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Fictions Lesbiennes :)

Fictions Lesbiennes :)
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26 janvier 2012

Chapitre 13

Chapitre 13 : Remises en question

 

Je ne peux pas.

Elle ne veut pas.

Je ne peux pas la forcer, ce serait injuste de ma part. Il faut que je parte.

Je détache le bras qui était resté autour de ma taille et passe sous l’autre. J’attrape la clé du casier qui dépasse de son peignoir et pars aussi vite que je peux.

Je n’ose pas regarder derrière moi. C’est ma chef et même si elle est célibataire, elle n’est pas à ma portée. Qui suis-je pour profiter d’elle alors qu’elle vient juste de m’éviter de me fracasser le crane au sol ?

Je m’habille sans prendre la peine de me sécher. Mes cheveux dégoulinent encore lorsque j’interpelle l’une des masseuses, lui remettant la clé du casier pour qu’elle la donne à Shaell.

Sans perdre un instant de plus, je quitte l’établissement.

Mon pas est rapide. Je n’ai pas la moindre idée d’où je vais, mais il faut que j’évacue une partie de la tension accumulée.

J’ai surement ruiné tout ce qu’il pouvait y avoir entre nous.

Putain !

Quelle conne !

Je m’arrête sur un banc public et m’assois lourdement.

Je suis vidée.

Je ne sais pas quoi faire.

Où aller.

Je pense qu’elle va rester profiter de la thalasso tranquillement, sans employée perverse pour la reluquer.

Et merde… pfff pourquoi faut il qu’elle me fasse cet effet la ?

Ne voyant pas d’autre chose à faire, je me décide à demander conseil à ma commère préférée. Mais avant, autant m’amuser à ses dépends, ça me détendra.

J’allume mon téléphone et accède à ma boîte mail, histoire de transférer la vidéo du baiser pour l’envoyer à Steph. Immédiatement après, je l’appelle en visio.

Elle répond directement, installée sur ce qui semble être son canapé.

-          Salut toi ! me dit-elle, joyeuse.

-          Coucou.

-          J’ai cru que t’étais morte, j’avais plus de nouvelles.

-          Tu ne crois pas si bien dire…

Ses sourcils se froncent et elle remet une mèche de cheveux bruns derrière son oreille avant de demander, sérieuse :

-          Qu’est ce qui t’arrive ? T’es tombée dans la fontaine de l’hôtel en public ?

Je passe ma main dans mes cheveux mouillés en souriant :

-          J’aurais préféré.

-          Accouche tu sais que je suis pas patiente !

-          T’es surtout super curieuse oui !

-          Je m’inquiète de ta santé mentale, c’est différent !

-          Pas de la où je me tiens.

-          Bref ! Que me vaut la joie de ton appel ? Il s’est passé quelque chose ?

Elle a son air de maitresse d’école en train de faire une réprimande en me disant ça.

-          Pas qu’une seule chose ! Ton pc est allumé ?

-          Oui pourquoi ? demande-t-elle

-          Va voir tes mails, je viens de t’envoyer un truc.

Je l’observe se déplacer dans son appart, vu qu’elle a pris le téléphone avec elle. Une fois le téléphone bien calé, je la vois tapoter sur son clavier pendant que je combats l’envie de vomir que ce court voyage m’a donné.

-          En effet. J’ouvre la pièce jointe ?

Je sais très bien que je lui fais plaisir en faisant ma tête blasée avec un sourcil levé mais je ne peux pas m’en empêcher !

-          Non non, je l’ai mise juste pour faire genre !

-          Ah ben dans ce cas… !

-          Steph…. Ouvre.

Elle clique, surement pour télécharger la vidéo et je scrute l’écran de mon téléphone, attendant avec impatience de voir sa réaction.

Elle prend un paquet de bonbons en main et commence à manger en même temps que la séquence débute, enfin d’après le son que m’envoient ses hauts parleurs.

J’observe avec une certaine avidité son attitude, notant les sourcils qui se lèvent de plus en plus…

-          Nan, vous n’avez quand même pas … ?  demande-t-elle dans le vide, le regard rivé à l’écran de son ordinateur.

Alors que je m’apprête à lui demander ce qu’elle en pense, j’observe ses yeux faire un truc étrange avant de la voir tomber de sa chaise.

Je lève un peu la tête, espérant admirer l’atterrissage ou même m'assurer qu'elle va bien mais étant donné que le téléphone n’a, lui, pas bougé, je n'assiste pas à grand-chose.

-          Steph ? Ça va ?

J’aperçois une main, puis un bras, puis enfin sa tête. Son autre main masse un point dans sa chevelure brune tandis qu’elle se relève et s’installe sur sa chaise tant bien que mal.

-          T’es dingue ! T’aurais pu prévenir !

-          Et gâcher la surprise, certainement pas !

-          T’aurais pu me tuer ! J’ai failli faire un arrêt !

-          Tu vas bien, t’es solide je le sais !

-          Mouais… En plus j’ai mis des bonbons partout, ils sont gâchés !

Le fait que son encas soit désormais passé du côté « non comestible » semble plus la déranger que sa future bosse. Finalement, sa curiosité bat son agacement tandis qu’elle relance la vidéo et me demande :

-          T’as truqué ça ?

-          Même pas !

Je ne peux m’empêcher d’être un peu fière.

-          Bien joué alors ! Elle embrasse bien ?

Alors que j’allais répondre, elle s’empresse de rectifier sa question :

-          Nan nan atta ! C’est un bon coup ?

Elle jubile visiblement pour moi et s’approche de son téléphone jusqu'à occuper tout mon écran avec son visage. Ses yeux de folle furieuse et son sourire béat m’inquièteraient si je ne la savais pas inoffensive.

-          Il ne s’est rien passé entre nous.

-          MENTEUSE ! AU BUCHER ! Je viens de voir la preuve contraire !

Elle s’agite et se recule pour me pointer d’un doigt accusateur. Je me sens obligée de me justifier :

-          Non… rahh, je veux dire, là on était forcées.

-          Mouais. Tu me feras pas croire qu’elle a du trop te forcer. La dragonne est du genre à faire de nous des esclaves du travail mais toi… Pas besoin de te contraindre pour te faire l’embrasser. Je me trompe ?

Elle ajoute son « je me trompe » en voyant mon air offusqué, même si je sais bien qu’il y a une part de vrai. Je finis par répondre, bougonne et pleine de mauvaise foi :

-          Moui. M’enfin là c’est pas venu de moi ! T’as vu t’as vu, c’est elle qui m’a embrassée ! Fin bref.  Tiens, et si on changeait de sujet ?

Sympa, elle accepte direct :

-          Explique ton état ! dit elle en désignant sa chevelure.

-          Bah t’as vu, on a gagné le tirage au sort, et on a été à la thalasso aujourd’hui.

Je l’observe souffler sur un des bonbons qu’elle vient de ramasser au sol et l’apporter a sa bouche. Elle s’arrête juste avant que ses dents ne broient ce qui semble être une fraise tagada.

-          Et ?

-          Tu ne manges pas ton bonbon ?

-          J’attends que tu me dises ce qui s’est passé avant, je suis sûre que tu veux encore attenter à ma vie, par étouffement cette fois !

Le pire, c’est qu’elle a l’air d’y croire. Je souris, lui fais un clin d’œil juste pour la faire psychoter et continue.

-          Parano. Bah disons qu’à cause de ça, je suis dans la merde.

-          Laisse-moi deviner. Tu l’as vue couverte d’une combinaison de plongée, coincée du cul comme elle doit être, et comme t’avais pas dormi rien qu’à l’idée de la voir en maillot t’as arraché ce qu’elle avait sur elle et tu l’as palpée à même le sol ?

-_-‘

Merci Steph pour le vote de confiance. Même si pour la partie ou je la tripote elle a visé proche de la vérité.

-          Tu te trompes sur la partie combinaison de plongée, crois moi !

Ses yeux menacent de sortir de sa tête :

-          Tu as vu la harpie dénudée ?

-          En deux pièces quoi ! Et ne l’appelle pas comme ça s’il te plait.

-          Oh mon Dieu ! Tu es passé du côté obscur ! Tu fais partie de ses troupes maintenant ! Vade Retro !

-          N’importe quoi ! C’est juste que je… j’ai… appris à la connaître.

Elle pondère ma réponse un instant, baisse ses doigts qu’elle avait mis en signe de croix devant le téléphone et reprend :

-          Bref, c’est pas ça l’important de toute manière ! Elle a des vergetures ?

Pourquoi ses questions complètement à côté de la plaque ne m’étonnent-elles pas ?

-          Pas que je sache. Enfin j’en ai pas vu !

-          T’as survécu à l’expérience, c’est qu’elle ne doit pas être aussi bien foutue que ça !

-          Oh que si…

Je me demande si mon ton avait l’air aussi rêveur que ce que je crois. Malgré cela, elle semble perplexe :

-          Et tu ne t’es pas liquéfiée sur place ?

-          Sur la durée on va dire.

Elle paraît inquiète pour moi et me demande, hésitante :

-          Je dois m’attendre à te voir quitter l’entreprise ?

-          Honnêtement je ne sais pas.

-          Sérieux ? A ce point ? T’as fait quoi ?

Un soupir m’échappe avant que je ne parle. Comment dire ça ? Comment le décrire ?

-          C’est… compliqué.

-          Essaie quand même ! Pour moi !

Elle me fait une belle imitation de chien battu et j’accepte de m'expliquer :

-          Je suis dans la merde. Je… Je commence à l’apprécier…

-          Pour son physique ? C’est pas nouveau.

-          Pas seulement. C’est ça le problème. Aujourd’hui, j’avais envie de… J’ai essayé de toutes mes forces de me retenir… Enfin je l’avais a portée pi… j’ai glissé, elle m’a rattrapée et…

-          Tu l’as embrassée ?

Elle est visiblement stressée alors qu’elle me demande ça, portant ses mains dans sa chevelure en attendant ma réponse :

-          Non. J’en crevais d’envie. Je me suis retrouvée contre elle et je l’ai… Caressée on va dire.

-          Où ? Longtemps ? Elle t’a laissée faire ? C’était bien ? Minute, elle a la peau douce ?

-          Euh… Dans le dos et sur le côté. Et pi je sais pas si elle m’a laissée faire. Elle était comme surprise…

-          Et elle a dit quoi ? Elle t’a giflée ?

-          Elle a pas eu le temps ni de dire, ni de faire quoi que ce soit. Je me suis tirée avant…

Elle se mord la lèvre sous l’effet de l’inquiétude et me questionne, après quelques instants de réflexion :

-          T’es bonne à quelque chose d’autre que ton boulot ? Juste au cas où…

-          Tu crois que je vais me faire virer ?

-          Honnêtement je sais pas… Je dois vraiment te rappeler QUI tu as osé palper ? Je veux dire, la plupart n’osent même pas la regarder… Alors la tripoter…

Je ne sais pas quoi faire de sa réponse. D’un côté elle n’a pas tort, de l’autre, la femme avec qui je partage mes journées depuis quelques jours n’a rien à voir avec son double diabolique des bureaux.

Bordel !

Je suis suffisamment désespérée pour demander conseil à Steph :

-          Qu’est ce qu’il faut que je fasse ?

-          Bah, t’excuser serait bien. Même si ce sera pas crédible, t’auras essayé quoi. T’as vu sa réaction ?

-          J’étais trop occupée à m’enfuir pour regarder.

-          Mouais. Ça n’aide pas trop. Excuse-toi, je vois que ça. Et pas genre « désolée de t’avoir  caressée », trouve plutôt quelque chose dans le « je sais pas ce qui m’a pris ».

-          Ouais…

Je suis dégoutée, elle n’a pas l’air beaucoup plus optimiste que moi. Tu parles d’une remonteuse de moral !

Visiblement, elle arrive parfaitement à lire le désarroi sur mon visage vu qu’elle s’approche du téléphone d’un air compatissant :

-          Hey Liz… Ça veut rien dire tu sais… Si elle fait si peur, c’est parce que la démon- parce qu’elle est imprévisible. Tu peux pas savoir comment elle va réagir…

-          Bah quand même…

-          Non, tu peux pas. En te voyant partir avec elle faire ce voyage, j’étais déjà prête à envoyer une couronne à tes parents, mais apparemment ça va…

Ça va ? Comment elle peut dire ça, la situation pourrait difficilement être pire ! Je m'empresse de la corriger et m'exclame :

-          Ça allait tu veux dire !

-          Non ! Je veux dire ça va ! Elle ne t’a pas encore étripée et à moins que tu sois la plus grosse masochiste au monde, elle a peut être même été sympa avec toi.

-          Mouais…

-          Et pi elle t’a embrassée hein…

-          Sous la contrainte.

-          Même. Et pi si tu veux mon avis, elle y a mis la manière. On n’est pas du même bord mais au vù de ça, ma barque vacillerait presque !

Qu’elle est bête ! Au moins, ses idioties me font sourire. Il y a une part de vérité dans ce qu’elle dit. Peut-être que tout espoir n’est pas perdu ?

-          Je préfère ça !

-          Hey !!! Arrête tout de suite Steph !

-          Ben quoi ? Tout ce que tu penses est traduit en mimiques, j’y peux rien.

Ok. Après Mattéo et Shaell, c’est elle qui me le dit.

Minute.

Si tout ce que je pense…

Alors dans la thalasso… Elle aurait du le voir venir, right ?

-          Je vois de la fumée !! Arrête ça, tu te fais du mal !

De l’autre côté du téléphone, ma collègue arrangée fais mine de souffler pour m’éteindre. Et dire que je suis amie avec elle…

-          Sérieux Liz, arrête… Trop réfléchir te servirait à rien là. Attends de la revoir et tu aviseras…

-          Depuis quand tu es de bon conseil toi ?

-          Depuis toujours darling, c’est juste qu’avant t’avais la tête tellement loin dans ton hum-hum que t’entendais pas !

-          No comment !

-          Bref ! Je vais devoir te laisser, j’ai un gâteau au four et toi t’as une pneumonie en chemin si tu ne te sèches pas !

Je l’observe, dubitative :

-          T’es sérieuse la ? Las Vegas est dans le Nevada. Autour il y a le désert tu sais… Mes cheveux sont déjà quasiment secs !

-          Ouais ben mon fondant au chocolat géant doit l’être aussi ! Et j’aime le manger tant qu’il est chaud !

-          Ok ok, face à de tels arguments…

-          Voilà ! Bon ! Appelle-moi dès qu’il y a du nouveau. ajoute-t-elle.

-          Oui oui.

-          Je compte sur toi !

-          Mais oui, ok !

-          Ça marche alors. Moi je vais me remettre du choc et analyser cette intéressante petite vidéo. Le chocolat m’aide à réfléchir ! Si j’ai une idée qui puisse t’aider à t’en sortir je te fais signe.

-          Ok ! Bonne journée. Et Steph ?

-          Oui ?

-          Merci.

-          De rien ma belle ! Courage !

-          C’est gentil.

La conversation prend fin sur ça et je dois dire qu’elle a plutôt bien réussi son job. Je suis un tout petit peu rassurée.

Je range mon téléphone dans ma poche et m’adosse au banc. Le soleil tape plutôt fort et l’envie de rester à me faire griller comme un steak n’est pas franchement là. D’un autre côté, l’alternative, à savoir retourner à la chambre d’hôtel ne m’attire pas non plus.

J’imagine que j’y serais tranquille, à tous les coups Shaell est restée profiter de la thalasso. Après tout, rien de tel qu’un moment de détente pour se remettre d’un choc.

Mais j’ai pas envie de retrouver cet univers là. Je n’ai pas envie de sentir son parfum dans la chambre, de voir ses affaires de toilette…

Courage Liz, le voyage est bientôt fini. Je retrouverais sûrement la raison en rentrant au bureau. Elle redeviendra la femme froide et inaccessible et tout s’arrangera.

Finalement, je trouve le courage de me lever et de marcher. Le soleil de plomb ne m’aide pas à réfléchir, me collant juste un mal de crane pas possible. Et probablement des coups de soleil.

Bon. Faut que je m’abrite.

Je repère une enseigne qui me promet de bonnes glaces et me décide à entrer. Peut être que ça calmera mon débordement hormonal au passage. Même si le fait que je flippe m’a déjà bien refroidie.

Je commande une glace pilée parfum framboise et bubble gum. Le type me donne une paille géante avec, et je m’empresse d’aspirer autant de glace que possible. Autant me geler le cerveau au passage.

Une fois mon énorme glace terminée, je me remets à parcourir les rues. Ça aura eu le mérite de me rafraichir les idées. Ça ne sert à rien de continuer à me prendre la tête et d’imaginer toutes les solutions possibles et imaginables. Je le verrais bien assez tôt.

Je décide de me rendre dans la direction générale de l’hôtel. Si je ne trouve rien à faire d’intéressant d’ici là, je pourrais toujours tenter de m’endormir, ou faire semblant de pioncer une fois que Shaell rentrera. Comme ça j’éviterais les discussions étranges.

Alors que j’approche de l’hôtel, je me décide à entrer dans un des plus célèbres casinos, décoré façon Rome antique. Je me fais un peu de monnaie avant de trouver une machine à sous où m’installer. D’ordinaire, j’aurais préféré tenter ma chance au Blackjack mais pour le coup, appuyer sur des boutons sans avoir à réfléchir m’ira très bien.

Je ne sais pas combien de temps je passe là, à regarder la machine engloutir mon argent, mais au bout d’un bon moment je me retrouve sans un sou.

On ne peut pas gagner à tous les coups. Je ne m’attendais pas à gagner de toute manière vu l’état de ma chance en ce moment.

Je finis par ressortir, me dirigeant dans la direction générale de l’hôtel, tout en regardant autour de moi à la recherche du moindre prétexte pour ne pas rentrer tout de suite.

Un club de striptease attire mon attention.

Après tout… Ça ne peut pas me faire de mal, non ?

Je veux dire, si ça n’aidera surement pas ma libido, je verrai qu’il y a d’autres femmes, que d’autres peuvent me faire de l’effet.

On verra bien.

Je montre ma carte d’identité à l’homme à l’entrée qui ouvre la porte pour moi. L’atmosphère est sombre, confinée et étrangement réconfortante. La salle est plus grande que je ne l’aurais cru. Je parcours les lieux des yeux, à la recherche de l’endroit idéal pour m’asseoir.

Un coin de la pièce me paraît plus sombre que les autres et l’idée que je puisse regarder sans être vue me plait. C’est d’un pas décidé que je me dirige là bas, slalomant entre les tables tout en regardant les danseuses et serveuses présentes.

Alors que j’arrive à proximité de ma destination, je remarque que la banquette est déjà occupée. Un peu déçue, je m’apprête à me retourner lorsque quelque chose attire mon attention.

Une des stripteaseuses, jolie blonde au corps bien sculpté est en train de faire le lapdance de sa vie à un client. Sauf que ce client porte des talons aiguilles. La curiosité l’emporte, l’envie de voir une femme canon se frottant contre une autre est trop forte. Je me décale sur ma gauche afin de mieux apercevoir la scène. J’ai tout à fait conscience que c’est une sorte de voyeurisme, mais j’ai juste besoin de savoir que je ne suis pas la seule à avoir ce genre d’envies.

Mes yeux finissent par s’adapter à la pénombre ambiante et mon souffle s’arrête.

Non.

Impossible.

Je m’approche encore un peu, attirant involontairement l’attention de la danseuse et sa cliente. Je dois en avoir le cœur net.

La stripteaseuse regarde d’un air confus sa cliente, remarquant que celle-ci s’est arrêtée net alors qu’elle glissait un billet dans son soutien gorge.

Sous mes yeux, ma boss me regarde d’un air horrifié, puis coupable.

Je suis quant à moi trop traumatisée pour qu’une seule émotion ne domine les autres. C’est la dernière personne que je m’attendais a trouver là.

Shaell repousse la danseuse sur ses genoux et s’apprête à se lever, mais je ne crois pas être prête pour lui parler maintenant.

Pas après avoir vu ça

Maintenant elle teste les femmes ? Je pige plus rien.

Je me retourne et me dirige vers la sortie à la limite du pas de course.

Sans un regard derrière moi, je m’enfuis en direction de l’hôtel. Je compte bien me réfugier dans la chambre. Je ne pense pas qu’elle va venir après ça.

Je m’affale directement sur le lit, regardant le plafond.

Qu’est ce qui lui est passé par la tête ?

Je la tripote et pi elle va profiter des charmes d’une jeune femme dans un club ? Quel genre de logique dérangée c’est ça ?

Faut que j’arrête de penser, ça donne rien de bon en général.

Deux minutes ? Peut être qu’elle à réellement été en couple avec une femme pendant 3 ans !

Argh. Non, pas possible. Pas elle. Faut que j’arrête de rêver.

Je sais plus.

J’allume la télé et reste un bon bout de temps à regarder l’écran sans vraiment y prêter attention.

Je regarde par la baie vitrée et remarque que la nuit est tombée. Un coup d’œil au réveil sur la table de nuit m’indique qu’il est beaucoup plus tard que je ne l’aurais cru.

Elle aurait déjà du être rentrée.

Les minutes passent et je commence à m’inquiéter.

Et si elle m’avait suivie hors du club, avait traversé sans regarder et s’était faite renverser ?

Plus le temps passe, plus je me fais du souci.

Au bout d’un moment, je ne tiens plus et attrape mes baskets. Une fois chaussée, je sors et me dirige immédiatement vers l’ascenseur. Quelques minutes plus tard, je suis devant la chambre d’Angy. Enfin je crois.

Finalement, je me décide à toquer.

Je suis rassurée en entendant la voix d’Angy dire :

-          J’arrive, une seconde !

Elle m’ouvre quelques instants plus tard, légèrement à bout de souffle.

-          Hey ! Désolée j’étais affalée devant la tv !

-          T’inquiète, j’étais pas mieux il y a quelques instants. Comment ça va ?

-          Bah écoute bien et toi ? Mais reste pas là, entre.

Je franchis la porte pour pénétrer dans une chambre qui ressemble vaguement à la notre, mais en moins luxueux. La vue donne du côté opposé de l’hôtel. Mais j’ai pas le temps de répondre à sa question qu’elle me dit d’un air joyeux :

-          J’imagine que t’es là pour me demander si je l’ai pas vue ?

-          Tu l’as vue ?

J’essaie de cacher mon enthousiasme à l’idée qu’elle sache où elle est :

-          Ouais, en coup de vent. Elle est passée, fin stressée. Elle m’a marmonné un truc et est repartie. Je pense qu’elle est avec Matt. S’est passé quoi au juste ?

Je ne sais pas si je dois lui dire la vérité ou pas. Je veux dire, si Shaell avait voulu qu’elle sache, elle lui aurait dit. Non ? Je décide de la jouer fine en disant :

-          Elle t’a dit quoi ?

-          D’après ce que j’ai compris, vous êtes allées profiter de la Thalasso, soit dit en passant je te déteste d’avoir gagné à ma place, pi que t’avais comme paniqué, que t’es partie très vite et que tu l’as retrouvée par hasard dans un club de strip.

Oh.

Donc elle sait l’histoire en gros.

-          Elle t’a dit pourquoi j’étais partie ?

-          Non. […] Bon après j’ai ma petite idée.

-          Ah ?

Involontairement, je sens mon sourcil se lever. Présomptueuse la petite. Imperturbable, elle me dit :

-          Je suis peut être blonde, mais pas aveugle. Vu comment tu la lorgnes dès qu’elle a le dos tourné, je parie que t’as pas résisté… T’as du faire un truc. J’hésite entre l’embrasser ou peut être t’approcher très près avant de te faire peur à toi-même et t’enfuir. Je suis loin de la vérité ?

J’envisagerai de répondre une fois que ma bouche daignera se refermer. Quelle petite …. Bien sûr que je la mate, mais ce n’est pas une raison pour me le faire remarquer !

Grognon, je réponds :

-          Pas trop.

-          Elle a réagi comment ?

-          Bah honnêtement, j’étais trop occupée à regarder dans quelle direction je m’enfuyais pour l’observer ! Elle ne t’a rien dit à ce sujet ?

-          Je t’ai dit, elle n’est pas restée très longtemps. Pi elle était plus perturbée par le fait que tu l’aies surprise qu’autre chose.

Je m’assieds sur le canapé, un peu déçue. Je ne sais pas quoi penser. Elle vient s’installer à mes côtés, avant de poser sa main sur mon genou, tentant de me réconforter.

-          T’inquiète pas. Elle a juste besoin de temps.

-          Non mais…. Je suis juste stupide.

-          Dis pas ça….

Elle passe son bras autour de mon épaule, m’attirant à elle. Je suis tellement dégoutée que je n’apprécie pas sa proximité autant que d’ordinaire.

-          Non mais c’est vrai. Je veux dire on s’est rapprochées, on s’entendait pas si mal et pi j’ai tout foutu en l’air.

Angy semble réfléchir un moment avant de se tourner vers moi et me dire :

-          Tu sais, je crois qu’on peut dire que je la connais bien, même très bien et je sais un truc avec certitude : quoique t’aies fait, y’a beaucoup de chances pour qu’elle l’ait vu venir.

-          C’est censé me réconforter ?

Elle me regarde comme si j’étais la fille la plus crétine au monde :

-          Bah oui voyons ! Elle a un instinct de dingue, c’est d’ailleurs pour ça qu’elle est douée dans son boulot. Elle semble tout savoir à l’avance. Si c’était pas sur un coup de tête, elle l’avait sûrement vu.

-          Mouais… Pourquoi elle m’a pas recadrée direct si ce que tu dis est vrai ?

-          Sérieux Liz, tu te vois dire à quelqu’un qui te reluque « cesse de me mater » ? La probabilité que l’autre nie est de 50% et après tu passes pour une abrutie imbue d’elle-même.

Elle marque un point. Cependant, quelque chose me tracasse toujours :

-          J’avoue ! Mais pourquoi un club de striptease ?

-          Bah j’en sais rien ! C’est toi qui l’as émoustillée !

-_-‘

Mais bien sûr Angy.

-          Tu parles, j’ai rien fait du tout !

-          J’ose même pas imaginer si tu faisais quelque chose alors !

Ça la fait rire, mais moi moins. Je peux pas m’empêcher de demander, d’ailleurs je n’essaie même pas :

-          Mais pourquoi une stripteaseuse ?

-          Bah à ma connaissance, ça fait plus de 2 ans qu’elle n’a pas eu de relation alors bon…

-          Tu crois qu’elle remet en cause sa sexualité ?

Elle me rit ouvertement au nez et je suis un peu vexée. J’ai le droit de rêver quoi !

-          Chérie, après moi, personne ne remet en cause sa sexualité !

Je ne sais pas si mon traumatisme se voit, mais heureusement que je suis assise.

OMG !

Ça veut dire ce que je crois que ça veut dire ?

Je réplique rapidement, histoire de camoufler le fait que je suis choquée :

-          Comment tu fais pour enfiler tes hauts ?

