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Fictions Lesbiennes :)

Fictions Lesbiennes :)
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16 novembre 2011

Chapitre 10

Chapitre 10

Xena ne dit rien, restant simplement debout à savourer de contact avec le corps chaud pressé dans son dos. Lentement, elle se retourna, cherchant le regard de Gabrielle.

- C'est vrai ?

L'artiste avait tout juste murmuré sa question. La guerrière savait que de sa réponse dépendrait leur avenir.

- Oui. Je ne joue plus. J'en pensais chaque mot. Gabrielle, je…

Elle fut réduite au silence par l'index de la jeune femme sur ses lèvres.

- Embrasse-moi…

 

La Conquérante eut un petit sourire avant de se pencher pour délicatement capturer les lèvres de l'artiste.

Le baiser n'était pas comme ceux qu'elles avaient pu échanger auparavant. Il était lent, profond et plein de promesses.

Elles se reculèrent légèrement pour respirer, la guerrière mordillant la lèvre inférieure de Gabrielle. Leurs yeux se trouvèrent et l'artiste se recula à contrecœur. Faisant un pas en arrière, elle tendit la main, immédiatement saisie par Xena.

L'artiste se rendit dans sa chambre, lâchant la guerrière une fois arrivée. Elle plaça une main dans son dos, la guidant jusqu'au lit double.

 

Les draps défaits étaient comme une invitation à se laisser aller. Pourtant la Conquérante ne bougea pas un cil, attendant que Gabrielle fasse le premier pas. Elle ne voulait prendre aucun risque, pour une fois abandonner le contrôle à quelqu'un d'autre.

Un feu crépitait doucement dans l'âtre créant une atmosphère chaleureuse et apaisante.

 

Gabrielle parcourut la chambre des yeux, comme si elle la découvrait pour la première fois, terminant par le lit avant de venir chercher le regard de la femme devant elle. Un sourire coquin vint jouer sur ses lèvres.

Elle prit les mains de Xena dans les siennes, les caressant un instant avant de remonter le long de ses bras. Ses mains massèrent les muscles tendus des épaules de la Conquérante avant de venir se poser sur les attaches de l'armure qu'elle portait. Elle parcourut un instant les motifs compliqués du bout des doigts avant de s'arrêter. Se mordant la lèvre inférieure, Gabrielle leva un regard interrogateur vers la guerrière qui acquiesça d'un mouvement de tête.

Quelques secondes suffirent à l'artiste pour venir à bout des attaches. Elle s'attaqua aux autres parties jusqu'à ce que l'armure en cuir glisse doucement le long du corps sculptural de la Destructrice des Nations. S'extirpant hors du vêtement, Xena resta parfaitement immobile, laissant Gabrielle la découvrir.

La jeune blonde était captivée par la vue de la Conquérante vêtue d'une courte tunique de lin. Elle paraissait presque fragile, se laissant caresser du regard sans dire un mot. Deux petites mains virent défaire les lacets qui maintenaient le vêtement en place. La robe tomba dans un bruit d'étoffe.

Xena tenta de maitriser sa respiration sans grand succès. Le regard brûlant de Gabrielle parcourait chaque partie de son corps et l'envie dans ses yeux était indiscutable.

L'artiste posa ses mains sur les hanches de son amante, remontant lentement le long de ses flancs jusqu'à venir effleurer le galbe d'un sein. Elle pouvait voir la poitrine de la Conquérante tendue, demandant de l'attention.

Mais ça n'était pas au programme, du moins pas pour l'instant. S'agenouillant, Gabrielle caressa le ventre de la guerrière, jouant avec son nombril avant de passer le bout d'un doigt sous le bord du sous-vêtement. Lentement, elle partit du centre pour venir se placer sur les côtés du dessous. Délicatement, elle saisit le tissu et descendit le vêtement.

La Conquérante regarda Gabrielle la mettre à nue le souffle court, tout son corps en ébullition, tremblant à la perspective des prochains gestes. Jamais elle ne s'était sentie aussi exposée une fois nue et cela l'excitait terriblement.

La jeune blonde jeta de côté les restes de la tenue de la guerrière avant de très lentement relever la tête, mémorisant chaque parcelle du magnifique corps devant elle. Ses yeux terminèrent leur course dans ceux de Xena.

Elle se releva, ses mains partant des chevilles de la guerrière, parcourant l'intérieur des cuisses en griffant légèrement la peau sensible. Avant d'arriver là où la guerrière avait le plus besoin d'elle, elle se retira, plaçant directement une main sur la joue de la Conquérante et l'autre à l'arrière de sa nuque.

Elle attira son amante à elle. Seules leurs lèvres se touchaient. Leur baiser fut doux et calme jusqu'à ce que Gabrielle parcoure le dos de Xena du bout des ongles, lui extirpant de doux frissons avant de l'attirer entièrement contre elle.

Elles se reculèrent pour reprendre leur souffle, en profitant pour mesurer l'envie dans les yeux de l'autre. Gabrielle déposa des baisers de plume dans le cou de la guerrière avant de mordiller la peau sous ses lèvres. Sentant la Conquérante trembler sous sa bouche, elle remonta lentement jusqu'à l'oreille de son amante, lui faisant subir le même sort qu'à son cou avant de murmurer d'une voix rendue rauque par l'envie :

- Allonge-toi.

Le souffle chaud de l'artiste donna la chair de poule à la guerrière. Elle la voulait comme jamais elle n'avait voulu quelqu'un de sa vie. Sans hésiter, elle fit ce qui lui était demandé, s'allongeant sur le lit. Son regard plongé dans celui de Gabrielle, elle attendit.

La blonde regarda la superbe femme étendue nue sur son lit. Elle déglutit et s'efforça de ne pas se ruer sur elle. Se tournant pour lui faire face pleinement, les yeux toujours les siens, elle porta ses mains à ses épaules. Défaisant le nœud qui maintenait en place le vêtement, elle laissa sa robe glisser le long de son corps avant de s'en dégager.

Elle laissa le regard brûlant de la Conquérante parcourir son corps avant de retirer ses sous-vêtements.

Le feu donnait à la scène un aspect irréel. Xena était envoûtée par la jeune femme et l'effet qu'elle avait sur elle. Tous ses sens étaient à leur paroxysme, c'était comme si elle pouvait sentir le moindre courant d'air, voir tous les détails qui lui avaient échappé, entendre le battement de son cœur et leurs souffles erratiques.

 

Gabrielle posa un genou de part et d'autre d'une des cuisses de Xena, avant de venir s'appuyer sur ses coudes, se maintenant au-dessus de la Conquérante sans jamais entrer en contact. Elle sourit devant la vue qui s'offrait à elle. Enfin, elle allait pouvoir assouvir ce désir qui la rongeait. Elle aurait voulu pouvoir résister au feu qui parcourait ses veines, aurait voulu combattre cette envie, mais elle savait que c'était un combat perdu d'avance.

Elle se pencha pour venir capturer les lèvres de la guerrière dans un baiser non retenu. L'un des bras de Xena vint s'enrouler autour de sa taille pour l'attirer à elle.

Elles gémirent toutes les deux à ce contact.

- Oh Dieux !

Un instant plus tard, leur baiser reprenait de plus belle. Il n'était plus question d'attendre une seconde de plus. Leurs mains caressaient chaque parcelle de peau à portée, leurs cœurs battant à l'unisson, leurs souffles se mêlant dans un baiser qui n'en finissait plus.

Les doigts de Gabrielle virent trouver l'un des seins de Xena, tandis que sa bouche s'attaquait à son cou, avant de descendre plus au sud. Sa langue joua un instant avec la pointe érigée avant de la prendre en bouche, appliquant une délicieuse succion. La main gauche de la guerrière vint repousser quelques mèches de cheveux blonds et leurs regards se croisèrent au moment même où l'artiste commença à mordiller la chair tendre.

La main de la jeune femme délaissa la poitrine de la guerrière pour venir caresser son ventre, descendant un peu plus bas à chaque fois. Elle partit ensuite le long d'une des cuisses, remontant lentement et répétant l'opération sur la seconde. Arrivée au sommet de cette dernière, elle fit glisser sa main sur le sexe de la Destructrice des Nations.

Elle gémit en sentant sous ses doigts la preuve du désir que l'autre femme lui portait. Elle caressa lentement les replis humides, se délectant des sons qu'elle extirpait à son amante.

- En moi, s'il te plait…

Gabrielle prit un moment pour savourer l'étrange pouvoir qu'elle possédait sur la Conquérante en cet instant avant de s'exécuter.

C'était une sensation enivrante, voir la Destructrice des Nations onduler sous elle, la posséder de sa main. Jamais la jeune blonde n'avait connu une telle ivresse. Elle pénétrait la Conquérante avec l'intensité de la passion et de la frustration qu'elle avait pu ressentir. Incapable de s'arrêter, elle voulait donner toujours plus de plaisir, garder cet ascendant. Plus elle cherchait à assouvir le feu qui brulait en elle, plus son envie augmentait.

Sa bouche alla retrouver la poitrine offerte, jouant avec les tétons de sa langue et de ses lèvres. Au premier contact, elle sentit le frisson qui parcourut Xena de part en part, se répercutant dans tout son corps. Dieux qu'elle était réceptive…

 

Les yeux d'ordinaire si clairs de la Conquérante étaient noirs de désir et fixés dans les siens. Celle-ci luttait pour ne pas fermer les paupières tandis que des vagues de plaisir l'assaillaient. La sensation des doigts de Gabrielle bougeant en elle, de sa paume exerçant une délicieuse friction à chaque va et vient était enivrante. Xena sentait le plaisir monter rapidement, de plus en plus puissant et savait qu'elle ne tiendrait bientôt plus.

Ses hanches imitaient le rythme imposé par l'artiste, la laissant maître de son plaisir.

Soudain, le corps de la Conquérante se raidit, Gabrielle sentit les muscles se resserrer autour de ses doigts tandis qu'elle accompagnait la guerrière jusqu'au bout de son plaisir, gardant ses yeux dans les siens, leurs corps en contact sur toute leur longueur.

 

La jeune blonde embrassa le cou de la guerrière le temps que celle-ci reprenne ses esprits. L'odeur de la Conquérante était enivrante et Gabrielle se demanda si elle pourrait en être un jour rassasiée.

Elle releva la tête et sourit au vu du sourire coquin que lui lança Xena.

- Tu n'es pas fatiguée, j'espère ?

L'artiste sourit à son tour avant de répondre :

- Un peu… Tu penses pouvoir me garder éveillée ?

Un sourcil parfaitement dessiné se leva. Un défi ?

- Je crois avoir mes chances, on va bien voir…

La guerrière attira Gabrielle plus à elle, de sorte que l'autre femme se retrouve chevauchant son ventre. Regardant la jeune blonde dans les yeux, Xena leva la tête pour venir mordiller la lèvre inférieure de son amante, avant de venir la caresser du bout de sa langue.

Gabrielle colla son corps au sien. Dans le baiser, elle sentit la guerrière sourire.

- J'ai manqué le passage marrant ?

- Marrant n'est pas le mot…

L'artiste laissa échapper un petit gémissement en sentant les muscles abdominaux se contracter contre son sexe. Instinctivement, elle commença à bouger contre son amante, profitant de la friction qu'elle lui offrait. Gabrielle se redressa tout en continuant ses va et vient, offrant à Xena une vue imprenable sur son corps. Elle sourit, les yeux mi clos, en voyant le regard plein de désir que celle-ci lui portait.

Soudain, elle sentit les mains de la Conquérante l'attirer jusqu'à ce qu'elle se retrouve agenouillée de part et d'autre de la tête de celle-ci.

Xena eut un sourire coquin et se lécha les lèvres.

- Allumeuse.

Gabrielle voulut répondre mais tout ce qui passa ses lèvres fut un gémissement étranglé en sentant la bouche de la guerrière se poser sur son intimité.

L'artiste baissa les yeux et faillit jouir rien qu'en voyant la Conquérante affairée entre ses cuisses.

- Oh Dieux…

Elle posa ses mains à plat sur le mur, tentant de retrouver un semblant d'équilibre alors que la langue experte de Xena l'amenait sans nul doute au point de non retour. Elle sentit les mains de la guerrière venir se poser sur ses fesses pour la maintenir en place malgré ses tremblements.

L'une des mains de Gabrielle vint se poser sur les cheveux de la Conquérante, l'incitant à continuer. Elle savait qu'elle ne tiendrait plus longtemps. La position dans laquelle elle était combinée aux administrations talentueuses de la langue de Xena allait avoir raison d'elle.

 

                        *          *          *          *          *

 

Gabrielle ouvrit les yeux et sourit immédiatement en sentant le corps chaud contre le sien. Elle souleva sa tête de l'épaule de la Conquérante et profita de son sommeil pour l'observer. Ses traits étaient fins et nobles. Même dans son sommeil, la guerrière conservait un air majestueux.

L'artiste déposa de doux baisers sur le visage de Xena, voulant que celle-ci se réveille dans ses bras. Elle sentit le sourire se dessiner avant même que l'autre femme ne parle :

- Méfie-toi, je pourrais m'y habituer…

- Ah ? Et je serais obligée de le faire tous les matins ?

- C'est une option en effet…

- Hmmm…. Alors fais-moi penser à recommencer.

 

La Destructrice des Nations serra la jeune femme contre elle. La veille encore elle n'y croyait plus et pourtant elles se retrouvaient là, toutes les deux. Un sentiment de bien-être total l'envahit, bien vite repoussé par un doute :

- Et maintenant ?

Gabrielle posa sa tête sur son bras et embrassa le front de Xena avant de répondre :

- Quoi maintenant ?

- Qu'est-ce qu'on va faire ?

Un doute envahit l'artiste : et si ça n'avait été pour la Conquérante que l'histoire d'une nuit ? Et si elle regrettait déjà ?

- Xena, je… je ne comprends pas ce que tu veux dire…

La guerrière passa sa main dans ses cheveux, trahissant son anxiété avant de parler, embarrassée :

- Ta famille, tes amis… Ils me détestent tous…

Gabrielle se retint de sourire, ne voulant pas blesser l'orgueil de la Conquérante. C'était tellement surprenant de la voir se soucier de ce que peut bien penser le peuple… Elle posa ses mains sur les joues de la guerrière et la força à la regarder avant de déposer un doux baiser sur ses lèvres.

- Ma vie privée, comme ce que je fais de mon corps, ne les regarde pas.

- Tu réalises qu'ils vont finir par l'apprendre ? Je veux dire, si " ça " continue, les gens vont remarquer que pour quelqu'un qui ne s'intéresse pas à l'art - enfin mis à part quand il consiste à faire mon portrait - je passe beaucoup de temps avec une certaine artiste…

Gabrielle lui donna une petite claque sur l'épaule avant de dire d'une voix joueuse :

- Narcissique ! … En quoi ça devrait me déranger qu'ils l'apprennent ? Ils seront sûrement jaloux de ma position dans le lit impérial, mais si-

- Ils vont certainement te détester, te considérer comme une traitresse, quelqu'un qui a pactisé avec le diable…

- Alors je leur dirai ce qu'il y a entre nous et leur expliquerai quel type de personne tu es…

- Et tu crois que je te laisserais ruiner ma réputation ? Être un monstre sanguinaire n'est pas donné à tout le monde !

Gabrielle ne répondit pas, se replaçant tout contre l'autre femme. Elle était persuadée qu'en cas de problème, elle n'aurait qu'à se retrouver dans cette position pour tout oublier et retrouver cette chaleur.

 

                        *          *          *          *          *         

- Allez, dis-nous qui c'est ?

- C'est personne Lila, arrête de rêver…

- Ohhh, attends, tu veux faire croire ça à qui ? Maman, Papa, elle disparait bien régulièrement et nous fait des cachoteries, je me trompe ?

Elle tourna la tête en direction de ses parents qui acquiescèrent.

- Merci du soutien ! Mais je maintiens ma position !

- Oui, mais avec qui tu la maintiens ? demanda Lila d'un ton joueur.

L'artiste lui donna une petite tape sur le bras, ne prenant pas la peine de répondre. Prenant pitié, la mère de l'artiste lui demanda :

- Gaby, tu veux bien aller me chercher quatre œufs, s'il te plait ?

- Bien sûr, je reviens tout de suite.

 

La jeune blonde se leva et sortit, soulagée d'échapper momentanément à l'interrogatoire que lui faisait subir sa sœur. Elle fit le tour de la maison pour se rendre au poulailler. S'approchant de la porte de la cage, elle fronça les sourcils. Elle dit d'une voix douce :

- Eh ben mes cocottes, pourquoi vous êtes aussi agitées ?

- Parce que je suis là…

Gabrielle se retrouva plaquée contre la porte. Elle gémit en sentant le corps de la Conquérante se presser dans son dos. Elle se retourna et l'attira à elle dans un baiser brûlant. Elle se recula au bout d'un moment, le souffle court…

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Il fallait que je te voie… Tu es partie vite hier…

Gabrielle sentit la main de la guerrière passer sous sa jupe, puis se frayer un chemin sous son sous-vêtement. Un frisson la parcourut au premier contact.

Mais c'était trop risqué.

Prenant sur elle, elle repoussa doucement Xena.

- Non… J'ai pa-

- Tu en as envie, ne mens pas, j'en ai la preuve…

Retirant sa main, la Conquérante porta ses doigts à sa bouche, les léchant consciencieusement sous le regard brûlant de l'artiste.

Sans plus attendre, elle redescendit trouver la source du plaisir de Gabrielle. Celle-ci gémit en sentant à nouveau les doigts habiles de la guerrière sur son sexe.

Elle prit néanmoins son poignet dans sa main, tentant de l'immobiliser. A bout de souffle, elle murmura :

- J'ai pas le temps, ils vont me chercher d'un instant à l'autr-

Ses mains virent se placer dans les cheveux de la Conquérante, l'amenant plus à elle en sentant ses doigts la pénétrer. Elle émit un gémissement bien vite étouffé par les lèvres de Xena.

La porte en bois grinçait doucement sous les à-coups réguliers qu'elle subissait. La guerrière sentait la résolution de l'autre femme s'amenuiser.

Pourtant, Gabrielle tenta une dernière fois de repousser son amante, pour se retrouver les deux poignets pris dans une poigne d'acier au-dessus de sa tête.

Sentant la Conquérante accélérer ses mouvements, l'artiste oublia pourquoi elles devaient arrêter, pourquoi c'était une très mauvaise idée… Dieux, elle n'était même pas sûre de se souvenir de son propre nom…

Rapidement,  Xena sentit le corps de la jeune femme se raidir pour finalement se détendre. La Conquérante retira sa main et enlaça Gabrielle tandis que celle-ci tentait de récupérer. Jamais avant personne ne l'avait faite réagir de la sorte. D'un côté comme de l'autre, c'était une sorte de besoin impérieux, une envie, de celles qu'on ne peut ignorer.

Souriante, la guerrière dit d'un ton joueur :

- As-tu idée de combien coûte une tenue comme celle-ci ?

Suivant le regard de la Conquérante, Gabrielle constata les indéniables traces de dent marquées dans le cuir au niveau de l'épaule de la guerrière. Rougissant dans un premier temps, elle finit par répondre :

- As-tu idée de ce qui se serait passé si j'avais crié ? Ou pire, si je t'avais mordue à l'épaule !?

- Tu marques un point…

Gabrielle posa sa main sur la joue de Xena, avant de passer derrière sa nuque, l'attirant à elle dans un baiser.

Entendant toutes les deux un petit cri de surprise, elles se repoussèrent mutuellement. Gabrielle n'osait pas ouvrir les yeux, comme retardant l'échéance.

Elle finit par soulever ses paupières pour se retrouver face à une Xena qui tentait vainement de prendre un air détaché et une Lila la bouche ouverte de choc. La situation aurait pu être comique si elle n'avait pas été aussi dramatique.

Désemparée, Gabrielle passa une main nerveuse dans ses cheveux, tentant de se donner une contenance.

- Lila… Je crois qu'il faut qu'on parle…

Sa sœur finit par réussir à fermer sa bouche et réussit même à articuler :

- Oui… Je crois aussi… Je t'attends de l'autre côté.

Sans un mot de plus, elle repartit comme elle était venue étant visiblement pressée de quitter les lieux. 

Se tournant vers Xena, Gabrielle la pointa d'un doigt accusateur :

- C'est ta faute, je t'avais bien dit que ça allait arriver… Dieux, qu'est-ce que je vais lui dire…

- Pourquoi pas la vérité ? De toute manière…

- Oui, elle nous a prises la main dans le sac… dit Gabrielle.

En entendant la guerrière pouffer de rire, l'artiste réalisa que ses paroles auraient pu être interprétées comme un mauvais jeu de mots. Mi agacée, mi amusée, elle donna un petit coup du plat de la main sur l'avant de l'armure de la guerrière.

- Tu m'énerves !! Et en plus tu me compares à un sac !

A ces mots et au vu de l'air offusqué de l'artiste, Xena recommença à rire de plus belle.

Souriante, Gabrielle secoua la tête avant d'attirer la guerrière à elle par son armure. Elle déposa un petit baiser sur ses lèvres avant de se reculer.

- Tu me le paieras, sache-le !

- Huh huh…

Gabrielle se dirigea vers l'endroit où sa sœur l'attendit, lançant sans se retourner :

- Tu ne perds rien pour attendre !

 

 

Bien trop vite à son goût, elle se retrouva face à Lila. Elle n'osait pas la regarder dans les yeux, de peur d'y voir ce qu'elle était certaine d'y trouver : dégoût, déception, peut-être même haine…

Elle sursauta en entendant Lila rire doucement. Elle leva des yeux interrogateurs, voulant savoir quelle était la blague ?

- Rien… J'aurais dû le savoir, c'est tout. Je veux dire… Quand elle est venue pour Papa et Maman… C'était…. Tellement peu elle. Et la façon dont vous vous regardiez…

- Tu… Tu m'en veux ?

Lila prit un instant pour réfléchir à la question.

- Non… Enfin, bien sûr, tu aurais pu choisir quelqu'un d'autre… Par exemple quelqu'un que tout l'Empire ne hait pas mais… Si elle te rend heureuse, ça me va. Je sais bien que l'amour ne se contrôle pas…

Gabrielle se jeta dans ses bras, la serrant le plus fort possible.

- Euh… Je t'aime aussi, mais j'aime aussi respirer…

L'artiste se reculant en riant doucement, des larmes de soulagement plein les yeux. Lila les essuya de ses pouces avant de venir déposer un baiser sur le front de sa sœur.

- J'en reviens pas n'empêche… Ma sœur et la Destructrice des Nations. Gabrielle et la Conquérante, la femme  la plus puissante au monde…

Gabrielle sourit timidement.

- Oui… ca peut faire bizarre… Enfin je ne la vois pas comme ça…

- Oh pitié, épargne-moi les discours larmoyants ! Allons chercher ces œufs ! dit Lila en attirant sa sœur contre elle.

Elle partit devant, suivie de près par Gabrielle. La guerrière n'avait pas bougé d'un pouce. Souriante et un air coquin sur le visage, Lila se pencha pour murmurer à l'oreille de sa sœur :

- Je vois au moins une des choses que tu lui trouves… Elle est superbe…

Gabrielle donna une petite tape du revers de la main dans le ventre de sa sœur avant de répondre en chuchotant elle aussi :

- Oui, elle l'est…

 

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16 novembre 2011

Chapitre 9

Chapitre 9

Ses sandales soulevaient la poussière du petit chemin de terre qui partait du village. Elle trainait des pieds, et alors ?

Personne ne l'avait approchée depuis qu'elle avait battu à mort une innocente balle de foin dans l'écurie de ses parents.

Elle n'était plus elle-même, disparue cette jeune femme combattive à l'esprit vif, toujours enjouée. De Gabrielle il ne restait plus qu'une ombre.

Elle marcha jusqu'à ce que les muscles de ses jambes crient leur désapprobation. Et alors elle marcha encore.

Lila lui avait proposé de lui prêter une jument pour faire la route jusqu'au palais de la Conquérante, mais elle avait refusé. Le temps du trajet lui était nécessaire, il lui fallait un moment pour réfléchir.

 

Bien trop vite, le palais fut en vue. Les gardes n'émirent aucune objection lorsqu'elle demanda audience.

On la mena jusqu'à l'aile ouest du palais.

Xena était penchée sur un grand bureau, signant des papiers sous l'œil attentif de sa lieutenante. Bien que l'artiste ne l'avait jamais rencontrée, elle connaissait celle-ci de réputation et l'avait déjà aperçue lors des manifestations où apparaissait la Conquérante.

Varia leva la tête, remarquant la présence de Gabrielle. Elle se racla la gorge, avant de demander d'une voix légèrement hésitante :

- Hum, Xena ?

La guerrière ne prit pas la peine de détacher son regard de la pile de papiers devant elle.

- Qu'est-ce que tu veux Gabrielle ?

L'artiste dut prendre une profonde inspiration avant de parler. Certes elle ne s'attendait pas à être bien reçue, mais l'accueil était froid, même pour la Conquérante.

- Je peux te parler ?

- Je t'écoute.

Le regard de la blonde se porta sur Varia avant de revenir sur la guerrière :

- Seule à seule si possible ?

Xena ne répondit pas immédiatement, ce qui mit l'amazone particulièrement mal à l'aise. Elle dit :

- Je vais vous lai-

- Reste.

La main de la Conquérante s'était enroulée autour de son poignet, prévenant toute tentative de fuite. Varia déglutit et lança un petit regard désolé à Gabrielle. Pour une obscure raison, la jeune femme devant elle lui faisait de la peine.

L'artiste s'approcha du bureau, s'arrêtant à un pas de Xena. Elle leva une main hésitante et vint doucement parcourir l'épaule de la guerrière.

Celle-ci ferma les yeux un instant, mi agacée par ce que ce simple geste lui faisait ressentir, mi pour feindre l'ennui.

- J'ai reçu une missive…

Voyant que la Conquérante n'allait pas répondre, elle continua :

- Tu vas vraiment le faire ?

- Oui.

Les yeux de Xena étaient toujours obstinément fixés sur la paperasse devant elle, refusant de croiser ceux de l'artiste.

- Regarde-moi. S'il te plaît.

Gênée, Varia décida d'aller à l'encontre de la volonté de sa supérieure et quitta la salle discrètement.

La Conquérante fit de son mieux pour mettre en place un masque d'ennui total.

- C'est le moment où tu me dis que tu m'aimes ?

La phrase fut dite sur un ton moqueur et se termina par un petit rire dénué d'humour.

Gabrielle mit quelques instants avant de répondre :

- Ne t'en fais pas, j'ai bien compris ce que tu penses de notre histoire. Je suis là pour te parler de madame Wu. Tu ne peux pas faire ça, cette femme c'est … un monstre sans cœur !

- Ca nous fait déjà un point commun, on a tout pour s'entendre.

- Tu sais bien que c'est faux, tu n'es pas un monstre. Xena, prends une minute pour m'écouter, elle est avide de pouvoir, elle a éliminé ses enfants pour rester au pouvoir. Qu'est-ce que tu crois qu'il va se passer si elle a la chance de t'approcher ?

 

*          *          *          *          *

 

Xena était sûre qu'elle venait de prendre la mauvaise décision, son instinct de guerrière lui hurlant qu'il ne valait mieux pas se mettre à dos le puissant empire de Chine. Mais l'artiste avait su lui présenter des arguments valables et même si elle ne l'admettrait jamais, elle avait du mal à lui refuser quoi que ce soit.  Près de deux marques de chandelle et elle avait cédé.

Dieux, quelle sorte de pouvoir avait Gabrielle sur elle ?

La Conquérante observa en silence le petit bout de femme qui bousculait toutes ses certitudes. Elle déglutit en voyant l'intensité du regard que lui portait Gabrielle : fierté, soulagement, peut-être même amour…

 

Ni l'une ni l'autre ne dirent quoi que ce soit, les paroles n'étant pas nécessaires. Gabrielle fut la première à parler :

- Merci de m'avoir laissée m'expliquer. Je…

Elle prit une grande inspiration, semblant chercher un peu de courage. Sa voix était légèrement brisée lorsqu'elle reprit.

- Je crois qu'il est temps que j'y aille. Je… je ne viendrais plus t'importuner… Il est temps que j'accepte…

L'artiste se retourna et commença à partir précipitamment. La Conquérante tendit la main, comme pour la retenir, mais se retint au dernier moment, la gorge serrée.

Soudain, Gabrielle se retourna, marcha d'un pas déterminé vers la guerrière. Elle la regarda un instant, des larmes plein les yeux, avant de l'attirer à elle.

Leurs lèvres se rencontrèrent dans un baiser douloureusement délicieux. Xena goûtait les larmes de l'artiste et sentait toute la passion que celle-ci lui portait. Elle se fit violence pour s'arrêter.

Ses mains vinrent trouver les épaules de Gabrielle, la repoussant doucement. Sa respiration était irrégulière et il ne fallait pas être un génie pour deviner qu'elle usait de toute sa volonté pour étouffer le feu qui brûlait en elle.

La jeune femme était blessée de s'être fait repousser, encore. Mais plus que tout, elle ne comprenait pas pourquoi la guerrière s'interdisait de vivre. Amère, elle partit à reculons.

- Si jamais un jour tu te décides à cesser de te mentir à toi-même… Tu sais où me trouver.

La Conquérante ne répondit pas, se contentant de détourner la tête, les paupières closes. Gabrielle rajouta :

- Tu peux fermer les yeux tant que tu veux, ça ne fera rien disparaître.

Les larmes coulant librement sur ses joues, l'artiste resta quelques instants la main sur la poignée de la porte, regardant une dernière fois celle dont elle était tombée amoureuse malgré elle, avant de sortir de la pièce le cœur serré.

 

Elle avait à peine fait quelques pas dans le couloir que l'amazone apparut à ses côtés. Varia remarqua le regard vide de la jeune blonde, les larmes qui avaient laissé ses joues humides et reconnut l'artiste comme ce qu'elle était : une femme abattue.

- Je peux te parler un instant ?

Gabrielle ouvrit la bouche, visiblement pour répondre par la négative, mais la lieutenante ajouta :

- Je ne peux pas prétendre comprendre l'ampleur de ce que tu ressens, ni même connaître votre histoire, mais je pense pouvoir expliquer ses raisons, à défaut d'excuser.

L'artiste posa un regard interrogateur sur l'amazone, avant d'opiner.

- Suis-moi.

