Chapitre 3
Chapitre 3: Atroces quiproquos et rencontres imprévues
Nous marchons environ une dizaine de minutes sur le Strip, passant devant casinos, boutiques et hôtels quelque peu excentriques. Alors qu'un couple de passants visiblement alcoolisés me bouscule, ne me remarquant même pas, je ne peux m'empêcher de penser à voix haute :
- Dire qu'on est ici pour le boulot…
A mon grand étonnement, quelques secondes plus tard j'entends un :
- A qui le dites-vous…
Finalement, la chaleur a raison de nous et nous nous décidons à retourner profiter de la fraicheur de l'hôtel.
Alors qu'on traverse le hall, elle m'arrête pour me montrer une jeune femme au loin. Celle-ci est rousse, élancée, les yeux verts et un air de cette chanteuse de Tatu dont je ne me rappelle plus le nom.
- C'est elle ! me dit-elle tout bas, l'air conspirateur.
- Elle quoi ? Et puis inutile de baisser le ton, je ne pense pas qu'elle puisse nous entendre de là où elle est !
- Cette femme, Linda Parkson, c'est elle la clé de notre succès !
- Comment ça ? dis-je fronçant les sourcils, comme si ça allait m'aider à mieux saisir le sens de ses paroles.
- Elle est présidente de la congrégation des remorqueurs et est on ne peut plus influente dans le milieu ! Si on arrive à se la mettre dans la poche, c'est gagné ! finit-elle, un sourire victorieux fermement planté sur ses lèvres.
Une question me vient cependant à l'esprit :
- Et comment on est censées faire ça au juste ?
- On a un projet en béton, que vous allez présenter… Oh d'ailleurs vous la trouvez comment ?
- Hein ? Que… Pardon ?
Je la regarde comme si elle avait perdu l'esprit. Elle plisse les yeux comme pour réfléchir à comment formuler la chose et me demande :
- Physiquement elle vous plait ?
- Quel est le rapport au juste ?
Je fais semblant de recoiffer ma chevelure blonde dans un miroir proche afin de me donner une contenance. J'avoue que ma question a pour unique but d'éviter de répondre à la sienne. Même si les rousses ne sont pas mon type à l'origine, je suis bien forcée d'admettre qu'elle possède certains… atouts.
- Son statut d'éternelle célibataire l'a dénoncée. Elle est de votre bord.
OMG ! Je suis outrée, jamais je n'aurais cru qu'elle oserait !
Lorsque, passé ma seconde d'étonnement muet, je prends enfin la parole, pas de doute que mon état s'entend dans le ton accusateur que j'adopte :
- Est-ce que vous seriez en train de suggérer ce que je pense ? Parce que si vous croyez une seule seconde que j-
- Calmez vous, je ne vous demande pas de coucher avec, je suis votre patronne, pas votre mac ! Je me suis mal exprimée !
- Alors quoi ? demandai-je les bras croisés, fermement décidée à ne pas la laisser s'en tirer à bon compte.
- C'est juste qu'elle est assez jolie, alors je me demandais " pourquoi est-ce qu'elle est célibataire ? ".
- Donc vous essayez bien de me caser avec !
Je place mes mains sur mes hanches et la regarde d'un air accusateur. Comme elle peut l'être au travail, elle reste parfaitement impassible devant ma démonstration d'humeur et se justifie calmement :
- Non ! Aussi bizarre que ça puisse vous paraître, je suis moi aussi parfois un peu curieuse. J'essayais juste de répondre à une question personnelle… Peut être que je suis la seule à lui trouver un certain charme.
- Huh huh…
Selon moi, cette histoire de " questionnement " n'est qu'une vaste farce. Je la vois mal en Matchmaker mais son excuse me paraît quand même un peu bidon.
Juste quand je suis persuadée que le sujet est clos, elle reprend la parole :
- En un sens je crois que je l'admire, ça fausse peut-être ma perception des choses.
Elle ? Admirer quelqu'un ? Oô Wow, cette miss Parkson va devenir mon idole…
- Comment ça ?
