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Fictions Lesbiennes :)
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16 novembre 2011

Chapitre 1

Chapitre 1

La Conquérante balaya la salle du regard. Elle avait déjà examiné toutes les tentures, les tapis, la table et tout ce qu'il était possible de voir depuis sa place, mais rien n'y faisait. Ses doigts parcouraient distraitement les motifs qui ornaient son trône tandis qu'elle avait de plus en plus de mal à retenir des bâillements. Dieux qu'elle haïssait les banquets, même ceux donnés en son honneur.

Près de deux chandelles qu'elle était assise là, feignant de prêter une quelconque attention aux discussions sans fin. Le sujet était à présent porté sur le théâtre et ses œuvres.

Un homme prit appui sur la table, titubant sous l'effet de l'alcool et leva son verre en l'honneur d'une pièce intitulée " Une destinée a part " et qui aurait apparemment changé sa vie. Tous semblèrent acquiescer et se mirent à encenser l'auteur de cette œuvre.

La guerrière ne put retenir un petit rire moqueur. Les artistes ne sont que des bons à rien, qui, sous couvert d'un quelconque talent, profitent de la naïveté du peuple pour lui vendre du rêve. Et ces gens là sont adulés ? Hum.

Il se tourna vers Xena et lui demanda :

- Comment avez-vous trouvé la pièce, Conquérante ?

La guerrière arqua un sourcil, intriguée par la question de l'homme. Celui-ci paraissait certain qu'elle y avait assisté.

- Qu'est ce qui te fait croire que je l'ai vue, Siron ?

- Euh, c'est-à-dire que…

Une vague de murmures se fit entendre dans la salle. Tous semblaient étonnés par la nouvelle. Pourtant, il était de notoriété publique que Xena, Conquérante des Nations, avait de plus grandes choses à faire de son temps. Du moins le croyait-elle.

Elle observa les invités. Ils avaient apparemment tous assisté à la pièce et elle crut même déceler quelques sourires moqueurs chez certains.

La réalité la frappa soudain : elle était en train de passer pour une imbécile qui ne sait rien de ce qui l'entoure, tout juste bonne à faire la guerre.

Toute l'attention se reporta sur elle lorsqu'elle saisit un couteau pour le planter dans la table en  interpellant l'homme à nouveau :

- Réponds ... à … ma … question.

Les murmures enfiévrés étaient venus à bout de sa patience et elle commençait à être sérieusement irritée.

Siron prit quelques secondes avant de parler, semblant choisir ses mots avec précaution pour ne pas froisser son hôte, la guerrière étant réputée pour son tempérament de feu :

- C'est-à-dire que… tous les seigneurs de la région ont été invités… et la pièce à fait grand bruit. Il se dit que c'est l'une des meilleures œuvres jamais écrites.

L'une des meilleures œuvres ? Tiens donc. Mais là n'était pas le point le plus important.

- Tous les seigneurs, dis-tu ?

- Ou...Oui.

- Et pourquoi n'ai-je pas eu vent de l'invitation ?

La menace était évidente dans sa voix. Elle parcourut ses invités du regard, un à un, cherchant une réponse. Ses yeux se posèrent finalement sur un vieil homme à l'autre bout de l'immense pièce. Elle se leva et se dirigea vers lui dans la démarche féline qui la caractérisait. Si l'homme n'avait pas déjà été terrifié, la voir s'approcher de façon prédatrice l'aurait définitivement effrayé.

Ses doigts vinrent s'enrouler autour de la gorge du malheureux. Elle se pencha, son visage s'arrêtant à quelques centimètres du sien. Lorsqu'elle parla, sa voix était basse et sensuelle.

- Dis moi, Tharis…  toi qui possède le théâtre de Corinthe, pourquoi  n'ai-je pas été conviée ?

Le vieillard déglutit tant bien que mal. Il avait conscience que de sa réponse dépendrait sa vie, comme le savaient tous ceux dans la pièce. Lorsqu'il prit la parole, sa voix était dénuée de toute l'arrogance qui caractérisait le personnage :

- Personne n'ignore que la Conquérante… n'est pas … portée… sur les manifestations artistiques… J'ai pensé que…

Elle pouvait sentir les battements de son cœur dans sa gorge. Elle savait qu'une légère pression supplémentaire et c'en était fini de lui.

