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Fictions Lesbiennes :)
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fiction lesbienne
25 mars 2018

Chapitre 21

À peine rentrées, on retire nos chaussures et Sasha allume la télé, dépliant le canapé-lit afin que l’on puisse s’affaler dans les règles de l’art, avant de s’éclipser. Avant que je ne décide d’aller voir ce qu’elle fait, elle me rejoint sur le canapé, petit pot de Ben & Jerry’s en main et deux cuillères. Le levant, elle me demande :

- Ça te va ?

- Parfait.

On ne met pas longtemps pour se mettre d’accord sur un film, principalement parce que je ne doute pas un seul instant que je vais passer la majorité du temps à regarder son profil, et pour ça n’importe lequel fera l’affaire. Je ne connais même pas le titre, c’est pour dire.

Elle se blottit contre moi et l’on partage la glace à même le pot, un peu comme on pourrait le faire avec une amie après une rupture.  Sa cuillère n’attrape rapidement plus que du vide et elle se penche pour déposer le pot sur la table basse avant de revenir se placer contre moi, les yeux rivés sur l’écran.

La seule source de lumière est le film et mon regard n’arrête pas de retourner se fixer sur elle. J’ai vraiment très envie de l’embrasser.

Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il peut bien se passer à l’écran.

N’y tenant plus, je me décide :

- Sasha ?

Elle tourne la tête dans ma direction et je capture immédiatement ses lèvres. Ne manquant pas un battement, sa main quitte le canapé pour venir dans mes cheveux, appuyant le baiser tandis qu’elle ouvre légèrement la bouche, venant caresser ma langue de la sienne. Lorsque l’on doit se reculer pour avoir un peu d’oxygène, elle lance un regard appuyé qui fait battre mon cœur un peu plus vite et annonce :

- J’ai cru que t’allais jamais te décider…

Hé, c’est un peu facile !

- T’aurais pu  prendre les devants si tu trouvais que j’étais trop longue…

- Ça me va !

Prenant visiblement ma réponse comme un défi, elle place une main sur mon buste, juste en dessous de mon cou et pousse, m’encourageant à m’allonger. Je m’exécute et ne cache pas mon appréciation lorsqu’elle se place à cheval sur moi, prenant quelques secondes pour m’observer d’un air affamé avant de s’abaisser pour reprendre où l’on s’en était arrêtées.

Mes mains vont instinctivement se poser sur ses hanches, pour glisser sur ses fesses quelques secondes plus tard. Sasha place le poids de son corps sur un seul bras tandis qu’elle caresse ma taille de l’autre.

J’aime vraiment la manière dont elle embrasse, la façon dont son corps tout entier semble répondre au baiser, comment elle arrive à m’inciter à poursuivre ses lèvres pour peu qu’elle se recule…

Ses doigts parcourent mon ventre à l’endroit où mon haut s’est soulevé et je peux sentir qu’elle se retient d’aller plus loin, probablement pour respecter mes choix.

Mais ça c’était avant !

J’ai appris de mes erreurs.

Délaissant ses fesses pour venir exercer une légère pression sur son ventre afin qu’elle se redresse et en gardant le contact de ses lèvres le plus longtemps possible, je la suis et m’assieds.

La différence de niveau me place face à son cou et je n’hésite pas un seul instant avant d’y attacher mes lèvres, la mordillant puis l’embrassant.

Ses mains se placent dans mon dos, me plaquant contre elle.

- Héléna ?

Refusant de me détacher d’elle, j’amène ma bouche à son oreille et laisse échapper un :

- Mmhhh ?

M’en prenant à présent à son lobe, je la sens frissonner et effectuer un mouvement de bassin involontaire. Un sourire m’échappe lorsqu’elle se recule pour m’embrasser avec tout ce qu’elle a avant de dire :

- J’ai vraiment très envie de toi…

Me dérobant à ses baisers, je nous fais rouler et me redresse entre ses jambes écartées, juste assez pour retirer mon haut d’un mouvement fluide.

Ses yeux viennent parcourir l’espace dévoilé, le vert n’étant plus qu’une fine ligne autour de pupilles dilatées. Gardant le poids du haut de mon corps sur mon coude, j’attends que son regard retrouve le mien avant de m’emparer de sa main pour la faire glisser sur mon ventre, puis remonter jusqu’à ma poitrine. Nos lèvres se retrouvent à l’instant même où sa main englobe mon sein, mon gémissement d’appréciation étouffé entre nous.

