chat !

Je repère le nuage auquel elle fait référence, mais pas franchement la ressemblance. Penchant la tête dans un sens, puis l’autre :

– Un chat ? Une théière plutôt !

Elle me regarde avec de grands yeux incrédules, comme si je venais de suggérer qu’elle aille faire trempette en mer du nord au cœur de l’hiver :

– Quoi ? Mais n’importe quoi ! T’as déjà vu une théière avec des oreilles toi ?

– Maintenant oui !

Je me fais frapper le bras et ne résiste pas à la tentation :

– Alors un peu plus tôt c’était genre « si un type bedonnant te met dans un sac la nuit, ne t’inquiètes pas, j’ai dit au père Noël que je te voulais » et maintenant je me retrouve violentée ! Deux poids deux mesures !

Kara s’accoude et m’adresse un sourire amusé :

– Ouhhh… T’as cherché de quoi me donner le change ou quoi ?

Plutôt que de répondre à sa question et admettre l’impensable, je choisis de me moquer une nouvelle fois :

– Nan, c’est juste qu’il y a quelque chose de magnifique dans tes yeux, quelque chose d’inspirant… Ah, c’est mon reflet !

Elle place une main sur son cœur, comme si je ne venais pas de m’auto complimenter et surenchérit :

– Je suis tellement perdue dans les tiens qu’on pourrait m’appeler Némo. Je compte sur toi pour me trouver !

Ce faisant, elle ponctue sa phrase d’un clin d’œil. Franchement, je ne sais pas où elle va les chercher, mais j’avoue que j’y ai pris goût. C’est d’autant plus ridicule qu’elle n’a jamais eu besoin de ça pour me séduire.

Faisant preuve de toute la retenue à ma disposition, je dissimule mon amusement et en rajoute une couche :

– Attends, je crois que t’as un truc sur les fesses… Ah non, c’est juste mon regard !

Elle éclate de rire et secoue la tête de gauche à droite :

– Pour le romantisme, on repassera !

Hey !

C’était tout à fait volontaire ! Mon but était uniquement de la faire rire. Je réponds sur un ton laissant entrevoir à quel point je suis offusquée :

– Je peux l’être, c’est juste un choix !

Clairement dubitative, elle bat des cils comme une damoiselle de dessin animé et me mets au défi :

– Je t’écoute Naomi, fais-moi rêver.

Me creusant les méninges, je cherche à trouver la phrase de drague la plus susceptible de lui clouer le bec. Ouhhh, je crois que j’en ai une bonne :

– Tu sais ce que c’est que le solipsisme ?

Fronçant les sourcils, elle s’attend sûrement à ce que ce soit ça ma connerie et répond d’un ton hésitant :

– Non ?

– En gros c’est l’idée selon laquelle le « moi », avec mes sensations, mes sentiments, etc. constitue la seule réalité existante dont je sois vraiment sûre à 100 %.

Je l’ai clairement perdue, puisqu’elle cherche à voir le rapport dans un :

– … Et ?

Mon piège se referme et je lui sors la technique de drague la plus classe de toute notre génération :

– Bah… Si tout ce qui est autour de moi est issu de mon imagination, alors je peux t’assurer que t’es de loin la meilleure chose que mon esprit a su créer.

Je tends le bras et lâche mon micro imaginaire.

L’objet de mes attentions m’observe la bouche ouverte pendant bien cinq secondes, complètement buguée.

Naomi 1 — Kara 0.

Finalement, ses lèvres dessinent le sourire de quelqu’un qui reconnaît sa défaite :

– Ok, ok, elle était pas mal. Je m’attendais à pire.

Peu disposée à cesser de me la péter, je n’hésite qu’un instant :

– De toute manière, qu’elle fonctionne pour emballer ou pas, ça aurait fini pareil !

– C’est à dire ?

– Je suis attirée par toi. Et selon la loi de l’attraction universelle de Newton, t’es forcément attirée par moi en retour.

Je suis profondément fière de ma réplique et vois bien qu’elle l’amuse également, même si je me fais remballer derrière :

– J’y crois pas ! Tu me diras avec des chevilles de cette taille, ça ne m’étonnerait pas que tu développes un champ gravitationnel !

– En parlant d’elles, je vais aller me les dégourdir, j’ai envie d’une crêpe. Ça te tente ?

– Non merci.

– T’es sûre ? Ils vendent peut-être aussi des gaufres…

– Oui.

Depuis quand elle refuse un dessert ? Surtout maintenant que j’ai évoqué son point faible : les gaufres ! 

– Certaine ?

Blasée face à mon insistance, elle m’adresse un regard équivoque et confirme d’un ton las :

– Oui...

– Ok, bouge pas je reviens.

N’attendant pas de réponse, je pars en trottinant en direction du marchand se trouvant un peu plus loin.

Quelques minutes plus tard, de retour, je mange ma délicieuse crêpe en solo, exagérant le plaisir que j’en tire.

– Mhhh… c’est trop bon !

Kara se tourne vers moi, un sourire aux lèvres :

– Qu’est-ce que tu essaies de faire au juste ?

C’est une question rhétorique s’il en est une, il est clair que mon but est de lui faire regretter son choix.

Je la fixe, mange une bouchée supplémentaire et ferme les yeux un instant avant de jouer les innocentes :

– Rien.

Lorsque je soulève mes paupières, son regard est braqué sur moi, le bleu de ses iris ayant quasiment disparu :

– Me cherche pas Naomi…

Me contentant d’un sourire, je termine ma crêpe et remarque que le petit carton fourni a fini plus marron que blanc…

Y voyant une occasion d’être cruelle, je n’hésite pas un seul instant.

Plongeant mon index dans la pâte à tartiner, je l’amène à ma bouche et la laisse apercevoir la manière dont ma langue le « nettoie » avant de refermer mes lèvres dessus.

– Je ne fais rien du tout ! 

Elle se décale, se rapprochant de moi :

– T’en as un peu…

Elle pointe du doigt la direction générale de ma bouche et ça ne m’aide pas du tout à localiser l’endroit. Je m’essuie d’un revers de main pas très gracieux et la regarde pour avoir confirmation :

– Non, toujours pas.

Je m’apprête à tenter à nouveau l’expérience, mais suis stoppée par ses doigts qui s’enroulent autour de mon poignet :

– Laisse-moi…

Elle se penche dans ma direction et lorsque je réalise ce qu’elle compte faire, je me recule.

Pour pas que ça ne soit bizarre, je me justifie immédiatement :

– On pourrait nous voir.

Elle se lève et me tend la main. Curieuse, je m’en empare et lui fais signe « juste 1 seconde », allant jeter mon carton dans une poubelle toute proche avant de revenir à ses côtés. Elle m’entraîne derrière un gros arbre, nous offrant une relative tranquillité.

Mon dos entre en contact avec le large tronc et Kara s’avance pour venir se coller à moi, me pressant contre l’écorce.

– Et maintenant ?

Ses yeux se posent sur mes lèvres et je me retrouve à court d’excuses. Je sais que ce n’est pas sérieux entre nous, mais lorsqu’elle me regarde comme ça, j’ai peur de me prendre au jeu et me perdre en chemin.

Pour toute réponse, je souris. C’est le seul feu vert que j’ai l’intention de lui donner.

Ça lui suffit et une seconde plus tard, ses lèvres sont sur les miennes. Elle m’embrasse avec une délicatesse qui contraste avec nos baisers « habituels ». Celui-là a goût de promesse plus que d’interdit. Il n’a pas vocation à initier quoi que ce soit, même si la façon dont elle englobe ma lèvre inférieure entre les siennes pour la « nettoyer » ne me laisse pas indifférente. 

Je savais bien que mes phrases de drague allaient faire leur petit effet.

Mes mains vont chercher appui sur ses hanches, ayant besoin de plus de contact.

Bien trop tôt à mon goût, elle détache ses lèvres des miennes et je dois me faire violence pour ne pas les pourchasser.

Elle va juste assez loin pour poser son front contre le mien, nos souffles se mêlant :

– T’as pas idée de ce que tu me fais…

Mon cœur manque quelques battements et l’espèce de vague d’excitation mêlée d’espoir qui me gagne me fait franchement flipper. Je crève d’envie d’en savoir plus, mais ai peur que la question ne me soit retournée, préférant donc garder le silence. Pour éviter de ne dire une bêtise, je glisse ma main à l’arrière de sa nuque et l’attire dans un baiser brûlant. L’urgence, l’excitation, l’envie, je peux gérer. Pas le sentiment d’appartenance qu’elle m’évoque lorsqu’elle m’embrasse comme si j’étais la pièce manquante à son puzzle.

Malgré moi, mes lèvres dévoilent tout ce que ma voix n’ose pas dire, une once de possessivité et de contrôle venant s’ajouter à l’addition. Kara me maintient contre le tronc de son corps, une jambe entre mes cuisses et j’ai toutes les peines du monde à garder à l’esprit que nous sommes dans un lieu public. J’ai envie qu’elle me ravage, qu’elle mette sa marque sur mon corps sachant qu’après, je vais la posséder à mon tour...

Elle se recule très soudainement, me laissant sur ma faim et venant me clouer sur place d’un regard intense, l’une de ses mains serrant le tissu de ma veste :

– On rentre ?

Ses iris sont réduits à de fines lignes bleues et il est clair que la question en dissimule une autre :

– Je sais pas… Ton frère…

Elle jette un coup d’œil à sa montre avant de répondre :

– Il donne un cours à la salle d’ici dix minutes, il sera probablement déjà parti d’ici à ce qu’on revienne. Et Nathan est au boulot…

Si j’étais encore capable de réfléchir avec ma tête, j’aurais certainement honte de la rapidité avec laquelle j’acquiesce. La même urgence se reflète dans les yeux de Kara, me consolant un peu.

Une minute plus tard, on marche toutes les deux d’un pas vif en direction de la sortie du parc. Arrivées au pied de l’immeuble, Kara demande :

– Ma chambre, d’ici cinq minutes ?

Je hoche la tête à l’affirmative et ouvre la porte, la laissant passer.

Ces cinq minutes vont être longues. C’est l’occasion ou jamais de reprendre mon souffle et mes esprits.

 

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Ma main tremble légèrement alors que je l’amène à la porte pour toquer, exactement 300 secondes après être revenues. À peine m’a-t-elle donné l’autorisation d’entrer que je ferme derrière moi, tournant lentement le verrou, comme pour faire monter l’anticipation.

Kara est adossée à sa tête de lit, jambes tendues sous la couette.

Souriante, je vais dans sa direction, grimpant sur le matelas et avançant à 4 pattes jusqu’à me retrouver à cheval sur elle, sans pour autant la toucher :

– Madame a sonné ?

Ses lèvres s’étirent dans un sourire coquin, lançant :

– Mhh… J’aime assez l’idée, mais on va garder ce type de jeux pour une autre fois, j’ai déjà quelque chose en tête…

– Du genre ?

Plaçant ses mains sur mes hanches, elle m’abaisse de sorte que j’entre en contact avec son corps.

Mes yeux s’écarquillent légèrement, avant que je ne parvienne à dissimuler ma surprise. Même à travers la couette, il est évident qu’il y a quelque chose qui n’est pas là en temps normal !

Un lent sourire gagne mes lèvres alors que je me décale pour pousser la couette et découvrir ce qu’il se cache en dessous.

Je hausse un sourcil en voyant qu’elle a mis un jogging, le tissu laissant deviner la forme du sex toy qu’il dissimule.

Appréhendant ma réaction face à sa nouvelle addition, Kara demande :

– Si ça te tente pas, t’as qu’un mot à dire…

C’est gentil à elle de s’inquiéter, mais il n’y a pas de quoi.

Plaçant une paume assurée sur son entrejambe, j’enroule mes doigts autour de son initiative, guettant sa réaction :

– J’ai l’air mécontente ?

Elle se mord la lèvre, son regard oscillant entre ma main et mes yeux :

– J’ai pas arrêté d’y penser depuis que tu m’as dit que tu me laisserais l’utiliser sur toi…

J’admire la manière avec laquelle elle navigue la frontière entre la fragilité et l’audace. Elle n’a pas peur de ses envies, de tenter…

Peut-être que je devrais m’en inspirer :

– Retire tes vêtements.

Je me recule pour passer mon T-shirt au-dessus de ma tête, braquant mon regard sur elle, attendant qu’elle fasse de même.

L’urgence avec laquelle elle m’imite me rend dingue. Elle est absolument sublime et disposée à suivre mes directives à la lettre.

Je ne sais pas ce que j’ai fait pour en arriver là, mais on ne va pas m’entendre m’en plaindre. Elle s’arc-boute le temps de glisser un bras dans son dos, dégrafant son soutien-gorge et s’en débarrassant immédiatement.

Avant qu’elle ne s’attaque au bas, je l’arrête, m’emparant de ses poignets et les écartant hors de mon chemin.

Je sens le poids du regard de Kara sur moi alors que je me penche jusqu’à venir frôler le galbe de sa poitrine du bout des lèvres. La chair de poule la gagne et je peux voir ses tétons se dresser sous mes yeux. Sa respiration s’accélère et une telle réaction devant si peu de choses mérite bien une récompense, non ? J’amène une main à son sein gauche, tandis que ma langue s’occupe du droit.

Après quelques minutes d’une opération de douce torture durant laquelle Kara se cambre pour venir à la rencontre de ma bouche, je décide de passer aux choses sérieuses.

Je me recule, passant la pulpe de mes doigts le long de ses côtes, parcourant ses abdominaux pour finalement les glisser sous l’élastique de son jogging.

Mes yeux viennent croiser les siens, voulant m’assurer qu’elle est toujours partante.

Ses hanches se soulèvent légèrement, m’offrant la confirmation escomptée.

Je ne perds pas un instant de plus avant de baisser le tissu, mon regard se portant immédiatement sur le sex-toy nouvellement dévoilé.

Alors que je m’attendais à voir un harnais, je suis agréablement surprise de ne découvrir que du silicone… 

Elle a choisi le type de modèle où la porteuse a une extrémité en elle… et l’a enfilé juste avant que je n’arrive.

– Je voulais être sûre de te sentir autant que possible…

Ça m’excite de réaliser qu’elle pensait à ce moment alors que l’on s’embrassait au parc… Je regrette de ne pas avoir pu assister à la « pose », mais savoir qu’elle m’avait en tête en préparant cette surprise est une contrepartie qui ne me déplaît pas ! En plus, elle a opté pour une couleur non réaliste et une taille raisonnable, pile le genre de produit que j’aurais choisi moi-même.

Je caresse l’objet de ma paume, avant d’enrouler ma main autour de la base, tirant délicatement dessus et scrutant sa réaction.

Kara ferme les yeux, prend sa lèvre inférieure entre ses dents et donne un coup de bassin inconscient. Elle est tellement réactive, j’ai hâte de voir ce que ça peut donner…

Ne voulant pas perdre une minute de plus, je me débarrasse de tout ce qu’il me reste de vêtements, Kara faisant de même de son côté.

Je lutte contre l’envie de me ruer immédiatement sur elle, prenant le temps de laisser mon regard la parcourir des pieds à la tête. Ok, j’ai peut-être marqué une légère pause à la jonction de ses cuisses, mais qui peut m’en blâmer ?

Souriante, elle m’invite à m’approcher d’un signe de l’index. Une fois à genoux de part et d’autre de ses hanches, Kara glisse ses mains dans mon dos, passant ses ongles sur ma peau et créant des frissons.

Elle lève les yeux, son regard croisant le mien.

Le temps s’arrête l’espace de quelques instants, alors que l’on échange beaucoup, sans rien se dire.

Je suis la première à craquer, capturant ses lèvres.

Ses mains se portent sur mes seins, les caressant avec possessivité. Alors que l’on reprend notre respiration, ses paumes glissent jusqu’à mes hanches, se faisant présentes, mais pas pressantes.

Nos deux regards vont se poser plus au sud et elle demande doucement :

– J’ai une bouteille de lubrifiant, si jamais…

– Pas besoin…

M’emparant de sa main, je l’amène à mon entrejambe, la laissant me redécouvrir du bout des doigts.

J’ai envie de réaffirmer mon désir pour elle, de souligner à quel point elle me plaît, mais ne suis pas prête à m’aventurer sur ce terrain, les mots mourant sur mes lèvres. À la place, je l’attire à moi, plaquant son visage contre mon buste et déposant un baiser dans ses cheveux. Le sourire que je sens contre ma peau me distrait presque du plaisir qu’elle me donne du bout des doigts. Mais aussi agréable que ce moment soit, j’ai une expérience à partager avec elle.

Elle écarte sa main d’elle-même, alors que je glisse la mienne entre nous. Je tire affectueusement sur le sex-toy, recevant un grognement en retour, avant de le passer le long de mon entrejambe, m’assurant qu’il soit lubrifié.

– Laisse-moi…

Kara m’incite à m’abaisser d’une main sur ma hanche et le positionne à l’entrée de mon sexe, attendant de capter mon regard.

Les yeux dans les siens, je place une paume sur son épaule et hésite à partager quelque chose…

Finalement, au vu de toutes les premières fois qu’elle a connues avec moi, je confesse :

– Fais doucement, je… j’ai jamais été de ce côté-là.

Elle acquiesce d’un signe de tête et glisse une main à l’arrière de ma nuque pour m’attirer dans un baiser. Si elle a conscience de mon moment de vulnérabilité, elle n’en fait pas état.

Ma langue va à la rencontre de la sienne, me distrayant alors que son bassin se soulève. Elle me pénètre lentement tout en continuant à m’embrasser, avalant l’expiration qui m’échappe et me laissant le temps de m’adapter à cette nouvelle sensation.

Elle s’est arrêtée après quelques centimètres seulement, se reculant légèrement, posant son front contre le mien pour venir demander :

– Ça va ?

Plutôt que de répondre, je recapture ses lèvres et m’abaisse jusqu’à ce qu’elle soit entièrement en moi.

Un gémissement m’échappe et je passe quelques instants à respirer le même air que Kara avant de me mettre en mouvement.

Je me soulève, laissant quasiment le sex-toy m’échapper, puis reviens m’empaler dessus.

Le regard de Kara est sur moi, oscillant entre mon visage et la partie qui nous connecte. D’un simple coup d’œil, elle arrive à éclipser tous mes doutes, me faisant me sentir sexy et désirée.

Gagnant en assurance, je prends appui sur son épaule d’une main et accélère le rythme.

Le jouet n’est pas aussi précis que peuvent l’être ses doigts, mais suffisamment large pour m’offrir de la friction là où il faut à chaque va-et-vient.

Ralentissant, j’opte pour des mouvements circulaires, m’assurant que le sex-toy frotte son clitoris à chaque passage. Immédiatement, elle profite du moment de calme relatif pour détacher sa paume de ma hanche et caresser mes seins.

Bien qu’elle ait nettement moins bougé, Kara est tout aussi essoufflée que moi et ça me plaît de savoir que c’est moi qui l’ai mise dans cet état.

Ayant certainement peur de me faire mal, son bassin remue timidement sous moi et il est hors de question qu’elle aille streamer sans m’avoir fait voir ce dont elle est capable.

Plaçant un doigt sous son menton, je l’incite à lever la tête, déposant un baiser sur ses lèvres et demandant :

– C’était ce que tu avais imaginé ?

Lorsqu’ils viennent croiser les miens, ses yeux sont tellement noirs que c’en serait presque effrayant, si ce n’était pas si excitant.

Elle hoche la tête à l’affirmative, hésitant un instant avant de dire :

– … J’ai vraiment l’impression d’être en toi.

– Tu l’es…

Ma réponse devait être la bonne, puisqu’elle me vaut un petit coup de bassin. Fuck.

Je ne peux plus attendre.

Arrêtant mes mouvements, je me soulève et me recule, le jouet me quittant et venant s’abattre sur son pubis, recouvert des preuves de mon envie.

On l’observe toutes les deux, avant que je ne capte son attention en bougeant. Elle fronce légèrement les sourcils en me voyant m’éloigner à reculons, me plaçant plus au centre du matelas.

Sans dire un mot, je m’installe sur le dos, épaules en direction du pied du lit. Soulevant la tête, je lui souris et écarte les jambes, sachant qu’elle va comprendre le message.

Immédiatement, elle se retrouve à genoux entre mes cuisses, la base du jouet dans la main, prête à le guider en moi.

Elle lève les yeux dans ma direction et confirme mes doutes :

– J’ai peur de te faire mal.

Je soulève légèrement mon bassin et m’efforce d’être claire :

– T’en fais pas... J’ai envie…

Je marque une pause, me demandant si c’est bien raisonnable d’en dévoiler autant.

Oh et puis merde.

– Je veux pas choisir le rythme. Je veux que tu me prennes.

J’ai envie qu’elle me possède, que l’espace d’un échange, je sois sa chose. Par le passé, j’ai toujours été dans la retenue et le contrôle, mais plus maintenant. Autant qu’on explore toutes les deux… Notre arrangement est probablement à durée limitée, j’ai plutôt intérêt à en profiter tant que je le peux. 

Je m’offre à elle, sachant qu’elle me connaît suffisamment pour mesurer la confiance que je lui témoigne. Mes yeux vont se ficher dans les siens et son regard m’indique que mon but est atteint.

Elle place ses paumes à l’intérieur de mes cuisses, les écartant encore plus. Sans se servir de ses mains, elle positionne le sex toy et pousse légèrement, les yeux braqués sur l’action.

Je sais ce qu’elle voit.

Je sens la manière dont je pulse autour de la tête du jouet, la façon dont mon sexe s’écarte pour l’accommoder.

J’ai déjà été à sa place, mais jamais je ne me serai doutée à quel point c’est excitant de voir faire l’autre, d’attendre, à sa merci. 

Soudainement, elle s’empare d’une de mes jambes. Elle la pose sur son épaule et me pénètre intégralement.

Je m’arc-boute, plantant ma tête dans le matelas, incapable de retenir un gémissement de plaisir. Sous cet angle, son pubis vient stimuler mon clitoris et c’est absolument divin. 

Mon poing se referme sur la couette alors que Kara se laisse tomber en avant, les mains placées de part et d’autre de mes côtes.

Elle commence à bouger et c’est exactement comme je l’espérais. Si mes mouvements étaient relativement fluides, les siens ne le sont pas et à chaque à-coup, elle frappe pile là où il faut. 

Franchissant les derniers centimètres qui nous séparent, elle m’embrasse et continue de bouger à un rythme quasi punitif.  

Détachant mes lèvres des siennes, je viens capter son regard, nos souffles se mêlant alors qu’elle s’active au-dessus de moi. Luttant pour réussir à parler, je demande :

– C’est comme ça que tu l’imaginais ?

Elle se mord la lèvre, baisse les yeux pour observer ce qu’elle me fait, avant de m’apporter confirmation dans un sourire essoufflé :

– Mieux.

Souriant, je passe une main dans son dos, appréciant la manière dont je sens ses muscles se contracter sous mes doigts.

La pression monte vite et d’un côté je n’ai pas envie que ça s’arrête, de l’autre, rester sur le fil est à la limite de l’insoutenable. Je la dévore du regard, voulant graver dans ma mémoire la manière dont Kara se donne autant qu’elle me prend.

Mes muscles commencent à se contracter et j’amène ma main à ma poitrine, plantant mes yeux dans les siens jusqu’à ne plus être capable de les maintenir ouverts. Kara m’accompagne tout du long, ne s’arrêtant que lorsque je lui tapote le ventre pour lui signaler de stopper. Si je jouis une fois de plus j’ai peur de perdre connaissance !

Je sens qu’elle a l’intention de se reculer et l’attire à moi.

– Je vais t’écraser.

– Nhh nhh. Discute pas !

Bien qu’elle marmonne quelque chose ressemblant étonnamment à « tellement autoritaire ! », elle s’allonge sur moi et j’enroule mes bras autour d’elle, sentant son cœur battre contre le mien.

Je suis extrêmement essoufflée pour quelqu’un qui n’a pas fait la majorité du boulot, j’ai des fourmis dans les jambes, mais peu importe. Ce n’est pas ça que je retiens.

En cet instant, je perçois à quel point ce moment est rare.

D’habitude, on réalise que l’on était heureux après coup.

Mais pas là.

C’est peut-être l’effet post-orgasme, mais j’ai quasiment jamais éprouvé un sentiment de plénitude pareil.

Sentir sa peau, le poids de son corps, savoir qu’elle est toujours en moi… C’est niais, mais je me sens connectée, comprise.

À la manière dont elle me laisse le temps de me remettre, déposant des baisers fugaces le long de ma mâchoire avant de remonter pour en placer un plus appuyé près de ma tempe, je me dis qu’il y a peut-être moyen que ça ait été spécial pour elle aussi.  

Je sais que ce n’est pas ce sur quoi on s’est mises d’accord, mais je ne peux pas décemment lui en parler. L’idée de me faire rejeter, que je sois la seule à percevoir une connexion me terrifie et m’incite à garder le silence.

Savourant le moment, je la laisse me câliner pendant quelques minutes avant de me tourner pour capturer ses lèvres, le baiser gagnant rapidement en intensité. Je pensais avoir eu mon compte, mais l’embrasser a eu le même effet sur moi que souffler sur le feu…

Lorsque Kara se redresse pour reprendre sa respiration, elle plante son regard dans le mien, les yeux noirs et m’ordonne :

– Mets-toi à quatre pattes.

Elle me laisse le champ libre et nos yeux sont fixés sur l’endroit qui nous lie alors que je me recule pour me mettre en position.

En toute honnêteté, mes jambes sont toujours un peu flageolantes et je ne sais pas combien de temps mes bras vont supporter mon poids, mais c’est loin de suffire à me dissuader. Jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, je ne manque rien de la manière dont Kara me dévore du regard avant d’empoigner le sex toy d’une main, l’autre venant se placer sur ma hanche.

Elle se positionne à l’entrée de mon sexe, ne faisant que des micros mouvements qui me laissent sur ma faim. Ses yeux sont braqués sur mon entrejambe et j’ai conscience qu’elle ne manque rien de la manière dont mes muscles tentent de l’attirer en moi.

D’un côté, j’ai envie de subir la torture autant qu’elle le veut, parce que ça me plaît d’être exposée, de savoir que je suis à sa merci, de l’autre, j’ai envie de plus. J’ai toujours eu du mal à laisser le contrôle aux autres, mais rien que pour cette fois, être possédée par Kara tout du long est tentant.

Comme si elle a senti mon hésitation et qu’elle ne veut pas risquer que je vienne m’empaler, sa main se resserre sur ma hanche, faisant passer un signal clair.

Ok.

Je ne bouge pas.

Alors j’attends.