Varia et Gabrielle se rendirent dans les appartements de la lieutenante de la Conquérante. A l'abri des oreilles indiscrètes, l'amazone commença à parler :

- Tu sais, je connais Xena depuis de nombreux printemps… Je l'ai vue dans tous ses états, les pires comme les meilleurs mais depuis mon retour, j'ai découvert de nouvelles facettes de sa personnalité. Je crois que tu fais ressortir la vraie Xena, l'Amphipolienne, pas la Conquérante.

L'artiste eut un rire amer.

- Pour ce que ça m'a servi…

- Par exemple, jamais je ne l'avais vue se laisser convaincre par quiconque. Elle est plus têtue qu'un troupeau de mules ! Je… je sais qu'elle te repousse, et en tant que guerrière je la comprends.

- Si c'est pour me dire ça ! Je n'ai pas besoin qu'on remue le couteau dans la plaie !

- Non ! Ce n'est pas ce que je voulais dire ! … Dieux !

Varia se massa les tempes un instant avant de reprendre :

- J'ai l'intime conviction qu'elle éprouve des sentiments à ton égard et que ça la terrorise… Elle… Elle a toujours eu le contrôle, toujours suivi son instinct, la logique et maintenant elle a envie de suivre son cœur. Mais elle ne peut pas, ce genre de passion lui est interdit.

- Et pourquoi ça ?

- Elle est la Conquérante, Xena la Destructrice des Nations… Et elle pense que cette Xena et celle qu'elle est à tes côtés ne peuvent pas cohabiter.

- Qu'est-ce qui lui ferait penser ça ?

- Elle se voit prendre des décisions qui ne lui ressemblent pas, elle se surprend à penser à autre chose qu'à son empire et c'est entièrement nouveau. Elle a l'impression que tu l'aveugles, que tu l'empêches d'être celle qu'elle voudrait être : forte, détachée, avisée…

- C'est… ridicule.

- Si l'on y réfléchit bien pas tellement. Dis-moi, combien de fois vos chemins ont-ils croisé leurs routes ?

- Je ne sais pas, pas mal de fois…

- Tu crois vraiment que c'était un hasard ?

Gabrielle soupira. Elle savait que non, mais elle n'était pas prête à l'admettre.

- Je… je ne sais pas.

- Laisse-moi te rappeler quelque chose : Xena est la femme la plus puissante au monde et pourtant tu la " côtoies "… ce n'est que parce qu'elle le veut bien… parce qu'elle l'a arrangé…

- Elle n'avait pas l'air de le vouloir il y a quelques instants.

Varia regarda la jeune femme en face d'elle. Celle-ci s'obstinait à reconnaître l'évidence, alors même qu'elles savaient toutes deux que l'amazone disait vrai.

- Je t'ai déjà expliqué ce qui, à mon avis, la pousse à agir comme ça… Mais ça va changer, du moins je l'espère.

L'expression de l'artiste était partagée entre méfiance et espérance :

- Comment ça ?

- Parce que j'ai envie de voir mon amie heureuse… Je vais tenter de lui faire entendre raison. Je ne peux rien te promettre ma-

- Merci Varia.

La lieutenante se retrouva malgré elle dans une étreinte avec l'artiste. Figée pendant quelques instants, elle se laissa aller et entoura Gabrielle de ses bras.

 

            *          *          *          *          *

 

[Au même moment]

Un lent applaudissement était le seul bruit dans la pièce.

- Bravo ! Si tu as décidé de perdre tout ce pour quoi tu as travaillé quasiment toute ta vie, c'est bien parti. Je n'aurais pas fait mieux !

- Arès, tu n'as pas quelqu'un d'autre à ennuyer ? Ce n'est pas le moment.

La Conquérante était assise sur son lit, ses coudes sur ses genoux et sa tête entre ses mains. Le Dieu de la guerre s'approcha lentement d'elle et vint s'installer à ses côtés.

Il resta muet un moment, contemplant la femme en face de lui, allongée dans un gigantesque lit aux draps de soie.

Son élue.

Celle qui le défiait depuis quelques temps.

- Tu aurais dû la tuer depuis longtemps…

Un long silence s'ensuivit. Lorsqu'elle parla, la voix de la guerrière n'était guère plus qu'un murmure.

- Je sais…

Arès frappa ses genoux  de ses mains, avant de se lever et dit d'une voix puissante :

- Alors fais-le !

Il alla chercher l'épée de la Conquérante et la jeta à côté d'elle sur le lit.

Lorsqu'il vit qu'elle ne faisait pas le moindre geste dans la direction de l'arme, il ajouta d'une voix pleine de venin :

- Regarde-toi. Tu es pitoyable. Une espèce de larve qui se lamente, qui ne ressemble en rien à une Conquérante ! Méfie-toi Xena, je pourrais bien me choisir une autre protégée… Quelque part plus à l'est par exemple.

Ces paroles sortirent la guerrière de sa torpeur. D'un mouvement vif, elle saisit la garde de son épée et vint plaquer la lame contre la gorge du Dieu.

- Tu crois que tu pourrais t'évaporer avant que je te tranche la gorge ? Ne me traite plus JAMAIS de larve… Tu ne sais pas ce dont je suis capable…

Etonnamment, Arès sourit et alla même jusqu'à découvrir un peu plus son cou.

- Voilà la Xena que j'aime.

Elle le détailla un instant, son regard exprimant tout le mépris qu'elle éprouvait pour lui.

- Ce n'est pas réciproque.

Elle lui tourna le dos et s'apprêtait à quitter la pièce lorsqu'il dit :

- Ah bon ? Pourtant j'aurais juré que tu y mettais tout ton cœur lorsque no-

Il s'arrêta net en sentant la lame effilée d'un poignard passer à quelques millimètres de sa tête, lui faisant une coupe au passage.

- Tu n'as jamais eu mon cœur et nous le savons tous les deux. Ne me tente pas Arès…

- Oh je le sais. Ton cœur appartient à cette putain, pas vrai ?

- Tu ne sais rien d'elle.

- Je l'ai vue rentrer dans les appartements de ta lieutenante il y a quelques instants à peine. Elle n'aura pas perdu de temps. Peut-être que je ne sais rien d'elle en effet, mais je crois que ses actes parlent d'eux-mêmes.

 

            *          *          *          *          *         

 

Varia accompagna Gabrielle jusqu'à la sortie du palais avant de revenir à ses appartements. Elle avait réussi à rassurer la jeune femme. Celle-ci lui avait raconté l'essentiel de son histoire avec Xena. Le moins qu'on puisse dire était qu'il y avait des choses à dire.  Désormais, la lieutenante allait faire entendre raison à Xena. Enfin elle allait essayer.

En arrivant devant la porte de sa chambre, elle vit que la Conquérante y était adossée, les bras croisés.

L'amazone sut tout de suite que quelque chose se tramait. La façon dont la regardait la guerrière n'était pas le moins du monde amicale.

- C'était bien ?

Varia tressaillit en entendant le ton peu engageant de sa supérieure. Elle n'était pas sûre, mais elle crut comprendre :

- De quoi parles-tu ?

- Tu n'auras pas perdu de temps pour la sauter… Remarque je n'en voulais plus, et elle est agréable à regarder, j'imagine que ça peut se comprendre…

L'amazone ne put s'empêcher de sourire avant de parler :

- Je n'ai rien fait avec Gabrielle…

Xena s'approcha d'elle, suffisamment pour entrer dans son espace personnel :

- Alors pourquoi tu souris au juste ?

- Je crois que la question la plus intéressante est plutôt : pourquoi est-ce que ça te dérange tant si tu n'es pas intéressée ?

Varia avait marqué un point, et elles le savaient toutes les deux. La Conquérante ne dit rien pendant un long moment, avant de dire d'une voix qui se voulait convaincante :

- Je ne le suis pas. Je l'ai repoussée.

La lieutenante savait qu'il allait falloir amener Xena dans ses derniers retranchements pour lui faire admettre l'évidence. Et pour cela, rien de mieux que la provocation. Elle fit semblant de réaliser quelque chose avant de dire d'une voix incrédule :

- Oh Dieux ! Tu as peur ! Xena, la Destructrice des Nations a peur des sentiments qu'elle a pour une jeune fille !!!

- Ce… c'est ridicule !

Xena poussa l'amazone, l'écartant hors du chemin et commençant à avancer le long du couloir. Devant la réaction de la Conquérante, Varia vint se poster devant elle, l'empêchant d'avancer davantage.

- Ah oui ? Si ma théorie est ridicule, alors explique-moi, Conquérante !

- T'expliquer quoi ?

- Pourquoi, alors qu'elle a contrarié tes plans, n'est-elle pas déjà morte ? Pourquoi son chemin ne cesse de croiser le tien ? Pourquoi tu as l'air si peu sûre de toi maintenant ? Pourquoi es-tu venue me voir pour me faire des reproches si elle t'est indifférente ? Et surtout Xena, explique-moi la terreur dans tes yeux, et qui tu as eu peur de voir à la porte, lorsque nous avons été surprises par Najara ? Car ce n'était pas d'elle dont tu as eu peur qu'elle nous découvre, pas vrai ?

 

L'amazone ne dit pas un mot de plus, laissant Xena digérer ces informations. Elle scrutait avec attention les réactions de la guerrière. La respiration de celle-ci était rapide, on voyait qu'elle essayait de se contenir, sans grand succès. Les muscles de sa mâchoire semblaient se contracter rapidement et involontairement.

Au bout d'un long moment, voyant que la répartie de la Conquérante n'était visiblement pas prête à faire une quelconque apparition, la lieutenante reprit la parole :

- La repousser ne fait pas de toi quelqu'un de fort. Au contraire. Ca fait de toi quelqu'un de lâche. Moi qui croyais que la Conquérante n'avait peur de rien… On dirait bien que je m'étais trompée. Regarde-toi… Tu as peur… peur d'être heureuse, tout simplement.

N'ayant plus rien à ajouter, elle se tourna vers la porte et rentra dans ses appartements. Connaissant le tempérament de la guerrière, elle décida qu'il valait mieux ne pas trop pousser sa chance. Après tout, si son statut de proche et bras droit lui accordait une certaine liberté de parole, il y avait néanmoins certaines limites.

 

Prenant un tabouret pour s'asseoir face au feu qui crépitait doucement dans l'âtre, elle songea à ce qu'il s'était passé entre elle et Xena un peu plus tôt.

En tant que guerrière et fine stratège, elle savait reconnaître les signes de quelqu'un qui a l'esprit occupé.

Elle pensait rendre service à la Conquérante, au Royaume, et se faire plaisir en tentant sa chance. Après tout, Xena n'était pas le genre à refuser une proposition alléchante… Elle s'était dit qu'elle pourrait faire oublier temporairement ses soucis… quels qu'ils soient…

Elle avait compris en voyant le regard de la guerrière lorsque la porte s'était ouverte… Elle avait compris que la Conquérante cherchait uniquement à se prouver quelque chose à elle-même.

 

            *          *          *          *          *

 

La Conquérante resta plantée dans le couloir quelques instants seulement avant que Najara ne fasse son apparition :

- Pourquoi ne suis-je pas surprise ?

- C'est pas le moment Najara.

- Oh mais je crois que si. Tu n'as rien à me dire ?

- Aux dernières nouvelles je suis la Conquérante et tu n'es… minute, tu n'es ici que parce que je le veux bien !

- Cette petite putain t'as vraiment tourné la tête on dirait ! Qu'est-ce qu'elle te fait que je ne te fais pas hein ? Dis-moi !

- Elle ne se comporte pas comme une traînée, voilà la différence.

Xena écarta Najara sans ménagement et avança dans le couloir. La blonde fulminait et dit :

- Ca n'est pas terminé Xena, crois-moi, pas du tout !

La guerrière s'arrêta net, un large sourire apparaissant sur ses lèvres pleines. Elle se retourna, regardant son ex compagne du coin de l'œil avant de dire :

- Tu as raison. GARDES !

Aussitôt, quatre soldats firent leur apparition, attendant qu'on leur donne un ordre.

La guerrière fit volte face, plantant son regard dans celui de Najara tandis qu'elle dit d'une voix froide :

- Accompagnez Najara à ses appartements, laissez-la prendre ses effets personnels et conduisez-la jusqu'aux portes du palais.

Son sourire s'agrandit en voyant Najara ouvrir la bouche, puis la refermer plusieurs fois d'affilée, hébétée. Visiblement, la blonde ne pensait pas que la Conquérante irait jusque là.

Xena se retourna à nouveau, marchant loin de son ex compagne sans même un regard en arrière. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais elle était satisfaite d'avoir " mis les choses au clair " avec cette dernière.

Plus qu'une chose à faire maintenant…

 

            *          *          *          *          *

 

Gabrielle lâcha le torchon et posa l'assiette qu'elle essuyait avant de se diriger vers la porte. Elle hésita un instant avant d'ouvrir, se demandant qui pouvait bien venir la voir, presque personne ne savait qu'elle était au théâtre, c'était une visite " non officielle ".

Décidant que la façon la plus simple de savoir qui se trouvait derrière la porte était de l'ouvrir, elle le fit. Ses sourcils se levèrent avant de se froncer.

Elle.

Elle ne s'attendait pas à la voir.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? On n'a rien à se dire !

L'artiste croisa les bras en restant dans l'encadrement de la porte, visiblement peu disposée à laisser entrer sa visiteuse.

- Oh mais si…

Najara écarta Gabrielle de la main avant de rentrer dans la petite cuisine comme si elle était chez elle. Parfaitement à l'aise, elle se laissa tomber sur une des chaises et se servit un verre du vin posé sur la table.

Soupirant, Gabrielle ferma la porte et alla se placer devant Najara, les mains sur les hanches.

- Fais vite, tu me fais perdre mon temps.

Najara sourit, n'étant absolument pas impressionnée par l'attitude de l'artiste.

- Je me suis dit que puisque tu voulais tellement être avec elle, c'était mon devoir de venir te dire tout ce que tu ne sais pas...

 

            *          *          *          *          *

 

Les rênes étaient serrées au creux de ses mains, tandis que la Conquérante chevauchait vers le théâtre. Elle se doutait que c'était l'endroit où Gabrielle était venue se réfugier.

Voilà près de 2 marques de chandelles qu'elle hésitait à aller voir la jeune femme, se demandant si elle avait raison de vouloir à ce point être avec elle. Son sang battait dans ses veines, comme à l'aube d'une grande bataille. Elle savait que celle qu'elle s'apprêtait à entamer était loin d'être gagnée.

Elle maintenait sa jument à un trot régulier, voulant gagner du temps pour réfléchir et se donner l'opportunité, si besoin était, de changer d'avis.

Pourtant, Xena savait qu'au fond elle n'avait nullement le choix. Cet amour, elle n'en voulait pas, l'avait combattu de toutes ses forces, s'efforçant de croire qu'elle ne faisait que s'amuser avec l'artiste. Mais elle savait qu'elle mentait, et pour le coup mentait mal. La preuve, Varia, Najara et même cet imbécile d'Arès avaient remarqué son manège.

Mais il était temps désormais. La Conquérante, Destructrice des Nations, avait décidé de se prendre en main et d'affronter ses peurs. Tout du moins d'affronter sa petite terreur blonde…

Elle resta quelques instants à observer l'imposante entrée de la bâtisse. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle se sentait vulnérable, ne sachant pas ce qui pouvait bien l'attendre de l'autre côté de cette double porte et ayant à vrai dire peur de le savoir.

Sifflant, elle attira l'attention d'un des gardes à proximité. Elle descendit de sa jument et lui tendit les rênes :

- Surveille-la. Ta vie dépend de la sienne.

L'homme acquiesça rapidement, sachant qu'on ne discutait pas les ordres de la Conquérante même lorsqu'ils l'empêchaient de faire sa ronde.

Xena lissa l'avant de sa tunique d'un geste purement nerveux, l'habit en cuir épais ne pouvant à l'évidence pas être chiffonné. Elle resta un instant immobile devant la bâtisse, avant de secouer la tête et de pénétrer dans le théâtre.

Elle se rendit directement aux appartements qu'avait occupés Gabrielle lors de sa dernière visite à Corinthe. Lorsqu'elle leva la main pour frapper, elle constata qu'elle tremblait.

 

- Entrez.

La Conquérante prit une dernière inspiration avant de pénétrer dans la pièce. Elle attendit un moment debout, plantée devant celle qu'elle n'arrivait plus à se sortir de la tête, ne sachant pas quoi dire ou quoi faire. Lorsque Gabrielle prit connaissance de l'identité de sa visiteuse, elle se leva prestement avant de venir se poster près de la guerrière :

- Tu es bien la dernière personne que je m'attendais à voir. Qu'est-ce que tu veux ? Me rappeler que je ne t'intéresse pas ? M'informer sur tes dernières conquêtes ? Me dire à quel point tu t'es foutue de ma gueule ? Merci, mais je suis déjà au courant.

Sans rien ajouter, Gabrielle ouvrit grand la porte et attendit.

 

Xena gardait la tête baissée, ne s'attendant pas à ce genre de réaction de la part de l'artiste. De la tristesse, des paroles amères, mais pas de la colère, du moins pas autant. Elle savait qu'elle avait plutôt intérêt à bien jouer son coup, car il pourrait bien être sa dernière chance avec la jeune femme.

Sa main vint se poser sur celle de Gabrielle qui tenait la porte. La jeune femme se retira comme électrocutée. La guerrière ferma lentement la porte, bien décidée à avoir cette conversation.

- Gabrielle, je …

- Pourquoi me fais-tu ça ? Pourquoi toujours revenir vers moi alors que tu sais très bien que j'en souffre, que je ne supporte pas la façon que tu as de jouer avec mes sentiments ? Qu'est-ce que je t'ai fait au juste ?

Le ton défait de la jeune femme décida la Conquérante : elle ne pouvait pas la laisser croire cela.

- Tu as raison… Je voulais jouer avec toi, tu m'intriguais… Au début je voulais juste savoir si tu étais consciente d'avoir fait une pièce de théâtre sur ma vie, en modifiant la fin. Puis je t'ai vue et j'ai été intriguée. Ca ne m'était plus arrivé depuis longtemps. Alors j'ai cherché à te revoir…

Gabrielle garda le silence, ne voyant pas où la guerrière voulait en venir : avouer avoir eu des motivations cachées n'était pas le meilleur moyen de faire amende….

Prenant un instant pour rassembler ses pensées et prendre une grande inspiration, Xena reprit :

- Oui, c'était moi qui vous ai sauvées dans la forêt. Non, je n'ai jamais eu l'intention de détruire le théâtre et j'en passe. Je l'admets, c'est vrai. Je pensais contrôler parfaitement tout ça, mais j'étais une belle idiote…

Baissant la tête pour éviter le regard de l'artiste, la Conquérante parla tellement bas que Gabrielle faillit ne pas entendre sa confession :

- La vérité, c'est que je n'arrive pas à te sortir de ma tête, Gabrielle…

 

La guerrière déglutissait une salive imaginaire, ayant la gorge serrée et ne sachant pas à quoi s'attendre. Elle n'osait pas relever les yeux, n'étant pas sûre de vouloir connaître l'opinion de la blonde sur la question.

Le silence parfait qui régnait depuis quelques instants fut rompu par le rire amer de Gabrielle.

Elle repoussa Xena des deux mains, l'acculant dans un coin de la pièce.

- En d'autres temps, j'aurais pu te croire, Conquérante. Ce matin encore je me serais probablement jetée dans tes bras comme l'imbécile que je suis. Mais c'est fini. Tu as voulu jouer, tu as perdu ! On m'a tout raconté. N'ose plus jamais me dire que tu as un jour pensé à moi ou quoique ce soit d'approchant !

Gabrielle luttait visiblement pour se contenir. Malgré tout, tout son mépris transparaissait clairement dans sa voix.

- Pourtant c'est la vérité.

La Conquérante avait murmuré la phrase, n'y croyant plus elle-même. L'artiste prit cela comme une forme de provocation et vint lui crier au visage :

- Alors dis-moi ! Tu pensais à moi quand cette serveuse était entre tes jambes ? Tu pensais à moi quand tu as accepté d'épouser une autre ? Tu pensais à moi quand tu faisais un plan à trois avec Varia et Najara ?

Le cœur de la Conquérante manqua plusieurs battements. La jeune femme avait son visage à un cheveu du sien, son souffle erratique témoignant de son état. Xena réalisa qu'elle avait trop poussé, qu'elle avait perdu la partie.

L'artiste, agacée par le mutisme de la guerrière reprit de plus belle :

- Alors Xena ? Pas de mensonge éhonté ? Pas de pirouette verbale ? Ou devrais-je dire linguistique puisque ça a l'air d'être ton domaine…

Ces paroles firent sortir la Destructrice des Nations de sa " transe ". Son sang ne fit qu'un tour. Justement, tout était vrai, et la jeune femme l'ignorait. Empoignant Gabrielle par les épaules, elle la fit pivoter de sorte que celle-ci soit à présent adossée au mur. Elle voulait la vérité ? Elle pensait la connaître ? Elle ne croyait pas si bien dire…

- OUI ! OUI à TOUT Gabrielle ! Oui je pensais à toi pendant que je faisais toutes ces choses. Oui je suis un monstre, mais visiblement pas sans cœur puisque plus j'essayais de penser à autre chose, plus je me sentais coupable envers toi. J'essayais de prouver à moi et au monde entier que tu m'étais égale, que tu ne comptais pas et si j'ai fait tout ça, c'est dans ce but et dans ce but uniquement ! Mais la seule chose que j'ai réussi à faire, c'est démontrer que la Conquérante est une imbécile finie, apeurée par ce qu'elle ressent.

 

Des larmes firent leur apparition dans les yeux azur de la guerrière. Elle avait tout gâché et ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même.

Exaspérée par sa propre bêtise, la Conquérante essuya ses larmes dans un mouvement rageur de son avant bras avant de se tourner pour partir. Elle marcha en direction de la porte, sans un regard derrière elle. La guerrière savait que se retourner ne servirait qu'à se faire davantage de mal. Celle qu'elle aimait la méprisait, elle le savait sans avoir besoin de la regarder. Et le pire était qu'elle avait tout fait pour en arriver là. Arrivée à la porte, elle s'arrêta et dit par-dessus son épaule :

- Je suis désolée pour la façon dont je me suis comportée avec toi. Tu éveilles en moi des émotions que je ne sais pas gérer…

Posant la main sur la clenche, elle prit un instant pour considérer ce qu'elle s'apprêtait à faire. Jamais elle n'aurait cru dire cela un jour.

- Gabrielle, je...

Elle s'arrêta, incapable d'en dire davantage. De toute manière le message était passé. Elle fit pression sur la clenche et tira lentement à elle le battant de la porte. Elle s'était promis de ne pas pleurer, et pourtant.

Elle allait avancer quand quelque chose l'arrêta.

Le bras de Gabrielle.

Autour de sa taille.

Une petite main se faufila pour venir refermer la porte. Les doigts agiles firent glisser le loquet de sécurité, éliminant toutes perspectives de fuite.

- Reste.

 

16 novembre 2011

Chapitre 8

Chapitre 8

La Conquérante était en train de s'entrainer à l'épée lorsque le garde vint l'informer que Gabrielle demandait audience. La guerrière fut surprise d'entendre ça. Elle savait que la jeune femme habitait désormais à au moins deux jours de marche et se doutait que celle-ci lui en voulait toujours pour son incartade avec la serveuse.

Elle s'épongea le front avant de rentrer au château pour rencontrer son invitée. Elle devait admettre qu'elle était intriguée.

Gabrielle l'attendait sagement assise sur un banc. Elle paraissait minuscule au milieu de la salle remplie de tapisseries venues d'Orient et de meubles en bois riches. Xena vint se poster devant elle :

- Bonjour.

- Bonjour Xena.

La guerrière remarqua le teint pâle de l'artiste ainsi que les cernes noires qui soulignaient ses yeux, témoignant de nuits sans sommeil. Spontanément, elle voulut poser sa main sur la joue de Gabrielle, mais se ravisa, se passant la main dans les cheveux à la place, mal à l'aise.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Mes parents vont mourir.

Une larme coula le long de la joue de Gabrielle, bien vite essuyée par le pouce de la guerrière. Celle-ci s'accroupit pour la prendre doucement dans ses bras, oubliant un instant qu'elle ne savait absolument pas comment consoler quelqu'un et qu'elle n'avait jamais essayé de le faire de sa vie.

Elles restèrent l'une contre l'autre pendant quelques instants, échappant au monde extérieur, entièrement plongées dans leur étreinte. Xena se recula pour demander d'une voix douce :

- Je peux faire quelque chose ?

Gabrielle prit une grande inspiration, comme pour se donner du courage, persuadée que la guerrière allait s'énerver, que la douce chaleur procurée par la main sur sa cuisse allait être remplacée par un ton glacial.

- Ils… Les intempéries ont détruit la récolte, ils… ne peuvent pas payer l'impôt.

Même si elle s'y attendait, le regard dur de la Conquérante brisa les derniers espoirs de Gabrielle. Xena se recula, comme désabusée, secouant la tête. Elle eut un petit rire dénué d'humour avant de dire d'un ton mordant :

- Mais bien sûr Gabrielle, laisse-moi juste le temps d'aller piocher dans les réserves du palais, combien te faut-il ? Ou non, abolissons tous les impôts plutôt !

La jeune femme ne trouva rien à répondre. Elle était épuisée aussi bien physiquement que psychologiquement. Elle sentait la colère de celle en face d'elle et n'avait pas la force de combattre, laissant la guerrière continuer :

- Je me disais aussi ! Pourquoi viendrait-elle me voir si ce n'est pas pour me reprocher quelque chose ou me demander un service ?

Cela fit sortir Gabrielle de sa torpeur. Elle se leva, des larmes plein les yeux, poings serrés le long du corps.

- J'aurais pu venir pour te voir, si seulement tu n'avais pas été si… si…

- Si Moi ?

L'artiste sembla sur le point d'exploser :

- Si égocentrique ! Tu crois que ça me fait plaisir ? Tu crois que j'ai le choix ? Mes parents ont sept jours à vivre et toi… Laisse tomber.

Gabrielle se retourna, prête à partir. Inutile de perdre plus de temps. Il ne lui en restait déjà que trop peu. Sa retraite fut interrompue par la guerrière :

- Pourquoi sont-ils encore en vie s'ils n'ont pas payé l'impôt au printemps ?

- Ils l'ont payé. C'est ton nouvel impôt qui va faire tuer tous les petits paysans.

Xena regarda Gabrielle pendant un long moment, semblant réfléchir intensément. Finalement, elle dit d'un ton dénué de sympathie :

- Je viendrai. Va t'en maintenant.

La jeune femme observa la guerrière un instant, blessée par la façon dont elle venait de se faire congédier. Elle avait réussi à sauver ses parents, mais pas la fragile relation qu'elle avait avec la Conquérante. Au fond d'elle, elle savait qu'elle avait déçu l'autre femme. Mais ça en valait la peine.

 

Xena attendit que Gabrielle ait quitté la pièce pour reprendre sa place sur le banc, posant ses coudes sur ses genoux, la tête entre ses mains. Pour la première fois depuis longtemps, la guerrière se sentait utilisée, et non l'inverse. C'était un sentiment qui ne lui avait pas manqué. Elle aurait voulu dire non à Gabrielle, mais elle n'avait jamais pu et n'était pas sûre de pouvoir un jour.

 

*          *          *          *          *         

 

Gabrielle faisait les cent pas dans sa cuisine, impatiente.

- Mais que fait-elle, Gabrielle, elle avait bien dit qu'elle ferait quelque chose non ?

- Oui Lila, elle va venir. J'ai confiance.

- Tu es bien la seule…

Gabrielle se retourna pour fixer sa sœur :

- Garde tes commentaires pour toi. C'était ton idée à la base. Maintenant si tu vois autre chose à faire plutôt que d'attendre, je suis toute ouïe !

Lila préféra ne pas rétorquer. Après tout, elle n'avait pas tort, il n'y avait pas grand-chose d'autre à faire.

Elles s'assirent et attendirent en silence. Gabrielle observa les nœuds du bois de la table à manger, essayant d'y trouver des motifs, s'occupant l'esprit.

Elles sursautèrent en entendant frapper à la porte. Leurs yeux se rencontrèrent, craignant que les soldats ne soient déjà là. Lila se leva et se dirigea vers la porte d'un pas hésitant. Elle prit une grande inspiration avant de poser une main tremblante sur la clenche.

Elle se retrouva nez à nez avec la Conquérante en personne.

- Bonjour. Lila je présume ?

Hébétée, celle-ci ne put qu'acquiescer. Elle n'avait jamais eu l'occasion de voir la guerrière de près, car lors des manifestations publiques, la sécurité était renforcée. Elle n'aurait jamais cru voir un jour ce visage aux traits si fins, ni même ces yeux qui faisaient tant parler.

Se ressaisissant, elle s'écarta pour la laisser entrer.

- Xena, j'ai bien cru que tu ne viendrais pas ! dit Gabrielle, espérant égayer les autres, mais échouant lamentablement, cette remarque semblant blesser la Conquérante.

- Je t'avais dit que je viendrais. Un guerrier n'a que sa parole en ce monde.

- Oh, excuse-moi, je ne voulais p-

- Laisse tomber, c'est bon.

Xena prit une des chaises, la posa dans le coin de la pièce et s'assit. Dans l'ombre, on pouvait seulement deviner sa forme, mais rien de plus.

Lila retourna à sa place, visiblement intimidée.

- Ne t'en fais pas, une fois cela réglé je m'en irai.

Gabrielle se leva, voulant régler ce malentendu. Elle s'approcha de la guerrière. Celle-ci restait le regard fixé sur la porte, mais toutes deux savaient bien qu'elle évitait les yeux de l'artiste.

La main de Gabrielle vint se poser sur la joue de Xena dans une douce caresse. Elle resta en place, comme pour apprécier le contact. Leurs regards se trouvèrent et Gabrielle murmura :

- Je ne veux pas que tu t'en ailles… Il faudra que je te parle…

Derrière les deux pupilles bleues, on pouvait voir les émotions se succéder : hésitation, doute, puis acceptation dans un battement de cils.

Lila était figée, regardant sa sœur et la femme la plus puissante du monde se parler dans une langue universelle. Jamais elle n'aurait cru qu'elles puissent être proches, du moins pas à ce point. Leurs mondes étaient diamétralement opposés, et pourtant.

Ce fut Xena qui rompit le silence, indiquant à Gabrielle d'aller s'asseoir lorsqu'elle entendit des bruits de botte.