- Je veux dire… Cette femme à dû se battre pour en arriver là. Imaginez ce que c'est que d'avoir à se faire une place dans un milieu typiquement masculin, le tout en affichant ostensiblement son orientation sexuelle.
- Pas faux…
- Le fait que nous soyons deux femmes pourrait jouer en notre faveur. De notre côté de la barrière aussi c'est plutôt rare… Enfin je ne compte pas là-dessus, pas besoin ! Je suis sûre que votre présentation va être du tonnerre.
Euh, MINUTE !
- Comment ça MA présentation ?
- Simple. Si ce projet se déroule comme prévu, notre part de marché se verra considérablement augmentée. Il faudra très certainement embaucher… Et surtout promouvoir ceux qui ont contribué au succès. Je vous fais présenter parce que je veux qu'ils apprennent à connaitre celle avec qui ils pourraient être amenés à travailler.
Mes oreilles tintent joyeusement au son de la chanson " promotion, ohhh promotion à moaaaaa " que je viens d'inventer et qui risque de me rester en tête. Suspicieuse, je décide d'être sûre en demandant néanmoins :
- Rien à voir avec mon orientation sexuelle ?
A peine les mots sortis de ma bouche, je sais que je viens de l'agacer.
Beaucoup.
Énormément.
- Écoutez, et écoutez-moi bien parce que je n'aime pas me répéter. Jusqu'à preuve du contraire le fait que vous aimiez les femmes n'est pas écrit en lettres capitales rouge sur votre front. Vous n'avez pas les cheveux courts, aucun piercing à l'arcade, bague au pouce, marcel ou je ne sais quoi, ce qui vous sort du cliché lesbien. Méconnaissable à l'œil nu. Non, si vous êtes là, c'est parce que j'ai remarqué l'ampleur du travail accompli, et qu'au vu des résultats, je peux affirmer que vous êtes la plus qualifiée. Nous sommes ici dans un but PUREMENT professionnel, et qui vous choisissez de mettre dans votre lit m'est COMPLETEMENT égal. On est d'accord ?
Je mets un moment à répondre, une expression de choc fermement en place sur mon visage. J'ai les sourcils tellement levés qu'en me voyant, la moitié des gens de ce hall doivent penser que je sors d'une opération de chirurgie au botox qui a mal tourné. En tout cas c'est ce que je penserais personnellement.
Je finis par acquiescer, ne sachant pas quoi dire de toute manière.
Apparemment satisfaite, elle se dirige vers la salle des jeux d'un pas rapide, me laissant sur place.
Je songe un instant à la suivre, mais la perspective d'un canapé (même un s'avérant peu moelleux) m'attire davantage. Je fais demi-tour et marche quelques instants avant de réaliser.
C'est elle qui a la clé de la chambre.
Trottinant derrière elle (ne riez pas, la vie n'est pas facile quand on fait 1m20 les bras levés).
Je la rattrape pile au moment où elle passe a côté de la jolie rousse en question. Ma main sur son épaule la stoppe et elle se retourne d'un air agacé.
- Quoi encore ? Le sujet est clos !
- Non enfin oui mais j'ai besoin de la clé de la chambre.
- Oh ! Immédiatement, elle porte sa main à son sac à main, sortant le pass quelques instants plus tard et me le tendant.
- Autre chose ? demande-t-elle en essayant de garder son air énervé mais elle s'est visiblement calmée.
Cette femme est comme un genre de catastrophe naturelle. On ne la voit pas toujours venir, ça fait mal et une fois que c'est terminé on peine à réaliser.
- Non, c'était tout.
- Très bien. On se retrouve la haut alors. Dit-elle en tournant les talons.
Je la regarde partir un instant, profitant de la vision qu'est son postérieur en mouvement, avant de constater que je ne suis pas la seule. Je détache un instant mes yeux pour remarquer que Linda Parkson a les yeux rivés au même endroit. Mon regard retourne vers les formes de ma boss et je m'étire un peu pour continuer à la voir encore alors qu'elle contourne les machines à sous.