Ma respiration est saccadée, pleine d’anticipation.

Finalement, elle prend la parole :

– Regarde-moi.

Posant un coude sur le matelas, je l’observe par-dessus mon épaule et maintiens le contact alors même qu’elle me pénètre lentement. Une fois en moi, elle marque une courte pause, m’adressant un sourire limite arrogant avant de se mettre en mouvement.

Bien vite, je n’arrive plus à tenir et place mon autre avant-bras sur le matelas, tête baissée. Je copie son rythme autant que possible, me reculant lorsqu’elle se retire et la rejoignant au milieu. Quitte à me retrouver dans cette situation, autant me donner jusqu’au bout.

Son autre main se pose sur mes hanches, accompagnant nos mouvements. Sa poigne est ferme et ça m’excite de savoir que c’est elle qui a le contrôle. Dans cette position, elle peut aller encore plus loin en moi, stimulant mon point G à chaque va-et-vient.

Heureusement que l’appartement est à nous, car entre mes gémissements irréprimables et les claquements de peau que font nos corps à chaque fois qu’ils se retrouvent, personne ne se demanderait ce que l’on est en train de faire.

Elle détache l’une de ses mains pour la positionner à la jonction entre mon cou et mon épaule à l’instant même où mes bras lâchent.

Mes poings se serrent à même le drap alors que je fais tout mon possible pour faire durer le moment.

Visage à même le matelas, je n’arrive plus à répondre à ses mouvements, la laissant maîtresse de mon plaisir. En d’autres circonstances, j’aurais peut-être honte de l’abandon dont je fais preuve, mais en ce moment tout ce qui m’intéresse est de profiter, d’arriver à la culmination que je sens approcher.

Sa cadence ne faiblit pas alors même que ma bouche est sèche à force de haleter. Je songe à lui dire que je suis à deux doigts de jouir, mais non seulement je pense qu’elle le sait, mais en plus je ne suis plus vraiment en mesure d’avoir des propos cohérents.

Sa main quitte ma hanche pour venir trouver mon clitoris et ses gestes, même rendus imprécis par ses mouvements, suffisent à me faire basculer.

Alors que mon corps se contracte, elle me maintient toujours en place, m’empêchant de me dérober à mon plaisir.

Elle se retire et je m’étale à plat ventre, tremblotante, complètement épuisée.

Kara s’allonge à mes côtés, partiellement sur moi, un bras autour de ma taille et elle aussi à bout de souffle. Péniblement, je parviens à annoncer :

– Donne-moi juste quatre ou cinq heures pour me remettre et je m’occupe de toi.

Elle laisse s’échapper un petit rire, me caressant le dos et déposant un baiser sur mon épaule :

– T’en fais pas, j’y ai plus que trouvé mon compte...

Mon cœur manque quelques battements et j’espère que ces moments resteront aussi mémorables pour elle que pour moi.

7 mars 2018

Chapitre 12

On est dans un bar, avec les garçons et Alycia, à fêter les génies de l’amour autoproclamés.

Et je suis officiellement la pire imbécile que la terre ait portée pour avoir accepté cette blague pas drôle de base.

Sasha se montre affectueuse et c’est horrible. Je n’ose pas spécialement initier de geste tendre moi-même parce que ce serait abuser de la situation et je ne veux pas ça.

Lorsqu’elle finit enfin par se lever, non sans déposer un baiser sur ma joue, je peine à retenir un soupir de soulagement.

Immédiatement, Dom me lance :

- Si elle te fait du mal, je serai dispo pour t’aider à disposer du corps, promis.

Je regarde mon collègue et ami, toujours très dramatique, et réplique :

- Merci, mais ça ne sera pas nécessaire.

- Nickel. Passons aux vraies questions alors : c’est comment le sexe ?

Alycia frappe l’épaule de Dom et lui explique :

- Ça ne se demande pas !

James intervient :

- De toute manière pas besoin de confirmation de sa part, si j’avais su qu’il fallait qu’elle couche pour transformer grincheux en sœur sourire j’aurais organisé beaucoup plus de soirées à l’école !

- Ouais bah écoute moi bien Monsieur l’oracle du sexe, on -

Il m’interrompt en pleine lancée pour s’exclamer :

- Mais oui, c’est trop ça ! Je suis un oracle du sexe ! Le gourou de la fornication, le devin du coït, le vaticinateur de la copulation…

Mon Dieu… Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre...

J’avoue néanmoins que c’est assez drôle de les observer se vanter d’être à l’origine de notre « relation ».

- Avant de t’emballer et d’envisager une reconversion, écoute la suite : pour votre gouverne, on a choisi de ne pas se précipiter et de prendre notre temps.

Dom boude instantanément :

- Nul !

Adressant un clin d’œil à Alycia, je rétorque :

- Vois le bon côté des choses Dom, tu n’as plus à vivre par procuration.

- J’avoue.

Se penchant, il dépose un baiser sur ses lèvres et je souris devant ce geste.

James me regarde, les yeux plissés :

- Vous avez décidé d’attendre ?

Oh oh… N’oublie pas tes mensonges Héléna, il va falloir les relater à Sasha pour tenir le même discours.

- Oui.

- Elle doit vraiment être spéciale… Je veux dire, tu as toujours été très… au fait de tes pulsions.

-_-’

Ou comment fortement insinuer que j’ai chaud aux fesses.

Haussant les épaules, je n’essaie pas de nier l’évidence :

- Je sais ce que je veux et si l’autre personne est ok… C’est pas comme si je passais de femme en femme.

Et si j’ai couché sans avoir l’intention d’entamer une relation amoureuse, je me suis montrée très claire d’entrée…  

Sentant certainement que sa formulation était maladroite, il précise :

- Le prends pas mal. C’est juste que quand une nana a capté ton attention, elle ne met pas longtemps à craquer en général.

Ça m’extirpe un sourire. James est un coureur, mais bien souvent j’avais tout autant de succès que lui. Le fait qu’il le reconnaisse publiquement m’apporte une genre de fierté mal placée !

Ils reprennent une discussion qui ressemble moins à un interrogatoire et mes yeux sont irrémédiablement attirés par Sasha, accoudée au bar dans une petite robe vert émeraude qui marque sa taille fine et fait ressortir la couleur de ses yeux. Elle parle à un mec dont les intentions semblent claires et j’essaie d’ignorer les sentiments que ça m’évoque.

M’efforçant de suivre la conversation, je fais tout pour éviter de tourner la tête en direction du bar. Face à l’échec cuisant et avant que les garçons ne le remarquent, j’attrape mon sac et m’éclipse aux toilettes.

Regardant mon reflet dans le miroir, je me penche pour retoucher mon maquillage, comme on le ferait avec ses peintures de guerre avant la bataille.

Une fois satisfaite du résultat, je passe ma main dans mes cheveux et retourne à notre table.

Je les entends avant qu’ils ne me voient :

- Sérieux ? Tu ne trouves pas ça louche ? Non seulement elles ne couchent pas et en plus ça ne dérange pas Héléna que Sasha se fasse accoster sous ses yeux ?!

Putain de James. Il est trop observateur et intelligent pour son propre bien !

- Je les connais pas assez pour me prononcer.

Au moins, Alycia ne se prononce pas. Dom par contre :

- T’as pas tort. Maintenant que tu le dis… Tu penses qu’elles pourraient nous faire marcher ?

Oh non, hors de question de les laisser s’aventurer sur cette pente. Déposant mon verre sur la table pour leur signaler ma présence, je m’assieds comme si de rien n’était.

Sauf que s’ils me questionnent je suis mal.

Plan B.

J’en ai pas, mais je vais improviser.

Mon regard se porte sur Sasha, toujours occupée à taper la discute avec un étranger. C’est son idée de merde et c’est moi qui répare les pots cassés.

Buvant une lampée de mon verre, j’annonce que je reviens et marche en direction de ma collègue. Le mec qui la drague me fixe d’un drôle d’air en me voyant approcher, mais je ne lui prête pas la moindre attention.

Sans hésiter, je me glisse derrière elle, plaçant une main sur sa hanche et écartant ses cheveux pour lui murmurer à l’oreille, d’un ton ne dissimulant pas mon agacement :

- Si tu veux te le taper, prends son numéro et donne-lui rendez-vous plus tard, mais ne me laisse pas seule avec eux ! Quand je suis revenue des toilettes, ils étaient en train de se poser des questions. Je suis 100% pour arrêter cette charade alors si t’en as déjà marre, dis-le clairement !

Mes collègues nous regardent, c’est pourquoi je m’arrange pour que mon agacement ne soit perceptible qu’au niveau de ma voix.

Elle lève un doigt dans un signe “une minute” en direction de son interlocuteur et se tourne, laissant ma main en place et refermant les siennes derrière ma nuque :

- Jalouse ?

Ses lèvres s’étirent en un sourire coquin et je sais qu’elle plaisante, mais cette situation me saoule. Ignorant sa question, j’ajoute :

- Je pense que c’est mieux qu’on arrête les frais maintenant, on n’arrivera jamais à vendre cette histoire.

M’ignorant, elle écarte mes cheveux et sa bouche s’attaque au lobe de mon oreille. Le type à qui elle parlait y va de son petit commentaire approbateur, mais je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il raconte, trop occupée à ne pas me liquéfier.

- Sasha, je peux savoir ce que tu fais ?

Ses dents commencent à me mordiller, m’extirpant frisson sur frisson. Je résiste à l’envie de fermer les yeux, par peur de m’oublier dans l’illusion.

Ma collègue se recule, ses yeux verts venant trouver les miens dans la pénombre relative du bar. Sa langue parcourt ses lèvres lentement, comme pour me donner le temps d’objecter.

Face à mon silence, elle place la paume de sa main sur ma joue dans un :

- Fais-le.

Inutile qu’elle précise, je sais exactement à quoi elle fait référence.

Quand on en a parlé ce matin il n’était pas question de ça....

Je déglutis mais ne bouge pas, calculant mes options.

Pourquoi elle tient tant que ça à cette pauvre blague ?

Je secoue très légèrement la tête de gauche à droite, espérant que mon geste suffira à la dissuader étant donné que je ne fais pas du tout confiance à ma voix.

- Embrasse-moi Héléna.

Oh et puis merde.

Je ne suis pas une nonne… Tout le monde a ses limites et les miennes sont atteintes.

Ma main sur sa hanche attire son bassin plus à moi. Trouvant une ultime validation dans son regard, je me penche lentement jusqu’à venir capturer ses lèvres des miennes. Elle répond instantanément, la main toujours dans ma nuque m’incitant à me rapprocher davantage.

Pendant un moment, nos lèvres se cherchent, se frôlent, prennent le temps d’une lente découverte.

Techniquement, il s’agit d’une re-découverte mais ce baiser n’a strictement rien à voir avec celui de la kiss cam.

Je la sens demander la permission de sa langue et s’il me restait un soupçon de sanité d’esprit, j’aurais sûrement cessé le show tant qu’il était relativement chaste.

Mais j’entrouvre ma bouche et entends l’une de nous gémir lorsque nos langues entrent en contact. Le baiser, auparavant doux et lent, devient vite hors de contrôle.

Comme si j’avais été aimantée, je viens coller le reste de mon corps au sien jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une once d’espace entre nous. Ma main se resserre sur sa hanche dans un geste possessif et c’est en entendant le type s’exclamer :

- O...k. Je l’avais pas vu venir, mais ne vous gênez surtout pas pour moi les filles, j’approuve !

.. que je réalise où nous sommes. Je ralentis le baiser et me recule, gardant mon front contre celui de Sasha pour repousser le moment où je croiserai son regard.

Elle y lirait bien trop, j’ai besoin d’un instant pour me composer.

C’est elle qui est passée au niveau supérieur, mais j’ai répondu avec beaucoup plus d’enthousiasme que prévu. Je ne sais pas pourquoi j’ai laissé les choses aller aussi loin. Je cours à la catastrophe...

Elle exhale dans un rire :

- Je comprends nettement mieux pourquoi cette nana avait l’air tout à fait disposée à ce que tu la ramènes chez toi.

Je rigole à mon tour et lui frappe doucement le bras sans rien dire.

Elle se recule et vient croiser mon regard, le maintenant pendant quelques secondes avant de demander :

- Tu crois qu’ils doutent encore ?

Souriante, je réplique :

- Tu plaisantes j’espère ? J’étais moi-même à deux doigts d’y croire !

Elle baisse un peu la tête, comme gênée, mais m’adresse néanmoins un regard mi-timide mi-prometteur à travers ses cils.

Le type dont j’avais totalement oublié l’existence nous rappelle qu’il est toujours là dans un :

- Si vous voulez… On peut partir.

Oui mec, c’est ce qu’on va faire. Tu vas aller d’un côté et nous de l’autre !

Je lève les yeux pour l’observer par-dessus l’épaule de Sasha, haussant un sourcil l’air de dire “vraiment ?”.

Non pas que je puisse le blâmer, à sa place j’aurais aussi tenté ma chance et au moins il n’est pas insistant. Mais il est hors de question que je le touche, même avec un bâton. Fort heureusement, Sasha m’épargne l’annonce peu diplomate de mon désintérêt total pour son genre dans un :

- Désolée Simon, j’avais pas réalisé que… Tu vois.

Je plisse les yeux, fronçant les sourcils. Pas trop non…

Mais visiblement lui oui puisqu’il acquiesce d’un signe de tête, il lui sourit et indique :

- Pas de problème, je m’incline ! Amusez-vous bien.

Il me fait un clin d’œil complice et s’éclipse, nous laissant retourner à notre table où nos collègues font mine de n’avoir aucune idée de ce qui vient de se dérouler.

J’aurais pu y croire… Si je ne les connaissais pas...

M’asseyant à côté de Dom, je le vois m’adresser un pouce en l’air discret. On ne le changera pas. Prise d’une soudaine envie, je saisis la main de Sasha et entrelace nos doigts.

Elle me sourit et presse légèrement la mienne en retour.

Tandis que la conversation suit son cours autour de moi, je laisse mon esprit divaguer.

J’ai terriblement peur de m’y faire.

Comment va être le retour à la réalité ? J’ai comme l’impression que ça va me faire bizarre.

Est-ce que je devrais accepter de voir Rachel malgré tout ? Histoire de ne pas me retrouver seule… Ce ne serait pas très sympa pour elle, mais me considérer comme le plan de secours ne l’est pas non plus.

Sasha serre un peu ma main pour attirer mon attention.

- Ça va ? T’as l’air ailleurs.

J’acquiesce dans un sourire et lui dépose un baiser sur le front de la manière la plus naturelle du monde, ne le réalisant qu’après coup.

Il va être temps de te poser les bonnes questions Héléna, de prendre du recul, voire un bol d’air.

Sasha, loin de tout ça, place nos mains jointes sur sa cuisse, me caressant de son pouce.  

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La journée de formation est interminable et malgré la bonne humeur de mes collègues, je n’ai qu’une seule envie : me pendre ! Heureusement, il ne reste plus que 5 minutes.

Je n’ose pas regarder l’autre côté de la salle, sachant pertinemment par qui serait captée mon attention. Le problème quand on essaie de ne pas penser à quelque chose ou quelqu’un, c’est que ça ne marche pas !

Du tout !

Du coup, je dois constamment surveiller mes pensées et ne pas les laisser divaguer. Ça m’épuise.

Ce matin, je me suis levée tôt et ai évité le petit déjeuner. J’ai fait de même à midi. Je ne sais pas ce que Sasha a dit pour expliquer mon absence et m’en contrefous. L’important, c’est qu’ils ne m’ont pas posé de questions et que si j’arrive à limiter les interactions sociales pour le temps qu’il reste (ce soir et demain donc), ça devrait le faire.

Sauf qu’on a tous promis d’aider Dom à cuisiner, car il souhaite faire une surprise à Alycia et est un véritable désastre culinaire. En soi, je ne suis pas étonnée qu’il fasse ça, je ne sais pas si elle en a conscience, mais elle est tombée sur un type bien.

Dès que c’est l’heure, j’attrape mes affaires et attends patiemment mes collègues, demandant à Dom :

- Tu comptes lui faire quoi ?

Se tournant vers moi, il m’adresse un large sourire et annonce :

- J’ai acheté le nécessaire pour que tu puisses me faire deux tartes au citron meringuées.

- Deux ?

Haussant les épaules, il explique :

- Une pour mon repas romantique, l’autre pour que tu marques des points auprès de ta promise.

Quand on parle du loup, on en voit la queue. Ayant visiblement entendu la fin de notre conversation, Sasha place une main dans le bas de mon dos, dépose un bisou sur ma joue et demande :

- Qu’est-ce qui te fait croire qu’elle a besoin d’en marquer davantage ?

Je lui adresse un sourire, soulagée qu’elle ne m’ait pas embrassée, et tente ma chance :

- Je ne fais pas la seconde tarte alors ?

- Essaie pour voir !

Plissant les yeux, elle me fixe d’un regard pseudo menaçant pendant quelques secondes, avant d’emboîter le pas à nos collègues.

Nous retournons tous à l’appart et chacun s’attèle à sa tâche, avec Dom comme contremaître, chargé de mettre la table et de s’occuper de la décoration.

J’avance bien, mais suis constamment obligée de repousser James et Sasha qui ne cessent de tenter de manger un peu de pâte ou de crème citron…  D’un côté ils m’agacent, de l’autre j’ai l’impression qu’on a toujours vécu ensemble.

Une fois mes œuvres terminées, je me retire dans ma chambre et m’allonge sur le lit avec soulagement, un bon bouquin en main. Il ne faut que quelques minutes avant que quelqu’un ne vienne me déranger en frappant à la porte.

Retenant un soupir, j’indique :

- Entre.

Sasha s’exécute et s’adosse à la porte, m’adressant un sourire prudent et demandant :

- Ça va ?

- Oui et toi ?

Elle hoche la tête et reprend la parole :

- J’ai eu droit au discours “si tu lui fais du mal, sache que je sais comment lester un corps afin qu’il reste au fond de l’eau” de la part de Dom et James ce matin.

Haha, m’étonne pas d’eux. Ça fait plaisir de voir qu’ils assurent mes arrières.

Retenant la page et déposant mon livre à côté de moi, je rétorque :

- T’es toujours vivante donc j’en déduis que tu as su répondre.

- Apparemment.

Sasha marque une pause, penchant la tête, dissimulant son visage derrière ses cheveux avant de passer une main nerveuse dedans pour finalement croiser mon regard et d’annoncer :

- Je suis désolée si je t’ai mise mal à l’aise, je ne veux pas que tu te sentes obligée de m’éviter.

Oh oh. Je regarde partout sauf dans sa direction, essayant de pondre une excuse qui ne révèlerait pas la vraie raison pour laquelle je n’arrive pas à me lâcher. Parce que soyons honnêtes, on a tous fait des fêtes où l’on s’est retrouvé à embrasser des gens en étant saouls et aucun fromage n’a été fait pour autant. Donc techniquement je fais des histoires pour pas grand-chose. Et ça aurait été n’importe quelle autre femme, ça ne me poserait strictement aucun problème. Mais là, c’en est un.

S’approchant de moi jusqu’à s’accroupir au bord du lit, Sasha saisit ma main dans la sienne :

- Hey… On en a parlé hier, si ça va trop loin pour toi, on arrête ok ? C’est juste une blague, je le prendrais pas mal ni rien t’en fais pas.

Ses yeux d’un vert impossible viennent se poser sur moi et il est temps d’arrêter de déconner avant qu’elle n’assemble les pièces du puzzle d’elle-même.

Je suis une adulte. Je peux gérer une vraie fausse relation de trois jours avec la femme qui m’attire. J’arrive à faire croire aux clients qu’ils ont besoin de nos machines alors ça, ça devrait être un jeu d’enfant !

Allez Héléna, tu peux le faire.

Mode actrice : on.

Je lui fais un sourire et roule des yeux comme si elle venait de dire une énorme connerie et mens comme une arracheuse de dents :

- Je t’évite pas crâne d’œuf, j’avais des trucs à faire c’est tout ! Tout ne tourne pas autour de toi tu sais !

La sentant dubitative, je rajoute en plaisantant :

- Je sais que c’est probablement l’unique occasion que tu auras d’approcher une bombe sexuelle de mon calibre, mais c’est pas sain de t’investir à ce point dans notre relation factice.

Son visage exprime un très clair “tu veux vraiment la jouer comme ça ?” et je me fais remballer dans les règles de l’art :

- C’est ça James. Le seul calibre impressionnant est celui de tes énormes chevilles.

- Oh oui, dis-moi des mots d’amour !

Elle s’empare de l’oreiller auquel je ne suis pas adossée et me l’éclate littéralement sur le visage. Elle a vraiment un truc avec les coussins !

Ooomph.

Lui arrachant des mains, je me relève et enroule mon bras autour de son cou, comme si je voulais lui faire un savon, avant de lui fourrer l’oreiller en pleine face à de multiples reprises !

Face à ses menaces étouffées, je décide d’en remettre une couche :

- Qu’est-ce que tu dis mon cœur ? J’entends pas bien !

Elle réussit finalement à me repousser sur mon dos et je m’accorde un moment pour l’observer, avec ses cheveux décoiffés, son air outré et sa bouche entrouverte d’indignation.

Faisant mine de s’échauffer le cou et de faire craquer ses doigts, elle m’annonce :

- Tu vas tellement regretter d’avoir fait ça !

Paumes en l’air, je me moque :

- Ouhhh, j’ai trop peur.

Une seconde elle est à côté de moi, celle d’après elle me chevauche, les mains autour de mes poignets à présent plaqués sur le matelas au niveau de ma tête.

La petite fouine, elle est rapide, je ne l’avais pas vu venir ce coup-là.

Son visage adopte une expression suffisante tandis qu’elle me provoque :

- Et maintenant ?

Si c’était supposé m’effrayer, c’est raté. Ce n’est pas vraiment déplaisant de me retrouver sous elle.

Bah c’est une crevette, je l’éjecte quand je veux.

Certaine de mon succès, je rue violemment dans le but de la déloger. Mais elle m’accompagne d’un mouvement de bassin, telle une habituée des taureaux mécaniques et m’adresse un sourire satisfait.

Merde !

Pour être tout à fait honnête, j’hésite entre l’étonnement, la frustration et l’excitation.

Quelqu’un toque à la porte de la chambre et c’est avec effroi que j’observe Sasha adopter un air amusé et dire “entrez”.

Dans le genre position compromettante on a rarement vu pire ! Je refuse de leur donner l’impression d’être soumise !

Ne m’avouant pas vaincue, je recommence à lutter, cette fois de toutes mes forces. Après quelques essais infructueux, je réussis à la faire basculer.

À son tour, elle se retrouve sur le dos sauf que je suis allongée entre ses jambes écartées.

Je n’ai pas le temps de jubiler que James se racle lourdement la gorge :

- Va falloir évacuer les lieux dès que vous aurez fini vos accouplements. Alycia ne devrait plus tarder.

Honteuse, je cache mon visage au creux du cou de Sasha, que la situation amuse visiblement.

J’entends que mon collègue commence à refermer la porte, puis s’arrête un instant pour lancer :

- Et Héléna ? … Je ne veux plus jamais t’entendre parler de l’histoire du saule pleureur.

Je relève la tête et m’apprête à argumenter que ce à quoi il vient d’assister n’a strictement rien à voir avec la fois où je l’ai surpris avec une charmante demoiselle à genoux devant lui sous ce fameux arbre, mais il ne m’en laisse pas le temps et claque la porte.

Sasha me regarde :

- Le saule pleureur ?

- Crois-moi, tu veux pas savoir. Vraiiiiiment pas.

Je me soulève et roule pour m’installer à ses côtés, m’accoudant pour mieux l’observer et me renseigne :

- C’est quoi le plan ce soir du coup ?

- Retrouver James et Chris et aviser.

- Pfff… Dom va nous être teeellement redevable de lui laisser le champ libre.

- Tu m’étonnes.

On garde le silence un moment, aucune de nous ne faisant le moindre mouvement jusqu’à ce que Sasha demande :

- On est vraiment ok ?

Je me redresse et attends que son regard croise le mien avant de lancer :

- Je sais ce que tu essaies de faire !

Comme prévu, son  incompréhension est totale et je me penche au-dessus d’elle, appuyée sur mes bras de part et d’autre de sa tête, mon visage suffisamment proche du sien pour la faire douter de mes intentions, avant de reprendre :

- Il va falloir trouver une autre excuse pour me pousser à faire un remake d’hier soir.

Je ponctue le tout d’un bisou sur son front, fière de moi, avant de quitter la chambre comme une reine.

Elle est pas belle la vie ?

 

28 février 2018

Chapitre 8

Une fois de retour à l’appart, on va se préparer pour la soirée chacune de notre côté. Le reste de l’après-midi s’est relativement bien déroulé, mais je n’arrive pas à croire que j’ai pu faire une remarque pareille. C’était totalement gratuit et j’étais agacée c’est sûr, mais c’était disproportionné.

 

Je m’affale sur le canapé et regarde l’heure. Normalement, on attend Alycia et Chris en plus de mes collègues ce soir.

James m’a annoncé qu’il avait invité le bellâtre en scrutant mon visage. Je devine quel type de réaction il espérait susciter, mais je me suis contentée de hausser les épaules en lançant un “ok”.

Est-ce que je pense toujours que Sasha et lui vont aussi bien ensemble que des huîtres et du beurre de cacahuètes ?

Oui, absolument.

Est-ce que ça me regarde ?
Pas le moins du monde.

James sort de sa tanière et vient s’installer à côté de moi, plaçant son bras autour de mon épaule :

- Comment ça va ?

- Bien et toi ? Prêt pour ce soir ? Je suis étonnée de voir que tu n’as pas invité de fille.

Il m’adresse un sourire arrogant et réplique :

- Toujours, comme les scouts. Et les personnes au génie équivalent au mien ne courent pas les rues, j’y peux rien.

Levant les yeux au ciel, je rétorque :

- Hmm Hmm, continue de te dire ça Cortex.

- Tu réalises que ça fait de toi Minus ?

- Non, ça c’est Dom.

On se regarde et explosons de rire tous les deux. Ça m’avait manqué de passer du temps avec lui.

- Et sinon comment ça se passe avec Sasha ?

Ça par contre, ça ne m’avait pas manqué !  

- On a fait des progrès.

- Et ton coup de cœur ?

- Celui que tu as inventé ? Toujours imaginaire merci bien.

- Un jour tu réaliseras que mon génie ne se limite pas à l'ingénierie et ce jour-là, j’espère bien que tu décideras d’appeler ton premier-né comme moi.