Les jambes de Sasha s’enroulent autour de ma taille, plaquant mon bassin contre le sien. Alors que son autre main passe dans mon dos pour dégrafer mon soutien-gorge, je la sens sourire dans le baiser en voyant que je n’oppose pas la moindre résistance, l’aidant au contraire à m’en débarrasser.

Ne voulant pas être en reste, je me recule et tire légèrement sur son haut, lui faisant passer le message. Il faut absolument que je sente sa peau contre la mienne, et vite !

Sasha me lance un regard brûlant et se déshabille lentement, révélant sa peau centimètre par centimètre. Elle est sur le dos, sa poitrine mise en exergue par son soutien-gorge en dentelle sombre et la manière dont sa respiration rapide la fait se soulever.

Elle est super belle.

Voyant la manière dont je la dévore des yeux, elle me fait un sourire coquin avant de poser son regard sur ma poitrine, l’intensité de ce dernier suffisant largement à faire réagir mes seins. Ayant besoin de plus de contact, je me mets à genoux et amène ma main sur le bouton de son jean, venant capter son regard pour m’assurer d’avoir son accord.

Pour toute réponse, elle soulève ses fesses. Je défais rapidement bouton et fermeture éclair et glisse le vêtement le long de ses jambes, prenant ses chaussettes au passage.

Je m’apprête à me réinstaller contre elle lorsque Sasha dit :

- Le tien aussi.

N’ayant pas l’intention de discuter, je retire tout rapidement sous les yeux de Sasha, ne conservant que mes dessous.

C’est elle qui me les retirera…

Me tournant vers elle, je constate qu’elle est cambrée pour dégrafer son soutien-gorge. Elle le fait glisser le long de ses bras et le jette au loin, souriant devant ma réaction.

J’aime la manière assurée qu’elle a de se dévêtir, ne doutant pas un seul instant de son pouvoir de séduction.

À juste titre.

Passant inconsciemment ma langue sur mes lèvres, je la dévore des yeux. La lumière de la télé la sublime, mettant en avant son ventre plat et les courbes de ses seins, dont les tétons dressés captent mon attention. Elle a les pieds à plat sur le canapé, jambes pliées et lorsque mon regard se porte sur la dernière barrière entre elle et moi, elle écarte légèrement les jambes, dans une invitation silencieuse.

Elle courbe son index dans un mouvement de « viens par-là » et j’avance immédiatement à quatre pattes dans sa direction, plaçant mes cheveux détachés du côté où il n’y a pas la télé afin de pouvoir la voir le mieux possible.  Je fais une pause en chemin, déposant des baisers le long du dernier vêtement qu’il lui reste tandis qu’une de mes mains part à la découverte de sa poitrine. Levant les yeux, je la vois la bouche entrouverte et le souffle court, totalement à ma merci.

Ses seins sont parfaits, ni trop gros ni trop petits, fermes et demandant ma totale attention. Qui suis-je pour refuser ?

Lorsque mes lèvres se referment sur son téton, Sasha glisse ses doigts dans mes cheveux, son dos s’arc-boutant pour tenter d’avoir plus de contact. Souriant, je m’écarte légèrement pour qu’elle puisse voir ma langue sur son corps, reproduisant le même rythme que ma main sur son autre sein.  

Sa prise dans mes cheveux se resserre et elle finit par me guider jusqu’à ses lèvres, un baiser brûlant m’y attendant. Trop occupée à savourer le trop plein sensoriel de sa peau contre la mienne et avant même que je ne m’en rende compte, elle a entremêlé nos jambes et inversé nos positions, me mettant sur le dos.

On continue de s’embrasser, nos mains parcourant avidement le corps de l’autre. Mon cœur bat à cent mille à l’heure et j’ai l’impression que je vais exploser si on ne passe pas rapidement à la vitesse supérieure.

Comme si elle lisait dans mes pensées, sa cuisse vient m’offrir un peu de friction, mon bassin ondulant pour venir s’y frotter. Plaçant ma jambe à sa portée, je ne retiens pas mon approbation lorsqu’elle m’imite, le tissu de son sous vêtement ne dissimulant pas son excitation.

Alors que ses lèvres délaissent les miennes pour aller se poser sur mes seins, j’en profite pour remplacer ma cuisse par ma main, la prenant littéralement au creux de ma paume. Son gémissement est étouffé par ma poitrine mais suffit largement à m’encourager à continuer.