Soupirant, je me tourne en direction des ascenseurs quand j'entends la rousse me dire :
- Les plus jolies ne sont pas toujours les plus faciles à vivre, huh ?
- Je ne peux qu'être d'accord… Mais ça fait partie du charme non ?
- Oh que oui, sans piquant ce serait beaucoup moins intéressant. dit-elle, un sourire coquin aux lèvres.
- Bon, je vous abandonne, il faut que j'aille profiter de la chambre qui m'attend. Le décalage horaire ne pardonne pas !
Je brandis la clé électronique comme pour appuyer mes propos, même si je n'ai a priori aucune raison de me justifier.
- Très bien, à après demain alors !
Mon sourcil se lève bien malgré moi. Comment diable sait-elle ça ?
- Linda Parkson. Je suis la présidente du congrès auquel vous êtes venues assister. Ajoute-t-elle en me tendant la main.
- Liz Scott. Co-comment ?
- Vous n'êtes pas la seule à vous être préparée pour cet évènement. La photo de Mlle Mackenzie se trouve sur un nombre incroyable d'articles. Je n'oublie jamais un visage, encore moins un comme le sien. Et vous étiez sur quelques un de ces articles.
Voyant que je reste dans une léthargie absolue, elle sourit pleinement, me dévoilant une rangée de dents blanches et droites avant d'ajouter :
- Je ne vous retiens pas davantage, allez vous reposer. On sait comment se finissent les réconciliations de couple, vous en aurez besoin ! Veinarde ! Finit-elle en tournant les talons avant que j'aie eu le temps de réagir.
Je retourne dans la chambre en mode zombie. Oh mon Dieu ! La panique s'installe dans l'ascenseur quand je prends pleinement conscience de ce qu'elle vient de suggérer.
Une fois entrée, je me laisse mollement tomber sur le canapé, complètement sous le choc. Quelle merde !
La question qui me vient à l'esprit est : est-ce que je lui dis ou pas ? Et si oui, comment ? " Tiens, bonjour, au fait, cette Madame Parkson, elle croit qu'on est en couple ! Allez, bonne nuit ! ".
Non, ça ne le fait vraiment pas. Ceci dit, cette option est à garder sous le coude si jamais me viennent des tendances suicidaires.
* * * * *
Je suis tirée de mon sommeil par un raclement de gorge. Daignant ouvrir un œil, je trouve ma boss plantée devant moi, en tenue complète de sport.
- Mhararadormi… Euh… Désolée ! 'Jour ! Il est tard ? J'ai trop dormi ?
Je tente d'attraper mon téléphone, posé juste ce qu'il faut trop loin pour que mes doigts malhabiles n'arrivent pas à le saisir. Elle me regarde d'un air curieux avant de répondre :
- Pas vraiment, tout juste 8H30. Je vais faire un jogging d'ici peu, alors je voulais vous prévenir et puis vous demander si vous aimeriez vous joindre a moi ?
- Un jogging ? A l'aube ?
Je peine déjà à conserver une paupière relevée...
Ses yeux verts sont rieurs lorsqu'ils se posent sur moi… En même temps, je suis quasi-certaine que, comme chaque matin, ma coiffure a de quoi rivaliser avec celles présentées sur les mannequins par les créateurs de mode les plus excentriques au monde. Et avec mon carré dégradé, aucune chance que je réussisse une queue de cheval comme la sienne.
- Je vois… Mais après l'effort, le réconfort, on pourrait se détendre…
Je lui accorde un bon point pour la jolie tentative pour m'extirper hors du cuir du canapé, mais la perspective de courir ne me dit VRAIMENT rien. Prenant sur moi, j'arrive à m'abstenir de lui faire part du genre de détente que j'aimerais " pratiquer " à ses côtés et me contente de rétorquer :
- Je m'en tiendrais au réconfort, mais merci quand même !
- Très bien. Mais ne venez pas vous plaindre quand vos fesses feront penser à du Flamby.
- Hey, j'adore le Flamby !