On frappa lourdement à la porte, faisant trembler les murs fins de la petite maison. D'un signe de tête, la guerrière fit comprendre à Lila d'aller ouvrir la porte.

Quatre soldats lourdement armés se trouvaient de l'autre côté.

- Nous venons chercher l'impôt.

- Il... n'est... pas prêt ? dit Lila d'une voix apeurée.

L'homme de tête grogna de mécontentement. Il sortit son épée, prêt à en finir :

- Je n'aime pas qu'on me prenne pour un con…

Le voyant lever son épée, Lila mit par réflexe ses bras au-dessus de sa tête. Elle entendit un gros bruit et releva timidement les yeux pour voir que l'épée du soldat avait été brisée au niveau de la garde. A vrai dire, tous avaient les yeux fixés sur l'arme si bien qu'ils ne virent la Conquérante qu'une fois sa main autour du cou de l'agresseur.

- Ca tombe bien, moi non plus je n'aime pas ça…

Profitant de la stupeur des assaillants, elle brisa la nuque de l'homme d'un mouvement sec. Tout sourire, elle avança vers ses acolytes qui répondaient à chacun de ses pas par un en sens inverse.

Bien vite, ils se trouvèrent tous les trois au centre de la place du village, en vue de tous. Les habitants, comprenant que quelque chose d'important se tramait, regardaient tous avec intérêt la scène qui se déroulait devant leurs yeux.

- Alors comme ça on s'offre des revenus supplémentaires en MON nom ? J'aurais pourtant juré qu'aux dernières nouvelles, c'était MOI qui dirigeais cet empire…

Aucun des soldats ne répondit, complètement terrorisés.

Lorsque la guerrière sortit son épée, l'un deux émit un gémissement étranglé.

- On n'est plus si courageux lorsqu'il ne s'agit pas que de paysans sans défense hein ?

D'un mouvement souple, elle assena un coup d'épée qui déchira le ventre de l'un des hommes. Les deux autres se regardèrent avant de porter leur attention sur la mare de sang qu'était leur ancien compagnon. Le plus petit des deux commença à s'incliner en marmonnant des excuses, tremblotant.

Cela fit sourire la Destructrice des Nations qui lui trancha net la tête d'un seul coup d'épée. Le dernier des soldats renégats recula rapidement, visiblement terrorisé. Il se retourna et, dans sa hâte, trébucha.

Xena avança vers lui lentement, semblant se réjouir de la peur qu'elle inspirait. Elle agrippa l'homme par son armure, empêchant sa fuite et lui assena un coup avec la garde de son épée. Le soldat s'écroula, évanoui.

La Conquérante sonda la place du petit village, s'assurant que plus personne ne contestait son autorité. Tous les villageois avaient les yeux rivés sur elle, véritable déesse de mort. Elle se mit à parler d'une voix forte :

- Aucun impôt supplémentaire ou modification profonde des règles que j'ai instaurées ne se fera jamais sans annonce officielle préalable.

Elle attendit un moment avant de continuer, pointant du doigt les restes des hommes :

- Ces prétendus soldats vous ont trompés, volés. Une partie de ma garde personnelle est actuellement au sein de leur campement. L'argent que nous trouverons sera redistribué aux familles.

Elle sortit un mouchoir de sa poche et essuya consciencieusement son épée encore teintée de sang.

- Oh, j'oubliais. Ne vous en faites pas, ils seront châtiés…

Au fond d'elle, Xena savait très bien que tous les habitants du village n'avaient pas le moindre doute à ce sujet. Dans un dernier moulinet, elle rangea son épée dans son fourreau, puis porta une main à sa bouche pour émettre un puissant sifflement. Aussitôt, une poignée de soldats arrivèrent et commencèrent à nettoyer la place.

La guerrière jeta un coup d'œil en direction de Gabrielle pour constater que celle-ci la fixait. Voyant qu'elle avait capté son regard, la jeune femme fit un léger mouvement de tête, invitant silencieusement Xena à la suivre tandis qu'elle passait à l'arrière de sa demeure.

La Conquérante prit une grande inspiration avant de se diriger vers l'endroit où l'artiste avait disparu. Elle s'était montrée particulièrement violente avec les soldats dans l'espoir de la dégouter et lui faire changer d'avis quant à cette discussion. Visiblement, c'était loin d'être un franc succès. Elle trouva Gabrielle dissimulée entre la remise à bois et le poulailler.

 Pouvait-il y avoir endroit plus romantique pour leur rencontre ?

L'artiste observa la guerrière pendant ce qui parut être de très longues secondes, jusqu'à ce que celle-ci s'agace et lance un :

- Quoi ?

- Je voulais m'excuser pour la façon dont j'ai disparu pour finalement venir quand j'avais besoin de toi…

- Ca va, ça m'est égal.

Xena voulut se retourner et partir, mais Gabrielle ne la laissa pas fuir la conversation :

- Tu sais ce que je crois, Conquérante ? Je crois que mon attitude t'a blessée et qu-

Un franc éclat de rire l'interrompit :

- Je t'arrête tout de suite. Tu te trompes…

- Non. Je sais qu'il y a quelque chose entre nous…

- Oui, tu as raison sur ce point, il y a quelque chose. Il y a une petite histoire sordide et sans avenir.

- L'amour n'est pas sordide…

- Tu me parles d'amour entre une remise à bois et un poulailler, cachée pour ne pas qu'on te voie en ma compagnie, c'est ça l'amour Gabrielle ?

L'artiste ne trouva rien à rétorquer. Pas la moindre petite remarque pleine d'esprit, pas de réplique…

- C'est ce que je pensais… dit amèrement Xena avant de s'en aller.

 

            *          *          *          *          *

 

Gabrielle était plongée dans ses pensées depuis quelques jours maintenant. Sa sœur avait essayé de la faire parler mais sans succès.

Elle avait besoin d'être seule pour faire le point. Car il y avait beaucoup à penser, surtout au vu de ce que lui avait fait remarquer la guerrière…

Après tout, elle s'offusquait d'être traitée comme une trainée par Xena, mais que lui avait-elle offert ? Des moments à la va-vite, dans des recoins sombres ?

Une histoire sordide…

Pourtant, au fond d'elle, la jeune femme savait qu'elle voulait plus… La Conquérante, corps et âme. Faire passer la passion physique pour coupable était facile, mais ce type de passion n'entraîne en aucun cas la déraison. Il y avait plus, autrement comment expliquer que malgré toutes leurs altercations, elles soient toujours revenues l'une vers l'autre ?

Comment expliquer sa jalousie envers la jeune serveuse, si ce n'est parce que celle-ci avait eu ce qu'elle convoitait ?

Elle réalisa qu'elle pensait que la guerrière lui revenait de droit. Mais au nom de quoi osait-elle prétendre pareille chose ?

Soupirant, elle saisit son oreiller pour le poser sur sa tête, espérant se couper du monde. Quelques instants plus tard, elle entendit pourtant qu'on toquait à la porte. Intriguée, elle regarda par la fenêtre pour voir que le soleil était sur le point de se coucher. Qui pouvait bien venir à cette heure ?

- Entrez.

La petite porte en bois s'ouvrit dans un léger grincement. Le cœur de Gabrielle manqua un battement en voyant Ellis se glisser dans sa chambre. Elle pensait ne jamais la revoir et encore moins recevoir sa visite…

- Bonsoir…

Gabrielle se ressaisit vite et articula un " 'soir Ellis " très incertain.

- J'ai croisé Lila au marché ce matin…

- Oh !

- Je suis passée voir comment tu allais.

Gabrielle détourna la tête, ne pouvant pas supporter le fait qu'Ellis avait l'air de s'inquiéter, malgré tout ce qu'elle lui avait fait subir :

- Pourquoi ? Je… je suis la pire idiote que la terre ait porté, pourquoi t'en fais-tu ?

- Parce que même si tu l'es et même si je ne te pardonnerai jamais ce que tu m'as fait… je… je ne veux pas te voir souffrir…

Ellis déglutit, ayant un mal fou à s'exprimer. Elle reprit si bas que l'artiste faillit ne pas entendre :

- J'ai toujours des sentiments pour toi, même si cela me tue.

Un lourd silence s'installa dans la pièce. Ellis était debout et trépignait sur place, sa nervosité apparente. Gabrielle se décala un peu, remit la couverture en place avant de tapoter son lit dans une invitation silencieuse. Elle regarda l'autre femme venir s'asseoir et lisser des plis imaginaires sur sa jupe.

- C'est à cause d'elle, c'est ça ? Tu l'aimes ?

Pour une artiste reconnue comme éloquente, Gabrielle se trouva à court de mots. L'aimait-elle ? Certainement. La détestait-elle pour ce qu'elle lui faisait ressentir ? Aussi.

- Je… je ne sais pas. Oui. Non. Je… Tu n'es peut-être pas la meilleure personne pour en parler…

- Au contraire. Je sais ce que c'est que d'aimer quelqu'un en sachant que la raison voudrait qu'on haïsse cette personne.

- Je suis désolée pour ce que je t'ai fait. Je ne me reconnais pas… Je suis devenue le type de personne que j'ai toujours méprisé. Je t'ai fait du mal. Je regrette tellement…

Ellis prit Gabrielle dans ses bras tandis que des larmes trop longtemps retenues commençaient à couler. Pendant un instant, elles eurent l'impression d'être revenues dans le temps, quand il suffisait d'être près de l'autre pour aller bien. Elles s'enivrèrent de l'odeur de l'autre, familière et rassurante. Mais une fois les yeux ouverts, l'illusion ne faisait plus guère effet.

- Tu sais ce que pense Xena ?

- Pas exactement. Je crois qu'elle ressent quelque chose pour moi, mais qu'elle le refuse…

- Je le crois aussi… La preuve, tu es encore en vie !

Gabrielle sourit à ces paroles. Elle déposa un baiser sur la joue d'Ellis avant de retourner se blottir contre elle.

- Tu m'as manqué.

- Toi aussi.

Elles s'allongèrent côte à côte, se regardant dans les yeux. Gabrielle vint remettre une mèche de cheveux derrière l'oreille d'Ellis qui sourit tristement.

 

            *          *          *          *          *

NB : Madame Wu (625-705) a réellement existé, même si l'époque ne correspond pas du tout à l'antiquité. Ancienne favorite, elle a vécu lors de la dynastie Tang avant de créer sa propre dynastie, les Zhou. C'était une femme assoiffée de pouvoir qui a commis les pires atrocités pour arriver à ses fins, torturant, mutilant, tuant. Despotique et cruelle, elle ira même jusqu'à éliminer sa progéniture pour rester sur le trône. J'utilise son nom uniquement pour aider à cerner le personnage.

 

La lieutenante de la Conquérante entra dans la pièce et immédiatement le silence se fit. La jeune femme, ancienne guerrière amazone était dotée d'une plastique qui n'avait rien à envier à celle de Xena. Grande brune aux yeux noirs dotée d'un corps puissant et musclé qui mettait en valeur ses formes, elle avançait avec l'assurance des plus grands.

La Destructrice des Nations sourit de l'effet produit. Un second qui inspire un tel respect ne peut être que bénéfique. De plus, celle-ci lui était fidèle depuis maintenant des années.

Bien sûr, Xena savait que César avait tout fait pour acheter la loyauté de la farouche amazone, lui offrant le pouvoir, l'argent, tout ce qu'elle aurait pu désirer. Et pourtant Varia était restée à ses côtés alors même que le sort du monde n'était pas décidé et qu'elles s'apprêtaient à mener une bataille qui promettait d'être épique. Sans un second aussi doué, la conquête de Rome n'aurait pas pu se faire en aussi peu de temps. Une telle alliée n'avait pas de prix.

Voilà deux lunes que l'amazone était partie dans les terres de Chine, seul endroit connu qui n'était pas encore sous le joug de la Conquérante. Sa mission était de former une alliance avec le puissant empire chinois. Normalement, Xena s'occupait elle-même des questions diplomatiques, mais Varia était une oratrice de talent en qui on pouvait avoir confiance et la guerrière ne voulait pas quitter la Grèce pour des raisons très personnelles.

 

- Varia, quel plaisir. Les nouvelles sont bonnes ?

L'ancienne amazone s'inclina avant de répondre :

- J'ai là une proposition d'alliance… Voire même plus…

 

Xena sourit, réjouie par ces perspectives. Le dénouement rêvé.

La seule raison pour laquelle elle avait cessé ses conquêtes était que les hommes avaient besoin de répit, de voir leurs familles avant de repartir de plus belle. Un accord serait parfait.

En attendant.

Elle congédia ses conseillers avant de tendre la main en direction du parchemin que Varia lui offrait.

Ses yeux parcoururent le document rédigé dans une écriture fine et délicate. L'un de ses sourcils se leva, bientôt suivi de l'autre.

Un léger rire lui échappa avant qu'elle ne relève la tête en direction de sa lieutenante qui était visiblement satisfaite des termes de l'accord.

 

- N'était-elle pas hétérosexuelle aux dernières nouvelles ?

- Si. Elle a dû voir une des peintures qui te représentent. Honnêtement, qui pourrait la blâmer ?

 

L'amazone lança un regard plein de désir qui ne laissait aucun doute quant à son avis concernant le physique de la Destructrice des Nations. Celle-ci lui répondit par un coup d'œil d'égale intensité. Elle songea un instant à Gabrielle, se sentant vaguement coupable, avant de repousser cette idée. Elle ne lui devait rien. L'artiste était toujours source de déception.

Après tout, pourquoi se refuser ce plaisir ?

 

Voyant une ouverture, Varia vint se poster derrière Xena, posant une main sur son épaule avant de descendre plus au sud.

L'audace, le choix du bon moment, c'est aussi cela qui fait un fin tacticien.

La Conquérante se lécha les lèvres avant de saisir la main inquisitrice tout en se tournant. Elle attira Varia à elle, l'amazone désormais à califourchon sur la guerrière.

- Une négociation aussi réussie mérite une récompense…

Les yeux noirs se posèrent dans le décolleté provocateur de la Conquérante, ne laissant aucun doute quant au type de récompense envisagé.

- Tu me veux ?

Pour toute réponse, la lieutenante embrassa sauvagement sa supérieure. Voilà des années qu'elle attendait cet instant, elle n'allait pas laisser passer cette chance. Bien sûr, elle se doutait que quoiqu'il se passerait dans quelques instants, cela n'aurait lieu qu'une fois, mais qu'importe. Ce qui l'intéressait, c'était de posséder Xena, pas d'entretenir une amourette.

La Conquérante passa aisément la main sous la jupe de combat de sa lieutenante, l'accès étant facilité par leur position intime.

Leur baiser était sauvage, les lèvres de Varia étant aussi agressives que la personnalité de l'amazone. Elle gémit en sentant les doigts de la guerrière la caresser à travers le fin tissu.

Xena passa son autre main sous les fesses de son amante et se leva, la soulevant. Elle l'assit sur le bord de l'imposante table de conférence et poussa tous les plans qui y étaient étalés d'un grand mouvement de bras.

Varia défit les attaches qui maintenaient en place l'armure royale, se délectant du corps ainsi révélé. La Conquérante n'était pas en reste, ayant déjà ses mains posées sur la poitrine qu'elle avait mise à nu.

L'amazone recula sur la table, ses yeux ne quittant pas ceux de l'autre femme, avant de s'arrêter. Impudique, elle écarta légèrement les jambes, laissant entrevoir l'unique sous-vêtement que sa jupe courte ne cachait plus guère.

Xena se mordit à lèvre à la vue de cette superbe créature vêtue seulement de sa jupe et ce qu'elle dissimulait…  L'attitude provocatrice de cette dernière n'était pas pour lui déplaire. Elle savait ce qu'elle voulait et n'hésitait pas à le dire… elle.

Si seulement toutes ses amantes pouvaient être ainsi…

Un visage commença à se former devant ses yeux. Un sourire, une…

Agacée, la Conquérante repoussa la pensée dérangeante, posant un genou sur la table, puis l'autre, avançant à quatre pattes en direction de Varia.  Elle s'arrêta juste avant de l'atteindre, souleva la jupe et vint frôler le sous-vêtement du dos de sa main. Elle sentit l'humidité que celui-ci dissimulait. Ses yeux se relevèrent vers ceux de l'amazone, n'y voyant qu'un désir non dissimulé.

N'y tenant plus, elle arracha le tissu offensant. Elle se pencha jusqu'à poser ses lèvres sur le sexe offert. Immédiatement, la main de sa lieutenante vint se placer à l'arrière de sa tête.

D'ordinaire, la guerrière n'usait pas de ses talents… oraux, mais elle ressentait un besoin impérieux de soumettre la farouche amazone, de la sentir à sa merci.

Et celle-ci ne la déçut pas. Elle haletait déjà sous les administrations expertes de son amante.

Les doigts de la guerrière vinrent s'ajouter à l'équation,  bougeant à l'unisson avec la langue habile.

 

Elles tournèrent toutes deux la tête en entendant la porte s'ouvrir. Un regard de pure terreur passa dans le regard de la Conquérante et elle parut presque soulagée de découvrir Najara.

Varia retint son souffle, ne sachant pas quoi faire tandis que la concubine officielle de son amante se tenait dans l'embrasure, la bouche grande ouverte. Elle était visiblement choquée par la vue qui s'offrait à elle, tant et si bien qu'elle posa une question dont la réponse paraissait évidente.

- Qu'est-ce que vous faites ?

Xena arqua un sourcil tout en regardant sa compagne avant de répondre d'un ton détaché :

- Nous célébrons un accord.

- Et…

Najara s'arrêta immédiatement devant le regard faussement interrogateur de Xena. Elle n'avait rien à dire, c'était la Conquérante et elle n'était que celle qui chauffait son lit. Elle savait que la guerrière voyait d'autres femmes. Il n'était pas question d'amour et ses aventures ne la dérangeaient pas tant que celle-ci revenait à elle. Elle était toujours revenue… Sauf ces derniers temps…

Alors c'était elle, Varia, qui s'occupait désormais des envies de Xena ? Elle aurait pourtant juré que l'arrogante petite blonde y était pour quelque chose… 

Mais le fait que ce soit entre les cuisses de l'amazone que la guerrière venait assouvir ses envies la rassurait. Aucun risque. Observant la superbe femme devant ses yeux, elle se dit qu'elle n'aurait pas choisi mieux.

Voyant Najara en pleine réflexion, Xena se mit à genoux entre les cuisses de sa lieutenante et remonta jusqu'à son cou, pressant ses seins contre ceux de l'amazone. Sa bouche vint jouer avec l'oreille offerte un instant avant de murmurer :

- Elle te plait ?

Varia observa la nouvelle venue sous toutes ses coutures et le sourire qui lui vint aux lèvres parla pour elle.

Satisfaite, la Conquérante se pencha pour venir mordiller la nuque de l'amazone tout en tendant sa main en direction de Najara. Celle-ci contempla les deux femmes devant elle pendant quelques instants. Le gémissement qu'émit Varia sembla la sortir de sa torpeur, si bien qu'elle avança pour venir poser sa main sur celle de la Conquérante.

Xena sourit dans la nuque de l'amazone avant d'attirer sa compagne plus à elle. Elle s'attendait à ce  que la blonde accepte une telle offre. Les " envies " de celle-ci étaient célèbres dans tout le royaume. L'une comme l'autre savaient que leur relation n'avait pas grand-chose à voir avec l'amour alors pourquoi se priver d'un petit extra ?

Regardant la jeune blonde dans les yeux, elle vint caresser sa joue de sa main avant de la passer derrière sa nuque, la guidant vers sa lieutenante. Najara s'était visiblement remise de sa surprise, car elle n'hésita pas un seul instant avant d'embrasser l'autre femme.

 

La guerrière se délectait du spectacle qui lui était offert. Un plaisir trouble l'envahit, cette situation lui plaisant de plus en plus. Sa main alla caresser l'amazone offerte, constatant qu'elle n'était pas la seule à apprécier cette idée. 

- Xena…

Ne voulant pas être en reste, Varia déshabilla rapidement l'autre femme avant de l'attirer encore plus à elle. Sa bouche vint se fermer sur la poitrine offerte, la sentant se raidir instantanément sous ses lèvres.

Najara vit les doigts expérimentés de l'amazone venir découvrir les replis humides de son sexe et ne put retenir un gémissement. Rien que la vue de Xena donnant du plaisir à une autre qu'elle aurait pu suffire à l'amener au bord de la jouissance et les administrations de Varia ne calmaient en rien le brasier qui avait pris en elle.

La Conquérante accéléra le rythme de sa langue et de ses doigts en sentant les muscles de sa lieutenante se serrer sur ses doigts. Elle savait que celle-ci ne tiendrait plus longtemps… mais qu'importe, elles avaient la journée devant elles…

 

            *          *          *          *          *

 

Xena écoutait distraitement les paroles de ses conseillers, plongée dans les souvenirs qu'avait connus la table à laquelle ils discutaient.

A sa droite, Varia était tout sourire, sûrement pour les mêmes raisons à en juger par la façon dont son regard venait régulièrement se poser sur les lèvres de la guerrière.

La Conquérante commença à exposer le contenu de l'accord trouvé. Tous étaient surpris de la nouvelle, ne s'attendant pas à une telle chose de la part de l'impératrice Wu.

- Pour conclure, je dirais juste que nous avons tout à gagner. Ce n'est pas tous les jours qu'un traité aussi arrangeant peut être signé. Je crois qu'il est temps de préparer les célébrations…

A ce mot, son regard croisa celui de l'amazone qui lui lançait un sourire provocateur. Voilà une femme comme elle les aimait… A cette pensée, une précision lui vint à l'esprit :

- Oh, j'oubliais. Envoyez des missives à tous les seigneurs de la région pour les convier, ainsi qu'à l'artiste Gabrielle.

 

Satisfaite de son idée, elle se retira dans ses appartements. Les dés étaient jetés.

Cela ne pouvait pas continuer ainsi, sa relation avec la jeune blonde devait cesser.

Elle pouvait mentir à Najara et aux autres tant qu'elle voulait, prétendre que le sort de Gabrielle lui était égal, elle finissait toujours par rêvasser à son sujet, même dans les moments les plus… incongrus.

La Conquérante était incapable de s'empêcher de penser à la jeune femme peu importe ce qu'elle faisait, avec qui elle couchait, ou les sentiments contradictoires qu'elle portait à l'autre femme. Cela devenait trop dangereux de continuer ainsi. Si elle n'arrivait pas à se raisonner, alors il faudrait que la décision vienne de Gabrielle.

Sur le papier, le plan était sans faille.

Elle s'allongea au milieu de l'immense lit aux draps de soie qui occupait la pièce.  Ses doigts vinrent se refermer sur un coussin qu'elle attira sous sa tête.

Son cœur battait la chamade.

La Conquérante inspira lentement et profondément à plusieurs reprises, mais rien n'y fit.

Toujours cette impression d'avoir pris la mauvaise décision.

Elle porta une main à son visage, se massant le nez entre le pouce et l'index.

Ouvrant les yeux, elle observa sa main. Celle d'une guerrière, calleuse et forte.

Et pourtant, elle était là, sur son lit, en train de se lamenter comme une jeune vierge qui aurait le béguin pour quelqu'un. Pas comme une guerrière. Pas comme la Conquérante. Pas elle-même…

Dieux, qu'est-ce qu'elle lui avait fait ?

Rageuse, Xena attrapa le verre qui se trouvait sur sa table de nuit et l'envoya s'éclater sur le mur le plus éloigné.

 

            *          *          *          *          *

 

Gabrielle remuait distraitement le contenu de sa tasse quand on frappa à la porte. Connaissant sa mère, elle ne bougea pas un cil. Comme elle s'y attendait, cette dernière s'empressa d'aller à la porte :

- J'arrive !

L'homme qui se trouvait à l'entrée portait une tunique aux couleurs de la Conquérante. Regardant le parchemin entre ses mains, il farfouilla un instant dans le sac qu'il portait en bandoulière avant de dire :

- Bonjour. J'ai une missive pour Gabrielle.

- Gaby, mon poussin, viens c'est pour toi !

L'artiste leva les yeux au ciel. Pourquoi fallait-il qu'en présence d'étrangers sa mère l'affuble de surnoms ridicules ?

- Oui ?

L'homme lui sourit tout en lui remettant l'enveloppe cachetée.

- Merci.

- De rien, bonne journée " mon poussin " ! dit il dans un clin d'œil.

 

Gabrielle monta dans sa chambre, souhaitant s'isoler pour lire le message que Xena lui avait adressé.

Elle était excitée à l'idée que la guerrière se soucie suffisamment d'elle pour lui écrire. Leur dernière entrevue laissait croire que la Conquérante ne pensait pas que du bien de ce qu'il y avait entre elles. Et pourtant elle lui écrivait.

Elle sourit à cette idée,

Elle caressa le sceau royal du bout des doigts pendant un instant avant de se décider à décacheter la missive. Le parchemin était de la meilleure qualité qui soit.

Le cœur de Gabrielle cessa un instant de battre lorsqu'elle prit connaissance de la nouvelle. Ses yeux s'ouvrirent en grand, puis se refermèrent successivement, ne croyant pas ce qu'elle lisait. Ses mains se mirent à trembler et elle lâcha le parchemin comme s'il l'avait brûlée. Elle sortit de la pièce en courant, laissant la missive à même le sol.

 

On pouvait y lire :

Gabrielle,

La Conquérante Xena, Destructrice des Nations vous invite cordialement à venir célébrer son alliance avec l'impératrice de Chine, Wu Zeitan.

La cérémonie d'engagement aura lieu le jour du solstice d'été et regroupera les grands de ce monde à Corinthe.

 

16 novembre 2011

Chapitre 7

Chapitre 7

Gabrielle se déshabilla en silence, soulagée de se débarrasser de ses vêtements devenus collants avant de rentrer dans l'eau, se laissant envahir par la chaleur. Les muscles de son corps se détendaient petit à petit. Savourant l'un de ces trop rares moments de détente, elle se laissa envelopper dans une douce sensation d'oubli.

L'eau commençant à sérieusement rafraichir, elle se décida à nettoyer le sang qui recouvrait encore sa peau et ses cheveux. Une fois propre, la jeune femme se retrouva confrontée à un problème : Quels habits porter maintenant ?

N'ayant prévu de faire qu'un aller-retour, elle n'avait emporté qu'une seule tenue de rechange… 

La jeune serveuse prénommée Lilly fit son entrée à ce moment-là. Ignorant la pudeur de Gabrielle, elle s'approcha et posa une pile de vêtements sur la table basse visiblement destinée à cet effet.

- Xena m'a demandé de te porter ça. Elle a dit que ça sera sûrement un peu grand, mais qu'elle n'a pas mieux.

- Hum… Merci.

La serveuse s'apprêtait à partir, mais l'artiste l'interpella :

- Tu la connais bien ? Xena je veux dire.

Un petit sourire fit son apparition sur la jeune femme de 21 printemps tout au plus. Elle acquiesça.  Gabrielle pensa à autre chose :

- Elle te laisse l'appeler par son prénom ?

La serveuse sourit avant de rétorquer :

- Toi aussi non ? Tu sais, elle n'est pas si mauvaise qu'elle voudrait le faire croire…

Sans un mot de plus, Lilly pointa la pile de vêtements qu'elle venait tout juste d'apporter et marcha à reculons jusqu'à la porte. Une fois retournée, elle dit par-dessus son épaule :

- Tu aurais dû voir à quelle vitesse elle s'est précipitée à ton secours en t'entendant crier son nom. C'est la première fois que…

Elle soupira et sortit sans même terminer sa phrase.

Grommelant, Gabrielle sortit et se sécha :

- Ils sont tous aussi bizarres…

Elle regarda les habits délicatement pliés. Elle enfila la chemise en soie. Bien que trop grande, elle se sentit bien. Propre, doux, portant l'odeur caractéristique de la Conquérante, le vêtement avait tout pour plaire. L'artiste se surprit à apprécier les effluves parfumées qui lui parvenaient, relaxantes, rassurantes. C'est comme si son " héroïne " était là, à veiller sur elle.

Elle termina de s'habiller avant de se rendre dans sa chambre. Elle s'allongea sur le lit, résistant à son envie de dormir.

Ça avait été une journée pleine de révélations. Elle comprenait mieux la femme qui avait bouleversé sa vie depuis qu'elle l'avait rencontrée. Mais les réponses qu'elle avait eues ne la satisfaisaient pas… Pourquoi était-ce si difficile pour la guerrière d'admettre ses vraies motivations ? Quelles qu'elles soient…

Ceci dit, elle semblait être disposée à parler aujourd'hui. En un jour, la Conquérante en avait dit plus à Gabrielle que lors de toutes leurs rencontres. C'était peut-être la seule chance qu'elle avait, d'avoir les quelques réponses qui lui manquaient.

Elle se leva et se dirigea vers la porte. Hésitant un instant, elle descendit voir la serveuse.

- Je… j'aurais voulu savoir dans quelle chambre se trouvait Xena.

Lilly se retourna pour regarder Gabrielle. Son regard sonda l'artiste, comme pour déterminer si on pouvait lui faire confiance. Finalement, elle annonça d'un air contrarié :

- Celle en face de la tienne.

- Merci.

Gabrielle monta les marches rapidement par peur de changer d'avis. Elle leva un poing hésitant avant de toquer doucement à la porte.

- Entre Gabrielle.

La jeune femme ne put réprimer un sourire avant d'entrer. La Conquérante semblait toujours tout prévoir… Elle trouva celle-ci sur son lit, vêtue uniquement d'une chemise semblable à la sienne et de sous-vêtements. Les longs cheveux de la guerrière étaient encore humides du bain qu'elle venait de prendre.

L'artiste dut prendre un instant pour rassembler ses esprits. La vue de Xena était d'ordinaire suffisante pour la perturber, alors la voir à moitié nue, sortant du bain…

- Je suis venue te poser quelques questions…

- N'est-ce pas ce que tu fais toujours ?

Gabrielle préféra ne pas répondre à l'évidente provocation. La Conquérante tapota doucement le lit à ses côtés, dans une invitation silencieuse. La jeune femme alla s'asseoir avant de parler d'une voix calme qui ne trahissait pas son anxiété.

- C'est à propos de ce qu'il s'est passé… entre nous…

- Oui… ?

- Pourquoi ?

La guerrière arqua un sourcil, partagée entre amusement et inquiétude. Elle plaça une main sur le front de Gabrielle avant de demander :

- Tu vas bien ? Je…

L'artiste poussa rageusement la main offensante, avant de se tourner pour planter son regard dans celui de son interlocutrice, leurs visages séparés d'un cheveu.