Profitant de la matière relativement élastique, je décale le tissu sur le côté pour venir la découvrir du bout des doigts. Elle est absolument trempée…

Elle marque une pause dans son exploration, fermant les yeux et plaçant son front contre ma peau, ses hanches cherchant plus de contact.

Parcourant son sexe, je vais trouver son clitoris et le caresse, prêtant une attention particulière à la manière dont elle réagit afin de savoir ce qu’elle préfère. La main près de mon épaule se resserre et elle relève soudainement la tête pour m’embrasser. Je réponds avec ferveur, appréciant tout particulièrement la manière qu’elle a de gémir dans ma bouche. Elle se recule pour reprendre sa respiration  et murmure :

- Héléna, j’ai besoin…

Ne m’attardant pas trop sur la manière dont mon prénom sonne lorsqu’elle le prononce, essoufflée alors que je lui donne du plaisir, je comprends ce qu’elle attend de moi et glisse mes doigts un peu plus bas.

La sentant plus que prête, je place deux doigts à l’entrée de son sexe, m’arrêtant un instant pour apprécier la façon dont ses muscles se contractent, essayant de m’attirer à l’intérieur…

Sasha me rappelle à l’ordre d’un mouvement de bassin et je ne perds pas une seconde de plus avant de plonger en elle.

Pour être honnête, je ne suis pas certaine qu’elle soit celle qui ait pris le plus de plaisir. Je la sens se serrer rythmiquement autour de mes doigts et place ma paume contre son clitoris pour y faire pression.

Bien que poussant sur ma main avec ma jambe, je reste limitée dans mes mouvements et plie les doigts à la recherche de son point G. A l’instant même où je le trouve, elle se redresse pour s’asseoir sur ma cuisse, emprisonnant mes doigts en elle.

Elle me regarde, le souffle court et je souris devant la manière dont elle ferme les paupières lorsque je la caresse pile où il faut. Comme pour me torturer, elle mord sa lèvre inférieure et vient placer sa paume sur mon tibia, basculant la tête en arrière et ondulant sur ma main.

Elle est complètement focalisée sur son plaisir, se servant de moi sans chercher d’excuses et c’est ultra sexy. Plaçant mon autre main sur ses fesses, je l’encourage à me chevaucher, à m’utiliser.

Ses mouvements se font plus erratiques, les muscles de son ventre et ses cuisses semblant spasmer. Ne voulant pas qu’elle finisse trop vite, je me redresse et la guide afin qu’elle se décale pour être à cheval sur mes jambes écartées.

Alors que je la maintiens d’un bras dans le dos, ma bouche caresse sa poitrine, prenant son téton entre mes lèvres.

La nouvelle position me donne plus d’amplitude et je fais des allers retours entre ses jambes, la base de ma main venant systématiquement en contact avec son clitoris.

Sasha m’attrape par l’épaule, me serrant contre elle. Comme si j’avais l’intention d’aller où que ce soit !

Basculant à nouveau la tête en avant, son souffle vient caresser mon oreille et je suis aux premières loges pour entendre la manière dont sa respiration semble s’arrêter lorsqu’elle jouit. Je sens tout son corps se contracter, quasi immobile l’espace d’un instant, alors qu’un gémissement lui échappe. Les ongles de sa main laissent certainement des traces en demi-lune sur mon épaule avant qu’elle ne retombe sur moi, s’empalant une dernière fois sur mes doigts, comme vidée de toute énergie.

Après quelques secondes passées à la laisser reprendre son souffle tout en savourant la manière dont nous sommes intimement enlacées, mes doigts toujours en elle, elle m’embrasse doucement.

Se reculant pour me sourire, elle annonce :

- Allonge-toi. J’en ai pas fini avec toi.

 Je lève un sourcil devant son assurance, n’hésitant pour autant pas le moins du monde à lui obéir. D’ordinaire je ne suis pas du genre à accepter que l’on me donne des ordres, mais si elle ne me touche pas rapidement je risque de mourir de frustration et la question ne se posera plus.

Une fois le dos à plat sur le canapé, je garde ma main immobile alors qu’elle se retire, mon regard ne manquant pas une miette de la scène. A la vue de mes doigts recouverts des preuves de son plaisir, j’ai déjà envie de recommencer. Ça risque d’être problématique cette histoire, dans le genre cercle vertueux…  

Sasha se redresse sur des jambes visiblement en coton et retire son pauvre sous-vêtement, que je m’étais contentée d’écarter du chemin et qui n’a pas dû apprécier l’expérience autant que moi. Je n’ai pas le temps de me demander où il atterrit que ses doigts s’attachent à me débarrasser du mien.