Souriant par-dessus son épaule, elle finit par sortir au pas de course. Puis de toute façon, même si mes fesses devenaient énormes, je ne force personne à les regarder. Elle ne s'en apercevrait probablement pas jusqu'au moment où j'aurais le droit à une réflexion désobligeante.
En ce qui concerne le jogging… Rien qu'à la voir toute motivée comme ça ça m'épuise, comme quoi il n'y a pas besoin d'aller courir.
J'esquisse un mouvement pour finalement me rendre compte que mes pauvres muscles ensommeillés ne sont pas de taille face au canapé modèle " incrustation de son occupant ". Résignée suite à ma tentative d'une seconde ¾, je me réinstalle confortablement, décidant unilatéralement que c'était un repos bien mérité. Finalement, il n'est pas si mal ce lit improvisé.
* * * * *
On me secoue.
J'ouvre un œil, puis l'autre et réalise que c'est ma chef qui tente de me réveiller. Vu comme ses cheveux sont humides, soit elle est fraichement lavée, soit elle a de la famille parmi certains catcheurs à la TV. Pour ma santé d'esprit, on va dire que c'est l'option douche.
- Vous êtes prête ? me demande-t-elle
- Prête pour quoi ?
- Le réconfort ! Me dit-elle en brandissant fièrement devant mon nez ce que j'identifie comme étant un prospectus. De quoi, je l'ignore étant donné qu'il est bien trop proche de mes yeux pour que je puisse y lire quoi que ce soit.
- C'est quoi ?
- De quoi faire notre choix parmi les montagnes caloriques proposées par l'hôtel ! Allez allez, vous n'allez quand même pas me laisser grossir seule ?
Sceptique, mes yeux se posent quelques instants sur le menu des desserts proposés par l'hôtel, avant de préparer ma réponse. La laisser grossir seule ? Son gonflement pourrait créer un mouvement inverse de ma libido à son égard !
Je m'apprête à la laisser seule dans son désarroi, lorsqu'elle prend la parole avant que je ne réponde :
- N'essayez même pas de me sortir une quelconque excuse vaseuse sur votre peur de grossir, j'ai bien repéré le tiroir à bonbons de votre bureau.
L'énorme mensonge diététique que je m'apprêtais à proclamer haut et fort meurt avant même d'avoir quitté ma bouche.
- Très bien, je vais me préparer…
Me levant, je regrette l'absence de mes pantoufles vert pomme, qui d'ordinaire accentuent à merveille le trainement dramatique de mes pieds. Je n'ai strictement aucune envie de quitter le confort de la chambre pour aller petit-déjeuner en bas, mais puisque ça a l'air de lui faire plaisir...
Mi assise, mi incrustée dans les énormes fauteuils en cuir proches des tables du petit déjeuner, je considère avec un intérêt non feint les diverses " gâteries " qui sont au menu.
Suite à trois minutes d'intense réflexion, je finis par opter pour une chose dont j'ignore jusqu'au nom mais qui dégouline vraisemblablement de chocolat.
Rien de tel pour commencer une journée.
J'engouffre avec le peu de grâce que l'opération autorise des cuillerées pleines de mixture pâtissière hautement chocolatée, prenant garde à ne pas tâcher mes vêtements.
En voyant le sourire narquois qui orne les lèvres de ma supérieure, je comprends que ce n'est pas pour mes vêtements que j'aurais dû m'en faire. Résignée, je lui lance :
- Allez y, lâchez vous, je suis prête à tout entendre…
- Rien rien ! Je me disais juste que si vous vouliez à ce point vous faire un masque vous auriez dû me le dire, il y a de très bons instituts dans le coin.
Essuyant la claque à mon égo en même temps que la moitié inférieure de mon visage, je termine de manger avec un empressement beaucoup plus modéré.
Au moment même où je termine ma dernière cuillerée, la harpie se lève, j'imagine pour re-remplir sa tasse de café pour la cinquantième fois au moins. Je m'apprête à combattre l'attraction gravitationnelle qu'exerce ce fauteuil sur moi, quand une main vient se poser sur mon épaule. Suivant celle-ci, je trouve un bras, puis un cou, surmonté d'une tête rousse bien connue.