Elle me regarde, perplexe :

-          Comment ça ?

-          Comment tu fais pour mettre tes hauts en ayant une aussi grosse tête ?

Elle me frappe le bras, comme aurait pu le faire ma boss, avant de dire :

-          T’es bête !

-          Je n’arrête pas de le dire ! […] Sérieusement, tu as dit ce que je viens de comprendre ?

-          Ça dépend, t’as compris quoi ? Dialogue de blondes, on n’est jamais trop méfiantes !

-          Que toi et Shaell vous….

Je fais le signe universel du bécotage entre mes deux index en la regardant. Ma chef, ma canon et beaucoup moins hétérosexuelle qu’il n’y parait supérieure aurait eu une relation avec la superbe jeune femme à mes côtés ?

No way !

-          Oui. On est sorties ensemble pendant 3 ans !

AHA ! J’ai la réponse !

Et un gros problème hormonal sur les bras.

Oh non, je vais imaginer !

Des images commencent à se former dans ma tête.

Oh oui, je vais imaginer !

Angy me sort de ma transe en me riant ouvertement au nez.

-          Tu verrais ta tronche ! Ça va aller ?

-          Ouais… J’essaie de me remettre la…

-          Tu ne te doutais pas… même pas un peu ?

-          Tu rigoles ou quoi ? Au bureau, Shaell à l’air plus coincée qu’une nonne. Quelle puisse avoir une sexualité paraissait impossible, alors en plus avec des femmes !

-          Liz Liz Liz… Ton gaydar n’est pas au point !

-          Il l’a jamais été ! Vaut mieux pas !

Elle me regarde, comme si j’étais tombée sur la tête avant de demander :

-          Pourquoi ça ? C’est pratique !

J’hésite à dire lui mentir l’espace d’une fraction de seconde mais finalement j’opte pour la vérité au dernier moment :

-          Bah oui et non. Disons que j’ai pas assez confiance en moi pour faire quoi que ce soit du genre « approcher une femme » alors savoir qu’elles sont de mon bord me torturerait plus qu’autre chose.

-          Je vois. Je comprends pas mais je vois.

J’essaie d’empêcher l’expression faciale « t’es bête ou quoi ? » de s’installer trop longtemps sur mon visage et m’empresse d’ajouter :

-          C’est pas dur à comprendre.

Angy soupire et s’installe plus loin sur le canapé, se tournant légèrement vers moi :

-          Je parlais de pourquoi t’as pas confiance en toi ! M’oblige pas à te complimenter !

Je me sens sourire malgré moi.

Ça veut dire qu’elle me trouve bien ?

La seule idée qu’une femme comme elle puisse me trouver potable me réjouit. Et fais ressembler mon visage à certaines décapotables rouges qu’on peut voir dans la rue.

-          C’est gentil, merci.

-          Me remercie pas, j’ai rien dit ! Bref ! Pour votre histoire t’inquiète pas, elle va certainement venir te parler demain. Il lui faut juste du temps pour digérer le « flagrant délit » si tu veux mon avis !

En même temps, si je ne l’avais pas voulu c’était pareil. Une question me vient cependant à l’esprit :

-          Pourquoi elle ne m’a rien dit ?

-          Sur son homosexualité ?

-          Oui.

-          Pourquoi faire ?

Bonne question. Tu marques un point ! Mais quelque chose me revient à l’esprit.

-          Bah elle est quand même gonflée quelque part. Elle m’a limite accusée d’être une espèce de perverse qui adore la coincer dans ce genre de situations ! Alors qu’en fait elle n’était pas mieux !

Angy émet un rire cristallin avant de répondre :

-          C’est Sha. Elle a parfois un humour tordu.

-          J’ai pu le constater.

Un léger silence s’installe. J’aime beaucoup Angy. Si je n’étais pas obsédée par ma supérieure, je pense que j’aurais songé à tenter ma chance.

Le fait qu’elle soit également une petite blonde aurait fait de nous un couple bien assorti au moins ! Pi j’aurais eu plus de chances qu’avec Shaell. Hétéro ou homo, elle est comme qui dirait « out of my league », on ne joue pas dans la même cour.

J’ai juste peur d’y croire encore un peu plus, envers et contre tout.

-          Allez, fais pas cette tête ! Ça te dit de sortir boire un verre ou manger un bout ? Je suis peut être pas miss briseuse-de-cœurs mais j’ose croire que je fais un substitut potable !

Je me lève et lui tends la main pour l’aider à se lever. Une fois cela fait, une petite claque ponctuée d’un « c’est pour t’apprendre à pas dire de conneries » lui explique de ce que je pense d’elle. Certes, j’aurais pu m’exprimer moins violemment, mais ça aurait été moins plaisant. Pas de raison pour que ce soit toujours moi qui prenne.

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26 janvier 2012

Chapitre 12

Chapitre 12 : Détendez-vous qu'ils disaient...


Alors qu’elle revient, je l’entends faire une pause dans mon dos, puis dire :

-          J’espère que personne ici n’est cardiaque.

Je fais volte face plus vite que l’éclair et demande, apeurée, tout en tentant de regarder mes fesses :

-          Quoi ? Il est pas devenu transparent hein ?

Elle rit et me répond :

-          Non non. Juste que j’avais vu que la partie avant. L’arrière te va tout aussi bien.

Elle prend sa douche tranquillement tandis que je l’attends à la sortie des vestiaires, espérant que d'ici à ce qu'elle ait finit, la rougeur sur mes joues ait disparu.

Le cadre est impressionnant.

Le fond de la salle principale est une immense baie vitrée qui donne sur le désert et le soleil en inonde chaque recoin, créant milles reflets dans toute la pièce. Une cascade d’une dizaine de mètres s’écoule pour venir créer une sorte de lagon artificiel. Il y a beaucoup de plantes qui se mêlent à la pierre, créant une atmosphère de forêt luxuriante.

J’en ai le souffle coupé.

De l’extérieur, je n’aurais jamais deviné que le bâtiment cachait cela. L’hôtel ne s’est pas moqué de nous.

-          Whaa… c’est super beau. Dit-elle.

Je ne l’avais même pas entendue arriver. Je n’avais pas fait attention.

Le cadre à réussi à me faire oublier Shaell Mackenzie en bikini.

Ceux qui se sont chargés du décor ont de quoi être fiers.

Nous avons à peine fait quelques pas qu’une femme vient nous aborder :

-          Mesdames, désirez vous un massage aux huiles essentielles ?

Ma boss et moi nous regardons et d’un commun accord nous suivons la jeune femme. Nous passons dans un tunnel de verdure si opaque que la lumière extérieure n’y pénètre pas. A la place, quelques dalles en espèce de pierre orangée sont éclairées par le dessous, donnant un aspect irréel à la galerie. Je n’ai jamais rien vu de tel.

Arrivées devant une série de portes en bois, notre hôtesse se retourne et nous demande :

-          Vous désirez être massées dans une cabine commune ?

Alors que, pour mon bien, je m’apprête à dire non, j’entends Sha s’enthousiasmer :

-          Avec joie ! C’est plus sympa de pouvoir discuter en même temps !

J’offre un sourire timide et crispé à la jeune femme qui me regarde pour avoir confirmation.

Finalement nous entrons dans une salle beaucoup plus grande que je ne l’aurais cru.

-          Je vous laisse vous installer, vous trouverez les consignes au mur.

La masseuse quitte la pièce, me laissant seule et désemparée avec ma boss qui lit attentivement les instructions. Bien sur celles-ci consistent essentiellement à « se déshabiller et s’allonger en mettant la serviette de telle sorte qu’elle couvre votre modestie ».

Alors que je m’installe, aussi détendue qu’un bout de bois, j’entends ma boss dire :

-          C’est parti ! J’ai hâte, j’ai mal partout !

Je tente de me déshabiller une fois allongée à plat ventre, ce qui ressemble étrangement aux mouvements que pourrait faire un poisson une fois sorti de l’eau. Prenant pitié de moi, Shaell s’approche et me lance :

-          Ne bouge pas, tu me fais de la peine !

D’un geste rapide, elle passe la main dans mon dos et dégrafe mon haut de maillot de bain avec une dextérité qui me paraitrait louche si elle n’était pas une femme.

Crispée, je lui lance un timide merci avant de regarder dans sa direction. Je la vois s’asseoir sur la table de massage, dos à moi. Elle passe ses mains dans son dos et vient défaire le flot qui maintient son haut. Ma respiration s’arrête quand je vois le peu de tissu laisser place à des kilomètres de peau douce. Elle a le dos musclé juste ce qu’il faut, j’ai toujours trouvé ça sexe chez une femme. Elle détache ses cheveux bruns, les faisant cascader dans un mouvement que je suis certainement la seule à trouver poétique avant de les rattacher, probablement pour que la masseuse puisse avoir de la place.

Alors qu’elle se rallonge, je détourne le regard histoire de ne pas être captée en plein reluquage. Une fois que j’ai laissé suffisamment de temps et un petit rab en plus histoire d’être certaine, je la regarde à nouveau.

Heureusement que je suis allongée. De là où je suis, je vois parfaitement le galbe de son sein, accentué par la pression de la table. J’aimer-

-          Bonjour !

Les deux masseuses entrent et viennent à nos côtés.

-          Je vois que tout est prêt. Vous préférez quelle huile ?

Je lui montre rapidement celle que j’ai choisie, reconnaissante du changement de sujet.

Bien vite, je sens les mains chaudes de la masseuse venir se poser dans mon dos. Ses doigts trouvent facilement les nœuds et malaxent mes muscles avec juste ce qu’il faut de fermeté.

Je fais de mon mieux pour ignorer ma supérieure, tout en étant tentée de jeter des coups d’œil.

Je manque de m’évanouir quand elle se met à gémir sous les administrations de sa masseuse.

Je vais pas tenir.

C’est pas possible.

-          Détendez vous, pourquoi vous vous crispez tout a coup ?

Que quelqu’un vienne m’abattre.

J’ignore complètement la question de la masseuse et regarde furtivement ma boss.

Enfin ça aurait pu être furtif si elle ne me jetait pas elle-même un regard interrogateur.

Parfois, être blonde m’arrange. Je me rallonge tranquillement, feignant de n’avoir pas compris la question tacite. Je tourne la tête en direction de la porte, espérant que mon esprit daigne ne plus m’envoyer l’image de mes mains massant Shaell.

-          Au fait, tu n’as pas de nouvelles des autres au bureau ?

-          Non. Enfin si, j’ai eu Steph au téléphone.

-          Retourne toi j’entends mal ce que tu dis !

Blasée mais résignée, je lui fais à nouveau face.

Elle continue de me parler et je fais de mon mieux pour lui répondre, même si mon esprit est complètement ailleurs.

La voir allongée semi nue, entrevoir sa poitrine… Ça me donne des envies d’une intensité rare. J’aimerais m’allonger sur elle, caresser son dos de mes seins, lui murmurer combien je la désire à l’oreille, la parcourir du bout des doigts…

Argh !

-          Vous ne vous détendez pas du tout là madame. Quelque chose ne va pas ?

J’en suis maintenant convaincue. Ces deux masseuses viennent directement de l’enfer et cherchent à me donner un avant goût de ce qui m’attend si je continue à penser des trucs comme ça.

Ne désire pas ta boss, c’est le mal !

-          Non non, tout va bien.

Je prie pour que cette séance de massage se termine le plus vite possible, ayant abandonné toute idée de détente. Inutile d’y croire, relaxation ne colle pas avec « Shaell en maillot de bain ». D’ailleurs ça ne rime même pas, c’est pour dire !

Enfin en même temps, peu de choses riment avec relaxation : décapitation, déformation, annulation, crispation…

Ok ça n’aide pas.

Le reste du massage se passe à peu près sans encombre. La jeune femme qui s’occupe de moi ayant vite pigé que je suis un cas désespéré.

Finalement, je sens qu’on me rattache le haut et j’accepte avec gratitude le peignoir qui m’est tendu.

Au moins, ma chef sera un peu couverte. Ça nous laisse un peu de répit à moi et mon cœur. Je n’aurais jamais du jouer à ce maudis tirage au sort.

Nous repartons au cœur de la jungle artificielle.

-          Ça te dit de profiter du bassin ?

-          Et comment !

Nous entrons dans l’eau, dont la chaleur me surprend.

-          Ce n’est pas aussi rafraichissant que ce à quoi je m’attendais !

Shaell m’observe un instant puis réplique :

-          C’est comme un bon bain chaud mais à grande échelle. Et avec compagnie.

Soit dit en passant, si elle veut prendre de vrais bains en ma compagnie, je ne dis pas non. Surtout si elle se met à l’aise.

Elle se dirige immédiatement vers la cascade et laisse le flux continu s’écraser sur ses épaules.

-          C’est un peu violent mais ça détend, tu devrais essayer ! me dit-elle.

-          Peut être après !

Ou pas.

Je lui laisse ce privilège.

De là ou je suis, on dirait qu’elle s’apprête à tourner une pub pour du gel douche. Sauf que d’habitude la femme dedans porte encore moins de tissu.

Je vais m’installer un peu plus loin, dans un recoin de verdure, à l’abri des regards indiscrets. Je m’adosse à la pierre et penche ma tête en arrière. Lorsque, pour la première fois depuis que j’ai mis les pieds dans cette thalasso, je me détends, je sens un mouvement d’eau sur ma gauche et voit ma chef s’approcher. Ses abdos légèrement dessinés fendent l’eau tandis qu’elle s’installe à mes côtés.

-          On s’isole ?

-          Plus maintenant.

-          Oh, tu veux que je… ? dit-elle en faisant signe qu’elle peut y aller de sa main.

-          Non non reste, je plaisantais.

Elle me fait un petit sourire et s’installe à mes côtés.

-          T’as revu Angy depuis l’autre jour ? me demande-t-elle

Je réfléchis un instant avant de lui répondre. Je n’aime pas mentir mais j’ai de bonnes raisons.

-          Non. En même temps j’étais tout le temps à tes côtés.

-          Pas faux…

Un léger silence s’installe. Finalement je demande :

-          Pourquoi cette question ?

Elle soupire et se tourne vers moi.

-          Je n’ai pas eu de nouvelles. Elle n’a pas répondu à mes messages.

-          Ils étaient assassins ?

-          Même pas.

-          Tu crois qu’elle se planque par rapport à son « coup monté » pour le baiser ?

Étonnamment, je ne suis plus gênée de parler de ce qui s’est passé. Elle semble pensive pendant un instant avant d’afficher un sourire malin :

-          Oh non. Ça fait un bout de temps qu’on se fait des coups tordus l’une l’autre. C’est comme un jeu entre nous.

-          Ah ok. Mais là, elle a fait fort quand même.

Au moins ça confirme ce que m’a dit Angy concernant un « service rendu » à Shaell.

-          Oui, mais j’avais fait pire !

Étonnée, je me tourne immédiatement vers elle :

-          C’est possible ?

-          Ohh que oui. Mais elle m’a fait jurer que je ne raconterai cette histoire à personne. Et vu qu’elle a des histoires « dossier » sur moi… Je vais en rester là.

Visiblement, ces deux là ont un passé chargé ensemble.

En face de nous, des jets de massage disposés sous l’eau le long de la pierre se mettent en marche. Immédiatement, une petite lueur vient transformer les yeux de ma boss et elle se précipite de l’autre côté.

Ses yeux se ferment doucement et son visage est figé dans une expression de pur contentement. Ses lèvres pleines sont entrouvertes, sa tête légèrement penchée en arrière et son corps entier trahit son bien être. La scène est extrêmement sensuelle, elle à moitié nue, ne boudant pas son plaisir dans ce cadre paradisiaque. Je me sens presque comme une voyeuriste. Ses paupières se soulèvent et ses iris verts viennent me clouer sur place. J’ai envie d’avoir l’air repentie d’être ainsi spectatrice de son étrange transe, mais je suis trop occupée à me retenir de lui sauter dessus. J’ai envie de m’approcher jusqu'à sentir un léger frôlement d’eau entre nos deux corps. Je la fixerais, lui interdisant de bouger et me pencherais pour venir caresser son cou de mes lèvres. Je la ferais gémir sous mes caresses, je la sentirais offerte, prête à oublier que nous sommes dans un lieu public. Je -

-          Approche, c’est jouissif.

Son vocabulaire est des mieux choisi. Mais je ne bouge pas. J’ai envie de la rejoindre, mais peur de ce que je pourrais faire.

C’était une grossière erreur de venir ici. Je vois et j’envie tout ce que je ne peux pas avoir.

Elle tend le bras dans ma direction, m’invitant à m’avancer. J’hésite puis me décide. Ma main vient se glisser dans la sienne. Peut être que ces jets vont me détendre moi aussi…

Elle m’attire à elle et se dérobe au dernier moment, ne laissant que de l’eau à l’endroit où elle s’était trouvée un instant auparavant. Je me tourne et laisse le jet me masser le bas du dos, tandis qu’elle se place à celui à côté, massant je ne sais trop quelle partie de son corps.

Je fais de mon mieux pour me contrôler, me concentrant sur les sensations de l’eau. L’avoir à portée de bras ne m’aide pas franchement.

Finalement, je me dis que prendre la parole m’aidera peut être à me changer les idées :

-          Si tu veux, j’essaierais d’aller lui parler.

Devant son air interrogateur, j’ajoute :

-          A Angy.

-          Ah. Oh, ne t’embête pas. Elle doit avoir une idée en tête. Un autre plan machiavélique pour me rendre la vie impossible. Quand elle disparaît c’est souvent ça.

-          Et Mattéo ne te défend pas ?

-          Lui ? Tu rigoles ou quoi, ça l’amuse oui !

-          Bah moi je n’aimerais pas que ma petite amie se retrouve dans des positions comme ça !

Elle se tourne vers moi, un air étrange sur le visage.

-          Petite amie ?

-          Ben oui, tu sors avec Mattéo non ?

Elle a l’air étonnée, puis sourit :

-          Euh non. Je suis sortie avec lui au lycée, mais c’était il y a tellement longtemps…

-          Mais alors, les câlins…

-          On est restés proches. Il est comme un grand frère...

-          Oh.

Il me faut un moment pour encaisser le truc. Je pensais qu’elle était avec lui, donc hétéro et casée. Elle devient de moins en moins inaccessible, mais toujours hors de ma portée, c’est affreux.

-          Promis, la seule personne avec qui je sors actuellement, c’est toi.

Je fais un énorme blocage dont j’ai tout à fait conscience. Heureusement que je ne mange rien, sinon c’était l’étouffement assuré.

-          Pardon ?

-          Euh non, je veux dire, enfin tu sais bien !

Elle rougit et détourne le regard, c’est très mignon, ça ne lui ressemble pas tellement. Jouant avec les vaguelettes du bout des doigts, elle embraye rapidement :

-          Désolée. Ça ne sonnait pas comme ça dans ma tête.

Si seulement…  J’aurais aimé que ça soit le cas.

-          T’inquiètes pas mon petit sucre d’orge, je vois ce que tu veux dire.

Je ne peux m’empêcher de la taquiner avec ça, faisant référence à ce qu’elle m’a dit lorsque je lui ai appris la nouvelle de notre prétendu couple. L’humour m’aide à rester saine d’esprit. J’en ai bien besoin la.

Elle me fait un sourire vaincu et demande d'un ton rieur :

-          Parfois je me demande ou est passée la charmante responsable réseau que j’ai connue dans l’entreprise.

-          Ah oui ? Tu me trouvais charmante ?

-          Tu n’aides pas ton cas Liz…

-          Bon, bon… Ça te dit d’aller découvrir le reste des lieux ? On pourra toujours revenir ici après.

-          Ok, ça me va.

Elle sort de notre petit recoin et se dirige vers l’entrée du bassin. Je m’efforce de conserver mes yeux au niveau de son dos et non de les laisser vagabonder plus au sud. Inutile que j’en rajoute, non ?

Après un court tour des lieux, Shaell décide de faire la traversée bassin glacé vers bassin chaud. Personnellement, je passe sur la première partie, je l’observe donc s’enfoncer seule dans l’eau bien trop froide pour quiconque de raisonnable.

Elle ressort quelques instants plus tard, tout sourire. Elle semble revigorée par ce petit trajet au pays du froid, et elle n’est visiblement pas la seule. De là ou je suis, j’entrevois parfaitement son haut de maillot de bain, au travers duquel on devine sa poitrine tendue par le froid. Je fais de mon mieux pour éviter de loucher sur cette partie de son anatomie et détaille à la place le décor. Cette fois, l’ambiance évoque un temple en ruines englouti sous les flots et la verdure. Les pierres sont disposées de telle sorte qu’on devine des constructions. Le rendu est à nouveau bluffant. Je pourrais rester des heures à contempler les parfaites finitions des lieux, mais c’est sans compter sur ma camarade de jeu :

-          Le bain bouillonnant te tente ?

-          Pourquoi pas !

Nous sortons après quelques secondes seulement du bain chaud. J’imagine qu’elle aussi le trouvait un peu trop chaud.

Elle se glisse en premier dans un ensemble en pierre qui ressemble aux sources d’eaux chaudes qu’on peut voir à la télévision. Des petits sièges sont incrustés dans la roche, nous permettant de nous asseoir à mi hauteur. Je me place à ses côtés, m’installant au mieux. Les bulles me chatouillent en glissant contre ma peau. Je n’ose plus me réajuster même si un des jets de bulles est particulièrement mal placé au niveau de mon entrejambe. J’ai peur qu’elle pense que je me fais des sensations. Même si c’est exactement ce que je suis involontairement en train de faire.

Alors que les petites bulles deviennent de plus en plus agréables, j’entends Shaell me demander :

-          Toi, t’as rien écouté de ce que je viens de dire !

Je me crispe légèrement, car je suis parfaitement coupable du forfait dont elle m’accuse.

En un instant, elle son ton faussement accusateur devient inquiet :

-          Hey, ça va ? T’as les joues drôlement rouges.

Oh non !

-          Oui ça va ça va merci.

J’en profite pour me réinstaller un peu plus loin. Au moins, les bulles laisseront mon entrejambe tranquille. Il n’y a pas besoin de ça pour m’exciter, inutile d’en rajouter.

Un coup d’œil en direction de ma boss m’informe que mon subtil mouvement est passé inaperçu. C’est étrange, mais je suis passée de crispée à l’idée seule d’être avec elle à « à l’aise en sa présence ».

Après quelques minutes d’un confortable silence, je me lève pour sortir. Je veux découvrir le reste, inutile de m’éterniser dans un seul coin.

Alors que je m’apprête à profiter du sauna, je constate en ouvrant la porte que je suis suivie de près par Shaell. Je ne l’avais même pas entendue me suivre.

La pièce est parfumée d’une délicate odeur de pin. Personne n’occupe le sauna, ça m’arrange. Remarque, tout semble fait pour qu’on se sente seul au monde. Rien à voir avec certaines thalassos surpeuplées. A mon avis, l’établissement doit refuser d’avoir plus d’un certain nombre de personnes en même temps à l’intérieur.

Je m’installe sur l’escalier du milieu, car je sais que la chaleur trop intense ne me réussit pas. Au contraire ma chef n’hésite pas à aller tout en haut. Une fois nos peignoirs étalés, nous nous asseyons. La pièce est grande et recouverte de bois. Un thermomètre nous informe de la température élevée de la pièce et un sablier en bois lui aussi se charge de nous rappeler le temps qui passe.

-          J’ai toujours aimé le sauna. me dit-elle.

-          Moi aussi. Je préfère au hammam. Même si apparemment je suis la seule.

-          Non, non. Perso le hammam me donne un peu l’impression d’étouffer, je ne peux pas y rester longtemps. Ça vient certainement de la vapeur.

Je suis étonnée, c’est la première fois que j’entends dire ça. Et pourtant :

-          Minute, comment tu fais pour lire dans ma tête ?

Elle sourit de ma plaisanterie, avant de rétorquer :

-          Tout est écrit en énorme sur ton front.

-          Ah oui, je voulais te prévenir, parfois j’ai un sale petit tatouage invisible qui apparait sur mon front, il dit « prends-moi pour une imbécile ». Si tu l’aperçois en ce moment, n’y prête pas attention s’il te plait.

-          Où tu vas chercher tout ça ? demande-t-elle en riant.

-          J’aimerais dire « dans mon génial cerveau » mais il me semble avoir entendu ça dans un film !

-          Si j’ai besoin de parfaire ma culture cinématographique, je sais à qui m’adresser alors ?

-          Tout à fait !

Nous sourions bêtement l’une et l’autre pendant encore un moment, avant que la chaleur ne nous rattrape. Je sens déjà la transpiration se formant sur ma peau, me recouvrant d’un voile humide.

Un coup d’œil en direction de Shaell m’informe qu’elle aussi commence à ressentir les effets de la température. Elle se passe la main dans sa nuque et se fait du vent. Une goutte part de son cou pour serpenter entre ses seins, puis courir sur son ventre, se nicher dans son nombril pour mieux repartir plus au sud. Je suis la gouttelette des yeux tandis qu’elle continue sa course le long de son bas de maillot de bain.

-          Hum hum.

Son raclement de gorge forcé me fait réaliser que j’étais en train de fixer son bas de maillot de bain d’une manière suspecte. D’autant plus louche qu’étant un étage plus bas, je me retrouve la tête pile au niveau de vous savez quoi.

-          Désolée, je regardais –

Son sourcil levé m’interrompt. Inutile de préciser ce que je regardais, elle l’a bien vu. Même si c’était « une goutte sur son entrejambe », tout ce qu’elle risque de retenir c’est « entrejambe », c’est sûr.

C’est extrêmement dur pour moi de discuter avec elle sans que mes yeux ne voyagent sur son corps. Je dois rester très concentrée, la preuve.

Je tente de changer de sujet en lui demandant :

-          Dis, tu vois depuis combien de temps on y est ?

-          Euh… Plus de 10 minutes et moins de 15. Le sablier n’est pas super précis.

-          Ok.

-          Déjà chaud ?

Comment dire ? Non seulement j’avais chaud à l’origine, mais contempler le trajet de la gouttelette n’a pas aidé. Pas du tout.

J’en ai marre d’être un cas désespéré.

Mes yeux retournent parcourir son corps bien malgré moi. J’aimerais pouvoir m’approcher suffisamment pour respirer l’odeur de sa peau, ma tête nichée au creux de son cou. Je voudrais passer ma main dans ses cheveux. Contempler ses yeux si verts sans avoir à me justifier. Admirer tous ses traits. L’écouter parler pendant des heures.

Ou même juste être avec elle.

Comment je vais m’en sortir ?

C’est trop. Ou plutôt pas assez. La thalasso n’aide pas du tout.

J’en peux plus.

Sans un mot, je me lève, prends mon peignoir et sors de la pièce rapidement.

La douche froide est bienvenue. Elle me permet de me rafraichir les idées, littéralement. Je laisse l’eau couler sur moi, la laisse emporter tout ça

-          Hey, ça va ?