- Un : à ta place je ne retiendrais pas mon souffle. Deux : même si on devenait toutes les deux amnésiques et que l’impensable se produisait, un prodige de ton calibre devrait savoir comment fonctionne le système reproductif humain. Femme + Femme ne donne pas bébé.

- Je suis certain que ça ne vous empêchera pas d’essayer.

- AIT. Empêcherait. Tout est dans ta tête souviens-toi.

James me regarde et chantonne :

- Pour l’instant...
Pourquoi c’est mon ami déjà ?

Fort heureusement, l’arrivée des invités met fin à ce dialogue de sourds. Je connais bien le lascar et sais pertinemment qu’une fois qu’une idée a germé dans son esprit, elle devient un baobab et inutile d’essayer de la lui retirer sans un tractopelle géant.

Avant que l’on ait pu bouger le moindre orteil, Dom se rue pour aller ouvrir. Il y en a un qui a hâte de retrouver sa dulcinée ! Alycia est parfaite pour lui, le jour et la nuit par rapport à sa relation avec Mélissa. Ça fait plaisir de le voir dans une dynamique on ne peut plus saine. Je ne suis pas peu fière d’avoir facilité leur rapprochement. Je ne me serai pas sacrifiée pour rien !

Cette dernière passe la porte et lui dépose un petit bisou sur les lèvres avant de venir nous saluer.

Dom serre la main de Chris et hurle :

- Sasha, ils sont arrivés ramène toi !  

Je me lève pour aller chercher les amuse-bouche que l’on a préparés. À mon retour, je vois que ma collègue a piqué ma place et est tout contre James, bien qu’il ait retiré son bras.

Ces deux-là n’ont vraiment aucune notion d’espace vital. Plutôt que d’essayer de me glisser dans le petit espace restant, j’opte pour ramener une chaise de la cuisine.

Je sens les yeux de James sur moi, questionnant certainement mon choix et en déduisant très probablement une énième théorie loufoque. La discussion va bon train et tout le monde à l’air de passer un bon moment.

James se lève soudainement, part dans sa chambre et retourne avec une guitare :

- Regardez ce que j’ai acheté pour une bouchée de pain aujourd’hui !

Dom lui lance un regard circonspect :

- Depuis quand tu joues ?

- Je sais pas jouer, mais quitte à être coincé dans le même appart qu’elle je me suis dit qu’elle pourrait m’apprendre.

Il me pointe du doigt en annonçant cela.

Et merde.

Connaissant l’oreille musicale de James, j’ai plus de chances d’enseigner la physique quantique à un rhinocéros que d’en faire un bon guitariste.

J’entends Sasha s’exclamer :

- Tu joues ?

À ton avis ? M’épargnant une rechute, Dom répond à ma place :

- Très bien. Tu devrais nous faire une démo Héléna.

Bande de traîtres. Je reconnais un coup monté quand j’en vois un et si le clin d’œil que vient de m’adresser James est une quelconque indication, c’en est un.

Ils sont tous deux persuadés que mon apprentissage était lié à un stratagème pour draguer les filles. Ma mère a beau être musicienne professionnelle, apparemment ça n’entre pas en ligne de compte…

J’accepte la guitare sans broncher. Inutile de me lancer dans une argumentation que je suis certaine de perdre.
- Vous voulez quoi !? De tête je peux vous faire dancing on my own (la version Scott Callum), Work Song de Hozier, Horse with no name, euh…
James m'interrompt dans ma liste de chansons relativement lentes ne me demandant pas d’effort et je ne suis pas du tout étonnée de sa suggestion :
- Girl crush !
Depuis que je l’ai chantée après une soirée bien arrosée à l’école, il me la réclame systématiquement. Soi-disant parce que “c’est super beau comme déclaration d’amour, la nana aime tellement le gars que bla bla bla… “.
Dom manifeste son enthousiasme dans un :
- Je vote pour aussi !
Sasha, Alycia et Chris n’ont pas l’air de connaître alors c’est l’occasion de leur faire découvrir.
Plaçant mes doigts sur les cordes, je passe quelques instants à accorder avant de me lancer :
- I got a girl crush…  (Traduction sauvage : J’ai un coup de cœur pour cette fille)
hate to admit it but (ça me tue de l’admettre, mais)
I got a heart rush (j’ai le cœur qui palpite,)
Ain’t slowing down (qui ne ralentit pas)

En chantant, je m’efforce de regarder tout le monde à parts égales, pour éviter qu'on ne puisse lire plus que les paroles de chanson dans mon interprétation.
Sasha
- I want to taste her lips (je veux goûter ses lèvres)
Chris
- Yeah, ‘cause they taste like you (parce qu’elles ont goût de toi)
Dom
- I want to drown myself (je veux me noyer)
Alycia
- In a bottle of her perfume (dans une bouteille de son parfum)
James, qui mime un fouettement de chevelure L’Oréal.
- I want her long blond hair (je veux ses longs cheveux blonds)
Sasha
- I want her magic touch, yeah ‘cause maybe then (je veux son “toucher magique”, ouais parce qu’alors peut-être)
Chris
- You’d want me just as much (que tu me voudrais tout autant)
Dom
- I got a girl crush…  (j’ai un coup de cœur pour cette fille)
Je continue sur ma lancée, me prenant dans la chanson. La pauvre Alycia est trimballée de gauche à droite par un Dom qui se balance en rythme. James a sorti le briquet et s’adonne à un play-back enthousiaste. Sasha m’écoute avec attention, sourire aux lèvres et Chris a un air chelou mais semble content.
Je joue les dernières notes et souris devant les applaudissements qui me sont adressés.
J’ai à peine terminé que James se rue sur moi, décale la guitare, me chevauche et m’attrape vigoureusement le visage, lançant :
- Pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt !?
Il ferme les yeux, ouvre grand la bouche en tirant la langue et s’approche dangereusement. Je sais qu'il plaisante et ne va rien faire, mais j’ai quand même l’air horrifiée, à juste titre je pense !
Il s’arrête au moment où je commence à remettre en question mes certitudes, m’adresse un clin d’œil et me dépose un bisou sur le front avant de retourner à sa place.
Une fois qu’elle a fini de rire des bêtises de James, Alycia me complimente :
- Tu chantes super bien !
- Merci.
Je tends la guitare à Dom, sachant que même s’il n’est pas musicien per se, il se débrouille plutôt pas mal.
C’est l’occasion d’impressionner ta belle mon vieux.

Ne rate pas ton coup.
Reconnaissant mon geste pour ce qu’il est, il m’adresse un sourire de remerciement.
La soirée avance dans une ambiance très sympathique, tout le monde étant de bonne humeur.
Je me lève pour aller me rafraîchir un instant. Il fait super chaud dans le salon et j’ai les mains moites, je déteste ça. Je me les lave et humidifie ma nuque tout en jetant un coup d’œil dans le miroir pour constater l’absence de dégâts capillaires. Nickel.
En repartant, je tombe nez à nez avec Chris dans le couloir.
Je lui fais une espèce de sourire faux-cul et attends avec impatience qu’il se pousse.
- Tu as bien chanté tout à l'heure.
- Merci.
Et au revoir ?
Je le regarde fixement sans dire un mot de plus, toujours avec mon sourire-grimace, espérant qu’il comprenne le message.
Allez bouge j’ai pas que ça à faire !
Un soupir d’agacement m’échappe en l’entendant reprendre la parole :
- J’ai tout de suite pigé ce que tu voulais me dire… J’avoue que ça m’a étonné, à cause des rumeurs qui courent à ton sujet, mais c’est une bonne surprise. Et tu n’as pas à t’en faire pour Sasha !
Mais qu’est-ce qu’il bave encore ?
Fronçant les sourcils, je m’apprête à lui demander de quoi il parle lorsqu'il fait la dernière des choses auxquelles je m’attends : placer une main derrière ma nuque et m’embrasser.
What the fuck !?
Ma réaction est immédiate et pas du tout délicate. Je le repousse des deux mains et m’essuie la bouche sur ma manche, lui lançant un regard courroucé. Le genre qui ferait faire demi-tour à Wolverine.
Avant que je ne puisse vocaliser mon outrage, j’entends un lourd raclement de gorge.
Sasha a les mains sur ses hanches et un sourcil levé.
Génial.

Une querelle d’amoureux.

Et moi au milieu ?

Même pas en rêve !
N’attendant pas leur aval et ne voulant pas être présente pour la discussion à suivre, je fonce dans la salle de bain.
Alors que je suis en train de tout retourner à la recherche d’un produit décapant suffisamment puissant pour retirer les trois premières épaisseurs de peau sur mes lèvres, la porte s’ouvre et se referme derrière moi.
Comme d’habitude, il n’y a pas de javel quand on en a besoin.
Ne prêtant pas attention à Sasha, adossée à la porte fermée, je prends un peu de mon gel douche et m’en tartine abondamment la bouche avant de rincer le tout à grande eau.

Berk berk berk.

J’espère que je ne vais pas choper la mononucléose !
La désinfection externe est très loin d’être suffisante alors je mets une quantité industrielle de dentifrice sur ma brosse à dents et m’assieds sur le rebord de la baignoire, observant Sasha du coin de l’œil avant de demander :

- Quoi ?

- Je dois dire que c’était la dernière des choses sur laquelle je pensais tomber !

Je lui adresse un regard noir et termine le brossage avant de répondre :

- Ouais, bah t’étais pas la seule surprise !

Il est hors de question que j’endure une quelconque conversation quant aux raisons qui ont pu pousser son petit copain à m’agresser de la sorte. Je n’ai rien à voir là-dedans et lui laisse bien volontiers.

- Alors, ça fait quoi ?

Vraiment Sasha ?

Ma réaction ne t’indique pas à quel point j’ai aimé ? L'idée de subir ça une seconde fois m’horrifie plus que celle de trouver un cafard dans ma part de tarte.

Si jamais elle me propose un plan à trois, je saute dans la baignoire et m’étrangle avec le fil de douche.

Voulant être la plus claire possible, je lance :

- Ça confirme encore un peu plus mon orientation sexuelle ! Il n’y a que sur toi que ses charmes opèrent, rassure-toi !

Elle fronce les sourcils et s’enquiert :

- Euh…Tu peux extrapoler ? J’ai un peu peur de comprendre ce que tu sous-entends…

- Toi et Chris... tu sais ! Si votre relation était supposée être secrète, c’est raté, tout le monde est au courant.

Elle lève les yeux au ciel :

- Pas toi aussi ! Comment vous pouvez croire à cette histoire ?

- Excuse-moi, mais tu as vu vos interactions ?

Les mimant l’un et l’autre, prenant une voix fluette et niaise pour Sasha et celle d’un gros benêt pour lui, je refais la scène :

« - T’as ce qu’il me faut ? *lèvres duckface et battements de cils*

- Ouais bébé tu sais bien que j’obtiens toujours ce que je veux ! *époussetage d’épaule en bombant le torse *

- Hihihi tu es trop fort viens là que je me colle à toi mon apollon. »

Bien que mon interprétation soit splendide, Sasha n’a pas l’air de l’apprécier à sa juste valeur :

- Dans mes souvenirs, ça ne s’est pas du tout passé comme ça ! Et la seule raison pour laquelle les gens pensent ça, c’est parce qu’il m’a fait le même coup qu’à toi l’an dernier et comme par hasard ils sont arrivés pile au mauvais moment.

- Tu veux dire que toi et lui … ?

Je la pointe d’un signe de doigt, attendant qu’elle explique :

- Allons aussi bien ensemble qu’un cul-de-jatte dans la salle d’attente d’un pédicure ? Oui.

Je ne sais pas quoi faire de cette nouvelle.

J’en reviens à mon niveau d’information d’il y a quelques jours et je ne sais pas si cela est supposé m’apporter le soulagement que je ressens.

Elle ne sortirait donc pas avec le bellâtre ?

- Suis-moi.

Sasha s’empare de ma main, ne me laissant pas d’autre choix que de lui emboîter le pas. Elle m’entraîne en direction de sa chambre, ouvrant la porte d’un geste brusque.

J’ai moyennement confiance, je ne le sens pas ce coup-là.

- Ferme les yeux. Je vais te montrer ce qu’il m’a donné.

Je n’ai plus du tout confiance.

Je m’exécute de mauvaise grâce et lance quand même un avertissement dans le doute :

- Si quand je les ouvre j’ai le sexe de ton copain en visuel, tu finiras avec un eunuque, que ça soit clair !

- Très drôle.

Je l’entends farfouiller je ne sais où, puis le bruit d’un sachet.

- Tu peux y aller.

Devant moi se tient Sasha avec en main un maillot des Cleveland Cavaliers, floqué LeBron James et qui a l’air…

J’écarquille les yeux et ouvre la bouche tellement je suis surprise :

- Nan !?

Elle rougit et acquiesce d’un mouvement de tête.

- Tu m’as obtenu un maillot dédicacé ?

Elle hausse les épaules comme si ce n’était rien !

- J’avais l’intuition que tu allais jouer le jeu suite au pari et voulais te remonter le moral. Je pensais te le donner ce soir.

- Comment tu as fait ?

- L’an dernier, Chris s’était vanté que son cousin connaissait le neveu d’un des joueurs… J’ai tenté ma chance et tadaa.

J’ai un peu peur de demander ce qu’elle a dû faire en échange de ce “service”. Je devrais peut-être passer le maillot à la lampe noire, histoire d’être sûre…

Je ne sais pas si elle lit dans mes pensées ou quoi, mais Sasha précise d’elle-même :

- C’était sa manière à lui de s’excuser pour n’avoir pas mis fin aux rumeurs de l’an dernier…

- Oh.

Elle penche légèrement la tête et demande dans un sourire en coin :

- J’ai même pas un merci ?

Oh merde ! Sois pas ingrate Héléna, mets-toi en mouvement.

Je m’approche à grands pas, jette le maillot sur le lit et la prends dans mes bras, allant jusqu’à la soulever. Plaçant mon visage au creux de son cou, je m’efforce de ne pas sourire lorsque ses jambes s’enroulent autour de ma taille. J’ai tort de profiter, mais en même temps il ne faut pas qu’elle pense que ce geste n’est pas apprécié à sa juste valeur. C’est très attentionné de sa part et elle n’était pas obligée de faire quoi que ce soit.

- Merci Sasha.

Elle place un baiser sur mes cheveux avant de dire d’une voix douce :

- De rien.

Tu devrais la déposer Héléna.

C’est moyennement amical comme position. Et vous n’êtes même pas vraiment amies !

Comme pour me narguer, mes bras se resserrent au creux de son dos et Sasha répond en enroulant encore plus les siens autour de mes épaules.

Je niche un peu plus mon visage dans son cou, m’imprégnant de l’odeur de sa peau et luttant contre l’envie d’y placer mes lèvres, me contentant d’un soupir de plénitude.

Le frisson qu’il produit est immanquable et Sasha murmure “Héléna…” avant de se reculer pour venir trouver mon regard.

- Les filles, on m’a envoyée à votre recherche, vous faites qu-

Les mots meurent dans la gorge d’Alycia et je grogne de dépit en constatant que je me retrouve à nouveau dans une situation improbable.

Déposant Sasha à terre, je l’entends grommeler :

- Évidemment, il fallait que ce soit ELLE qui me surprenne dans une position qui a l’air louche...

Ça m’amuse, jusqu’à ce que je me rappelle que Dom a ouvert la porte sur Sasha en peignoir entre mes jambes écartées quelques jours plus tôt.

Pourvu qu’il ne lui en ait pas parlé sinon j’ose à peine imaginer les rumeurs…

En plus, Alycia faisait partie de ceux qui l’avaient vue dans le couloir avec Chris et pensent toujours qu’ils sont ensemble.

Omg.

Non.

Bonjour l’angoisse maintenant j’ai l'air d’être sa maîtresse c’est encore pire !

Malheureusement, Alycia se remet plus vite du choc que nous :

- Je vais vous laisser… finir, je leur dis que vous arrivez.

Elle s’enfuit à toute blinde, sans que l’on puisse réagir.

Sasha me lance un regard désespéré.

- Tu crois qu’on devrait essayer de se justifier ?

Elle hausse les épaules, clairement dubitative :

- Honnêtement, je pense que tout ce qu’on pourra dire aura l’air d’une excuse...

Elle me fait un petit sourire désolé et se dirige vers la porte. Je suis prise d’une soudaine envie de faire durer le moment et lui tapote le bras pour attirer son attention.

Se retournant, elle attend que je lui indique ce que je veux et plutôt que de questionner mon impulsion, je me contente d’ouvrir les bras dans une question muette.

Son visage s’illumine et elle se rue sur moi, à tel point que je manque de basculer sur le lit, tenant difficilement debout.

Cette fois-ci c’est elle qui place sa tête au creux de mon cou, étant légèrement plus petite que moi de base.

Je n’hésite pas à retourner l’étreinte, la sentant sourire contre ma peau. C’est à peine si je me reconnais, demander des câlins n’est pas mon genre et pourtant je ne regrette pas un instant.

Je ne sais pas quand j’ai franchi le cap “familiarité tactile” avec Sasha, mais je suis de l’autre côté de la barrière sans la moindre idée de comment j’ai pu atterrir là.

- Merci encore.

Je sais, je sais.

Ce n’était pas tant un “merci pour le cadeau” qu’un “j’en ai envie” mais je ne me sens pas capable de l’assumer. Envers elle comme envers moi.

Elle se recule et me dépose un bisou sur la joue avant de partir d’un pas léger sans un regard en arrière.

18 mars 2018

Chapitre 17

Ça fait une semaine que je suis privée de contact après avoir été ensemble H24 et la serrer contre moi suffit à évacuer une grosse partie de la pression emmagasinée. Son odeur, la manière qu’elle a de s’accrocher à ma nuque comme si sa vie en dépendait… La situation est pourrie et pourtant elle arrive à désamorcer la tension en un claquement de doigts.

Elle se recule et place ses mains sur mes joues, m’incitant à venir croiser son regard :

- Je suis vraiment, vraiment désolée… Cette fois j’ai appris ma leçon, je te promets.

Je vois dans ses yeux qu’elle est totalement sincère et lui souris timidement, répondant d’un ton qui laisse entrevoir beaucoup trop de vulnérabilité à mon goût :

- Je te crois.

On reste comme ça, enlacées et les yeux dans ceux de l’autre, comme si le temps s’était arrêté. De là où je me tiens, je jurerai que je ne suis pas la seule à avoir des sentiments. Mais chat échaudé craint l’eau froide et je n’ai pas l’intention de me lancer dans la seconde où elle fait amende honorable.

C’est elle qui brise l’instant en se reculant légèrement et baissant la tête pour annoncer :

- Si ça peut te consoler, j’étais misérable toute la semaine…

Ça m’extirpe un petit sourire triste :

- Va pas le répéter parce que je nierai jusqu’au bout, mais moi aussi.

- Ok alors si jamais je tombe sur la tête et recommence mes conneries, dis-moi… euh…  cucurbitacée et je m’arrêterai pour écouter.

Un de mes sourcils se soulève tout seul devant le mot choisi.

- Cucurbitacée ? Et t’as pas intérêt à remettre le couvert Dastré, j’ai beau avoir un faible pour les imbéciles au sang chaud, faut pas pousser mémé dans les orties.

Elle ne commente pas tout de suite, m’adressant un de ces sourires coquins qui me semblent réservés avant de lancer :

- Allez viens Nounours grognon, il y a une fête qui nous attend.

Sasha a à peine fini sa phrase qu’elle fuit de l’autre côté de la voiture. La petite pouf, elle savait que je l’aurais punie si elle était restée à proximité.

J’essaie de dissimuler mon amusement et tente d’être menaçante :

- Gaffe Sasha, tu marches sur une corde raide là…

Je me glisse dans le siège conducteur et reçois instantanément un bisou sur la joue.

Pas bête, elle attend que je démarre pour en remettre une couche :

- Naaan, je le connais, il joue les durs, mais c’est une vraie guimauve.

- T’as du bol que je sois en train de conduire je t’aurais fait tâter de mes muscles, on verrait qui en est une !

Je ne peux pas la regarder, mais j’entends très clairement le sourire dans sa voix lorsqu’elle se moque une fois de plus :

- Deux minutes qu’on a mis les choses au clair et déjà occupée à me faire des propositions indécentes, je te reconnais bien là !

- Hey, qui se ressemble s’assemble !  

Elle a l’air particulièrement offensée par ce que je viens de lui dire, répondant du tac au tac d’un ton haut perché :

- Je ne t’ai jamais fait de proposition indécente !!

Arrivant devant la maison de Dom, je gare la voiture et fais mine de compter sur mes doigts :

- Alors voyons… Il y a eu la fois où tu m’as quasi forcée à dormir avec toi, la fois où tu m’as suppliée de faire semblant d’être en couple, la fois où tu m’as demandé de t’embrasser… Nan t’as raison, le blâme est entièrement sur mes épaules.

Elle me regarde, les yeux et la bouche grands ouverts. On dirait un oisillon qui attend qu’on lui glisse un ver dans le gosier ! Je crois que je l’ai bien eue.

Finalement, elle semble retrouver ses esprits et me lance :

- On est bien d’accord, tout est de ta faute.

Je lui souris et sors de la voiture. On se rejoint devant mon capot alors que je verrouille les portières et elle demande :

- Rassure-moi, je ne suis pas une Chris au féminin ?

Euh… Non. Déjà s’il me refait un coup “baiser surprise” il aura droit à “perte de dents surprise” en représailles, alors que Sasha peut faire ça à loisir on ne m’entendra pas me plaindre…  

- T’as idée de combien de temps j’ai passé à me désinfecter la bouche après l’épisode horrifique du couloir ?

Elle retient un sourire, ses yeux ne dissimulant pas son amusement :

- Une petite…

- Est-ce que tu m’as vue m’enfuir dans la salle de bain comme si chewbacca venait de me proposer un accouplement après qu’on se soit embrassées ? Et puis j’étais en quelque sorte prévenue.

- Charmant visuel. Et dit comme ça…

- Rassurée ?

- Très.

Donnant un signe de tête en direction de la porte, je demande :

- Prête à y aller ?

- Oui, prépare-toi à devoir repousser les vagues d’admirateurs en pâmoison devant mon look avant-gardiste.

Elle pointe ses collants troués du doigt d’un air dépité, comme si c’était la fin du monde. Levant les yeux au ciel, je fais de mon mieux pour la rassurer :

- Tu peux toujours les retirer, ni vu ni connu.

Je toque à la porte et fais face à une Sasha souriante, qui annonce d’un air malicieux :  

- Encore à essayer de me faire ôter mes habits !

J’approche ma bouche de son oreille et laisse mon souffle la caresser une seconde avant de demander d’une voix aussi suave que possible :

- La vraie question est : est-ce que ça fonctionne ?

Tu devrais vraiment arrêter de flirter comme ça.

Ça ne fait même pas 15 minutes qu’elle a rendu très clair le peu de considération qu’elle te porte, le masochisme aussi a ses limites.

Et puis pour être honnête, elle est tactile et non-homophobe, mais on ne sait pour autant pas si elle est intéressée par les femmes. S’il faut, tu es juste en train de te ridiculiser.

Je me recule pour lui adresser un sourire arrogant, persuadée qu’elle ne trouvera rien à répondre à ça.

Ne s’avouant pourtant pas vaincue, Sasha place ses mains au niveau de mes clavicules et s’approche jusqu’à n’être plus qu’à quelques millimètres de mes lèvres :

- On repart ensemble ce soir…

Interloquée, je fronce les sourcils. Elle est sérieuse ? C’était si facile que ça ? Suffisait de demander ? Ma mère m’aurait menti et il n’est même pas utile de dire “s’il te plaît ?”.

Mes pensées sont stoppées net par une Sasha qui éclate de rire, penchée en deux :

- Hahaaaa t’aurais vu ta tête ! Ma voiture est en panne je te rappelle !

Oh. Oui, c’est vrai.

Fort heureusement, je suis sauvée par Dom, ouvrant la porte d’entrée comme une brute, s’exclamant :

- Ahhh vous voilà, pas trop tôt !

S’il est étonné de nous voir arriver ensemble et apparemment en bons termes, il ne le montre pas.

De l’intérieur de la maison, une voix ressemblant étonnamment à celle de James demande :

- Les strip-teaseuses sont là ?

Sasha et moi ouvrons de grands yeux ronds, nous regardant l’une l’autre. J’ai dû rater un épisode, ou quinze.

Je n’étais pas au courant qu’il s’agissait de ce genre de soirée sinon j’aime mieux vous dire que j’aurais passé mon tour !

Si je devais subir la vue d’une jeune femme dénudée se frottant à Dom ou James… Disons que si la crise de vomissements qui s’en suivrait ne m’achevait pas, l’arrêt cardiaque s’en chargerait.

- Euh… Dom ?

- Relax, il vous fait marcher. À moins que vous ne vouliez nous faire un spectacle ?

À son ton et au frétillement de ses sourcils, il est plus qu’évident qu’il plaisante, c’est pourquoi pour toute réponse je le pousse d’une main sur le torse, entrant dans sa maison, balançant au passage un :

- Dans tes rêves.

Avant que Sasha et moi n’atteignions le salon, j’attrape sa main et l’entraîne dans le bureau. Elle me suit sans poser de question, me lançant juste un regard interrogateur lorsque je l’incite à rentrer et reste moi-même à l’extérieur :

- Retire tes collants, je garde la porte pour éviter que tu ne flashes un invité et personne n’en saura rien.

Réalisant pourquoi je l’ai amenée là, elle fait une tête qui ressemble fortement à celle qu’on fait en apercevant une portée de chatons et je vous jure que si elle fait le moindre commentaire type “nounours grognon” je la porte sur mon épaule pour la traîner de force dans le salon et tout le monde verra les trous dans ses collants (et potentiellement ses sous-vêtements si elle se débat).

Voulant m’éviter un mal de dos, à l’instant où elle va ouvrir la bouche je lève un doigt et l’arrête d’un :

- N’y pense même pas.

Elle se ravise, me dépose un bisou sur la joue accompagné d’un “t’es la meilleure” et ferme la porte. Je me mets devant et croise les bras, attendant qu’elle ait terminé.

Elle ressort quelques instants plus tard et en apercevant ses jambes, je me demande pourquoi diable elle irait les affubler de collants. Elle a le genre de jambes qu’on voit chez les actrices, fines, longues et musclées juste ce qu’il faut.

J’ai vraiment très très envie de les parcourir de mes mains, mais j’aime suffisamment la manière relativement harmonieuse avec laquelle mon visage est arrangé pour ne pas le risquer sur un coup de tête. Malheureusement, mon appréciation ne passe pas inaperçue puisque Sasha réplique :

- Prends une photo ça dure plus longtemps.