- Qu'est-ce que ça voulait dire ? Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ?

- Wow wow ! Du calme. Tu en avais envie, moi aussi. Inutile de chercher plus loin. Et maintenant… et bien il n'est pas question de maintenant. Tu as eu ce que tu voulais, moi aussi.

Gabrielle resta silencieuse, ses yeux lançant des éclairs. Tout son corps s'était tendu suite aux paroles de Xena. Elle avait envie de la frapper, de la battre à mort jusqu'à ce qu'elle…

Jusqu'à quoi d'ailleurs ?

- TU NE SAIS RIEN DE CE QUE JE VEUX !

Absolument pas impressionnée, la Conquérante poussa la jeune femme dos au lit en un mouvement fluide, avant de chevaucher sa taille et de lui maintenir d'une seule main les poignets au-dessus de sa tête.

- Tu crois ?

Gabrielle pouvait sentir le souffle chaud de Xena sur sa peau, déclenchant une série de frissons. Elle sentit une main détacher un à un les boutons qui maintenaient sa chemise en place. Déglutissant, elle attendit. Les pans du vêtement tombèrent de part et d'autre de sa poitrine, l'exposant à la faible lumière des bougies. Gabrielle tentait de réguler sa respiration, mais se savoir à la merci de la superbe femme chevauchant actuellement sa taille n'aidait pas. Elle gémit involontairement en sentant la main de la Conquérante caresser son cou, puis passer entre ses seins, jouer avec son nombril avant de terminer sa course à la limite de son pantalon.

La guerrière la regarda un instant, les yeux pleins de désir avant de l'embrasser presque sauvagement. C'était si bon que la jeune femme oublia de résister, répondant au baiser. Lorsque ses poignets se trouvèrent libérés, ses mains allèrent directement se poser à l'arrière de la nuque de Xena.

C'était mal mais c'était si bon. Son esprit lui hurlait que c'était exactement ce qu'elle avait voulu éviter, mais il fut réduit au silence par la main qui se glissa entre ses jambes.

La Conquérante se recula, brisant leur baiser. La guerrière ne retint pas son sourire : le corps de l'artiste venait de la trahir. Les deux amantes se regardèrent dans les yeux pendant un moment, avant que Xena ne parle, d'une voix moqueuse :

- Peut-être que je ne sais pas ce que tu veux, mais ton corps semble aller dans mon sens… Ne te crois surtout pas meilleure que moi.

Réalisant ce qu'elle venait de laisser faire, Gabrielle se débattit, repoussant la Conquérante et se levant. Hâtivement, elle reboutonna sa chemise, tentant d'ignorer le sourire narquois de Xena. Elle quitta la pièce rapidement, non sans se retourner pour la voir à présent porter ses doigts à sa bouche.

Refoulant l'envie de faire demi-tour, la jeune femme se rendit dans sa chambre.

Elle s'assit sur son lit avant de prendre sa tête entre ses mains.

- Tu t'offusques lorsqu'elle te traite de putain, mais tu te comportes comme telle. Regarde-toi… Elle a raison, tu n'es pas meilleure.

Comme pour confirmer cette pensée, Gabrielle prit conscience de l'inconfortable humidité entre ses cuisses.

- Pourquoi est-ce que j'agis comme ça ? Pourquoi je ne me contrôle pas lorsqu'il s'agit de la Conquérante ? Je suis pire qu'une chatte en chaleur. Et dire que je croyais avoir le contrôle…

Amère, elle secoua la tête, désillusionnée :

- La seule chose que j'avais, c'était envie d'elle. Elle aurait pu me prendre à même le sol, pour ce que ça importait, dès lors qu'elle le faisait. C'est pathétique. Je suis pathétique…

Elle s'allongea dans l'espoir de trouver le sommeil, mais sachant qu'une fois encore, la nuit ne serait pas de tout repos. Une marque de chandelle plus tard, elle était tout aussi éveillée, incapable d'ignorer la pulsation entre ses jambes. Descendant chercher une bouteille de porto, elle se servit deux verres qu'elle engloutit rapidement. L'alcool n'étant certes pas une solution, mais au moins… Une fois saoule, elle se rendit davantage compte de l'absurdité de la situation :

- Tu as perdu toute dignité, et t'as même pas été foutue d'en profiter ! Quitte à se sentir coupable après, autant que ça soit pour une bonne raison !

Suivant une logique toute propre aux buveurs, elle se rendit devant la chambre de la guerrière. Dans un équilibre précaire, elle ouvrit la porte d'un seul coup, surprenant visiblement la Conquérante. Celle-ci avait déjà son épée en main, mais la reposa en voyant l'intruse, avant de s'appuyer sur ses coudes et de mettre sa tête en arrière. Gabrielle mit un instant avant de constater que quelque chose ne tournait décidément pas rond. Fronçant les sourcils, elle tenta d'analyser la situation. Elle remarqua alors l'air fiévreux de la Conquérante, sa respiration courte et saccadée et surtout la forme sous les draps.

- Non…

Gabrielle n'en croyait pas ses yeux. C'était bien quelqu'un qui se trouvait entre les cuisses de la guerrière. Elle aurait voulu fuir, mais il fallait qu'elle sache. Qui…

Elle avança rapidement et tira le drap d'un coup sec. Elle leva des yeux horrifiés vers Xena, avant de retourner fixer Lilly.

Ayant soudainement du mal à respirer, la jeune femme se dirigea comme elle put vers la sortie, trébuchant au passage sur les bottes de la serveuse.

 

            *          *          *          *          *

 

Xena fit un sourire à Lilly. C'est vrai, elle venait juste d'abuser des sentiments que celle-ci portait à son égard mais bon…  Elle devrait se douter qu'elle n'était qu'un substitut. D'ailleurs, la première chose qu'elle avait dit en entrant dans la chambre était : " Gabrielle n'est pas là ? ".

La serveuse sortit de la pièce, le sourire aux lèvres. Insensible, Xena murmura :

- Au moins, ça lui fera des souvenirs. Depuis le temps qu'elle me reluquait…

La Conquérante chercha à trouver le sommeil, fatiguée. Mais c'était impossible. Elle ne pouvait pas quitter Gabrielle sur cette image, peu importe à quel point ça avait été drôle. Après tout, il y avait de fortes chances pour que celle-ci ne veuille plus jamais la revoir après cela. Il était peut-être encore temps d'arranger la situation, même un tout petit peu.

Réticente, elle repoussa la chaleur des couvertures et enfila des chaussures. Elle se rendit dans la chambre de l'artiste, sans prendre la peine de frapper. Celle-ci ne devait pas dormir depuis longtemps, des traces de larmes récentes encore sur son visage.

La guerrière s'assit sur le bord du lit, avant de passer sa main dans la chevelure blonde, dégageant le visage de Gabrielle. Elle soupira, puis se pencha pour déposer un baiser sur son front avant de murmurer à son oreille :

- Réveille-toi… Ohé… Il faut qu'on parle !

- Han !! Mhnon Lila ! Va-t'en !

- J'imagine que c'était un non ! Gabrielle… c'est Xena.

Deux yeux verts s'ouvrirent d'un coup, fixant la Conquérante.

- Eh ben, c'est efficace !

- Qu'est-ce que tu veux ? Un petit coup de plus ?

- Je ne serais pas contre, mais j'ai comme dans l'idée que tu m'en veux, pour une obscure raison d'ailleurs.

Toute idée de sommeil avait quitté Gabrielle alors qu'elle subissait une provocation éhontée :

- C'est une plaisanterie ? J'ai toutes les raisons du monde de t'en vouloir, et nous le savons toutes les deux.

- Non. Tu m'as repoussée, je n'arrivais pas à dormir, j'ai dû trouver un moyen !

- Il y en avait sûrement d'autres ! Utiliser ta main par exemple, ou venir t'excuser pour m'avoir insultée.

- Pour que j'aie droit à une leçon moraliste pour au final me retrouver toute seule ? Non merci. Et Lilly était toute disposée à faire ce que tu ne voulais pas… Alors pourquoi m'embêter ?

- C'est une enfant.

- Non… Elle a 21 printemps, soit seulement quelques-uns de moins que toi.

Gabrielle s'arrêta un instant réfléchissant. Elle leva sa main et alla caresser la joue de la Conquérante.

- Pourquoi faut-il toujours que ça se passe comme ça ? Des tensions, des disputes…

Il était évident que Xena n'aimait pas du tout la tournure que prenait le sujet. Ses yeux étaient à présent posés sur ses mains qui remuaient sur ses genoux. Regardant partout sauf Gabrielle, elle prit une grande inspiration avant de dire :

- Parce que nous avons envie de quelque chose pour laquelle nous ne sommes pas préparées. Il ne suffit pas de mépriser une passion pour ne pas l'éprouver.

Avant que l'artiste n'ajoute quoi que ce soit ou réussisse à fermer sa bouche, la Conquérante prit le drap et borda la jeune femme. Elle se pencha et la regarda longuement avant de déposer un baiser sur ses lèvres et de partir.

 

*          *          *          *          *

 

En se réveillant le lendemain, Gabrielle se demanda si elle n'avait pas rêvé toute la scène. Après tout, c'était presque une déclaration qui lui avait été faite, non ?

Après s'être changée, elle se rendit dans la chambre de la Conquérante tout en étant intimement convaincue qu'elle ne l'y trouverait pas.

Rien. Plus rien, aucune trace du passage de la guerrière. Si ce n'est pour le bout de papier sur le lit :

 

Les hommes ne veulent pas ce qu'ils font, mais ce en vue de quoi ils font ce qu'ils font.

X.

 

L'artiste ne put réprimer un sourire.

- Du Platon. Ah Xena, tu me surprendras toujours.

Gabrielle se reprit un instant, se rappelant qu'elle était toujours en colère et que la Conquérante s'était comportée de manière impardonnable.

Soupirant, elle retourna dans sa chambre pour préparer ses affaires. Au moins, elle avait eu les réponses qu'elle était venues chercher et même davantage.

Cependant, elle n'arrivait toujours pas à comprendre pour quelle obscure raison Xena agissait de manière si étrange envers elle.

 

*          *          *          *          *

 

De retour à Athènes, Gabrielle fut accueillie par une Ellis inquiète :

- Par tous les Dieux, Gabrielle, où étais-tu passée ?

L'artiste hésita avant de répondre. Que faire ? Dire la vérité à Ellis, TOUTE la vérité ? Qu'elle était allée voir la Conquérante et que la scène s'était reproduite ? Finalement, elle décida de dire qui elle avait été trouver et d'attendre avant d'ajouter quoi que ce soit. Elle n'avait pas oublié que Xena avait menti pour elle, même si cette dernière prétendait l'avoir fait à des fins personnelles.

- J'ai été trouver la Conquérante.

Immédiatement, Ellis la saisit par les épaules et l'inspecta.

- Oh Gabrielle !! Ca va ? Elle ne t'a pas fait du mal ? Si elle a osé poser la main sur toi…

La jeune femme arrêta tout de suite Ellis, se sentant extrêmement mal à l'aise face à l'inquiétude de son amante. Si elle savait…

- Je vais bien.

Plutôt que de répondre, Ellis embrassa Gabrielle, d'un baiser plein de soulagement, de réconfort. Mais qui n'eut pas l'effet escompté. Plutôt que de se laisser aller, Gabrielle était rongée par le remord. Ellis la croyait victime d'un viol alors qu'en réalité, elle n'était rien de plus qu'une traitresse qui l'avait trompée dans son dos avec le pire être que la terre ait porté.

Elle sut dès lors qu'elle ne pourrait pas vivre à nouveau avec Ellis, pas comme ça, pas après avoir abusé de sa confiance et en vivant dans le mensonge. Aussi douloureux que cela allait être, elle allait devoir rompre.

Gabrielle se dégagea délicatement de l'étreinte avant de prendre une grande inspiration. Sa voix était hésitante à la fois de peur et d'appréhension :

- Je suis désolée… Je ne peux pas…

Ellis crut comprendre.

- Excuse-moi… Je… J'étais contente de te revoir saine et sauve, je n'ai… pas songé qu'avec ce que tu viens de vivre, tu n'as sûrement pas envie de tout ça…

- Ellis… Entre nous je veux dire, ça ne peut pas continuer.

Gabrielle se félicita intérieurement, quelle grande oratrice elle faisait. Elle vit bien que sa partenaire combattait les larmes, ne comprenant pas.

- Ne la laisse pas te gâcher ta vie…

La jeune femme était à deux doigts d'hurler ou de pleurer, elle ne savait pas trop. Ellis la voyait en victime et elle ne méritait pas cette compassion. Mais elle ne pouvait pas se résoudre à lui dire la vérité, l'entière vérité, celle où elle s'est comportée comme la putain de la Conquérante et où elle en a aimé chaque instant. 

- Ce n'est pas ce que tu crois… S'il te plaît…

Ellis resta un instant à regarder Gabrielle, sachant très bien que celle-ci venait lui demander de partir, qu'elle avait besoin de temps. Mais quelque chose la tracassait :

- Comment ça " pas ce que je crois " ?

Gabrielle sentit son cœur manquer un battement. C'était trop tard pour reculer désormais et elle le savait, aussi elle parla d'une voix faible

- Elle ne m'a pas forcée…

- Tu veux dire que… ?

Ellis se recula, horrifiée. Gabrielle fixait le sol, incapable de croiser son regard. Oui, elle l'avait voulu, elle l'avait même provoqué.

- J'étais consentante.

Elle réussit enfin à relever les yeux et venir rencontrer ceux d'Ellis, elle avait besoin de savoir. Et elle y vit exactement ce qu'elle craignait, de l'horreur, du dégout, de la trahison. Lorsqu'Ellis la gifla, elle n'essaya pas d'esquiver, elle la méritait et même bien pire. Après tout, elle avait réellement envisagé de lui cacher la vérité, mais pour ça aussi elle était trop faible.

Elle resta immobile encore longtemps après que sa désormais ex petite amie ait quitté la pièce. Elle avait misé gros et perdu.

 

                                   *          *          *          *          *

 

Xena trépignait dans sa salle du trône. Il ne se passait strictement rien. Le calme plat. Pas une seule rébellion, pas d'ennemi en vue, rien qui puisse lui occuper l'esprit, ou du moins lui offrir un peu de répit. Pourquoi fallait-il que la seule chose qui semblait offrir un quelconque challenge soit petite, blonde et horripilante ?

Ses doigts fins trouvèrent la garde de son épée, en traçant distraitement les reliefs. Au point où elle en était, même une visite d'Arès serait la bienvenue.

Elle entendit un " pouf " derrière elle.

- Quand on pense au loup…

Le Dieu de la guerre alla se poster devant elle avant de répondre, un sourire narquois aux lèvres et un sourcil levé 

- On en voit la queue…

Xena leva les yeux au plafond et soupira profondément.

- Voilà qui m'apprendra à ne pas penser n'importe quoi. Bon, puisque tu es là, que dirais-tu d'une séance d'entrainement ?

Pour toute réponse, Arès sortit son épée de son fourreau, la faisant tournoyer d'une façon experte, l'air sûr de lui.

 

                                   *          *          *          *          *

 

Quelques temps après, Gabrielle était retournée chez ses parents, où elle s'accommodait mieux au vide laissé par Ellis.

 

Allongée dans l'herbe et caressée par une douce brise, elle repensait pour une énième fois aux récents évènements.

Elle aurait cru que cela aurait été plus facile, mais on ne perd pas quelqu'un avec qui l'on a passé plusieurs printemps comme cela. Souvent, elle avait pensé qu'elle n'aurait rien dû lui dire, quitte à vivre dans le remords et la culpabilité.

Mais d'un autre côté, elle savait que cela n'aurait pas été possible. Malgré tout et surtout son bon sens, Gabrielle ne pouvait s'empêcher d'aller assister à n'importe quelle manifestation à proximité du village qui impliquait la Conquérante. Elle s'assurait de rester bien en retrait, invisible. Elle se disait qu'elle n'était là que pour les annonces officielles ou autres festivités, mais au fond d'elle elle ne pouvait pas se mentir à elle-même, tout comme elle était persuadée que la guerrière la repérait toujours dans la foule, la cherchant presque.

Ou peut-être rêvait-elle seulement cette partie…

Soupirant, elle arracha quelques brins d'herbe avant de les lâcher, les contemplant virevolter dans les airs. Pourquoi cette femme l'obsédait-elle tant ? Etait-ce réciproque ?

Sa dernière entrevue avec Xena l'interloquait toujours. Elle n'était pas certaine d'avoir saisi le sens des paroles de la guerrière. A vrai dire, elle avait peur d'avoir compris.

- Pfff…

Elle sursauta en entendant quelqu'un courir dans sa direction. Se retournant, elle vit Felia, la fille de ce bon Protos, qui traversait à vive allure le champ menant au village.

- Gabrielle, les… soldats…

L'enfant était à bout de souffle, ayant visiblement sprinté jusqu'à elle. L'artiste posa une main rassurante sur son dos, cherchant à la calmer.

- Doucement… Que se passe-t-il ?

- Les soldats de la Conquérante, ils sont entrés chez toi ! Mon père m'a dit de venir te trouver. Tes parents n'ont pas pu payer le dernier impôt !

Gabrielle sentit son cœur manquer un battement. Non… Elle était là, ils avaient payé au printemps…

Se relevant d'un bond, elle embrassa la jeune fille sur le front avant de partir en courant, lançant par-dessus son épaule :

- Merci Felia, ça va aller, ne t'en fais pas.

- Du moins je l'espère, ajouta-t-elle tout bas.

Elle courut à perdre haleine jusqu'à sa maison où en effet, deux des soldats de la Conquérante se trouvaient, épées en main.

- Attendez !

Ils se retournèrent vivement en entendant Gabrielle. Le plus grand des deux regarda l'autre dans une question silencieuse avant de demander d'une voix dure :

- Que veux-tu ?

- Nous avons payé l'impôt, le percepteur est venu au printemps, comme d'habitude !

- C'est pas celui-là que vous n'avez pas payé…

Gabrielle resta sans voix. A sa connaissance, il n'y en avait jamais eu d'autre. Elle s'apprêtait à demander lorsque sa mère prit la parole :

- Un nouvel impôt a été mis en place sur la région…

L'artiste avait envie de dire que c'était parfaitement ridicule, que les villageois avaient déjà du mal à payer lorsqu'il n'y en avait qu'un, mais elle connaissait les réactions parfois violentes des soldats à qui on faisait remarquer l'absurdité de leur demande.

Un des hommes sortit son épée, faisant de larges moulinets et s'approchant dangereusement du père de Gabrielle.

- Vous connaissiez la sanction…

- NON !!

Gabrielle se jeta devant lui sans réfléchir à l'inconscience de son geste. Il s'arrêta un instant, semblant disposé à écouter la jeune femme. Celle-ci trouva rapidement un mensonge :

- Il nous faut juste un peu de temps, ma mère a été malade, mais je suis revenue travailler à la maison, nous pourrons bientôt payer, c'est une question de jours…

Suspicieux, il la sonda un instant, cherchant à déterminer la part de vérité dans ses paroles.

Elle ajouta rapidement :

- De plus, si vous nous tuez, vous perdez tout. Donnez-nous un délai… Nous paierons...

Le plus petit jeta un œil à son compagnon avant de ranger son arme dans son fourreau. Il se redressa, cherchant à paraître plus grand et fort qu'il n'était et dit d'un ton dédaigneux :

- Très bien. Vous avez 10 jours, pas plus.

Gabrielle soupira de soulagement. Les deux soldats s'en allèrent sans rien ajouter. Elle se retourna vers sa mère, des questions plein les yeux :

- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Un nouvel impôt sur la région ?

- Oui…

- Et les villageois ne se sont pas rebellés ?

- Tu sais Gabrielle, nous ne sommes que des fermiers. Que veux-tu qu'on dise, la Conquérante nous tuerait tous si nous tentions quelque chose. Et puis, nous ne sommes pas nombreux, seuls quelques villages sont concernés.

L'artiste songea un instant que Xena l'avait peut-être fait exprès, sachant où habitaient les parents de la jeune femme. Mais elle écarta bien vite cette pensée. Après tout, elles s'étaient quittées en termes " amicaux " ou presque et la guerrière n'avait aucune raison valable de vouloir tuer ses parents.

Sa mère était tremblotante, suite aux fortes émotions qu'elle avait eues. Gabrielle l'escorta jusqu'à une chaise confortable, la prenant dans ses bras et lui murmurant des paroles rassurantes. Une fois installée, elle l'entendit murmurer :

- C'est trop tard…

- Non, ne dis pas ça, nous avons dix jours de plus !

- Et toutes nos récoltes ont été détruites par les intempéries. C'est IMPOSSIBLE Gabrielle, rends-toi à l'évidence. Il nous reste dix jours à vivre.

Une boule se forma dans la gorge de la jeune fille. Qu'y avait-il à ajouter ? De toutes les options qu'elle avait envisagées, elle n'aurait jamais pensé mourir de la sorte.

Un lourd silence s'installa dans la cuisine. Personne ne disait mot, sachant reconnaître une cause perdue lorsqu'ils en voyaient une.

Leurs pensées furent interrompues par l'arrivée de la sœur de Gabrielle, Lila.

Cette dernière portait une longue robe bleue toute simple où étaient accrochées quelques brindilles. Visiblement, elle avait coupé à travers bois pour venir.

- Tout le monde va bien ?

- Ta sœur a dit aux soldats qu'on allait pouvoir payer l'impôt, mais c'est impossible. Nous… nous avons 10 jours devant nous…

Lila sembla prête à s'évanouir pendant un instant, avant de se ressaisir. Une idée lui traversa l'esprit, elle regarda Gabrielle, pleine d'espoir :

- Ton plan c'est de lui demander, c'est ça ?

L'artiste se sentit mal à l'aise sous le poids des regards qu'on lui lançait.

- De quoi tu parles ?

- J'ai vu Ellis la semaine dernière, elle m'a dit que tu avais rencontré la Conquérante à plusieurs reprises et que vous étiez proches.

Le cœur de Gabrielle s'arrêta un instant. Puis elle réalisa que le ton de sa sœur n'était pas accusateur, Ellis n'avait pas dû en dire plus.

- Je n'ai pas de plan, Lila…

Elle baissa la tête, sachant très bien que tous leurs espoirs venaient de s'effondrer. Ses parents étaient condamnés et si elle avait gagné 10 jours, leur mort promettait d'être douloureuse lorsque les soldats découvriraient le mensonge de Gabrielle.

Elle sursauta en entendant Lila parler d'une voix suppliante :

- Fais quelque chose. Va la voir…

- Ce n'est pas si simple, je… je ne peux pas.

- Ils vont mourir et toi aussi ! Qu'as-tu à perdre Gabrielle ?

Tout, pensa-t-elle. Sachant qu'elle ne pouvait présenter aucun argument sans dévoiler les raisons pour lesquelles elle ne voulait pas voir la guerrière, elle se résigna :

- Très bien, je vais essayer, mais elle va refuser.

 

16 novembre 2011

Chapitre 6

Chapitre 6

Gabrielle se leva à contrecœur, ne supportant plus le bruit à sa porte. La déverrouillant, elle l'ouvrit.

Ellis se jeta instantanément dans ses bras. Elle l'embrassa dans le cou tout en la serrant fort contre elle:

- Bébé je suis désolée… Je… je ne savais pas… Pourquoi tu n'as rien dit?

Gabrielle ne comprenait pas. Pas dit quoi? Et depuis quand Ellis ne voulait plus la quitter?

- Euh, Ellis, je…

Elle fut réduite au silence par le doigt d'Ellis sur ses lèvres.

- Chut, ne dis rien. La Conquérante m'a tout raconté. Cette… Comment a-t-elle pu te faire ça?

Gabrielle se contenta de garder le silence, ne sachant pas quoi dire. Quoi qu'ait été raconté la guerrière, elle venait de lui sauver la mise. Elle baissa la tête, se sentant coupable. Tu l'as trompée et elle te prend pour une victime… Tu ne mérites pas la chance qu'on t'a donnée.

 

Mais lorsque les lèvres d'Ellis retrouvèrent les siennes, elle oublia tout. Plus de culpabilité, plus de remords, pendant un instant, seul le bonheur d'un amour retrouvé comptait.


                        *          *          *          *          *

 

Le lendemain matin, Gabrielle était devant les doubles portes du palais, prête à demander audience. Même si elle n'avait aucune envie de le faire, elle savait qu'elle devait au moins remercier la Conquérante et éventuellement en profiter pour savoir ce qu'il s'était dit.

Elle s'approcha des deux gardes en fonction:

- Je voudrais demander audience auprès de la Conquérante.

L'homme la regarda de haut en bas, jaugeant le personnage.

- C'est impossible.

- Comment ça, impossible? Allez lui dire que Gabrielle demande à la voir, je suis une… amie!

Le soldat ne put réfréner un petit rire.

- C'est impossible parce que la Conquérante a quitté Athènes, hier soir. Étrange qu'elle ne l'ait pas mentionné à son " amie ".

- Q…quoi?

- Tu m'as compris. Maintenant hors de ma vue, ou les geôles pourraient accueillir une locataire de plus.

 

Gabrielle ne se le fit pas dire deux fois et repartit comme elle était venue. Elle était plongée dans ses songes, ne prenant pas garde où ses pas la menaient. La jeune artiste se retrouva hors de la ville et s'assit sur une souche, toujours pensive.

- Pourquoi est-elle partie comme ça? Elle savait que j'allais venir. Elle prévoit toujours tout.

Elle se massa les tempes du bout des doigts, comme pour se remettre les idées en place.

- Elle n'a même pas dit au revoir.

Gabrielle faillit rire d'elle-même en réalisant ce qu'elle venait de dire. Non seulement elle parlait seule, mais en plus, elle était stupide. Pourquoi la Conquérante aurait-elle eu quoi que ce soit à faire d'une fille comme elle?

Elle resta sur place encore un moment, pensant à ce qu'elle allait faire. Elle voulait récupérer Ellis bien sûr, mais… pas comme ça. Pas en lui mentant, en la laissant croire Dieux seuls savent quoi. Mais avait-elle vraiment le choix? Elle avait demandé à Ellis un peu de temps, soit disant pour se remettre de ses émotions, mais en réalité pour savoir si elle voulait vraiment traîner sa culpabilité avec elle. Il y a des gens qui sont simplement trop honnêtes pour supporter cela.

 

- Quelque chose ne va pas?

Gabrielle sursauta en entendant une voix toute proche. Elle se retourna vivement.

- A… Arès?

- Elle a fait une victime de plus, pas vrai?

- De… quoi?

- Xena… Elle t'a utilisée, puis abandonnée c'est ça?

Gabrielle était profondément agacée par ce que disait le Dieu de la guerre. Peut-être en partie parce que cela sonnait juste, trop juste.

- Qu'est-ce que ça peut changer? Où est-elle ?

- Elle n'aime pas qu'on la suive, elle va te tuer, tu sais…

- Alors ce sera mon problème… Où ?

- Amphipolis.

- Merci.

 

Sans plus attendre, Gabrielle se leva, décidée. Il fallait qu'elle parle à la Conquérante, coûte que coûte.

Elle se dirigea vers le marché, comptant acheter de quoi faire le voyage avant de partir. Sur la place l'attendait une surprise macabre. Le groupe de jeunes gens qu'elle avait " sauvés " quelques jours plus tôt… Enfin leurs têtes, tout du moins.

Alors c'était aussi simple que ça. Une fois le boulot fini, la Conquérante s'en allait.

Gabrielle s'arrêta un instant, prenant une grande inspiration. Pourquoi sa vie n'était jamais simple ?

Qu'elle le veuille ou non, il fallait pourtant qu'elle aille trouver celle qui connaissait les réponses, celle qui n'arrêtait pas de bousculer son quotidien.

Prochaine destination : Amphipolis.

 

            *          *          *          *          *

 

La rue principale du village était bordée de commerces. Gabrielle attirait des regards pleins de convoitise, que ce soit pour son or ou pour autre chose… L'artiste n'était absolument pas mal  à l'aise, complètement inconsciente de l'attention qu'on lui portait. Elle n'avait qu'une seule chose en tête : trouver la Conquérante.

Mais avant tout, mieux valait s'assurer d'avoir un toit où dormir une fois la nuit tombée. Ce village ne semblait pas regorger de brigands ou autre, mais la vie d'artiste avait appris à la jeune femme qu'il était plus prudent de se méfier des apparences.

Elle pénétra dans l'auberge, restant quelques instants à la porte le temps de laisser ses yeux s'accoutumer à la pénombre.

Suite à une courte discussion avec la tenancière, Gabrielle obtint une chambre à l'étage pour un bon prix. Fière d'elle, elle décida de s'octroyer un moment de répit avant de partir à la recherche de la guerrière. Après tout, l'endroit n'était pas bien vaste et la Conquérante n'était pas du genre à passer inaperçue, la tâche devrait être facile.

Elle s'installa à une table, une choppe à la main. Perdue dans ses pensées, elle sursauta lorsqu'un homme vint s'asseoir face à elle.

- Bonjour

- Euh, bonjour.

- Je me demandais quel plaisir nous valait une  aussi charmante visiteuse

- Je cherche une amie…

- Oh… Et bien je peux peut-être t'aider, je connais tout le monde ici… Et toutes les femmes m'adorent…

Gabrielle se retint de rouler des yeux. Si prévisible… Elle se crispa lorsqu'elle sentit l'homme lui faire du pied sous la table.

- C'est gentil, mais je vais m'en sortir toute seule. De plus, mon amie n'est pas d'ici non plus.

- Oh… c'est dommage. Bon et bien je vais te laisser… Je ne serai pas loin… Si jamais tu te sens seule et que tu veux de la compagnie… Tu sais où me trouver.

Gabrielle pensa très fort " si je voulais de la compagnie, tu serais certainement loin d'être en tête de liste ". Et pour ce qui est de le trouver, il suffirait de suivre l'odeur.

Blasée, Gabrielle termina de boire et se rendit dans l'arrière salle, où se dressaient quelques tables à manger. L'endroit semblait calme. La jeune femme pénétra dans la pièce, remarquant qu'il y avait déjà quelqu'un.

Son sang ne fit qu'un tour.

- XENA !

Gabrielle marcha à grand pas vers la Conquérante, tranquillement assise à une table.

- Tu es partie soudainement, sans même une explication ou un au revoir ! Pourquoi ça ?

- Bonjour à toi aussi, Gabrielle. Oui je vais bien, merci de demander, répondit la guerrière sans même lever les yeux.