Il venait de signer son arrêt de mort en confirmant les craintes de Xena : elle passait pour quelqu'un qui n'y connaissait rien à l'art. Et chacun sait que l'art est la distraction favorite des grands de ce monde, de ceux qui n'ont pas besoin de gagner leur vie et occupent leur temps libre dans ce genre de distractions.

Elle fit un sourire à Tharis et le sentit se crisper davantage. Dieux qu'elle aimait cette sensation de pouvoir. Il était à sa merci. Un silence de mort régnait dans la salle du trône.

Plus une moquerie, plus un murmure.

Nettement mieux.

 

Elle se glissa dans son dos, passant ses mains dans ses cheveux.

- Et bien…

Un sourire cruel se dessina sur ses lèvres tandis que sa main droite vint caresser la joue de Tharis avant de se poser sous son menton. Elle s'adressa à tous les invités en disant:

- Dorénavant… vous saurez qu'il ne vous est pas demandé de penser en mon nom.

D'un mouvement sec, ses mains se fermèrent sur la tête du vieil homme et elle lui brisa la nuque dans une torsion.

Un sentiment de puissance l'envahit. Tous la regardaient à présent, redoutant ses prochains gestes. Satisfaite, elle s'adressa à un garde :

- Je veux quatre places, au balcon, demain.

L'homme hocha la tête vigoureusement et courut presque hors de la salle.

La Conquérante vint se replacer sur son trône, tandis que plus personne ne semblait d'humeur à parler art.

 

                        *          *          *          *          *

 

Le lendemain, elle fut accueillie par la veuve de Tharis elle-même et escortée jusqu'à son siège. Celle-ci ne mentionna pas l'incident qui avait coûté la vie à son mari. Sage femme.

Xena pensa qu'elle devait certainement lui être reconnaissante, après tout cet homme était une plaie. Elle aurait du le tuer depuis longtemps déjà.


Elle s'installa confortablement dans son siège, attendant avec impatience que la pièce débute. Alors que les lumières s'éteignaient, elle se pencha en avant pour mieux voir.

Une jeune fille s'avança et commença à réciter son texte.

La petite était douée. La Conquérante fut prise dans le récit et lorsqu'on annonça l'entracte, elle fut même un peu déçue. Le temps était passé beaucoup plus vite qu'elle ne l'aurait cru.

Cette pièce était loin d'être comme la dernière tragédie à laquelle elle avait assisté. C'était… une succession d'étranges coïncidences. Se pourrait-il que… ?

Il fallait qu'elle rencontre l'auteur.

 

*          *         *         *         *

 

- Ellis tout est prêt?

Gabrielle brossa sa tenue du revers de la main pour la énième fois, essayant de cacher le stress qui montait crescendo depuis que les spectateurs avaient envahi la salle.

- Oui, oui, ne t'inquiète pas. Qui aurait cru que nous ferions un tel succès dans cette ville de barbares? Fit remarquer Ellis, un petit sourire au coin des lèvres.

- Je ne m'inquiète pas, je vérifie. Mmh, la question est est-ce qu'ils comprennent vraiment le message après avoir entendu la pièce? Demanda Gabrielle. Tous ces coups sur la tête, ça ne rend pas vraiment très… très quoi d'ailleurs? Est-ce qu'on peut parler d'intelligence quand on évoque les toutous de la Conquérante?

Elle sourit, mutine.

Mais avant qu'Ellis puisse répondre les lumières de la salle furent éteintes  et trois coups retentirent dans le silence. Le rideau allait se lever.

- Souhaite-moi bonne chance. Dit Gabrielle en prenant une grande inspiration.

- Tu n'en as pas besoin.

Ellis prit ses lèvres entre les siennes, l'embrassant doucement avant de murmurer à son oreille.

- Mais bonne chance.

 

                        *          *          *          *          *

 

Un parterre de roses jonchait encore la scène quand Gabrielle descendit de sa dernière prestation dans la ville de Corinthe la guerrière.