Je n’essaie même pas de me justifier, de toute manière elle doit bien savoir qu’elle a des jambes magnifiques. Personne ne peut me blâmer d’avoir une âme d’artiste qui s’attarde sur les jolies choses, non ?

Ignorant sa remarque, je pointe du doigt le couloir :

- Passe-moi ton manteau je vais aller le mettre dans la chambre d’ami. Et le salon est par là.

Elle retire sa veste, me la donnant. Pile au moment où elle commence à s’éloigner, je réalise quelque chose. Oh merde :  

- Sasha !

Face à l’urgence dans ma voix, elle se retourne immédiatement, m’observant d’un air curieux. Regardant de part et d’autre, je m’approche d’elle et chuchote :

- Ils ne sont pas au courant… Enfin que… entre nous…

Si je ne me sentais pas vaguement coupable d’avoir continué à nier, je trouverais sûrement comique la manière exagérée dont elle écarquille les yeux :

- Quoi ?! Mais… Pourquoi ?

Haussant les épaules, j’essaie de me justifier tant bien que mal :

- À l’aéroport, j’ai cru que tu allais revenir, que c’était juste une pause pipi ou je ne sais pas… Et après ce n’est plus ressorti !

Elle m’observe d’un air curieux et je dois faire un effort conscient pour ne pas gigoter sous le poids de son regard. J’en connais une que l’idée de continuer à jouer la comédie ne ravit pas, si son enthousiasme “débordant” en est une indication quelconque...

- Ok. Du coup tu proposes quoi ?

Hey ! Pourquoi ce serait à moi de décider ?

- Nan nan ma belle, c’est pas comme ça que ça marche, TU proposes quoi ?

Selon moi, c’est sa faute si l’on n’a pas pu mettre en œuvre le dernier plan. Et puis pour être honnête, si ça implique de pouvoir lui témoigner de l’affection, ça ne me dérange pas de faire semblant. Option toute ma vie !

Elle passe sa main sur son visage et secoue légèrement la tête avant de lancer :

- Je sais pas… Va poser les manteaux on en reparlera plus tard.

L’envie de demander si l’on doit agir comme un couple me brûle les lèvres, mais je ne veux pas la brusquer, ni risquer d’être déçue par sa réponse.

J’acquiesce d’un signe de tête et tourne les talons. Une fois dans la chambre d’amis, je dépose ma charge et m’assieds sur le coffre au pied du lit, prenant une minute pour moi.

Objectivement, je sais que pour me préserver j’aurais dû exiger qu’on mette fin à la mascarade sur le champ, comme initialement prévu… Mais en même temps c’est le seul moyen que j’ai de prétendre que mes sentiments ne sont pas à sens unique.

Sur l’échelle du pathétisme, je crois bien que j’en suis aux derniers échelons, frôlant le firmament. Tous les losers de la terre devraient avoir un stand-up en carton de moi, ou à minima un poster dans leur chambre. Je suis une légende vivante, merde quoi !

Allez, reprends-toi, pas le temps de t’apitoyer sur ton sort, t’as une fête à laquelle assister. Et soit dit entre nous, s’il te restait une once d’amour propre, tu lui en voudrais un peu…

Me rendant dans le salon, je suis un peu déçue de voir Sasha en grande discussion avec une amie de Dom dont j’ai oublié le nom et me dirige donc directement vers la seconde chose la plus intéressante dans la pièce : la table proposant nourriture + alcool.

J’y croise Alycia, radieuse dans un ensemble bleu ciel. Mentalement, je remarque que Dom et elle sont assortis. Si c’est pas meugnon !

- Salut Alycia ! Comment vas-tu ?

- Coucou ! Plutôt bien et toi ?

Oh tu sais, la femme pour laquelle j’ai des sentiments me méprise à moitié, je ne peux en parler à personne, car tout le monde pense qu’on est ensemble, j’ai pas très envie de faire la fête et globalement je suis seule et dépitée… À part ça je me porte à merveille !

Mais bien évidemment, je ne peux pas répondre ça, alors je me contente d’un :

- Nickel ! En tout cas si je peux me permettre, je suis contente que tout continue de bien se passer entre toi et Dom, vous faites un très joli couple.

Elle place sa main sur la mienne, souriante :

- Merci.

Je vois qu’elle veut répondre quelque chose de l’ordre du “j’espère que les choses vont s’arranger avec Sasha” mais ne sait pas comment le formuler ou est trop polie pour le faire et lorsque j’aperçois James dans mon champ de vision, c’est l’occasion parfaite pour m’éclipser avant de m’embourber :

- Tu veux bien m’excuser, il faut que j’aille demander à James s’il est dispo demain pour jeter un œil à la voiture de Sasha ?

- Je t’en prie !

Constatant qu’il a les mains vides, je sers un verre à James que je lui tends en m’approchant :

- Ahhh, en voilà une bonne initiative !

Le connaissant, il préfère que l’on ne tourne pas autour du pot, c’est pourquoi je demande directement :

- Toujours ! Dis voir Sasha aurait besoin de toi, t’es libre demain !?

Buvant une gorgée, il me laisse mariner une seconde avant de répondre :

- M’étonne pas, c’était présomptueux de ta part de penser que tu pourrais la satisfaire…

Il m’adresse un sourire arrogant auquel je réplique d’un ton las et en levant les yeux au ciel :

- … Pour réparer sa voiture.

C’est irrationnel, mais ça m’agace qu’il implique que Sasha pourrait lui porter un quelconque intérêt et vice versa. Ce n’est pas de la jalousie hein, juste… Voilà ! J’aime pas ça.

Ne se départissant pas de l’air qui me donne envie de le gifler, il rétorque :

- Oh ne t’inquiète pas, je suis familier avec le coup de la panne…

Ne voulant pas marcher dans son jeu visant clairement à me taper sur les nerfs, je le prends à contre-pied en répondant d’un ton conspirateur :

- Soit dit en passant, elle a mis les petits plats dans les grands sur ce coup-là, elle s’est carrément arrangée pour que ça se passe sur une route isolée.

Bombant le torse, il continue dans son délire :

- Parfait. Si t’as quelques conseils sur ses préférences…

Je suis tentée de lui signaler que si je ne la satisfais pas, mes tuyaux sont à prendre avec de grosses pincettes, mais ça lui montrerait que sa réplique m’a atteinte alors même pas en rêve :

- Oh je m’en voudrais de te gâcher la surprise !

Lui adressant un clin d’œil, j’ajoute :

- Je vous laisserai voir les détails ensemble, je ne veux rien savoir qui risquerait de briser mon petit cœur fragile !

Fière de ne pas avoir marqué la territorialité injustifiée que je ressens envers ma collègue, je pars m’affaler sur une des rares chaises libres.

1 mai 2019

Partie 5

Nah. Elle n’en vaut pas la peine.

Levant la main dans un au-revoir amical, j’adresse un sourire à ma collègue, lui lançant :

- Merci pour la séance, à une prochaine.

Je n’attends pas de retour de sa part, souriant également à Gladys avant de quitter les lieux, direction mon appart.



===

 

Postée dans mon superbe bureau aquarium, j’attends ma collègue. Je ne me suis pas exactement levée de bonne humeur, j’ai passé la journée à recouper nos informations, alors il vaut mieux pour elle qu’elle ne me fasse pas trop poireauter.

Chloé se pointe enfin, comme une fleur, avec plus de dix minutes de retard :

- Désolée, j’ai été retenue à la salle.

On se demande ce (/qui) elle pouvait bien faire !

Je tâche d’ignorer mon envie de rappeler à son bon souvenir que la salle de sport est le lieu de notre enquête, pas son nouveau terrain de chasse.

De toute manière, je doute que mon avis lui importe.

- T’as découvert des trucs intéressants ?

Elle se laisse tomber sur l’une des chaises, visiblement dépitée :

- J’ai entendu Marie évoquer l’incident, apparemment c’est elle qui a découvert la dernière photo, la pire.

- C’est peut-être pour ça qu’elle m’en a parlé aussi. Elle en parlait avec qui ?

- Fabrice, deux femmes que l’on ne connaît pas et Salomé.

- Et ils en disaient quoi ?

- Salomé lui a dit qu’elle pouvait lui donner l’adresse d’un endroit où ils proposent des cours de self-défense, si jamais elle ne se sentait pas en sécurité. Fabrice s’est gentiment proposé de la protéger...

Chloé lève les yeux au ciel, clairement peu impressionnée par la lourdeur du type.

- Et t’as pu approcher d’autres suspects ?

J’irais lire ses rapports quoi qu’il arrive, mais je préfère toujours débriefer en face à face, juste au cas où il me reste des questions. Chloé me répond sans hésiter :  

- Dans le groupe que t’as vu, j’ai essayé de discuter avec Maud mais elle était très fuyante, j’ai préféré ne pas insister. Sinon j’ai aussi approché deux hommes dans le cours que j’ai donné ce matin, l’un était hyper timide je ne le vois pas oser faire ce genre de choses, l’autre est mécontent de la situation, parce que ça a échaudé les nanas.

Je remarque immédiatement qu’il manque quelqu’un dans la petite liste qu’elle vient de me donner et n’arrive pas à me retenir de demander :

- Et miss univers, t’en as tiré quelque chose ?

Chloé fronce les sourcils, faisant probablement semblant de ne pas comprendre :

- Qui ?

- La superbe rousse que tu as abordée hier avant que je ne parte.

Ma collègue soupire, visiblement agacée par mon attitude, mais répond néanmoins :

- C’est une prof aussi, elle était juste venue se présenter.

C’est ça.

A d’autres.

D’un ton hautement dubitatif, je me contente d’un :

- Mh mh. Si tu le dis.

Elle a qu’à essayer de se la taper à même le banc de musculation, je m’en fous, mais qu’elle assume au moins.

Chloé soupire et passe une main dans ses cheveux ébène, se décoiffant totalement au passage. Elle finit par se lever, allant abaisser les persiennes. Amusée, je la regarde faire, me demandant où elle veut en venir. Elle ne tarde pas à me le faire savoir, se retournant et croisant les bras :

- Si t’as quelque chose à dire, dis-le, qu’on en finisse.

Voulant la faire sortir de ses gonds, je me contente de l’observer en silence, un sourire aux lèvres.

Elle ne tarde pas à m’envoyer balader :

- Ok ! Puisque qu’apparemment t’as rien à dire, on passe à autre chose !

Elle se dirige vers son pc portable mais s’arrête net en m’entendant dire :

- C’est ce que tu fais de mieux.

Immédiatement, elle fait volte face, me fusillant du regard :

- Pardon ?

- Passer à autre chose, comme si de rien n’était.

Elle laisse s’échapper un petit souffle, pas tout à faire un rire mais suffisant pour que je comprenne qu’elle trouve mon accusation ridicule :

- J’aimerais mieux.

- Qu’est-ce que ça veut dire ?

Ne me répondant pas, elle à l’intention de se tourner vers la table, mais je m’empare de son bras, répétant ma question :

- Chloé, qu’est-ce que ça veut dire ?

- Lâche-moi.

Je la laisse se dégager, mais je veux savoir, alors j’insiste :

- Réponds-moi !

Lèvres pincées, essayant de rester maître d’elle même, Chloé finit par prendre une décision.

Bien trop vite pour que je puisse réagir, elle passe sa main à l’arrière de ma nuque et m’attire à elle.

Mon coeur explose dans ma poitrine.

Ses lèvres sont aussi douces que je l’avais imaginé, mais le baiser ne l’est pas.

Elle m’exprime toute la colère et la frustration qu’elle ressent, allant jusqu’à mordiller ma lèvre inférieure alors qu’elle se recule brusquement, me laissant sur ma faim.

Mes lèvres picotent alors que je reste totalement immobile, sous le choc. Je crève d’envie qu’elle recommence, tout en sachant que ça ne peut pas se reproduire.  

Le vert de ses yeux est totalement éclipsé par le noir de ses pupilles et l’ensemble est fixé sur mes lèvres. Pourtant, lorsqu’elle prend la parole, c’est d’un ton étonnamment défait :

- T’as ta réponse… J’aimerais bien passer à autre chose, mais apparemment j’y arrive pas. A toi.

Encore complètement perturbée, je pose mes fesses sur la table, ayant besoin du soutien, avant de demander :

- Comment ça ?

- Dis-moi pourquoi.

Je secoue la tête à la négative.

Non non non.

Lui dire, c’est admettre m’être presque faite avoir.

J’essaie de me détourner, mais sa main s’abat sur la table, coupant ma fuite :

- Non Claire, pas cette fois.

Je lui adresse un regard mauvais, ma jambe se mettant à tressauter nerveusement.

La dernière fois qu’elle a essayé de m’extirper des réponses, c’était dans la salle de pause et tout le commissariat sait comment ça s’est terminé. Avec des états de service impeccables, c’est étonnant qu’elle prenne le risque de retenter sa chance, même toutes persiennes fermées.

J’observe Chloé, cherchant à estimer sa détermination.

Après quelques secondes, j’ai ma réponse.

Laissant échapper un soupir, je me mets à table.

 

=====

 

[ Quelques mois plus tôt ]

 

Sourire aux lèvres, je me dirige rapidement vers le bureau de Chloé. Je sais qu’on s’est donné rendez-vous ce soir, mais j’ai trop hâte et me suis dit que je pouvais passer pour savoir quoi porter, plutôt que de lui envoyer un texto.

Ok, c’est juste une excuse pour la voir, mais avec du bol, ça elle ne le saura pas.

J’ai tellement hâte, ça n’a pas de sens !

J’espère que la nuit se terminera par un baiser, car je ne pense qu’à ça depuis hier dans la ruelle.

La porte est semi close et je m’arrête devant, prenant une seconde pour calmer mon cœur battant, comme à chaque fois que je m’apprête à la voir. C’est dingue l’effet qu’elle a sur moi. J’ai l’impression d’être une gosse avant Noël.

Je lève la main pour toquer avant de m’arrêter, interpellée par la voix d’Olivier, son collègue :

… tirée ?

Immédiatement, je reconnais la voix de Chloé, qui lui donne la réplique d’un air enthousiaste :

- Nan pas encore, mais je la travaille au corps. Ça ne devrait plus tarder, c’est presque trop facile de les convaincre, j’te jure !

Hein ? C’est quoi ces histoires ?

Ils rient tous les deux et Olivier demande :

- Et tu crois vraiment que tu peux te la faire ?

- Oh s’il te plaît, ça n’a jamais été un problème… Le plus dur est fait. Maintenant si t’as peur tu peux retirer ton pari, ça remontera peut être ma cote…

Mon cœur s’arrête, la nausée me gagne.

- Haha, tu doutes vraiment de rien.

Je les entends rire, puis se taper dans la main…

Un pari ?

Je suis un pari ?

J’ai l’impression que l’on m’a coupé les jambes.

J’ai envie de me taper la tête contre le mur d’avoir été aussi conne.

Je comprends mieux pourquoi elle ne m’a pas laissée l’embrasser dans la ruelle.

On ne s’improvise pas bookmaker, il faut être sûre de son coup avant d’accepter les paris…

Bien que flageolantes, mes cuisses m’amènent jusqu’aux toilettes.

Je m’enferme dans l’une des cabines, fermant le loquet derrière moi et baissant le couvercle avant de m’asseoir.

Putain !

J’ai beau être la victime, je me sens atrocement mal. Usée, humiliée, tout ce que vous voulez. Je me suis quasiment jetée sur elle, j’ai jamais douté de sa sincérité… Et pendant ce temps, elle se foutait royalement de ma gueule et de mes sentiments.

J’avais l’impression qu’il y avait quelque chose de spécial entre nous, qu’elle s’ouvrait à moi, et..

Pfff.

Je suis vraiment trop conne.

Ma seule consolation est de m’en être rendue compte à temps.

Elle risque de m’attendre un moment ce soir. J’espère que ça va lui coûter cher.

 

===

 

[ Présent ]

 

J’observe attentivement le visage de Chloé, espérant que la honte va changer de camp.

Son visage marque le choc, puis elle fait trois pas en arrière, mettant de la distance entre nous.

C’est vrai qu’au début j’aurais bien aimé la frapper, mais ça m’est passé, elle n’a pas à s’inquiéter de ça.

La colère par contre, est toujours d’actualité.

Et c’est aussi un moyen m’assurer qu’elle reste à bonne distance.

Elle se mord la joue, puis commence à remballer toutes ses affaires à la hâte.

Je vois...

Elle n’a même pas le courage d’assumer ses actes apparemment. Ça n’aurait rien changé mais des excuses auraient été bienvenues.

Alors qu’elle se dirige vers la porte, je l’interpelle :

- T’as rien à dire ?

De la paperasse et son PC dans les bras, elle se raidit, tourne la tête dans ma direction et annonce :

- Non, j’ai plus rien à te dire. T’as qu’à demander à Emilie, après tout elle avait parié sur moi !

Sans un mot de plus, Chloé quitte la pièce, me laissant avec la bombe qu’elle vient de lâcher.

Je comprends pas.

Emilie était aussi dans le coup ?

C’est pour ça qu’elle m’aurait poussée à tenter ma chance ?

Un coup d’oeil à ma montre m’indique qu’elle devrait déjà avoir fini son service.

Moi aussi et ça tombe bien, je sais où elle habite.

Ni une ni deux, j’attrape mes affaires et me dirige vers ma voiture.

 

====

 

La manière dont je tambourine vigoureusement sur la porte n’est pas sans rappeler celle qu’utilisent mes collègues lorsqu’ils vont faire une perquisition à l’aube, s’attendant à trouver le suspect encore endormi.

Même à travers l’aluminium, j’entends Emilie se plaindre :

- Ça va, ça va, j’arrive, deux minutes !  

Elle ouvre la porte en grand, un air franchement agacé sur le visage, qui se mue en perplexité lorsqu’elle voit que c’est moi :

- Claire ? Ça va ? Il y a le feu ou quoi ?

Ne voulant pas me donner en spectacle devant le voisinage, je demande:

- Je peux entrer ?

Elle s’écarte pour me laisser passer, ne semblant pas réaliser que je suis sur les nerfs.

Refermant derrière nous, elle s’installe sur son canapé et m’annonce :

- Si tu veux quelque chose à boire ou à manger, n’hésite pas.

- Non merci.

Je choisis de rester debout, étant trop sous tension pour rester assise sans bouger :

- J’ai parlé avec Chloé.

La réaction d’Emilie n’est pas du tout celle à laquelle je m’attendais :

- Oh, génial ! Vous avez résolu vos différents ?

- Pas exactement non. Mais j’ai appris quelque chose d’intéressant. Apparemment, tu avais parié sur elle toi aussi…

Je scrute son visage, attendant l’instant où elle réalise que je sais.

Quand elle saura que je sais qu’elle sait.

Elle fronce les sourcils, secouant la tête avant de hausser les épaules l’air de dire “et alors ?” :

- Euh… Comme à peu près tout le commissariat…

De mieux en mieux…

Je fais les cents pas, avant de me tourner vers elle, poings serrés :  

- Donc tout le monde était au courant ?

Elle acquiesce d’un rapide signe de la tête, je continue donc :

- Pourquoi tu ne m’as rien dit ?

Elle ouvre les mains, paumes vers le haut, semblant complètement paumée :

- Ce n’était pas exactement un secret hein ! Mais… Enfin… Je comprends pas pourquoi t’es aussi énervée !

- Pardon ?

Oh putain.

Me faire prendre pour la conne du siècle, sur mon lieu de travail, apprendre que la fille que j’aimais bien jouait juste avec mes sentiments…  

Je suis supposée réagir comment au juste, si ce n’est en m’énervant ?

Je devrais en rire ?

Je crois pas non !

- C’était des mises plus symboliques qu’autre chose, il n’y avait pas vraiment d’argent à se faire.

Super, c’était pour le fun.

Nan, vraiment, génial.

Et apparemment je ne suis même pas la première de sa liste de victimes…

- Y’en a eu d’autres ? Combien ?

- En tout ? Je dirais une quinzaine.

Une quinz… Oh mon dieu.

C’est encore pire que ce que je pensais.

Tu m’étonnes qu’elle soit toujours en bonne forme physique, elle ne perd pas de temps.

Emilie se lève, venant placer sa main sur mon épaule. Je suis trop sous le choc pour la repousser :

- Hey… Parle-moi.

Comment je peux être la seule choquée par cette histoire ?

La morale, c’est un truc dépassé ?

Secouée, je me laisse tomber sur le canapé, demandant :

- D’où ça vient ? Comment ça a commencé ? C’est Chloé qui en a eu l’idée ?

Emilie m’adresse un regard inquiet, venant s’asseoir à mes côtés et prenant ma main entre les siennes :

- Nan. En fait ce sont les gars qui sont venus la voir pour lui proposer, ils voulaient se mesurer à elle.

Ok, elle est jolie, mais ce genre de “concours” est juste cruel. On a passé l’âge de ces jeux de cour de récré !

Je m’attendais à mieux de mes collègues.

Totalement dégoûtée, je lance d’un ton las :

- Je comprends pas l’intérêt.

Elle hausse les épaules, n’ayant pas la réponse :

- Voir qui a la plus grosse. En l'occurrence, Chloé les a éclatés. Quand le gérant de la salle de tir a vu ce qu’elle pouvait faire et était en totale pâmoison, ça a froissé quelques égos et les paris ont commencé comme ça.

Minute.

La salle de tir.
Oh non...

Non non non.

Tournant rapidement la tête en direction d’Emilie, je m’assure d’avoir bien compris cette fois :

- Vous faisiez des paris sur le fait que Chloé allait battre nos collègues au tir ?

Elle acquiesce immédiatement :

- Oui. Avec le biathlon c’était du tir à la carabine, mais en extérieur et après l’effort, alors même si elle leur laissait choisir les armes, elle leur roulait dessus.

Je m’adosse au canapé, passant mes mains sur mon visage.

Merde merde merde…

Tout s’explique.
Pourquoi Chloé avait l’air de n’avoir aucune idée de ce que je pouvais lui reprocher.

Pourquoi, après deux semaines à se faire agresser sans raison, elle a commencé à être désagréable en retour.

Fuuuuuuck.

J’ai tout foutu en l’air avec mes insécurités à la con, à tirer des conclusions hâtives.

- Claire ? Parle-moi, je pourrais peut-être aider !

Et je dois des excuses à Emilie aussi. Elle ne m’a jamais donné de raison de douter de son amitié mais même devant sa nonchalance face aux faits, je l’ai jugée plutôt que remettre mes idées en question…

Je suis vraiment la reine des idiotes.

Plus qu’à assumer maintenant. De toute manière, même si je garde le silence, rien ne garantit que Chloé ne va pas me balancer. Parce que je l’ai mérité, à sa place je l’aurais mauvaise.

- Tu te souviens comme j’avais hâte de passer la soirée avec Chloé ?

- Ouais.

- En fin d’après-midi, ce jour là, j’ai voulu passer la voir. [...]

Je termine mon récit et suis confrontée au jugement d’Emilie. Comme à son habitude, elle est directe :

- T’es vraiment, mais alors vraiment trop conne.

- Déjà au courant, merci.

Elle me colle un coup de poing dans le bras, avant d’ajouter :

- Et ça c’est pour avoir douté de moi, espèce de pouf !

J’encaisse sans broncher, n’ayant pas exactement pléthore d’arguments pour ma défense :

- Je suis désolée, je plaide la bêtise.

- Mh. Au moins t’en as conscience !

Défaite, je laisse passer l’insulte et pose la seule question qui m’importe vraiment :

- Tu crois que j’ai ruiné mes chances avec Chloé ?

Sa grimace m’indique le fond de sa pensée avant même qu’elle ne parle :

- Honnêtement ? C’est possible. Elle t’a laissée l’approcher alors qu’elle est toujours très secrète, et t’as rien trouvé de mieux à faire que de lui retirer le bénéfice du doute…

Je sais que sa réponse est raisonnable, mais j’aurais préféré qu’elle me mente.

“Tout va bien se passer Claire, elle va être compréhensive et vous serez en couple d’ici la fin de la semaine.“

Soupirant et ne voulant pas laisser le désespoir me gagner, je demande :

- Qu’est-ce que je devrais faire ?

- Déjà, commences par lui présenter tes plus plates excuses. Et… Dis-lui honnêtement pourquoi t’as sauté sur cette conclusion.

- Tu dois avouer que leur conversation était plutôt incriminante !

Emilie m’adresse un regard peu impressionné :

- Oui, mais ça n’explique pas pourquoi tu as toujours refusé de lui en parler…

Quand même. Qui a envie de dire “hey, sur une échelle de 1 à 10, à quel point tu penses que j’ai été conne de croire que tu pouvais t’intéresser à moi ?”.

Personne !

- Mh. Mais tout à l’heure elle m’a dit qu’elle n’arrivait pas à passer à autre chose et m’a embrassée. C’est plutôt bon signe non ?

Immédiatement, Emilie écarquille les yeux et fond sur moi tel un oiseau de proie :

- Quoi ? Quand, comment, raconte ?

Ce souvenir là m’extirpe un sourire :

- Tout à l’heure, je viens de te le dire. Je l’ai agacée en insinuant qu’elle n’avait aucun mal à passer à autre chose… Et elle m’a attrapée par la nuque et embrassée avant de me dire que visiblement elle n’y arrivait pas.

- YESSSS girl !!! C’est ce genre d’action qu’on veut. C’était quel genre de baiser ? Elle embrasse bien ?

- Le genre qui te dit “je sais pas si j’ai plus envie de t’embrasser ou t’étrangler”. Et honnêtement, j’étais trop choquée pour en profiter pleinement. Mais j’en veux plus. Surtout maintenant que je connais le fin mot de l’histoire…

Elle frétille des sourcils, voulant en savoir davantage :

- Ouuuh, sexy ! Et après, t’as fait quoi ?

- Pas grand chose, c’est là qu’elle m’a forcée à lui avouer…

- Oh.

Ouais, oh.

Joie de courte durée. Ca a coupé l'ambiance bien comme il faut ! 

On garde toutes les deux le silence, jusqu’à ce que je demande :

- Et maintenant, je fais quoi ?

- Tu connais son adresse ?

- Non.

Emilie m’adresse un sourire désolé :

- Alors rien. On peut rester boire ici, ou on peut aller faire ça au bar.

- Pourquoi les deux choix impliquent que je finirais saoule ?

Grimaçant, elle m’annonce quelque chose que je sais déjà :

- T’en as besoin je crois.

Bon bah quand il faut il faut hein.