- Bonjour, peu importe. Pourquoi ?

- J'avais fait tout ce que j'avais à faire. Comment tu m'as retrouvée ?

- Qu'est ce que tu as été dire à Ellis ? Et pourquoi m'avoir aidée ? Te serait-il poussé un cœur, finalement ?

Gabrielle était incapable de retenir le venin dans sa voix et ne se rendait pas compte que ses paroles auraient très bien pu la conduire à une mort certaine. Fort heureusement, la Conquérante était d'humeur clémente :

- Je ne t'ai pas aidée, j'ai servi mes intérêts. Tu m'es redevable à présent. Ne crois pas un instant que j'ai fait ça pour toi ! Ceci dit, un " merci " ne serait pas de trop…

La jeune femme fulminait et était d'autant plus agacée par le stoïcisme apparent de Xena.

- Ca ne répond pas à ma question…

- J'en ai posé une également.

- Qu'as-tu dit à Ellis ?

La Conquérante leva enfin les yeux vers la jeune femme avant de dire calmement

- Que je t'avais forcé la main.

Gabrielle resta inerte, complètement abasourdie. La guerrière s'était accusée de viol… Et elles savaient toutes les deux que ce soir-là, ça n'était pas elle qui avait cherché l'autre… Soudain, un autre aspect lui vint à l'esprit :

- Ellis n'aurait jamais gobé cela !

- Oh si. Je peux être convaincante si je veux.

- Justement. Et puis les conquêtes de la fameuse Conquérante des Nations ne se comptent pas sur les doigts d'une main…

- C'est ce qu'Ellis a dit. Mais il est aussi vrai que je n'aime pas que l'on me résiste…

Ne trouvant rien d'autre à dire, Gabrielle finit par murmurer :

- … Merci.

- Je te l'ai dit, je n'ai pas fait ça pour toi. Mais de rien.

- A présent je te suis redevable, c'est ça ?

- Hum, hum.

- Et ça consiste en quoi exactement ? Du chantage ?

- Toujours à t'imaginer le pire. Je ne sais pas encore exactement… Mais le moment venu, je te le ferai savoir.

- Qu'est-ce qui te fait croire que nous nous reverrons, un jour ?

- La même chose qui m'a poussée à croire que même en te traitant comme une vulgaire putain, tu reviendrais.

La gifle partit rapidement. La guerrière ne fit strictement rien pour l'éviter. Après tout, elle n'était pas volée.

Gabrielle tourna les talons et s'en alla rapidement, folle de rage. À peine avait-elle quitté la pièce qu'Arès fit son apparition dans le dos de Xena, se penchant pour lui murmurer à l'oreille :

- Quelle petite insolente ! Je ne vois pas ce que tu lui trouves. Elle te piste comme un animal, elle se permet de te frapper, de te juger… Tu ferais bien mieux de te débarrasser d'elle. Ce n'est qu'un fardeau.

La Conquérante se retourna vivement, ancrant ses yeux dans ceux du Dieu  de la Guerre.

- Et moi, je ne vois pas pourquoi tu essaies de l'éliminer… Lui envoyer des brigands, lui dire où je me trouve sachant que je n'aime pas être suivie, venir me monter la tête… Dis-moi Arès, n'est-ce pas plutôt après toi que je devrais en avoir, pour penser que je tomberais dans un piège aussi grossier ?

Le Dieu se redressa, tout sourire. Décidément, Xena était surprenante.

 

*          *          *          *          *

 

Gabrielle sortit en trombe de l'auberge pour tomber directement sur l'homme qui l'avait abordée, un peu plus tôt.

- Je me suis renseigné…

La jeune femme le regarda longuement, ne comprenant pas.

- Personne n'est venu en ville, récemment… Excepté…

L'artiste sentit son cœur manquer un battement en voyant le sourire cruel de l'homme. Un frisson la parcourut. Avant qu'elle ait pu fuir, il l'agrippa et se pressa dans son dos. Calmement, il dit à son oreille :

- Alors ton amie, c'est elle ? Cette chienne ? Elle n'a pas d'amis…

De sa main, il enserra son cou. Gabrielle regarda autour d'elle, espérant y voir un sauveur quelconque. Mais personne ne semblait s'intéresser à son sort.

- Tu as peur ?

Choisissant de mentir, l'artiste répondit :

- Non. XENA !

La prise de l'homme se resserra, empêchant la jeune femme de crier davantage.

- Tsss… On ne peut pas te faire confiance… Regarde-toi ! Tu crois vraiment qu'elle va venir t'aider ?

- Elle aurait raison de le croire. Lâche-la.

Le ton de la guerrière était glacial, laissant parfaitement savoir qu'elle ne plaisantait pas.

- Oh… Sinon quoi ?

- Tu es mort.

Il fit semblant de réfléchir à la question avant d'éclater d'un rire gras.

- Pathétique. Nous sommes dix. Xena, j'aurais cru que tes notions de mathématiques étaient meilleures que cela.

- Et moi, j'aurais cru que tu te tenais plus au courant de ce qui se dit à mon sujet. Lâche-la.

- Ha, ha, ha, toujours aussi arrogante que dans mes souvenirs.

- Tu ne sais jamais t'arrêter à temps, n'as-tu rien retenu de notre enfance ? 3…

- Nous connaissons tous tes points faibles, tu n'as aucune chance.

- Vous êtes des fermiers. J'ai conquis le monde connu. Vous vous trompez. 2…

- C'est ce que nous allons voir. La dernière foi-

- La dernière fois je t'ai épargné parce que tu étais de mon village. Je ne commettrai pas la même erreur deux fois. 1…

- Tu me ferahhhg

Le sang coulait à flots de la gorge tranchée de l'homme, maculant Gabrielle. Le chakram de la guerrière était à nouveau dans ses mains, teinté de rouge. Dans un sourire cruel, elle dit :

- Zéro.

Les 9 hommes restant semblèrent hésiter. Soudain, l'un d'entre eux fit demi-tour et se mit à courir le plus rapidement qu'il put.

- Il a raison, vous savez ? Approchez et vous savez ce qui vous attend.

Son épée à présent en main, elle la fit tournoyer avant de la pointer en direction du corps au sol, dans une grande mare de sang.

 

Sans prêter attention à ses assaillants, la Conquérante avança en direction de Gabrielle qui était prostrée à genoux, dans une mare d'hémoglobine.

- Ça va aller ?

La jeune femme releva des yeux terrifiés pour les fixer dans ceux de Xena. Un des opposants vit la faille qu'il cherchait, prit de l'élan et s'élança épée en main, prêt à frapper la guerrière dans le dos. Il eut tout juste le temps d'ouvrir des yeux horrifiés lorsqu'il la vit l'esquiver puis saisir sa tête afin de lui briser la nuque. Tenant toujours son épée en main, ce mouvement trancha également la jugulaire de l'homme dans l'opération, éclaboussant Gabrielle davantage.

Faisant craquer sa nuque, Xena se tourna vers les villageois, un sourire satisfait aux lèvres.
- Il était prévenu. Personne ne l'approche.

Elle fixa les 8 hommes un à un. Ils semblaient tétanisés.

- D'autres volontaires ?

Elle pointa l'un d'eux de son épée. L'homme poussa un cri étranglé, tandis que se formait une flaque à ses pieds. La Conquérante rit avant d'ajouter :

- Je prends ça pour un non. Allez-vous-en avant que je change d'avis.

Ils ne se le firent pas dire deux fois et s'enfuirent. Soupirant, Xena essuya son épée sur la chemise d'un macchabé avant de la ranger dans son fourreau. Elle regarda Gabrielle d'un air contrarié. La jeune femme faisait des mouvements d'avant en arrière, complètement recouverte de sang, tremblotante et visiblement en état de choc. La Conquérante s'abaissa à contrecœur afin de saisir l'artiste et la porter dans ses bras. Elle grimaça en voyant qu'elle était à présent également bonne pour un bain. Elle retourna à l'auberge, prenant soin de ne pas malmener son fardeau. Donnant un coup de pied dans la porte pour l'ouvrir, elle cria à la serveuse :

- Lilly, prépare un bain, s'il te plaît.

Elle se rendit à la salle d'eau et y déposa Gabrielle. Grommelant, elle dit :

- Regarde dans quel état tu es. Dire que j'ai fait tout ça… et même pas un merci…

Les mains sur les hanches, Xena observa l'artiste toujours muette pendant un moment avant de faire demi-tour.

- Lave-toi.

Elle fit un pas avant d'être stoppée par la jeune femme fermement agrippée à sa jambe.

- Quoi ? Ça, non plus, tu ne peux pas le faire sans moi ?

Gabrielle regarda la guerrière d'un air implorant avant de dire :

- Je... Ils sont morts.

- Il t'a fallu tout ce temps pour le remarquer ? Ils l'avaient bien mérité.

- J'ai peur.

- Il n'y a pas de raison. À présent, tout le monde sait que tu es sous ma protection.

- Xena ?

- Oui ?

- C'était toi ? La nuit après la pièce, lorsqu'Ellis et m-

- Oui.

- Pourquoi… Pourquoi moi ?

- Parce que ta pièce m'avait intéressée. Ça m'a intriguée.

- Intriguée… quoi ?

La jeune femme semblait déjà aller mieux, la discussion prenant un tour qui lui plaisait.

- Ce n'était pas réaliste, mais ta façon de voir les choses était pleine d'espoir.

- Pas réaliste ? Comment ça ?

Gabrielle mit ses mains sur ses hanches, tout en restant au sol. La Conquérante ne put s'empêcher de sourire.

- Cette jeune fille dont le frère à été tué qui trouve le seigneur de guerre responsable et l'élimine. Ça ne lui aurait pas suffit, elle était puissante à présent, rien ne pouvait l'arrêter.  Et pourtant, dans la pièce, elle stoppe. Dans la réalité, elle ne se serait pas arrêtée. Il lui aurait fallu le monde…

- Pas forcément. Tout le monde n'est pas comme toi, Xena.

- Mais cette fille-là l'est…

Gabrielle la regarda, confuse. Elle, d'habitude si vive d'esprit, semblait dépassée.

- Comment ça ?

- Tu te souviens où tu as entendu une partie de l'histoire ?

- Une aubergiste, dans un petit village… Je ne me souviens plus du nom mai-

- Ici même… Amphipolis. L'aubergiste s'appelle Cyrène. C'est ma mère. Mon histoire.

L'artiste ouvrit des yeux ronds. Alors voilà… Combien auraient été prêts à payer pour savoir ce qui avait rendu la Conquérante ainsi… Ses vraies motivations. La vengeance, l'amertume, une enfance volée…

Le silence était lourd, seulement entrecoupé par leurs respirations. La guerrière s'était " confiée " et Gabrielle était sans voix. Pour les deux femmes, c'était une première.

La Conquérante fut la plus prompte à reprendre ses esprits :

- L'eau va refroidir, tu devrais en profiter tant que c'est encore chaud.

Gabrielle se retourna, remarquant qu'un bain avait effectivement été préparé pour elle. L'eau fumait légèrement. Elle se perdit un instant dans la contemplation des volutes de vapeur, avant de se retourner vers Xena.

- Mer-

Le mot mourut dans sa bouche. Elle était seule. Encore. La Conquérante la sauvait et s'en allait, sans rien demander en retour. Cette histoire de " tu m'es redevable " n'était qu'une vaste farce et elles le savaient toutes les deux.

 

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16 novembre 2011

Chapitre 5

Chapitre 5

Le bruit régulier des pas de la Conquérante paniqua Gabrielle. C'était maintenant ou jamais. Il était trop tard pour reculer. Elle était venue.

La Conquérante entra précautionneusement dans la pièce.

Cachée derrière la porte, Gabrielle la ferma. La Conquérante ne se retourna pas, sachant très bien qui était là.

- J'aurais pu te tuer.

- Non. Tu respires trop vite et trop fort. Je savais où tu étais avant d'entrer dans la pièce. De plus, je ne te pense pas assez stupide pour croire que tu aurais une chance contre moi.

Gabrielle vint se poster devant la guerrière, celle-ci se retrouvant à présent dos à la porte. La jeune femme prit une inspiration, rassemblant tout son courage avant de dire :

- On a des choses à régler.

- Je le crois aussi…

La Conquérante ne niait pas ? Ne la faisait pas marcher ? C'était nouveau.

La respiration de l'artiste s'accéléra encore, sachant que dans la minute qui suivait, un tournant allait être pris.

- Gabrielle, je …

Elle fut interrompue par la jeune femme :

- Nous avons assez parlé.

Sans plus réfléchir, Gabrielle se jeta sur la Conquérante. Ses lèvres trouvèrent les siennes, son corps se colla au sien, la plaquant contre la porte.

Pendant un seconde, ou peut-être une éternité, elle se demanda si elle n'avait pas fait la plus grosse erreur de sa vie. La Conquérante ne répondait pas. Oh non…

Elle sentit deux mains se poser sur ses épaules et la pousser en arrière.

Gabrielle était prostrée, n'osant plus bouger.

Elle baissa les yeux, sachant très bien que la guerrière allait chercher à capter son regard. Elle ne s'était pas trompée. La Conquérante, frustrée, plaça ses mains sur la taille de la jeune femme et la souleva sans effort apparent. Cela eut l'effet escompté. Intriguée, Gabrielle la regarda…

Elle sut.

Elle y lut un désir évident, une envie non dissimulée.

Elles se retrouvèrent en même temps. Les jambes de Gabrielle s'enroulèrent autour des hanches de la guerrière tandis que leurs lèvres se rejoignaient. Elle pouvait sentir la main de Xena derrière sa nuque, l'amenant encore un peu plus à elle. Sa conscience avait beau lui hurler qu'elles étaient en train de faire une énorme bêtise, elle ne pouvait nier la chaleur qui s'intensifiait entre ses jambes.

Soudain, Gabrielle se recula.

- Non, …

Quelle qu'ait été sa protestation, la guerrière y mit fin en posant ses lèvres sur les siennes. Gabrielle ne pouvait pas reculer. Plus maintenant, c'était trop tard. Quoiqu'il arrive, elle irait au bout.

Mais Gabrielle se recula à nouveau.

- Non,… pas là.

Elle pointa le coin opposé de la pièce. Soulagée, la Conquérante sourit dans le baiser qui avait repris de plus belle. Elle marcha jusqu'à l'endroit indiqué, ne semblant pas remarquer qu'elle portait toujours Gabrielle.

Elle déposa celle-ci sur la table qui se trouvait là. Bon emplacement. En plus, elle constata qu'elles étaient dissimulées derrière un portant. Les nombreux vêtements placés là permettaient un minimum d'intimité.

Leur souffle était court, à l'une comme à l'autre. La Conquérante ne put retenir un gémissement en sentant les mains de Gabrielle se glisser entre les pans de sa chemise. Quand l'a-t-elle ouverte ?

Toutes deux étaient comme incontrôlables, dévorées par une passion qu'elles n'auraient pas crue possible. Le moindre effleurement faisait réagir leurs corps.

Gabrielle était enivrée par ce qu'elle était en train de vivre. Ses mains ne se lassaient pas de découvrir la poitrine de la Conquérante, elle aimait la voir réagir à ses caresses. Elles se reculèrent pour prendre leur souffle. Gabrielle étant assise sur la table, alors que la guerrière se redressait un peu, elle se trouva en train de regarder les pans entrouverts du vêtement. La tentation était trop grande. Sa bouche alla se poser sur la peau qu'elle avait malgré elle tant de fois rêvée. C'était aussi bon que dans son imagination, et même mieux.

Elle sentit une des mains de Xena la caresser partout à travers ses habits, tandis que l'autre se plaça à l'arrière de sa tête pour la guider.

Gabrielle profita de sa position pour caresser les fesses de la guerrière. Mais bien vite cela ne lui suffit plus. Il lui fallait plus, toujours plus. Dieux, cela allait il s'arrêter un jour ?

L'une de ses mains parcourut l'extérieur de la cuisse de la Conquérante, descendant jusqu'à son genou.

Sa bouche délaissa la poitrine de Xena. Il fallait qu'elle la regarde dans les yeux. Lentement, le plus lentement qu'elle put, elle fit remonter sa main, la glissant à l'intérieur des cuisses de la guerrière. Elle vit les yeux de la Conquérante se clore brièvement lorsqu'elle atteignit son entrejambe. Elle fit pression, sentant parfaitement le sexe de l'autre femme sous ses doigts, à travers son pantalon peu épais. Son propre corps répondit à ce geste

Elles se regardèrent un long moment, la main de l'artiste toujours en place.

- Prends-moi, Conquérante…

La guerrière se jeta littéralement sur elle, remontant son haut et prenant ses seins dans ses mains. Sa bouche ne tarda pas à s'ajouter.

Tandis que Gabrielle s'adossait au mur et profitait des attentions de Xena, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle avait tort de faire ça. Mais à chaque fois que les lèvres ou la langue de la Conquérante rencontraient sa peau, ses réticences fondaient davantage.

Elle sentit une main habile ouvrir le bouton de son pantalon et s'y glisser. La guerrière alla droit au but, sachant très bien ce dont toutes deux avaient besoin. Elles gémirent à l'unisson lorsque les doigts de la Conquérante trouvèrent la preuve de son désir.

Gabrielle était perdue dans ses sensations, transportée par les caresses de Xena et par ses lèvres sur son cou, son souffle chaud à son oreille…

 

Elle sursauta en entendant la porte claquer. Elle se recula vivement, cherchant à se recomposer tout en sachant très bien que cela allait être un échec cuisant.

La Conquérante retira sa main du pantalon de Gabrielle et eut un sourire cruel :

- On dirait que ta petite copine n'a pas apprécié le spectacle…

Gabrielle ouvrit grand ses yeux, horrifiée. Elle porta la main à sa bouche.

Tout à coup, elle sauta de la table en se rhabillant et courut à la poursuite d'Ellis.

 

            *          *          *          *          *

 

Son cœur battait la chamade, elle ne savait plus si c'était la peur de perdre Ellis ou les besoins inassouvis de son corps.

Elle la vit courir au loin et la rattrapa alors qu'elle allait s'engager dans la rue. Elle ferma la porte du théâtre pour couper court à sa fuite.

- Ellis, je…

Gabrielle n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'elle se prit une claque magistrale.

- Ok, je l'avais méritée… Mais laisse-moi t'expliquer…

- Qu'est-ce qu'il y'a à expliquer ? Je crois qu'en vous voyant à l'œuvre, j'ai plutôt bien saisi…

- Ce, … j'ai trop bu, on a… dérapé.

- Non Gabrielle, arrête de te foutre de moi. J'ai compris maintenant…

- Compris quoi ?

- Pourquoi, alors que beaucoup ne la voient qu'une fois dans leur vie, la Conquérante nous portait un intérêt particulier, pourquoi dès que je parlais d'elle tu semblais mal à l'aise, pourquoi ce baiser n'avait jamais semblé aussi vrai… Comme j'ai pu être naïve…

Gabrielle baissa la tête, ne trouvant rien à répondre. Ellis avait raison, tout était vrai… Même si elle savait très bien que cela n'allait rien changer, elle murmura faiblement :

- C'était la première fois…

- Tu es sûre ?

- Il ne s'est jamais rien passé entre elle et moi avant… avant ça…  Je t'en supplie Ellis,…

 

Ellis leva la main devant elle et tourna la tête. Son ton semblait plus calme, mais en réalité c'était uniquement car elle avait pris sa décision, la seule possible. Résolue, elle dit :

- Ne t'excuse pas Gabrielle. Toi et moi savons que tu l'avais voulu…

- Non, Ell...

Les doigts d'Ellis allèrent se poser sur ses lèvres :

- Laisse-moi finir. Avant de te rencontrer, je me demandais pourquoi une fille comme toi était célibataire. Maintenant j'ai compris. Tu veux toujours ce que tu ne peux pas avoir… J'espère qu'un jour tu trouveras ton bonheur, mais ça ne sera pas avec moi, plus jamais.

Elle se retourna et ouvrit la porte. Gabrielle ne réagit pas tout de suite, encore sous le choc. C'est tout son petit monde qui semblait s'écrouler…

- Ellis, je… je t'aime…

Sans prendre la peine de se retourner, Ellis dit tristement par-dessus son épaule :

- Non, non tu ne m'aimes plus… Adieu Gabrielle. Tania viendra chercher mes affaires dès demain.

 

Impuissante, Gabrielle regarda Ellis disparaître dans l'anonymat des rues de la cité. Elle ferma la porte et s'y adossa. Elle se laissa glisser jusqu'à se retrouver au sol.

- Qu'est-ce que j'ai fait… Dieux, quelle idiote…

Elle se sentait désespérée. Même les larmes ne voulaient pas couler. Ellis l'avait quittée, définitivement.

- J'avais tout… J'étais heureuse... Pourquoi ai-je été faire ça ?

Le souvenir la heurta une fois encore, autant que lorsqu'Ellis avait prononcé ces mots quelques minutes plus tôt : "  tu veux toujours ce que tu ne peux pas avoir ".

Il fallait trouver une solution… Elle ne pouvait pas en rester là, pas après tout ce qu'elles avaient vécu…

La Conquérante… oui, elle saurait… après tout, elles avaient été deux dans cette histoire.

Elle se leva et courut jusqu'à la loge. Gabrielle alla se poster près de la table qui avait connu leurs ébats quelques minutes auparavant. Elle toucha distraitement le bois. Où était elle partie ?

 

Elle se rendit de nouveau à la réception et la repéra tout de suite, en grande discussion avec Najara, mais surtout… Souriante…

Xena n'en avait décidément vraiment rien à faire…

Gabrielle avança d'un pas décidé vers la Conquérante et posa sa main sur son épaule pour la faire pivoter.

 

- Oui Gabrielle ?

- Il faut qu'on parle.

- Je croyais qu'on avait déjà assez parlé !?

Ses mots, elle réutilisait ses propres mots.

- Non, il faut qu'on parle, et maintenant.

- Ça attendra, je suis… occupée, si tu vois ce que je veux dire…

Pour bien se faire comprendre, Xena attira Najara à elle. Oh oui, Gabrielle voyait très bien ce qu'elle voulait dire. Elle voyait aussi enfin le monstre dont tout le monde parlait, cette femme sans cœur qui lui souriait au visage alors qu'elle venait de détruire une relation.

- Je me permets de te rappeler que tu as d'autres obligations… Quoique si tu tiens vraiment à parler de telles choses en risquant d'être entendue, je n'y…

- Très bien.

Gabrielle sourit. Visiblement, Xena n'était pas disposée à faire profiter l'assemblée de leur petite incartade.

Elle partit devant, retournant dans les coulisses, à l'endroit même où cela c'était produit. La Conquérante arriva quelques secondes plus tard.

- Ça sent le déjà vu…

 - Non. Ça ne se reproduira pas, c'était une erreur ! Une grossière et dramatique erreur !

Souriante, la guerrière croisa les bras et fixa la jeune femme, un sourcil levé :

- Ça y est ? Tu as révisé les dialogues de ta pièce ? Tu t'es convaincue ? Je peux partir maintenant ?

- Toi et moi savons très bien que ça n'était que ça.

La Conquérante s'approcha jusqu'à se coller au corps de Gabrielle, qui refusait de reculer, défiante.

- J'ai envie de toi…

Gabrielle frissonna, son corps répondant bien malgré elle aux avances de la guerrière. Elle sentit ses seins se durcir et retint son souffle sans même s'en apercevoir.

- Alors, Gabrielle ? On ne dit plus rien ? Plus de thèse de l'accident ? Plus de fausses excuses ?

Gabrielle sembla se réveiller et repoussa Xena sans ménagement.

- Pourquoi tu n'as rien dit ? demanda-t-elle rageuse à la Conquérante

- Comment ça ? Tu attendais des mots d'amour peut-être ?

- Non, je ne pense pas qu'un être comme toi puisse connaître l'amour et encore moins ses mots. Je te demande pourquoi tu n'as rien dit lorsqu'Ellis est rentrée. Tu l'as entendue venir, je le sais.

La Conquérante se passa la main dans les cheveux d'un air détaché.

- Et bien… Disons que ma curiosité l'a emporté, je voulais voir ce qui allait se passer…

Elle termina sa phrase d'un grand sourire qui fit enrager l'artiste.

- C'est de ta faute ! Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu cherches à ce point à me pourrir la vie ?

- Je ne cherche rien, si ce n'est à m'amuser. Et me rejeter la faute est bien facile… Suis-je celle qui est venue te chercher ce soir ? Qui t'as invitée ? Qui t'as sauté dessus ?

Gabrielle garda le silence. Qu'y avait-il à rajouter ? Elle avait raison, c'était elle qui avait initié " l'accident ".

- Elle m'a quittée. Demain, une amie à elle viendra chercher ses affaires. Aide-moi à la récupérer…

Devant le désespoir de Gabrielle, la Conquérante eut un rire non dissimulé.

- Pourquoi ferais-je ça ? Tu n'écoutes pas les rumeurs ? Les gens de ce Royaume ne m'ont jamais dépeinte comme une philanthrope désintéressée... Alors avant de compter sur mon aide, explique-moi ce que j'aurais à y gagner ?

- Mon amitié.

- J'ai déjà eu de toi toute l'amitié que je désirais. Sur ce, tu m'excuseras, j'ai des invités délaissés par leur hôte qui m'attendent.

La guerrière tourna les talons et prit la porte. Gabrielle se mit en tailleur à même le sol avant de se prendre la tête dans les mains. Cette fois c'était fini. Elle avait été bête, si bête. Bête de croire qu'elle pouvait intéresser la Conquérante. Bête d'avoir fauté avec elle. Bête d'avoir perdu Ellis. Bête d'avoir cru que Xena l'aiderait… D'ailleurs qu'aurait elle bien pu faire au juste ?

- Une idiote finie, voilà ce que tu es…

Elle releva la tête en entendant la porte s'ouvrir doucement.

- Gabrielle, les invités t'attendent.

- Oh, Eode… je… je ne suis pas très en forme. Tu voudras bien m'excuser auprès d'eux ?

- Euh… très bien. Dis, tu sais où je pourrais trouver Ellis ?

- Elle… Elle est partie. Elle m'a quittée…

- Je… désolé.

Un silence gêné s'installa entre les deux. Eode fut le premier à le rompre :

- Je vais aller m'occuper des invités. Prends soin de toi Gabrielle, va te reposer… Et ne t'inquiète pas, elle reviendra, j'en suis sûr, elle t'aime trop…

Le vieil homme repartit sans entendre Gabrielle murmurer :

- J'aimerais pouvoir le croire, Eode…

 

                        *          *          *          *          *

Le lendemain, Tania parcourait les rues d'Athènes, rageuse.

- Comment Gabrielle a-t-elle pu lui faire ça ? Après tout ce qu'elles ont vécu ensemble. Je vais la tuer !

Elle arriva aux abords du théâtre sachant très bien où les deux jeunes femmes logeaient lorsqu'elles étaient de passage à Athènes. Elle leva son bras pour frapper à la porte mais fut arrêtée dans son mouvement par une main enserrant son poignet.

- Ton amie voudrait sûrement parler à la Conquérante, dit le soldat.

- Ça j'en doute, c'est même certainement la dernière personne qu'elle a envie de voir.

- Non, elle ne sait pas tout. Dis lui de venir parler à la cour cet après-midi, elle pourra ensuite faire ce qu'elle veut. En attendant, nous ne te laisserons pas prendre quoi que ce soit.

Tania regarda la petite troupe de soldats qu'elle avait face à elle. Même si elle savait se battre, elle n'était pas de taille.

- Très bien, je lui dirai. Mais je ne promets pas qu'elle viendra.

Elle se retourna et partit sans un mot de plus.

 

                        *          *          *          *          *

Furieuse, Ellis poussa la double porte qui menait à la salle du trône, les gardes sur ses talons.

- Qu'est-ce que ça signifie, Conquérante ?

Xena tenta de réprimer le sourire qui lui venait aux lèvres. En cet instant, Ellis ressemblait terriblement à Gabrielle.

- Bonjour à toi aussi.

- On m'a dit que tu avais quelque chose à me dire.

- C'est exact.

- Je suis venue parce que je n'avais pas réellement d'autre choix, mais sache que je te méprise, tu n-

- Bon, comme ça c'est dit ! A vrai dire, ça m'est tout à fait égal, au cas où tu ne t'en doutais pas. Je t'ai fait venir pour parler de Gabrielle.

- Je ne veux plus entendre parler d'elle. Pas après ce qu'elle m'a fait.

- Elle ne t'a rien fait.

Ellis eut un rire amer et secoua la tête, visiblement agacée :

- Je n'y crois pas ! Comment peux-tu avoir le cran de me dire ça alors même que je vous ai vues de mes propres yeux.

- Et qu'as tu vu exactement ?

- Gabrielle qui était comme une chatte en chaleur dans les bras du pire être que la terre ait porté.

Xena sourit malgré elle. En d'autres temps, elle aurait tué cette insolente sur le champ, mais il fallait reconnaître qu'elle avait du cran et que sa vaine exaspération était assez comique. Et puis la comparaison n'était pas si mauvaise…

- Elle n'a rien fait.

- Pourquoi dire des mensonges éhontés ? J'étais là, je ne te crois pas.

- Tu devrais pourtant. J'ai vu qu'elle avait bu, je l'ai suivie lorsqu'elle s'est rendue en coulisses… et tu connais la suite… Elle n'avait pas vraiment le choix…

La Conquérante savait qu'au mieux, Ellis avait pu apercevoir brièvement Gabrielle. Elle devait être quasiment en totalité dissimulée derrière elle.

- Tu mens ! Pourquoi ne m'aurait elle rien dit ?

- La honte Ellis, la honte. Qu'est-ce qui fait taire les victimes ? La honte et la peur. La situation lui apportait la honte, j'étais le facteur peur.

Visiblement, la jeune femme commençait à mordre à l'hameçon. Ses sourcils se froncèrent plusieurs fois avant qu'elle ne demande :

- Mais… pourquoi ?

- Pourquoi j'ai fait ça ? Cette petite chienne m'avait repoussée par deux fois. Personne ne repousse la Conquérante.

- Tu n'es qu'un monstre !

- Il paraîtrait. Va la retrouver, elle doit t'attendre.

- Tu ne t'en tireras pas comme ça !

- Des menaces ? Combien m'ont déjà dit ces mots… Que vas-tu faire ? Me haïr de toutes tes forces ? Me tuer d'un regard ?