Le contact de l’air frais sur mon sexe est à la fois un soulagement et un supplice, me permettant de mieux apprécier à quel point elle m’affecte et l’état dans lequel je suis…

Ses yeux se posent sur mon entrejambe et à l’instant où sa langue parcourt ses lèvres, je sais ce qu’elle a l’intention de faire. Elle me guide jusqu’au bord du canapé tandis qu’elle attrape l’un des coussins pour le mettre au sol, plaçant ses genoux dessus. Elle s’installe dos au téléviseur, entre mes jambes écartées et même à contre-jour, le désir dans son regard est évident.

Approchant la table basse, elle m’encourage à placer mes pieds dessus, tandis qu’elle dépose un baiser à l’intérieur de mon genou.

Elle se rapproche de l’endroit où j’ai besoin d’elle, un bisou à la fois, me soumettant à un doux supplice. Alors que mon attention est captée par sa bouche, sa main gauche passe à l’intérieur de ma cuisse et descend jusqu’à ce que son pouce fasse pression sur mon clitoris. Je lutte pour garder les yeux ouverts et suis récompensée en voyant Sasha tourner la tête, m’adresser un sourire en coin avant de décaler sa main pour passer lentement sa langue le long de mon sexe.

- Ohhhmhh.

Son regard ne quitte pas le mien, le contact étant uniquement rompu lorsque ses lèvres entourent mon clitoris et que je ferme instinctivement les paupières.  

OMG.

Entre les sensations et le visuel, c’est presque trop.

Ayant peur que l’une de mes mains ne vienne se placer à l’arrière de sa tête sans que je m’en rende compte et ne sachant pas comment ce genre de geste serait pris, je les amène à ma poitrine, me caressant sous les yeux de Sasha.

Si je me demandais si elle avait déjà eu une expérience avec une femme, je viens d’en avoir la confirmation. C’est impossible qu’elle sache autant ce qu’elle fait lors de sa première fois.

Sa langue fait des merveilles et si elle continue comme ça, je vais avoir fini d’ici quatre secondes environ. Je n’ai aucun souvenir d’une discussion durant laquelle je lui aurais parlé de mes préférences en la matière, mais elle a dû avoir lieu pour qu’elle sache pile ce qu’il faut faire.

Sasha se recule pour m’observer et je n’ai pas le temps de me plaindre de la chose qu’elle glisse un doigt en moi. Elle est plus basse et l’angle fait qu’elle vient appuyer pile au bon endroit à chaque va et vient. Sans que je ne contrôle quoi que ce soit, mes hanches vont à la rencontre de sa main suivant le rythme qu’elle impose.   

Très vite, elle place son avant-bras en travers de mon bassin me maintenant et se servant de son pouce et index pour exposer mon sexe tandis que sa langue retourne à son poste.

Je ne suis pas silencieuse du tout mais elle aime visiblement cela si j’en crois la manière dont elle gémit contre moi, ajoutant de délicieuses vibrations à l’expérience.

Mon corps commence à se contracter de lui-même et j’aurais presque honte de jouir si vite si ce n’était pas si bon. Finalement, c’est le fait de croiser son regard qui va déclencher mon orgasme, toute la retenue du monde ne suffisant pas à empêcher ma main de se poser sur ses cheveux, comme pour lui indiquer de ne surtout pas s’arrêter.

Elle m’accompagne de sa langue et ses doigts jusqu’à ce que je me recule, trop sensible pour l’instant. Se relevant, elle me rejoint tandis que j’essaie de réunir ce qu’il me reste de forces pour me déplacer de sorte à ne plus avoir les jambes dans le vide.

J’ai super soif, du mal à reprendre ma respiration et des fourmis dans les jambes mais niveau moral je pète la forme !

Me laissant un moment pour récupérer, elle dépose des baisers dans mon cou alors que je regrette profondément mes choix de vie :

- Si j’avais pas voulu attendre, j’aurais pu connaître ça plus tôt ?

Elle rit à proximité de mon oreille, me faisant frissonner de plus belle, avant de répondre :

- Mhhh mhhh.