Je me retourne, surprise. Je ne l’ai pas sentie s’approcher.

Mon mouvement me déséquilibre et je me sens glisser sur le carrelage humide. Alors que je me prépare à atterrir lourdement sur mon postérieur, je sens Shaell glisser son bras dans mon dos.

Un instant, je pense qu’on va finir toutes les deux au sol mais non. Son autre bras va se poser sur le mur derrière moi et elle me retient.

-          Liz ? Tout va bien ?

Je ne réponds pas.

Elle ne lâche pas sa prise, me gardant contre elle. Son corps est brulant comparé au mien. Je me sens déglutir. Le temps est comme ralenti.

Je suis piégée. J’ai envie de m’enfuir et de rester pile ou je suis en même temps.

Ses pupilles sont dilatées, certainement parce qu’elle sort tout juste de l'obscur sauna. Mes yeux viennent se poser sur ses lèvres.  Mon cœur bat trois fois plus vite qu’à la normale. Je vais l’embrasser. Je ne me retiendrais plus longtemps.

Je lève la tête pour contempler la femme devant moi. Ce n’est plus ma boss, encore moins la harpie.

C’est celle pour qui je serais prête à tout.

L’inquiétude se lit dans ses yeux. Mon souffle s’arrête.

Je me colle un peu plus contre elle. Mes yeux ne quittent pas ses lèvres tandis que je m’approche.

J’arrive à un cheveu d’elle, si proche de tout ce que je désire…

Elle ne voit donc pas ce que je m’apprête à faire ?

L’une de mes mains parcourt son dos du bout des doigts, remontant jusqu'à sa nuque. Je la sens frissonner.

Du regard, je la supplie de dire ou faire quelque chose.

Elle se contente de me scruter, mi inquiète, mi curieuse. Mon autre main parcourt son flanc, partant de sa hanche à sa taille, effleurant le galbe de son sein pour glisser vers son épaule.

Je m’approche de ses lèvres et je sens son souffle s’arrêter, tandis que ses yeux s’ouvrent un peu plus.

26 janvier 2012

Chapitre 11

Chapitre 11 : Le calme avant la tempête hormonale


Je me réveille dans un calme tout relatif puisque je suis vigoureusement secouée par ma chef.

Étonnamment, j’ai passé une bonne nuit. Finalement, je suis surprise de mes capacités d’adaptation. Dormir à ses côtés me paraît « presque » normal dès la deuxième nuit. Ma bonne humeur du matin est toute relative lorsque je lui demande d'une voix endormie :

-          Donne moi une seule bonne raison pour laquelle je pourrais ne pas t’éliminer dans la seconde ?

-          Et bien tuer ta supérieure pourrait t’amener à être renvoyée et trouver un autre emploi s’avérerait difficile compte tenu que tu aurais éliminé ton précédent employeur ?

Je fronce les sourcils, mon esprit embué tentant de décrypter le sens de sa phrase. Finalement, je finis par dire :

-          C’est une bonne raison. Je m’en tiendrais juste à de la mauvaise humeur alors.

-          Pour changer. Bonjour quand même.

-          Bonjour. Quelle heure il est ?

-          5H40.

Malgré la lourdeur de mes paupières, mes yeux s'écarquillent plus que je ne l'aurais cru possible. Ma voix ne cache pas mon incrédulité :

-          Quoi ? Mais pourquoi ? Je veux dire tu sais bien que j’ai pour principe de ne jamais me lever avant le soleil !

-          Liz, le soleil est déjà en train de se lever…

-          Ah. Pourquoi ce « oh combien charmant » réveil ?

-          Bah pour faire un footing !

Je suis tellement blasée que je suis persuadée que ma tête pourrait servir de smiley msn.

-          Je. Ne. Cours. Pas.

-          Erreur ! Tu ne courrais pas !

Je prends mon oreiller et le pose sur ma tête, si bien qu'elle doit entendre ma voix de manière étouffée alors que je demande :

-          Pourquoi est ce que tu essaies de m’extirper de ce lit si ce n’est par pur sadisme ?

-          Et bien vu ce que tu as mangé, ou devrais je dire englouti ? Va pour englouti, donc vu ce que tu as englouti hier soir, j’ai peur pour ta ligne. Et puis vu qu’on est supposées être en couple, je refuse d’être associée à un boudin.

J’écoute l’intégralité de sa tirade en me demandant si y’a un moyen pour que je voie quand elle change de personnalité, passant de presque sympa à démoniaque. Hmmm. Surement. Faudrait que j’y fasse attention.

-          Si je refuse, tu vas lâcher l’affaire ?

Pour toute réponse, j’ai droit à un sourcil levé.

Message reçu.

Grognant, je m’arrache au confort du lit en me frottant les yeux.

Pile quand je me retourne, je constate qu’elle pompe le bras dans l’air, signe de victoire.

Elle s’arrête à mi-mouvement et me sort d’un air détaché :

-          Ben quoi, je m’échauffe !

Blasée, je lui fais savoir dans un :

-          C’est ça…

-          Bon, je te laisse 5 minutes pour t’habiller, je t’attends à côté ! dit-elle en sautillant sur place.

Elle est déjà à fond que j’ai encore les marques de l’oreiller sur le visage.

On descend dans le hall quasi désert de l’hôtel avant de nous diriger vers la rue.

Alors qu’on dépasse les fêtards encore debout, je me surprends a bien aimer courir avec elle.

Ne soyez pas étonnés.

C’est juste qu’elle court plus vite que moi et que du coup j’ai mon lapin personnel, la chose qui me motive à suivre, nommément son derrière.

 

Après une course d’une trentaine de minutes et de multiples arrêts de ma part, notamment pour faire le plein de café, nous retournons à l’hôtel.

-          Tu t’es bien débrouillée pour quelqu’un qui ne fait pas de sport.

-          J’en fais, juste pas de ce type.

-          Tu réalises que le concours de télé sur canapé n’est pas un sport ?

Je ne prends pas la peine de répondre et m’arrête net.

Oh mon Dieu.

Sous mes yeux passent en boucle les images d’hier.

J’aimerais me fondre dans le tapis lorsque Shaell pose un regard traumatisé sur moi juste après avoir été témoin de notre « baiser » au ralenti sur l’écran géant.

-          Ils ont osé…

Je ne sais pas quoi répondre, trop occupée à être perdue entre l’envie de mater la scène en boucle et celle de me cacher.

Ma boss elle ne cache pas son intérêt certain pour la courte vidéo qui passe et repasse sous nos yeux. Après quelques visionnages, elle ouvre la bouche pour me dire, j’imagine, que c’est un scandale etc… Mais non, elle me surprend complètement en lâchant d’un air tout à fait naturel :

-          Il avait raison, on est hot ! Nan, sérieux, tu trouves pas ?

J'entends à peine ce qu'elle vient de dire et m'exclame :

-          Il faut qu’ils la retirent avant que tout le monde ne la voie!

Je me dirige d’un pas décidé vers l’accueil et m’adresse au réceptionniste :

-          Bonjour. J’aimerais voir d’urgence la personne en charge des images qui défilent sur l’écran géant.

-          Tout de suite madame.

Il décroche son téléphone et garde un air presque professionnel jusqu'à ce que ses yeux passent de moi à l’écran. Il les ouvre en grand, puis les pose sur Shaell, moi, l’écran …

Heureusement le responsable ne tarde pas à arriver, m’évitant d’avoir à supporter l’intense regard lubrique du jeune réceptionniste plus longtemps.

Le responsable est un homme d’une trentaine d’années, portant un costume italien qui a du lui couter les yeux de la tête, grand brun aux yeux clairs, auquel j’aurais pu trouver un certain charme si il n’était pas responsable de la destruction lente et certaine de mon temps a Las Vegas.    

 

Je vous épargne notre discussion, mais sachez juste que j’ai réussi à le faire accepter de retirer uniquement la scène du baiser en le menaçant de poursuites pour atteinte à la vie privée. Et puis le reste n’est pas si terrible. Je dirais même que je suis assez jolie. La vidéo ne me montre pas plus blonde que je ne suis, mes yeux sont d’un beau bleu et pour ne rien gâcher j’ai défié la règle qui dit qu’on prend 3kg à l’écran. Je suis un joli petit bout de femme ! 

Alors qu’on pénètre ma boss et moi dans l’ascenseur, elle siffle puis me dit :

-          Et ben ! Je suis impressionnée ! Il a cédé !

-          Oui, et vu que ça faisait que depuis cinq minutes que la vidéo avait été mise… J’imagine que personne ne l’aura vue et n’aura immortalisé le moment ! Normalement on est tranquilles ! Je suis assez fière de moi pour le coup !

-          Tu peux ! Mais t’as pas répondu !

-          A quoi ?

-          Tu trouves pas que la vidéo nous… flattait ? Que le présentateur avait raison ?

Je me retiens de lui dire qu’elle embrassant un panneau de basket serait hot, même si c’est l’entière vérité. Ok je suis pas mal pour une fille pas filmogénique, mais elle…

-          Un peu.

-          Ne soit pas si modeste ! Me dit-elle dans un clin d’œil.

J’aimerais pouvoir apparaitre aussi sûre de moi qu’elle, je trouve ça à la fois attirant et super sexy.

N’empêche que je suis étonnée. Jamais je n’aurais dit qu’elle allait prendre la chose aussi bien. Elle est pleine de surprises.

Alors que l’ascenseur ouvre ses portes à notre étage, une question me vient à l’esprit :

-          Au fait, c’est quoi le plan pour aujourd’hui boss ? Vu qu'on est dimanche et que le congrès ne reprendra que Lundi ?

-          Et bien je dirais qu’on a du temps libre devant nous, 5000 $ à dépenser et de quoi profiter de massages gratuits. Et j’adore les massages.

Je souris à l’idée de passer une journée comme celle la ! En bonne compagnie en plus. J'ai un immense sourire rêveur lorsque je dis :

-          Ça me va bien. Plus que bien en fait. Faudra juste que j’aille m'acheter un maillot de bain.

-          Pas de souci ! Je prends une petite douche rapide et on y va ?

-          Après que je me sois douchée aussi !

-          Bah bien sûr. Je m’habitue à t’avoir à mes côtés, mais je me ferais jamais à l’odeur.

Elle entre dans la salle de bain assez rapidement pour éviter que le coussin lancé à pleine vitesse ne vienne lui faire le coup du lapin.

Depuis derrière la porte, j’entends un rire étouffé puis :

-          Raté Liz, va falloir travailler les réflexes !

 

A l’instant même ou mon postérieur entre en contact avec le cuir du canapé, j’entends frapper à la porte. Intriguée, j’ouvre, me demandant qui ça peut bien être.

Mon visage ne cache pas mon étonnement à l’idée que le petit bout de femme blonde qui a ruiné toutes mes chances de m’échapper hier soir puisse oser toquer à ma porte le lendemain matin.

Mon ton est des plus froids lorsque je dis :

-          Angy. Je dois reconnaitre que t’as du cran. T’es venue pour en rajouter une couche ?

A vrai dire, je sais que je devrais limite lui être reconnaissante, sans elle jamais je n’aurais eu l’opportunité de connaître la sensation des lèvres de ma chef sur les miennes, mais quand même.

-          Bonjour. Et oui et non. Disons que c’est un petit service rendu de ma part à Shaell. Oh comme la vengeance est douce ! Et pour être tout à fait correcte avec toi qui n’a rien à voir dans nos chamailleries, je me suis dit que je pourrais t’amener ceci. Pour me faire pardonner. Je pense que ça te plaira. Je compte sur toi pour garder le secret. Exemplaire presque unique.

Je baisse les yeux pour constater que j’ai en main ce qui semble être une copie de la vidéo du baiser.

Sans demander son reste, la jeune blonde est déjà à mis chemin dans le couloir lorsque je lui cours après :

-          Comment ça presque unique ? Me dis pas que t’en as gardé une copie ?

Ma question aura pour seule réponse un haussement d’épaules, un air innocent suivi d’un clin d’œil, tandis que les portes de l’ascenseur se referment.

Forcée de constater que la discussion est close, je pique un sprint jusque dans la chambre, trouvant bien vite mon ordinateur et insérant le DVD dedans.

Ben quoi ? J’ai le droit d’être curieuse.

Voyant que le dinosaure qui me sert de portable broute, je m’agace à voix haute :

-          Dépêche toi satanée machine, avant qu’elle ne sorte de la douche !!

Finalement, mon lecteur daigne se mettre en marche.

Au vu des images haute qualité qui défilent sous mes yeux, ma rancœur envers Angy fond comme neige au soleil. Je n’osais pas trop regarder dans le hall de l’hôtel de peur que Sha ne me voie, et puis hier j’ai pas franchement profité sur le moment. Alors j’aime mieux dire que maintenant je me fais plaisir.

Je regarde la scène plusieurs fois, me faisant difficilement à l’idée que c’est vraiment arrivé.

Putain ce qu’elle est sex…

Faudra quand même qu’on m’explique pourquoi les femmes intelligentes, superbes et sympas sont toujours casées ? Et jamais avec moi en plus !

Pour une fois j’aimerais bien être l’heureuse élue.

Surtout cette fois en fait.

J’aime bien la façon dont on s’entend comme chien et chat. Et puis elle sait faire preuve d’humour…

Arrête de penser Liz, tu te fais du mal.

J’entends la douche qui s’arrête et m’empresse d’arrêter la vidéo et de supprimer toute trace de son passage. Je m’envoie vite fait la séquence par mail, histoire de pouvoir la récupérer sur mon téléphone. Quoi ? Comme ça je pourrais la regarder quand je veux !

Je remets le DVD dans sa pochette et vais le planquer dans mon tiroir à sous vêtement. Aucune chance qu’elle le découvre là et même si ça arrivait, avant de me justifier je LUI demanderais des comptes.

 

A peine le tiroir fermé, je la vois sortir de la salle de bain, immédiatement suivie d’un nuage de vapeur. Elle a un air étrange et me demande :

-          Quelqu’un est venu ? J’ai cru t’entendre parler !

-          Non non. Dis-je en prenant l’air le plus détaché possible.

Tandis qu’elle fouille dans son placard à la recherche de vêtements, je ne peux m’empêcher de remarquer les gouttes d’eaux qui roulent le long de ses jambes, la manière dont la serviette semble tenir par la simple pression exercée par sa poitrine, ses cheveux bruns mouillés qui sont encore humides… C’est fou de se dire qu’a force de l’habitude on ne remarque plus la poésie de moments comme ça. Enfin ce n’est que mon avis…

-          Ah bon… Pourtant j’aurais juré…

-          A l’époque Jeanne d’Arc aussi…

Je ponctue ma phrase d’un sourire moqueur qui répond à merveille à son regard assassin.

Profitant de l’échappatoire la plus facile, je m’engouffre dans la salle de bain et ferme la porte à double tour.

Cette fois ci, pas question de perdre mon temps. Je prends ma douche en un temps record, ayant la ferme intention de profiter un maximum de notre gain. Déjà qu'on ne va pas pouvoir se prélasser deux jours mais un seul, on a pas une minute à perdre.

Je m’imagine déjà aux mains expertes d’une superbe masseuse, qui m’enduirait d’huiles aux senteurs si délicates… Hum. Je m’égare.

Fraichement lavée, je sors quant à moi toute vêtue de la salle de bain.

Les pieds de ma boss dépassent du canapé et je m’avance pour la trouver affalée sur le cuir en train de lire ce qui semble être un magazine people.

-          J’aurais jamais dit que c’était ton genre !

Elle baisse la couverture et me jette un œil mauvais par-dessus.

-          Ça l’est pas. Je suis allée l’acheter pendant que tu étais sous la douche. Vu que c’est un magazine local, je tenais à m’assurer que notre petit « show » n’y figure pas.

-          Pas bête…. Peu convaincant mais pas bête.

-          Comment ça peu convaincant ?

Je réfléchis un instant pour répondre à sa question le plus clairement possible :

-          Et bien on est à Vegas. Je veux dire, entre les stripteaseuses et le reste, je pense qu’un baiser entre deux femmes ne va pas choquer grand monde.

-          Oui, sauf si ce baiser est suivi de l’annonce d’une possible promotion de la responsable réseau, alors qu’elle a été vue « proche » de sa supérieure… Si tu vois ce que je veux dire.

S'il y’a une chose dont je suis sûre, c’est que le choc est clairement visible sur mon visage :

-          Quand ? Qui ?

-          M. Tanner, le responsable de la section Amériques. Apparemment, Linda lui aurait téléphoné hier soir pour lui dire grand bien de nous. J’ai reçu un e-mail plus que chaleureux sur mon téléphone. Il a même fait une déclaration publique.

-          Oh… Tant mieux pour nous j’imagine.

-          Oui… Plus qu’à réussir notre coup au niveau des contacts et toi et moi allons monter en grade.

Elle me fait un sourire 10 000 Watts et se met assise pour enfiler ses chaussures.

-          T’es prête ?

-          Oui, je mets juste quelque chose aux pieds !

Une fois préparées, nous descendons rapidement sur le Strip, à la recherche d’un magasin. Finalement, on remarque une boutique à proximité de notre destination finale. Apparemment certains ont pensé à tout.

A peine entrée, je m’attends à ce que ma boss patiente à l’extérieur du magasin mais je suis bien forcée de constater qu’elle me suit.

Alors que je me dirige vers les maillots une pièce, elle m’arrache à moitié le bras pour me diriger vers les bikinis.

A mon sourcil levé, elle dit :

-          Ce ne serait pas pratique pour se faire masser.

J’avoue qu’elle n’a pas tort mais j’ai mes raisons :

-          Oui mais je préfèrerais éviter.

Ceci dit, je retourne vers la partie des rayons qui comportent le plus de tissu sans un regard en arrière. Elle ne me suit pas et je suis persuadée d’avoir gagné la bataille. Pour une fois…

Une fois les plus potables des maillots entre mes mains, je me dirige vers la cabine d’essayage.

La vendeuse me rappelle que je dois garder mes sous vêtements tout en me gratifiant d’un sourire faux cul. Qu’elle ne s’inquiète pas, il n’y a pas le moindre danger pour que je veuille aller mettre mon intimité là ou des personnes à la possible hygiène douteuse auraient pu  mettre la leur. De toute façon je compte bien laver mon maillot avant de prendre ma douche avec.

J’entre dans l’étroite cabine et referme le rideau d’un jaune criard. Le miroir qui occupe entièrement le fond de la cabine me rappelle pourquoi je n’aime pas me mettre en maillot de bain.

Je sais que c’est ridicule et que beaucoup aimeraient avoir mon corps, mais je complexe. Au moins, j’ai conscience de la bêtise du truc, c’est déjà ça.

Comme d’habitude, je psychote et jette un coup d’œil un peu partout afin de m’assurer qu’il n’y a pas de caméra avant de me déshabiller.

Le premier maillot que j’essaie est rouge, ma couleur préférée. Pourtant, à me voir dedans, j’en viens à en douter. Croyez moi, je n’ai pas l’impression d’avoir quoi que ce soit en commun avec les filles d’alerte à Malibu excepté le ton de mon maillot.

Le second est bleu foncé avec un peu de violet. Il est stylé mais ne me convient toujours pas.

Alors que je me penche pour enfiler mon 3ème et dernier choix, j’esquive de peu ce qui ressemblait étrangement à un direct du droit destiné à être en plein dans mon visage. 

A l’extrémité du bras qui aurait pu causer le décès irréversible de l’esthétique de mon nez pendouille un truc rouge.

-          Essaie ça. Me demande ma boss depuis l’autre côté du rideau avec sa délicatesse habituelle.

Mon ton dédaigneux laisse parfaitement entendre ce que je pense de son choix :

-          Que veux tu que je fasse de CA ?

-          Que tu l’enfiles !

Si elle savait ou elle peut se l’enfiler…

-          Non, je refuse de sortir habillée de ce… machin !

Pour marquer mon point, je mets mes mains sur mes hanches, ce qui est stupide étant donné qu’elle ne peut pas me voir.

-          Ça s’appelle un maillot de bain ! M'explique-t-elle comme si j’étais demeurée.

-          Merci de préciser, de là ou je suis, on aurait plutôt dit un collage entre trois bouts de ficelle et deux gommettes.

Le rideau n’est pas assez épais pour étouffer son soupir.

-          Essaie je te dis. Aie confiance, tu verras.

Maugréant, je daigne enfiler cette chose.

Une fois cela fait, je me retourne pour connaitre le verdict final de mon « ami » le miroir.

Oh.

Ok

Pas mal.

Alors que je reste là, à me contempler et à me trouver potable le rideau derrière moi s’ouvre en grand dans un évident manque de délicatesse à mon égard.

Mes bras viennent immédiatement couvrir les parties les plus exposées de mon anatomie tandis que je clame, offusquée :

-          Nan mais oh ! Et si j’avais été nue ?

-          Et bien j’aurais pu encore mieux t’aider à choisir un maillot qui convienne à ta morphologie… Bien que pour le coup… mon œil expert ne m’a pas trompée on dirait.

Je me tortille pour échapper a l'inspection dont je fais l’objet et tente d’ignorer le fait que mon corps est semi nu.

-          Roh mais laisse moi voir. Je te rappelle que je suis une femme aussi. Et en plus étant donné que tu ne sortiras pas de cette boutique avec un maillot une pièce, du moins pas tant que je serais en vie, je vais forcément te voir dans une tenue similaire.

Ceci dit, elle pousse tranquillement mes bras, m’exposant à son regard.

Pendant quelques instants, à défaut de verdict de sa part, j’ai droit à un silence long, lourd et gênant.

Finalement, elle prend la parole :

-          Wow… Tu es…

Je relève un peu la tête pour jauger de la sincérité des paroles qui vont suivre.

-          …. Complètement crétine de ne pas mettre ça  en valeur. Pourquoi on dirait que tu te caches dans tes vêtements au quotidien alors que tu as un potentiel pareil ? Dit-elle en désignant mon corps d’un mouvement.

Ok, ce n’est pas franchement le genre de compliment que j’attendais mais je vais m’en accommoder.

-          Sérieusement Liz… Tu es superbe... Tu en fais ce que tu en veux mais je crois que tu devrais le prendre ! Rien que pour rendre toutes les autres femmes jalouses ! Et puis le rouge fait ressortir tes yeux je trouve. Ça les fait paraitre encore plus bleus, c’est vraiment joli. T’en dis quoi ?

Elle ponctue sa phrase en tapotant joyeusement dans ses mains. Je suis quant à moi trop occupée à crouler sous les compliments inattendus que j’en oublie de répondre. En plus j'ai la réponse sur le rouge qui fait ressortir mes yeux ! Je le savais !

Et puis croyez-moi… Même si je ne l’ai vue qu’habillée (dieu merci je ne pense pas que mon cœur fragile supporterait), je suis déjà sûre et certaine qu’une des femmes ne sera pas jalouse de mon corps aujourd’hui.

-          Je vais y réfléchir, laisse-moi essayer le dernier.

-          Ok comme tu veux. Mais sache que je ne changerais pas d’avis. Il va falloir que tu me passes sur le corps si tu comptes sortir d’ici en monokini !

Lui passer sur le corps ?  :-D

Ce serait avec plaisir… Mais pas dans le sens ou elle l’entend.

Une fois l’horrible rideau jaune protégeant mon intimité remis en place, je me tourne vers la glace, me regardant de haut en bas.

J’ai pas envie d’essayer mon dernier maillot. Elle a bon goût, il me va vraiment bien. Le haut à les bretelles entrecroisées dans le dos et un genre de lacet à l’avant me fait un super décolleté… quant au bas, une seule question demeure : comment elle connaissait ma taille ?

Pendant un instant j’ai peur pour le DVD niché dans mon tiroir à sous vêtements, avant de réaliser que c’est ridicule. Je la vois très mal farfouiller dans mes dessous comme un pervers en manque.

-          Bon, qu’est ce que je fais ?

Je pose la question tout bas et à personne en particulier. Si le miroir connait la réponse, il se garde bien de me la dire et du coup je dois répondre à ma question toute seule. 

Finalement je décide que je peux bien laisser mon esprit de contradiction de côté si cela me permet de renouer avec la confiance en moi.

Je sors défaite et fourre le maillot dans les bras de Shaell en disant :

-          T’as gagné, je vais les ranger.

Elle s’abstient de commenter, mais son petit sourire en dit long.

Je paie et nous sortons toutes les deux dans l’air chaud.

-          Je ne vais pas être fâchée de profiter de l’eau, c’est moi qui te le dis !

Oh que oui ! Moi non plus !

On arrive bien vite au bâtiment de la Thalasso. A peine entrée, je suis déjà plus détendue. L’air à un parfum de Jasmin ou de Lys, je ne sais pas mais ça me calme. Avec ce qui m'est arrivé depuis que j’ai posé le pied à Vegas, la perspective de décompresser me paraît tout ce qu’il y’a de plus attrayante.

Une femme vient à notre rencontre et nous donne immédiatement deux pass valables pour la journée entière.

Alors qu’on pénètre dans les vestiaires, Shaell me murmure :

-          Ils ont du communiquer nos photos. Elle nous a reconnues, c’est impressionnant !

-          Oui… Pourvu qu’ils n’aient pas envoyé la vidéo.

Elle fait une drôle de tête et rentre dans une cabine. Je ne prends pas celle immédiatement à côté, ayant trop peur d’être tentée de jeter un coup d’œil en dessous de la séparation. Une fois en sous vêtements, je m’enroule dans ma serviette et vais laver le maillot de bain dont je suis l’heureuse propriétaire. Alors que je frotte comme une démente, j’entends sur ma droite :

-          Qu’est ce que tu fabriques au juste ?

J’aurais aimé répondre, si tous mes neurones n’avaient pas trouvé de plus verts pâturages ailleurs.

Devant moi se trouve ma boss, dans un maillot de bain blanc qui fait ressortir son léger bronzage. Aucun de mes deux yeux ne s’arrête lorsque mon cerveau envoie le message « stoppez l’observation immédiatement ! ». Je la parcours du regard des pieds à la tête, gravant chaque courbe, chaque muscle, grain de beauté dans ma mémoire.

Elle est sublime.

Je suis sortie de mes songes par le bruit d’un vêtement mouillé qui s’écrase au sol et je réalise que j’ai lâché mon maillot. Le fait de me pencher pour le ramasser m’offre l’occasion de me refaire une contenance.

Elle m’a forcément captée mais ne me fait pas remarquer que je l’ai fixée de façon impolie, se dirigeant vers les casiers.

J’effectue une rapide retraite dans ma cabine et me change, frissonnant au contact du vêtement mouillé sur ma peau.

De l’autre côté de la porte, elle me dit :

-          Quand t’as fini passe tes affaires, j’ai pris un casier dans lequel il y a largement assez de place.

Ma main attrape le sac que j’avais laissé sur le banc et lui passe par-dessus la porte. J’attends d’être sûre qu’elle s’est éloignée avant de sortir de la cabine. Je me dirige directement sous la douche, espérant que l’eau enlèvera un peu de ma gêne.