Derrière le rideau tout le monde la félicita, commentant cette prestation particulièrement réussie.

La jeune femme, les oreilles bourdonnant encore des applaudissements parvint jusqu'à sa loge où un calme bienvenu l'attendait. Elle referma la porte et s'appuya contre la cloison, soupirant doucement. Les yeux fermés elle laissa l'adrénaline quitter son corps au rythme de sa respiration.

C'était vraiment une bonne soirée. Même la légère douleur de sa gorge d'avoir tant parlé lui était agréable. Et puis surtout c'était son dernier jour dans cette ville étrange, sa tournée l'amenait maintenant vers Athènes, la cité de tous les artistes, la ville de sa reconnaissance. Un retour en grande pompe vers le berceau de son talent…

Un coup frappé doucement à la porte mit fin à ses pensées de gloire prochaine.

- Gabrielle?

Ellis entra dans la loge, refermant la porte derrière elle.

- Valeria voudrait te féliciter, elle t'attend dans l'ancien bureau de Tharis.

Elle s'appuya à son tour contre la cloison tandis que Gabrielle se dirigeait vers la coiffeuse, retirant les épingles qui maintenaient en place sa coiffure complexe.

- Hey, tu veux une bonne nouvelle?

- Une de plus? Demanda Gabrielle en libérant ses longs cheveux, appréciant la liberté et la légèreté soudaine. Attends, laisse moi deviner, on quitte la ville demain matin? Devina-t-elle, connaissant les sentiments d'Ellis pour la ville et ses habitants.

- Bingo! Plus besoin de porter allégeance à Sa Majesté Xena - sa voix prit une teinte moqueuse - Madame la Conquérante de toutes les Nations peureuses, Chef Suprême des Incultes de ce pays, Imbécile Absolue qui dirige les pauvres idiots que nous sommes!

Ellis attrapa deux verres sur une commode et les remplit du délicieux vin fruité qu'elle adorait. Elle tendit un verre à Gabrielle en souriant et lança:

- Buvons à notre départ de Corinthe!

Les deux jeunes femmes trinquèrent, mais n'eurent guère le temps de profiter de ce calme moment d'intimité, dérangées par des coups frappés à la porte de la loge.

- Oui?

Ellis ouvrit la porte à deux soldats portant l'armure et le sceau de la Conquérante. Le premier observa la jeune femme de haut en bas, fronçant les sourcils.

- C'est toi Gabrielle?

- Qu'est-ce que vous voulez?

Avant même qu'Ellis puisse répondre Gabrielle s'était avancée, observant à son tour les deux hommes avec un dédain ostensible.

- Laquelle des deux est Gabrielle?

- Je vous ai posé une question, qu'est-ce que vous voulez? Et répondez vite, je n'ai pas que ça à faire.

Le deuxième soldat lui jeta un regard effaré, ce n'était pas souvent qu'une femme osait répondre ainsi à un soldat de l'armée impériale.

- J'ai ordre de venir chercher Gabrielle la poétesse.

A peine ces mots prononcés, Gabrielle éclata de rire.

- Ordre? Et pour aller où?

Cette fois le soldat se fit menaçant.

- Ce sont les ordres de la Conquérante, alors suis-moi.

Il attrapa le bras de Gabrielle et la tira vers l'extérieur sous le regard de l'autre soldat qui ne savait pas si maltraiter la jeune artiste était permis ou non. La Conquérante n'avait rien dit, mais il avait vu la pièce, et c'était vraiment bon. Si la Conquérante avait apprécié le spectacle, il n'était pas sur que contraindre l'artiste lui donnerait l'occasion de monter en grade. Ou de garder la vie sauve. 

- Mais lâchez-moi! S'indigna Gabrielle en se débattant. Vous n'avez pas le droit!

La poigne du soldat se resserra et la jeune femme ne put rien faire d'autre que de le suivre, refoulant des larmes de douleur.

 

 Malgré ses efforts, elle n'eut d'autre choix que de suivre les gardes. Ils la firent pénétrer dans une petite pièce sombre, à l'arrière du bâtiment.