- Plus qu’à rattraper le temps perdu…

La prenant par surprise, j’inverse nos positions, ne voulant pas être sur le dos pour rester libre de mes mouvements. Je l’embrasse et parcours son corps de ma main, alternant entre caresses légères et appuyées.

J’avais l’intention de prendre mon temps mais ma patience n’est plus ce qu’elle était, tant est si bien que je fais glisser ma main le long de son ventre puis entre ses cuisses. Je suis accueillie par la preuve qu’elle n’a pas fait semblant d’aimer s’occuper de moi. Reculant ma main, je mordille ma lèvre devant la manière dont mes doigts luisent, ce qui extirpe un « Héléna… » plaintif à Sasha, plaçant une main dans mes cheveux et voulant certainement que je passe aux choses sérieuses.

Me penchant pour l’embrasser, je m’empare de ses doigts et les guide vers son sexe, voulant qu’elle réalise à quel point elle est trempée. Relevant ma tête, j’amène ses doigts couverts de son essence à ma bouche, m’assurant de capter son regard alors que je passe ma langue le long d’eux avant de refermer mes lèvres autour.
A la manière dont elle me regarde, si je veux avoir mon tour, j’ai plutôt intérêt à me dépêcher de passer à l’action. Je recule sa main et la pose sur le canapé, descendant le long de son corps jusqu’à avoir mes épaules entre ses cuisses et son sexe en ligne de mire.

Nous ayant toutes les deux fait attendre, je me penche immédiatement, la découvrant de ma langue. Il n’est pas question d’y aller de manière tentative, je veux qu’elle sente que je suis là, qu’elle ne puisse plus se focaliser que sur moi, qu’elle se sente possédée par la manière dont je la parcours.

A en juger par sa réaction, c’est le cas. Je souris devant les sons que j’arrive à lui extirper, aimant la manière éhontée qu’elle a de me faire savoir ce qui lui plaît.

J’amène mes mains sous ses fesses pour l’aider à soulever son bassin alors qu’elle cherche plus de contact et profite de l’occasion pour plonger ma langue en elle. Ses muscles se contractent autour de moi et sa main file à l’arrière de ma tête, me maintenant en place. Excepté pour la pénétrer encore et encore, bouger est la dernière des choses qui me serait venue à l’esprit, bien trop contente d’être à la source de son plaisir et qu’elle me laisse la dévorer de la sorte. C’est un peu dur de respirer mais la manière dont elle alterne entre gémissements et halètements en vaut largement la peine.

Sentant qu’aussi agréable que ça soit, ça ne suffira pas, je me recule juste assez pour m’en prendre à son clitoris. Libérant mes mains, j’attrape un coussin et le mets sous ses fesses, la voulant offerte devant moi. Immédiatement, mes doigts entrent en elle et reproduisent le rythme imposé par ma langue. Cette fois, la position me permet d’avoir plus de puissance et sa main quitte ma tête pour s’agripper au canapé, son bassin accompagnant mes mouvements. Je sens qu’on approche très rapidement de son point de rupture et essaie de mémoriser chaque détail. Son regard noir posé sur moi, sa poitrine qui se soulève au rythme de sa respiration rapide,  la manière dont ses muscles enserrent mes doigts à chaque pénétration, les sons qu’elle laisse s’échapper…

Elle jouit presque trop tôt à mon goût. Je l’accompagne dans son plaisir, voulant le faire durer le plus possible. Lorsque sa main repousse délicatement mon front, je me recule à contrecœur, le visage recouvert de son envie et avec la ferme intention de recommencer dès qu’elle aura récupéré.

Qu’est ce qui m’a pris de vouloir attendre… ?

==========================================

J’ai à peine passé la porte des bureaux que je croise le regard de Sasha, qui, profitant d’être dos aux collègues, m’adresse un sourire en coin avant de demander :

- Bonjour Héléna. Tu as passé un bon week-end ?

Elle sait très bien comment il s’est passé.

Au lit, avec elle.

Tandis qu’elle me fait la bise la plus lente de l’univers, je décide de profiter du fait qu’elle ne pourra pas répondre sans nous griller pour la taquiner :

- Ça peut aller merci. J’ai connu mieux. Et toi ?

Garder ma poker face est très dur lorsqu’elle ouvre la bouche de surprise, un air offusqué fermement en place sur le visage. Ça devient quasi impossible lorsque je m’approche pour saluer la comptable et que Sasha me file une tape sur les fesses en représailles.