 

23 octobre 2019

Hors Limites - Partie 8

Les premiers invités devraient arriver d’ici 20 minutes et je suis déjà opérationnelle. Être stressée me rend étonnamment efficace. Peut-être que j’aurais dû aller chercher les ballons que les deux autres pingouins ont oubliés à la place d’Aaron ? J’espère qu’il sera de retour à temps. Je ne comprends pas pourquoi ça lui tient tant à cœur que la décoration soit comme il l’avait imaginée, mais c’est aussi cette « implication » qui fait de lui un bon ami.

En attendant, mon maquillage est impeccable, ma tenue simple, mais mettant en avant ma silhouette. Je suis aussi prête que je peux espérer l’être. Je ne suis pas du genre à aimer l’attention alors savoir que ces personnes seront là pour fêter mon anniversaire me rend un peu anxieuse. Avec un peu de chance, pas assez pour m’empêcher de passer une bonne soirée.

Nathan apparaît dans le chambranle de la porte et s’avance vers moi :

– C’est l’heure.

Fronçant les sourcils, j’entreprends de le corriger :

– De quoi ? Personne ne devrait arriver avant au moins 20 minutes.

– Ton autre cadeau.
Mon attention est définitivement piquée. Je ne vois pas pourquoi Kara a ressenti le besoin de me prendre quelque chose de plus, elle en a déjà bien assez fait !

– Tu sais de quoi il s’agit ?

– J’ai ma petite idée, mais rien de sûr. D’ici là, ferme les yeux.

Je fronce les sourcils sans m’exécuter, n’aimant pas ça. N’étant pas en permanence l’être le plus agréable qui soit, baisser ma garde n’est pas une bonne idée si je ne veux pas me retrouver avec de la mousse à raser dans le slip ou je ne sais quelle autre « bonne blague ».

Toujours patient, Nathan se contente de me rassurer d’un ton doux :

– Naomi… Joue le jeu, je crois que ça en vaudra le coup.

– Mhh.

De mauvaise grâce, je m’exécute et l’entends dire à Kara qu’elle peut venir.

Je meurs d’envie de regarder. Rien qu’un peu.

Visiblement capable de lire dans mes pensées, je me fais reprendre avant même d’avoir commencé :  

– Tssst, garde-les fermés.

Elle m’enroule un bandeau autour des yeux et je l’entends fermer la porte.

Qu’est-ce qu’elle fabrique ?

J’aime pas ça !

– Ça y est, je peux regarder ?

– Patience…

La patience j’en ai, mais je m’en sers jamais…

Elle s’approche de mon bureau, trafique je ne sais quoi puis va se poster dans mon dos.

– J’ai mis ta chaise derrière toi, installe-toi.

Mon premier instinct est de discuter et refuser de m’exécuter, mais j’ai plus envie de savoir ce qu’est mon cadeau que d’être pénible.

Tâtonnant, je m’assieds et tourne la tête dans la direction où je pense qu’elle se trouve.

Elle prend la parole d’un ton doux :

– J’ai bien réfléchi et t’as raison.

Plaisantant, je demande :

– C’est ça mon cadeau, une reconnaissance écrite ?

– Nhh Nhhh.

– Il va falloir que tu précises à quel sujet alors, parce que « t’as raison » pourrait porter sur absolument tout ce que je dis !

Je ponctue ma phrase d’un sourire arrogant, fière de moi. Ne relevant pas, elle m’indique :

– L’autre jour, dans ta chambre quand on s’est… Expliquées.

– Ah.

 – J’ai eu tort. J’ai trop vite abandonné.

Elle marque une pause et j’en profite pour digérer ce qu’elle vient de me dire. Où elle veut en venir ?

– Tu peux retirer ton bandeau.

Je m’exécute sans attendre et la découvre debout devant moi, avec un manteau coupe-vent, pas vraiment adapté à la saison. Elle va sortir ?

Me souriant, elle se penche pour lancer quelque chose sur sa tablette. Une musique lente, sensuelle et avec des basses très présentes se fait entendre.

– Vois ça comme ma manière à moi de te prouver que je n’ai pas changé d’avis et que j’ai appris ma leçon.

Elle place ses bras en arrière et fait tomber son manteau d’un mouvement des épaules.

Je comprends soudainement en quoi consiste mon cadeau. Et j’ai fait une promesse, mais ça ne se fait pas de refuser un cadeau hein ?

Va peut-être me falloir de la ventoline pour survivre, je crois que je suis en train de développer de l’asthme…

Elle porte des talons aiguille, une jupe rouge moulante qui lui arrive au-dessus du genou et un chemisier en soie noir, les deux premiers boutons étant ouverts.

Je ne cache pas mon appréciation de son choix vestimentaire et sais que je suis grillée lorsqu’un sourire satisfait vient se glisser sur ses lèvres. C’est probablement la première personne chez qui une attitude limite arrogante me fait de l’effet.

Ses cheveux sont attachés dans un chignon parfaitement réalisé qui lui donne un air plus froid que d’ordinaire. Elle s’avance lentement dans ma direction, ses talons claquant contre le parquet.

Il n’y a pas de doute, je suis la proie.

Elle se penche jusqu’à être légèrement plus haute que mon visage, m’offrant une vue plongeante sur ses attributs.

Je vais jamais tenir le coup.

Un sourire aux lèvres, elle place un doigt sous mon menton pour m’inciter à croiser son regard :

– Souviens-toi Naomi… On ne touche qu’avec les yeux.

Se redressant, elle s’arrête pour m’observer par-dessus son épaule et lancer :

– Cependant, on pourra évoquer un changement de règles après ça. Maintenant, profite.

Toujours de dos, ses hanches se mettent à onduler en rythme avec la musique, ses bras se levant de part et d’autre de sa tête.

Je suis ses mouvements, comme hypnotisée, ne sachant pas où poser mon regard, mais ne voulant pas en manquer une miette.

Elle se retourne et me sourit lentement, portant ses mains sur les boutons de son chemisier, en défaisant deux de plus, avant d’écarter le tissu avec nonchalance, exposant une partie de son soutien-gorge noir. De ce que j’en vois, c’est un modèle avec de la dentelle, légèrement push-up et globalement très mauvais pour mon self-control.

Levant une main, elle défait son chignon, laissant ses cheveux cascader sur ses épaules et passant ses mains dedans tout en continuant à danser.

Ses doigts vont jouer avec la fermeture éclair de sa jupe, placée sur le côté, la baissant. J’attends que le tissu tombe, de découvrir ses jambes, mais la matière est moulante et légèrement élastique, ne bougeant pas d’un poil.

Les yeux amusés de Kara viennent croiser les miens alors que je n’arrive pas retenir un petit grognement de déception. C’était clairement délibéré.

Elle se retourne, s’assied dos à moi sur mes genoux et place sa tête en arrière sur mon épaule. Sa main gauche se glisse dans ma nuque alors qu’elle presse ses fesses contre moi en arc-boutant le torse, m’offrant une vue plongeante dans son décolleté. Mes doigts serrent le dossier de la chaise et me retenir de la toucher me demande une énergie dingue.

Les lèvres de Kara frôlent mon oreille alors qu’elle me murmure :

 – J’espère que tu n’es pas sur le point de craquer, j’en ai pas fini avec toi…

Elle ponctue sa phrase d’un petit coup de langue à proximité de mon lobe... S’il y avait un caricaturiste dans la pièce, je suis quasi sûre qu’il me dessinerait en forme de cocotte-minute prête à imploser !

Me mordant la lèvre inférieure en fermant les yeux, j’essaie de garder un semblant de contenance, même si elle ne me rend pas la tâche facile.

Si elle continue comme ça, je sais ce qui va finir : le cycle de vie de mes sous-vêtements !

Elle se relève, se penche en avant, place ses mains sur ses hanches et baisse lentement sa jupe.

Regarde pas, regarde pas, regarde pas.

Je peux pas m’en empêcher, je regarde.

Je commence par le bas, où elle porte des bas et un porte-jarretelles.

Oh.

Mon.

Dieu.

Je ne suis pas croyante, mais ce serait un coup à le devenir !

Ses fesses sont sublimes, mises en valeur par un tanga, et je m’efforce de ne pas porter mon attention sur ce que la bande de tissu dissimule plus au sud. Je n’arrive absolument pas à détacher mes yeux de ses fesses. C’est physiquement impossible.

Se débarrassant du vêtement à ses pieds d’un mouvement de talon aiguille, elle se retourne pour me faire face.

Maintenant qu’elle n’est plus dans sa jupe, sa chemise est pile assez longue pour me laisser entrevoir un bout de sous vêtement, mais c’est tout. Combiné aux bas, c’est la chose la plus sexy qu’il m’ait été donné l’occasion de voir.

Je parcours avidement sa silhouette, de ses jambes musclées à son décolleté pour enfin arriver à son visage.

Soutenant mon regard, elle s’installe à cheval face à moi et en temps normal je m’inquièterais de savoir si ma chaise peut supporter nos deux poids combinés. Mais pour le coup, il pourrait y avoir un tremblement de terre de niveau 7 sur l’échelle de Richter que je ne le remarquerais probablement pas…

Son bassin suit toujours le rythme de la musique et lorsqu’elle place ses bras sur mes épaules comme je lui ai fait lors de la fameuse soirée, je comprends mieux sa douleur. Je n’ai pas DU TOUT envie que ça s’arrête. Serrant ses cuisses au niveau de mes hanches, elle se penche en arrière et termine de déboutonner son chemisier. Ma respiration s’interrompt alors qu’elle joue avec les pans du vêtement, les écartant petit à petit jusqu’à laisser faire la gravité, se dévoilant.

Ses abdos sont semi-contractés et je crève d’envie de les parcourir de mes lèvres, concentrant mon attention dessus. Je suis bien vite rappelée à l’ordre par Kara qui se redresse, plaçant sa poitrine à quelques centimètres de ma tête. Pendant une seconde, je m’attends à recevoir le « baiser de la stripteaseuse », mon visage entre ses seins, mais elle opte pour autre chose.

Tenant une manche de sa chemise dans chaque main, elle me passe le vêtement à l’arrière de la nuque, se servant de ce nouveau point d’ancrage pour desserrer ses jambes et onduler plus librement…

Gulp.

J’ai besoin d’une pause.

Mes doigts sont en train de cramper tellement je serre fort la chaise. C’est la seule chose qui me retient de la peloter comme jamais.

Mais honnêtement, qui pourrait faire mieux à ma place ?

Kara est à cheval sur moi, en train de me faire une version de lap dance, vêtue uniquement de lingerie, bas, porte-jarretelles et talons aiguille. Au point où j’en suis, le fait que j’arrive toujours à prendre une respiration sur deux est un succès.

Profitant d’un ralentissement dans la musique, elle se relève, non sans frôler mon visage de sa poitrine.

Si je n’avais pas autant été sous son charme, j’aurais pu réagir à temps pour pencher la tête et en profiter…

Tout en dansant, elle défait une à une les attaches maintenant l’un des bas.

Elle glisse une jambe entre les miennes, que j’écarte sans hésiter. Kara place son pied sur mon épaule, prenant soin de ne pas me faire mal avec le talon et lance :

– Tu m’aides ?

Ma prise mortelle sur la chaise se relâche, mais je n’ai pas le temps d’amener mes mains au bas qu’elle fait non de la tête.

– Tsk tsk… Pas comme ça…

Elle prend davantage appui sur mon épaule et je réalise que le bas est très proche de mon visage. Ce n’est pas la seule chose qui est proche, mais ça j’essaie de faire abstraction pour éviter une combustion spontanée.

Je sens le poids de son regard alors que j’attrape le tissu entre mes dents, la laissant s’éloigner pour l’abaisser. Une fois arrivée au niveau du genou, elle se recule, place le bout de sa chaussure entre mes cuisses et descend le restant du chemin comme si elle se déshabillait sans que je sois là. Elle fait de même avec l’autre côté, s’en chargeant toute seule.

Se replaçant face à moi, elle m’adresse un regard sulfureux avant de tomber à genoux devant moi.

Instinctivement, je serre les jambes, me sentant vulnérable alors même que je suis toute habillée.

Un sourire amusé se dessine sur ses lèvres alors qu’elle pose ses mains sur mes genoux, avant de glisser les paumes vers l’intérieur et écarter mes cuisses.

Mon souffle marque une pause et reprend rapidement, alors que je prends appui sur le dossier de la chaise, m’y accrochant comme si ma vie en dépendait.

Kara remonte lentement ses mains à l’intérieur de mes cuisses et je ne bouge pas d’un poil. Rester comme pétrifiée est la seule manière pour moi de me retenir de lui sauter dessus. Si je fais le moindre mouvement, on va finir à même le sol de ma chambre et rater l’intégralité de la fête, c’est moi qui vous le dis.

Elle s’avance, son visage n’étant plus qu’à quelques centimètres de mon entrejambe et vient croiser mon regard. M’adressant un sourire tout sauf pur, elle se relève, me frôlant de son corps.

Alors que je m’apprête à demander grâce, la musique s’arrête.

La « torture » est terminée. Un soupir de soulagement s’échappe de mes lèvres alors que mon corps évacue une partie de la tension accumulée.

Kara ne rate pas ma réaction et se permet même un petit rire en me voyant étirer mes mains.

– Ça t’a plu ?

Plutôt que de répondre immédiatement, je laisse mon regard la parcourir. Ne dissimulant rien de ce que j’ai envie de lui faire, mes yeux terminent leur course dans les siens.

– Deux minutes de plus et ça aurait été la mort la plus plaisante qui soit...

Soudainement timide, elle se penche pour ramasser ses vêtements et même si ses cheveux dissimulent partiellement son visage, il est évident que ma réponse lui convient tout à fait.

– Tant mieux. C’était une décision de dernière minute alors j’ai improvisé !

Haussant les sourcils, je demande d’un ton à la fois étonné et dubitatif :

– T’avais jamais fait ça avant ?

Elle baisse la tête pour regarder ce qu’elle fait en boutonnant sa chemise et répond :

– Non, mais je crois que je ne m’en suis pas mal tirée.

Doux euphémisme s’il en est un. Honnêtement, si elle se jetait sur moi à cet instant, il n’y a pas moyen que je lui refuse quoi que ce soit.

Aaron qui ?

– Même mieux que ça…

Incapable de me retenir, je l’observe enfiler sa jupe, glisser les bas dans la poche de son manteau et remettre ses talons.

Elle s’approche de moi, toujours tremblotante sur ma chaise, place une main sur mon épaule et dépose un baiser sur ma joue :

– Je retourne dans ma chambre cinq minutes, avant que les invités n’arrivent. Encore joyeux anniversaire.

N’attendant pas de réponse de ma part, elle déverrouille la porte et quitte la pièce.

Mes jambes sont en guimauve, j’ai chaud comme pas permis et je sais quelle « agréable » sensation m’attend au niveau de l’entrejambe à l’instant même où je vais bouger. Et je suis supposée être présentable et capable de me tenir convenablement d’ici… Oui c’est ça, d’ici 10 minutes.

Nickel. Ça va le faire.

Je gère.

Me levant, je me dandine jusqu’à ma commode avec la démarche chaloupante d’une cowgirl en fin de rodéo. J’y attrape de nouveaux dessous, verrouille la porte et entreprends de me changer.

Comme on pouvait s’y attendre, je n’ai plus qu’à brûler ma culotte parce qu’elle est clairement irrécupérable. L’espace d’un instant, je m’autorise à me poser une question elle aussi « hors limites » : est-ce que ça a eu le même effet sur elle ?

Est-ce qu’elle a aimé se dévêtir pour mon bon plaisir ?

Quelque part, j’espère, parce que je ne dirais pas non pour y avoir à nouveau droit.

Un sourire gagne mes lèvres avant que je ne me reprenne en main.

Je n’ai aucune idée de comment je suis supposée survivre à cette soirée.

 

====================

 

– Naomi ? Tu m’écoutes ?

– Hein ? Oui bien sûr !

J’adresse un vrai faux-sourire à mon interlocuteur, n’ayant aucune idée ce qu’il vient de dire. J’ai l’impression de snober ma propre fête...

De l’autre côté de la pièce, Kara est en train de danser. Non seulement c’est distrayant de base, mais ça me rappelle ce qu’il s’est passé dans ma chambre, même si ses mouvements ne sont pas suggestifs. Sentir le poids de son regard sur moi n’aide pas non plus. Ses yeux m’adressent des messages équivoques et si j’ai un jour entretenu l’espoir d’être en mesure de lui résister, j’ai compris que c’est perdu d’avance. Peut-être que je pourrais craquer, rien qu’une fois, comme ça ça ira mieux. La sortir de mon système.

Il ignore ma réponse, souffle et s’éloigne.

J’avoue, je mets bien trois minutes à le remarquer.

Il me faut un remontant. Je me dirige vers Nathan, actuellement affairé derrière le bar.

– Hey. Tu me fais un petit cocktail ?

– Oui, qu’est-ce qui te tente ?

– J’aime tout, fais-toi plaisir !

Son regard est accaparé par quelque chose (ou plus vraisemblablement, quelqu’un) de l’autre côté de la pièce alors qu’il prépare mon verre, tant est si bien qu’il finit par en renverser une partie. Pourquoi ça ne m’étonne pas ?

– Merde ! Tu peux aller me chercher une serviette dans la salle de bain stp ?

Ça me paraît exagéré, étant donné que c’est épongeable avec quelques essuie-tout en papier, mais soit. Ça me permettra de souffler un peu.

Arrivée à deux pas du miroir, j’entends la porte se fermer et se verrouiller derrière moi. Ça me fait penser à tout un tas de films d’horreur et aucun n’a bien fini !

Mauvaise idée mon pote, tu ne sais pas à qui tu as affaire...

Un frisson d’effroi me parcourt et à l’instant où je sens des mains sur mes hanches, j’entre en action. Me retournant, je plaque la personne contre le mur, mes paumes au niveau de ses clavicules.

Je me détends en découvrant le visage étonné de Kara.

Le cœur battant, je viens poser mon front contre le sien, relâchant un souffle que je n’avais pas conscience d’avoir retenu.

– Tu m’as fait peur !

– Désolée.

On reste comme ça, à respirer le même air, sans bouger.

La bouche soudainement sèche, j’essaie de me raisonner :

– Nathan m’attend.

Kara glisse son index dans l’un des passants de mon pantalon et tire jusqu’à coller mon bassin au sien.

Plaçant ses lèvres à proximité de mon oreille, elle murmure :

– Tu sais bien que non.

Je me disais justement que c’était bizarre comme demande !

Elle attrape mon lobe entre ses dents, glissant une main sur ma fesse pour m’attirer plus à elle. Je ne sais pas quoi faire. Clairement, il me manque environ 99,99 % de la motivation nécessaire à l’arrêter, mais je n’imaginais pas craquer dans des conditions pareilles.

En attendant, je reste immobile, à frissonner sous ses attentions, la respiration saccadée.

Et puis merde.

Sans perdre un instant de plus, je glisse mon visage au creux de son cou et embrasse la peau que je trouve. Elle pose son autre main à plat dans mon dos, m’encourageant d’une pression ininterrompue. Kara penche la tête sur le côté et légèrement en arrière, me donnant un accès total. Je continue, excitée par la manière erratique dont son cœur bat sous mes paumes.

Ça y est.

J’ai craqué.

Peut-être que si je me laisse aller, rien qu’une fois, j’arriverai à la sortir de mon système… 

Je marque une pause le temps de lui faire part d’un choix :

– Si tu ne veux pas que notre première fois soit dans cette salle de bain, c’est maintenant qu’il faut m’arrêter.

Plutôt que de faire ça, elle s’empare de mes poignets et descend mes paumes jusqu’à sa poitrine.

Il me faut bien une seconde pour réaliser. À l’instant où c’est fait, j’ouvre les vannes. Trop tard pour reculer maintenant.

Je fléchis les doigts en même temps que mes dents se referment à la jonction de son épaule et son cou, pas assez pour lui faire mal, mais suffisamment pour qu’elle ait conscience de la possession dans mon geste. Immédiatement, elle répond en s’arc-boutant dans mes mains, plaçant les siennes sur mes hanches.

Je prends mon temps pour découvrir ses seins, sentant ses tétons au creux de mes paumes même à travers les deux couches de tissu qui les recouvrent.

J’ai envie de sentir sa peau, de l’avoir nue sous moi, mais ce n’est ni l’endroit ni le moment.

Elle sort sa chemise de sa jupe et la soulève, ne prenant pas la peine de défaire les boutons. Je glisse un bras dans son dos et dégrafe son soutien-gorge, le décalant vers le haut sans ménagement et sans même avoir apprécié la vue.

Je me penche immédiatement, prenant une des pointes érigées dans ma bouche tandis que ma main imite les mouvements de ma langue sur l’autre sein. Kara glisse une main dans mes cheveux à l’arrière de ma tête, me maintenant en place, son regard venant croiser le mien.

Elle est hyper réactive et se mord la lèvre pour étouffer les sons de son plaisir, la relâchant le temps de lancer :

– J’ai besoin de plus.

S’emparant de ma main, elle la dépose à l’intérieur de sa cuisse, juste au-dessus de son genou. Je remonte immédiatement, n’ayant plus une once de patience. J’ai l’impression que ça fait des années que j’attends ça.

Mes yeux viennent trouver les siens alors que je franchis les derniers centimètres.

Au lieu du tissu escompté, mes doigts ne rencontrent que sa peau et son envie.

!!!!!!!

Elle n’a pas de sous-vêtement !

Un lent sourire se glisse sur ses lèvres à l’instant même où j’écarquille les yeux.

– Ça m’a plu aussi… et j’espérais un peu que tu allais craquer…

Ne répondant pas, je la décale afin qu’elle soit partiellement appuyée sur le lavabo avant de tomber à genoux devant elle.

Son sourire s’éclipse, remplacé par un regard plein de désir.

Mes doigts se referment sur sa jupe et la remontent. Je m’arrête avant de voir mon but, optant pour placer mes paumes à l’intérieur de ses genoux, lui écartant les cuisses, forçant le tissu à reculer de lui-même. Trop moulante pour tomber durant son striptease, c’est comme une revanche prise sur ma frustration passée que me servir du vêtement à mon avantage.

À l’instant même où je pose les yeux sur elle, je sais que je vais m’en donner à cœur joie. Elle est trempée et offerte.

Le regard dans le sien, je m’approche, lui souris… et passe ma langue de bas en haut. Son sexe s’ouvre sur mon passage et je regrette d’avoir mis autant de temps à me retrouver là.

Kara laisse s’échapper un gémissement dont le volume sonore m’inquiète et manque de refermer ses jambes sur ma tête lorsque j’enroule mes lèvres autour de son clitoris et aspire.

Elle est sensible, ça va être fun.

Empoignant ses fesses, je l’attire plus à moi sans ménagement tandis qu’elle place une main dans mes cheveux, faisant pression à l’arrière de mon crâne.

Autant dire que je n’ai pas l’intention de me reculer…

Je marque mon approbation d’un gémissement, sachant qu’elle en sentira les vibrations et amène deux doigts à l’entrée de son sexe. Ses muscles se contractent, essayant de m’attirer en elle et elle donne des petits coups de bassin des fois que le message ne soit pas assez clair.

Ça me fait sourire.

Tellement impatiente…

Je reste immobile, sachant que ça la rend dingue.

Plutôt que de se laisser faire, elle resserre sa poigne dans mes cheveux. Je me recule, l’observant en souriant, parfaitement consciente que la moitié inférieure de mon visage est couverte de son envie et voulant qu’elle grave cette image dans sa mémoire.

– Naomi je te jure, si tu armfff — mhhhh —

Ma bouche rejoint mes doigts au cœur de l’action, avant de me reculer juste assez pour annoncer :

– J’aime beaucoup t’entendre, mais tout le monde va bientôt savoir ce qu’on est en train de faire.

Elle acquiesce d’un hochement de tête et mord sa lèvre, essayant de garder le silence.

Elle est serrée autour de mes doigts et je meurs d’envie de les voir faire des va-et-vient en elle, mais ça devra attendre…

Le problème est que plus je continue, plus il est évident qu’elle va nous faire repérer.

Remplaçant ma langue par la base de ma paume, je me redresse et place ma main libre sur sa bouche, étouffant une partie des sons qu’elle laisse s’échapper.

Maintenant qu’elle n’est plus occupée, je décide de mettre ma langue à profit. Approchant mon visage de son oreille, je prends garde de ne pas lui en mettre partout et lui dis :

– Je regrette d’avoir autant attendu, si tu savais comme ça m’excite de te sentir comme ça…

Marquant mon point, je plie mes doigts en elle et augmente la puissance de mes mouvements, plaçant ma cuisse derrière ma main pour accompagner mon bras. Elle bascule la tête en arrière et sans ma main je pense que tout le quartier en profiterait !

Notre situation est un peu sordide, j’ai une main sur sa bouche, lui dis des cochonneries, ne l’ai pas embrassée et suis pourtant en elle jusqu’aux phalanges alors qu’une seule porte nous sépare de nos invités… Bien que ça ne soit pas ce que j’avais imaginé pour notre première fois, je dois avouer que l’interdit n’est pas pour me déplaire…

Elle se contracte de plus en plus fréquemment et enroule une main autour de mon biceps, m’attirant plus à elle.

Mes yeux vont se poser sur son corps, elle est complètement débraillée et éhontée dans son plaisir, tout simplement superbe.

Je sens son orgasme arriver, son corps se contractant, en arrêt total l’espace d’une seconde avant d’être parcouru de spasmes.

Ma technique d’étouffement acoustique n’est pas franchement efficace, mais ça aurait été dommage de rater ça de toute manière. J’espère juste que la musique aura camouflé le bruit de nos activités…

Si je m’écoute, je continue pour voir jusqu’à où je peux l’amener lors de notre première fois, mais ce serait un peu trop risqué.

Retirant mon « bâillon », je m’essuie le visage d’un revers de main et demande :

– Ça va ?

Elle ne répond pas tout de suite et ça suffit à me mettre le doute. C’était sa première fois avec une femme, s’il faut elle s’attendait à autre chose ou est déçue… oh mon Dieu, peut-être qu’elle ne souhaite pas réitérer !?

Je suis encore en elle, si c’est mon unique chance je devrais peut-être en profiter et recommencer directement ?

Kara arrête ma litanie intérieure en prenant la parole :

– Maintenant que je sais ce dont tu m’avais privée en me rejetant, t’as de la chance que je ne sente plus mes jambes sinon je t’aurais donné un coup de pied !

Je lève les yeux au ciel en souriant et gigote mes doigts toujours en elle.

Elle laisse s’échapper un son mi-surprise mi plaisir et tire sur mon poignet, me retirant.