La guerrière ne cachait pas son amusement. Ellis lui répondit, sèche :

- Témoigner.

- Ne sois pas ridicule. Mes talents de séductrice ne sont plus à prouver, il est de notoriété publique que j'ai qui je veux dans mon lit. Personne ne te croira, ce sera ta parole contre la mienne. Je nierai.

- Tu oublies Gabrielle.

- Gabrielle ne dira rien, elle a peur. Je te conseille de ne pas pousser ma patience à bout, je pourrais très bien t'éliminer…

La Conquérante fit un geste de la main et avant qu'elle ait eu le temps de bouger, Ellis se retrouva traîné vers la porte par deux gardes.

- Je t'aurai Conquérante, sache-le !

 

La porte se ferma. La guerrière posa sa tête en arrière sur le trône.

- Une bonne chose de faite.

 

 

16 novembre 2011

Chapitre 4

Chapitre 4

La Conquérante marchait d'un pas pressé vers la sortie du théâtre. Même le bruit tonitruant de l'orage qui grondait ne la sortait pas de ses songes. Elle était plongée dans ses pensées, toutes dirigées vers la même petite blonde.

Elle n'arrivait pas à croire que celle-ci l'avait embrassée. Et encore moins qu'elle l'avait embrassée en retour. Et le tout devant la petite amie de la fille en question.

Quelle idée stupide de venir ici !

Elle ouvrit la porte du théâtre à la volée mais s'arrêta net en voyant le temps qu'il faisait dehors. Elle hésita à se lancer. Après tout, elle n'était pas en sucre.

Mais alors qu'elle allait sortir, la pluie se transforma en grêlons, les plus gros qu'elle ait jamais vu. Si elle voulait s'éviter des bosses, mieux valait attendre ici. Résignée, elle referma la porte et s'y adossa.

Elle entendit ses pas avant de voir l'arrivant.

- Super, celui qui dirige le théâtre que je projetais de démolir. C'est ma soirée… marmonna-t-elle entre ses dents.

 

De fil en aiguille, la Conquérante se retrouva à table, à écouter l'homme dire des futilités. Elle était toute ouïe, mais pas envers les paroles de son interlocuteur, espérant seulement entendre l'orage se calmer, mais celui-ci ne semblait pas vouloir s'arrêter.

Elle entendit Gabrielle et Ellis arriver, reconnaissant leurs voix. Elles étaient en plein désaccord artistique à en juger par le ton que prenait leur discussion. Bien trop vite, les deux femmes entrèrent dans la petite cuisine.

Gabrielle s'arrêta net en apercevant la Conquérante. Elle la regarda, visiblement mal à l'aise et s'approcha.

Ayant à peine remarqué la présence de la guerrière, Ellis alla s'asseoir à côté d'Eode, laissant pour seule place libre l'autre moitié du petit banc sur lequel était assise la Conquérante.

Les yeux de Gabrielle virent chercher ceux de l'autre femme, avant de s'asseoir à ses côtés.

Xena s'amusait de voir les émotions passer sur le visage de l'artiste. Celle-ci était visiblement gênée d'être si proche d'elle. Étonnamment, la guerrière trouvait même que le petit rougissement dans son cou était terriblement sexy. Elle s'imaginait déjà pousser les cheveux de la jeune femme et respirer son parfum avant de venir placer ses lèvres sur la veine palpitante. Elle l'embrasserait juste là jusqu'à lui extirper des frissons et…

Elle s'interrompit soudainement, choquée.

Un baiser et déjà tu ne réponds plus de tes pensées. Se dit-elle.

 

Elle essaya de faire attention à la conversation qui avait lieu. Ellis tentait vainement de prendre à parti Eode, qui n'était clairement pas convaincu. La discussion était passionnée, chacun exposant ses arguments, essayant de faire entendre raison à l'autre. Seule Gabrielle semblait indifférente, paraissant tout juste consciente de leur présence. Elle sursauta même lorsqu'Eode l'interpella.

- Et toi, t'en penses quoi, tu préfères les personnages d'Eschyle ou de Sophocle ? Essaie de lui faire entendre raison, par pitié !

La jeune femme sortit brusquement de ses songes et s'apprêtait à répondre lorsqu'Ellis lança :

- Inutile de lui demander, elle n'y connaît rien !

 

La guerrière ne manqua pas le frémissement de l'artiste, comme si Ellis lui avait mis une claque. Sans même se rendre compte que cela pouvait être blessant, Eode approuva et porta à nouveau son attention sur Ellis. Gabrielle serra les poings sur la table avant de dire:

- Ça va, je ne vous dérange pas trop ?

Ellis s'arrêta de parler, se tourna vers elle et fit la pire chose qu'elle aurait pu faire en cet instant.

- Mais Chérie, c'est juste que les œuvres de Sophocle n'ont jamais été ton fort, tu le sais bien ! dit-elle avant de tapoter sa main de la sienne.

 

La Conquérante assistait à l'échange, amusée, mais lorsqu'elle vit que Gabrielle s'apprêtait à répondre de façon virulente, elle posa sa main sur son genou, lui faisant signe de rester calme. Elle prit la parole et dit d'une voix calme :

- Pour ma part je préfère Sophocle, moins de lyrisme, plus de discussion… Et le fait qu'il confronte les personnages, les faisant se définir les uns par rapport aux autres et par rapport aux valeurs qu'ils défendent... Je crois que c'est bien de les faire voir sous le jour de leurs convictions… Enfin je ne m'étais pas vraiment posé la question avant d'en parler avec toi Gabrielle !

Termina par un sourire en direction de l'artiste. Trois paires d'yeux étonnés la regardèrent un moment, interloqués.

Ce fut Ellis qui fut la plus prompte à reprendre contenance.

- Oui, mais Eschyle offre un style particulier !! Plutôt que de laisser la discussion entre deux personnages aux idées antagonistes, il fait intervenir une troisième personne pour concilier les deux ! C'est du génie à l'état pur !

Eode s'empressa de rétorquer sous les yeux amusés de la Conquérante.

 

*          *          *          *          *         

 

Gabrielle n'en revenait toujours pas. La Conquérante avait en quelque sorte " pris sa défense "… Et elle avait encore une fois montré qu'elle avait une culture générale vraiment excellente.

Étonnamment, elle avait été la seule à percevoir le caractère blessant des paroles de ses amis qui eux-mêmes n'avaient pas paru le remarquer. Elle avait vu qu'elle était prête à exploser et avait su mettre sa main sur son genou au bon moment.

Main qui d'ailleurs était toujours en place.

Était toujours en place et effectuait de lentes caresses circulaires.

De lentes caresses circulaires qui montaient de plus en plus haut.

Oh Dieux.

 

Gabrielle, réfléchis ! 

La jeune blonde déglutit difficilement, en proie à des sentiments contradictoires. Elle n'arrivait pas à se concentrer sur autre chose que la main chaude de la Conquérante sur l'intérieur de sa cuisse. Ellis était en face d'elle, prise dans sa discussion et ne remarquait rien. Pas plus qu'elle n'avait remarqué l'effet qu'un simple baiser avait eu sur elle un peu plus tôt. 

Gabrielle savait qu'il fallait qu'elle arrête la Conquérante et qu'elle l'arrête vite, très vite. Cette situation aurait pu être terriblement excitante, mais avec Ellis juste en face d'elle, c'était bien plus que ce qu'elle pouvait endurer. Sa main alla se poser sur celle de la guerrière, la stoppant alors qu'elle passait sous sa jupe.

Xena la regarda, de ce même regard qui la perturbait tant chaque fois. C'est comme hypnotisée que Gabrielle relâcha sa poigne.

Des frissons la parcouraient de bas en haut alors que son corps anticipait ce qui allait se passer. Non, il ne fallait pas que cela arrive…

Elle se mordit la lèvre inférieure, partagée entre ce que sa conscience lui disait et les signaux diamétralement opposés que lui envoyait son corps.

Lorsque la main de la Conquérante frôla son intimité à travers son sous vêtement, Gabrielle sembla vraiment réaliser ce qu'elle était en train de la laisser faire. Elle ne pouvait pas, pas avec Xena, et surtout pas en face d'Ellis. Elle se sentait déjà suffisamment coupable d'avoir échangé ce baiser…

Elle se leva brusquement, attirant instantanément l'attention d'Ellis comme d'Eode. Elle ne manqua pas l'air visiblement contrarié de la guerrière, et lorsqu'elle comprit que celle-ci s'apprêtait à dire quelque chose, elle la précéda :

- Ah, on dirait que l'orage s'est calmé !

Ellis tendit l'oreille un instant avant de dire :

- Oh, bien vu mon cœur.

Gabrielle fut d'autant plus mal à l'aise en entendant sa compagne l'appeler ainsi.

- Et bien, merci de t'être prêtée au jeu Conquérante, nous avons bien avancé aujourd'hui. Laisse-moi te raccompagner.

Souriante, Gabrielle s'avança vers la guerrière en ignorant le regard haineux que celle-ci lui lançait. Voilà une façon polie de la congédier comme une malpropre.

Elle lui saisit le bras et toutes deux sortirent de la pièce.

 

*          *          *          *          *

 

Arrivée à la porte, Gabrielle se retourna brusquement.

- Ok, qu'est-ce que c'était que ça ?

La Conquérante leva un sourcil, faisant semblant de ne pas saisir le sens de la question.

- De quoi parles-tu ?

- Tu sais très bien de quoi je parle.

Gabrielle croisa les bras, dans l'attente d'une explication.

- Je voulais juste te défendre. Désolée si l'attention t'a offusquée.

Gabrielle trépigna sur place un instant avant de pointer Xena du doigt

- Ne joue pas l'imbécile, Conquérante, personne n'est dupe. Je parlais de l'attention sous ma jupe.

Voulant énerver la jeune femme encore davantage, si tant est que ça ait été possible, la guerrière dit d'un ton détaché:

- Je croyais que c'était ce que tu voulais… Après ce baiser…

Un sourire vicieux se ficha sur ses lèvres, agaçant d'autant plus Gabrielle.

- Ah vraiment ? Je ne voulais pas ça ! Et quant au baiser, je JOUAIS la comédie ! Rétorqua la blonde.

- Ça ne ressemblait pas a de la comédie ce que j'ai senti sous ta jupe.

La Conquérante ne put retenir un petit rire, visiblement fière d'elle. Voir sa " victime " fulminer était jouissif. Tout particulièrement quand la victime en question était la jeune artiste.

Aussi énervée qu'elle fut, Gabrielle ne trouva rien à rétorquer qui ne sonne pas comme une pauvre excuse pour justifier son état.

Après un moment, Xena prit la parole:

- Je n'en ai pas fini avec toi Gabrielle, ne m'oublie pas…

La blonde leva la tête pour rencontrer le regard de la Conquérante. Elles se regardèrent en silence, avant que la guerrière ne se penche et ne vienne frôler de ses lèvres celles de Gabrielle.

Elle prit ensuite la porte, sortant dans la pénombre. Le bruit de ses bottes sur la terre mouillée ne l'empêcha pas d'entendre l'artiste murmurer :

- Ça ne risque pas…

 

*          *          *          *          *         

 

Des jours, voilà une lune entière qu'elle ne lui avait pas parlé, des jours qu'elle vivait dans le remords.

Ellis ne comprenait pas pourquoi elle se montrait si distante ces temps ci, mais comment lui avouer ce qu'elle avait fait ? Et pire encore, ce qu'elle aurait envie de faire si l'occasion lui était donnée.

Elle s'en voulait à mort d'avoir donné ce baiser à la Conquérante, de l'avoir laissée la traiter comme une vulgaire putain et s'en voulait encore davantage pour souhaiter qu'il y en ait eu plus…

Mais elle savait qu'il fallait qu'elle la sorte de sa tête. La guerrière jouait avec elle, s'amusait de la voir se débattre avec son attirance pour elle.

Xena n'était pas vraiment intéressée, elle ne pouvait pas l'être. Après tout, elle n'était qu'une simple artiste, et même si son talent n'était plus à prouver, que représentait-elle aux yeux de celle qui domine le monde ?

Elle soupira et s'assit sur le lit. Elle prit sa tête entre ses mains, ne sachant plus quoi faire.

Oh Dieux… Il fallait que ça cesse. Enfin, courage, plus que quelques jours et tout serait fini.

 

*          *          *          *          *

 

La Conquérante était à son bureau, comme tous les matins, occupée à régler les diverses tâches administratives les plus ennuyeuses les unes que les autres. Rien que pour ça, quelquefois elle enviait ceux qui ne dirigeaient pas les masses.

Elle ouvrait distraitement les différentes missives, y jetant un œil avant de les poser en tas.

Une enveloppe cachetée différente des autres attira son attention. Piquée par la curiosité, elle la prit parmi les autres et fit sauter le cachet à la hâte.

A l'intérieur se trouvaient trois morceaux de parchemin.

Elle les sortit presque fébrilement.

Deux étaient identiques :

" Vous êtes cordialement invité à la première de Passion interdite, la nouvelle pièce de Gabrielle. "

Le dernier morceau de parchemin était recouvert d'une écriture fine :

" J'ai pensé que ça te ferait plaisir de voir le résultat. J'ai demandé à ce que les deux meilleures places soient réservées.

G. "


La Conquérante ne put retenir un sourire. L'attention était charmante, et elle tirait visiblement les leçons du passé.

 

*          *          *          *          *         

 

Le soir de la première, elle s'installa, une superbe jeune femme blonde à ses côtés.     

La salle était en pleine effervescence, attendant impatiemment que le spectacle commence. Xena essayait de repérer ce qui se passait en coulisses, espérant entrapercevoir Gabrielle. Elle regarda à sa gauche, espérant que la personne pourrait la renseigner mais se trouva face à un fauteuil vide. Personne. Elle s'enquit donc auprès de la personne derrière elle :

- Où est Gabrielle ?

- Euh… Aucune idée Conquérante ! dit un homme à l'air bohème.

Les pseudos-artistes ne servent vraiment à rien, n'en déplaise à Ellis.

Le spectacle commença. La guerrière avait les yeux rivés sur la scène, attendant avec impatience d'y voir Gabrielle.

Elle remarqua à peine l'arrivée discrète de son voisin. Elle sursauta en entendant une voix douce lui murmurer à l'oreille :

- J'apprécie ta venue.

Elle n'eut pas besoin de se tourner pour savoir qui était son interlocutrice.

- Tu m'as invitée. Je n'aurais pas voulu manquer cela.

Xena eut beau tenter de focaliser son attention sur ce qui se passait sur scène, c'était peine perdue. Tous ses sens étaient dirigés vers la personne assise près d'elle. Si elle n'avait pas déjà connu l'histoire, elle n'aurait d'ailleurs sûrement rien compris.

Lorsqu'arriva la scène du baiser, elle ne put s'empêcher de poser ses yeux sur Gabrielle, pour découvrir que celle-ci la regardait en retour.

Elle se reconcentra sur la scène mais fut percutée par ses propres souvenirs.

Le double baiser… Elles l'ont gardé.

Elle sentit la main de Gabrielle saisir la sienne sur l'accoudoir. L'artiste se pencha pour venir lui dire:

- On l'a gardée telle quelle. Ellis a été emballée par ta prestation. Elle n'arrêtait pas de me répéter que j'aurais dû te demander de venir jouer avec moi…

La Conquérante ne put retenir un sourire satisfait. Elle hésita un instant, avant de demander :

- Et toi, tu aurais voulu ?

Gabrielle prit un instant pour répondre. Lorsqu'elle ouvrit la bouche, l'attention de la Conquérante fut détournée par sa compagne :

- Xena on peut y aller ? … J'ai envie…

Pour bien se faire comprendre, Najara se mordit la lèvre inférieure d'un air entendu.

Xena tourna la tête vers elle et lui rétorqua:

- Ça attendra.

Elle reporta son attention sur Gabrielle.

- Nous disions ?

- Je… Non rien. Vous viendrez à la réception après la représentation ?

La Conquérante aurait voulu reprendre la conversation là où elle s'était arrêtée mais elle savait bien que le " charme " du moment avait été rompu. Et comme il faut.

Sans attendre sa réponse, Gabrielle regarda à nouveau la pièce qui se jouait. Sa main avait quitté celle de la guerrière. Xena l'observa un moment, devinant ses traits dans la pénombre. Le manque de lumière ne la gênait pas, voilà bien trop longtemps que ce visage hantait ses rêves pour qu'elle puisse l'oublier.

Elle sentit la main de Najara se poser sur sa cuisse, remontant lentement.

Elle n'abandonne jamais.

Les appétits sexuels débordants de sa compagne étaient une des raisons pour lesquelles elle se trouvait à ses côtés. Mais ce soir…

 

            *          *          *          *          *         

                        

La fête battait son plein, tout le monde semblait joyeux et plein d'entrain, l'alcool aidant. Pourtant, Gabrielle était… contrariée.

D'un côté, la Conquérante avait daigné se montrer… Mais la potiche pendue à son bras était elle vraiment nécessaire ?

Ellis était quant à elle surexcitée.

- Tout le monde à adoré !! Tu te rends compte ? On va encore parler de nous dans tout l'empire ! C'est génial.

Génial, c'est le mot.

- Oui, c'est pour des soirs comme ça qu'on fait ce métier.

Elle ponctua le tout d'un sourire peu convaincant, mais comme à son habitude ces temps ci, Ellis ne sembla pas remarquer quoi que ce soit.

Gabrielle ne broncha pas lorsque celle-ci l'enlaça. Elle répondit à ses baisers, mais une fois de plus, le cœur n'y était pas.

Comment aurait-il pu en être autrement alors que dans le coin opposé, elle voyait la Conquérante visiblement occupée dans les bras de sa poule ?

Agacée, elle repoussa gentiment Ellis.

- Je suis un peu fatiguée…

- Je comprends, tu as eu une rude journée.

Ellis lui déposa un bisou sur le nez avant de partir à la rencontre des invités.

Gabrielle soupira et alla s'asseoir dans un coin plus tranquille de la salle. Elle ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'œil en direction de Xena. Elle se murmura à elle-même :

- Gabrielle, il faut que tu arrêtes. Elle n'est pas pour toi.

Elle se frotta le front du bout des doigts, cherchant à remettre ses pensées en place. Rien n'y fit. Elle décida alors d'aller chercher un autre verre de vin. Quitte à être malade, autant que ça soit pour une bonne raison. Et puis boire aide à l'oubli.

Elle se servit un verre qu'elle but d'une traite. Aucun effet. Un deuxième, suivi de près par un de plus. Elle se sentait déjà de meilleure humeur. Un quatrième pour faire passer le goût et un petit dernier pour la route. Elle avisa la chaise où elle se trouvait quelques minutes auparavant. Comme elle était un peu loin, elle se dit qu'un verre supplémentaire lui donnerait le courage nécessaire.

Elle retourna dans son coin, se jetant à moitié sur sa chaise. Elle regardait autour d'elle, le regard un peu brumeux. Son humeur, sans être extraordinaire, s'était déjà grandement améliorée.

Mais le charme, tout alcoolisé qu'il soit, se brisa lorsqu'elle vit Najara et Xena. Elle aurait voulu détourner le regard, mais quelque chose au fond d'elle l'en empêchait. Elle était prise au piège: d'un côté elle aurait voulu trouver n'importe quoi d'autre à regarder et ruminer sa mauvaise humeur, mais de l'autre, les caresses de la Conquérante, sa peau superbe parfois dévoilée par un mouvement d'étoffe… C'était captivant.

Elle parcourait le corps de la guerrière de ses yeux avides, remontant petit à petit. Lorsqu'elle voulut observer son visage, elle vit que celle-ci la regardait. Cela la sortit immédiatement de sa torpeur. Gabrielle secoua violemment la tête. C'était une illusion d'optique, rien de plus.

Mais les yeux incroyablement bleus de Xena étaient toujours posés sur elle.

Mal à l'aise, se sachant prise en faute, Gabrielle se leva prestement, prit son manteau posé non loin et sortit prendre l'air.

Le temps était maussade: du brouillard et une fine bruine pour l'accompagner. Elle préféra rester sous le porche, à l'abri. La rue était déserte, calme. Elle fourra ses mains dans ses poches, y cherchant un peu de chaleur.

Ses pensées étaient tournées vers la Conquérante. Que faire ? Ellis est une fille adorable, elle a beaucoup de choses pour elle et pourtant, je pense à une autre.

- Cette situation ne peut plus durer, il faut que je fasse quelque chose, que je choisisse…

Elle secoua la tête, désabusée. Choisir ? … Il n'y avait pas de choix à faire. La Conquérante n'était pas à sa portée, elle voulait juste jouer.

Bien qu'au fond d'elle, elle l'avait toujours su, faire ce constat fut douloureux. L'alcool n'aidait pas vraiment, exacerbant ses émotions, la rendant plus fragile. Elle serra les poings au fond de ses poches.

Elle sentit un morceau de papier dans sa main gauche. Intriguée, elle le sortit pour l'examiner.

Ce soir

X.

- Hum… Conquérante… Jusqu'où est tu prête à aller… ?

Gabrielle se tourna vers la porte, qu'elle ouvrit, décidée. Elle entra dans la salle où la réception battait son plein. Son regard scruta la foule, cherchant la guerrière. Elle s'approcha d'elle alors qu'elle était près des boissons, en train de se resservir.

- On s'amuse bien, Conquérante ?

La Conquérante sourit en entendant la voix de l'artiste. Elle se retourna, répondant :

- En effet…

Elle pencha la tête, observant Gabrielle d'un œil expert, remarquant ses joues rouges et sa diction plus gauche qu'à l'accoutumée. Un sourire un brin moqueur se dessina sur ses lèvres pleines:

- Le vin était bon ?

- Qu'est-ce que je suis censée comprendre ?

- Rien, il n'y a pas de message caché.

- Ça serait bien la première fois, marmonna Gabrielle.

- Pardon ?

- Rien…

L'artiste hésita un moment. Impossible de savoir comment allait réagir la Conquérante… Mais d'un autre côté, elle avait besoin de savoir…

Tournant une dernière fois le papier dans sa main, elle le tendit à la guerrière.

Celle-ci la regarda un moment, intriguée, avant de le saisir.

Elle s'apprêtait à le lire lorsque Najara fit son apparition. Celle-ci l'enlaça possessivement, regardant l'artiste d'un œil mauvais.

- Comment ça va ? Tu ne veux pas venir sur les coussins avec moi, hum ?

Son ton lascif ne laissait pas l'ombre d'un doute sur ses motivations. La Conquérante regarda Gabrielle, puis Najara à nouveau. Elle se décida:

- J'arrive dans un instant. J'ai des choses à régler.

Elle lui fit un rapide baiser à sa compagne dans l'unique but de faire taire ses protestations, avant de la pousser doucement dans le dos. Lorsque la guerrière voulut se tourner à nouveau vers l'artiste, elle ne put que constater qu'elle n'était plus là.

Elle resta un instant à scruter les invités, cherchant la jeune femme, mais ne vit rien. Elle reporta alors son attention sur le morceau de parchemin entre ses doigts. Le dépliant délicatement, elle y découvrit sa propre écriture:

 

Ce soir.

X.

 

Elle ne put réprimer un sourire. La petite Gabrielle aurait elle enfin décidé de rentrer dans son jeu ? Ou voulait-elle seulement lui parler ?

Finalement, cette soirée pouvait s'avérer particulièrement intéressante. Ses songes furent interrompus par l'arrivée d'un jeune homme :

- Madame vous attend en coulisses.

Son sourire se fit encore plus grand et c'est d'un pas pressé qu'elle quitta la réception.

Sur le chemin, elle se demandait bien ce que Gabrielle pouvait lui vouloir. Avait-elle enfin accepté son indéniable attirance ? Voulait-elle lui dire que tout devait s'arrêter ?

Au fond d'elle, la Conquérante savait que rien ne cesserait avant qu'elles aient toutes deux assouvi leurs envies. Elle ne laisserait pas Gabrielle lui échapper. Celle-ci avait beau dire, la Conquérante savait qu'elle ne la laissait pas indifférente. Et les regards noirs qu'elle avait captés tandis qu'elle était en pleine " activité " avec Najara un peu plus tôt confirmaient ses hypothèses.

Ses pas l'emmenèrent jusqu'aux coulisses. L'endroit semblait désert, l'on entendait à peine la musique.

Elle sonda le couloir désert, se demandant où Gabrielle pouvait être, avant de détecter une porte entrouverte.

 

16 novembre 2011

Chapitre 3

Chapitre 3

Gabrielle et Ellis flânaient dans les rues d'Athènes, rassasiées après un copieux déjeuner dans une des meilleures auberges de la cité. Autour, des marchands ambulants vantaient les mérites de leurs fruits, poissons frais et autres fournitures alimentaires.

Une agréable odeur de pâtisserie flottait dans l'air, faisant gronder l'estomac de Gabrielle.

- Tu n'en as donc jamais assez ? demanda Ellis en riant doucement.

Gabrielle sourit en posant une main sur son ventre bruyant.

- Pas besoin d'avoir faim pour des roulés aux noix.

Elle repéra le stand et tira Ellis à sa suite.

- Allez viens, j'entends les gâteaux m'appeler…

 

Cette fois, Ellis était certaine que Gabrielle était une sorte de mutante. Après le repas plus que copieux qu'elles venaient de finir, elle était maintenant en train de s'empiffrer de pâtisseries, comme si elle n'avait pas mangé depuis des jours… Les joues gonflées, les lèvres pleines de miel, et des miettes sur les habits, la célèbre artiste ressemblait à une gamine gourmande.

Des cris retentirent soudain sur la place du marché, sortant Gabrielle de sa torpeur sucrée.

- Qché che qui che pasch ?

- Hein ?

Ellis regarda Gabrielle avaler les restes de son gâteau tout en frottant l'avant de sa tunique dans l'espoir d'ôter les innombrables miettes que celle-ci venait tout juste de lui postillonner dessus.

- C'est quoi ?

- Comment veux tu que je le sache, je ne t'ai pas lâchée depuis tout à l'heure au cas où tu n'aurais pas remarqué.

Gabrielle lui jeta un regard noir et se dirigea rapidement vers la grande place.

 

Des hommes en armure, arborant l'emblème de la Conquérante étaient en train d'acculer une bande d'adolescents dans une ruelle adjacente, ne leur laissant aucune perspective d'échappatoire. Gabrielle s'approcha et s'enquit auprès d'un passant:

- Qu'est-il arrivé ?

- Les hommes de la Conquérante sont arrivés et ont encerclés ces jeunes… Mais pourquoi… On en saura probablement jamais rien.

Il secoua la tête d'un air dégoûté:

- Comme si il fallait des excuses à cette chienne pour crucifier des innocents. Tout le monde sait que ça lui plaît, voilà tout.

Gabrielle était partagée. En son for intérieur, elle ne pouvait pas croire que Xena tuait pour le plaisir, mais des dizaines d'exemples avaient déjà prouvé le contraire.

Horrifiée, elle vit le chef des soldats sortir son épée, immédiatement imité par le reste de sa troupe. L'issue paraissait inévitable.

Guerriers aguerris: 1

Adolescents pré pubères avec trois poils au menton: 0

 

Ellis n'eut pas besoin de regarder Gabrielle pour savoir ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle posa sa main sur son bras, prévenant tout mouvement.

- Ne fais pas ça…

Gabrielle se retourna. Le message dans ses yeux était clair: Je vais le faire, ne te mets pas en travers de mon chemin.

Ellis connaissait suffisamment sa compagne pour reconnaître une bataille perdue d'avance. Résignée, elle desserra sa poigne avant que Gabrielle ne s'agace davantage. Celle-ci s'élança sans plus attendre, s'interposant entre les protagonistes.

- Ne faites pas ça !

Le chef sembla hésiter un instant, avant de lui dire d'un ton sec:

- Écarte-toi. 

Mais Gabrielle, qui ne tremblait pas devant la Destructrice des Nations, n'était pas du genre à se laisser impressionner par un quelconque officier.

- Pourquoi ne pas vous en prendre à quelqu'un de votre taille ?

- Personne ne m'égale au combat !

Il partit d'un rire gras, visiblement fier de lui. Faisant tournoyer son épée, il s'avança à nouveau en direction des jeunes hommes.

- Assez joué.

Gabrielle se jeta entre le garde et ses futures victimes, faisant obstacle de son corps. Le cœur d'Ellis manqua un battement à cette vue. Elle allait se faire tuer, c'était sûr.

Le garde, pourtant visiblement contrarié, ne frappa pas l'artiste.

- Je n'aime pas me répéter, écarte toi.

- Ce ne sont que des enfants… Ils… Ohhh incroyable !

Elle pointa un point derrière l'épaule du chef de la garde, qui se retourna pour voir ce qu'il y avait à voir, imité par les trois quart de l'audience.

Gabrielle poussa le groupe d'adolescents vers la foule. En quelques secondes, ils disparurent parmi les badauds.

Quand le soldat se rendit compte de la supercherie, il était déjà trop tard, il ne restait plus une trace des individus incriminés.

Sa mâchoire se serra. On pouvait clairement voir qu'il était prêt à exploser. Gabrielle réalisa qu'elle ferait bien mieux de courir si elle voulait sauver sa peau. Elle courut en direction de la masse agglutinée des citoyens. Ceux-ci lui firent une place avant de faire barrage, semblant l'avoir happée.

Le garde en bouscula quelques uns, cherchant à poursuivre la fuyarde, mais elle était déjà hors de vue.

 

A peine une demi marque de chandelle plus tard, après une vaine recherche des fugitifs, le soldat attendait misérablement dans un bureau du palais provisoire de la Conquérante. Il devait annoncer à la Destructrice des Nations qu'un groupe de rebelles leur avait échappé, que le leader de la rébellion faisait partie des fuyards, et tout ça à cause de la jeune femme que la Conquérante voulait épargner. Il l'avait reconnue au premier coup d'œil, celle que son supérieur avait expressément autorisée à passer toutes les barrières, lui accordant une audience exceptionnelle avec la femme qui régnait sur le monde.

Il passait d'un pied sur l'autre, cherchant quels mots prononcer, sachant pertinemment qu'il risquait fort de ne jamais plus voir la lumière du jour. La Conquérante fit son entrée, mettant fin à son questionnement.

- Pourquoi m'as-tu fait déranger ?

Il déglutit bruyamment avant de prononcer d'une voix faible

- Le chef des rebelles… Il… Il nous a échappé…

Il baissa immédiatement la tête, les yeux clos, attendant la sanction. Pourtant rien ne vint.

- Comment ?