La piscine me fait toujours un bien fou, les thermes encore plus, mais j’y vais rarement, je suis souvent trop crispée à l’idée d’être en maillot de bain en public.

26 janvier 2012

Chapitre 10

Chapitre 10 : Sous les feux des projecteurs

 

Ayant fini mon tour d’inspection de notre audience, mes yeux viennent se poser sur Shaell. Quelques instants plus tard, elle me regarde à son tour.

Vu son air désemparé, j’imagine qu’elle ne sait pas quoi faire non plus.

Elle se mordille la lèvre inférieure, signe extérieur de stress. Finalement, après avoir pris au préalable une grande inspiration, je la vois s’approcher de moi.

 

Oh non.

 

Non je ne veux pas.

 

Enfin si je veux mais pas comme ça !

 

Pas ici !

 

Je jette ce que j’estime être un discret coup d’œil vers les portes d’entrée, jaugeant mes chances de m’enfuir à toutes jambes sans être rattrapée. Mais Angy vient ruiner mon plan en se plaçant entre moi et la sortie, un sourire fermement planté sur les lèvres.

Autant pour la discrétion.

Comment une fille que j’appréciais peut-elle ruiner de la sorte ce qui aurait pu être une entente cordiale ?

Mon attention se reporte vers Shaell.

Ses yeux verts sont remplis d’incertitude tandis qu’elle regarde nerveusement autour d’elle.

Finalement, elle semble prendre une décision et fait un nouveau pas vers moi.

Le hall entier est devenu silencieux, attendant de voir ce qui va se passer.

Moi aussi, car je ne la pense pas capable de le faire. Après tout elle est hétéro, me sait homo et a une réputation à tenir.

Sa main vient se poser sur ma joue, glisse jusqu'à mettre une mèche de cheveux blonds derrière mon oreille, puis dans mon cou pour lentement remonter à ma visage.

Elle caresse mes lèvres du bout de son pouce.

Je suis comme tétanisée, incapable de penser, encore moins d’agir.

J’avoue que j’ai complètement oublié notre audience, captivée par l’image de Shaell. Je suis complètement perdue dans ses yeux verts. Bien que je ne sois pas sûre que ce soit une bonne idée, je la laisse continuer. 

Mes yeux suivent sa langue lorsqu’elle s’humidifie les lèvres et s’approche encore de moi, nos corps étant séparés de quelques centimètres seulement.

Finalement, ses yeux semblent me demander mon accord et je fais un timide sourire dans lequel j’essaie de lui dire que j’ai confiance.

Peut-être va-t-elle faire un baiser de cinéma, mettre son pouce entre nos lèvres ?

Lentement, trop lentement et à la fois trop vite à mon goût, elle s’approche de moi.

Mon cœur s’arrête un instant de battre et j’oublie de respirer alors que je réalise qu’elle va le faire.

Les derniers centimètres nous séparant se réduisent et bientôt je sens ses lèvres sur les miennes.

C’est un baiser doux, qui ne demande rien, tout simple et tendre à la fois.

Honnêtement, je n’ai pas la moindre idée du temps qu’il peut avoir duré, m’apparaissant comme une éternité et une fraction de seconde.

Elle se recule et colle son front au mien, sa main toujours contre ma joue. Elle passe sa tête sur le côté pour venir me chuchoter à l’oreille :

-          Merci de ne pas t'être débattue... et désolée.

Je ne sais pas quoi répondre et je ne suis pas sûre d’en être capable.

J’ai embrassé Shaell Mackenzie.

Enfin pour être parfaitement exacte c’est elle qui m’a embrassée.

Je n’aurais jamais cru que ce jour arriverait.

Certes, ce n’était pas franchement dans ce contexte là dans mes rêves, mais ça me convient tout à fait.

Alors que nos corps sont encore un peu séparés, un coup de cul bien placé d’Angy finit de me projeter dans les bras de ma chef.

 

Je la hais.

 

Je tente de me reculer immédiatement mais le bras de Shaell vient se glisser dans mon dos, m’en empêchant.

J’imagine qu’elle veut éviter de nous décrédibiliser tout en se donnant un moment pour retrouver une contenance.

Finalement, elle se recule et jette en même temps que moi un coup d’œil timide à notre assemblée.

Plus personne ne faisait de bruit et tout à coup tous se mettent à applaudir, Angy, Mattéo, Linda et l’homme zèbre étant de loin les plus bruyants.

-          Oh alors CA, c’est que j’appelle HOT ! Vous êtes canons les filles !

L’animateur continue de parler tandis que Shaell et moi gardons la tête fermement baissée. Je sais que mes joues sont rouges et je n’ose pas lever les yeux pour voir à quoi elle ressemble.

 

Finalement, après quelques longues minutes et félicitations diverses, monsieur 5ème élément nous remet nos prix.

C’est avec un soulagement non dissimulé que je m’engouffre dans l’ascenseur avec ma boss.

Angy à eu l’intelligence de ne pas nous suivre, préférant faire la discute avec Linda. Valait mieux pour elle croyez-moi

Shaell et moi entrons dans la chambre sans qu’aucun mot ne soit échangé.

Je ne sais pas franchement comment réagir par rapport à tout ça. Et je suis super gênée pour ne rien arranger.

Donc pour éviter de risquer d’aggraver mon cas, je ne dis rien.

Je suis encore sous le choc dans un sens. Et puis je me demande encore pourquoi ce baiser m’a paru… intime ? 

Réfléchir à ça ne m’apportera rien de plus que d’autres questions mais je ne peux pas m’en empêcher.

Bien vite, je m’assieds sur mon cher et tendre canapé, choisissant de détailler les divers éléments du décor jusqu'à ce qu’elle se décide à aller dans l’autre pièce. Malheureusement, ça a l’air de prendre du temps comme décision puisque ça fait bien 10 bonnes minutes qu’elle reste plantée dans mon dos.

Pile quand mon regard passe sur l’écran plat, me rappelant les douloureux évènements d’il y a peu, ma boss me demande :

-          Tu fais quoi ?

-          Je regarde la télévision.

-          Liz, elle est éteinte ! précise-t-elle.

Comme si je n’avais pas remarqué !

Voyant que je n’ai pas l’intention de poursuivre la discussion, elle reprend la parole :

-          Par rapport à ce qu’il s’est passé… Tu veux en parler ? 

Et voilà. Je m’y attendais.

Est-ce que je vais me faire virer ? Ou juste subir un bon gros savon ?

-          Je suis pas sûre qu’il y ait grand-chose à dire. Pour ma part en tout cas.

-          Liz je…

Elle soupire et vient s’asseoir à mes côtés, passant ses mains sur son visage, comme pour se rafraichir les idées.

-          Comment cette journée a pu tourner comme ça ? demande-t-elle a personne en particulier.

-          Aucune idée, j’aimerais bien savoir aussi. Écoute je… désolée d’avoir participé à ce stupide tirage au sort. Enfin surtout de t’avoir impliquée.

-          Tu ne pouvais pas savoir que ça allait se passer comme ça. Et puis au moins on a eu un bon cadeau. Enfin DES bons cadeaux.

Pour toute réponse, je lui fais un sourire timide.

 

C’est très étrange.

Mes sentiments sont contradictoires.

Je suis contente d’avoir eu l’opportunité de savoir ce que ça fait de l’embrasser…. Mais d’un autre côté les circonstances me dégoutent, j’ai l’impression de l’avoir utilisée. Ce n’était pas intentionnel mais… pfff.

Quitte à être embrassée, autant que ça ne soit pas forcé.

Je suis un peu déçue de moi. J’aurais du trouver une solution. Pas… pas la laisser faire ça.

Je m’en veux et je suis contente. Pas de doute, je suis une femme.

-          Liz…

Mes yeux vont se poser sur elle, mais pas directement sur son visage.

-          Qu’est ce qui se passe ? J’embrasse si mal que ça ?

Sa remarque me fait sourire. Moi qui pensais qu’elle allait m’engueuler, ce n’est pas parti pour pour l’instant.

-          Bien sûr que non. C’est juste que j’aurais voulu éviter d’en arriver là. Je veux dire, j’en ai fait assez.

-          C’est pas faux, mais là tu n’y pouvais rien. Et ce n’est pas toi qui as fait quoi que ce soit. C’est surtout Angy qui a enfoncé le clou.

-          Elle… Quand je vais la trouver…

Je laisse ma phrase en suspend, histoire de faire planer la menace.

Après quelques instants de silence, ma chef s’adosse complètement dans le canapé et commence à rire. Face à mon air interrogateur, elle dit :

-          T’aurais vu ta tête.

-          Hey ! Pi t’étais pas mieux je te signale.

Elle sourit puis ajoute :

-          D’ailleurs je suis un peu vexée, si ça se trouve certains auraient aimé être à ta place et on aurait dit que tu vivais les pires instants de ta vie.

Si ça se trouve… Beaucoup m’auraient enviée, point. Mais c’était quand même horrible. Enfin pas le baiser, les circonstances … enfin vous voyez.

-          C’était le cas.

Elle frappe ma cuisse sans défense :

-          Espèce de… 

-          Maltraitance et insultes ? Ça va chercher loin tout ça ! […] Non mais je veux dire, je m’en voulais de te mettre dans une situation comme ça. Surtout avec Mattéo et Angy à côté.

-          Je pense pas que l’un comme l’autre ait eu à se plaindre, crois moi, je les connais bien, y’en a pas un pour relever l’autre.

Sa remarque me fait sourire. Quelque part je m’en doutais mais quand même.

-          On est ok ? me demande-t-elle bien plus timidement qu’à l’accoutumée.

-          On est ok.

Elle ne se relève pas et on reste toutes les deux affalées dans le canapé, sans bouger. Au bout d'un moment, je prends mon courage à deux mains et lui dit :

-          Tu sais… je sens que je vais regretter ce que je vais dire… J’espère que ça va rien changer entre nous. Je veux dire… On commence à s’entendre non ?

J’ose enfin la regarder, espérant qu’elle va répondre à ma question.

-          On commence Scott, on commence ! Même si je prends sur moi !

A son ton joueur, je sais qu’elle plaisante pour la dernière partie. Ça me rassure, au moins je suis pas la seule à avoir cette impression.

Elle garde un sourire songeur tandis qu’elle regarde à travers la baie vitrée depuis sa place sur le canapé. Le soleil est assez bas dans le ciel, bientôt le jour fera peu à peu place aux lumières de la ville, créant une sorte de crépuscule étrange pour le reste de la nuit. Mais je n’ai pas besoin de me retourner pour le voir.

Je préfère la regarder elle, avec ses longs cheveux bruns, ses beaux yeux verts d’une intensité que j’ai peu rencontrée, ses lèvres pleines et si douces…

Ok. Stop.

Je me fais du mal.

Avant que j’ai pu détourner le regard, le sien vient se poser sur moi, me prenant en flagrant délit.

-          Quoi ?

-          Rien rien.

-          Ben non, dis ! J’ai un truc sur le visage ?

-          Non non, tu es parfaite ! Enfin je veux dir-

-          Non non, surtout ne te corrige pas, j’aime assez ce lapsus. Dit-elle en plaisantant.

Elle se lève et marche vers la baie vitrée, observant les voitures qui circulent sur le strip.

-          Merci quand même. Et pour ta gouverne… Tu n’es pas mal non plus.

Après avoir dit ça, elle se retourne, j’imagine dans le but de profiter de ma tête surprise, et me fait un clin d’œil. Devant mon air étonné et mon absence de commentaire elle ajoute :

-          Ben quoi ? J’embrasse pas n’importe qui sache le !

Je sais qu’elle plaisante mais quelque part ça me réjouit.  Finalement ma journée n’a pas été si terrible que ça.

 Voyant qu’elle n’a pas retiré ses chaussures, j’annonce :

-          Je sais pas pour toi, mais je crois que je vais m’en tenir au dîner livré dans la chambre ce soir. J’ai suffisamment été sous les feux des projecteurs pour aujourd’hui. Et puis pour ne rien te cacher, je n’ai pas franchement envie d’être dévisagée par la moitié des gens de l’hôtel. J’ai pas l’habitude qu’on me regarde alors ça risque de faire trop d’un coup.

-          Ça t’en sais rien.

Je fronce les sourcils en entendant sa réplique, qu'est ce qu'elle veut dire par là ? :

-          De quoi ?

-          Si les gens te regardent. Mais je suis d’accord sur l’idée de nous faire discrètes pour ce soir. J’aimerais bien pouvoir le faire pour le reste de la convention mais c’est impossible. Perso j’ai pas envie de « revoir » certains des charmants remorqueurs présents dans la salle. Comme ceux qui ont suggéré que tu allais passer sous le bureau.

A peine entendu ça, je mets ma tête entre mes mains pour cacher ma gêne :

-          Oh non… j’avais oublié... Maintenant ils vont avoir beaucoup de mal à ne plus le croire.

-          Tu sais, je ne suis pas sûre qu’ils aient un jour essayé de ne pas le croire... Fin bref ! Qu’est ce que tu dirais d’un repas hypercalorique et d’un dessert chocolaté pour nous remonter le moral ?

-          Je dis que si tu me prends par les sentiments…

 

Elle commande de quoi manger au téléphone et revient à mes côtés.

-          Ça te dit un petit film aussi ?

-          Oh que oui. Mais pitié, pas de trucs à l’eau de rose.

-          Tu n’aimes pas ? me demande-t-elle.

-          Disons que j’ai eu ma dose d’histoires de couple pour une semaine ou deux. Ou quatre.

-          Pas faux.

Et puis déjà que je n’ai pas la moindre idée de comment je vais bien pouvoir dormir à ses côtés après qu’on se soit embrassées, si en plus je mate un film d’amour avant de me coucher, c’est la porte ouverte aux rêves compromettants.

 

Le reste de la soirée s'est étonnamment bien passé. J'avais presque l'impression d'être avec une amie. On a commenté le jeu des acteurs, relevé tous les petits problèmes scénaristiques... C'était vraiment sympa.

Je crois que ni elle ni moi n'avions envie de reparler de ce qui s'est passé. Et même sans l'avoir à nouveau évoqué, c'est notre baiser la dernière chose que j'avais en tête au moment de m'endormir...

26 janvier 2012

Chapitre 9

Chapitre 9 : Débriefing

 

Le reste du dîner s'est plutôt bien passé. Elle n'a pas arrêté de poser des questions sur notre couple,  comment on gérait ça par rapport à l'entreprise etc... Heureusement, Sha s'est chargée d'inventer cette partie là. On est même retournées à notre hôtel en discutant avec Linda sur le chemin.

Finalement, alors qu'on est là, toutes les deux dans l'ascenseur qui nous ramène à la chambre, je réalise un truc :

-          J'ai quand même passé une bonne soirée. Je n'aurais pas cru.

Elle se tourne vers moi en souriant, se mord légèrement la lèvre, comme pour se retenir, puis dit :

-          Moi aussi. Bravo pour l'invention sur commande.

Elle fait glisser le pass dans la serrure et on entre tour à tour.

-          Même si la partie où je suis supposée dire " maintenant ou jamais " n'était pas super réaliste.

Pas super réaliste ? Elle vient de me dire exactement les mêmes mots en s'approchant de moi d'un air séducteur et je peux vous jurer que de là où je suis, c'est parfaitement réaliste. Et ce ne sont pas mes genoux qui bloblotent qui vont dire le contraire.

-          J'inventais au fur et à mesure hein ! On fait ce qu'on peut !

-          Oui. Plutôt mignon comme histoire.

Elle retire ses chaussures dans un soupir de contentement et se dirige vers sa partie de la chambre.

-          Je sais qu'il n'est pas tard, mais je suis fourbue, je crois que je vais aller me coucher. Une toute aussi longue journée nous attend demain. Dit-elle après avoir consulté sa montre.

-          A qui le dis-tu ! Il se fait quelle heure ?

-          21h10

-          Merci. Par contre je vais juste aller dans la salle de bain avant que tu ne te couches.

-          Fais donc !

Alors que je suis occupée à essayer de faire pipi tout en me brossant les dents, je l'entends me parler à travers la porte.

-          T'as remarqué qu'elle n'a même pas essayé de prétendre que c'était un repas pour le boulot ?

Je termine vite fait mes deux occupations avant de répondre.

-          Oui ! Mais déjà la première fois que je lui ai parlé ça m'avait frappé. Elle est super curieuse.

-          Mais sympa. Je l'ai trouvée très agréable.

-          Moi aussi.

Je me lave les mains et me passe un peu d'eau sur le visage.

 

Le miroir me renvoie un reflet que j'aurais préféré ne pas voir.

 

J'ai la tête de celle qui a passé une très bonne soirée, essentiellement due à la compagnie.

La frontière entre la harpie des bureaux et ce que je peux entrevoir de la vraie Shaell se fait de plus en plus épaisse.

Je ne suis pas sûre que ça soit une bonne chose.

J'aime assez la femme avec qui je viens de passer la soirée.

Trop peut-être.

Shaell est intelligente, sympathique, très belle...

Et hétérosexuelle.

 

Je me décide à sortir de la salle de bain une fois  mon rituel pré-dodo accompli. Elle s'est déjà changée.

La sonnerie du téléphone me coupe dans mes pensées. Intriguée, je me tourne pour voir Shaell qui hausse les épaules avant de répondre.

Bien sûr, c'est dur de deviner ce qui se dit par seulement la moitié d'une conversation.

" Allo ? Oui. Oui c'est exact. Ah ? Oh ! Oh non, je vous remercie, ce n'est pas nécessaire. Oui. Bien sûr. Merci encore. Bonne soirée "

Devant mon regard interrogateur, elle se contente de dire :

-          La réception. Ils nous ont vues monter et voulaient me demander quelque chose.

-_-

Quelque chose.

C'est tellement précis.

 

Je m'avance vers le canapé, shoote dedans, puis m'assieds dessus. Ça me vaut un sourcil levé de ma boss.

-          J'ai mal partout.

Elle sourit depuis son lit, ce qui, j'imagine, veut dire que c'est à moi de fermer les doubles portes. Déjà que j'ai mal partout, je dois me relever pour faire ça.

Mes mains viennent se poser sur chacun des battants. Je relève la tête avant de les fermer, et quelque chose dans son regard me fait m'arrêter. A la place, je dis :

-          Bonne nuit.

Elle se mord la lèvre inférieure, semblant réfléchir. Finalement, alors que ses yeux ne m'ont pas quittée un instant, elle lâche un soupir et défait les draps de l'autre côté du lit.

-          Viens.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que je suis surprise. Je pensais qu'elle allait me laisser croupir sur ce canapé jusqu'au bout.

-          Je me change et j'arrive.

-          J'espère que tu ne dors pas nue ! Sinon tu peux reconsidérer ma proposition !

Je souris, sachant très bien que c'est sa manière de me charrier pour dédramatiser le truc. Elle se lève toujours plus tôt que moi, c'est sûr qu'elle a vu que j'étais habillée.

L'idée de me pointer nue me paraît tentante l'espace d'une fraction de seconde.

Mais faut pas rêver : j'oserais jamais et en plus la perspective de dormir sur le canapé par ma faute alors qu'on m'avait proposé un lit me calme direct.

 

Une fois changée, je prends une grande inspiration avant d'aller près du lit.

Je pose avec hésitation mes fesses sur le matelas, persuadée que dans un instant elle va me dire que c'est une blague et m'ordonner de retourner sur le canapé.

Mais rien ne se passe. Je me retourne, peu assurée.

Face à mon hésitation, elle sourit et tapote le matelas.

-          Promis, je ne vais pas te manger.

A vrai dire, c'est plutôt de ce que moi je pourrais faire dont j'ai peur !

Je m'allonge de tout mon long, essayant de me faire à l'océan de confort auquel je n'ai pas eu droit les nuits précédentes.

Bien sûr, y'a aussi le fait que je suis hyper stressée par la personne à mes côtés.  Je la regarde à nouveau, ne sachant pas trop quoi faire, quoi dire…

Elle semble hésiter avant de se mettre à parler d'une petite voix compatissante :

-          Si ça te dérange, t'es pas obligée tu sais.

-          Non, ça va, faut juste que j'arrive à me décrisper.

-          C'est juste que ce canapé a pas l'air super confortable et que ce soir je n'ai pas le cœur à te laisser dormir dessus. Après tout c'est pas ta faute ce problème de chambre.

-          C'est pas faux.

Je sais que le moment est atrocement mal choisi, mais y'a quand même une question qui me trotte dans la tête :

-          C'était vrai cette histoire de relation ?

Son regard est tourné vers moi tandis qu'elle sourit et s'approche.

Ma respiration s'arrête bien malgré moi. Je me demande ce qu'elle va faire, alors qu'elle s'arrête à quelques centimètres de mon visage. J'ai l'impression qu'elle peut entendre à quel point mon cœur bat fort. Ses cheveux chatouillent mon cou mais je n'ose pas faire le moindre mouvement.

Elle dépose un baiser sur mon front, puis se recule avant de me murmurer :

-          Bonne nuit Liz.

Ses doigts vont trouver l'interrupteur et elle éteint la lumière.

Hey !

Et ma réponse alors ?

-          Mai-

-          Dors.

Un regard vers le canapé me fait oublier de protester davantage.

N'empêche que j'aurais bien aimé savoir.

Un baiser sur le front et bonne nuit ne sont pas franchement un signe d'amour des femmes.

Ou alors je suis zoophile, parce que je me souviens parfaitement avoir fait la même chose à Sacapuces la fois où j'avais dû le garder !

J'essaie de me détendre et de m'installer confortablement, d'oublier à quel point celle allongée à mes côtés m'attire et de passer une bonne nuit, histoire de rattraper celles d'avant.

Moi qui était crevée y'a pas si longtemps, je n'ai plus du tout sommeil. Pourtant le stress devrait être retombé là…

Je n'ai que trop conscience des lumières des casinos qui clignotent de l'autre côté des rideaux opaques, du corps chaud à mes côtés ou du fait que j'aimerais m'endormir vite même si je sais que c'est mal parti.

 

C'est le service de réveil de l'hôtel qui me tire de mon sommeil.

Heureusement, il n'y a pas eu d'incident pendant la nuit. En plus ce matin je n'ai pas émergé en mauvaise posture, du genre contre elle ou autre. Pourtant dans les films ça arrive tout le temps.

Non, ce matin à mon réveil j'étais de mon côté du lit et … seule.

Je préfère, c'est une situation embarrassante et ingérable,  à éviter. Pour tout dire, bien que les situations étranges ne font que s'empiler depuis notre arrivée, je crois que mon entrainement ne servirait à rien devant " me réveiller aux côtés de Shaell Mackenzie ".

J'entends la serrure qui se déverrouille, signe que ma colocataire revient de son footing.

Elle porte son habituelle tenue de sport, celle qui ferait pâlir d'envie toutes les profs de fitness du monde. Remarquez, si j'étais aussi bien foutue qu'elle je n'hésiterais pas non plus. Bon, excepté une taille modeste je n'ai pas franchement à me plaindre mais elle…

Un rapide aller retour de mes yeux me le confirme : on n'est pas dans la même catégorie.

 

Elle reprend son souffle pendant quelques instants, et me sourit en demandant :

-          Enfin réveillée ! Bien dormi ?

-          Carrément. Ce lit n'a rien à voir avec le canapé !

J'accentue mes propos en baillant un bon coup.

-          J'imagine !

Elle se penche et retire ses baskets, tandis que je commence à m'étirer, histoire de passer en mode éveillée. Lorsqu'elle se relève, je jurerais que ses yeux s'arrêtent un instant sur ma poitrine tendue par l'étirement.

Mais peut-être que je me trompe.

Après tout, ça ne m'étonnerait pas que je devienne un peu dingue.

Depuis le tout début, elle me rend chèvre, alors qu'on ne prétendait même pas être en couple à cette époque ! Mais ça m'embêterait que ma nuit aux côtés d'elle se soit bien passée uniquement dans mon sens. Je m'inquiète donc :

-          Et toi ? J'ai pas tiré la couette ?

Elle sourit un peu plus et me répond après s'être affalée sur le lit à mes côtés :

-          Non. D'après ce qu'on m'en a dit, ce serait plutôt ma spécialité.

J'essaie.

Si si, j'essaie.

Mais je n'arrive pas à me retenir plus de 1,25 seconde.

-          On ? Celle avec qui t'as eu une relation de 3 ans ?

Le son qu'elle émet est entre soupir et rire dénué d'humour, tandis qu'elle se tourne sur son flanc pour me faire face :

-          Tu renonces jamais ?

-          Mon métier me l'interdit m'dame !

J'abandonne mes étirements pour me rallonger à ses côtés. Alors qu'on contemple toutes les deux le plafond, je demande :

-          Donc pour ma réponse…

Je reçois une petite tape qui je pense était destinée à mon ventre, mais atterrit plus sur mon sein qu'autre chose. Je pousse un petit cri de douleur et m'apprête à me masser avant de me raviser. C'est peut-être un chouïa malvenu.

Elle relève immédiatement, un air coupable absolument trognon sur le visage.

-          Pardon ! dit-elle en portant la main à sa bouche. Je t'ai fait mal où ?

Sa main palpe mes côtes, et j'hésite à feindre une douleur à cet endroit.

-          Euh non en fait, tu m'as frappée sur le…

Mon doigt vient pointer la partie de mon anatomie que je me refuse à mentionner à voix haute.

-          Ah ! Euh. Désolée ! Pas fait exprès.

Elle rougit et je dédramatise la situation en répondant :

-          Bah, j'ai l'habitude que tu me violentes !

-          Mouais. D'ailleurs merci de m'avoir fait passer pour un monstre hier soir !

-          Oh arrête ! Ose dire que c'est volé ?

Elle prend un air fin offusquée mais pourtant ne réplique pas.

-          C'est ce qu'on appelle un silence révélateur.

Ohhhh comme je savoure la première fois où je lui ai cloué le bec.

-          N'en rajoute pas trop Liz.

Son ton rieur m'indique qu'elle accepte la défaite. Temporairement. Sa voix chaude vient rompre le léger silence qui s'était installé :

-          Je me souviens également de toi qui tente de me refiler le bébé.

-          Le bébé ? Quel bébé ?

Je suis carrément confuse ! De quoi elle m'accuse au juste ?

-          T'as essayé de me faire raconter l'histoire !

Elle se tourne complètement vers moi, accoudée et la tête reposant sur sa main. Je ne manque pas une miette de son regard accusateur ni de ce que le mouvement laisse entrevoir de son décolleté.

Ben quoi ? Je reste moi !

Me motivant comme je peux, je m'arrache au confort du lit pour aller m'habiller. Inutile d'aller dans son sens et de m'embarquer dans une conversation potentiellement réprobatrice.

C'est le dernier jour de présentation des différents projets, après on aura une petite pause pour profiter du dimanche et le plan sera ensuite de négocier des partenariats ou autre…

La seule chose qui arrive à me faire sortir du lit est la perspective qu'une fois cela fait, j'aurais un moment de répit.