Bien évidemment, ça m’amuse beaucoup plus qu’elle :

– Très drôle.

À contrecœur, j’ouvre l’arrivée d’eau et me lave le visage et les mains, ne pouvant pas décemment sortir comme ça. Et rester ici n’est pas une option. J’ai doublement snobé ma propre fête...

Alors que je suis en train de me sécher avec ma serviette, je sens les mains de Kara se glisser autour de ma taille et commencer à remonter en direction de ma poitrine.

Je les intercepte et me retourne :

– Qu’est-ce que tu fais ?

– T’as vraiment besoin que je te l’indique ? Je te rends la monnaie de ta pièce !

– On verra plus tard, on ne peut pas rester là très longtemps sans que ça soit louche…

Elle fronce les sourcils et s’apprête à argumenter, mais je rajoute :

– S’il te plaît ?

– Ok.

Satisfaite, je lui souris et me dirige vers la porte, mais elle s’empare de ma main, me faisant me retourner :

– T’as pas l’impression d’oublier quelque chose ?

La regardant curieusement, je n’ai aucune idée de quoi elle parle et tente ma chance :

– Merci ?

Elle éclate littéralement de rire et tire sur ma main pour m’attirer à elle :

– Nan. Tu m’as même pas embrassée !

Je fais une moue et m’apprête à faire une blague douteuse, mais suis réduite au silence par ses lèvres sur les miennes.

Notre premier baiser n’est pas du tout comme j’ai pu me l’imaginer. Il n'a pas le côté "dévorant" auquel je m'attendais, probablement parce que dans ma tête il avait lieu AVANT qu'il se passe quoi que ce soit. C'était l'ouverture des vannes, le déferlement.

Mais pas du tout. Il s’agit plus d’une découverte lente, pleine de promesses. Un avant goût des possibilités, le calme avant la tempête. Même avec ça c’est une allumeuse. Je sais que je vais devoir me contenter de ce que j’ai eu si je ne veux pas aggraver mon cas et ma culpabilité, mais je suis loin d’être rassasiée.

Sa main se referme sur mon haut alors qu’elle se presse contre moi.

J’étais déjà dans tous mes états et ce baiser n’arrange rien, encore moins lorsqu’elle vient caresser ma langue de la sienne. J’ai toujours son goût sur ma langue et ça m’excite encore plus de savoir qu’elle ne peut pas ignorer où je me trouvais il y a quelques minutes.

Rien qu’avec ça, le baiser passe à la vitesse supérieure et c’est à mon tour de me retrouver plaquée contre le mur.

Mon opinion quant au fait que l’on ne devrait pas pousser notre chance dans cet endroit somme toute risqué est en train de changer à toute vitesse, mais heureusement Kara se recule.

Passant sa langue sur ses lèvres, elle me dévore du regard, mais fait un nouveau pas en arrière, annonçant :

– On ferait mieux d’y aller.

Acquiesçant d’un signe de tête, je me dirige vers la porte sur des jambes incertaines souriant lorsqu’elle m’interpelle à nouveau :

– Et Naomi ?

– Oui ?

– Bon anniversaire !

Une chose est sûre : il est mémorable.  

 

=============

 

À peine avons-nous franchi la porte qu’Aaron nous tombe dessus :

– Ah vous voilà ! Qu’est-ce que vous faisiez ?

C’était trop beau !

Il sait ce qu’il s’est passé et comme il est musclé, il arrivera à porter mon corps suffisamment loin au cœur de la forêt pour qu’on ne me retrouve jamais ! Mon cadavre finira dévoré par des sangliers et ma famille ne saura jamais ce qu’il m’est arrivé !

Heureusement pour nous, les prédispositions de Kara en matière de mythomanie sont excellentes et elle s’avère nettement moins inutile que moi.

Mentant comme une arracheuse de dents professionnelle, elle répond du tac au tac :

– Naomi s’est sentie mal, ça pose problème monsieur l’agent ?

Elle lui délivre un regard noir, une invitation très claire à conserver le silence qu’il accepte immédiatement, hochant la tête à la négative.

C’est normal que je trouve ça sexy ?

D’une main sur le torse, elle pousse son frère et retourne faire la fête.

Je la regarde et opte pour un passage rapide dans ma chambre pour le second changement de sous-vêtements de la soirée ! Si ça continue comme ça, je vais lui demander une participation supplémentaire sur la lessive !

15 novembre 2011

Chapitres 1 & 2

Chapitre 1

La sueur coule le long de ma tempe, mes jambes sont lourdes. Pourtant il faut que je coure. Ne pas s'arrêter, ne pas regarder…
Je ne sais pas vraiment où je vais, mais je sais ce que je fuis.
Mais pourquoi j'ai fait ça ? Je suis vraiment stupide ! C'est pas comme si j'avais pas assez de problèmes comme ça !

* * * * *

Je m'arrête au coin de la ruelle. Personne à gauche, personne à droite. De mon poing, je frappe le mur de toutes mes forces.
- Putain ! Où elle a bien pu passer ?
- Laisse tomber Jo, ça n'en vaut pas le coup. On l'aura pas !
Remettant mon uniforme de police en place, je regarde mon collègue avec colère
- Un jour, je l'aurai, je te jure ! Depuis le temps qu'elle me nargue !

Les clés viennent s'échouer dans le vide poche de l'entrée. Je jette avec nonchalance ma veste encore ruisselante sur le portemanteau déjà bien trop chargé.
Je me dirige vers la salle de bain, prête à laver les restes d'une journée de travail trop éreintante. Ma tête me fait un mal de chien. Mon front est orné d'une belle bosse qui me rappelle ma folle course poursuite dans les rues de la ville.
Quand je pense qu'une petite voleuse de pommes a osé m'en jeter une en pleine face ! Et j'ai même pas eu le temps de voir son visage !
La colère a maintenant fait place à l'amusement face au ridicule de la situation.

* * * * *

Je me retourne, prête à la voir juste derrière.
Personne.
Elle courait vite. J'ai beaucoup plus de facilités à larguer les autres balourds qui lui servent de coéquipiers. Mon souffle est encore court, mon cœur bat la chamade.
Elle a presque failli m'avoir cette fois.
À force de jouer avec le feu, il est fort possible que je me brûle !
À chaque fois je suis surprise de la voir… et je perds de précieuses secondes. C'est comme si elle savait en permanence où je suis.
J'ai toujours eu un faible pour les filles en uniforme, mais de la à risquer de me faire avoir comme ça !
Sans perdre plus de temps, je me remets en route. Après tout, je viens de jeter mon repas du soir à la figure de la plus craquante des flics de L.A…

* * * * *

Mes longs cheveux noirs encore dégoulinants, j'attrape la clé de la boite aux lettres pour relever mon courrier. Comme d'habitude, c'est le pire qui m'attend :
La facture de téléphone.
Je déchire très lentement le papier, déglutissant bruyamment, prête à faire mon malaise mensuel.
542 € !
- Cette fois t'as été trop loin ma vieille!
Me dirigeant à grands pas vers le fond du couloir, je suis prête à faire irruption dans la chambre de ma petite sœur, lorsque la porte s'ouvre.
Comme à son habitude, Anna est habillée façon hippie. Mais ce jour là, elle n'aurait jamais dû avoir un look je m'en foutiste.
Elle lève les yeux très timidement, sachant très bien pourquoi je suis venue la voir.
- Tu sais pour combien j'en ai eu cette fois ? 542 € !! Alors j'aurai une seule question : c'est une blague ?
- Nan mais tu sais bien, il fallait que j'appelle Céline, elle va pas bien et tout !
- Je m'en fous de ta copine, déjà qu'elle s'invite à manger et dormir chez moi trois fois par semaine, t'as pas l'impression d'abuser là ?
- On s'est engueulées, t'inquiète pas tu la verras plus. Et pis c'est bon, je te filerai 20 €uros ! Lâche moi t'es pire que maman !
- Cool, il me restera plus QUE 522 €uros à payer ! T'es trop généreuse ça te perdra ! Je vais te dire ce qui va se passer : soit t'arrêtes avec tes coups de fil à droite à gauche, soit justement, tu retournes chez maman vu que t'es si mal ici !
- … !
Me jetant au passage un regard assassin, Anna me bouscule pour sortir de sa chambre.
Cette gosse va me tuer ! Allez encore aider votre petite sœur !

* * * * *

Je croque avec plaisir dans la poire que je tiens en main et me souviens qu'il ne faut pas faire de bruit, les autres dorment sûrement déjà.
J'espère qu'ils m'ont laissé mon canapé !!!
CRAK !
Soupir. Je baisse les yeux pour voir, bien sûr, mon pied coincé entre deux des lattes du plancher vermoulu de la maison qui nous sert de squatt en ce moment. Su-per !
Pour la discrétion, je repasserai !
Bon, j'imagine qu'il ne me reste plus qu'à finir cette poire et voir ensuite comment me sortir de là !
Je tire un peu, le plancher n'a pas l'air disposé à me libérer. Tant pis !!
- T'es vraiment, mais alors vraiment pas douée ma vieille !!
Kim s'assied à côté de moi, regardant d'un air amusé mon pauvre pied toujours immobilisé.
- Plutôt que de te moquer, aide moi à sortir de là ! Et que ça saute !
- Ah tu le prends sur ce ton là ?
Elle commence à s'éloigner, avant que je ne l'attrape par la cheville
- Pitié ôôôô ma reine, tu es la plus belle et la plus tout ce que tu veux… aide moi…. !!!!
Elle semble hésiter un instant, donne un coup d'œil à mon air de chien battu puis s'accroupit :
- Une seule condition esclave ! Que tu me fasses don de ton corps ce soir !
- Avec joie madame ! dis-je avec un sourire complice.
Ses lèvres viennent rencontrer les miennes. Comme d'habitude, ses baisers ont un goût de menthe. J'aime sa façon d'embrasser, tendre et passionnée à la fois. Je me recule lentement.
- Hum, bon, tu m'aides à me sortir de là ou pas ?
Elle me sourit et va chercher une barre de fer rouillé.
- Ne bouge surtout pas !
Glissant la barre à côté de mon pied dans le trou du plancher, elle s'en sert pour faire levier. Le plancher se met à craquer, et enfin les lattes de bois daignent relâcher la pression sur ma cheville.
- Merci mon cœur !!!

* * * * *

Et c'est reparti pour une superbe journée de boulot !!
Jetant mon réveil en bas de la table de nuit, je me lève tout en m'étirant. Le nombre de craquements me rappelle le poids des années passées (ou les folies faites avec mon corps, au choix).
J'ai encore rêvé de la fille à la pomme. Comme si je n'y pensais pas déjà assez pendant la journée. J'espère que je vais la croiser aujourd'hui encore et avoir l'occasion de prendre ma revanche !
- Qu'est ce qui te fait sourire bêtement comme ça ?
Je lance un regard las à ma petite sœur, abandonnant l'idée d'une explication avant même d'y avoir songé.
- T'as été au pain vu que t'es debout ?
- J'ai une tête à aller au pain moi ?
Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir faire d'une sœur comme ça ? C'est à croire qu'elle ne pense qu'aux filles et à faire la fête !
Prenant mon courage à deux mains, je me décide à sortir du lit. J'attrape le paquet de céréales dans le placard
- Tu ne vas pas chercher du pain ? Je préfère manger du pain le matin ! dit elle en faisant la moue.
- J'ai une tête à aller au pain moi ? lui réponds je, fière de moi
Comme souvent, j'essaie de faire un maximum de bruit en écrasant les céréales au chocolat entre mes dents. Ca ne sert à rien, ce n'est plus de mon âge, mais ça m'amuse !!
Mais c'est déjà l'heure d'aller bosser et même si la perspective d'aller retourner me coucher me paraît plus tentante, je n'ai pas vraiment le choix.
Rituel oblige, avant de sortir je jette un coup d'œil dans la glace.
Mais comment font les mecs pour résister ?
C'est vrai après tout je suis pas le genre de fille qu'on croise à tous les coins de rue. Avec mon mètre quatre-vingt et mes yeux très bleus… et cet uniforme de police qui a sans doute été conçu spécialement pour moi…
- Pas de doute ma belle t'en jettes un max.
- Ca c'est clair que tu t'en jettes un max de fleurs !
Le regard noir que je lance à ma petite sœur est atténué par la honte d'avoir parlé à voix haute. Ca m'apprendra !

Chapitre 2

oup d'œil à droite, puis à gauche… Personne, j'y vais.
Je m'élance hors de la ruelle sombre vers l'épicerie qui fait le coin. Je me retrouve rapidement devant l'étal et prends une pastèque en même temps que mes jambes à mon cou.
Déjà tout sourire à l'idée de me goinfrer, je m'engouffre dans un coin d'ombre, avant de plonger de nouveau dans l'anonymat des ruelles mal famées.
Epuisée, après 5 minutes de course à pied, je décide qu'il est l'heure de manger.
Même pas un cri, pas une alerte, aussi rapide que l'éclair, personne ne m'a vue ! Je m'améliore!
Mes fesses viennent lourdement s'écraser sur le béton. Couteau suisse en main, la pastèque vit ses derniers instants. Je jette un ultime coup d'œil à ma victime avant de lever le bras, prête à donner le coup de grâce !
- Tu devrais faire attention tu risques de te blesser !
Certaine d'avoir fait un bond d'au moins 2 mètres, je regarde dans la direction de la voix.
Oh non !! Oh non non !!
- Pourtant je crois avoir déjà prouvé mon adresse l'autre jour. dis-je, espérant secrètement détourner l'attention.
- Tu m'as eue par surprise, ça n'arrivera plus. Et j'aime autant te prévenir que le lancer de pastèques est nettement plus dur.
Elle a un sourire pour lequel je serais prête à me damner. Mais l'heure n'est pas aux pensées lubriques. Je dois réfléchir à une manière de m'en sortir.
Calculant aussi vite que possible les diverses alternatives qui s'offrent à moi, je décide de choisir la plus sage. La fuite !!
Elle est grande, visiblement sportive et je ne connais pas bien ce coin de la ville. Dans quelle direction aller ?
Il est temps de faire confiance à ma chance légendaire.

Pastèque sous le bras (hors de question d'abandonner mon butin), je m'élance rapidement dans la direction opposée à mon idéal féminin.
Un millième de seconde plus tard, je l'entends se mettre en route. Elle n'a pas été longue à réagir.
J'ai beau avoir à peine 20 ans, j'ai l'impression d'avoir autant de fougue qu'une mamie.
Arrivée à une intersection, je tourne à gauche.
Un cul de sac.
Fallait que ça m'arrive maintenant.

Je me retourne, prête à affronter le regard triomphant de ma poursuivante. Pour le coup, je ne me suis pas trompée.
Elle avance vers moi lentement, sachant pertinemment que je n'ai plus aucun moyen de m'enfuir.
Game over.
Ses yeux brillent d'une lueur que je n'arrive pas à définir. De la joie ? Une envie de vengeance ?
Sa démarche est souple et féline.
Reste concentrée. Tu dois réfléchir.
C'est vrai que les formes que laisse entrevoir son uniforme laissent songeuse !
Reprends-toi !!!

À peine suis-je sortie de mes pensées, je me rends compte qu'elle est désormais trop proche pour espérer avoir une chance de l'éviter.
À un mètre de moi, elle continue toujours à avancer. Je me sens la proie d'un terrible prédateur. Elle stoppe alors que dix petits centimètres nous séparent encore.
Lentement, comme pour refermer la cage et insister sur sa victoire, elle me plaque dos au mur en posant ses deux mains contre celui-ci.
Je n'avais vraiment pas besoin de ça !
Mes yeux descendent dangereusement vers l'endroit où les boutons de sa chemise semblent prêts à sauter. A ce niveau de proximité, je ne réponds plus de rien.
- J'ai gagné.
Je hausse les sourcils, étonnée.
- C'est quoi mon gage ? Des beaux bracelets ?
- Assez tentant comme proposition, mais là je n'ai été témoin de rien du tout.
Le sourire me vient aux lèvres.
Elle voulait juste gagner. Prendre sa revanche. > - Donc au final on fait quoi?
-
Au final ça fait que tu m'accompagnes jusqu'à mon cher collègue, et qu'on verra ensuite.
Madame la flic sexy ou comment briser tous mes espoirs en une demi seconde.
-
Le fait d'être craquante ne fait pas toujours tout officier… Je n'ai pas l'habitude de suivre les inconnues. Je suis désolée d'avance.
Rapidement, je viens poser mes lèvres sur les siennes. Comme je l'avais espéré, elle a un mouvement de recul.
J'en profite pour passer sous son bras et courir vers ma liberté.


* * * * *

Et dire que je l'avais attrapée !
Mais cette fois encore elle m'a eue.
N'empêche que c'était déloyal !
Je me demande ce qui a bien pu lui passer par la tête.
L'idée ne me serait même pas venue à l'esprit je crois !!
Mes doigts viennent à ma bouche, comme pour me confirmer que ça a bien eu lieu. C'est comme si le contact avait duré des heures. J'ai l'impression de toujours sentir ses lèvres contre les miennes.
Mais pourquoi elle a fait ça ? Il y avait d'autres moyens pour s'en sortir. Je n'avais aucune preuve contre elle.
Bref, on ne va pas chercher à comprendre !!

Grâce à je ne sais quel miracle, je retrouve ma voiture de fonction en seulement 5 minutes. Karl est toujours à l'intérieur, toujours avec ses beignets à la confiture, pour changer.
- T'en fais une drôle de gueule ! T'as vu un monstre ?
- Pire encore, j'ai eu une vision de toi nu !!
Visiblement, ma petite blague ne le fait pas rire. Mais, en parfait gentleman, il enfouit ses insultes dans sa gorge en même temps qu'un gros beignet.

* * * * *

-
Oh puta**, oh puta** ! Mais qu'est-ce qui m'a pris !
Bon, euh reste calme, au moins ça t'aura permis de t'enfuir.
Et pis c'est pas comme si tu regrettais…
Un petit sourire songeur se glisse sur mes lèvres. Après tout ça en valait le coup !
Je suis sûre que dans d'autres circonstances… ça pourrait être très agréable…
Laura, arrête de penser des trucs comme ça !
Et moi qui croyais qu'avec la fin de l'adolescence, tous nos problèmes hormonaux étaient résolus…
Je ralentis l'allure, c'est plus la peine d'aller si vite, je l'ai laissée sur place. Bon, j'ai un peu mauvaise conscience à l'idée de ce que j'ai fait à cette pauvre fille en deux jours. Entre la pomme en pleine tête et le baiser…
- Je devrais peut-être m'excuser… Ou au moins essayer…

Une idée de génie me vient à l'esprit. C'est un peu crétin, c'est prendre beaucoup de risques pour pas grand-chose mais ça le fait.

* * * * *

-
J'en ai marre de ces histoires de voisinage. C'est toujours pareil avec celle-là ! dit Karl tandis qu'on retourne à notre voiture.
- Tu m'étonnes. Si j'ai pas entendu cette femme se plaindre 1000 fois du bruit que fait son voisin, c'est un miracle !
- C'est son ex… m'annonce-t-il en mâchouillant son chewing-gum, l'air inspiré.
- Qui ça ?
- Le voisin… c'est son ex. Son ex mari même…

Un petit rire m'échappe. Ca explique pourquoi elle en a autant après lui…
Karl déverrouille les portières et je m'affale avec soulagement sur le siège passager. Un coup d'œil à la montre du tableau de bord: 18h08. Courage, c'est bientôt fini.
Karl pointe un truc du doigt en rigolant :
- On dirait qu'on nous a filé une prune !

Je regarde le bout de papier coincé sous notre essuie glace. Qui pourrait être assez con pour nous coller un PV ? C'est même pas une voiture banalisée !
J'ouvre la portière et attrape le bout de papier en question.

- Ché quoi ? dit Karl finissant d'enfourner Dieu seul sait quoi dans sa bouche.
- Attends, je te dis ça !
Je déplie le bout de papier froissé.
J'y crois pas…

Juste parce que je suis bien élevée.
Désolée pour la pomme… et pour vous savez quoi…
Mais si vous arrêtiez de me suivre aussi…

J'arrive pas à m'empêcher de rigoler. Elle a de l'humour au moins. Et elle est gonflée !

* * * * *

Ca fait longtemps que j'ai pas revue mon " amie " la policière sexy. En même temps, ça vaut sûrement mieux, au vu de mes petites provocations…
Ca l'a fait sourire ceci dit ! Je revois encore la scène : son collègue qui pointe le papier du doigt, elle qui l'attrape, perplexe, qui le lit et…ahhhh… ce sourire !!

Laura, reprends-toi !
Et puis tu l'as même plus vue depuis ce jour là !!

* * * * *

Le soleil caresse ma peau à travers le feuillage des arbres du parc. Ca fait longtemps que je n'ai pas pris un peu de temps pour moi.
Faut dire que mes horaires de service ne sont pas vraiment arrangeants ces derniers temps…
En même temps, si je n'étais pas sortie aujourd'hui… c'est vrai quoi, il fait beau, je déguste une glace au chocolat dans un parc… que demander de plus.
Sans même m'en être rendue compte, je me retrouve devant un groupe qui fait un spectacle de rue. Un petit attroupement se forme autour d'eux.
J'avise un banc du coin de l'œil quelques secondes avant d'aller m'y asseoir.
Je mange distraitement ma glace en observant les passants. Certains rient, d'autres tirent une tête pas possible. D'autres encore ont l'air perdu ou intrigué.

Soudain, quelque chose au loin attire mon attention. Non….
Je me penche un peu, comme si j'allais mieux voir, mais je sais déjà que je ne me suis pas trompée.
C'est elle.
Elle est assise sur un banc avec des amis à elle, à, à peine une vingtaine de mètres de là où je me trouve.
Elle ne m'a pas repérée, alors je me réinstalle contre le dossier du banc, continuant à l'observer, sans savoir pourquoi. Je n'ai même plus envie de chercher à comprendre. Pour une fois, il est temps pour moi de suivre mes envies.

Je réalise qu'elle est vraiment jolie et semble pleine de vie. Elle rit beaucoup, a l'air assez heureuse.
Elle dégage quelque chose d'enfantin, de pur. Pourtant ce que j'ai vu d'elle ne correspond pas vraiment à l'image… Un sourire me vient naturellement aux lèvres et je suis certaine d'avoir l'air crétin au possible.

Alors que je la contemple, je la vois froncer les sourcils, tourner la tête et regarder quelque chose au sol. Je suis l'endroit que ses yeux sondent.
Une petite vieille vient de faire tomber son portefeuille. Ma curiosité est piquée.
Je me demande ce qu'elle va faire.
Sans hésiter, elle se lève et s'empare de l'objet. J'aurais du m'en douter !
Quelque part, tout au fond, je suis déçue.

Pourtant, à ma grande surprise, je la vois courir après la mémé. Elle lui tape sur l'épaule et lui rend son bien. La vieille femme est ravie et la remercie vivement.
Elle ne s'est même pas servie ! Elle est… honnête !

Mon sourcil droit se lève et je sais très bien que j'ai cette expression, à moitié entre l'incrédulité et l'interrogation.
Décidément, elle ne fait rien comme les autres cette fille !
Je reprends mon inspection, de plus en plus intriguée…
Elle retourne auprès de ses amis qui ont l'air au moins aussi intrigués que moi. Elle répond à leurs questions en passant sa main dans ses cheveux, d'embarras. Elle bredouille quelques mots, jouant avec la terre un peu sableuse sous ses pieds.

Même de là ou je suis, je remarque qu'elle change soudain de sujet
Rien qu'en la regardant parler, je suis à peu près sûre qu'elle est loin d'être bête. Le moins qu'on puisse dire est qu'elle captive son auditoire. Ils n'ont d'yeux que pour elle tandis qu'elle raconte une histoire à grand coups de gestes des mains.
Sans crier gare, elle tourne la tête dans ma direction et son regard vient directement capter le mien. Mon cœur manque un battement avant de reprendre à toute allure. Je déglutis tant bien que mal.
Oups !

* * * * *

Je savais bien que je me sentais observée ! Je ne suis pas encore dingue !

C'est elle
. Même sans son uniforme je la reconnaîtrais entre mille. Et personne n'a des yeux aussi bleus.
On se regarde comme ça, pendant une seconde, ou une éternité, je ne sais pas et ça m'est complètement égal.

- Laura ? Ca va ? Tu nous fais quoi là ?
Kim me regarde de façon étrange, se demandant visiblement quelle mouche vient de me piquer.
Les autres attendent que je continue mon histoire, je le vois bien, mais pour l'instant il m'est impossible de détacher mes yeux d'elle.
On s'inspecte, on se détaille, on se jauge. Je crois que je l'intrigue.
Et puis, tout à coup, elle me sourit. Pas un sourire ironique ou méchant, non, un vrai sourire. Le même qu'on ferait à une amie. Quelques secondes de plus et je la vois se lever de son banc.

Elle se dirige dans ma direction, de sa démarche souple et féline. Ses yeux n'ont pas quitté les miens un seul instant. Le monde peut bien s'arrêter de tourner, je ne suis même pas sûre que je le remarquerais tellement j'ai l'impression d'être avalée dans son regard. Je reste captivée quelques secondes, comme hypnotisée, avant de réaliser : Elle vient vers moi !

Un vent de panique me parcourt de bas en haut. Je me lève, dis un vague " à plus " aux autres qui ont recommencé à discuter et fais quelques pas à reculons.
Elle lève une main, comme pour me faire signe d'arrêter, de l'attendre.

Peut-être qu'elle veut me dire un truc…
Arrête de rêver Laura, elle veut te coffrer ! Tire-toi de là !

Des heures plus tard, j'erre toujours dans les rues, perdue dans mes pensées. La nuit commence à tomber sur la ville et mes pas me guident tout naturellement vers ma " maison ".
Arrivée à proximité, j'entends des voix. Ce n'est pas Kim, à moins qu'elle ait subitement mué et ce ne sont pas des voix connues.
Je me colle au mur et tente de jeter un œil à travers la porte délabrée. Je vois des hommes en cercle autour d'un grand blond tout tatoué et d'un petit gros au teint mat.
Hey mais qu'est-ce qu'ils font là ces abrutis ?
Il y a des gros bras partout. Je tente de voir combien ils sont exactement, ou d'écouter leur conversation. Mais je n'entends pas bien.
Je colle mon oreille à la porte, un peu trop brusquement. Elle bouge à peine, mais dans un grincement épouvantable.
Oh oh ! Réfléchis vite ma vieille!!