La poigne de l'homme se fit plus incertaine, tandis qu'il regardait autour de lui avec inquiétude.

- Lâche là.

La main du garde lâcha immédiatement sa prise. Lui et acolyte se mirent au garde à vous, attendant un autre ordre, les yeux dirigés vers l'endroit d'où était provenue la voix.

- Sortez.

Ils ne se firent pas prier et quittèrent la pièce, laissant Gabrielle seule avec la Destructrice des Nations.

- Mais qu'est ce que ça signifie, pourquoi m'avoir amenée ici ? s'écria la jeune femme, la colère transparaissant dans sa voix.

La Conquérante avança vers elle, sortant des ombres qui la dissimulaient. Ignorant la question qui lui avait été posée, elle parla d'une voix doucereuse :

- Bonsoir Gabrielle.

- Seuls mes amis m'appellent comme cela. dit-elle dans un ton qui se voulait sec.

Xena s'approcha encore davantage de l'artiste, jusqu'à être à un pas seulement. Gabrielle leva ses yeux pour rencontrer ceux de la femme en face d'elle.

Elle dût reconnaître que les nombreuses peintures représentant la souveraine ne lui rendaient pas justice. Elle avait beau avoir vu ce visage frappé sur toutes les pièces de monnaie, elle avait l'impression de le découvrir pour la première fois.

Les traits de la Conquérante étaient quasi parfaits, elle avait devant elle une beauté aux yeux bleus aussi froids que la glace.

Elle s'arrêta net dans sa contemplation en découvrant un sourire narquois sur les lèvres de la guerrière.

- Et comment suis-je censée t'appeler alors ?

- Qui te fait croire que j'ai envie d'être appelée, Conquérante ? Tous les sujets de Grèce ne sont pas à ta disposition.

L'insolence de la poétesse aurait été immédiatement sanctionnée, si celle-ci n'avait pas présenté un quelconque intérêt pour la guerrière.

Xena usa de sa volonté légendaire pour s'empêcher de répliquer par la violence. A la place, elle lui répondit, sur un ton malicieux.

- Non, en effet, ce sont tous les hommes du monde connu qui le sont.

Gabrielle s'approcha d'elle jusqu'à sentir son souffle sur sa peau. Lorsqu'elle prit la parole, on pouvait entendre la colère dans sa voix.

- Je comprends mieux comment nous en sommes arrivés là, au vu de ta considération pour le peuple et ce qu'il peut vouloir.

- Et toi, que sais-tu du peuple, Gabrielle ?

La voix était calme, sincère. Pourtant la question fit rire l'artiste. Comment la femme la plus puissante du monde osait elle lui demander cela ?

- Plus que toi, sois en sûre.

- Il est facile d'affirmer petite fille. Mais il n'est pas donné à tout le monde d'être proche du peuple. Surtout lorsqu'on a le luxe de pouvoir avoir accès à l'instruction.

La poétesse fulminait sous les attaques de la Conquérante.

- La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité !

Sa réplique n'eut d'autre effet que de faire rire la Destructrice des Nations.

- Jusqu'où va ton hypocrisie ? Et ça… 

La Conquérante saisit dans sa main le fin collier d'argent qui pendait au cou de Gabrielle, puis le bracelet assorti.

- Dis-moi, sont-ce des nécessités aussi ?

Pour la première fois de sa vie, la jeune femme se trouva à court de mots. Elle n'avait pas d'explication valable à fournir à son adversaire. 

Son silence ne fut pas manqué par Xena qui arborait un sourire suffisant.

C'en fut trop pour Gabrielle.

- Bonne soirée Conquérante, j'espère que le spectacle t'a plu.

Elle tourna les talons et s'apprêtait à prendre la porte lorsqu'elle sentit un corps musclé venir se plaquer dans son dos et qu'une voix chaude lui murmura à l'oreille.

- Il m'a plu. Où pourrais-je voir une autre représentation ? On m'a dit que tu quittais Corinthe. 

Gabrielle se détacha de l'autre femme avant de se retourner.