- Mademoiselle Parkson, bonjour !
- Bonjour ! Excusez-moi de vous interrompre, mais le temps m'est compté ! L'intervenant qui vous précédait à dû annuler, il vient d'Asie et apparemment les conditions climatiques l'empêcheront d'être là à temps. Vous pensez pouvoir avancer votre présentation ?
Deux choix s'offrent à moi : refuser et par la même admettre notre manque total de préparation, ou accepter et faire face à notre manque total de préparation.
- Euh, il faudrait juste que j'en avise -
- Consultez là, je comprends. Je serai dans les parages pour prendre mon petit déjeuner.
- Très bien, je vous dis cela d'ici quelques instants. Dis-je, paniquée en voyant ma boss revenir.
- Parfait !
A mon grand désespoir, elle reste juste ce qu'il faut de trop pour que la dragonne revienne.
Ses yeux s'écarquillent un instant en voyant la rousse à notre table, mais elle reprend très vite contenance.
- Mademoiselle Parkson, enchantée ! proclame ma chef en lui tendant la main, un sourire chaleureux aux lèvres.
- Ravie d'avoir enfin l'occasion de vous rencontrer mademoiselle Mackenzie !
- De même.
Se mettant en mode travail quasi-instantanément, elle enchaine avec un :
- Je me disais avant de partir que puisque je vous y verrai, le congrès sera l'occasion de mieux connaître votre opinion sur un certain nombre de points que j'aimerais aborder avec vous.
- Ce sera avec joie ! D'ailleurs je viens justement de faire part d'une nouvelle concernant le déroulement du congrès à mademoiselle Scott. Enfin, elle vous en dira plus ! Et puis, on en encore le temps de profiter du cadre avant de se mettre au travail !
- Tout à fait ! dit ma boss en acquiesçant.
- Je vais devoir vous abandonner, j'ai peur que mon cappuccino ne refroidisse.
- Très bien, à demain alors !
- A demain.
Elle tourne les talons, ce qui me fait lâcher un énorme soupir intérieur de soulagement.
Dieu merci, elle n'a pas évoqué le " quiproquo ".
Juste lorsque je me sens tirée d'affaire, je la vois partir se chercher l'équivalent de trois kilogrammes de sucre, et, au voyage retour, me gratifier d'un " thumbs up ", clin d'œil et " bien joué " muet dans le dos de ma supérieure.
En voyant les sourcils de celle-ci se froncer quasi-instantanément, j'ai envie de pleurer. Faisant mine de chercher quelque chose dans ma veste, je me retourne afin de confirmer mes pires soupçons.
Il y a en effet un miroir situé pas bien loin derrière moi.
J'évite toujours de sortir sans sous-vêtements au cas où je me ferais renverser par un gros camion. Pour le coup, j'aimerais que celui-ci vienne mettre fin à mon malheur.
Bien évidemment, la question ne se fait pas attendre :
- Pourquoi elle vous a fait ces signes dans mon dos ? Vous complotez ? demande-t-elle en plaisantant à moitié seulement.
Oh oh…
- J'ai quelque chose à vous dire…
Impatiente, elle demande directement ?
- Quoi ? Dites-le tout de suite comme ça on en finit !
- A vrai dire, je préférerais en parler dans la chambre.
La vérité c'est que je préférerais ne pas en parler du tout, mais j'aurais dit n'importe quoi pour repousser le moment de mes aveux. Et accessoirement, j'imagine que la faire s'étouffer publiquement sous le poids de ma " révélation " pourrait créer une publicité dont je me passerais volontiers.
A contre cœur, elle termine son café et prend ses affaires, trottinant à moitié vers les ascenseurs.
La patience n'est vraiment pas son fort, elle n'a pas menti. La suivant d'un pas beaucoup moins pressé, je prends le temps de profiter du cadre sublime de l'hôtel. Ça me console de me dire qu'au moins je mourrai telle une princesse.