Je pousse la porte, comme si de rien n'était, comme si je n'avais pas vu qu'ils étaient là. Avec un peu de chance, ils se diront que je viens d'arriver et que j'ai, à peine, eu le temps de les voir.
J'ouvre de grands yeux en les regardant. Le blond fait un geste et deux gorilles que je n'avais pas vus m'attrapent…
C'était peut-être pas un bon plan…

16 novembre 2011

Chapitres 13 & 14

Chapitre 13

Le cours est enfin terminé. C'était sympa, même si j'avais les idées mal placées. Mon corps contre celui de Laura, Laura allongée sur moi, les petits gémissements qu'elle poussait quand elle faisait un effort…

ARGHHH *bave*

Johanna, contrôle-toi et n'oublie pas le mot d'ordre : Hétérosexuelle … jusqu'à nouvel ordre.

- A quoi tu penses qui te fait sourire bête comme ça ?

Je remarque alors que Laura me regarde, amusée. Je prends vite un air tout à fait innocent avant de répondre :

- A rien du tout !

Si tu savais !

J'ai envie de lui dire tout ce que je ressens, tout ce que j'aimerais partager avec elle. Seulement je ne peux pas. Non seulement je crains un refus et j'ai déjà bien trop peur de me l'avouer à moi-même, mais elle revient à la maison et je n'ai pas envie qu'elle change d'avis à cause de ça. J'ai vraiment peur de la perdre. Rah, je m'énerve à être sentimentale tout d'un coup. Je dois être malade, je vois que ça, une fatigue passagère.

Comme pour me narguer, mon esprit me met les paroles de " la maladie d'amour " dans la tête.

Si même moi je suis contre moi maintenant !

Elle ouvre la porte de l'appart et se retourne vers moi, le sourire aux lèvres :

- Jo… ça te dit de louer un film ?

- Oui, pas de prob, t'as envie de quoi ?

- J'hésite entre les filles du botaniste et Loving Annabelle…

- Je connais ni l'un ni l'autre !

- Sacrilège, inculte !! Il faut remédier à ça ! dit-elle, l'air outrée.

Elle attrape son sac, se tourne vers la sortie puis s'arrête, fait demi-tour et me dépose un bisou sur la joue.

- C'est pour te faire patienter !

Je porte la main à ma joue. C'est bien la première fois que j'ai droit à un bisou gratuit qui soit vraiment gratuit.

J'entame une petite danse de joie, bien vite interrompue par l'arrivée de Kim et Anna. Elles remarquent la petite veste de Laura et les quelques affaires posées là dès qu'elles ont passé la porte.

- Je savais qu'elle finirait par revenir, dit Kim. Ça y est, elle t'a tout avoué ?

- Euh non… Pourquoi, elle est censée avoir quelque chose à me dire ?

- Oh non non, c'était juste comme ça !

Mais qu'est ce qu'ils ont tous à dire ça ? Qu'est ce qu'elle ne m'a pas dit ?


Anna a l'air mal à l'aise et change de sujet.

- T'as passé une bonne journée aujourd'hui ?

- Oui nickel et vous, vous avez fait quoi ?

- Oh ben on a été faire du roller et puis on a été se balader un peu et on est rentrées. Et toi ?

- Ben j'ai croisé Laura par hasard pendant le boulot, je lui ai demandé de me rejoindre ce soir, j'espérais qu'elle m'explique mais elle n'avait pas l'air bien motivée.

- Sincèrement Jo, t'as vraiment pas la moindre idée de la raison pour laquelle elle était partie ? dit Anna, l'air de dire que c'est d'une évidence…

- Ben non comment je le saurais ?

Kim et Anna se regardent en souriant d'un air entendu.

- Vous êtes aussi bigleuses l'une que l'autre, il faut croire !

Sur ce, elles sortent prendre l'air.

 

Non ça ne m'énerve pas que tout le monde sache quelque chose que j'ignore ! Ça m'agace, je dois savoir !!!

Je décide d'aller prendre une douche histoire de me détendre pour éviter d'étriper Laura dès son retour.

 

*          *         *         *          *         

 

- ME REVOILA !!!

Ben elle est où ?

J'entends le bruit de la douche et sourit intérieurement. J'aimerais bien la rejoindre…

Laura, arrête de penser à des trucs comme ça ! Ca suffit ! Self control !


Je contourne le canapé pour allumer la TV et mettre en route le lecteur DVD.

- Ah te voilà ! Je me disais bien que j'avais entendu quelqu'un rentrer !

Surprise, je me retourne pour voir Jo, encore trempée, enroulée dans une serviette de bain. Elle a l'air furieuse. Elle s'approche de moi tout en me pointant du doigt. Je me demande ce que j'ai encore bien pu faire.

- Toi… Tu vas me dire ce que tout le monde sait sauf moi.

- Euh… Jo, je suis pas sûre de comprendre de quoi tu parles là.

En fait, je n'en ai pas la moindre idée.

- Oh, ne fais pas l'innocente… Pourquoi tout le monde me demande si tu t'es enfin décidée à me parler ? Qu'est-ce que tu me caches ?

Ah... ça...

 Je baisse la tête, pour lui cacher ma surprise.

- Hé bien euh… il... euh… trouve quelque chose à dire Laura, vite !

Mon regard fuit désespérément le sien, cherchant un moyen de me sortir de cette situation.

- Tu cherches un bobard, je le vois ! Laura… la vérité maintenant… dit-elle, sa voix descendant un ton plus bas.

Bon… le tout pour le tout… gulp…

- Ok. Si tu veux tout savoir, ils pensent qu'on va finir ensemble et se demandent juste quand on va se décider. Apparemment ils sont tous d'accord sur le fait que je suis celle qui aurait quelque chose à dire.

Aha, tu t'y attendais pas à celle-là hein ? T'as voulu la vérité, tu l'as.

 

La seule chose qui parvient à sortir de sa bouche est un petit " Oh… ". Elle se met à rire nerveusement, se grattant l'arrière de la tête. Elle est visiblement très mal à l'aise.

Le fait qu'elle soit toute gênée me fait plaisir quelque part. Bien fait !

-  Ca expliquerait pas mal de choses n'empêche… dit-elle au bout d'un moment.

Oh, minute… Est-ce qu'elle est en train de dire que c'est tout à fait probable que quelque chose se trame entre nous ?

 

Comme si elle avait lu dans mes pensées, elle me fait un petit sourire timide et se dirige vers la salle de bain. Je suis sûre qu'elle s'est retenue de courir.

 

Je sors le DVD des filles du botaniste de sa boite et l'insère dans le lecteur. Je m'affale sur le canapé, encore sous le choc. Nan… T'as sûrement mal compris Laura…

Au bout d'une minute, tout est en place. Jo arrive et s'assied à côté de moi.

- On commence ? demande-t-elle.

- Au cas où tu n'aurais pas remarqué, c'est surtout toi que j'attendais ! dis-je tout en pressant le bouton lecture. J'ai pris les filles du botaniste, l'autre n'était pas dispo !

 

J'observe Jo du coin de l'œil lorsque, pour la première fois dans le film, on comprend que les deux filles sont amoureuses l'une de l'autre. Elle esquisse un sourire entendu, bien vite dissimulé dès qu'elle remarque que je l'observe.

 

Dès que le générique de fin se met à défiler, je demande :

- Alors ça t'a plu ?

- La fin est affreuse...ment belle ! dit-elle.

 

Je remarque qu'elle a les larmes aux yeux. Même si j'étais dans le même état la première fois que j'ai vu ce film, je ne résiste pas à la tentation :

- Oh, mais tu pleures ! dis-je, d'un ton moqueur.

- Roh ! Tais-toi et viens me faire un câlin pour me consoler. ça t'apprendra à me faire regarder des films tristes.

Je ne me fais pas prier et me jette à moitié dans ses bras. On se retrouve allongées, je suis sur elle, dans ses bras et étrangement je me sens à ma place.

Bon, alors demain je commencerai une liste de tous les films tristes au monde, en prévision de locations à venir. Ouais, ça c'est une bonne idée.

 

            *          *          *          *          *

 

Oh non, qu'est-ce que je viens de proposer… Pourquoi pas lui demander autre chose tant que j'y étais ? Heureusement qu'elle n'a pas dit non ou hésité, j'aurais pas su où me mettre…

J'ai un peu honte de prétexter avoir besoin d'être consolée, je m'en serais très bien remise toute seule. Bah, c'est sûrement ça qu'on appelle l'opportunisme !

 

Son odeur parvient à mes narines. Pourquoi il faut qu'elle sente aussi bon ? Est-ce qu'elle se rend seulement compte qu'elle ne m'aide pas vraiment ?

On ne dit pas un mot pendant quelques minutes. Je finis par rompre le silence :

- A quoi tu penses ?

-  J'ai envie de framboises… me répond-elle.

Je ris doucement.

- C'est quand la dernière fois que t'as eu tes règles ? T'as couché sans protection avec ton petit ami récemment ?

- Ah ah très drôle ! me répond-elle. Et puis de toute manière, je préfère les filles !

Elle me regarde et me tire la langue. Vraiment chou !

Elle bouge, se relevant un peu et à ma grande surprise se réinstalle contre moi. Je la serre doucement dans mes bras et profite du moment. Elle se blottit encore un peu plus en poussant un léger soupir de contentement.

J'essaie de calmer mes émotions, de peur que les battements de mon cœur ne me trahissent.

Ma main esquisse de lentes caresses sur son épaule. Elle a la peau toute douce…

 

Je ne sais pas combien de temps on reste comme ça, je suis juste bien, j'ai besoin de rien d'autre. Je me contente de respirer ce parfum que j'aime tant et de faire durer la situation tant que possible.

Au bout d'un moment, j'ai l'impression que sa respiration se ralentit. Non, elle s'est quand même pas…

Je bouge un peu ma tête pour voir son visage. Elle a l'air si paisible…

De ma main, je remets en place une mèche de cheveux blonds qui lui tombe sur le visage. Le mouvement semble avoir rendu mon épaule inconfortable et elle se réajuste dans un petit grognement. Sa cuisse vient se placer pile sur mon entrejambe.

Oh non... pas ça...

En plus, ça ne peut pas arriver le jour où j'ai mis un pantalon doublé ! Nonnnnn ça arrive le jour ou mon pantalon est tellement fin que je sens le moindre courant d'air !

Je regarde en l'air, maudissant intérieurement le fabricant.

Bon, Jo… t'es plus une enfant… contrôle-toi un peu !

J'essaie de faire abstraction de la délicieuse pression appliquée. Au bout d'une minute, je n'en peux plus et tente de me dégager. Juste un peu, quelques millimètres feront l'affaire.

Une fois encore, mademoiselle n'est pas satisfaite de ma nouvelle position. Elle se remet comme avant, sa cuisse peut-être encore davantage mal placée.

Je ne sais pas si c'est parce que j'ai super envie d'elle, là maintenant tout de suite, ou si c'est parce que… bon je vois que ça comme explication, mais je suis presque sure de pouvoir sentir sa cuisse bouger quasi imperceptiblement au rythme de sa respiration. Et c'est déjà trop.

Jo, calme-toi… c'est une fille, tu ne peux pas avoir envie d'elle.

Je sais pas si c'est pour me contredire ou parce que je psychote, mais j'ai l'impression de sentir une humidité croissante entre mes cuisses.

Ok, j'abdique.

Je la soulève délicatement, la prenant dans mes bras et je vais la mettre sur mon lit. Attends Jo, tu veux quand même pas la laisser dormir toute habillée, si ?

Merci la petite voix, t'as toujours de bonnes idées

 

            *          *          *          *          *         

 

- Allez encore un petit effort, on y est presque ! Lève la jambe un peu plus haut Linda, le but n'est pas de s'économiser !

Je continue à faire les mouvements en rythme avec la musique, alors que ma seule envie est de m'allonger et de dormir. Vivement que ça se termine !

 

Je m'approche de Pierre, qui fait visiblement ses mouvements à moitié. Ma main attrape sa jambe et je la lui lève jusqu'au point voulu.

- Là, tu vois ?

- Oui mais ça tire un peu quand je le fais, je suis pas souple !

Parce que lever sa jambe de plus de 10 cm du sol nécessite une once de souplesse ? Mon regard exprime toute la lassitude que je peux avoir envers lui. C'est toujours la même histoire, je me demande même pourquoi il vient s'il ne veut pas faire les exercices correctement.

- C'est le but, c'est comme ça que tu sens que ça travaille.

Je retourne à ma place, écoutant distraitement la chanson.

 

Pourquoi dans les salles de sport, ils passent obligatoirement des musiques énergiques pour les séances d'aérobic ! C'est vrai, un slow de temps à autre, c'est aussi bien niveau tempo. Bon, pour le coup c'est peut être la feignasse en moi qui parle.

Déjà que d'ordinaire je suis distraite par le fait que toutes mes pensées convergent vers Jo, si en plus on ajoute la fatigue, rien ne va plus.

En plus, je suis quasiment sûre de m'être endormie sur elle hier soir, même si ce matin j'étais dans le lit, en pyjama, j'ai absolument aucun souvenir d'avoir bougé. Et aussi d'habitude, je ne mets pas de sous-vêtements sous mon pyjama…

L'illumination me vient d'un coup : Ça veut dire qu'elle a mis ses mains sur moi hier soir et que j'ai même pas pu profiter de la sensation, trop occupée à dormir comme une souche ?

Où est le mur le plus proche que je m'y frappe la tête ?!

Un peu (beaucoup) frustrée, j'ai un regain d'énergie soudain et commence à bouger sur un rythme qui n'a absolument rien à voir avec celui de la musique, jusqu'à ce que je remarque les regards interrogateurs en face de moi.

Je fais comme si de rien n'était et reprends l'enchainement, bien décidée à rester concentrée.

 

Bien sûr, je n'ai pas loupé le petit sourire en coin de Charlène. Pourquoi faut-il que ma boss lise en moi aussi facilement. Je suis sûre qu'elle sait à quoi je pensais !

Un coup d'œil à la montre : 17H30. Yihaaaaa ! En plus Jo ne devrait pas tarder maintenant, elle a dit qu'elle passerait me faire un coucou en sortant du boulot !

J'arrête la musique et dis :

- C'est fini pour aujourd'hui ! Merci d'être venus, même chose demain même heure !

Je les regarde quitter la salle, enviant ceux qui EUX, sont libres de s'en aller. Courage, encore un cours et c'est fini !

 

Ne résistant pas aux appels que me lance un fauteuil qui a l'air super confortable, je traverse la pièce et m'affale dedans. J'ai même pas commencé à ne rien faire que j'entends la voix de Charlène depuis l'entrée :

- Laura, ramène-toi, vite !

Intriguée, je vais aussi vite que possible voir ce qu'elle veut. J'ai même pas fait un pas dans la pièce que je comprends.

Oh non…

 

Là, à la télé, est écrit en gros titres : prise d'otages à la WV Bank. Sur l'image prise par une caméra de surveillance, on voit très distinctement Jo dans les bras d'un type, un flingue posé sur sa tempe.

Mon sang ne fait qu'un tour. Pourquoi il fallait que ça soit elle ? Je sens que je commence à paniquer quand Charlène rajoute :

- T'inquiète pas, apparemment la police est en route, ça va aller !

Ça ne me rassure pas du tout ça !

- Tu veux dire que, quand il aura saisi qu'il est foutu, il va être dix fois plus stressé et qu'il risque de faire n'importe quoi ?

Elle me regarde et se tait. Elle a dû comprendre que ça ne sert à rien de me parler pour l'instant.

Chapitre 14

Oh le con !

Ca m'apprendra à rendre service à Karl. Va juste déposer un chèque pour moi s'il te plait, après je te ramène chez toi, ça te prendra que 5 minutes, mon banquier me hait, s'il me voit j'en ai pour des heures et gna gna gna !

Et maintenant je me retrouve dans les bras d'un type qui pue comme pas permis et pointe un putain de calibre sur ma tempe. Si je m'en sors, dans l'ordre :

Je tue Karl

J'envoie du parfum et une savonnette à M. Monde derrière moi

Je réanime Karl pour le tuer à nouveau.

 

Et en plus j'avais dit à Laura que je passerais la voir après le boulot. Je risque d'être en retard…

Je sens bien que le gars est super stressé alors je m'efforce d'être aussi calme que possible. Ca me prend toute la bonne volonté du monde mais j'écoute ce qu'il me dit sans broncher :

- Ecoute-moi attentivement ma belle, je vais te lâcher et tu vas bien sagement aller fermer les rideaux, t'as compris ?

Je hoche la tête doucement et m'avance vers les persiennes en question. Cet abruti se doute même pas qu'il y a des caméras de sécurité ou quoi ? Mis à part se foutre dans le noir, ça va pas changer grand-chose. Je vais à celle la plus proche de la sortie quand j'entends :

- Et essaie pas de te tirer ou je les bute tous !

Et en plus c'est un crétin ! Ca m'enrage de ne rien pouvoir faire.

Je revois encore la scène : il arrive dans la banque où il y a tout juste 3 clients, deux guichetiers et moi, sort son arme et nous fait un remake d'un mauvais film en disant : les mains en l'air ! Et filez-moi le fric et vite !

 

Je regrette d'être passée me changer avant de rentrer, sinon j'aurais au moins eu mon flingue. Et il t'aurait butée en voyant un flic, ça n'aurait pas servi à grand chose !

 

Je termine de tout fermer et reste en place, bien sagement. Il transpire à grosses gouttes, sachant très bien qu'il a plutôt intérêt à réussir son coup s'il ne veut pas finir en taule.

Je me demande quand même ce qui a pu le pousser à faire ça. C'est vrai, c'est un gars de quoi, allez, un mètre soixante-dix, la trentaine, des lunettes et un look de bouseux avec son costume au haut deux fois trop grand pour lui et au pantalon taille enfant.

Peut-être qu'il fait ça pour s'acheter des fringues !

 

Il n'a pas vraiment le profil type du fou furieux à première vue, même s'il a quand même l'air d'avoir du muscle.

Sa main doit être moite et je vois bien que sa prise sur le flingue n'est pas assurée. Il suffirait d'un seul instant et…

En restant là où je suis, près des portes et à l'opposé de l'endroit où se trouvent les autres otages, je l'oblige à sans cesse tourner la tête.

- Retourne avec les autres, tout de suite !

J'avance doucement vers lui, concentrée sur la main qui tient l'arme. Je sens l'adrénaline monter et mon cœur se mettre à battre de plus en plus vite. Je passe à côté de lui quand on entend des sirènes de police. L'alerte a été donnée.

 

Paniqué, il détourne son attention de moi pour regarder la porte avec inquiétude. Il ne m'en fallait pas plus. Mon pied vient frapper sa main, lui faisant lâcher le revolver. Il se retourne vers moi.

- Sale pute !

Je ne m'attends pas à ce qu'il soit si rapide et j'ai tout juste le temps de tourner un peu la tête quand je sens son poing s'écraser sur ma mâchoire. Je vais avoir un gros bleu demain.

Les otages ne savent pas quoi faire et regardent l'arme au sol, à un mètre de lui comme de moi. Il tourne la tête vers eux et leur lance :

- Bougez pas, je la termine et je m'occupe de vous. Le premier qui tente quoi que ce soit-

Mon poing vient s'écraser en plein dans son visage et j'entends avec satisfaction le bruit caractéristique d'un nez qui se brise tandis qu'il arrête de dire des conneries.

Fallait pas me quitter des yeux, abruti !

Le choc l'a fait se tourner en direction du flingue et je sais avant lui qu'il va essayer de l'attraper.

Mon pied vient le frapper à l'arrière du genou et il s'écroule lourdement. Je me rue vers l'arme mais sa main m'attrape la cheville et je tombe à mon tour. Le temps de reprendre mes esprits, il est à cheval sur moi et me tire par les cheveux pour frapper ma tête contre le sol.

Il recommence l'opération. Personne ne semble décidé à venir m'aider alors que ma tête commence à sérieusement tourner. Je le vois qui se relève et veut passer par-dessus moi pour s'emparer du revolver.

Même à moitié inconsciente, aucune fille n'oublie jamais le point faible numéro 1 des gars. En se levant, il expose son entrejambe sans même s'en rendre compte. Grossière erreur. Ma main droite vient agripper sa virilité et je serre ce point précis de toutes mes forces.

Je suis à peu près certaine d'avoir un sourire de satisfaction sur le visage tandis qu'il hurle de douleur.

Mon sourire disparaît alors qu'il me frappe au visage comme il peut. Je sens le goût du sang dans ma bouche mais je ne lâche pas prise tout de suite. Mon autre bras tire sa jambe. Je me relève et le pousse, le faisant tomber dans le mouvement. Alors qu'il est dos au sol, je le vois jeter un œil vers l'arme et tendre le bras. Elle est à quelques centimètres seulement de sa main. Sans perdre plus de temps, je lui colle une droite dont il se souviendra toute sa vie, en plein dans l'arcade, avant de me précipiter pour saisir le revolver avant lui. Ses doigts vont s'enrouler autour de la crosse quand je lui marche sur la main, lui faisant lâcher prise et je me penche pour attraper le flingue. Il retire son bras de sous mon pied, me déséquilibrant et je tombe en avant.

A peine ai-je touché le sol qu'il se jette sur moi.  Ses deux mains viennent entourer ma gorge. La prise est serrée, ça ne sent pas bon pour moi. L'air commence déjà à me manquer. Je réalise tout à coup que mes doigts touchent quelque chose.

Le canon.

La chance ne m'a peut-être pas totalement abandonnée après tout !

Ma prise se resserre et j'abats la crosse du revolver à l'arrière de son crâne. Il s'écroule sur moi, inconscient.

Je le pousse en toussant, me relevant tant bien que mal. Je crache un filet de sang, reprenant mon souffle, tandis que mes collègues rentrent en trombe dans la banque.

L'adrénaline coule toujours dans mes veines, mon cœur bat la chamade.

Je jette un dernier regard vers le braqueur, satisfaite de savoir que je m'en tire beaucoup mieux que lui. Son nez est vraiment dans un sale état, tout comme doit l'être son entrejambe, et il va avoir un sacré mal de tête au réveil. 


Karl m'attrape sous le bras et m'aide à sortir de là alors que j'ai encore la tête qui tourne dangereusement.

- Plus jamais je te rendrai service, sache-le Karl !

Il rit et m'amène vers les médecins.

 

C'est sûr, je vais être en retard !

 

*          *          *          *          *         

 

Soulagée, je vois les policiers passer les menottes au gars alors qu'il reprend doucement conscience. J'en reviens toujours pas. Jo, ma colocataire, vient de foutre une raclée à un braqueur !

Bon, le combat ne ressemblait pas vraiment à ceux qu'on voit dans les films mais on ne peut pas tout avoir. Surtout que la prise " casse noisettes " façon Jo est assez peu orthodoxe.

Le journaliste prend la parole  " On apprend que les victimes sont emmenées à l'hôpital St James où une cellule de soutien psychologique a été mise en place "

- Quel soutien psychologique ? Ils ont rien foutu, ont même pas bougé le petit doigt quand elle se battait contre ce gars ! S'ils s'étaient sentis si en danger que ça, ils auraient fait quelque chose !

Mon ton scandalisé fait sourire Charlène. Elle se tourne vers le tableau au mur, décroche mes clés et me les tend.

- T'as deux minutes pour aller la voir avant que je ne change d'avis !

- Mais, Charlène et mon cours ?

Elle fait un geste de la main, pour me chasser comme si j'étais une mouche, avant de dire :

- Allez, file !

Bon, si elle insiste ! Après tout, qui suis-je pour discuter les ordres de ma patronne ?

 

15 minutes plus tard, je suis devant l'accueil de l'hôpital. La secrétaire me fait un sourire tout ce qu'il y a de plus commercial avant de demander :

- Bonjour Mademoiselle, que puis-je faire pour vous ?

- Bonjour euh, je cherche mon amie, elle a dû arriver il y a peu, elle était sur les lieux du braquage à la WV Bank !

Elle baisse ses lunettes aux montures rouges pour me regarder par dessus, suspicieuse. J'ai presque l'impression de pouvoir lire " Personne n'a daigné poser ses mains sur moi depuis des années " écrit en lettres d'or sur son front.

Au bout de quelques très longues secondes, mon antipathique interlocutrice me demande :

- Vous êtes de la famille ?

Elle est sourde ou quoi, je viens juste de dire que je suis une amie !

- Je suis euh… sa… colocataire…

- Alors je suis désolée mais je ne peux pas vous fournir ce genre de renseignements.

Elle se réinstalle au fond de son fauteuil, croisant les bras, tout sourire.

Hum… En plus elle est contrariante. Tant pis, on va tenter autre chose. Plan B.

- Je suis SON amie… sa… colocataire… vous voyez ??

Je tente d'expliquer ma pensée en parlant avec les mains et en faisant un regard explicite.

Bon, ok, c'est un vilain mensonge, mais pas tant que ça si on y réfléchit ! Je suis vraiment sa colocataire et son amie. Juste pas SON amie.

Toujours est-il que ma petite ruse semble fonctionner sur la secrétaire qui ouvre grands les yeux et la bouche. On peut clairement voir que l'idée vient de la percuter. Pas fute-fute dans son genre.

- Le… hum… au bout du couloir à gauche.

- Merci !

Un sourire satisfait sur les lèvres, j'emprunte le passage indiqué.

A peine arrivée, je la vois.

Aouch, ça avait l'air moins… bleu… à la télé !

 

Je tente de garder un minimum de self control, histoire de paraître civilisée et de ne pas me ruer sur elle. Elle me sourit timidement alors que je m'agenouille à ses côtés.

- Ca va ?

Je ne peux pas empêcher une petite grimace en la regardant. Du bout des doigts, je parcours l'énorme bleu qui orne sa mâchoire.

- Il y a pas été de main morte.

Elle me fait un petit sourire malicieux avant d'ajouter :

- Moi non plus !

- Ca tu m'étonnes ! Rappelle-moi de jamais t'énerver !

Je recule en faisant semblant de me protéger, comme si elle allait me frapper. Elle rit avant de prendre un air menaçant et de frotter sa main sur le haut de ma tête, me décoiffant joyeusement au passage.

- En tout cas Jo, ne t'avise plus jamais de me refaire un coup comme ça ! J'ai cru que j'allais avoir une attaque quand je t'ai vue dans ses bras !

- Et encore, toi t'avais pas l'odeur ! Et pis fais pas ta jalouse comme ça !

 

*          *          *          *          *         

 

Je termine ma phrase par un clin d'œil, histoire de l'agacer un peu plus.

Elle me regarde un instant, perplexe. Puis un sourire étire ses lèvres lorsqu'elle me réplique, l'air mauvais :

- Tu m'as quand même posé un lapin pour aller t'acoquiner avec un inconnu, devant des milliers de personnes !