En plus, l'idée de passer du temps avec ma chef ne m'effraie même plus. Finalement, une fois sortie des bureaux elle n'est pas si terrible.

La voix de Steph me parvient dans ma tête " c'est le chien qui jappe pour que tu t'approches et GNAP, il te mord la main !!! ".

Secouant la tête, je continue de me préparer.

Elle exagère toujours.

 

 

 

[L'après midi, pendant le congrès]

Chance dans mon malheur, Mattéo et surtout Angy sont venus s'asseoir à côté de moi. Enfin heureusement c'est elle qui est venue contre moi, pas lui. Je l'aime bien, mais je préfère sa compagnie à la sienne. Étonnant, je sais !

Toujours est-il que malgré les regards désapprobateurs et autres promesses de sévices physiques de ma chef, Angy et moi discutons tranquillement.

Tout se passe bien jusqu'à ce qu'elle me demande la question à laquelle je ne voulais pas répondre :

-          Vous avez fait quoi hier soir ?

Juste alors que je m'apprête à changer de sujet de manière fort peu discrète,  ma boss me force à regarder l'estrade :

-          C'est bientôt fini ? On bosse là je te signale, écoute un peu !

Et là, la pire chose qui pouvait arriver arrive : une bonne intention.

-          Non mais Sha, c'est ma faute, je lui ai demandé ce que vous aviez fait hier soir.

Deux yeux verts et accusateurs viennent se poser sur moi.

-          Et tu lui as répondu quoi Liz ?

-          En fait, elle n'a pas encore répondu. Vous avez fait quoi ?

Avant que je ne sorte mon mensonge, ma supérieure dit :

-          On a diné avec Mlle Parkson.

Angy ouvre de grands yeux.

-          Sérieux ? Bien joué, si vous arrivez à vous la mettre dans la poche, c'est gagné ! Ça s'est bien passé au moins ?

Face à l'évidente catastrophe qui se profile à l'horizon, je tente de ne faire qu'un avec le dossier de mon siège, espérant fusionner d'ici peu. Du coup, Shaell continue de discuter tranquillement, ne se rendant apparemment pas compte que le sujet devient épineux. J'imagine qu'elle préfère éviter que ses amis n'apprennent notre " histoire ".

-          Oui oui, très bien.

Ma boss s'adosse correctement à son siège et fait mine de se remettre à écouter. J'imagine que c'est une manière comme une autre de couper court à une conversation.

-          Mais allez Sha, raconte quoi, on s'ennuie à mourir !

Ou pas.

Tout en se tournant pour faire face à son amie, ma chef soupire tellement fort que je suis persuadée que les types sur la scène l'ont entendue. Heureusement que cette fois ci, Linda ne nous a pas gardé de place.

-          On a parlé… euh… boulot. Essaie de suivre maintenant !

Ok, même un gosse de 4 ans tout ce qu'il y'a de plus crédule aurait entendu que c'était un énorme mensonge. Finalement, elle n'est peut-être pas douée en tout.

C'est assez étrange étant donné que les rares fois où je l'ai entendue dire des bobards, elle avait de quoi rivaliser avec mon dentiste.

Et croyez-moi, ça implique beaucoup de talent.

Surtout quand il me dit " ne vous inquiétez pas, vous n'allez rien sentir ". Mon cu-mes fesses !

Le pire, c'est que ce sadique est tellement convaincant qu'à chaque fois je me fais avoir.

Pile quand je me dis que Shaell a réussi à clore le sujet en évitant tout dommage collatéral, Angy se penche pour dire à mon oreille :

-          Nan, sérieux, vous avez parlé de quoi ?

Duh.

Je donne un coup de coude bien placé à ma boss, histoire d'attirer son attention. Elle se tourne tout en m'offrant un regard qui me laisse penser qu'elle me prédit une mort lente et douloureuse.

Je m'approche et lui demande tout bas :

-          Ton amie lâchera pas l'affaire, je fais quoi ?

-          Tu te débrouilles.

Offusquée, je proteste :

-          Hey, c'est pas moi qui nous ai mis là dedans !

Je lui attrape le bras pour l'empêcher de se retourner, mais apparemment elle ne comptait pas le faire et elle lève un sourcil alors qu'elle me demande :

-          Ah bon, c'est pas toi ?

1 point partout.

-          Tu sais très bien de quoi je parle !

Alors qu'on joue toutes les deux à " qui fera baisser les yeux à l'autre en premier " j'entends un énorme soupir sur ma gauche et bientôt Angy dit :

-          On dirait un vieux couple.

-          Qu'est-ce que tu veux dire ? fait semblant de demander ma boss un poil trop rapidement après que la question ait été posée.

Le pire, c'est que je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué, puisqu'Angy dit :

-          Minute, pourquo-

-          Ok stop, je vais tout te dire.

Wow, faire avouer ma boss aussi rapidement… je suis presque impressionnée. Jusqu'à ce que je me rappelle qu'elles se connaissent depuis un bail. Shaell doit savoir si elle est du genre à lâcher le morceau ou pas.

Toujours est-il qu'Angy, après avoir remis une mèche blonde derrière son oreille, se penche dans l'intention visible de ne pas manquer une miette de ce que ma chef compte dire :

-          Linda Parkson croit qu'on est en couple.

Même moi je n'aurais pas dit ça aussi directement. Pourtant la diplomatie n'est pas mon fort. Les yeux de son amie s'écarquillent et elle demande rapidement, inquiète :

-          Quoi ? Comment elle l'a su ?

Minute !

Je mate Angy puis Shaell puis …. Bref, vous avez saisi. C'est à mon tour de demander :

-          Su quoi ?

Shaell semble perturbée pendant un moment, et s'empresse de répondre :

-          Rah… Linda croit que je suis en couple avec Liz parce qu'elle n'a pas répondu par la négative quand elle a insinué qu'on pouvait être un couple " chef /employée ".

Angy reste bouche bée devant la révélation et ressemble étrangement à un poisson alors qu'elle ouvre la bouche et la referme sans qu'aucun son n'en sorte. Finalement, elle se tourne vers moi et demande :

-          Pourquoi tu n'as pas nié ?

Je me tortille face à la manière qu'elle a de me scruter, mal à l'aise d'avoir autant l'attention sur moi.

-          J'étais tellement sur le cul qu'elle puisse suggérer ça que j'ai mis quelques secondes à me remettre du choc et elle avait déjà changé de sujet…

Angy fait une sorte de grimace qui, j'imagine, est supposée ressembler à de la compassion.

 

Je suis soulagée d'entendre que le dernier intervenant a terminé sa présentation et je me vois déjà fuyant cette conversation. Malheureusement, alors que je me lève et me dirige vers le hall, il n'y a pas que Shaell qui me suit.

Perdue dans mes pensées, je marche sans m'arrêter en direction des ascenseurs, cherchant à rejoindre la chambre et par la même une tranquillité bien méritée.

-          Liz ?

Je me retourne, pour voir Shaell, Angy et Mattéo un peu en retrait, me faisant signe de me rapprocher. A contre cœur, je me dirige vers le petit groupe.

-          Oui ?

-          Mate ça ! dit Mattéo en pointant l'un des écrans géants.

Oh mon Dieu.

En levant les yeux, je constate que mon nom et celui de Shaell sont écrit en énorme sur le LCD.

-          Que ?

Alors que je n'ai même pas fini de comprendre ce qui se passe, j'entends une voix que s'extasie derrière moi.

-          Vous avez gagné le tirage au sort !!! Oh c'est génial ! Même si c'est toujours les mêmes qui ont de la chance !

J'appréhendais le moment où je découvrirais " qui " venait de parler, ayant reconnu l'intonation. Et en effet, pour terminer en beauté la touche finale de mon horrible petit tableau je me retourne pour constater que c'est bel et bien Linda Parkson qui se réjouit pour moi.

Là, tout de suite, il n'y a aucun autre endroit dans lequel je n'aurais pas envie d'aller, dès le moment que ça me permettrait de m'enfuir d'ici.

Le sourire en coin d'Angy, accompagnée par Mattéo qui, vu son air amusé, a dû apprendre la nouvelle et la joie de Linda Parkson, le tout en même temps c'est un peu trop. La seule chose qui me console un peu, c'est de voir que ma boss n'est pas plus à l'aise que moi !

Mais pile quand je me dis que ça ne pourrait pas être pire, j'entends un cri suraigu sur ma gauche et vois avec effroi un troupeau de gens se diriger vers nous.

A sa tête, ce que j'identifierai comme un présentateur, à mi chemin entre Prince et le type de la radio du film le 5ème élément, suivi d'une troupe de caméramans. Comment un homme peut-il porter une chose zébrée moulante devant une caméra ?

A mon grand désarroi, il vient se positionner très près de moi et s'exclame :

-        Vous êtes les grandes gagnantes du concours ! Wouhou ! Féli-ci-ta-tions !

Il s'empresse de me prendre dans ses bras, me procurant un merveilleux câlin forcé. Étant donné que je suis filmée, je m'efforce de faire un sourire. Mais croyez-moi, cela me coûte.

Il s'approche de ma boss, dans l'intention de lui faire subir le même traitement, mais celle-ci se recule en éternuant.

J'aurais tendance à dire bien joué si je ne doutais pas, au fond de moi, du côté pas fait exprès. Je veux dire, ce type a dû verser un seau de parfum sur lui avant de sortir. C'est un bon motif pour un éternuement.

-          J'imagine que vous MOURREZ d'envie de savoir ce que vous deux, petites veinardes, avez gagné !!?

-          Euh... oui.

Mourir est une perspective attrayante là tout de suite, mais pas d'envie.

-          Je le savais ! Chanceuses chanceuses chanceuses ! Et bien vous avez gagné… Ceci !

Il pointe alors son doigt parfaitement manucuré vers l'écran géant qui diffuse immédiatement une vidéo :

Le grand tirage au sort a eu lieu, et c'est deux femmes qui ont gagné ! Ces petites veinardes vont avoir droit au must de Las Vegas !  Deux jours dans le centre de soin le plus prisé de la ville. Balnéo, massages, et autres joies les attendent ! En plus de cela, elles vont recevoir la somme de 5 000 dollars, de quoi faire un peu de shopping ou, qui sait, gagner le gros lot, on est à Las Vegas après tout ! Enfin, toutes deux gagnent un pass valable un an leur garantissant qu'elles auront toujours une chambre qui les attend gratuitement dans tous les palaces de notre groupe et ce dans le monde entier ! Alors mesdames, qu'en dites-vous ? ".

La vidéo se termine par un gros plan sur la tête du présentateur tenant mon coupon gagnant devant lui. On lit bien clairement mon nom et celui de Shaell. J'entends celle-ci me murmurer à l'oreille :

-          Pourquoi diable as-tu mis mon nom sur ce truc ?

-          Pas le choix, c'était les règles ! Pi tu devrais être contente d'avoir gagné !

Avant qu'elle puisse me répondre, toute l'attention revient sur nous et le peu de confiance en moi qu'il me restait se décompose lorsque le présentateur demande :

-          Laquelle de vous deux a eu l'idée de participer au tirage au sort ?

-          Euh, c'est moi. Dis-je, me dénonçant.

-          Oh oh oh vous avez dû faire une heureuse ! Alors, alors ça fait quoi une surprise comme celle-là ? Vous devez être fière d'elle !

Tout en posant sa question, il s'approche de ma chef, visiblement un peu trop à son gout mais son bras passé dans son dos l'empêche de reculer.

-          Très. Répond-elle sans la moindre trace d'enthousiasme.

-          Alors dans ce cas vous devriez la remercier comme il se doit !

Le visage de Shaell devient si blanc qu'elle ferait fureur dans certaines pubs de lessives, mais bientôt elle se reprend et dit :

-          Merci.

Linda Parkson qui elle, se réjouit, nous prend chacune sous un bras, rendant ainsi ma boss super bien entourée.

-          Je pense qu'il parlait d'un baiser ! dit-elle dans un clin d'œil.

-          Mais… commence Shaell.

Puis tout à coup, elle se désengage des deux sangsues et vient me faire un bisou sur la joue.

-          Voilà. Merci Liz !

-          Oh non, non jeune demoiselle, pas ce genre de baiser. Après tout vous n'essayez quand même pas de nous faire croire que vous êtes amies ? Une seule chambre, deux noms… On a tous vu le papier. dit Angy.

Traitresse.

Le présentateur me regarde, puis Shaell bouche bée.

-          Un couple ? Moi qui n'osait pas y croire ! Oh oui !!!!

Shaell se retourne dans un mouvement qui pourrait être ridiculement lent s'il n'impliquait pas un haut niveau de menace. Si ses yeux étaient des fusils sniper, Angy aurait de jolis trous un peu partout dans le corps.

-          Oh oui oui oui !!! Merveilleuse idée ! Faites place ! dit le présentateur en tapant dans ses mains puis en écartant Angy et Mattéo pour que la caméra nous ait bien en ligne de mire.

-          Euh… Je ne préfère pas. Dis-je.

Ok, c'est un argument bien faible mais c'est la seule chose qui me vienne à l'esprit pour le moment.

-          Vous ne voudriez quand même pas décevoir votre public ? insiste-t-il.

Ma chef et moi faisons un tour de l'assemblée, histoire de constater un paquet de trucs.

Linda sautille sur place en applaudissant, visiblement ravie à l'idée d'assister au spectacle. Mattéo a un air conspirateur qui me laisse penser qu'il n'a pas l'intention de nous laisser nous en tirer à bon compte. Ce qui est un peu con de sa part d'ailleurs. M'enfin j'imagine que beaucoup de mecs aimeraient voir leur nana embrasser une femme sous leurs yeux.

Angy, elle, jubile ostensiblement. Et elle a de quoi ! Si tout comme elle, j'adorais mettre les gens mal à l'aise, je serais également fière de mon chef d'œuvre, ma plus belle pièce !

Le présentateur est, quant à lui, déjà extasié rien qu'à l'idée de ce qu'il compte nous forcer à faire.

Pour ne rien arranger, les caméras, l'annonce de notre gain sur l'écran et le présentateur lui-même ont attiré l'attention d'un petit attroupement au sein du hall de l'hôtel.

Pub gratuite.

Je vois déjà les gros titres : " un couple de lesbiennes gagne le tirage au sort de l'hôtel. " " Chaud la Balnéo " " L'huissier chargé du tirage au sort témoigne : c'est un peu grâce à moi si elles ont gagné, elles pourraient peut-être me remercier ? "

Gulp.

 Comment je vais me sortir de là ?

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26 janvier 2012

Chapitre 8

Chapitre 8 : L'histoire


Mes yeux se posent un peu partout autour de moi, prenant note du décor du restaurant en espérant y trouver l'inspiration. Manque de chance, à part une tapisserie de mauvais goût, je n'y trouve pas grand-chose.

Heureusement, le serveur revient avec notre apéritif et des amuse gueule et cette fois-ci je bénis l'interruption.

Ça me laisse un peu de temps pour inventer quelque chose. Heureusement pour moi, j'ai beaucoup d'imagination. Pour une fois, elle va servir.

Je ne m'empresse pas de répondre, je sais que c'est vain mais j'espère néanmoins qu'elle va être frappée d'amnésie soudaine.

Toute gaie, sans mauvais jeux de mots, Linda dit d'une voix  joyeuse :

-          Parfait, un cocktail et de quoi grignoter, pile pour le début de l'histoire.

Autant pour l'amnésie.

Je le savais que c'était pas une bonne idée ce voyage !

-          Ok… Alors ça faisait déjà quelques mois que Sha était devenue notre chef.

Je remarque que Linda n'est pas la seule à prêter attention à ce que je dis. Ma boss ne cache pas son intérêt et se penche un peu sur la table afin de me regarder sans trop avoir à tourner la tête.

Imperturbable (ou presque), je continue ma fable.

-          On devait travailler sur un projet en commun, quelque chose d'énorme qui allait prendre un temps fou. J'ai bien sûr essayé de lui dire qu'on aurait pas fini avant pas d'heure, mais elle n'en a fait qu'à sa tête et m'a assuré que c'était possible de boucler le tout à la fin des heures de bureau.

Cette remarque me vaut une petite claque joueuse sur le bras.

-          Bien sûr, devine ce qu'il s'est passé ?

-          Vous n'aviez pas fini ? suggère immédiatement Linda, visiblement déjà à fond dans ce que je raconte.

-          Pas du tout ! En plus pour arranger le tout, un gros client l'a appelée pour qu'elle vienne le voir urgemment. Le genre de visite qu'on ne peut pas trop refuser. Du coup elle m'a comme plantée seule au bureau, alors que tout le monde était parti.

-          Nan nan nan, je dirais pas que je t'ai plantée, c'était une obligation ! tente de protester Shaell.

C'est MON histoire, je l'invente comme je veux. Non mais.

-          Oui, bref, c'est ce qu'on dit. Du coup je me dis " pourquoi je resterais au bureau alors que je peux faire la même chose beaucoup plus efficacement de chez moi ? "

Ma supérieure embraye spontanément :

-          Imagine ma surprise, quand, en revenant de chez le client, je trouve les bureaux désespérément vides et pas le moindre signe d'où elle aurait pu aller. J'ai cherché partout, me disant qu'elle avait peut-être fini le dossier puis l'avait abandonné dans un coin pour que je le trouve…

Elle joue son rôle à la perfection, si je n'étais pas persuadée que ce qu'on dit n'est qu'un énorme tas de mensonges je nous croirais presque. Je prends le relais et continue en la voyant en mal d'inspiration :

-          Sauf que non, j'étais tranquillement chez moi, un latte à la main, en train de fignoler le tout.

-          N'empêche que t'aurais pu laisser un mot.

-          Fallait pas partir ! Bref. Mon téléphone sonne, l'écran affiche le numéro du bureau, je décroche et là…

Histoire de faire languir, je laisse planer le suspens quelques instants avant de reprendre :

-          Tina Turner n'a qu'à bien se tenir parce que les sons incroyables que me transmet mon cellulaire sont d'une puissance phénoménale. Une vraie harpie !

Linda me lâche un instant du regard pour tourner des yeux ronds en direction de Shaell. Bien sûr, ma chef n'est pas franchement à l'aise et tente de se justifier :

-          Elle exagère. J'ai à peine haussé le ton.

-          C'est pas ce qu'a dit mon ORL le lendemain en constatant les dégâts. Dans mon oreille, le marteau vibrait encore !

-          Tu vois, exagération ! Ajoute ma boss tout en me donnant une autre tape.

-          Violences sur employés, ça peut aller loin !

Je suis très fière de la situation dans laquelle je l'ai mise. J'ai parfaitement conscience que ça va se payer mais pour l'instant mon bonheur ne pourrait pas être plus complet. Du moins pas en public et avec tous mes vêtements.

Elle lève les yeux au ciel, puis dit :

-          Continue au lieu de dire des bêtises !

-          Chef, oui chef !

Je mime un soldat en apportant ma main à mon front, ce qui fait rire Linda et me vaut un énième regard assassin de ma boss.

Sa main passe sous la table et glisse sur ma cuisse. Instantanément j'ai le cœur qui se met à battre la chamade. C'est dingue l'effet qu'elle me fait. Mais pourquoi elle fait ça ?  Je la fixe d'un air interrogateur pour savoir.

Elle me fait un mouvement de la tête l'air de dire continue avant de désagréger mon quadriceps sous sa main.

Violences sur employés, je ne le dirais jamais assez !

Je suis sûre que j'aurais la trace de ses doigts en bleus demain ! La pression continue me pousse à poursuivre mon histoire très rapidement.

-          Bref je lui réponds que je suis chez moi, et que j'ai même presque fini le dossier. Madame patiente me demande si elle peut passer le chercher, histoire de voir ça ensemble et de dormir tranquille. Je réponds oui et lui donne mon adresse. Après un temps bien trop court pour quelqu'un ayant respecté les limitations de vitesse, elle sonne à ma porte. Je lui ouvre et j'ai à peine le temps de me retourner qu'elle est déjà en train de consulter mon ordinateur.

-          Le moins qu'on puisse dire c'est que tu ne prends pas ton travail à la légère ! fait remarquer Linda à ma boss.

-          Non, c'est sûr. C'est un métier où il faut s'impliquer !

Je souris devant leur échange et continue ma narration :

-          Donc je m'approche d'elle, tout en retenant le commentaire qui menace de s'échapper concernant la manière qu'elle a eue de consulter sans se gêner mon PC.

-          C'est bon, ce n'était pas ton portable personnel, mais celui du boulot !

Elle fait avec brio la tête de celle agacée que le sujet soit encore une fois remis sur le tapis. Je l'ignore et poursuis mon histoire :

-          Toujours est-il qu'elle se retourne, toute joyeuse. " T'as fait du bon travail ". Pendant un instant j'ai même cru qu'elle allait me prendre dans ses bras ! Non pas que je l'aurais repoussée hein mais… Merci.

Je commence à piocher dans le plat que m'a donné le serveur. Ça sent super bon. J'ai pris un filet mignon et des petits légumes, c'est à tomber !

J'en oublie que j'étais en train de parler jusqu'à ce que ma boss me le rappelle avec la délicatesse qui la caractérise :

-          Continue.

Peut-être est-elle aussi intriguée que Linda par la suite de l'histoire ?

Parce qu'en tout cas, ma fable a le mérite de captiver notre interlocutrice, elle ne m'a pas lâchée du regard depuis tout à l'heure. C'est tout juste si elle a jeté un coup d'œil à son assiette de pâtes carbonara.

Craignant de voir ma cuisse à nouveau broyée, je m'exécute et reprends :

-          Elle copie le tout sur sa clé USB et se retourne, visiblement déjà prête à me fausser compagnie, quand son ventre émet un gargouillis à faire trembler les murs. A vue de nez, je l'aurais placé entre 4 et 5 sur l'échelle de Richter.

Ma boss rougit, probablement comme elle l'aurait fait si la scène avait vraiment eu lieu. Je prends quelques bouchées de mes mini pommes de terre et reprends la parole en la pointant du doigt, même si ça me fend le cœur de pas profiter plus du plat :

-          Elle fait à peu près cette tête là et commence à s'excuser! En la regardant de plus près, je lui ai même trouvé un air fatigué. Alors du coup, je me décide à faire quelque chose qui ne m'aurait même pas traversé l'esprit si je n'étais pas prête, moi aussi, à tomber de fatigue : je lui ai proposé de rester dîner. D'ailleurs je ne sais pas pourquoi, je suis la pire cuisinière au monde.

-          Je pense qu'elle voulait m'achever. Dit Shaell d'un air conspirateur. Bien sûr, sur le coup je refuse et tente d'éluder la proposition en m'enfuyant sans répondre mais elle n'était pas de cet avis. 5 minutes plus tard, ne me demande même pas comment, je me suis retrouvée les pieds sous la table à attendre que mon repas cuise.

Héhé, c'est marrant mais j'ai l'impression qu'elle se prend vraiment au jeu. Je lui fais un petit sourire et rétorque :

-          Au moins je prends soin de mes invités ! Quant à moi j'étais en train de faire à manger, ou plutôt de tenter de réaliser quelque chose de comestible tandis que mes pensées se résumaient à " crotte crotte crotte crotte crotte pourquoi j'ai fait ça " !

-          Tu avais une idée derrière la tête ? me demande Linda, curieuse.

J'hésite un moment avant de répondre. Je me demande si c'est judicieux d'avouer mon désir pour elle. Quelques secondes de réflexion plus tard, je me décide à me lancer, de toute manière vu la discrétion dont je fais preuve, je suis quasi-sûre qu'elle le sait déjà :

-          Non. Enfin ! Je… j'étais très attirée par elle, mais c'était physique avant tout et puis avec son air hétéro, je pensais que j'avais pas de quoi espérer. Donc non, j'ai pas vraiment voulu tenter ma chance, je sais encore aujourd'hui pas franchement pourquoi j'ai proposé qu'elle reste.

-          C'est pas moi qui vais m'en plaindre en tout cas ! ajoute ma chef tout sourire en me caressant l'épaule.

Je pourrais m'y faire à cette histoire de couple ! Et si Linda venait nous rendre visite au bureau à notre retour?

Concentre-toi Liz !

Ne te laisse pas perturber par des pensées perverses mais oh combien tentantes !

-          Toujours est-il qu'on se met à table, et que je sors un petit blanc pour arroser le tout. Je sais très bien comment je suis quand je bois, alors je me sers qu'un demi-verre. Mieux vaut prévenir que guérir.

Ma boss prend le relais :

-          Mais j'étais pas d'accord, j'adore le blanc et je voulais pas passer pour une poivrotte à côté d'elle en buvant un verre entier.

-          Donc elle m'a resservie allègrement.

-          Une idée derrière la tête ? demande Linda, rieuse, mais à ma supérieure cette fois-ci.

Elle rougit violemment, avant de répondre tant bien que mal :

-          Non. Je… C'est juste que j'étais… contente d'avoir l'occasion de me détendre.

-          Avec Liz !

-          Non, peu… pas spécialement avec elle, de me détendre tout court !

-          Comment ça pas spécialement avec moi ?

Mon air faussement énervé et accusateur est tout à fait réussi, et c'est fière de moi que je la vois se " dépatouiller ". Pour une fois que je ne suis pas celle dans cette situation !

-          Tu sais très bien que c'est pas ce que je veux dire. J'avais juste besoin de me détendre.

-          Donc pas de motivations cachées. Mais tu avais déjà été avec une femme avant ? demande la rousse.

Je me sers un délicieux verre de vin bien fruité qui termine de rendre la situation parfaitement savoureuse. Je me demande comment elle va se sortir de celle là. "  Oh non j'étais avec mon mec depuis le lycée ".

Un sourire narquois vient se ficher sur mes lèvres tandis que j'attends sa réponse.

-          Oui, pendant 3 ans.

Ma bouche fait de son mieux pour conserver le précieux liquide à l'intérieur, alors que le réflexe de mon corps était de recracher le tout sur la table. Je suis traumatisée, mais j'essaie de le cacher.

Elle a vraiment été avec une femme ?

No way !

Elle a sûrement juste dit ça pour le bien de l'histoire. Reste plus qu'à m'en persuader.

Nan parce que sinon ça va pas le faire.

Fantasmer sur ma boss inaccessible, passe encore.

Fantasmer sur ma boss tout aussi attirée par les femmes que moi… Ça va vite devenir délicat !

Ne rêve pas Liz, rien n'indique qu'elle ait un jour été attirée par le sexe féminin ! Inutile de t'emballer. Cette " déclaration " a été faite dans le cadre d'une histoire fictive je te rappelle.

-          Oh, je n'aurais pas dit !

-          Comme quoi ! J'ai toujours été du genre à garder ma vie privée séparée de ma vie professionnelle.

-          Pour le coup c'est un peu raté. Réplique Linda en riant

-          Oui… Mon cœur en avait décidé autrement.