Le ton était glacial, laissant présager que l'explication avait intérêt à être bonne.

- La jeune femme blonde, celle qui était au palais ce matin, elle…

La Conquérante le bouscula sans qu'il puisse ajouter le moindre mot et sortit rapidement de la pièce.

Le garde relâcha le souffle qu'il n'avait pas eu conscience de retenir, soulagé. Il n'allait peut être pas mourir aujourd'hui après tout. Mais à en juger par le regard qu'avait la Conquérante au moment de sa sortie, il était bien possible qu'il y ait néanmoins une victime d'ici la nuit tombée.

 

Xena se rendit directement au théâtre, se doutant que c'était là que Gabrielle se trouvait. Ses mains étaient fermées en deux poings qu'elle serrait si fort que le sang semblait les avoir désertés. Elle n'aimait pas du tout l'idée, mais il allait falloir éliminer la jeune femme qui l'intriguait tant. Pas question de continuer à la laisser interférer dans ses affaires plus longtemps. Elle avait franchi la limite entre l'audace et l'inconscience, était déjà allée trop loin pour reculer.

Elle s'arrêta un instant aux portes massives du théâtre, prenant un moment pour réaliser ce qu'elle s'apprêtait à faire. Puis, d'un mouvement brusque, poussa un battant et pénétra dans l'imposante bâtisse.

S'il n'y avait à priori aucun signe de vie manifeste, la Conquérante savait pourtant que Gabrielle se trouvait là. C'était presque comme si elle pouvait la sentir.

Chaque pas de la guerrière résonnait dans les couloirs vides et un instant, elle eut l'impression que le bruit de ses bottes sur la pierre ressemblait étrangement au son du glas.

 

Gabrielle était assise sur un tabouret dans une loge, dos à l'entrée de la pièce, la tête entre ses mains. Elle ne vit pas qui arrivait.

- Ellis, laisse-moi tranquille s'il te plaît.

Sans un mot, la Conquérante s'approcha rapidement d'elle. Gabrielle ne réalisa le danger qu'une fois qu'elle n'avait plus une chance de s'échapper.

Elle se retrouva bientôt debout, face contre le mur, une dague appuyée sur sa gorge, menaçant de déchirer sa peau.

Elle n'avait pas besoin de se retourner pour savoir qui était derrière elle. Dès qu'elle s'était échappée, elle savait qu'elle devait s'attendre à une visite.

Tout comme son corps, le souffle de la Conquérante était brûlant. Malgré sa peur, Gabrielle ne put réprimer un frisson quand la guerrière lui dit à l'oreille:

- Donne-moi une bonne raison pour ne pas te trancher la gorge dans l'instant.

- Ils… C'étaient des adolescents…

La Conquérante la retourna d'un mouvement brusque et remplaça la lame par son avant bras. Tout son corps était en contact avec celui de la jeune femme, l'empêchant de se soustraire.

- C'était le chef des rebelles et ses acolytes.

La guerrière scrutait avec attention les moindres réactions de Gabrielle. Elle vit la surprise passer dans les yeux verts avant que celle-ci ne dise:

- Je n'en savais rien… Je… Désolée…

Xena hésitait. Elle pouvait discerner le mensonge de la vérité et savait que l'artiste ne mentait pas. Devait-elle la tuer ou l'épargner?

Gabrielle n'était soudain plus sûre d'avoir pris la bonne décision en sauvant les jeunes hommes. Elle le fut d'autant moins quand la guerrière dit :

- La semaine dernière, j'ai arrêté une flèche à quelques centimètres de mon cœur. N'importe qui d'autre serait probablement mort. Dis moi Gabrielle, crois tu qu'il était judicieux de laisser s'échapper quelqu'un qui, après seize printemps tout au plus, est déjà un assassin suffisamment aguerri pour m'avoir presque touchée?

 

Elle savait que la Conquérante avait raison au fond. Tout comme elle savait que celle-ci n'avait pas réellement envie de la tuer, mais qu'elle n'hésiterait pas si jamais ce type d'incident se reproduisait.

Pourtant, à mesure que la pression sur son cou grandissait, rendant sa respiration laborieuse, elle pouvait voir la colère quitter les si beaux yeux de la Destructrice des Nations.

 

Le corps chaud contre le sien était un vrai supplice. La Conquérante savait qu'elle devait relâcher la pression très vite où Gabrielle étoufferait. Mais elle n'arrivait pas à se résoudre à faire cesser le contact. Et puis il fallait lui donner une leçon. Elle s'apprêtait à la lâcher lorsqu'un cri la fit se retourner. Elle était tellement plongée dans ses songes qu'elle n'avait pas entendu Ellis arriver.

- Mais que… Relâche là !

Le ton impératif n'avait pas échappé à la Conquérante.

Ellis tenta de se jeter sur elle mais elle ne l'atteignit jamais, se retrouvant les fesses au sol sans trop savoir comment. Regardant Gabrielle droit dans les yeux, toujours méfiante, Xena se recula prudemment.

Un silence tendu s'installa. Ce fut la guerrière qui le brisa en pointant Gabrielle du doigt :

- Que ça ne se reproduise plus… Je pourrais ne pas être aussi clémente la prochaine fois.

Elle était presque sortie de la pièce lorsqu'Ellis l'interpella.

- Alors c'est ça, il suffit de venir, de menacer les gens et de repartir ?

La Conquérante marqua un temps d'arrêt. Ses doigts jouaient avec le pommeau de la dague qu'elle gardait nichée au creux de sa poitrine. Elle pourrait tuer cette insolente en un instant et la regarder se vider de son sang. Un léger sourire parcourut ses lèvres pleines. C'était tentant.

Elle se retourna au ralenti en direction d'Ellis. L'un de ses sourcils se leva dans une question muette, la dague toujours entre ses doigts.

Gabrielle se posta devant Ellis, qui ne semblait pas mesurer le danger.

- Pardonne-la Conquérante, elle a parlé sous le coup de l'émotion !

Ellis tenta d'objecter, mais fut réduite au silence par la main de Gabrielle sur sa bouche.

Xena avança dangereusement vers les deux femmes.

- Laisse la parler Gabrielle.

A peine libérée, Ellis lança:

- Tu m'as très bien comprise ! Pourquoi devrait-on vivre dans la terreur et taire la vérité ?

La Conquérante fit un grand sourire, qui la fit ressembler à un terrible prédateur. Ses yeux étaient particulièrement explicites quant à ses intentions. Elle avança encore, faisant reculer Ellis jusqu'au mur et ne s'arrêtant qu'une fois leurs corps en contact.

La regardant droit dans les yeux, elle caressait le cou de la jeune femme du dos de sa main.

Gabrielle était pétrifiée, priant pour que la guerrière n'étrangle pas Ellis. Elle attendait de voir ce que la Conquérante allait répondre.

- Parce que je pourrais très bien te faire souffrir jusqu'à ce que tu me supplies de t'achever, et que personne n'y trouverait rien à redire…

-         Alors c'est tout… Je devrais me taire ? Nous devrions tous nous taire ou mourir ? Ma vie, ma passion, mon boulot consiste à m'exprimer et je ne vois pas pourquoi je renoncerais à ce droit pour toi ! Ou peut être penses-tu que tous les artistes devraient aussi se taire parce que ce qu'ils ont à dire ne te conviendrait peut être pas ?

- L'art se porterait très bien sans toi et crois moi, tu ne veux pas vraiment savoir ce que je pense des artistes.

- Laisse-moi deviner, des bons à rien, c'est ça ?

Gabrielle assistait à l'échange, interdite. Il y avait une bonne et une mauvaise nouvelle : Le sujet n'était plus porté sur la possible mort d'Ellis, mais il n'en était pas moins épineux.

La Conquérante eut l'air satisfaite de la réponse d'Ellis, ne relevant pas la provocation.

- Exactement. Ce qu'un artiste fait, n'importe qui dans la rue est capable d'en faire autant !

Ellis fulminait, visiblement insultée.

- Ah oui ? Tu veux dire que même toi, Conquérante, tu pourrais faire ce que nous faisons ?

La guerrière eut un sourire arrogant, accompagné d'un petit rire.

- Bien sûr !

- Alors prouve le, viens créer notre prochaine pièce avec nous.

 

Gabrielle pâlit visiblement. Il n'y avait qu'une seule explication logique à tout cela : Ellis avait perdu la tête. Elle fut soulagée en entendant la réponse de la Conquérante.

- Je n'ai pas que cela à faire.

Elle s'apprêtait à s'en aller lorsqu'Ellis rajouta d'un air détaché.

- Hum hum, c'est-ce qu'on dit.

Gabrielle qui n'avait pas prononcé un mot depuis quelques minutes déjà s'empressa de dire.

- Ah ah, elle plaisante Conquérante ! Bien sûr que tu as mieux à faire de ton temps !

Elle tenta de lui servir son sourire le plus faux jeton qu'elle possédait. Pourvu que cela fonctionne.

Xena allait se contenter de la réponse de Gabrielle lorsqu'elle croisa le regard de sa compagne, les yeux pleins de défi.

Elle ne pouvait pas décemment se laisser mettre à genoux.

- Très bien, demain, une demi-journée, rien de plus.

 

Sur ce, la Conquérante quitta enfin la pièce. Gabrielle fut visiblement soulagée. Elle se tourna vers Ellis qui affichait un sourire satisfait. C'en fut trop :

- T'as perdu la tête ou quoi ?

- Mais non, c'est l'occasion de montrer à cette… Cette… Qu'elle ne sait pas tout !

Gabrielle fut tentée de répondre, mais se rendit compte qu'essayer de raisonner Ellis était une de ces causes perdues d'avance. Elles en reparleraient le lendemain, une fois que le désastre aurait eu lieu.

 

                        *          *          *          *          *

 

Assise sur le devant de la scène, Ellis observait Gabrielle expliquer laborieusement à une Conquérante pour le moins sceptique le scénario de leur future histoire. Leur prochaine pièce devait parler d'un amour interdit entre une riche bourgeoise et un marchand corrompu et elles avaient décidé de prendre à parti la Conquérante pour mettre en scène leur projet.

- Bon, euh… En fait nos méthodes de travail sont un peu… Spéciales…

- C'est-à-dire ?

Xena commençait déjà à s'ennuyer ferme.

- Et bien comme il nous manque encore une partie de l'histoire, nous jouons la scène en inventant les dialogues, ça donne un côté plus… Réaliste. Pendant qu'Ellis notera tout, je vais jouer Cléa et toi Dimitrius.

Gabrielle sauta sur la scène et jeta un regard de défi à la Conquérante.

- Prête ?

Bien sûr elle ne pouvait pas refuser, c'était elle qui avait fixé la date de ce stupide pari. En retenant un soupir Xena hocha la tête et rejoignit la jeune femme.

- Et maintenant ?

- Dimitrius et Cléa se sont rencontrés à l'occasion d'un repas organisé par le mari de Cléa, et ils se détestent. A chacune de leur rencontre Dimitrius se montre odieux, mais il ne peut pas s'empêcher de penser à Cléa, et vice-versa.

Mmh, ironique, pensa Xena.

- On va jouer la scène suivante, quand Cléa se rend compte que Dimitrius est un truand.

- Bien.

Ellis s'installa dans les gradins, un parchemin sur les genoux, une plume dans la main.

- Je suis prête, c'est quand vous voulez !

Pour Gabrielle la situation était trop bizarre pour que son esprit puisse y penser: elle était en train d'inventer une pièce de théâtre avec la Conquérante. Vraiment trop bizarre.

Elle prit une grande inspiration et sourit à Ellis avant de croiser le regard glacé de Xena.

 

- Dimitrius ?

Il se retourna en entendant son nom.

- Elle, bien sûr, murmura-t-il. Je reviens.

Il alla à sa rencontre, laissant derrière lui les hommes avec qui il conversait.

- Cléa, quel bon vent t'amène ?

Il se rembrunit en la voyant croiser les bras, le visage fermé.

- J'aurais besoin d'épices, mais je ne voudrais pas perturber tes manigances !

Elle pencha un peu la tête pour voir les truands.

- Je tombe mal peut être ?

- Mais pas du tout, qu'est-ce que tu racontes ! Allez viens par là.

Il passa sa main dans son dos pour la guider. Elle repoussa le bras indésiré et le suivit dans une petite pièce adjacente. A peine entrée, elle pointa vers lui un doigt accusateur.

- C'est toujours pareil avec toi… Tu ne peux pas t'en empêcher hein ?

- Je n'ai pas l'impression que tu parles des épices…

- Ce qui s'est passé… Ce… C'était une erreur, une effroyable erreur, et ça n'arrivera plus, tu m'entends ?

- Difficile de faire autrement. Mais pour une fois je suis d'accord avec toi, quoi que ça ait été, c'est terminé.

- Oui, voilà, tout à fait !

Cléa piétinait sur place, à la fois satisfaite et mécontente. Ça n'était pas exactement la réponse qu'elle s'était imaginée.

- Dimitrius… Je veux que ça soit clair entre nous, c'était uniquement à cause de l'alcool.

- Ah mais tout à fait. Je m'en souviens d'ailleurs à peine. Et tu sais ce qu'on dit, si on ne s'en souvient pas, c'est que ça ne valait pas la peine de s'en…

Il fut interrompu par une claque magistrale.

Lorsqu'il tourna la tête vers Cléa, se massant la joue, leurs yeux s'accrochèrent pendant un long moment. L'air était chargé d'électricité.

Puis quelque chose passa dans les yeux de celle-ci et avant qu'il ait pu faire le moindre geste, elle s'était jetée sur lui. Pendant un instant, il ne répondit pas au baiser, trop surpris et encore énervé. Et alors qu'il commençait à l'embrasser en retour, elle se recula, bien trop tôt.

- Je… Non… Désolée.

Elle allait partir, mais alors qu'elle se retournait, il agrippa son bras et l'attira à lui.

Leurs lèvres se retrouvèrent instantanément. Le baiser était sauvage, tendre et passionné à la fois. Leur manière d'exprimer tout ce qu'ils ne pouvaient pas se résoudre à dire.

La douceur des lèvres de la Conquérante et l'enivrant contact de sa langue contre la sienne ramena Gabrielle à la réalité.

Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Pensa-t-elle.

Elle interrompit le baiser, à bout de souffle. Tout son corps avait répondu aux assauts de la guerrière. Non, aux assauts de Dimitrius.

 

- Bravo, c'était magnifique, convaincant ! Génial !

Ellis applaudissait avec entrain, ne se rendant pas compte du malaise ambiant.

- Et là… Euh… Les truands arrivent ! proposa la Conquérante plus timidement que d'ordinaire.

Ellis monta sur scène et se jeta littéralement dans les bras de Gabrielle. Celle-ci lui rendit son étreinte sans grande conviction, les yeux dans ceux de Xena.

Ellis se recula, un immense sourire aux lèvres.

- J'ai tout retranscrit, ne t'en fais pas ! Je suis si contente !!! C'était une scène géniale ! Et le baiser était… Whaou ! J'ai vraiment vu Cléa et Dimitrius s'embrasser… C'était… Passionné et… Et… Whaou…

Elle se tourna vers la Conquérante.

- Tu pourrais le refaire sur scène ?

Gabrielle ouvrit des yeux comme des soucoupes en comprenant ce qu'Ellis suggérait. Il était absolument hors de question qu'une telle scène se reproduise.

- Euh… Ellis, chérie, la Conquérante est occupée voyons. Et puis elle avait dit une demi journée tu te souviens?

Xena s'empressa d'acquiescer.

- Euh… Il se fait tard ! Je… J'ai des … Trucs à faire. Oui, voilà. Faut que j'y aille.

Ellis regarda la Conquérante s'en aller d'un pas très pressé, ne comprenant pas vraiment la nature de l'urgence. Elle se tourna vers Gabrielle pour lui dire, un air ébahi sur le visage :

- Elle est pas mal hein ? Et où a-t-elle appris à faire des faux baisers aussi convaincants ?

Gabrielle déglutit difficilement.

- Euh… Pas mal, oui !

Et ne me parle surtout pas de ce baiser.

 

16 novembre 2011

Chapitre 2

Chapitre 2

La Conquérante était seule dans sa chambre, profitant d'un des trop rares moments de répit qui lui étaient accordés.

Comme bien trop souvent à son goût depuis quelques semaines, elle repensait à la jeune artiste qu'elle n'avait pourtant rencontrée qu'une seule fois. Pourquoi diable la laissait-elle en vie?

Après tout, ce n'était jamais qu'une petite insolente, qui, sous prétexte d'une quelconque forme d'instruction, se croyait tout permis, pensait tout savoir.

Jamais dans toute sa vie, celle qu'on nommait à juste titre la Destructrice des Nations, n'avait laissé quelqu'un lui répondre de la sorte en toute impunité.

Pour couronner le tout, elle n'était pas venue ce soir là. Elle avait préféré prendre la fuite, lâche.

Et Dieux qu'il faut être stupide pour partir en pleine nuit, sachant que la route entre Corinthe et Athènes était une des plus dangereuses du royaume. Des forêts à perte de vue, tous les précepteurs ramenant les impôts collectés par ces chemins… Un endroit idéal pour les bandits.

Elle se leva, marcha jusqu'à son bureau pour saisir un morceau de parchemin et y inscrivit " sécuriser la route entre Athènes et Corinthe ".

Elle porta la plume à ses lèvres, levant les yeux au ciel.

Dans un sourire quelque peu sadique, elle reprit un parchemin pour y griffonner quelques mots.

 

            *          *          *          *          *

 

- Gabrielle, ça va ?

- Hein, euh oui oui !

Gabrielle sortit de ses rêveries. Une fois de plus, elle repensait à ce qu'il s'était passé dans la forêt, à ces yeux qui la hantaient.

Elle n'était même pas sûre de n'avoir pas totalement inventé la chose… Et si tout ça n'avait été que le fruit de son imagination ?

Pourquoi avait elle été incapable de détacher son regard ?

 

Le directeur du théâtre vint à leur rencontre, empêchant Gabrielle d'obtenir des réponses qu'elle n'était de toute manière pas certaine de souhaiter avoir. Il se gratta la tête, visiblement embarrassé. Ellis fut la première à prendre la parole:

- Que se passe-t-il Eode ?

- Il… Il y a un problème, nous ne pourrons faire qu'une seule représentation de votre pièce… Je suis désolé !

- Mais enfin pourquoi ?

- Le théâtre va être détruit… Dans une semaine.

Gabrielle ne put cacher sa surprise.

- Quoi ? Mais comment est-ce possible ? Ce…

Eode l'interrompit en donnant une explication qui était sans appel :

- Ordre de la Conquérante.

Gabrielle n'en croyait pas ses oreilles.

- Et quel est exactement son intérêt là dedans ?

Mis à part me pomper l'air, pensa-t-elle.

- On raconte qu'elle…

Eode sembla hésiter un instant avant de reprendre.

- Enfin, la rumeur dit… qu'elle projette de construire une immense stèle à son effigie à cet endroit.

Gabrielle prit un instant pour réaliser. La Conquérante le faisait exprès, ce n'était pas possible. Oui, voilà, elle essayait de la rendre dingue ! Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle y arrivait à merveille.

- QUOI ? Une stèle à son effigie, pile à cet endroit ?

Elle serra les poings, visiblement enragée, sous l'œil étonné des deux autres.

- Je… Je vais la tuer !

D'un air déterminé, Gabrielle quitta la pièce en un instant, laissant Ellis et Eode sur place.

Ils se regardèrent un instant, incrédules. Il fut le premier à prendre la parole.

- Qu'est-ce qu'elle va faire ?

- Je… J'ai peur qu'elle n'aille voir la Conquérante en personne.

L'homme pâlit rien qu'à l'idée. Cette petite devait être folle pour espérer contrarier les plans de la Destructrice des Nations.

 

*          *          *          *          *

 

La guerrière était en train de consulter un amoncellement impressionnant de parchemins lorsque Gabrielle entra dans la pièce.

- Qu'est-ce que ça signifie ?

- Bonjour Gabrielle. Dit Xena sans se retourner.

- Oui, bonjour, peu importe. C'est quoi cette histoire de stèle ?

Xena ne put réprimer un sourire satisfait. Tout se passait exactement comme prévu.

- J'ai pensé que c'était une bonne idée…

Pendant quelques instants, Gabrielle resta complètement sonnée à cette annonce. Une " bonne idée "? Comment cela pouvait-il apparaître comme une " bonne idée "?

- … Et puis ça aura eu le mérite de te faire venir !

Oh, de mieux en mieux, pensa Gabrielle.

- Si tu voulais me voir, il suffisait de demander, Conquérante !

- C'est pourtant ce que j'ai fait l'autre soir. Dit Xena tout en sortant une lime à ongles et commençant à s'en servir. Son calme apparent ne faisait qu'énerver Gabrielle, qui rétorqua:

- J'ai dit demander, pas ordonner. Et puis " Ce soir ", n'était pas vraiment très clair quant au lieu du rendez vous.

Gabrielle avait prit une grosse voix pour dire " ce soir ", singeant la guerrière. Celle-ci leva la tête, un sourcil arqué.

- Pas de ça avec moi Gabrielle, ce n'est pas moi qui joue à cache-cache depuis le début !

Gabrielle n'en croyait pas ses oreilles. Jouer à cache-cache ? QUI jouait à ça depuis le début, donnant des rendez vous dans des pièces sombres, laissant des mots sur sa coiffeuse etc… ?

- Je joue peut être à cache-cache, mais en attendant, ce n'est pas moi qui espionne les gens la nuit dans les fourrés, Conquérante.

Xena rit ouvertement, ce qui agaça encore davantage Gabrielle, si tant est que c'était possible.

- Mais de quoi parles-tu ?

- Oh ne fais pas l'innocente, je t'ai vue !

La jeune blonde pointa un doigt accusateur en direction de la Destructrice des Nations.

- Et qu'est-ce que tu prétends avoir vu au juste ?

- Toi, dans la forêt, nous espionnant Ellis et moi.

Gabrielle mit ses mains sur ses hanches, la tête haute, sûre d'elle. La Conquérante porta un doigt à sa tempe, mimant une intense réflexion.

- Ah oui, ça y est, ça me revient, le passage " la femme la plus puissante au monde n'a rien d'autre à faire que d'aller espionner deux artistes, la nuit, au milieu de la forêt ".

La Conquérante marqua une pause, laissant à Gabrielle le temps de digérer ses paroles et de se rendre compte de l'absurdité de son accusation. Elle reprit, d'un ton moqueur :

- Si tu veux mon avis, il serait temps de songer à réduire ta consommation d'herbe aux poules Gabrielle !

Gabrielle ne savait pas quoi dire, se sentant ridicule, humiliée au plus haut point. Plutôt que de rétorquer, elle décida que le moment était opportun pour changer de sujet et revenir à l'objet initial de sa visite:

- Bon, que va-t-on faire à propos du théâtre ?

- On? " On " ne va rien faire du tout, ce théâtre va être détruit, remplacé par une œuvre d'art !

-  Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! Murmura Gabrielle pour elle-même.

- Pardon ?

Gabrielle observa un instant la Conquérante et à en juger par son sourire en coin, comprit que celle-ci avait très bien entendu. Hors de question de se défiler.

- J'ai dit " qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ".

Gabrielle leva le menton tout en fixant la guerrière, dans un geste de défiance évident.

- Et qu'est-ce que je devrais faire à la place selon toi, ô grande Gabrielle ?

Dieux que cette femme pouvait être horripilante ! Mais c'était là l'ouverture que Gabrielle attendait, pas question d'entrer dans le jeu de la Conquérante et de laisser filer sa chance.

- Épargne le théâtre

- Qu'est-ce que j'aurais à y gagner ?

- Tu permettras au peuple de garder contact avec l'enseignement qui lui fait cruellement défaut… Et bien sûr, tu t'épargneras le ridicule de voir une statue te représentant couverte de fientes d'oiseaux.

Xena ne put s'empêcher de rire. Cette fille était surprenante, tout ce qu'il y a de plus insolent, gonflé, agaçant, mais surprenante…

- Alors ?

Et impatiente avec ça, pensa la guerrière.

- Très bien, mais sache que tu me seras redevable.

Son sourire en coin n'échappa pas à Gabrielle qui ne savait que trop bien à quoi elle s'exposait. Redevable… Oh Dieux, était ce vraiment une bonne idée ?

Mais après tout, elle avait réussi son coup, elle venait de sauver le théâtre. Ellis n'allait pas en croire ses oreilles. Pressée de raconter la bonne nouvelle, elle s'éclipsa :

- A une prochaine fois Conquérante.

Elle prit la porte sans attendre de réponse.

 

La Conquérante se retourna vers son bureau, songeant au fait que son plan avait fonctionné à merveille. Mais elle n'avait plus le cœur à travailler, les pensées monopolisées par une horripilante petite blonde.

Une horripilante petite blonde dont les yeux noirs de désir au moment de l'amour refusaient de quitter son esprit.

 

*          *          *          *          *

 

Quand Gabrielle revint au théâtre quelque temps plus tard, Ellis avait déjà déballé leurs affaires et elle était à présent occupée à vérifier les décors apportés directement de Corinthe.

Apparemment une fausse colline, peinte sur un rideau de soie était abîmée, les fils fragiles étirés jusqu'à la trame.

- Quel est l'imbécile qui a laissé traîner ça? Il va falloir des heures pour récupérer un truc pareil !

A ses côtés un jeune homme hochait la tête à chacun de ses propos, visiblement effrayé. Il  connaissait probablement le fautif… Mais fallait-il pour autant qu'il donne le nom de son collègue ?

Son dilemme fut interrompu quand Ellis se tourna vers Gabrielle qui venait de pousser la porte du hall.

- Gabrielle, où étais-tu passée ?

Ellis abandonna immédiatement le bout de tissu entre les mains du jeune homme pour se précipiter vers son amie.

- Je me faisais un sang d'encre ! Où étais-tu ?

Gabrielle soupira. Décidément Ellis se faisait toujours un sang d'encre dès qu'elle s'éloignait de quelques pas.

Une vraie mère poule.

- Calme toi Ellis, je ne suis pas en sucre.

- Oui, et bien excuse-moi de m'inquiéter, mais tu es quand même partie en hurlant que tu allais tuer la Conquérante…

La frustration d'Ellis était en train de se transformer en colère contre Gabrielle. Dieux, ça faisait des heures qu'elle était partie, et elle avait le culot de lui demander de se calmer !

- Et quand bien même je serais allée hurler sur la Conquérante, comment veux-tu que je passe les barrières de gardes qui l'entourent ? Réfléchis un peu Ellis, je suis simplement partie faire un tour pour me calmer.

Elle n'avait aucune intention de parler de ce qui s'était passé depuis le moment où elle avait quitté le théâtre. Les quelques heures passées ensuite à déambuler dans les rues agitées d'Athènes ne lui avaient apporté aucune réponse. Comment avait-elle fait pour arriver directement jusqu'à la Conquérante sans rencontrer d'opposition de la part des gardes? C'était presque comme si les soldats attendaient sa venue… Comme s'ils l'avaient d'une certaine manière guidée…

Gabrielle secoua la tête. Si son arrivée, telle une furie dans le bureau de la Conquérante avait été pour le moins étonnante, la discussion qui avait suivie l'était encore plus.

A bien y repenser la situation était finalement assez comique. Enfin comique dans le genre bizarre.

Elle était certaine de l'avoir vue dans les fourrés, absolument certaine. Et au souvenir de ce moment particulier un léger frisson la parcourut.

En fronçant les sourcils elle secoua de nouveau la tête, tentant de s'éclaircir les idées.

- Je suis allée faire une petite balade du côté de l'Académie, et devine ce que j'y ai appris ? dit Gabrielle dans un sourire radieux.

Ellis prit une grande inspiration. Pourquoi n'arrivait-elle pas à rester en colère contre cette femme ?

- Je n'en ai aucune idée, j'étais coincée ici à m'occuper du décor.

Pas de colère mais un petit fond de rancune, après tout elle s'était inquiétée pendant des heures.

- Et bien moi j'ai discuté avec quelques personnes et apparemment cette histoire de destruction de théâtre était bidon. Ce n'était qu'une rumeur lancée par un mauvais plaisantin…

Elle fit une pause.

- Du moins c'est-ce qui se dit dans la cité.

- Mais ? Comment ? Eode nous a dit lui-même que l'ordre venait de la Conquérante.

- Et bien il se sera trompé. Elle ne fera rien.

- Et tu sais ça comment ?

- Je le sais, c'est tout.

Je suis allée me balader dans le bureau de la Conquérante pour lui crier dessus et elle m'attendait.

Je le sais parce qu'elle m'a regardée dans les yeux et m'a promis de ne pas toucher au théâtre, tu peux y croire, Ellis ? J'ai discuté avec elle de fientes d'oiseaux et de sous-bois un peu sombres…

 

*          *         *         *         *

 

Au même moment, dans le bureau de Xena.

- Alors ma belle, que penses-tu de ma petite distraction ? Est-elle assez satisfaisante pour tes appétits guerriers ?

Un rire bas s'éleva dans la pénombre.

- Oh oui Arès, c'est parfait, dit Xena tandis que le dieu l'attirait sans douceur à lui.

Elle posa une main à plat sur sa poitrine et remonta jusqu'à son cou.

- Tout simplement parfait.

Ses doigts glissèrent dans les cheveux sombres et elle attira Arès dans un baiser brûlant.

 

16 novembre 2011

Chapitre 1

Chapitre 1

La Conquérante balaya la salle du regard. Elle avait déjà examiné toutes les tentures, les tapis, la table et tout ce qu'il était possible de voir depuis sa place, mais rien n'y faisait. Ses doigts parcouraient distraitement les motifs qui ornaient son trône tandis qu'elle avait de plus en plus de mal à retenir des bâillements. Dieux qu'elle haïssait les banquets, même ceux donnés en son honneur.

Près de deux chandelles qu'elle était assise là, feignant de prêter une quelconque attention aux discussions sans fin. Le sujet était à présent porté sur le théâtre et ses œuvres.

Un homme prit appui sur la table, titubant sous l'effet de l'alcool et leva son verre en l'honneur d'une pièce intitulée " Une destinée a part " et qui aurait apparemment changé sa vie. Tous semblèrent acquiescer et se mirent à encenser l'auteur de cette œuvre.

La guerrière ne put retenir un petit rire moqueur. Les artistes ne sont que des bons à rien, qui, sous couvert d'un quelconque talent, profitent de la naïveté du peuple pour lui vendre du rêve. Et ces gens là sont adulés ? Hum.