- Ta présence n'est pas requise, mais je vais à A…

- Xena…

La voix sortie de nulle part fit sursauter Gabrielle, qui cherchait à présent à distinguer qui avait bien pu parler. Un homme sortit des ombres et s'approcha de la guerrière.

- Arès.

Arès, le Dieu de la guerre ? C'était impossible, personne ne parlait aux Dieux parmi les mortels, excepté quelques élus.

- Qu'est ce que tu veux ? Tu ne vois pas que je suis occupée ? dit la Conquérante d'une voix lasse.

La blonde regardait Xena, incrédule. Elle s'adressait à un Dieu comme à un ami de longue date. Celui-ci ne sembla pas s'en formaliser et vint passer ses mains sur la taille de la guerrière qui ne s'était pas retournée et l'enlaça tendrement.  Il se pencha et dit à son oreille :

- Une rébellion, à Athènes. De grande envergure.

- Que ferais-je sans toi pour me distraire ?

Dans un sourire, elle tourna la tête vers le Dieu qui captura ses lèvres dans un long baiser avant de disparaître.

Xena se reprit, époussetant nonchalamment sa tenue avant de capter le regard ébahi de l'autre femme.

- Où en étions-nous ?

- Je… tu parles aux Dieux, dit-elle, les yeux grands ouverts.

La guerrière ne put s'empêcher de rire sous l'affirmation de la poétesse.

- A vrai dire, ce sont surtout eux qui me parlent. Je m'en passerais volontiers… Tu ne m'as toujours pas dit où tu allais.

Gabrielle reprit contenance et lorsqu'elle parla, son ton était dédaigneux :

- Athènes. Mais inutile de te donner la peine de venir. Je ne voudrais pas que tu aies à te mêler au petit peuple.

Xena arqua un sourcil. Bien peu avaient osé lui parler sur ce ton et aucun n'était encore là pour le dire. Pourtant, cette gamine l'intriguait.

C'était une des rares à oser lui tenir tête, ou du moins, à être assez folle pour le faire en sa présence. Dans d'autres circonstances, elle aurait tué cette insolente pour dix fois moins. Mais quelque chose dans la pièce avait attiré son attention. Elle aurait voulu discuter davantage de son œuvre avec l'auteur, mais leur première entrevue ne s'était pas déroulée exactement de la façon escomptée.

Gabrielle vit la Conquérante perdue dans ses pensées et en profita pour tenter une sortie.

- Bien, je vois que nous en avons fini.

Elle se trouvait lâche de fuir ainsi, mais le fait est que la Conquérante n'était pas comme tous ces gens l'avait dépeinte, et voir toutes ses certitudes ébranlées en une seule fois était beaucoup pour la jeune femme.  La fuite semblait l'alternative la plus raisonnable.

Elle se dirigea vers la porte plongée dans l'obscurité.

Mais la guerrière se glissa devant elle si rapidement que Gabrielle manqua de lui rentrer dedans.

Sa voix était douce lorsque, poussant une mèche de cheveux blonds, elle murmura à son oreille :

- Si elle te fuit, bientôt elle courra après toi ; si elle refuse tes présents, elle t'en offrira elle même ; si elle ne t'aime pas…

La Conquérante ne donna pas à Gabrielle l'occasion de répondre et sortit précipitamment.

Sans qu'elle comprenne pourquoi, son cœur battait à tout rompre. La guerrière connaissait Sappho.

Si elle ne t'aime pas, bientôt son cœur brûlera pour toi, qu'elle le veuille ou non.

 

Une minute plus tard, elle sortit à son tour de la pièce. Elle ne fut pas étonnée de ne pas voir une seule trace du passage de la Destructrice des Nations.

Elle retourna d'un pas distrait dans sa loge, où Ellis l'attendait, inquiète.

- Gabrielle, par les Dieux, où étais-tu?

La jeune femme lui sauta littéralement dessus, folle d'inquiétude.

- Ellis, tout va bien.

Gabrielle caressa distraitement le visage de son amie en face d'elle, ses pensées toujours tournées vers la surprenante rencontre. Oui, que c'était-il passé exactement?

La jeune femme elle même n'aurait pas pu le dire.