Pénétrant dans l'ascenseur, je réfléchis à quelle pièce choisir pour ma grande révélation. C'est dans ces moments là qu'on se rend compte du nombre d'objets contondants potentiellement mortels qu'il y a dans une simple chambre d'hôtel.
Alors que les portes se referment lentement, on entend " attendez " et une main vient se glisser entre elles, stoppant aussitôt la fermeture.
L'inconnue pénètre dans l'ascenseur avec nous, suivie de près par un très beau mec, tous deux inconscients du fait qu'ils viennent de rallonger ma vie de quelques instants.
- Avoue tout, tu tentais de nous semer ? dit la jeune femme en s'adressant visiblement à ma boss.
- Mais pas du tout, vous vous faites des idées ! Je ne vous avais pas vus ! Comment ça va vous deux ?
Shaell s'avance d'un pas plus incertain que d'ordinaire vers la jeune blonde et lui fait la bise, avant de poser sa main sur l'épaule du type et de lui déposer un baiser sur la joue qui m'a l'air bien trop familier pour me plaire. C'est sûrement LUI le petit copain.
Je me demande si c'est par rapport à ma " révélation " ou pour les fuir qu'elle était si pressée…
J'observe les nouveaux venus d'un œil critique, qui pourtant ne trouve rien à redire au physique ni de l'un, ni de l'autre. La jeune femme est blonde, les yeux bleus, un corps à m'en décrocher la mâchoire et un sourire ravageur. Quant à lui, il doit avoir des origines latinos, des beaux cheveux courts et bruns et des yeux noirs qui lui confèrent un charme dingue. Et si vous voulez mon avis (d'ailleurs même si vous ne le voulez pas), il doit être coutumier des salles de sport.
- Tu ne nous présentes pas ? demande la jeune femme.
- Si si, bien sûr. Répliqua ma chef sur un ton qui me laisse penser qu'elle avait tout sauf l'intention de le faire. Liz, voici Mattéo, dont je vous ai parlé, et Angélique une amie. Voici la responsable réseau de l'entreprise, Liz.
Elle lance un regard des plus étranges en direction d'Angélique au moment de la présentation et ignore complètement la question de Mattéo voulant savoir pourquoi on avait parlé de lui. Résigné, il se tourne vers moi et dit :
- Enchanté.
- De même.
- Vous pouvez m'appeler Angy. Ravie de faire votre connaissance. J'ai tellement entendu parler de vous !
Je jette un regard interrogateur en direction de ma future meurtrière qui se contente de l'ignorer et de demander :
- Vous allez à quel étage ?
- 9ème.
Elle appuie aussitôt sur le bouton de leur étage et l'ascenseur se met en marche dans un doux ronronnement.
Souriant et fixant Shaell d'un air qui ne me plait pas trop, Mattéo s'enquiert :
- Ça vous dirait de se boire un verre ce soir ?
- Oh oui bonne idée ! renchérit Angy.
Ma boss tente de s'en sortir en annonçant :
- Euh c'est-à-dire qu'on a pas mal de boulot, entre la conférence et le reste…
- Ta-ta-ta ! Ma vieille, hors de question que tu nous fasses faux bond ! Liz, qu'en dites-vous ?
Ignorant le regard assassin de ma supérieure, je réponds comme je l'entends :
- Avec grand plaisir !
- Parfait alors ! Disons… Rdv dans le hall de l'hôtel pour 20H ?
- Nous y serons ! répond la harpie à contre cœur.
Je me demande pourquoi elle ne veut pas passer une soirée avec son petit ami. Ohhh, peut-être qu'on pourrait échanger de chambre. S'il dort seul, j'aurais mon intimité, s'il dort avec Angy… hehehe… Concentre-toi Liz, ta fin est proche je te signale. Et puis hors de question de les laisser seuls tous les deux. Si je dois fantasmer sur cette femme, personne ne doit l'approcher trop près pour briser mes rêves.
Le truc qui m'a poussé à accepter c'est aussi qu'elle ne pourra pas se présenter sans moi ce soir, donc elle ne pourra pas m'éliminer ! Brillant, pas vrai ?