Il se tourna vers Xena et lui demanda :

- Comment avez-vous trouvé la pièce, Conquérante ?

La guerrière arqua un sourcil, intriguée par la question de l'homme. Celui-ci paraissait certain qu'elle y avait assisté.

- Qu'est ce qui te fait croire que je l'ai vue, Siron ?

- Euh, c'est-à-dire que…

Une vague de murmures se fit entendre dans la salle. Tous semblaient étonnés par la nouvelle. Pourtant, il était de notoriété publique que Xena, Conquérante des Nations, avait de plus grandes choses à faire de son temps. Du moins le croyait-elle.

Elle observa les invités. Ils avaient apparemment tous assisté à la pièce et elle crut même déceler quelques sourires moqueurs chez certains.

La réalité la frappa soudain : elle était en train de passer pour une imbécile qui ne sait rien de ce qui l'entoure, tout juste bonne à faire la guerre.

Toute l'attention se reporta sur elle lorsqu'elle saisit un couteau pour le planter dans la table en  interpellant l'homme à nouveau :

- Réponds ... à … ma … question.

Les murmures enfiévrés étaient venus à bout de sa patience et elle commençait à être sérieusement irritée.

Siron prit quelques secondes avant de parler, semblant choisir ses mots avec précaution pour ne pas froisser son hôte, la guerrière étant réputée pour son tempérament de feu :

- C'est-à-dire que… tous les seigneurs de la région ont été invités… et la pièce à fait grand bruit. Il se dit que c'est l'une des meilleures œuvres jamais écrites.

L'une des meilleures œuvres ? Tiens donc. Mais là n'était pas le point le plus important.

- Tous les seigneurs, dis-tu ?

- Ou...Oui.

- Et pourquoi n'ai-je pas eu vent de l'invitation ?

La menace était évidente dans sa voix. Elle parcourut ses invités du regard, un à un, cherchant une réponse. Ses yeux se posèrent finalement sur un vieil homme à l'autre bout de l'immense pièce. Elle se leva et se dirigea vers lui dans la démarche féline qui la caractérisait. Si l'homme n'avait pas déjà été terrifié, la voir s'approcher de façon prédatrice l'aurait définitivement effrayé.

Ses doigts vinrent s'enrouler autour de la gorge du malheureux. Elle se pencha, son visage s'arrêtant à quelques centimètres du sien. Lorsqu'elle parla, sa voix était basse et sensuelle.

- Dis moi, Tharis…  toi qui possède le théâtre de Corinthe, pourquoi  n'ai-je pas été conviée ?

Le vieillard déglutit tant bien que mal. Il avait conscience que de sa réponse dépendrait sa vie, comme le savaient tous ceux dans la pièce. Lorsqu'il prit la parole, sa voix était dénuée de toute l'arrogance qui caractérisait le personnage :

- Personne n'ignore que la Conquérante… n'est pas … portée… sur les manifestations artistiques… J'ai pensé que…

Elle pouvait sentir les battements de son cœur dans sa gorge. Elle savait qu'une légère pression supplémentaire et c'en était fini de lui.

Il venait de signer son arrêt de mort en confirmant les craintes de Xena : elle passait pour quelqu'un qui n'y connaissait rien à l'art. Et chacun sait que l'art est la distraction favorite des grands de ce monde, de ceux qui n'ont pas besoin de gagner leur vie et occupent leur temps libre dans ce genre de distractions.

Elle fit un sourire à Tharis et le sentit se crisper davantage. Dieux qu'elle aimait cette sensation de pouvoir. Il était à sa merci. Un silence de mort régnait dans la salle du trône.

Plus une moquerie, plus un murmure.

Nettement mieux.

 

Elle se glissa dans son dos, passant ses mains dans ses cheveux.

- Et bien…

Un sourire cruel se dessina sur ses lèvres tandis que sa main droite vint caresser la joue de Tharis avant de se poser sous son menton. Elle s'adressa à tous les invités en disant:

- Dorénavant… vous saurez qu'il ne vous est pas demandé de penser en mon nom.

D'un mouvement sec, ses mains se fermèrent sur la tête du vieil homme et elle lui brisa la nuque dans une torsion.

Un sentiment de puissance l'envahit. Tous la regardaient à présent, redoutant ses prochains gestes. Satisfaite, elle s'adressa à un garde :

- Je veux quatre places, au balcon, demain.

L'homme hocha la tête vigoureusement et courut presque hors de la salle.

La Conquérante vint se replacer sur son trône, tandis que plus personne ne semblait d'humeur à parler art.

 

                        *          *          *          *          *

 

Le lendemain, elle fut accueillie par la veuve de Tharis elle-même et escortée jusqu'à son siège. Celle-ci ne mentionna pas l'incident qui avait coûté la vie à son mari. Sage femme.

Xena pensa qu'elle devait certainement lui être reconnaissante, après tout cet homme était une plaie. Elle aurait du le tuer depuis longtemps déjà.


Elle s'installa confortablement dans son siège, attendant avec impatience que la pièce débute. Alors que les lumières s'éteignaient, elle se pencha en avant pour mieux voir.

Une jeune fille s'avança et commença à réciter son texte.

La petite était douée. La Conquérante fut prise dans le récit et lorsqu'on annonça l'entracte, elle fut même un peu déçue. Le temps était passé beaucoup plus vite qu'elle ne l'aurait cru.

Cette pièce était loin d'être comme la dernière tragédie à laquelle elle avait assisté. C'était… une succession d'étranges coïncidences. Se pourrait-il que… ?

Il fallait qu'elle rencontre l'auteur.

 

*          *         *         *         *

 

- Ellis tout est prêt?

Gabrielle brossa sa tenue du revers de la main pour la énième fois, essayant de cacher le stress qui montait crescendo depuis que les spectateurs avaient envahi la salle.

- Oui, oui, ne t'inquiète pas. Qui aurait cru que nous ferions un tel succès dans cette ville de barbares? Fit remarquer Ellis, un petit sourire au coin des lèvres.

- Je ne m'inquiète pas, je vérifie. Mmh, la question est est-ce qu'ils comprennent vraiment le message après avoir entendu la pièce? Demanda Gabrielle. Tous ces coups sur la tête, ça ne rend pas vraiment très… très quoi d'ailleurs? Est-ce qu'on peut parler d'intelligence quand on évoque les toutous de la Conquérante?

Elle sourit, mutine.

Mais avant qu'Ellis puisse répondre les lumières de la salle furent éteintes  et trois coups retentirent dans le silence. Le rideau allait se lever.

- Souhaite-moi bonne chance. Dit Gabrielle en prenant une grande inspiration.

- Tu n'en as pas besoin.

Ellis prit ses lèvres entre les siennes, l'embrassant doucement avant de murmurer à son oreille.

- Mais bonne chance.

 

                        *          *          *          *          *

 

Un parterre de roses jonchait encore la scène quand Gabrielle descendit de sa dernière prestation dans la ville de Corinthe la guerrière.

Derrière le rideau tout le monde la félicita, commentant cette prestation particulièrement réussie.

La jeune femme, les oreilles bourdonnant encore des applaudissements parvint jusqu'à sa loge où un calme bienvenu l'attendait. Elle referma la porte et s'appuya contre la cloison, soupirant doucement. Les yeux fermés elle laissa l'adrénaline quitter son corps au rythme de sa respiration.

C'était vraiment une bonne soirée. Même la légère douleur de sa gorge d'avoir tant parlé lui était agréable. Et puis surtout c'était son dernier jour dans cette ville étrange, sa tournée l'amenait maintenant vers Athènes, la cité de tous les artistes, la ville de sa reconnaissance. Un retour en grande pompe vers le berceau de son talent…

Un coup frappé doucement à la porte mit fin à ses pensées de gloire prochaine.

- Gabrielle?

Ellis entra dans la loge, refermant la porte derrière elle.

- Valeria voudrait te féliciter, elle t'attend dans l'ancien bureau de Tharis.

Elle s'appuya à son tour contre la cloison tandis que Gabrielle se dirigeait vers la coiffeuse, retirant les épingles qui maintenaient en place sa coiffure complexe.

- Hey, tu veux une bonne nouvelle?

- Une de plus? Demanda Gabrielle en libérant ses longs cheveux, appréciant la liberté et la légèreté soudaine. Attends, laisse moi deviner, on quitte la ville demain matin? Devina-t-elle, connaissant les sentiments d'Ellis pour la ville et ses habitants.

- Bingo! Plus besoin de porter allégeance à Sa Majesté Xena - sa voix prit une teinte moqueuse - Madame la Conquérante de toutes les Nations peureuses, Chef Suprême des Incultes de ce pays, Imbécile Absolue qui dirige les pauvres idiots que nous sommes!

Ellis attrapa deux verres sur une commode et les remplit du délicieux vin fruité qu'elle adorait. Elle tendit un verre à Gabrielle en souriant et lança:

- Buvons à notre départ de Corinthe!

Les deux jeunes femmes trinquèrent, mais n'eurent guère le temps de profiter de ce calme moment d'intimité, dérangées par des coups frappés à la porte de la loge.

- Oui?

Ellis ouvrit la porte à deux soldats portant l'armure et le sceau de la Conquérante. Le premier observa la jeune femme de haut en bas, fronçant les sourcils.

- C'est toi Gabrielle?

- Qu'est-ce que vous voulez?

Avant même qu'Ellis puisse répondre Gabrielle s'était avancée, observant à son tour les deux hommes avec un dédain ostensible.

- Laquelle des deux est Gabrielle?

- Je vous ai posé une question, qu'est-ce que vous voulez? Et répondez vite, je n'ai pas que ça à faire.

Le deuxième soldat lui jeta un regard effaré, ce n'était pas souvent qu'une femme osait répondre ainsi à un soldat de l'armée impériale.

- J'ai ordre de venir chercher Gabrielle la poétesse.

A peine ces mots prononcés, Gabrielle éclata de rire.

- Ordre? Et pour aller où?

Cette fois le soldat se fit menaçant.

- Ce sont les ordres de la Conquérante, alors suis-moi.

Il attrapa le bras de Gabrielle et la tira vers l'extérieur sous le regard de l'autre soldat qui ne savait pas si maltraiter la jeune artiste était permis ou non. La Conquérante n'avait rien dit, mais il avait vu la pièce, et c'était vraiment bon. Si la Conquérante avait apprécié le spectacle, il n'était pas sur que contraindre l'artiste lui donnerait l'occasion de monter en grade. Ou de garder la vie sauve. 

- Mais lâchez-moi! S'indigna Gabrielle en se débattant. Vous n'avez pas le droit!

La poigne du soldat se resserra et la jeune femme ne put rien faire d'autre que de le suivre, refoulant des larmes de douleur.

 

 Malgré ses efforts, elle n'eut d'autre choix que de suivre les gardes. Ils la firent pénétrer dans une petite pièce sombre, à l'arrière du bâtiment.

La poigne de l'homme se fit plus incertaine, tandis qu'il regardait autour de lui avec inquiétude.

- Lâche là.

La main du garde lâcha immédiatement sa prise. Lui et acolyte se mirent au garde à vous, attendant un autre ordre, les yeux dirigés vers l'endroit d'où était provenue la voix.

- Sortez.

Ils ne se firent pas prier et quittèrent la pièce, laissant Gabrielle seule avec la Destructrice des Nations.

- Mais qu'est ce que ça signifie, pourquoi m'avoir amenée ici ? s'écria la jeune femme, la colère transparaissant dans sa voix.

La Conquérante avança vers elle, sortant des ombres qui la dissimulaient. Ignorant la question qui lui avait été posée, elle parla d'une voix doucereuse :

- Bonsoir Gabrielle.

- Seuls mes amis m'appellent comme cela. dit-elle dans un ton qui se voulait sec.

Xena s'approcha encore davantage de l'artiste, jusqu'à être à un pas seulement. Gabrielle leva ses yeux pour rencontrer ceux de la femme en face d'elle.

Elle dût reconnaître que les nombreuses peintures représentant la souveraine ne lui rendaient pas justice. Elle avait beau avoir vu ce visage frappé sur toutes les pièces de monnaie, elle avait l'impression de le découvrir pour la première fois.

Les traits de la Conquérante étaient quasi parfaits, elle avait devant elle une beauté aux yeux bleus aussi froids que la glace.

Elle s'arrêta net dans sa contemplation en découvrant un sourire narquois sur les lèvres de la guerrière.

- Et comment suis-je censée t'appeler alors ?

- Qui te fait croire que j'ai envie d'être appelée, Conquérante ? Tous les sujets de Grèce ne sont pas à ta disposition.

L'insolence de la poétesse aurait été immédiatement sanctionnée, si celle-ci n'avait pas présenté un quelconque intérêt pour la guerrière.

Xena usa de sa volonté légendaire pour s'empêcher de répliquer par la violence. A la place, elle lui répondit, sur un ton malicieux.

- Non, en effet, ce sont tous les hommes du monde connu qui le sont.

Gabrielle s'approcha d'elle jusqu'à sentir son souffle sur sa peau. Lorsqu'elle prit la parole, on pouvait entendre la colère dans sa voix.

- Je comprends mieux comment nous en sommes arrivés là, au vu de ta considération pour le peuple et ce qu'il peut vouloir.

- Et toi, que sais-tu du peuple, Gabrielle ?

La voix était calme, sincère. Pourtant la question fit rire l'artiste. Comment la femme la plus puissante du monde osait elle lui demander cela ?

- Plus que toi, sois en sûre.

- Il est facile d'affirmer petite fille. Mais il n'est pas donné à tout le monde d'être proche du peuple. Surtout lorsqu'on a le luxe de pouvoir avoir accès à l'instruction.

La poétesse fulminait sous les attaques de la Conquérante.

- La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité !

Sa réplique n'eut d'autre effet que de faire rire la Destructrice des Nations.

- Jusqu'où va ton hypocrisie ? Et ça… 

La Conquérante saisit dans sa main le fin collier d'argent qui pendait au cou de Gabrielle, puis le bracelet assorti.

- Dis-moi, sont-ce des nécessités aussi ?

Pour la première fois de sa vie, la jeune femme se trouva à court de mots. Elle n'avait pas d'explication valable à fournir à son adversaire. 

Son silence ne fut pas manqué par Xena qui arborait un sourire suffisant.

C'en fut trop pour Gabrielle.

- Bonne soirée Conquérante, j'espère que le spectacle t'a plu.

Elle tourna les talons et s'apprêtait à prendre la porte lorsqu'elle sentit un corps musclé venir se plaquer dans son dos et qu'une voix chaude lui murmura à l'oreille.

- Il m'a plu. Où pourrais-je voir une autre représentation ? On m'a dit que tu quittais Corinthe. 

Gabrielle se détacha de l'autre femme avant de se retourner.

- Ta présence n'est pas requise, mais je vais à A…

- Xena…

La voix sortie de nulle part fit sursauter Gabrielle, qui cherchait à présent à distinguer qui avait bien pu parler. Un homme sortit des ombres et s'approcha de la guerrière.

- Arès.

Arès, le Dieu de la guerre ? C'était impossible, personne ne parlait aux Dieux parmi les mortels, excepté quelques élus.

- Qu'est ce que tu veux ? Tu ne vois pas que je suis occupée ? dit la Conquérante d'une voix lasse.

La blonde regardait Xena, incrédule. Elle s'adressait à un Dieu comme à un ami de longue date. Celui-ci ne sembla pas s'en formaliser et vint passer ses mains sur la taille de la guerrière qui ne s'était pas retournée et l'enlaça tendrement.  Il se pencha et dit à son oreille :

- Une rébellion, à Athènes. De grande envergure.

- Que ferais-je sans toi pour me distraire ?

Dans un sourire, elle tourna la tête vers le Dieu qui captura ses lèvres dans un long baiser avant de disparaître.

Xena se reprit, époussetant nonchalamment sa tenue avant de capter le regard ébahi de l'autre femme.

- Où en étions-nous ?

- Je… tu parles aux Dieux, dit-elle, les yeux grands ouverts.

La guerrière ne put s'empêcher de rire sous l'affirmation de la poétesse.

- A vrai dire, ce sont surtout eux qui me parlent. Je m'en passerais volontiers… Tu ne m'as toujours pas dit où tu allais.

Gabrielle reprit contenance et lorsqu'elle parla, son ton était dédaigneux :

- Athènes. Mais inutile de te donner la peine de venir. Je ne voudrais pas que tu aies à te mêler au petit peuple.

Xena arqua un sourcil. Bien peu avaient osé lui parler sur ce ton et aucun n'était encore là pour le dire. Pourtant, cette gamine l'intriguait.

C'était une des rares à oser lui tenir tête, ou du moins, à être assez folle pour le faire en sa présence. Dans d'autres circonstances, elle aurait tué cette insolente pour dix fois moins. Mais quelque chose dans la pièce avait attiré son attention. Elle aurait voulu discuter davantage de son œuvre avec l'auteur, mais leur première entrevue ne s'était pas déroulée exactement de la façon escomptée.

Gabrielle vit la Conquérante perdue dans ses pensées et en profita pour tenter une sortie.

- Bien, je vois que nous en avons fini.

Elle se trouvait lâche de fuir ainsi, mais le fait est que la Conquérante n'était pas comme tous ces gens l'avait dépeinte, et voir toutes ses certitudes ébranlées en une seule fois était beaucoup pour la jeune femme.  La fuite semblait l'alternative la plus raisonnable.

Elle se dirigea vers la porte plongée dans l'obscurité.

Mais la guerrière se glissa devant elle si rapidement que Gabrielle manqua de lui rentrer dedans.

Sa voix était douce lorsque, poussant une mèche de cheveux blonds, elle murmura à son oreille :

- Si elle te fuit, bientôt elle courra après toi ; si elle refuse tes présents, elle t'en offrira elle même ; si elle ne t'aime pas…

La Conquérante ne donna pas à Gabrielle l'occasion de répondre et sortit précipitamment.

Sans qu'elle comprenne pourquoi, son cœur battait à tout rompre. La guerrière connaissait Sappho.

Si elle ne t'aime pas, bientôt son cœur brûlera pour toi, qu'elle le veuille ou non.

 

Une minute plus tard, elle sortit à son tour de la pièce. Elle ne fut pas étonnée de ne pas voir une seule trace du passage de la Destructrice des Nations.

Elle retourna d'un pas distrait dans sa loge, où Ellis l'attendait, inquiète.

- Gabrielle, par les Dieux, où étais-tu?

La jeune femme lui sauta littéralement dessus, folle d'inquiétude.

- Ellis, tout va bien.

Gabrielle caressa distraitement le visage de son amie en face d'elle, ses pensées toujours tournées vers la surprenante rencontre. Oui, que c'était-il passé exactement?

La jeune femme elle même n'aurait pas pu le dire.

- J'étais morte d'inquiétude, ces maudits gardes n'ont pas voulu me laisser sortir!

Ellis expira bruyamment, essayant de se calmer. Elle avait besoin d'un remontant se dit elle en apercevant son verre de vin intact posé sur le meuble. Il fut vide en un instant, et la douceur fruitée glissa dans sa gorge tandis qu'elle étudiait une Gabrielle au regard perplexe.

- Alors, où étais-tu?

- Elle parle aux dieux. Gabrielle secoua la tête en essayant de détacher son esprit de la rencontre. En fait, je crois même qu'elle couche avec un dieu.

Ça avait été tout simplement incroyable. Elle n'aurait jamais cru qu'ils pouvaient paraître si… Normaux? Mortels? En tout cas ça expliquait pas mal de choses au sujet de la Conquérante.

- Tu as vu la Conquérante?

- Mmh mmh.

- Est-ce qu'elle te voulait? Demanda Ellis, intriguée.

- Bonne question. Elle voulait simplement savoir si… Gabrielle hésita. Elle a aimé la pièce.

Cette fois Ellis resta muette.

- Elle est tellement… arrogante! Sa Majesté pense que je ne suis pas proche des gens. Sa voix passa de la perplexité à la colère. Que sait-elle, elle, du peuple?

Elle défit d'un geste brusque les attaches de sa robe et la laissa tomber au sol, enfilant une tunique de soie importée directement de Chine, un cadeau parmi d'autres qu'elle recevait à la suite de ses prestations sur scène.

- Tu sais quoi? Gabrielle fixa les attaches de son col d'un geste brusque. Quittons cette ville de barbares. Nous trouverons bien une auberge sur la route.

Ellis sourit. La Gabrielle fougueuse qu'elle aimait tellement était de retour.

- Bien sûr, laisse-moi juste le temps de faire préparer nos chevaux.

La jeune femme se dirigea vers la porte, mais au moment de sortir, elle se retourna.

- Au fait, n'oublie pas de passer voir Valeria.

- Oui oui.

- A tout de suite.

 

 

*          *         *         *         *

 

Dieux, si c'était vrai que l'on naissait avec des talents bien déterminés, celui de Valeria était de savoir lécher les bottes de tout le monde pour obtenir ce qu'elle voulait.

Gabrielle sortit du bureau de la nouvelle directrice les bras chargés de parchemins de meilleure facture que ceux que l'on pouvait trouver sur le marché. En acceptant ce cadeau, la jeune femme savait que c'était une promesse implicite de revenir dans son théâtre et uniquement dans celui-ci, la prochaine fois qu'elle reviendrait se produire à Corinthe.

Mais après tout, qui pouvait dire si elle reviendrait dans cette ville un jour?

Gabrielle visait un siège haut placé à l'Académie, les voyages incessants la fatiguaient, ne lui laissant que moins de temps pour la création de ses pièces.

Alors prendre les parchemins ne la contraignait pas vraiment.

 

Arrivée à sa loge elle déposa son fardeau sur un des sièges bas avant d'aller préparer son sac. Mais son geste fut stoppé net quand elle aperçut une courte note posée sur la coiffeuse. Ça portait le sceau de la Conquérante.

Son cœur se mit à battre plus vite quand sa main toucha le parchemin, et ses yeux glissèrent rapidement, lisant les quelques mots.

Ce soir.

Et c'était signé d'un simple X. 

 

 

*          *         *         *         *

 

- Gabrielle, pourquoi devons nous partir si vite? Demanda Ellis en laissant son regard faire le tour de la chambre une dernière fois avant d'en sortir.

- Je croyais que tu étais pressée de quitter cette ville?

Gabrielle n'avait pas parlé de la note trouvée dans la loge, et elle n'en avait nullement l'intention. Sa rencontre avec la Conquérante était trop étrange pour qu'elle puisse en discuter avec quiconque, même avec Ellis.

- Hey, je ne m'en plains pas! Répondit Ellis en l'observant. Tu es sûre que tout va bien?

- Oui, alors arrête de me poser la question ! Rétorqua Gabrielle en s'éloignant d'un pas vif.

Son amie soupira et elle la suivit, sans un regard en arrière pour la ville de Corinthe.

 

*          *         *         *         *   

 

Sur la route entre Corinthe et Athènes, le lendemain.

Les deux jeunes femmes longeaient tranquillement le bord de la route, Ellis écoutant Gabrielle répéter une nouvelle histoire qu'elle voulait inclure à la prochaine représentation. C'était une histoire assez simple mais Gabrielle était un peu tatillonne sur la manière de rendre l'action aussi prenante que possible.


Un bruit dans les fourrés les fit toutes les deux sursauter.

- T'as entendu? Demanda Ellis.

- Oui… Ce… ça doit sûrement être un animal!

Gabrielle tentait de se montrer rassurante, mais il était évident qu'elle ne se sentait pas en sécurité.

Quelle idée elle avait eu de partir précipitamment. Elles se retrouvaient maintenant seules au beau milieu d'une forêt.

Leurs chevaux commencèrent à s'agiter, leur confirmant que quelque chose ne tournait pas rond. Soudain, trois hommes leur firent face.

- Salut les filles. Vous êtes perdues?

Sans attendre de réponse, deux des hommes saisirent Ellis par l'épaule et tentèrent de l'arracher de son cheval. Elle se débattit du mieux qu'elle put mais ses efforts étaient vains.

- Descends.

Gabrielle était comme paralysée, incapable de faire le moindre mouvement et encore moins de réfléchir.

L'homme fit un pas menaçant vers elle, lui faisant retrouver ses esprits. Elle descendit de son cheval. Elle ne pouvait pas abandonner Ellis et peut être que si elles se montraient coopératives, ils ne leur feraient pas de mal…

- Nous n'avons pas beaucoup d'argent mais…

Il lui fit signe de se taire de la main.

- Votre argent ne nous intéresse pas, vous avez bien mieux à offrir…

Le chef s'approcha davantage de Gabrielle. Il était grand, musclé et vu son odeur, les notions de toilette quotidienne n'étaient pas son fort. Il attrapa Gabrielle par le bras et l'attira à lui. Elle essaya de se libérer de sa prise, mais l'homme était bien trop puissant. Lui jetant un regard lubrique et impatient, il posa sa main sur sa poitrine.

- Lâche là, fils de Bacchante!

Ellis se débattit de toutes ses forces, la vue de Gabrielle à la merci de cet individu lui donnant une poussée d'adrénaline supplémentaire. Les deux hommes avaient à présent du mal à la retenir. Elle était comme folle à lier, une véritable hystérique.

Elle sentit soudain leur prise se relâcher et profita de l'instant pour se ruer sur leur chef.

Ellis se jeta littéralement sur lui, le faisant tomber dos à terre. Elle lui infligea quelques coups de poings au visage avant qu'il ait eut le temps de réagir.

Gabrielle restait immobile. Elle n'avait jamais vu Ellis dans un tel état. Elle fut sortie de sa torpeur lorsque celle-ci lui cria:

- Gabrielle! Aide-moi!

Sans plus attendre, elle donna un violent coup de pied dans les côtes de l'homme, lui coupant le souffle. Puis un autre dans la tête.

Elles ne s'arrêtèrent que lorsqu'elles virent l'homme inconscient, le visage en sang.


Le seul bruit dans la nuit était celui de leurs respirations erratiques.

- Ça va?

Ellis posa sa main sur l'épaule de Gabrielle. Celle-ci hocha la tête sans un mot.

- Viens, allons nous en.

Gabrielle saisit la main tendue et se releva. Elle monta sur son cheval, tandis qu'Ellis faisait de même sur le sien. Gabrielle eu un dernier regard sur l'homme inconscient, ne voyant plus trace des deux autres.

Elles partirent au galop, sans demander leur reste.

 

                        *          *          *          *          *         

 

Plusieurs marques de chandelle plus tard, Gabrielle arrêta son cheval et regarda alentour.

- Il y a une clairière pas loin, je suis déjà venue ici. On devrait se reposer…

- T'es sûre?

Ellis se retourna, regardant une fois de plus la route.

- Ils… et si ils reviennent?

- Ils sont loin. On a plus rien à craindre. Et je suis épuisée Ellis…

- T'as sûrement raison. Je te suis…

Gabrielle guida Ellis jusqu'à une petite clairière à l'abri des regards.

- Presque personne ne connaît ce coin, t'en fais pas. 

Ellis installa leurs couvertures côte à côte pendant que Gabrielle tentait d'allumer un feu.

- Au fait, comment t'as fait?

- Fait quoi? Demanda Ellis.

- Ben pour te débarrasser des deux autres?

- A vrai dire… je sais pas trop…

- Comment ça?

Gabrielle jeta un regard intrigué en direction de sa compagne. Elle regarda une dernière fois le feu qu'elle venait tout juste de faire prendre et vint s'installer à ses côtés.

- J'ai vu ce gars mettre sa main sur toi… et… je me suis libérée…

- Comme ça?

- Ben… ouais… mais tu sais quoi?

Ellis se plaça devant Gabrielle, posant ses mains sur les siennes. Elle se mordit la lèvre en la regardant et s'approcha, sa bouche s'arrêtant à quelques millimètres des lèvres de Gabrielle.

- J'ai pas vraiment envie de parler d'eux… là … tout de suite…

Elle se pencha et captura ses lèvres. Le baiser devint vite plus fougueux et la fatigue qu'elles avaient pu ressentir quelques temps plus tôt semblait être de l'histoire ancienne.

Une main dans ses cheveux, Ellis allongea Gabrielle sur les couvertures, collant son corps au sien. Leurs langues se combattirent un instant puis Ellis glissa ses lèvres sur son cou, l'effleurement se transformant en légères morsures, augmentant son envie d'elle à chaque seconde. Sous la douce exploration Gabrielle ne pouvait retenir les vagues de frisson qui la parcouraient.

Une main caressa son dos, et bientôt son haut ne fut plus qu'un souvenir. Ellis fit glisser son autre main de ses cheveux à son épaule, avant de descendre sur sa poitrine, et un doigt caressa la vallée entre ses seins.

Les muscles du ventre de Gabrielle se contractèrent quand la pulsation entre ses jambes devint trop obsédante. Elle se cambra. Le feu qui courait dans ses veines demandait à être assouvi. Immédiatement.

Elle prit la main d'une Ellis qui semblait décidée à prendre son temps et la fit descendre sur son corps jusqu'à ses cuisses nues, puis remonta lentement, la faisant passer sous sa jupe. Leurs mains liées rencontrèrent son sexe sous le tissu de sa culotte, chaud et humide d'un désir qui n'allait pas tarder à la submerger et elle la regarda dans les yeux, dans un ordre silencieux.

Ellis se redressa et lui fit un sourire charmeur avant de capturer un sein entre ses lèvres. Elle joua avec un téton dressé, l'aspirant, le mordillant.

La main de Gabrielle lâcha la sienne et ses doigts glissèrent dans son intimité brûlante, donnant à Gabrielle ce qu'elle voulait.

" Continue… " Gémit Gabrielle dont les hanches bougeaient d'une manière incontrôlable au fur et à mesure que son plaisir augmentait.

Elle savait qu'elle ne tiendrait pas longtemps. Ellis avait toujours su comment la faire réagir. Son corps tremblait sous les mains expertes, un plaisir intense qui la parcourait, le long de ses jambes, dans son ventre, entre ses reins.

Ellis retira ses doigts puis la pénétra à nouveau, plus profondément. Encore. Et encore.

Gabrielle se cambra contre ses doigts, les yeux à moitié clos, cherchant la délivrance.

" Plus fort " Souffla-t-elle entre ses dents.

Alors qu'elle était au bord du gouffre un mouvement dans les buissons sur sa gauche attira son regard.

Ses yeux se fichèrent dans ceux de la personne qu'elle était certaine de reconnaître. Et elle ne rompit jamais le contact alors même que les vagues de plaisir s'emparaient de son corps, gardant les yeux grand ouverts quand la jouissance l'atteignit enfin.


 

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