Elle me lance un regard que je jurerais plein d'amour. Est-ce qu'elle cessera un jour de m'épater ?

-          En tout cas vous formez un superbe couple ! Le genre qu'on ne voit qu'à la télé normalement !

Je sens la chaleur qui me monte aux joues et je baisse la tête, gênée. Je finis par me remettre et me tourne pour regarder ma boss, qui exécute exactement le même mouvement en même temps. Duh, tu parles de fâcheuses coïncidences.

-          Et donc ? On approche du baiser je me trompe ?

L'audace et l'indiscrétion maladive de Mlle Parkson me font sourire. C'est rare de nos jours de voir quelqu'un d'aussi ouvertement curieux. En même temps, le milieu professionnel dans lequel on évolue n'est pas franchement folichon.

-          Non, tu as raison. Quelques verres plus tard, j'insinue que je suis fatiguée. Je me lève pour aller mettre les assiettes dans l'évier, puis me retourne. Et elle était là…

Linda se penche en avant et ouvre grand les yeux :

-          Debout contre toi ?

-          Non. Elle était exactement là ou je l'avais laissée. Elle n'avait pas bougé de sa chaise. J'étais pourtant persuadée qu'elle n'attendait qu'une chose : partir. Après tout, à la base, je l'avais quasiment forcée à rester !

-          Et après, il se passe quoi ?

Linda regarde avidement Shaell puis moi à tour de rôle. On dirait qu'on lui raconte le dernier film au box office.  Je continue donc :

-          Je me suis approchée, je lui ai tendu la main pour l'aider à se lever. Elle l'a prise… mais m'a attirée à elle. Je me suis retrouvée à cheval sur ses genoux et j'avoue que j'étais divisée entre être gênée et me laisser aller.

-          Wow ! Et donc ? Tu l'as embrassée ?

Elle se tourne vers ma chef, qui est très occupée à faire un tri très très précis des 3 pauvres bouts de viande restant dans son assiette.

-          Raconte-lui. Me dit-elle sans lever la tête.

-          Je me suis décidée à la regarder dans les yeux. Je me suis comme à chaque fois émerveillée de leur couleur. J'étais plongée dans ce vert quand j'ai senti sa main se glisser derrière ma nuque. Et puis elle m'a dit : " maintenant ou jamais ". Et j'ai cédé.

Un sourire de contentement vient se placer sur les lèvres fines de la rousse.

J'imagine que mon histoire lui a plu. Je devrais faire scénariste !

Après quelques instants de silence, pendant lesquels je profite enfin du peu qu'il reste dans mon assiette, Linda commente :

-          C'est une très belle histoire.

 

A qui le dis-tu.

Dommage que pas un mot ne soit vrai.

 

26 janvier 2012

Chapitre 7

Chapitre 7 : Le grand jour

 

Respire.

Concentre-toi.

Pose ta feuille sinon tout le monde va voir que tu trembles.

Reste bien droite.

Merde j'ai le pantalon qui me rentre dans la raie des fesses, je pourrai pas me retourner pour présenter les graphiques comme ça.

Oh non oh non oh non.

Inspire, Expire.

La même chose.

La main de Shaell sur mon épaule vient me sortir de la transe dans laquelle je me suis mise. Elle se penche légèrement pour venir chuchoter à mon oreille :

-          Ça va aller t'inquiète.

Je sais que c'est que du blabla, mais venant d'elle ça me rassure.

Je m'accroupis derrière la table afin de vérifier que les câbles d'affichage sont bien reliés au PC portable. Cela me permet au passage de décoincer le pantalon de ma raie.

Alors que je suis affairée, j'essaie vainement d'ignorer la remarque d'un charmant monsieur ventripotent installé au fond : " oh oh, elle passe sous le bureau ".

Bien sûr, la tâche aurait été nettement simplifiée si la moitié de l'assemblée n'avait pas ri devant le commentaire. Certes les remorqueurs n'ont jamais gagné de prix " humour fin " mais quand même. On est à un congrès professionnel, merde.

Si moi j'arrive à mettre de côté mon attirance pour ma boss, ils peuvent bien garder leurs fantasmes pour eux.

En me relevant, je constate que Shaell arrive très bien à feindre n'avoir rien entendu. On se remémore ensemble le déroulement de la présentation, histoire de bien se mettre en confiance. 

La regardant une dernière fois, je lance finalement le PowerPoint de présentation.

 

[Quelque temps plus tard]

Le moment où mon siège me tend les bras est le bienvenu. J'utilise ce qu'il me reste de contenance pour me retenir de m'affaler dessus. Bien évidemment, je ne peux m'empêcher de remarquer que Linda Parkson aka " ma nouvelle meilleure amie " a pris soin de nous garder deux places à ses côtés.

Elle chuchote quelque chose à ma boss avant de me gratifier d'un sourire.

À peine assise, la main de ma supérieure vient discrètement se poser sur mon genou.

-          T'as assuré.

Je n'essaie même pas de retenir le sourire qui gagne mes lèvres. Valait mieux pour moi que ça se passe bien et j'avoue que je n'aurais pas espéré mieux. Les pros ont posé beaucoup de questions précises, ce qui montre à la fois qu'on a présenté quelque chose d'intéressant et qu'ils voulaient en savoir plus. En plus, vu qu'ils ont été plus loin dans les détails que ce qu'on avait abordé, j'imagine que nos explications générales étaient claires.

Je suis carrément soulagée que ça se soit bien passé. Je risquais ma place l'air de rien, et puis ça rattrape peut-être les bourdes que j'ai pu faire.

La présentation suivante commence et je ne sais pas si c'est la retombée du stress ou quoi, mais je peine à retenir les bâillements.

L'air de rien, j'en profite pour mater Shaell du coin de l'œil. Elle s'est montrée étonnamment supportrice. Comme quoi il n'y a pas que la cravache qu'elle connait, elle maitrise aussi la carotte.

Pour ma part, je préfère quand elle manie la seconde. Enfin, tout dépend du contexte. Un sourire vicieux vient se planter sur mes lèvres, l'imaginant parfaitement en dominatrice.

-          C'est bientôt fini ? C'est sur l'estrade que se passe l'action. Dit-elle sans prendre la peine de camoufler son sourire.

Je devrais être honteuse de m'être ENCORE fait prendre, mais quelque part j'ai l'impression qu'il y'a une sorte d'acceptation tacite entre elle et moi. Je ne sais pas comment l'expliquer mais au fond je crois qu'elle sait pertinemment bien que je la regarde à la moindre occasion venue.

Et pas d'un côté strictement professionnel si vous voyez ce que je veux dire.

Pas de méprise.

Je ne suis pas en train de dire qu'elle l'accepte.

Elle le tolère plutôt.

Après tout, ça lui donne une nouvelle méthode pour me tourmenter.

 

À contrecœur, mon regard retourne se poser sur les deux types ventripotents qui tentent d'expliquer je ne sais trop quoi.

Je devrais prêter attention à ce qui se dit mais étant donné que je viens de sauver ma peau j'estime que j'ai droit à un break. Ce n'est pas tous les jours qu'on réussit à se sortir du pétrin et en même temps qu'on s'autorise à caresser une promotion du bout des doigts…

-          Tu pourrais au moins faire semblant d'écouter.

-          Mes profs ne se sont jamais aperçus de rien.

Ok, mon argument ne tient pas trop la route.

-          Les profs sont pour une grande majorité trop blasés pour avoir le courage de te faire remarquer que tu somnoles de manière ostentatoire.

C'est quand elle sort le plus naturellement du monde des phrases comme ça que je me souviens pourquoi cette femme est douée pour mener des débats commerciaux. Généralement ses tirades sont sans appel.

Lorsque mademoiselle Parkson se penche pour chuchoter à l'oreille de ma supérieure, je réalise que le premier rang, à un siège de celle qui a organisé le congrès, n'est pas l'endroit idéal pour piquer un petit roupillon, aussi mérité soit-il.

Je m'efforce de me tenir droite et d'avoir l'air captivée par ce qui se dit, tout en espérant secrètement que la matinée ne s'éternise pas.

Un coup d'œil à ma montre m'indique que mon calvaire ne saurait trop tarder à prendre fin.

Pour mieux reprendre cet après-midi.

Duh.

Peut-être que je pourrais m'étouffer avec les bretzels qui garnissent le coin des salés, ce qui m'éviterait de revenir.

Mais pas l'arrachage d'yeux pour motif " abandon " que je subirais une fois passé le pas de la chambre.

J'imagine que la seule option qu'il me reste est de prendre mon mal en patience.

 

[En fin d'après-midi]

Mes inconfortables-bien-que-très-classe chaussures de boulot quittent mes pieds dès que j'ai franchi la porte. Retirer ces trucs là, c'est presque aussi bon que le sexe.

Comme pour me narguer, ma boss écarte les doubles portes et s'affale sur le lit dans un soupir tout ce qu'il y'a de plus sexy.

Ok peut-être pas aussi bon.

Mais pas loin alors.

 

Je resterais volontiers là, à ne rien faire d'autre que de m'enfoncer lentement et sûrement dans ce canapé, mais la voix de Shaell vient bien trop vite briser mon doux rêve.

-          Te décontracte pas trop vite, la journée boulot n'est pas finie.

Jamais mes abdos ne se sont contractés plus vite qu'en ce moment précis, alors que je me relève pour lui lancer un regard mi-accusateur mi-meurtrier.

-          Comment ça ? Je suis pas au courant !

Je suis tout ce qu'il y'a de plus indignée à l'idée que mon repos oh-combien mérité ne soit pas d'actualité.

Elle se contente de me fixer en clignant plusieurs fois des yeux pendant quelques instants, comme si je revenais tout juste d'un séjour de plusieurs mois dans un hôpital psychiatrique très très loin d'ici. En même temps, vu la vitesse à laquelle j'ai réussi mon abdo, je devais avoir une folle ressemblance avec les diables à ressorts qui sortent de leur boite.

-          Liz. J'essaie de t'informer là.

Oui ben si tu pouvais le faire plus vite. Bougonnant, je demande :

-          Bref. Comment ça pas finie ?

-          On va au restau ce soir.

Mes traits s'illuminent. J'ai vraiment passé une bonne soirée hier. Peut-être qu'avec un peu de chance...

-          Oh, cool. Avec Angy et Matt ?

Vu son air, à mon avis c'est pas ça. Elle secoue la tête, signe de négation et ne me répond pas, attendant probablement que je percute.

Qui d'autre que -

 

Oh.

 

OH…

 

-          Le … la … Mademoiselle Parkson ?

Mon ton laisse tout à fait transparaitre ma crainte que ce soit la bonne réponse.

A son hochement de tête, mon cœur commence à battre la chamade.

Non non non.

Je ne suis pas prête.

-          Pourquoi ne pas me l'avoir pas dit avant !?

Un de ses élégants sourcils se soulève avant qu'elle ne parle :

-          J'ai préféré éviter une telle " réaction " en public.

-          Quelle réaction ?

-          Tu sais bien. Le " je suis tellement blanche qu'on dirait que je suis sur le point de m'évanouir " " oh non j'ai des palpitations " " c'est moi ou il fait chaud ? "

Je pourrais rétorquer.

Si si, je pourrais.

Je sais pas exactement quoi mais… hein ! Je pourrais.

Sauf que c'est l'exacte vérité.

Mais j'ai de quoi hein.

Ce séjour empire de minute en minute.

Moi je pensais qu'une fois qu'elle aurait eu ce qu'elle voulait, cette miss Parkson nous laisserait tranquilles.

Mon cu- ma cuisse !

Oui, j'ai récemment décidé qu'il fallait choisir entre vulgarité et obscénité lorsque je me parle à moi-même.  Mais ceci n'est pas la question.

-          Pourquoi ? Je veux dire, pourquoi avec ELLE ?

-          Elle semble vouloir nous " remercier " du service rendu.

Ah, bon ça va, si c'est que ça.

-          Et puis elle n'arrêtait pas de me parler de toi tout à l'heure, tu lui as visiblement fait de l'effet.  Paraîtrait que je suis très chanceuse.

Son sourire joueur n'atténue pas mon envie de me défenestrer. Au contraire. Une chance que la baie vitrée ne s'ouvre pas.

Pour le coup, j'échangerais volontiers ma place.

 

Résignée, je me lève dans un soupir mélodramatique et me dirige vers la commode.

-          Plutôt quel style ?

-          Décontracté à ce que j'ai cru comprendre.

Je farfouille dans mes vêtements. J'ai bien fait de prendre la quasi-totalité de ma garde robe dans ma valise. Au moins j'ai du choix.

Et puis c'est ludique le casse tête au moment de la fermer : comment faire rentrer 4m3 de fringues et chaussures dans une seule valise de taille moyenne ?

Je trouve assez vite l'ensemble qui me convient pour ce soir. Un haut rouge, histoire de faire genre j'ai confiance en moi et mon jeans bleu clair tout simple.

J'aime bien le rouge, parce qu'au fond, j'ai toujours été persuadée que lorsque j'en porte, j'ai meilleure mine. C'est censé faire ressortir mes yeux bleus.

J'ai jamais vraiment osé demander si c'était vrai, de peur qu'on brise mon mythe. En tout cas ça fonctionne dans ma tête, ça me donne confiance et c'est déjà ça.

-          Je peux ?

Je pointe du doigt la salle de bain. Elle acquiesce et je me dirige dans ce qui j'espère va être mon havre de tranquillité.

A travers la porte fermée, je lui demande :

-          A quelle heure on a rendez vous ?

-          19h.

Oh, donc j'ai le temps de prendre une douche.

 

Fraichement douchée et ayant passé bien plus que ce qu'on considèrerait comme humainement possible de temps dans la salle de bain, j'en sors un peu plus sereine.

Avant de me faire bousculer par une Shaell pressée.

Hey, j'ai même pas eu le temps de me sécher correctement les cheveux !

Cependant, lorsque je vois exactement combien de temps j'ai passé dans la salle d'eau, je peux comprendre qu'elle soit présentement en train de speeder. Mon indignation meurt avant que les mots ne quittent ma bouche.

Faut dire que douche s'est bien vite transformé en bain rapide, qui s'est transformé en bain avec huiles essentielles, puis masque pour le visage etc etc…

Au moins je suis détendue, alors rien que pour ça, ça valait le coup.

Bon après n'allez pas croire que ça veut dire que j'ai plus envie d'y aller que tout à l'heure. Parce que c'est faux.

J'ai un mauvais pressentiment. Et généralement, avec la chance qui me fait cruellement défaut, je ne me trompe pas.

Elle sort de la douche après ce qui me semble être quelques millisecondes, entièrement habillée. Parfois je me dis que cette femme recèle bien des mystères. On m'apprendrait qu'elle a été transformiste pendant des années, après l'exploit qu'elle vient de réaliser j'y croirais sans problème.

Elle ne prend même pas le temps de se sécher les cheveux et m'attrape le bras, me traînant vers la sortie. Je pleurniche immédiatement, voulant repousser l'échéance :

-          Mais j'ai pas fini de me préparer !

-          Moi non plus, grâce à toi. Me répond-elle accompagné d'un regard meurtrier.

Elle trottine à moitié jusqu'au restaurant et n'ayant pas lâché mon bras, je suis bien forcée à suivre la cadence.

On arrive pile poil cinq minutes avant l'heure.

-          Ah ben tu vois, c'était pas la peine de m'arracher à moitié le bras, on est même en avance.

Je suis assez fière d'avoir marqué un point jusqu'à ce qu'elle réponde :

-          Elle est déjà là.

Duh !

À peine la baie vitrée passée, Linda nous accueille avec… enthousiasme. Je ne suis pas quelqu'un de super tactile, alors c'est vrai qu'une " inconnue " qui me serre dans ses bras en me faisant la bise… C'est perturbant. Cette femme est américaine, donc normalement les bisous c'est en trop. M'enfin.

Je n'ai pas le temps de m'inquiéter davantage de l'excès de familiarité de nôtre hôte que déjà nous sommes conduites à une table.

On traverse le restaurant déjà à moitié plein rapidement. Personnellement, ce n'est pas le genre d'endroit où j'aime passer du temps. Des objets étranges trainent un peu partout et l'harmonie des couleurs est visiblement un concept étranger au type qui a décoré les lieux.

Voyant deux chaises d'un côté et une banquette de l'autre, je me dirige rapidement vers l'une des chaises. Si vous voulez mon avis, la situation est déjà suffisamment gênante sans que je sois côte à côte avec ma supposée petite amie.

-          Vous savez, vous pouvez aller à côté d'elle. Je ne voudrais pas vous séparer.

Je m'efforce de faire un sourire qui est supposé avoir l'air joyeux, mais je crois qu'il sort un chouïa crispé.

C'est donc avec une joie toute en retenue que je prends place aux côté de ma boss.

Je feins une lecture plus qu'approfondie du menu pour ne pas avoir à regarder l'une comme l'autre.

-          Hum, c'est horrible, tout m'a l'air appétissant.

-          A qui le dites-vous ! Répond Shaell à l'autre femme.

-          Dites, j'ai une question : le tutoiement vous gêne ?

-          Non, du tout.

-          Ça m'arrange, généralement les " formalités " ne sont pas de mise avec les remorqueurs. 

Je les laisse discuter tout en essayant de me recoiffer discrètement dans le reflet de ma petite cuillère.

Je ne sors jamais sans me sécher les cheveux, alors je m'attends à voir une touffe incroyable surmonter ma tête mais en fait ça va. C'est potable.

-          Vous êtes chanceuses d'avoir eu le temps de prendre une douche, j'ai été retenue au congrès jusqu'à il y a un quart d'heure environ.

Je croyais qu'elle avait dit qu'elle allait nous tutoyer ?

Je relève la tête et suit son regard, des cheveux mouillés de Shaell aux miens, pas beaucoup plus secs.

Oh

-          Je reviens tout de suite.

Profitant du fait que Linda se lève, j'observe ma chef, dont l'incompréhension se lit clairement sur le visage.

-          Elle ne vient pas de demander si on peut se tutoyer ?

Heureusement qu'elle est assise, le choc sera peut-être moins grand.

-          Elle croit qu'on est un couple. Et… Tes cheveux sont aussi mouillés que les miens. Dis-je en pointant du doigt sa tête puis la mienne.

-          Oh… Une douche ensemble ?

Tout en acquiesçant, je retiens le sourire qui menace de s'échapper devant la légère rougeur qui vient colorer ses joues. C'est trop mignon.

-          Je crois que je ne me ferais jamais à cette idée de jouer le couple. Me dit-elle.

-          Hey, c'est vexant.

-          Roh non, c'est pas ce que je veux dire ! C'est pas toi le problème, c'est juste, trop bizarre, tu es mon employée.

-          Mouais.

-          Tu vois ce que je veux dire ?

Comme pour appuyer ses faits, elle pose sa main sur la mienne. Je m'apprête à répondre quand Linda s'assied à la table. Je ne vois qu'une solution : pour être aussi discrète, elle doit revenir d'un voyage au Tibet où elle a tout appris des moines Shaolin. Je l'ai pas entendue revenir.

Toujours est-il que j'ai ma boss, qui fixe alternativement Linda et nos deux mains façon " biche apeurée devant les phares d'une voiture " et moi qui ne sait pas trop comment réagir.

Je retire ma main dans un sourire crispé, embarrassée. 

-          Ça ne me gène pas vous savez.

Devant notre froncement de sourcils, elle ajoute :

-          Que vous vous teniez la main. A vrai dire je trouve ça plutôt mignon.

Ne sachant pas du tout quoi faire, je jette un coup d'œil en direction de Shaell.

Elle me fait un sourire tout ce qu'il y a de plus crédible et tourne sa main dans une invitation silencieuse.

Je ne peux que constater mon membre qui réagit à l'encontre des messages que lui envoie mon cerveau, observant ma main venir se loger au creux de la sienne.

Linda semble, elle, tout à fait satisfaite.

-          En tout cas, vous m'avez rendu un fier service en acceptant de passer en premier.

-          Et toi en organisant le congrès, on est quittes. Réplique ma chef.

Je suis bien trop soulagée du changement de sujet pour prendre part à la conversation.

-          Merci quand même. En plus vous avez fait un carton, j'ai eu de bons échos pour votre projet. Ambitieux et bien présenté, tout ce qu'il faut pour un succès.

-          Pour la présentation, le mérite revient entièrement à Liz.

Sa main serre un peu plus fort la mienne et j'ajoute :

-          Et elle est à l'origine de beaucoup de points du projet.

Toutes deux sourient devant mon affirmation. J'imagine que de nous voir nous renvoyer la balle doit être assez mignon. Même si ce n'était pas franchement notre intention.

-          En tout cas j'espère pour vous que vous avez apporté suffisamment de cartes de visites, quelque chose me dit que ça ne va pas être du luxe ! dit Linda

-          Tant mieux !

Le serveur vient prendre notre commande, rompant avec efficacité la discussion.

Pour une fois que celle-ci ne portait pas sur un sujet qui me met mal à l'aise.

Une fois nos plats choisis, un léger silence s'installe.

Elle nous fixe intensément, un large sourire aux lèvres. A vrai dire, je me sens tellement scrutée que je finis par craquer :

-          Quelque chose ne va pas ?

-          Non. Je suis juste très curieuse.

Shaell et moi nous regardons l'une l'autre, puis ma boss s'enquiert :

-          Curieuse à propos de ?

-          Votre couple.

Elle aurait jamais du demander sur quoi se portait sa curiosité.

Si les énormes pics qui sont déjà plantés dans mes fesses sont une quelconque indication, je sens l'approche d'un sujet épineux.

Linda prend notre absence de réponse comme une acceptation tacite de ses questions puisqu'elle se met à parler :

-          Comment s'est passé votre premier baiser ? Je veux dire, ça doit être spécial vu que c'est une relation " patronne / employée ".

Oh mon Dieu. Comment on va se sortir de ça ?

En tout cas, la question ne semble pas inspirer plus Shaell que moi. Et ça la stresse également, vu qu'elle en train de réduire les os de ma main en toute petite poudre.

Espérant m'en sortir " facilement " je choisis de tenter de me décharger, quitte à affronter la tempête une fois rentrée, en disant :

-          Vas y, raconte-lui toi.

Elle se tourne vers moi pour me faire face et malgré le sourire qui orne ses lèvres, je sais qu'elle n'a pas apprécié. Comment je le sais ? Simple. Déjà sa main continue son opération destruction sur mes phalanges et la lueur meurtrière dans ses yeux le confirme.

-          Nan chérie, je suis sûre que commère comme tu es, tu meurs d'envie de le dire à quelqu'un, vu qu'au boulot ça doit déjà te démanger de ne pas pouvoir le dire.

Je la hais.

Cette femme, bien que très attirante, est le démon personnifié.

-          Très bien. Alors je vous fais la version courte ok ?

-          Ah non, c'est pas souvent que j'ai l'occasion d'entendre ça ! répond Linda.

Ok.

Bon.

C'est définitif, je suis dans la merde.

26 janvier 2012

Chapitre 6

Chapitre 6 : Petites confessions entre amis


On retrouve Mattéo, sagement assis à la table haute. Il me regarde, puis Shaell, et dit :

-          T'as bien fait de te renverser une partie de ton cocktail dessus !

Évidemment, de son point de vue… Il gagne sa copine qui montre un peu de chair. Remarque, je profite de la vue aussi (en toute discrétion bien sûr). Mais moi j'ai quelque chose qu'il n'a pas ! Son odeur sur moi ! Enfin vu comme ils étaient collés tout à l'heure, ça c'est moins sûr. Il me faut ma dose ! Je me retiens difficilement de renifler son haut, ce qui me rendrait encore plus bizarre que je ne l'ai déjà été et tente de suivre la conversation. Bien sûr, mon esprit vagabonde au moment passé dans les toilettes. Après réflexion, excepté la gêne et la honte, ce n'était pas si mal !

-          Et vous avez déjà rencontré la nana là, la rousse qui dirigera le congrès, elle s'appelle comment déjà ? Matt, aide moi ! dit Angy en donnant une petite tape sur le bras musclé du latino canon à ses côtés.

-          Parkson, Linda Parkson.

-          Oui voilà ! Vous l'avez rencontrée, il parait qu'elle est lesbienne !

-          Oui oui, d'ailleurs je lui ai parlé pas plus tard que ce mAaAatin !

Angy comme Mattéo me regardent d'un air bizarre, mais ça c'est uniquement parce qu'ils n'ont pas vu la poigne d'acier que constitue la main de ma supérieure qui se referme sur ma pauvre petite cuisse. Ma parole, cette femme n'a rien à apprendre des crabes !

En attendant le message est passé, NE PAS parler de Parkson, ou peut être est-ce " évite le sujet de notre prétendu couple " ? Pour détourner l'attention je leur sors :

-          Désolée, un frisson !

Je vous arrête tout de suite. Ne vous attendez pas à ce que mes talents de menteuse s'améliorent.

Personnellement ça fait un paquet d'années que j'espère la même chose et sans grand succès. Ma chef embraye sur le sujet épineux et je décroche complètement de la conversation.  Je suis sortie de mes pensées par une main sur mon épaule.

Soit Angy vient de se téléporter à mes côtés, soit j'étais vraiment perdue dans mes rêveries.

-          Tu danses ?

-          Avec plaisir.

Je la suis en constatant que nous sommes accompagnées par Shaell et Mattéo, ce qui me fait me demander une chose :

-          Et la table ?

Les yeux bleus d'Angy se posent sur moi et elle me répond en montrant ma boss et son ami du doigt :

-          Bah, de toute manière ils ne vont pas tarder, et moi non plus… je pense qu'on peut bien l'abandonner. Après tout vous vous levez aussi tôt que nous demain.

-          T'as raison.

Je me retrouve face à Angy au centre de la piste et tente de m'oublier dans la musique, histoire d'avoir un minimum de tempo. Alors que j'essaie de trouver le rythme tout en gardant une certaine distance, je vois l'une de ses mains venir attraper la mienne pour m'attirer à elle.

Ok.

Guider dans le langage de la danse implique donc un corps à corps ?

Dans quoi j'ai encore été me fourrer ?

Je suis soulagée que l'ambiance bleutée du bar offre une atmosphère suffisamment sombre pour que la blonde ne puisse pas voir ma gène.

Je finis par me détendre un peu et " profiter " du moment. Je vous vois venir, je ne profite pas que de ma partenaire. Non non. Je trouve ça assez sympa que pour une fois je sois sûre d'être dans le tempo et de ne pas faire n'importe quoi.

-          Ben tu vois, tu te débrouilles bien. Me dit Angy à l'oreille.

-          C'est toi qui fais tout, je me contente de suivre.

-          Tout, n'exagérons rien, je ne pense pas être responsable de tes mouvements de bassin.

….

Shaell avait raison, Angélique aime mettre les gens mal à l'aise.