Je sens mon sourcil droit se lever malgré moi :

- M'acoquiner, tiens donc ! Bon, … euh... désolée pour le retard quand même !

Levant ses yeux au ciel, elle me dit :

- Ne sois pas bête ! Allez viens là !

Je me réfugie avec plaisir dans l'étreinte qu'elle m'offre. Toute la tension que j'avais accumulée s'en va en une fraction de seconde… 

Depuis le couloir, une femme aux lunettes rouges nous regarde les bras croisés avec un air de dégoût profond affiché sur le visage.  C'est quoi son problème à elle ?

Et comment on peut avoir l'air aussi mal bai… pas baisée du tout ?

 

Mes pensées sont interrompues par Laura qui se recule à peine, me renifle l'épaule et dit :

- Ah oui, je vois ce que tu voulais dire par l'odeur !

- EHHHH !!

Je la pousse doucement et croise les bras sur ma poitrine comme la charmante femme que j'observais quelques instants auparavant. Elle me secoue un peu :

- Oh allez Jo, t'as pas vraiment envie de bouder… Je le sais… 

Bon, peut-être bien, mais je ne te ferai pas le plaisir de l'admettre. Je tourne la tête, la regardant du coin de l'œil et tire la langue.

- Tu ne serais pas en train d'essayer de m'exciter par hasard ? Parce que si c'est le cas…

Horrifiée, je sens son index venir caresser ma mâchoire. Mes yeux s'ouvrent en grand.

Elle va me tuer !

- Mais … mais PAS DU TOUT ! Qu'est ce que tu racontes… Et puis ça te ferait trop plaisir...

- T'as dit quoi là ?

- Moi ?... rien du tout…

Je m'empêche de siffloter, ça ferait un peu louche. C'est le moment ou jamais de lancer les habiles changements de sujet dont j'ai le secret :

-  Ca te dit pas de rentrer ? J'ai envie d'être au calme… Et puis les médecins m'ont déjà examinée…

- Ouais, t'as raison, j'ai eu une rude journée !

En disant ça, Laura se tourne vers moi en souriant. Elle reste aussi gonflée qu'au premier jour !

Un sourire se dessine sur mes lèvres sans que j'aie aucun contrôle dessus.

Faut croire que certaines choses ne changeront jamais !


 

16 novembre 2011

Chapitres 15 & 16

Chapitre 15

Je pose les clés sur la table basse avant de me retourner vers Jo :

- Va t'installer dans la chambre, j'arrive tout de suite.

Elle me regarde, fait un sourire en coin en levant un sourcil :

- Hum… comment refuser une si charmante proposition… ?

- T'es bête !

Elle part dans le couloir tandis que je vais dans la cuisine en souriant bêtement. Si je ne la connaissais pas, je penserais qu'elle me drague !

Je prépare distraitement le thé et attrape une boîte de petits gâteaux dans le placard. Une fois le tout sur un plateau, je marche d'un pas peu assuré vers la chambre. L'équilibre n'a jamais été mon fort. Je manque de tout faire tomber quand je l'entends crier " Chérie, tu fais quoi ? Tu te fais désirer ? "  suivi d'un petit rire.

Bon, Laura. C'est ton amie. Le fait qu'elle te taquine ne veut rien dire. C'est juste une amie, une am…

Ma bouche s'est ouverte avant que j'aie eu le temps de la fermer.

Elle est assise sur le lit, en train d'inspecter un bleu sur ses côtes, sa chemise entrouverte.

Je suis en enfer.

Et ce n'est qu'une amie... Je déglutis péniblement devant cette vision. Une amie incroyablement sexy.

 

Ca me prend toute ma volonté, mais je réussis à fermer la bouche juste à temps pour qu'elle ne voie pas mon air stupide en relevant la tête. Soulevant le plateau, je dis :

- J'ai ramené un petit encas, je me suis dit que tu devais avoir faim !

J'ai à peine terminé de prononcer le mot encas que je sais que j'ai visé juste. Elle attrape l'un des gâteaux et me lance

- Quand tu auras le temps, tu pourras faire le ménage et la vaisselle aussi !

Elle termine sur un clin d'œil et affiche un air malicieux, visiblement satisfaite. Air qui disparaît instantanément lorsque je rétorque d'un air détaché

- J'ai déjà fait tout ça avant de partir au boulot ce matin.

- Oh… eh bien dans ce cas…

Elle se lève et va vers la commode. Elle fouille un instant dans je ne sais quoi et revient vers moi.

Elle pose un genou à terre et ouvre une boite contenant une bague avant de dire :

- Laura, veux-tu m'épouser ?

 

Même si je sais qu'elle plaisante, ça me fait comme un petit choc. Je singe son expression favorite en levant un sourcil, l'air peu convaincu.

- Ben quoi ? J'ai trouvé la femme parfaite, j'essaie de lui passer la corde au cou, normal non ?!

Je secoue ma tête de gauche à droite, incrédule. Impossible de réfréner le sourire qui vient à mes lèvres :

- T'es vraiment, mais alors vraiment arrangée !

-  Je prends ça pour un non ?

Ah, tu veux jouer ? Je la regarde droit dans les yeux, la défiant, avant de lancer :

- Vous pouvez embrasser la mariée !

Elle me regarde un instant, sans savoir quoi faire. Puis elle affiche cet air de "je vais te faire regretter ce que tu viens de dire".

Oh oh…

 

*          *          *          *          *         

 

A la tête que fait Laura, elle sait que je m'apprête à la taquiner et elle a déjà peur. Je me relève doucement et viens me poster devant elle. Je pose un genou à côté d'elle sur le lit, puis l'autre. Je m'approche, m'arrêtant à quelques millimètres de ses lèvres, les frôlant presque. Je peux sentir qu'elle retient son souffle.

Jo, c'est de la provocation, tu ne dois pas l'embrasser. Retiens-toi ! Provocation !

Je fais mine de l'embrasser et tourne la tête au dernier moment pour venir poser mes lèvres sur sa joue.

Brave fille !

Elle semble reprendre vie et me repousse. Elle est super embarrassée, ça se voit, mais tente de le cacher derrière un :

- Je le savais… Que de la gueule !

Me cherche pas Laura… Tu ne sais pas de quelle volonté d'acier je viens de faire preuve…

Je pourrais t'allonger sur le lit… J'ôterais ma chemise et viendrais me coller à toi. Ma bouche trouverait un chemin dans ton cou et…

- Ohé, Jo, reviens parmi nous !

Elle me fait un signe de la main. J'ouvre mes yeux en grand. Ok, mes pensées viennent de sérieusement dévier, mais ce n'est pas si grave j'imagine…

- Tu pensais à quoi ?

Ou du moins ça n'était pas si grave jusqu'à ce qu'elle s'en rende compte et me pose LA question. Jo, dis quelque chose de crédible, vite !

- Hein, euh… à rien !

Crédible était le mot clé.

- Jo, tu n'es qu'une vilaine menteuse ! Tiens, mange du chocolat pour te nettoyer la bouche !

Soulagée, j'attrape avec plaisir le gâteau qu'elle me tend. Si j'ai la bouche pleine, ça m'évitera au moins de dire n'importe quoi !

 

 

            *          *          *          *          *         

 

Je regarde Jo se goinfrer de chocolat quelques instants avant de me décider à lui dire… C'est l'une des choses les plus difficiles que j'aie eu à faire…

Je saisis sa main, pas certaine de comment elle va le prendre. Lance-toi Laura, c'est maintenant ou jamais…

- Jo… faut que je te parle d'un truc…

Toute notion de courage me quitte définitivement lorsqu'elle pose ses yeux sur moi.

- Quoi ?

Ok, relax, tu peux le faire, c'est pas si dur !

- Euh… en fait, j'ai eu ma paye et euh… ce matin, enfin… j'ai jeté un coup d'œil aux studios qui sont dispos…

J'ai détourné le regard, incapable de la regarder en face.

- Laura…tu… tu veux partir ?

Elle fait une toute petite voix. Je viens peut-être de faire une boulette…

- Non, non, c'est pas ça… c'est juste que je vais pas squatter chez toi tout le temps… Je peux comprendre que t'aies envie d'espace et t'as déjà été plus que gentille… Et… bon, ça ne facilite pas niveau vie amoureuse de savoir qu'il y a moi dans ton lit tous les soirs…

C'est dit. Je ne veux surtout pas qu'elle croie que j'ai la moindre envie de m'en aller.

- Mais je … enfin je croyais qu'on était d'accord…

Elle pose sa main sur ma cuisse créant un frisson qui me parcourt de haut en bas.

- Oui, c'est vrai, mais peut-être que tu as dit ça sous le c…

- Laura, regarde-moi.

Ses doigts se posent gentiment sous ma mâchoire, pressant un peu pour me faire tourner la tête. Incertaine, je la regarde. Une fois qu'elle a mes yeux dans les siens, elle dit, très lentement :

- Je voudrais que tu restes… Vraiment…

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIII = cri de joie heureusement exprimé uniquement mentalement.

Incapable de continuer à la fixer, je détourne les yeux.

- Ca marche… Maintenant tu ne peux plus reculer, ça va être dur de te débarrasser de moi !

Ma petite réplique, censée détendre l'atmosphère, tombe à l'eau lorsque Jo répond :

- Mais je n'ai aucune intention de me débarrasser de toi… 

 

            *          *          *          *          *

 

Est-ce que je viens juste de dire ça à Laura sur un ton amoureux ou je l'ai seulement rêvé ?

Un silence un peu gêné s'installe entre nous. Tout à coup, elle se lève et se dirige vers des sacs posés au sol.

- Regarde, j'ai été faire des emplettes pour le boulot, tu vas me dire ce que t'en penses !

- Euh… ok.

Elle va derrière le paravent et commence à se changer. Je me demande bien ce qu'elle a pu acheter. Au bout de quelques instants, elle ressort dans une tenue ultra moulante rouge et noire. Je crois que j'ai oublié de respirer.

- Alors, t'en penses quoi ?

Tu veux bien me laisser une seconde, histoire que je me remette à penser et ensuite tu pourras avoir ta réponse. Mes yeux n'arrêtent pas de la parcourir de bas en haut et je prie pour qu'elle n'y voie qu'un intérêt pour le tissu.

Elle tourne un peu plus sur elle-même et plus elle bouge et plus j'ai du mal à déglutir. Les clients de la salle vont faire des malaises en la voyant !

Je réalise soudain qu'elle attend une réponse depuis au moins 10 secondes et je me décide à tenter le coup.

- C'est... euh… très joli… ça te va bien.

Ma voix était beaucoup plus rauque que je ne l'aurais cru, trahissant mon état d'esprit de l'instant.

- Merci… Charlène m'a dit que ça te plairait ! 

Elle… je vais la tuer !! J'ai comme l'impression qu'elle se moque légèrement de moi !

Toute contente, elle retourne se changer. Lorsqu'elle revient, habillée en rouge et bleu, je réalise que ça lui va beaucoup mieux qu'à n'importe quel moustachu de la pub 118 218 ! Bon, c'est loin d'être aussi sexy que la tenue d'avant, mais au moins ça fait cliché de prof d'aérobic. Je sors finalement un :

- Celle-là, ça fait plus prof de sport, ça… euh… dévoile moins…

Elle me regarde en souriant pendant quelques instants, avant de rétorquer, toute fière :

- Nan mais l'autre, je la mettrai pas à la salle, Charlène m'a dit que sinon elle aurait trop d'inscriptions à refuser.

- …

Elle s'approche et me tapote le ventre en disant :

- Mais elle m'a dit de la prendre pour quand tu voudras essayer de muscler tout ça en dehors des heures d'ouverture de la salle !

Torture mentale garantie, merci Charlène !

- A vrai dire pour l'instant j'ai fait assez de sport pour aujourd'hui et même si la proposition est… alléchante… tentante, c'est plus sage de me reposer…

Je m'installe contre le montant du lit en grimaçant un peu.

 

*          *          *          *          *

 

 

J'ai à peine le temps de poser mon sac de sport sur le sol de l'appartement que déjà Kim vient me voir :

- Ah, Laura, je t'attendais.

- Tu m'attendais ? T'es pas avec Anna ?

- Non elle est partie voir une amie à elle.

J'acquiesce en silence et vais poser mes fesses sur le canapé. Kim me suit. Elle me regarde d'un drôle d'air.

- Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai un truc sur le visage ou quoi ? dis-je.

- Non non, t'es très bien, t'en fais pas.

Elle marque une petite pause, l'air d'hésiter sur ce qu'elle veut dire.

- En fait… y a un truc dont il faut que je te parle. Tu vas certainement te foutre de moi mais bon…

- …

Je la regarde d'un air interrogateur. Qu'est-ce qu'elle peut bien avoir à me dire ?

- Bon, en... en fait… même si Anna est géniale et tout, et même si je t'ai pas pardonnée…ben… j'arrive pas à t'oublier…

Oh non...

Je reste là, sans rien dire et sans bouger, pas certaine de savoir quelle attitude adopter. Elle est de plus en plus nerveuse.

- Oh… je suis vraiment trop conne. Désolée Laura, j'aurais pas dû t'en parler… Je… j'espère au moins que tu vas te trouver quelqu'un qui saura te rendre heureuse, t'es vraiment quelqu'un de bien.

-  Toi aussi t'es une fille bien, tu sais…

Je sais pas quoi dire d'autre. J'ai pas oublié ce qui s'est passé entre elle et moi, mais ça appartient au passé maintenant.

Ses yeux viennent accrocher les miens. Avant que j'aie eu le temps de réagir, elle s'avance et m'embrasse.

 

- Coucou je suis l…

Je repousse très vite Kim pour voir Jo, debout dans l'entrée. Une multitude de sentiments passent dans son regard : incompréhension, tristesse, colère…

Elle me regarde, puis Kim. Pas un son ne sort de sa bouche. Je m'apprête à lui dire que c'est pas ce qu'elle croit, que je peux expliquer… mais elle se retourne et toujours sans dire un mot s'en va.

Merde, merde, merde !!!

La main de Kim vient se poser sur mon avant-bras.

- Je… je suis désolée, je sais pas ce qu'il m'a prise…

Je lui lance un regard noir avant de m'élancer à la poursuite de Jo. Je cours dans les escaliers, espérant la rattraper dans la rue. Coup d'œil à gauche, puis à droite… Pas l'ombre d'une trace.

Et merde...

Pourquoi faut-il toujours qu'il arrive quelque chose quand tout va bien ?

Le seul point positif est que sa réaction montre que ça ne la laisse pas indifférente...

Ou alors, elle est partie trouver Anna…


Chapitre 16

J'essaie de réprimer les larmes qui me viennent aux yeux. Et dire que je croyais qu'elle tenait à moi, qu'il y avait quelque chose de spécial entre nous… Quelle conne je suis…

Mon portable sonne. Je regarde qui est l'appelant. Je souris… Toujours là au bon moment !

J'échange deux trois mots avant de raccrocher.

 

Je toque à la porte. Même pas une seconde après, celle-ci s'ouvre sur mon portrait craché.

- Salut cousine ! Me dit-elle

- Salut Jen ! Comment ça va ?

- C'est plutôt à toi que je devrais demander ça…Ca avait pas l'air d'aller fort au téléphone…

- Mouais, c'est pas faux. Salut Sarah ! Dis-je à la petite blonde affalée sur le canapé. Je vous dérange pas au moins ?

- Penses-tu, Madame est bien trop captivée par sa plaque de chocolat pour faire attention à ce que je fais.

On entend un " Hey " de protestation alors que Jen m'entraîne dans la cuisine.

- Bon, allez, balance tout ! Me dit-elle.

 

Alors je lui raconte tout… Depuis ma rencontre avec Laura jusqu'à tout à l'heure.

- Et je suis venue directement ici. Dis-je

- Eh ben, si je m'y attendais à celle-là !

- T'en penses quoi ?

- Et toi, t'en penses quoi ? Parce que c'est ça la vraie question. C'est qui pour toi cette fille ? Une copine, une amie, plus peut-être ?

Elle a un sourire qui m'en dit long sur son point de vue à elle.

Je suis tentée de dire une amie, mais je sais qu'elle n'est pas que ça.

- Je… je crois que je suis amoureuse d'elle.

Oh bordel. C'est la première fois que je l'admets à voix haute. C'est très étrange… Jen me fait un clin d'œil avant de reprendre :

- Moi j'en suis sûre !

Je la regarde sans comprendre.

- Jo, tu devrais vraiment te voir quand tu parles d'elle. Vous n'êtes pas de simples amies si tu veux mon avis…

- De mon côté peut-être, mais du sien… Pfff je sais plus. J'ai pas su agir à temps et maintenant c'est foutu, c'est trop tard ! Quelle conne !

J'ai envie de me frapper pour avoir été aussi aveugle. Je prends ma tête entre les mains, me retenant de m'arracher les cheveux. La main de Jen vient se poser sur mon épaule.

- Roh mais dis pas ça ! Tu sais, des fois les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être Jo… Si tu ressens quelque chose pour elle, alors fais-lui confiance… Laisse-la s'expliquer et tu verras bien.

- Mais de quel droit je demanderais des explications ? On n'est pas ensemble…

- Bah, tu peux toujours prétexter que c'est par rapport à Anna.

Je la regarde en souriant. Pourquoi je ne suis même pas surprise…

- Tu ne changeras jamais toi décidément.

- Ben ouais, on ne change pas une équipe qui gagne ! Dit-elle en se la jouant.

- Mais euh… Ca t'ennuie si je reste là pour cette nuit ? Je ne travaille pas demain.

- Le truc c'est qu'on n'a que deux chambres qui sont encore utilisables, la mienne et celle de Sarah. … Bon, je suppose qu'on peut faire un effort et se serrer dans mon lit elle et moi !

Elle me guide dans la chambre en question. Pas un effet personnel en vue, ça sent le renfermé et les draps propres.

- La chambre de Sarah hein ?

Elle me sourit joyeusement. Elle ne doit pas l'utiliser souvent cette chambre Sarah…

 

*          *          *          *          *

 

Pfff je suis bien contente d'en avoir fini pour aujourd'hui. J'ai passé une affreuse journée. Déjà tous les clients de la salle de sport étaient d'une humeur massacrante, en plus j'ai pas fermé l'œil de la nuit… J'arrive pas à m'arrêter de penser à Jo. Elle n'est pas rentrée dormir.

J'espère au moins qu'elle va bien.

Kim a beau s'excuser, ça n'y change rien. Au fond je me demande si elle ne l'a pas fait exprès. Elle a vraiment l'air bien avec Anna. Et comme par hasard le seul moment où elle m'embrasse, c'est quand Jo rentre…

Bah je ne sais plus quoi penser. Peut-être que je vois le mal partout. Ou pas…

Je rentre ma clé dans la serrure et veux tourner mais ça ne fonctionne pas. Il y a déjà une clé dedans. Je sonne.

J'entends des pas faire craquer le bois. Quelqu'un regarde à travers l'œil de bœuf et le verrou tourne.

 

Je me retrouve nez à nez avec Jo. J'ai pensé toute la journée à comment je pourrais lui expliquer mais rien ne sort. Elle me fait de la place pour me laisser rentrer. Elle esquisse un petit sourire que je prends pour un bonjour.

Après tout, le plus simple c'est peut-être de lui dire la vérité…Elle est déjà dans le couloir quand je dis :

- Jo, écoute…

Elle se retourne et croise les bras. Son air n'est pas très engageant.

Bon, au moins elle ne m'a pas dit d'aller me faire foutre, c'est un bon début.

- A propos de ce que t'as vu l'autre jour… C'est pas ce que tu crois. Dis-je.

Elle lève un sourcil inquisiteur.

- Tu veux dire que vous n'étiez pas en train de vous embrasser, Kim et toi?

- Oui. Enfin non… Elle m'a embrassée… Mais c'était comme ça, juste une fois.

Je suppose qu'omettre la partie " Je l'aurais jamais embrassée de mon plein gré parce que je suis raide dingue de toi " n'est pas bien grave.

- Si je le dis à Anna, même juste une fois, je ne suis pas sûre que ça lui plaise… Me répond-elle

- Ecoute… si tu veux lui dire, je peux pas t'en empêcher, fais-le. Mais tu pourrais au moins faire semblant de me croire…

- Et pourquoi je devrais te croire ?

C'est le moment où jamais Laura, bouge.

Je fais quelques pas, jusqu'à me retrouver face à elle. Je lui prends la main entre les miennes et j'attends qu'elle me regarde.

- Tu devrais me croire parce que je te dis la vérité. Aie confiance en moi…

 

Ma dernière phrase était presque un murmure. Je m'attends à ce qu'elle se foute de moi, ou qu'elle m'envoie promener, mais à la place elle serre un peu ma main et s'approche de moi.

Elle me dit à l'oreille :

- Ok. Je te crois.

Puis elle me prend dans ses bras. Je crois qu'elle est aussi soulagée que moi que ça se soit si bien passé.

Et dire que j'avais stressé toute la journée à propos de ce moment ! Si j'avais su…

 

Une odeur plus que familière parvient à mes narines.

- C'est du chocolat que je sens là ?

Je veux me diriger vers la cuisine mais deux longs bras m'agrippent par les épaules.

- Non, non, non, reviens ici ! C'est une surprise !

- Pour qui ? Pour quoi ?

- Pour toi ! Attends-moi ici. Et ne triche pas !

- C'est pas mon genre ! Dis-je en prenant un air innocent.

A vrai dire c'est tout à fait mon genre et je suis tentée d'aller l'espionner mais je me retiens. Ce serait con qu'elle me fasse la tête pour ça !

Au bout d'un moment, elle revient me chercher. Je me demande ce qu'elle prépare… Et si elle m'en voulait, pourquoi me préparer une surprise ?

Elle s'arrête à seulement quelques centimètres de moi. Elle lève doucement sa main et vient remettre une mèche de cheveux derrière mon oreille. C'est alors que je remarque le bandeau qu'elle tient. Mes yeux lui demandent ce que c'est. Elle se contente de me sourire.

Lentement, elle attache le bandeau autour de ma tête, m'empêchant de voir. Je la laisse faire, j'ai confiance. Je sens qu'elle fait de son mieux pour être délicate. Bientôt, je ne vois plus rien du tout. Mais mes autres sens sont plus développés et l'odeur du chocolat n'en est que plus attirante. Ca ne peut être qu'une bonne surprise s'il y a du chocolat dedans.

J'entends qu'elle bouge, je sens qu'elle déplace de l'air.

 

            *          *          *          *          *

 

Heureusement que Laura a un bandeau sur les yeux, parce que je dois vraiment avoir l'air ridicule là. Je m'agite devant elle en faisant des grimaces pas possibles. Son absence de réaction m'indique qu'elle ne peut rien voir.

Je lui prends la main et la guide vers la cuisine. Je la fais s'asseoir sur la paillasse, de sorte qu'elle puisse s'adosser au mur. La desserte est juste à côté. Tout est prêt.

Et c'est là qu'on rigole...

J'ai préparé tout un tas de desserts à base de fruits, je sais qu'elle adore ça.

Je la regarde agiter ses jambes dans le vide comme une gosse. Elle est vraiment adorable. Comment j'ai pu être aveugle à ce point pendant tout ce temps ?

Je m'approche d'elle et pose ma main sur sa cuisse.

- Tu me fais un peu de place ? Lui dis-je

- Est-ce que j'ai vraiment le choix ?

La remarque me fait rire. Non, pas le choix.

Je me place entre ses cuisses et rapproche la desserte. La hauteur est parfaite, ses jambes sont à hauteur de mes hanches et sa tête presque au niveau de la mienne.

Prenant une cuillérée de pêche melba, je me retourne vers elle et la regarde. Elle est super jolie…

- Ouvre la bouche.

Elle fait un petit sourire avant de s'exécuter. Je suis sûre qu'elle avait les idées mal placées. Lentement, je lui mets la cuillère en bouche. J'observe sa réaction quand elle découvre le goût.

- Hummm Jo, c'est super bon !

- Tu saurais dire ce que c'est ?

- Pêche Melba capitaine, sans aucun doute.

Je souris à la remarque.

- Bien, voyons si vous vous en sortirez aussi bien avec le suivant alors !

Je prends un peu de glace à la vanille, puis un bout de poire. Je verse le chocolat chaud dessus. Ca sent super bon, elle a raison sur ce coup là.

Je l'observe encore en train de s'extasier sur la précédente cuillérée. L'avantage du bandeau est que je peux la regarder à loisir, elle ne voit rien du tout !

Une fois terminé, elle entrouvre légèrement la bouche, attendant la suite. Je suis tentée par la perspective de faire une blague de merde à propos de gobe mouche mais je m'abstiens, je ne veux pas casser l'ambiance.

 J'essaie de faire passer tout ça tant bien que mal, mais je lui mets un peu de chocolat autour de la bouche au passage. Elle ne semble pas remarquer et pousse un petit gémissement en mâchant. Au moins, je suis sûre qu'elle apprécie.

Une fois tout terminé, elle passe sa langue autour de sa bouche, mais ça étale plus qu'autre chose. Même si elle est trop mignonne comme ça, je ne suis pas cruelle au point de lui laisser des moustaches de chocolat.

De mon pouce, j'efface les dernières petites traces. Au moment où je touche ses lèvres, je réalise ce que je m'apprête à faire.

- Y en a encore ? Ca m'a mis en appétit tout ça ! Dit-elle joyeusement.

Je prends l'une des framboises dans ma main. C'est quitte ou double maintenant ma vieille. J'ai une boule au ventre. J'espère que Jen a vu juste, sinon ça va faire mal.

 

Je regarde la framboise que j'ai entre les mains un moment. Puis mon regard se porte sur Laura. Sa bouche est à peine entrouverte, juste ce qu'il faut.

De nouveau la framboise entre mes doigts. Jo, ne te dégonfle pas, t'as pas fait tout ça pour rien quand même ! C'est maintenant qu'il faut être courageuse et mon idée ne semble plus aussi bonne quand il s'agit de la mettre en pratique.

J'ignore les battements de mon cœur, je retiens mon souffle et place la framboise entre mes lèvres.

 J'essaie de garder les yeux ouverts, comme si j'avais besoin de ça pour me rendre compte de ce que je suis en train de faire.

Ma bouche vient se poser sur celle de Laura. Je la sens se raidir au contact. Elle arrête de respirer.

Je ferme les yeux, sachant très bien ce que ça veut dire.

Et merde !

Elle prend la framboise tandis que je me recule. Pas besoin de me ridiculiser davantage. J'ai vraiment été conne de croire que...

 

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