- J'étais morte d'inquiétude, ces maudits gardes n'ont pas voulu me laisser sortir!

Ellis expira bruyamment, essayant de se calmer. Elle avait besoin d'un remontant se dit elle en apercevant son verre de vin intact posé sur le meuble. Il fut vide en un instant, et la douceur fruitée glissa dans sa gorge tandis qu'elle étudiait une Gabrielle au regard perplexe.

- Alors, où étais-tu?

- Elle parle aux dieux. Gabrielle secoua la tête en essayant de détacher son esprit de la rencontre. En fait, je crois même qu'elle couche avec un dieu.

Ça avait été tout simplement incroyable. Elle n'aurait jamais cru qu'ils pouvaient paraître si… Normaux? Mortels? En tout cas ça expliquait pas mal de choses au sujet de la Conquérante.

- Tu as vu la Conquérante?

- Mmh mmh.

- Est-ce qu'elle te voulait? Demanda Ellis, intriguée.

- Bonne question. Elle voulait simplement savoir si… Gabrielle hésita. Elle a aimé la pièce.

Cette fois Ellis resta muette.

- Elle est tellement… arrogante! Sa Majesté pense que je ne suis pas proche des gens. Sa voix passa de la perplexité à la colère. Que sait-elle, elle, du peuple?

Elle défit d'un geste brusque les attaches de sa robe et la laissa tomber au sol, enfilant une tunique de soie importée directement de Chine, un cadeau parmi d'autres qu'elle recevait à la suite de ses prestations sur scène.

- Tu sais quoi? Gabrielle fixa les attaches de son col d'un geste brusque. Quittons cette ville de barbares. Nous trouverons bien une auberge sur la route.

Ellis sourit. La Gabrielle fougueuse qu'elle aimait tellement était de retour.

- Bien sûr, laisse-moi juste le temps de faire préparer nos chevaux.

La jeune femme se dirigea vers la porte, mais au moment de sortir, elle se retourna.

- Au fait, n'oublie pas de passer voir Valeria.

- Oui oui.

- A tout de suite.

 

 

*          *         *         *         *

 

Dieux, si c'était vrai que l'on naissait avec des talents bien déterminés, celui de Valeria était de savoir lécher les bottes de tout le monde pour obtenir ce qu'elle voulait.

Gabrielle sortit du bureau de la nouvelle directrice les bras chargés de parchemins de meilleure facture que ceux que l'on pouvait trouver sur le marché. En acceptant ce cadeau, la jeune femme savait que c'était une promesse implicite de revenir dans son théâtre et uniquement dans celui-ci, la prochaine fois qu'elle reviendrait se produire à Corinthe.

Mais après tout, qui pouvait dire si elle reviendrait dans cette ville un jour?

Gabrielle visait un siège haut placé à l'Académie, les voyages incessants la fatiguaient, ne lui laissant que moins de temps pour la création de ses pièces.

Alors prendre les parchemins ne la contraignait pas vraiment.

 

Arrivée à sa loge elle déposa son fardeau sur un des sièges bas avant d'aller préparer son sac. Mais son geste fut stoppé net quand elle aperçut une courte note posée sur la coiffeuse. Ça portait le sceau de la Conquérante.

Son cœur se mit à battre plus vite quand sa main toucha le parchemin, et ses yeux glissèrent rapidement, lisant les quelques mots.

Ce soir.

Et c'était signé d'un simple X. 

 

 

*          *         *         *         *

 

- Gabrielle, pourquoi devons nous partir si vite? Demanda Ellis en laissant son regard faire le tour de la chambre une dernière fois avant d'en sortir.

- Je croyais que tu étais pressée de quitter cette ville?

Gabrielle n'avait pas parlé de la note trouvée dans la loge, et elle n'en avait nullement l'intention. Sa rencontre avec la Conquérante était trop étrange pour qu'elle puisse en discuter avec quiconque, même avec Ellis.

- Hey, je ne m'en plains pas! Répondit Ellis en l'observant. Tu es sûre que tout va bien?

- Oui, alors arrête de me poser la question ! Rétorqua Gabrielle en s'éloignant d'un pas vif.