Je détourne le regard un instant, pour tomber les yeux dans les yeux avec ma supérieure. Les deux pupilles vertes me suivent un instant, avant de retourner se poser sur le visage de celui avec qui elle danse, le temps de me faire un sourire auquel je réponds rapidement. Je continue de l'observer un instant, remarquant qu'elle bouge très bien. Visiblement, ma partenaire n'a rien manqué puisqu'elle me demande :

-          Tu l'aimes bien ?

J'espère qu'elle ne me demande pas si… Levant un sourcil, je lui demande confirmation :

-          Comment ça ?

-          En tant que personne.

Ouf, elle ne me demande pas si je suis sexuellement attirée par son amie. Sinon j'ose même pas imaginer quel genre de mensonge j'aurais dû sortir.

Il me faut un moment pour réfléchir à ma réponse. Et lorsqu'elle sort, elle n'est pas moins confuse que dans ma tête.

-          Non... Enfin oui mais…

Elle sourit tout en continuant à me questionner :

-          Oui ou non ?

-          A vrai dire, je découvre qu'elle est une personne depuis quelques jours seulement. Auparavant, elle était juste froide et distante.

Elle pondère un moment mes propos, gardant les yeux loin dans le vide par-dessus mon épaule.

-          Honnêtement, connaissant son passé je ne peux pas lui en vouloir... Elle doit faire ça pour éviter que des évènements se reproduisent. Bon après c'est clair que l'amie en moi aurait envie qu'elle se lâche plus, qu'elle s'autorise à vivre, à faire confiance à d'autres personnes qu'à Matt et moi.

-          Oui mais même. Il y a " se protéger " et en venir à se faire donner des surnoms atroces par tous les gens du bureau.

Angy a un petit sourire triste devant ma " révélation ". Elle met quelques instants à répondre :

-          Elle se planque derrière tout ça. Le boulot c'est, à mon avis, sa façon à elle d'oublier qu'elle n'a pas une vie palpitante à côté.

-          C'est dommage…

Les sourcils d'un blond foncé de ma partenaire se froncent tandis qu'elle me demande de préciser :

-          Comment ça ?

-          Et bien… Je sais pas comment dire... Il y a beaucoup de domaines où elle force l'admiration, je suis sûre qu'elle pourrait être tout à fait populaire si elle ne se conduisait pas comme ça. Enfin après je ne la connais pas.

Tout en continuant de danser, Angy a l'air perplexe :

-          Ça fait quand même un petit moment que tu travailles avec.

-          Oui mais ça reste très pro. J'ai découvert dans l'avion pour venir ici qu'elle était capable de faire preuve d'humour.

Elle hausse les sourcils, visiblement un brin surprise :

-          A ce point ?

-          Ohhh que oui.

Elle ne répond pas et nous continuons à danser en silence. Je ne suis pas fâchée de ne plus parler de ma chef. Quelque part, j'ai encore du mal à la considérer comme " elle " et non pas comme l'image qu'elle veut donner.

Angy lève soudain la tête, l'air déterminé :

-          Si ce que tu me dis est la réalité, je ne peux pas la laisser faire. Je vais prendre ça en main.

Prépare-toi Shaell Mackenzie, car à mon avis, Angy risque de venir bousculer tes petites habitudes.

-          Et je vais commencer maintenant. Ça t'embête qu'on change de partenaire ?

Euh à vrai dire oui.

Mais je sais bien que c'est une question rhétorique, elle veut " s'occuper " du cas de ma supérieure et vu son air résolu, il y a peu de chances que j'y échappe.

Bien que l'idée de danser avec Mattéo ne m'enchante guère (et c'est un doux euphémisme), j'acquiesce, sachant mes options limitées.

-          Je peux t'emprunter ta partenaire ? demande Angy.

Refuse Mattéo, refuse. J'envie pas du tout la place qu'occupe ma chef. Malheureusement, il prend ma main et la pose sur son épaule.

Refuser serait vraiment malpoli et vexant ? Feindre l'évanouissement peut-être ?

Résignée, je me laisse entrainer. J'arrive même à retenir l'énorme soupir qui ne demande qu'à sortir. Yay, go moi !

 

Vu de près je dois reconnaitre qu'il est vraiment beau gosse. Ses origines latines lui donnent un charme tout particulier. L'une de mes mains vient se poser sur l'un de ses pectoraux parfaitement musclés et je reconnais à contrecœur qu'il a l'air vraiment bien foutu. Je suis sortie de mes pensées par sa voix grave et chaude à mon oreille :

-          J'ai enfin l'occasion d'avoir un tête à tête avec la fameuse Liz. Dit-il, ponctuant sa déclaration d'un sourire email diamant.

-          Fameuse ?

-          Sha ne tarit pas d'éloges à ton sujet.

-          Huh huh... Ok.

Mon ton parfaitement incrédule et mon sourcil levé montrent bien que je ne crois pas un mot de ce qu'il dit. Il tente immédiatement de me convaincre :

-          Non je ne déconne pas. Depuis tout à l'heure elle me raconte qu'elle flippe pour demain et qu'elle ne regrette pas de t'avoir prise avec. A ce qu'il paraît, tu " assures " pour ce qui est de développer un projet et de le vendre à un public.

J'avoue, les mots me manquent. Elle aurait dit ça ? Je sais que je rougis alors je baisse la tête, priant pour qu'il n'ait pas vu que j'étais mal à l'aise. Ses yeux noirs s'écarquillent en réalisant que je ne joue pas la comédie :

-          Tu ne t'en doutais vraiment pas ? Allez, genre ! C'est pas son style de faire des cadeaux quand il s'agit du boulot. Si t'es ici, je suis persuadé que ce n'est pas un hasard… Mais surtout…

-          Oui ?

Il tourne la tête de droite à gauche, s'assurant que ma chef n'est pas là, se passe la main dans ses cheveux courts avant de me murmurer à l'oreille :

-          Pas un mot sur cette conversation, si elle l'apprend, je donne pas cher de ma peau.

L'idée de rapporter ses paroles dans l'unique but de le faire tuer est tentante. Mais après tout, excepté être en couple avec ma supérieure, il n'a rien fait de mal. Il est même plutôt sympa.

-          Alors comme ça elle terrorise même ses amis ?

Il sourit et baisse légèrement le regard, comme s'il songeait à d'anciens souvenirs.

-          T'as pas idée d'à quel point ça peut être vrai.

-          Oh je serais toi, je ne parierais pas dessus, j'ai eu l'occasion de la voir faire quand même.

D'un ton malicieux, il ajoute :

-          Elle a fait de l'équitation. On marche au pas !

Bien malgré moi, je me bidonne. Mon imagination n'a aucun mal à me représenter très clairement ma chef dans un complet en cuir, cravache à la main et faisant c-

-          Pensées cochonnes.

-          Hein ? Que, quoi ?

-          T'avais la tête de celle qui a des pensées cochonnes.

-          Qu'est ce que tu veux dir- Oh… Mais… Mais pas du tout. Tu te trompes. Non. Du tout. Faux.

Ok, réaction un chouia trop prononcée. Bien joué.

-          Déni trop insistant pour être réel.

Et il en rajoute. Ça va pas du tout, ils sont pires les uns que les autres. Que quelqu'un vienne m'achever. C'est un trio infernal, les " gorgones " en version moderne.

Le moment me semble parfait, oui, changer de sujet pile maintenant semble être une idée brillante.

-          Avoue, vous avez fait un pacte à vous 3 : me torturer.

Ma phrase est accueillie par un sourire taquin :

-          Dis-toi qu'au moins tu as droit à trois experts en la matière.

-          J'ai vu ça, et puis je fais une proie commode, pas vrai ?

-          A qui le dis-tu. La moitié de ce que tu penses est écrite bien clairement sur ton visage.

Ok. Là c'est la peur qui doit être gravée en lettres rouges. J'irais même jusqu'à dire de la terreur.

Tout ?

Comme dans " tout, même la partie ou je fantasme ouvertement sur ma chef " ?

Il éclate de rire face à ma réaction, s'amusant notoirement de mon trouble.

-          Tu vois, c'est de ça dont je parle. Je t'ai rencontrée il y a seulement quelques heures, mais tu m'as déjà fait des têtes épiques. C'est intensément gratifiant.

 

Finalement, j'arrive à détourner son attention vers un sujet moins épineux que mes pensées. A côté de nous, Angy essaie clairement de décoincer ma chef, entrant en conversation avec un couple de parfaits inconnus dansant à côté. Je doute de l'efficacité de ses méthodes pour faire " s'ouvrir " ma supérieure, mais une chose est sûre : elle est hors de son élément et pas franchement à l'aise.

 

[Plus tard, dans la chambre]

Je m'affale à plat ventre sur le canapé sans même prendre la peine de mettre mes bras pour amortir la chute.

Je suis vannée.

-          Alors, tu as passé une bonne soirée ? me demande Shaell

-          Oui nickel, sauf pour la partie où je me suis renversée mon verre dessus et toi ?

-          Idem. Je les adore.

-          Je peux comprendre pourquoi.

Un doux sourire vient parcourir furtivement ses lèvres pleines. Pas de doute, elle les aime. Elle semble sortir de sa torpeur et se passe la main dans les cheveux, remettant le tout en place.

-          Bon, je vais aller me coucher. Contente que tu aies passé un bon moment. Bonne nuit.

-          Merci, toi aussi. Shaell ?

Elle se retourne et me regarde par-dessus son épaule. Je me rappelle ce que m'a dit Matt et j'imagine qu'elle doit être anxieuse pour demain.

-          Tâche de te reposer. On va assurer demain, j'en doute pas.

Un sourire plus tard, elle me répond :

-          J'ai confiance.

Et je sais à son regard qu'elle dit l'entière vérité.

 

Satisfaite, j'enfile rapidement mon pyjama, avant de m'allonger sur le canapé. Je roule en boule et amène à mes narines le haut que je viens juste d'ôter.

Je sais que c'est franchement bizarre, mais son odeur à un effet dingue sur moi, enivrante, entêtante, sensuelle... Je ne manque pas d'adjectifs pour la décrire, mais aucun n'arrive à la cheville du réel. Ça ne prend que quelques instants avant que je ne m'endorme paisiblement, enveloppée dans son odeur.

26 janvier 2012

Chapitre 5

Chapitre 5 : Je suis en enfer...

 

On retrouve Angy et Mattéo comme prévu. Angy a laissé ses cheveux blonds mi-longs détachés et joue machinalement avec sa robe rouge foncé tout en parlant à son compagnon lorsque nous arrivons.

Une question me vient à l'esprit :

-          Il est de quelle origine ?

Ma supérieure me regarde d'un air horrifié puis soulagé avant de me répondre :

-          Dieu merci c'est à moi que tu as demandé, si on commence il ne s'arrête plus. Latine, un peu partout entre Espagne et Amérique du Sud.

-          En tout cas le mélange est réussi. Il est à tomber. Ses yeux noirs sont…

Je m'arrête, faute d'adjectif qualificatif.

-          Oui, je sais. Au lycée toutes les filles me détestaient de sortir avec lui.

Mon fabuleux système d'autocensure m'empêche de répondre que les hommes devaient l'envier lui aussi. Nous continuons en silence, avant de nous faire accueillir par deux sourires ravageurs.

-          Voilà les plus belles ! dit Mattéo, ce qui lui vaut une tape d'Angy.

Il me salue avant de gratifier Shaell d'un baiser sur la joue que je n'aime pas plus que la dernière fois que j'en ai été témoin. Angy se contente de nous faire la bise à toutes les deux, même si elle chuchote quelque chose à l'oreille de ma boss au passage. Quoi que ce soit, ça la fait rougir légèrement.

Finalement, c'est Angy qui prend la parole :

-          Alors ce que je vous propose, c'est d'aller manger et ensuite de finir la soirée dans un bar. Vous en dites quoi ?

Acquiesçant de manière parfaitement synchrone, nous nous mettons en route tous les quatre.

Immédiatement, le bras de Mattéo vient trouver l'épaule de Shaell. Je ne peux m'empêcher d'être jalouse de la familiarité avec laquelle il la touche, même si je sais que c'est parfaitement normal. En lot de consolation, j'ai la superbe blonde qui vient entrelacer son bras au mien. J'ai toujours détesté les gens qui faisaient ça, mais étonnamment, alors qu'elle se rapproche de moi au point que des effluves parfumées viennent me chatouiller le nez, mon aversion pour la chose diminue d'approximativement 97%.

On arrive dans un restaurant tout simple, le genre où on va diner en famille. A mon grand soulagement, y'a pas de môme brailleur dans les parages. La déco est essentiellement composée de jaune et rouge. Guidés par la serveuse, on va s'installer à une table avec deux banquettes rayées aux couleurs de l'endroit pour sièges.

Angy et moi continuons la discussion qu'on a entamée depuis notre départ de l'hôtel, sous l'œil visiblement malveillant de ma boss. Pour une raison parfaitement obscure, elle me semble étrange dès que son amie m'approche.

Si elle s'en fait par rapport au fait que je sois lesbienne elle ne devrait pas. Je veux dire, bien sûr Angy est canon… Surtout dans cette tenue… Mais après, étant l'amie de la vipère, elle est chasse gardée.

Je m'installe sur la première banquette venue et Mattéo se glisse à mes cotés. Angy se place en face de moi.

La logique voudrait que ma chef vienne à ses côtés, mais c'est sans compter sur Shaell Mackenzie.

Elle semble réfléchir un moment, puis va s'installer de l'autre côté d'Angy, là où il reste une minuscule place assise.

Elle s'assied l'air de rien, une fesse sur le siège, une fesse dans le vide, ignorant complètement l'énorme partie de banquette désespérément vide juste de l'autre côté de la blonde. Et réservant le même sort à nos regards incrédules.

Alors qu'Angy se tourne vers elle, sans nul doute dans l'intention de lui faire remarquer l'absurdité de son installation précaire, elle prend les devants en lançant un :

-          De là, on voit mieux la rue.

Qui, comme vous l'aurez sans doute remarqué, n'explique rien du tout.

Nos trois paires d'yeux restent fermement plantés sur sa personne tandis que ma boss ne fait pas le moindre mouvement indiquant qu'elle compte changer de place.

Finalement, dans un soupir très mélodramatique, Angélique daigne se glisser pour faire face à Mattéo, laissant la place en face de moi à la dragonne.

La discussion à fait place au silence étant donné que nous sommes à présent en diagonale avec nos " partenaires " respectifs.

-          Donc Liz, on disait…dit Angy en se tournant vers moi.

-          Oh regarde Matt, il y a des banana split en dessert !

Ce faisant, Shaell tend la carte du restaurant pile dans mon champ de vision, me cachant efficacement le visage de son amie. Alors que je penche la tête dans le but de contourner l'obstacle, je constate que le carton plastifié suit le mouvement avec une précision chirurgicale.

Agacée, je jette un coup d'œil à ma chef, dont le visage impassible ne laisse rien transparaitre de ses intentions.

-          A quoi tu joues ?

Elle tourne vers moi un visage à l'air innocent, tout en maintenant efficacement le menu entre Angy et moi le tout en disant :

-          Comment ça ?

Mon bras se lève pour pousser l'obstacle cartonné hors de ma vue.

-          Je montrais les banana split...

-          Pendant trois plombes ?

Je m'empare du menu pour constater qu'il n'y a même pas de photo à contempler. Non, rien qu'une ligne " Banana Split                5,90 $ ".

Elle ne répond pas et baisse les yeux, me rappelant terriblement Gaby, ma petite cousine de 5 ans, lorsqu'elle a fait une bêtise.

-          T'es vraiment bizarre ce soir Sha ! lui fait remarquer Angy.

On se met tous à parcourir le menu afin de nous décider sur ce qu'on va manger ce soir. Je m'arrête bien vite sur Cheeseburger Frites et constate, en relevant la tête, que les autres ont choisi aussi. On se regarde comme des merlans frits pendant un moment, inconfortable suite au petit jeu de ma supérieure.

Heureusement la serveuse vient nous demander ce que nous prenons et rompt ainsi le silence. Une fois notre commande arrivée, nous mangeons tous avec enthousiasme, ravis d'avoir quelque chose à faire qui puisse ôter un peu du bizarre de la situation.

Au bout d'un moment, l'atmosphère commence à se détendre et nous nous mettons à discuter tous les quatre.

Il n'y a rien à redire sur Mattéo comme sur Angy. Ces deux là n'ont pas que le physique en leur faveur, ils en ont aussi dans la cervelle. Enfin c'est exactement pareil pour ma boss.

-          Bon, ça vous dit de bouger un peu ? Plus tôt dans la journée on a repéré un bar cocktail ou ils passent de la bonne musique et où on peut danser… propose Mattéo.

-          Personnellement ça me tente bien.

Angélique et Shaell se regardent l'une l'autre avant d'acquiescer et de se lever. L'homme de la soirée se dirige vers le comptoir, sans nul doute dans l'intention de régler la note, mais suivi de près par ma chef.

Souriante, j'assiste de loin à ce qui semble être une dispute pour savoir qui va payer. Finalement, au bout d'un moment et après avoir eu droit au " regard qui tue ", j'entends Mattéo abdiquer : 

-          Très bien, mais une fois là-bas, ne songe même pas à tenter de…

-          Oui oui ! répond Shaell, un air coquin et le sourire aux lèvres.

Vu l'air mi-résigné mi-amusé de Mattéo, j'imagine qu'il ne se fait pas d'illusions quant au fait qu'elle tentera une nouvelle fois de régler l'addition. Enfin s'ils veulent se battre pour payer ce que je consomme, ça me va tout à fait. Je ne compte certainement pas chercher à m'imposer dans ce domaine là. Ce n'est pas tant les araignées qui ont élu domicile dans mon portefeuille qui m'effraient, mais plutôt le vide déprimant que j'y trouve à chaque fois que j'espère dénicher un billet oublié.

Une fois dehors, on regarde Matt qui dit :

-          Direction l'ouest du Strip, on va au " Flirt ".

Rien que le nom ne m'inspire rien de bon. Le fait que j'éprouve un amour immodéré pour les cocktails non plus. Et un seul regard par-dessus mon épaule suffit à me rappeler que la dragonne est là.

*Gulp*

Je n'ai que deux souhaits à faire :

1 Faites que Mattéo et Shaell ne se relèchent pas devant moi au " Flirt ".

La connaissant un minimum, je pense qu'ils se retiendront mais on ne sait jamais.

2 Faites que je me comporte correctement une fois que je n'aurais plus beaucoup de sang dans mon alcool.

Finalement arrivés à destination, on rentre dans le bar. L'ambiance est relativement lounge et la déco bleu foncé est du plus bel effet. On s'installe à une petite table haute avec quatre chaises de bar. Cette fois-ci, pas de cinéma pour savoir qui " voit la rue ".

Le bar est déjà assez plein et selon ce que je vois, on a eu de la chance de trouver une table. En voyant que quelques personnes se mettent à danser, Mattéo tend la main vers ma chef en disant :

-          Tu m'accompagnes ?

Elle sourit et s'apprête à se lever avant de regarder Angy, puis moi. Ok. La confiance règne, visiblement elle n'a pas envie de nous laisser seules. Comme si j'allais lui grimper dessus. Pas en public voyons !

-          T'inquiète pas, je vais prendre soin d'elle. Répond Angy.

Shaell semble hésiter et finit par se laisser convaincre tout en murmurant un " c'est bien ce qui m'inquiète ".

Après avoir vérifié que ma chef est bel et bien partie danser et non en train d'espionner par-dessus mon épaule, je me tourne vers la charmante blonde en face de moi :

-          Tu n'aimes pas danser ?

-          Si si, mais j'avais juste envie de discuter un peu avec toi. On ira après si ça te dit.

Je fais une grimace à cette idée avant de lui avouer mon secret :

-          Je suis loin d'être la meilleure des danseuses tu sais… Mais j'imagine que je peux faire un effort.

-          T'en fais pas, je guiderais ! me dit-elle dans un sourire malicieux. Ça fait longtemps que tu bosses dans la boite où Sha a certainement fait une entrée fracassante ?

-          Je suis arrivée il y a deux ans environ. Et ça pour être fracassante…

-          Laisse moi deviner, elle a semé la terreur en virant les incompétents à tours de bras, et fait fantasmer ceux qui restent ?

Au vu de l'intense chaleur que je ressens, je sais que j'ai rougi. Certes, je fantasme, mais j'aurais préféré que ça reste un secret.

-          Oh oh, aurais-tu des choses à cacher ? demande-t-elle en voyant mon inconfort.

Mon instinct de survie m'envoie immédiatement un mensonge à l'esprit :

-          Non, c'est juste que … Non, je ne pense pas qu'elle fasse exprès de faire fantasmer les mecs de l'entreprise.

-          Qui a parlé d'hommes ?

Ce faisant, elle me fait un clin d'œil. Je suis grillée. Mais le déni ne m'a jamais effrayée.

-          Duh ! Je ne vois pas qui d'autre ! Les nanas de la boite sont trop occupées à être jalouses et hétéro et moi… Je suis trop pure pour ça.

-          Pure ? Son sourcil se lève, lui donnant un air malin qui aurait pu la rendre charmante.

En d'autres circonstances j'entends, pas lorsqu'elle est en train de me torturer. 

-           Bon, pure n'est peut être pas le mot, apeurée le serait. Après c'est clair qu'elle est vraiment jolie.

-          Qui est vraiment jolie ?

Le pire timing du monde, et voilà ma boss, celle dont j'étais en train de parler justement. Voyant qu'Angy s'apprête à répondre et voulant à TOUT PRIX éviter une honte incroyable et une gêne abominable les prochains jours, je m'empresse de le faire à sa place :

-          Ma petite cousine, Gaby. Quand sa mère lui fait des petites tresses…

Angélique fait un sourire moqueur et pendant un instant j'ai peur qu'elle ne révèle tout à  ma supérieure, mais heureusement elle garde le silence.

-          Vous inquiétez pas, on était juste venus boire un coup, on y retourne. Me murmure Matt à l'oreille, un air complice sur le visage.

-          Pourquoi j'ai l'impression que tout le monde me cache quelque chose ? demande ma boss.

N'obtenant aucune réponse, elle hausse les épaules et retourne sur la piste en bonne compagnie.

-          Donc tu la trouve vraiment jolie ?

Je ne peux empêcher le léger grognement qui sort de ma gorge. J'avais secrètement espéré qu'on change de sujet, pour en trouver un moins embarrassant. Hey, mais peut-être que si je la mettais elle, mal à l'aise…

-          Oui, faut se rendre à l'évidence. Tu ne trouves pas toi ?

Après avoir lancé ça, je prends la paille de mon cocktail entre les lèvres pour camoufler mon sourire.

-          Oh que si. Et faut la voir à poil pour se rendre compte à quel point.

Ce qui devait se produire arrive… Je recrache une bonne partie de ce que j'avais en bouche, peut-être même un peu par le nez. Je constate que dans le mouvement, j'ai même réussi à renverser une partie du cocktail sur moi. Génial.

Je tente de philosopher en me disant que c'est un signe que je ne dois pas boire ce soir.

Angy, loin de me consoler, se contente d'éclater de rire, se bidonnant devant mon désarroi.

Je tente de m'essuyer comme je peux avec mes mains mais une visite aux chiottes est impérative. En plus, c'est possible que je sois en état de choc suite à sa réplique et je ne voudrais pas m'évanouir devant de parfaits inconnus.

-          Je vais aller m'essuyer je crois. Dis-je en me levant.

-          Attends je t'accompagne.

Elle se tourne tout comme moi vers la piste de danse pour capter l'attention des deux tourtereaux afin qu'ils viennent garder la table.

A mon grand désespoir, je constate que Shaell est collée comme il faut à Matt. Ce n'est pas vulgaire ni fait pour être sexuel, mais ça me rend un peu jalouse. Dans mes rêves, c'est moi qui suis à la place de son partenaire.

En même temps, étant moi-même dégoulinante de cocktail, je peux comprendre qu'elle l'ait choisi.

Finalement, Angy arrive à capter leur attention et tous deux reviennent vers la table.

-          Faut que j'aille me nettoyer… dis-je, penaude

Tous deux me regardent de haut en bas, constatant l'étendue des dégâts. Ils arrivent tout de même à se retenir de rire devant mon apparence de chien battu. Mais ils sourient quand même. Je note je note.

-          Je vais t'accompagner, répond ma boss.

O_O Non non non.

C'est pas ça le plan.

Ça c'est le cauchemar.

Au lieu d'une jolie fille qui m'aide à me nettoyer, j'ai la dragonne qui à coup sûr va me demander ce qui s'est passé. Chose que je ne dirai que sur mon lit de mort !

-          T'inquiète Sha, j'ai les choses en main. Réplique Angy avant de me prendre par le bras.

-          Rien du tout ! rétorque-t-elle en détachant sa main de mon bras. Je te la laisse deux minutes et voilà ? Non non tout ce que vous deux réussiriez à faire serait d'étaler !

Peut être pas, j'ai plein d'idées sur les différentes façons dont la blonde et moi on pourrait étaler cette tâche… Une minute ? Elle vient de suggérer que je suis incapable de réussir à me nettoyer sans aide ? Ce qui reste de mon égo ne peut pas la laisser dire impunément :

-          Hey, stop vous deux ! Je peux très bien me débrouiller seule.

Après tout, même si je suis effectivement incompétente, ce n'est pas une raison pour me le faire remarquer aussi directement.

-          Pas un mot de plus Scott, on me suit.

Face à l'emploi de mon nom de famille je la suis, défaite. Quand elle est comme ça, discuter ne sert strictement à rien.

Elle m'emmène directement au distributeur de papier pour essuie mains et me fourre plusieurs feuilles dans les mains.

Je la regarde un moment, attendant qu'elle évacue les lieux avant de m'essuyer les seins, minimum de pudeur oblige.

Et puis je préfère sécher mon égo tranquille.

Voyant que je ne bouge pas et ne comprenant pas le message, elle m'arrache littéralement le papier des mains dans un soupir et j'assiste complètement impuissante à la scène de " ma boss carrément canon sur laquelle je fantasme tente d'éponger le surplus de cocktail dans mon décolleté ". Certes, elle a une tonne de papier dans la main, ce qui doit l'empêcher de sentir quoi que ce soit, mais quand même !

-          Faut tout faire soi même ! marmonne-t-elle.

Elle se recule pour admirer son œuvre tandis que je reste bien trop pétrifiée pour l'aider. Une légère grimace vient entacher son beau visage.

-          Liz, je suis désolée d'avoir à te le dire, mais le bleu qui tire sur le verdâtre, le tout sur fond blanc, ça rend moyen. Et j'ai bien peur que ta chemise soit à présent transparente.

Oh mon Dieu ! Sa réplique aura au moins eu le mérite de me faire sortir de ma torpeur. Je tente de couvrir ma modestie du mieux que je peux mais l'efficacité reste à prouver. Finalement, face au lourd soupir qu'elle pousse, je me décide à retirer mes bras de devant mes seins et à me tourner vers le miroir pour constater moi même l'étendue des dégâts.

La première chose qui me vient a l'esprit est :

-          Je peux pas sortir comme ça !