Si la reine des chiffres trouve bizarre le petit spasme que je semble avoir, elle ne le relève pas.

- Ça peut aller également, rien de spécial.

La petite pouf. Faisant semblant de m’intéresser aux autres personnes autour de la machine à café, je demande :

- Et vous les filles ?

J’avoue, je n’écoute pas tellement leurs réponses, trop occupée à dissimuler mon sourire en voyant que Sasha choisit d’appuyer ses fesses sur la chaise de bar plutôt que de s’y asseoir.

Je me demande bien pourquoi.

Mon attention est attirée par Dom qui arrive avec un grand sourire aux lèvres :

- Hey Héléna. Alors c’est le grand jour ?

Oui, on va avoir le résultat du concours et s’il espère entrer dans mes bonnes grâces avec le sourire le plus flippant de l’univers c’est raté !

- Oui. J’ai hésité à venir avec une chemise hawaïenne mais je me suis dit qu’il serait cruel de remuer le couteau.

Le sourire de Dom s’agrandit, comme s’il s’avait quelque chose que j’ignore, mais mon tour de table pour trouver des indices m’indique que personne ne sait quel est son problème.

Ils annoncent d’ici 2 minutes, venez !

S’emparant de nos poignets, il traîne Sasha et moi jusqu’à son bureau.

Il est trop joyeux. Ça cache quelque chose.

On le suit et là, comme de fait exprès, m’attend son écran tourné en direction de la porte avec les résultats du concours. Je ne sais pas comment il les a obtenus mais peu m'importe ! 

Les yeux écarquillés, je me rue à proximité pour lire les consulter.

Avec un peu de bol ils vont me payer le champa-

Non.

Mais non !

- J’y crois pas…

Dom est plié en deux, se tenant le ventre et arrivant à peine à respirer.

Sasha me tapote le dos de sa main dans un geste de réconfort bien malvenu. Immédiatement, je plisse les yeux et me retourne lentement vers elle…

- Toi…

Elle cesse instantanément tout contact et l’air coupable qu’elle essaie d’adopter est largement entaché par le sourire qui menace de gagner ses lèvres. 

- C’était vraiment un gros contrat !

- Tu m’as abandonnée des jours entiers pour EN PLUS me voler la première place du concours ?

Elle lève un doigt pour m’interrompre et précise :

- Je n’irais pas jusqu’à dire voler…

Ne l’écoutant même plus, je lève les bras au ciel et m’exclame :

- Nan mais la blague quoi !

Cette fois-ci, son sourire est bien en vue lorsque ma collègue demande :

- Ça ne faisait pas référence à autre chose ça ?

Lui lançant un regard entendu, je me contente d’un :

- Très drôle…

Gontrand nous appelle dans la salle de réunion, certainement pour nous annoncer les résultats, ayant comme d’habitude un train de retard.

- J’en ai pas fini avec toi Sasha…

Me laissant sortir de la pièce avant elle, je la sens me pincer les fesses tandis qu’elle rétorque :

- J’espère bien. Si t’es sage je te laisserais peut-être m’accompagner, il paraît que c’est un voyage pour deux…

- Nan mais… La blague quoi !

FIN

 

PS : si vous avez aimé, commentez, ça motive vraiment à continuer et c'est tout ce que je demande ! (Comme ça je n'aurais pas l'impression d'avoir fait tout ça pour rien !).

PS 2 : svp, n'essayez pas de vous approprier mes écrits, non seulement ça devient lassant, mais ça m'encourage à ne plus les partager gratuitement. Et accessoirement si je pouvais m'éviter un voyage au tribunal, ce serait cool.

PS 3 : par contre pour les commentaires y a pas de limite hein... Même si vous n'avez pas aimé mais avez lu jusqu'au bout par masochisme, ça m'intéresse, tant que c'est constructif ! Bon ok, j'arrête d'insister (mais quand même un peu !). 

 

Un grand merci à VOUS (vous vous reconnaîtrez) qui avez pris la peine de commenter à chaque update, c'était vraiment génial de savoir ce que vous pensiez de l'histoire au fur et à mesure et de discuter de vos impressions, vous assurez ! 

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21 mars 2018

Chapitre 20

Penchée sur mon contrat, j’essaie de me concentrer et d’ignorer le bruit monstrueux que font mes collègues à la machine à café. J’abandonne toute idée de travailler lorsque James passe sa tête dans l’embrasure de la porte :

- Hey !

- Coucou.