Son amie soupira et elle la suivit, sans un regard en arrière pour la ville de Corinthe.

 

*          *         *         *         *   

 

Sur la route entre Corinthe et Athènes, le lendemain.

Les deux jeunes femmes longeaient tranquillement le bord de la route, Ellis écoutant Gabrielle répéter une nouvelle histoire qu'elle voulait inclure à la prochaine représentation. C'était une histoire assez simple mais Gabrielle était un peu tatillonne sur la manière de rendre l'action aussi prenante que possible.


Un bruit dans les fourrés les fit toutes les deux sursauter.

- T'as entendu? Demanda Ellis.

- Oui… Ce… ça doit sûrement être un animal!

Gabrielle tentait de se montrer rassurante, mais il était évident qu'elle ne se sentait pas en sécurité.

Quelle idée elle avait eu de partir précipitamment. Elles se retrouvaient maintenant seules au beau milieu d'une forêt.

Leurs chevaux commencèrent à s'agiter, leur confirmant que quelque chose ne tournait pas rond. Soudain, trois hommes leur firent face.

- Salut les filles. Vous êtes perdues?

Sans attendre de réponse, deux des hommes saisirent Ellis par l'épaule et tentèrent de l'arracher de son cheval. Elle se débattit du mieux qu'elle put mais ses efforts étaient vains.

- Descends.

Gabrielle était comme paralysée, incapable de faire le moindre mouvement et encore moins de réfléchir.

L'homme fit un pas menaçant vers elle, lui faisant retrouver ses esprits. Elle descendit de son cheval. Elle ne pouvait pas abandonner Ellis et peut être que si elles se montraient coopératives, ils ne leur feraient pas de mal…

- Nous n'avons pas beaucoup d'argent mais…

Il lui fit signe de se taire de la main.

- Votre argent ne nous intéresse pas, vous avez bien mieux à offrir…

Le chef s'approcha davantage de Gabrielle. Il était grand, musclé et vu son odeur, les notions de toilette quotidienne n'étaient pas son fort. Il attrapa Gabrielle par le bras et l'attira à lui. Elle essaya de se libérer de sa prise, mais l'homme était bien trop puissant. Lui jetant un regard lubrique et impatient, il posa sa main sur sa poitrine.

- Lâche là, fils de Bacchante!

Ellis se débattit de toutes ses forces, la vue de Gabrielle à la merci de cet individu lui donnant une poussée d'adrénaline supplémentaire. Les deux hommes avaient à présent du mal à la retenir. Elle était comme folle à lier, une véritable hystérique.

Elle sentit soudain leur prise se relâcher et profita de l'instant pour se ruer sur leur chef.

Ellis se jeta littéralement sur lui, le faisant tomber dos à terre. Elle lui infligea quelques coups de poings au visage avant qu'il ait eut le temps de réagir.

Gabrielle restait immobile. Elle n'avait jamais vu Ellis dans un tel état. Elle fut sortie de sa torpeur lorsque celle-ci lui cria:

- Gabrielle! Aide-moi!

Sans plus attendre, elle donna un violent coup de pied dans les côtes de l'homme, lui coupant le souffle. Puis un autre dans la tête.

Elles ne s'arrêtèrent que lorsqu'elles virent l'homme inconscient, le visage en sang.


Le seul bruit dans la nuit était celui de leurs respirations erratiques.

- Ça va?

Ellis posa sa main sur l'épaule de Gabrielle. Celle-ci hocha la tête sans un mot.

- Viens, allons nous en.

Gabrielle saisit la main tendue et se releva. Elle monta sur son cheval, tandis qu'Ellis faisait de même sur le sien. Gabrielle eu un dernier regard sur l'homme inconscient, ne voyant plus trace des deux autres.

Elles partirent au galop, sans demander leur reste.

 

                        *          *          *          *          *         

 

Plusieurs marques de chandelle plus tard, Gabrielle arrêta son cheval et regarda alentour.

- Il y a une clairière pas loin, je suis déjà venue ici. On devrait se reposer…

- T'es sûre?