-          Quelle idée d'aller mettre un soutien gorge foncé, tout le monde sait que ça ne se fait pas en dessous d'une chemise blanche !

Je lui lance un regard meurtrier avant de dire :

-          Oh ça va hein ! On fait avec ce qu'on a ! Comment je vais faire ?

Je suis déjà à moitié en train de pleurnicher, m'imaginant dépérir dans ces chiottes qui n'ont même pas de sèche main électrique, lorsqu'elle se met à dire :

-          Retire ta chemise.

Mes yeux menacent de sortir de mes orbites tellement je les ouvre grand.

-          Pardon ?

-          Retire ta chemise, tu ne peux pas sortir comme ça.

-          Me déshabiller ne va pas aider davantage…

-          Liz… déclame-t-elle en me fixant d'un air mi-menaçant mi-agacé tout à fait réussi.

Mes membres reprennent vie et contre les instructions que leur lance mon cerveau, commencent à défaire les boutons de ma chemise. Pendant l'opération, mes yeux font tout pour regarder à peu près n'importe où sauf le visage de ma boss.

-          Fais vite, des fois qu'Angy vienne vérifier. C'est une obsédée qui se fait des films, j'ai pas envie d'avoir à lui expliquer ça…

Je peux la comprendre. Une fois ma chemise retirée et alors que je me tiens devant ma chef en soutif, je suis persuadée que je vais m'évanouir lorsqu'elle commence à soulever son petit haut de sport. Heureusement pour mon pauvre petit cœur fragile, elle à un caraco en dessous.

-          Tiens, mets ça ! Dit-elle en me tendant le vêtement qu'elle vient juste de retirer. D'ailleurs comment t'as fait ton compte ?

C'est PILE à ce moment, alors que je suis en soutien gorge devant ma boss pas beaucoup plus habillée que nous entendons la porte des toilettes s'ouvrir. Je me crois un moment sauvée par le gong. Mais bien sûr, avec notre chance habituelle, c'est Angy que voilà.

J'enfile rapidement mon nouveau vêtement mais je crois qu'elle a pu voir ma tenue d'il y a quelques secondes à peine. Et en effet :

-          Sha, promotion canapé, j'aurais pas cru ça de toi ! Quant à toi… Il a fallu que tu vérifies par toi-même pas vrai ?

Parfaitement inconfortable, et ayant bien trop peur que rétorquer quoi que ce soit amènerait la question " vérifier quoi ? " de ma boss, je garde le silence. Shaell ne se démonte pas du tout, au contraire :

-          Arrête de te faire des films. T'as vu la tête de sa chemise ? Elle peut pas sortir comme ça ! D'ailleurs, qu'est ce que tu lui as fait au juste pour qu'elle se renverse son cocktail dessus ?

-          Qu'est ce qui te fait croire que j'ai quoi que ce soit à voir là dedans ? Réplique Angy d'un air tout sauf innocent.

-          Je te connais. T'adores mettre les gens mal à l'aise. Et puis Liz n'est pas si maladroite que ça d'ordinaire. Et même si je la soupçonne d'être un peu perverse, je ne pense pas qu'elle irait jusque là pour se déshabiller.

Je suis en enfer… Maintenant c'est certain. J'ai fait quelque chose de mal et en réalité je suis morte et à souffrir.

Alors que je m'apprête à aller plonger ma tête et me noyer dans la cuvette des toilettes, Shaell se tourne vers moi en souriant :

-          Je te faisais juste marcher avec ce petit commentaire. On y retourne ?

Soulagée, j'acquiesce, laissant ma supérieure ouvrir la marche, et ignorant à la fois le clin d'œil d'Angy et le derrière de ma boss qui se trouve être pile dans mon champ de vision.

C'est dur d'être moi.

26 janvier 2012

Chapitre 4

Chapitre 4: L'explication


Le moment ou le pass déverrouille la porte arrive bien trop vite. A peine la porte fermée, ma supérieure s'approche de moi comme le faucon de sa proie. Son air infiniment contrarié ne présage rien de bon pour ma survie.

-          Pourquoi vous avez accepté ?

-          Parce que j'en avais envie voilà tout.

Je cherche à m'échapper mais son regard d'un vert intense me cloue sur place. Elle dit d'un ton infiniment irrité :

-          Vous ne les connaissez même pas !

-          Et alors ? C'est l'occasion !

-          Argh !

Elle se détourne de moi tout en se prenant la tête dans les mains. Ça ne m'étonnerait pas de la voir perdre quelques cheveux dans l'opération, vu la délicatesse du mouvement. Trop vite, elle se souvient.

-          Bref. Pourquoi fallait-il monter pour votre grande révélation ? dit-elle d'un ton plein de sarcasme.

Je baisse la tête par pur automatisme, honteuse à l'idée d'avoir à lui " avouer " ça. Les motifs du tapis sont en train de m'hypnotiser lorsqu'un lourd raclement de gorge m'informe qu'elle attend une réponse.

Bah, au moins je mourrai dans une chambre luxueuse, c'est déjà ça.

-          Il fallait monter parce que… c'est un peu gênant en fait…

Elle fait signe de la main pour que je continue et je réalise qu'il n'y a aucun espoir que je m'en tire à bon compte.

-          En réalité, après notre " accrochage " hier, Mademoiselle Parkson a comme qui dirait… Insinué qu'on puisse être… enfin que…

Ma supérieure ne fait strictement aucun effort pour cacher son agacement et m'agresse verbalement :

-          Que quoi ? Crachez le morceau !

-          Qu'on puisse être en couple ?

Son visage passe par à peu près toutes les couleurs de l'arc en ciel et une palette d'émotions assez impressionnante avant de stopper sur rouge et énervée.

-          Pardon ?! Et ça ne vous a pas semblé UTILE de NIER ?

-          Je… je ne m'y attendais pas. Tout est parti de la chambre… Je… J'étais tellement surprise qu'elle puisse penser ça que je n'ai pas su quoi répondre…

-          Oh mon Dieu…

Elle commence à faire les cent pas devant moi, visiblement entre l'état de choc et la panique. Ses traits d'ordinaire si réguliers sont déformés par son air désespéré. Elle semble soudain se souvenir de quelque chose et se tourne dans ma direction avant de demander :

-          Achevez-moi, pourquoi les deux pouces en l'air et le clin d'œil aujourd'hui ?

-          Elle a… comme … hum… dirons-nous euh… suggéré, que nous… enfin que nous allions nous réconcilier comme beaucoup de couples font… Enfin vous voyez…

Son regard se pose sur moi et elle semble complètement vidée. Elle est tellement abasourdie qu'elle se contente de cligner des yeux en me fixant. Au moment ou je m'apprête à appeler à l'aide, craignant une rupture d'anévrisme ou je ne sais quoi, elle parle.

-          Donc vous venez de me dire que la femme qui préside le congrès auquel nous allons assister et dont l'issue pourrait influer sur nos carrières respectives présume que nous sommes en couple et qu'elle risque d'attendre que nous nous comportions comme tel ?

Oups. Je n'avais pas vu les choses comme ça.

-          Euh… c'est une possibilité ?

-          Approche.

Bien évidemment, mon instinct de survie me pousse à faire exactement le contraire et je me recule jusqu'à être adossée au mur. Je n'ai que trop conscience qu'elle me rejoint et que je vis peut-être mes derniers instants. Pour une fois, l'idée d'un contact avec ma boss ne provoque aucune poussée hormonale.

-          Voyons, de quoi as-tu peur, CHERIE ?

Gulp. De vous ? Son tutoiement ne présage rien de bon.

Elle s'arrête une fois arrivée à approximativement 3 millimètres de mon visage. Son souffle se mêle au mien et je me doute qu'elle fait de son mieux pour se maîtriser.

-          J'aimerais tellement pouvoir te virer en cet instant Liz…

Je ne réponds rien, en ayant déjà assez fait pour une soirée.

-          Je l'aurais déjà fait si je n'avais pas tant besoin de toi. Et aussi parce que je ne voudrais pas que ça passe pour une dispute de couple.

Un sourire mauvais vient ponctuer la fin de la phrase.

-          Et maintenant ? On fait quoi ?

-          Je… je ne sais pas. Vous pensez à quoi ?

-          Seule, unique et horrible solution. Tu vas commencer par me tutoyer et t'habituer à l'idée que pour les prochains jours, je suis ton petit sucre d'orge.

Oh mon Dieu.

J'aurais dit oui dans n'importe quelles circonstances sauf celle-là. Espérant la faire renoncer, je me mets à balbutier rapidement :

-          Je… Non ! Je ne crois pas que…

Elle porte sa main à son cœur, feignant le choc, avant de s'approcher jusqu'à coller son front au mien et tenir ma tête entre ses mains. Je n'ose pas bouger, attendant qu'elle me brise la nuque ou peu importe ce qu'elle compte me faire.

-          Oh, tu repousses mes avances? Je suis blessée ! Écoute-moi, je ne te demande pas ton avis. Tu m'as mise dans cette situation, tu assumes et tu te tais. Compris ?

Face à l'absence de hochement de tête, elle serre légèrement ma tête entre ses mains.

Ça déclenche quelque chose en moi et je porte mes mains à ses épaules pour la repousser sans la moindre douceur.

Je ne manque pas son air surpris alors qu'elle se rattrape au canapé. Je fais un pas en avant et croise les bras, lançant fermement :

-          Non.

-          Non ? Réfléchis-bien.

Elle me fait un sourire menaçant accompagné du regard " fais ce que je dis ou meurs ". Je sais très bien que je risque gros, mais cette fois-ci, j'ai envie de m'entêter :

-          Non. C'est de l'abus de pouvoir.

Elle lève ses yeux verts au ciel avant de redonner forme à sa chevelure brune, massacrée par ses soins un peu plus tôt. Elle attend quelques instants et se met à parler d'une voix très calme, mais qui monte bien vite en puissance :

-          Tu crois vraiment que cette idée me réjouit rien qu'un instant ? Si ce coup là rate, je risque ma carrière. Ce n'est VRAIMENT pas parce que j'ai une quelconque attirance pour toi. Tu nous as mises dans cette merde, à toi de nous en sortir.

Je soupire bruyamment, ne sachant pas quoi faire. Après tout, je ne suis même pas sûre de ce qu'elle attend de moi. Je me décide à lui demander :

-          Et comment au juste je suis supposée faire ça ?

-          En la laissant croire ce qu'elle veut. Mais que ça soit bien clair, si tu essaies d'en profiter rien qu'un seul instant…

Elle laisse la menace planer, n'ajoutant rien.

Inutile de me faire un dessin.

Je l'observe un moment, toujours postée près du canapé, me pointant d'un doigt accusateur. Son corps élancé a l'air figé dans le temps tandis qu'elle attend ma réponse sans bouger un cil.

Je déglutis péniblement et me décide.

-          Très bien. On la laisse croire. Mais on ne fait rien.

Elle émet un petit rire dédaigneux avant de me remettre à ma place comme il faut :

-          Il n'en a pas été question un seul instant, Scott.

N'ayant plus grand-chose à perdre, je me décide à demander :

-          Pourquoi on ne peut pas lui dire la vérité ?

-          Pour qu'elle pense que c'était un genre de " mise en scène " pour attirer sa sympathie ? Super ton plan !

Elle n'a pas tort, ça le fait pas franchement… Et vu comme cette fille a le bras long, mieux vaut éviter de se la mettre à dos !

 

Elle fait le tour du canapé pour s'y asseoir, mais sa posture m'indique qu'elle est en pleine réflexion et que je ferais mieux de ne pas déranger. Ses cheveux bruns cascadent autour de son visage, m'empêchant de voir l'expression qu'elle porte sur son visage.

La tension semble se plaire à rester au maximum jusqu'à ce qu'elle demande d'une voix lasse, semblant prête au pire :

-          Au fait, Mlle Parkson a parlé d'une nouvelle concernant le congrès ?

Oh merde. J'avais COMPLETEMENT zappé.

-          Euh oui… Elle voudrait que nous avancions notre présentation. L'intervenant qui nous précédait à du annuler en raison de problèmes climatiques …?

Je termine ma phrase par un murmure à peine audible, le regard meurtrier qui m'est adressé me dissuadant de continuer. Elle se relève aussi rapidement qu'un diable sort de sa boîte et recommence à faire les cent pas.

-          Génial ! Formidable ! Merveilleux ! Heureusement que j'ai demandé ! Honnêtement ton cas s'aggrave de minute en minute…

Je sais qu'elle a raison. Aussi, la seule chose que je parviens à articuler est un :

-          Je suis désolée…

-          Tu peux. Et j'imagine qu'elle attend toujours une réponse ?

-          J'y vais ! dis-je en me précipitant vers la porte dans le vain espoir de m'échapper.

-          Et pour lui dire quoi ? Je ne me rappelle pas avoir donné ma réponse…

-          Pardon, qu'est ce que je do-

-          Dis-lui oui. Le manque d'options semble être le thème du voyage.

-          Très bien.

Juste avant de passer la porte, je l'entends murmurer " ça va se payer Scott, ça va se payer… ".

 

L'ascenseur me ramène au point de départ et je commence à paniquer en ne voyant pas la moindre trace de mademoiselle Parkson à proximité de là ou elle se trouvait. Tournant la tête dans tous les sens, je la localise avec soulagement, avant de comprendre qu'elle s'apprête à sortir de l'hôtel.

Pressant le pas, à la limite de la petite foulée, je tente de la rattraper. A mon avis, à la moindre boulette de plus, besoin de moi ou pas je n'aurais plus qu'à aller pointer au chômage.

Arrivée à sa hauteur, je m'arrête un moment pour prendre mon souffle.

-          Mlle Parkson ! Je voulais vous dire que ça nous ne nous pose pas de problème d'avancer la présentation !

-          Parfait alors ! Merci beaucoup, vous me tirez une épine du pied ! Par contre si vous voulez bien m'excuser, je ne reste pas, je suis déjà en retard.

-          Je comprends, bonne journée.

-          Merci, pareillement.

-          Merci.

 

Je suis soulagée qu'elle n'ait pas mentionné quoi que ce soit en rapport avec ma chef et moi, ou notre prétendu couple.

L'idée de m'enfuir et affronter le désert du Nevada plutôt que la démone me semble particulièrement tentante tout à coup.

Mais après tout, ça n'arrangerait rien. Et cette femme a toujours ce qu'elle veut. Elle serait foutue de me retrouver.

Je retourne non sans appréhension dans la chambre, me préparant au pire.

Shaell se contente de me demander si j'ai pu transmettre le message. Apparemment satisfaite de ma réponse, elle retourne au classeur posé devant elle.

Elle n'a pas franchement tort de commencer à s'y mettre, si nous voulons terminer à temps c'est la seule solution.

La journée se déroule dans un silence quasi-mortuaire, mais au moins nous avons une solide présentation entre les mains. Je mets un temps fou à m'habituer à l'idée de la tutoyer mais après m'être mangé un paquet de remarques directement dans les dents, je finis par m'y faire.

C'est avec surprise que je constate qu'il est déjà 18h30 à ma montre. Le rendez-vous avec ses amis est déjà dans une heure et demi. J'étais plus absorbée par le travail que je ne l'aurais cru.

Cette femme est étonnante, elle a réussi à ne pas m'adresser un seul mot personnel, même lors du repas mais est capable de me parler comme si de rien n'était lorsqu'il s'agit de travail. Au moins elle ne fait pas de mélanges.

 Mais en ce qui me concerne, le jeu du roi du silence ne m'amuse qu'un temps. Après avoir passé la journée avec une femme dragon aussi sympathique qu'une porte de prison, je me décide à poser la question fatidique :

-          Tu vas m'ignorer encore longtemps ?

-          Le temps qu'il faudra afin que je n'aie plus envie de t'étriper à la seconde même ou mes yeux se posent sur toi pourquoi ?

La réponse a le mérite d'être franche. Mais pas franchement satisfaisante. Je réplique immédiatement, mon agacement me donnant suffisamment de courage pour être plus familière avec elle :

-          J'ai dit que j'étais désolée. La situation ne m'amuse pas davantage que toi.

-          Ah oui ? demande-t-elle, défiante.

-          Oui. Est-ce que tu peux juste prétendre ne pas me haïr au moins pour ce soir ? J'ai vraiment eu une rude journée et j'aimerais bien avoir un break.

Semblant peser le pour et le contre, elle ne prend la parole qu'après avoir laissé passer quelques secondes :

-          Ok. Pour l'instant tâchons de passer une bonne soirée.

-          Merci.

Je ne suis pas tout à fait convaincue qu'elle va réellement renoncer à l'idée de me faire subir une mort lente et douloureuse mais bon, qui vivra verra. Sans mauvais jeux de mots.

-          Ah, au fait, connaissant Angélique, je serais toi je prendrais des chaussures dans lesquelles je suis à l'aise, à mon humble avis elle ne s'en tiendra pas qu'à un verre. Et… Non rien.

-          Non, dis maintenant !

-          Pardon pour tout à l'heure, je me suis laissée emporter.

Oh wow… Je n'aurais jamais deviné qu'elle allait s'excuser. Surtout que sa réaction était des plus " normales ". Je veux dire, je ne sais pas comment j'aurais fait à sa place. Au fond, je ne peux pas lui en tenir rigueur. Je dis donc :

-          Je comprends. C'était mérité. Je suis encore déso-

-          C'est bon, je sais. Elle a émit cette hypothèse parce qu'elle t'a entendu me réclamer le pass de la chambre ? Tout est parti de là c'est cela ?

Et bien ! Malgré la faiblesse de mon argument, elle l'a noté ! Impressionnant !

-          Oui. Enfin c'est suite à cela et c'est la seule raison que j'arrive à trouver pour qu'elle ait pu s'imaginer quelque chose dans ce goût là. Dis-je pour ajouter à ma défense.

-          Alors dans ce cas ce n'est pas réellement ta faute. Pour cette boulette là du moins. Et puis si tu avais tout nié avec trop d'entrain, elle l'aurait probablement cru quand même.

Elle me fait un demi-sourire, plus désolé qu'autre chose. Je baisse la tête, me cachant derrière mes cheveux blonds et disant d'une petite voix :

-          Oui mais maintenant on va devoir " faire semblant " par ma faute.

-          Bah… ce n'est pas si terrible… Au fond il suffit juste de la laisser croire ce qu'elle veut. Pas besoin de nous tripoter en public.

Je sais que le moment est mal choisi, mais je ne peux m'empêcher de penser : dommage… En privé peut-être ? 

J'évite de lui faire part des messages que m'envoie ma libido et commente juste d'un :

-          C'est cela.

Je me dirige vers la commode et me penche pour sortir une paire de chaussettes située au fin fond du tiroir lorsque je l'entends me dire :

-          Et puis j'imagine qu'en tant que petite amie potentielle elle aurait pu me trouver pire !

Traumatisée, je me retourne pour apercevoir ma boss les yeux fixés sur mon postérieur.

Je crois que je viens de faire un mini arrêt cardiaque.

Oh mon dieu, c'était un compliment ?

Dis quelque chose !

Abrutie réponds !

T'as la femme la plus… grrrrr de tout ton monde qui te dit ça et toi tu la regardes comme un merlan frit ? Allez, bouge-toi !!!!!

Le temps que je sorte de ma catatonie elle est partie. Quelque part cela me soulage, je préfère ne pas imaginer ce que j'aurais pu lui répondre. "  Oh à qui le dis-tu, depuis le temps que je fantasme sur toi, cette miss Parkson n'aurait pas pu mieux tomber ! ". Heureusement, elle est partie sans attendre de réponse !

 

Je me prépare le plus rapidement possible en essayant de conserver un minimum de style. J'opte pour le classique chemise blanche décolletée juste ce qu'il faut et jeans moulant.

Il faut que j'appelle Steph avant qu'on sorte, sinon je ne suis pas sûre de tenir la soirée. Au train où vont les événements, tenir le coup risque d'être bien plus difficile que prévu. J'ai besoin d'un brin de soutien moral. Ou en tout cas d'un soupçon de compassion.

 

Une fois descendue dans le hall, je me dirige directement vers les téléphones muraux. Je compose le numéro de Steph sur mon téléphone portable. Certes, ma présence dans la zone des téléphones muraux avec un portable me donne un air de " je viens me mélanger avec vous, pauvres mortels qui ne possédez pas de téléphone personnel " mais au moins, je serai à l'abri des oreilles indiscrètes. De celles de ma chef tout du moins.

Steph répond au bout de la première sonnerie. J'ai bien fait de déplacer le téléphone à côté de son canapé avant de partir, ça limite considérablement le temps d'attente.

-          Oui ?

-          Steph, c'est moi !

Je ne prends pas la peine de me présenter davantage, sachant que de toute manière elle a certainement reconnu ma voix.

-          Oh ma belle ! Alors quoi de neuf ? T'as pas encore été dévorée par le grand méchant loup ?

-          Tu ne sais pas à quel point tu es proche de la vérité…

Je lui raconte  le million de choses et pensées qui ont fait ma vie depuis notre dernier coup de fil, n'oubliant aucun détail. Même si c'est une vraie amie, j'ai un peu hésité avant de lui parler de l'" arrangement " entre la boss et moi. Je ne pense pas qu'elle ira le crier sur les toits mais après tout c'est quand même pas rien comme nouvelle. A la fin de mon récit, la seule chose qu'elle trouve à dire c'est :

-          Il me faut une vidéo !

-          Comment ça ?

-          Attends, la moitié… Qu'est ce que je dis les ¾ de la boite fantasment sur la harpie, si tu arrives à la bécoter ou autre… Tu deviendrais une héroïne. Et moi une millionnaire.

-_-'

Parfois, elle est désespérante. Je lève mes yeux bleus au ciel, même si elle ne peut pas les voir et à la place, je laisse transparaître dans mon ton à quel point je suis blasée :

-          Il n'est pas question qu'on se bécote ! Je t'ai dit qu'on allait juste la laisser croire !

-          En parlant de croire, tu crois vraiment que moi je vais te croire que tu ne comptes pas en profiter? Je suis sûre que tu ruinerais la réputation des meilleurs essuie-tout ultra absorbants !

-          Euh Steph, je te suis vraiment pas là ! Et non je ne compte pas en profiter. Tout le monde n'est pas toi !

Elle ignore complètement ma remarque et continue sur sa lancée :

-          N'empêche qu'on ne m'ôtera pas de la tête que rien qu'a l'idée d'approcher la dragonne, tes sous-vêtements apprennent à nager.

-          Très poétique !

-          Bah on fait avec ce qu'on a que veux-tu ! Ah, tant que j'y pense, et cette crème pour le visage, elle met quoi ?

Je souris devant la curiosité maladive dont fait systématiquement preuve ma collègue et amie et décide de lui répondre :

-          A vrai dire, j'ai l'impression d'être un pot de peinture à côté d'elle. Sa trousse de toilette est minuscule. Je crois que son secret, quel qu'il soit, ne réside pas dans une crème…  Désolée pour toi ma vieille.

-          Et merde… dit elle à l'autre bout du fil. Oh, donc t'as fouillé dans ses affaires ?!

-          Pas fouillé, constaté !

-          Elle porte quoi ? Petites culottes ? String ? Tanga ? Shorty ?

Un rire m'échappe alors qu'elle énumère la liste des sous-vêtements potentiels de ma boss.

-          Ma pauvre, t'es irrécupérable !

-          Ben quoi ? Je  m'informe !

-          Oui ben trouves quelqu'un d'autre !

-          Tu rigoles ou quoi, t'es la mieux placée ! Après tout, t'es bien officiellement sa chérie non ?

-          Juste officiellement… Officieusement…

-          Officieusement tu es l'employée avec qui elle partage sa chambre et qu'elle vient de menacer de virer si elle refuse de faire croire que vous êtes romantiquement engagées ? Bon c'était en grosse partie par ta faute mais bon…

u_u

Voyant que plus la discussion avance, plus je m'enfonce, je décide de couper court, histoire de limiter les dégâts.

-          Bref, je dois te laisser, on a rendez-vous avec des amis à elle d'ici peu, je vais remonter dans la chambre…

-          Ohoh, elle te présente déjà ses amis, c'est du sérieux !

-          Je ne commenterai pas ! A la prochaine, profite bien du bureau sans qu'elle y rôde !

-          T'inquiète je fais que ça ! T'as au bout du fil la professionnelle du Freecell ! Allez file, je ne voudrais pas que tu fasses attendre ta belle !

Je regrette déjà de lui avoir mentionné l'état des choses, sachant que je vais en entendre parler pendant des années.

-          Allez à + Steph ! Bisous.

-          Bisous bisous ! Et oublie pas ma vidéo !

 

Je raccroche le combiné, un sourire aux lèvres. Décidemment, elle a de la suite dans les idées… Bref, à défaut de m'avoir fait dédramatiser, elle m'aura fait sourire. Lui avoir raconté ce qu'il en est m'aura au moins permis de m'alléger un peu la conscience.

 

Au moment où je m'apprête à appeler l'ascenseur, celui-ci s'ouvre devant moi, en laissant sortir ma boss, visiblement fin prête. Elle porte un petit haut de sport noir, col en V et relativement moulant et un jeans taille basse bleu clair. J'approuve le choix de tenue. Ses yeux

verts sont encadrés par ses cheveux, laissés détachés en délicates vaguelettes brunes et elle porte le plus léger des maquillages. Mais ça suffit. Ça suffit amplement. Malgré tout, je ne me laisse pas distraire et demande :

 

-          On n'avait pas rendez-vous dans la chambre ?

-          Euh… Si mais t'étais bien trop longue, j'ai décidé de venir te chercher, sinon on n'a pas fini.

-          Mouais, tu ne voulais pas me laisser en plan plutôt ? dis-je en plaisantant.

En voyant l'air coupable qui traverse son visage, je réalise que je viens d'expliquer avec exactitude ce qu'elle comptait faire. Je me demande pourquoi elle tient tant à ce que je ne vienne pas à cette soirée.

Voyant certainement mon air déçu, elle tente de se rattraper :

-          Je n'ai pas réfléchi. Désolée. C'est juste que cette soirée me rend nerveuse…

-          Pourquoi ? Il n'y a pas de quoi !

-          Et bien… Je ne sais pas comment l'expliquer mais… C'est-à-dire que je ne suis pas la même avec mes amis qu'au bureau… C'est... différent.

C'est bien ce que je pensais. Alors comme ça elle n'est pas toujours infecte et autoritaire. C'est bon à savoir ça. Je tente de la rassurer, tout en ne résistant pas à la tentation de me moquer :

-          Comme nous tous. Ne t'en fais pas, je ne répéterai à personne que tu es humaine.

Je garde mon air joueur tandis qu'elle fait semblant de s'offusquer avant de répondre par un sourire bien à elle. Elle reprend contenance et me fait un signe de la tête.

-          On y va ? C'est bientôt l'heure. A moins que tu aies quelque chose à récupérer dans la chambre ?

-          Non c'est bon…

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