Il s’avance et vient s’installer sur une chaise face à moi :

- Comment ça va ?

- Bien et toi ?

Déposant mon stylo, je commence à remballer une partie de mes affaires, sachant très bien que je ne ferais rien de plus de ma matinée et que la pause de James n’est jamais très longue.

- Tranquille. T’es invitée à la présentation des nouveaux extensomètres laser ?

- Oui. C’est toi qui es chargé de nous apporter l’illumination ?

- Eh, comme toujours !

Mon téléphone vibre et je souris en voyant que c’est un message de Sasha :

Hey. Comment ça va ? Encore 2 jours coincée au milieu de nulle part. J’ai hâte d’être de retour. J’espère que je vais avoir le contrat au moins, à titre de compensation !

Voulant la taquiner, je réponds volontairement à côté de la plaque :

Si les bureaux te manquent, je peux prendre une petite photo de Gontrand pour t’aider à tenir le coup.

Relevant les yeux, je croise le regard de James qui a un sourire aux lèvres :

- J’en déduis que c’est toujours la phase Lune de Miel entre la miss et toi ?

- Qu’est-ce qui te fait croire que c’est à elle que je parlais ?

À l’instant où je m’aperçois qu’il est content que je demande, je réalise que j’ai commis une erreur :

- Oh je ne sais pas, ton air béat, ton sourire benêt ou le fait que pendant l’espace d’une minute je n’existais plus ?

- Très drôle.

Mon téléphone signale l’arrivée d’un nouveau message par un bip. James me fixe d’un air narquois, persuadé que je vais me ruer sur ce dernier pour le consulter.

Ce n’est pas l’envie qui manque...

Mais je résiste autant que possible, m'efforçant de continuer à ranger mes affaires comme s’il s’agissait d’une tâche nécessitant une extrême concentration. Voyant que je n’ai pas l’intention de céder, James lance :

- J’ai appris que le voyage aux Seychelles est pour deux personnes…

Hmm… Intéressant tout ça…

Plaçant mon téléphone dans ma poche, j’attrape la poignée de mon sac et demande :

- Et ?

- Tu comptes m’emmener pour me remercier ?

Pour être honnête, depuis le début je suis davantage focalisée sur l’idée de remporter la victoire que sur le prix en lui-même.

Mais une chose est sûre : je n’ai strictement aucune intention de m’infliger James en maillot de bain !

Je l’aime beaucoup, mais habillé et loin de moi !

- Euh… Non !

- On pourrait faire de la plongée ?

Levant les yeux au ciel devant son insistance qui ne m’étonne pas du tout, je me répète :

- Non.

- Boire des cocktails sur la plage ?

Je sais qu'il ne compte pas s'arrêter de dire des âneries et opte donc pour la fuite, m’emparant de mon sac.

- Non James. Et bonne journée !  

Alors que je passe l’embrasure de la porte, je l’entends continuer :

- Prendre des bains de minuit ?

Je recule de quelques pas, juste assez pour qu’il voie ma tête et annonce :

- Non.

Fière de moi, je m’enfuis avant qu’il n’ait une autre idée saugrenue. J’ai à peine mis un pied dans mon véhicule que j’extirpe mon téléphone de ma poche, consultant la réponse de Sasha :

Oh je sais pas trop… Celle-ci fait déjà pas mal l’affaire.

IMG_08178.jpg

Alors même que je suis seule dans la voiture, je rougis en voyant la photo qu’elle a prise de moi lors de la séance photo pour sa pote. Évidemment, elle a choisi le moment où j’ai la robe rouge, suis de dos et la fixe par-dessus mon épaule…

D’une manière ou d’une autre, il va falloir que je me procure d’autres clichés d’elles. J’ai tellement regardé les selfies enregistrés sur mon téléphone que je pourrais les reproduire les yeux fermés et en peignant le tout avec mes pieds !

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Je regarde mon téléphone pour la millième fois, m’assurant que je suis à l’heure. Je n’ai pas pu voir Sasha physiquement depuis que l’on s’est réveillées enlacées chez elle… Malgré nos échanges par SMS, je stresse.

J’ai vraiment envie que ça fonctionne entre nous.

Le pire, c’est que je ne peux pas en parler avec Dom ni avec James.

J’aurais dû leur dire la vérité quand j’en avais l’occasion…

Mais noooon, pourquoi avouer alors qu’on peut s’infliger le poids d’un mensonge ?