Ellis se retourna, regardant une fois de plus la route.

- Ils… et si ils reviennent?

- Ils sont loin. On a plus rien à craindre. Et je suis épuisée Ellis…

- T'as sûrement raison. Je te suis…

Gabrielle guida Ellis jusqu'à une petite clairière à l'abri des regards.

- Presque personne ne connaît ce coin, t'en fais pas. 

Ellis installa leurs couvertures côte à côte pendant que Gabrielle tentait d'allumer un feu.

- Au fait, comment t'as fait?

- Fait quoi? Demanda Ellis.

- Ben pour te débarrasser des deux autres?

- A vrai dire… je sais pas trop…

- Comment ça?

Gabrielle jeta un regard intrigué en direction de sa compagne. Elle regarda une dernière fois le feu qu'elle venait tout juste de faire prendre et vint s'installer à ses côtés.

- J'ai vu ce gars mettre sa main sur toi… et… je me suis libérée…

- Comme ça?

- Ben… ouais… mais tu sais quoi?

Ellis se plaça devant Gabrielle, posant ses mains sur les siennes. Elle se mordit la lèvre en la regardant et s'approcha, sa bouche s'arrêtant à quelques millimètres des lèvres de Gabrielle.

- J'ai pas vraiment envie de parler d'eux… là … tout de suite…

Elle se pencha et captura ses lèvres. Le baiser devint vite plus fougueux et la fatigue qu'elles avaient pu ressentir quelques temps plus tôt semblait être de l'histoire ancienne.

Une main dans ses cheveux, Ellis allongea Gabrielle sur les couvertures, collant son corps au sien. Leurs langues se combattirent un instant puis Ellis glissa ses lèvres sur son cou, l'effleurement se transformant en légères morsures, augmentant son envie d'elle à chaque seconde. Sous la douce exploration Gabrielle ne pouvait retenir les vagues de frisson qui la parcouraient.

Une main caressa son dos, et bientôt son haut ne fut plus qu'un souvenir. Ellis fit glisser son autre main de ses cheveux à son épaule, avant de descendre sur sa poitrine, et un doigt caressa la vallée entre ses seins.

Les muscles du ventre de Gabrielle se contractèrent quand la pulsation entre ses jambes devint trop obsédante. Elle se cambra. Le feu qui courait dans ses veines demandait à être assouvi. Immédiatement.

Elle prit la main d'une Ellis qui semblait décidée à prendre son temps et la fit descendre sur son corps jusqu'à ses cuisses nues, puis remonta lentement, la faisant passer sous sa jupe. Leurs mains liées rencontrèrent son sexe sous le tissu de sa culotte, chaud et humide d'un désir qui n'allait pas tarder à la submerger et elle la regarda dans les yeux, dans un ordre silencieux.

Ellis se redressa et lui fit un sourire charmeur avant de capturer un sein entre ses lèvres. Elle joua avec un téton dressé, l'aspirant, le mordillant.

La main de Gabrielle lâcha la sienne et ses doigts glissèrent dans son intimité brûlante, donnant à Gabrielle ce qu'elle voulait.

" Continue… " Gémit Gabrielle dont les hanches bougeaient d'une manière incontrôlable au fur et à mesure que son plaisir augmentait.

Elle savait qu'elle ne tiendrait pas longtemps. Ellis avait toujours su comment la faire réagir. Son corps tremblait sous les mains expertes, un plaisir intense qui la parcourait, le long de ses jambes, dans son ventre, entre ses reins.

Ellis retira ses doigts puis la pénétra à nouveau, plus profondément. Encore. Et encore.

Gabrielle se cambra contre ses doigts, les yeux à moitié clos, cherchant la délivrance.

" Plus fort " Souffla-t-elle entre ses dents.

Alors qu'elle était au bord du gouffre un mouvement dans les buissons sur sa gauche attira son regard.

Ses yeux se fichèrent dans ceux de la personne qu'elle était certaine de reconnaître. Et elle ne rompit jamais le contact alors même que les vagues de plaisir s'emparaient de son corps, gardant les yeux grand ouverts quand la jouissance l'atteignit enfin.


 

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