Jetant un dernier coup d’œil dans le rétroviseur central et rassurée par ce que je vois, j’ouvre la portière pour quitter ma voiture.

Mes yeux se posent sur le petit bouquet de fleurs que j’ai amené.

C’est un peu vieux jeu, mais je ne voulais pas arriver les mains vides, histoire qu’elle garde un souvenir tangible de la soirée les jours qui suivent et puis bon… Qui n’aime pas les fleurs ? Au pire si c’est son cas ou qu’elle est allergique elle les jettera, mais ça ne mange pas de pain d’essayer.

Je m’avance jusqu’à la sonnette et décide finalement de toquer. C’est con, mais je n’ai pas envie que mon arrivée soit accompagnée d’un bruit potentiellement strident. Si j’étais convaincue qu’en appuyant sur le bouton un doux son de harpe allait se faire entendre, là peut-être…

Ses talons sur le parquet annoncent son arrivée avant qu’elle n’ouvre la porte et j’en profite pour prendre une dernière inspiration.

La première chose que je remarque sont ses yeux verts, dont la couleur est soulignée par un trait d’eye-liner et du mascara.

Puis ses lèvres, que je sais être souples, s’étirant dans un sourire.

Enfin, sa tenue, un jeans noir et un petit haut à manches courtes dont le ton fait écho à ses yeux.

Ce n’est qu’en lisant l’amusement dans son regard que je réalise qu’il pourrait être intéressant de parler…

Tendant le bouquet de fleurs, je me reprends en main :

- Bonsoir…

Ses yeux s’écarquillent en voyant mon cadeau et je m’auto congratule pour ce choix lorsqu’elle s’en empare rapidement, me l’arrachant quasiment des mains, comme si je m’apprêtais à le retirer en disant “nan j’déconne c’est pas pour toi !”.

Semblant réaliser ce qu’elle vient de faire, elle rougit et amène les fleurs contre elle, plaçant son nez sur le bouquet et déclarant d’une petite voix :

- Bonsoir. Et merci. Elles sont très belles... Toi aussi d’ailleurs.

Contente de sa réaction et n’y tenant plus,  je me penche pour déposer un baiser sur ses lèvres.

Elle me rejoint à mi-chemin et y répond, avant de se reculer pour dire :

- Entre 5 minutes, je vais les mettre dans un vase.

Je m’exécute et l’attends patiemment dans le salon, le retrouvant comme la dernière fois que j’y suis entrée, bien qu’un peu plus rangé. Est-ce qu’elle a l’intention de me ramener là après le dîner ?

Mais oui Héléna, commence à te faire des films AVANT la soirée, c’est toujours une bonne idée !

Sasha me rejoint et attrape une veste légère placée sur le porte-manteau :

- Tu vas enfin me dire où tu comptes m’emmener ?

- Pour qu’après si tu réussis à t’enfuir tu racontes à la police exactement où tu te trouves ? Même pas en rêve !

Elle me lance un regard qui me pousse à croire que je n’aurais pas trop d’efforts à faire pour finir ma soirée en beauté et réplique :

- Oh je n’en serais pas si sûre à ta place. Je crois que j’ai un syndrome de Stockholm déjà bien développé.

Elle est attachée à moi ?

Alors qu’elle glisse sa main au creux de mon coude, un immense sourire s’installe sur mon visage et ruine tout espoir que j’aurais pu conserver d’avoir l’air cool.

Je m’y connais en séduction (en temps normal) et les imbéciles heureux sont rarement vus comme les partenaires idéaux. Personne n’a jamais mouillé sa culotte devant Mr. Bean déguisé en clown. Quoique, les coulrophobes peut-être, mais ça ne compte pas !

C’est juste… je sais que je lui plais, mais jusqu’à maintenant je n’étais pas vraiment sûre que ce n’était pas purement physique.

Il faudra quand même qu’on en parle, mais on va garder les discussions lourdes de conséquences pour après, histoire qu’on ait de la place pour le dessert si jamais c’était un peu dur à avaler !

On se dirige jusqu’à la voiture et je lui ouvre la portière avant d’aller m’installer de mon côté.

Après avoir créé tant de suspense, j’espère que mon idée va lui plaire…

- Nan mais sérieux on va où ?

Souriant dans sa direction, je décide de lancer un sujet qui devrait la faire parler :

- Au fait, tu ne m’as pas raconté comment s’était passé ton voyage. Que je sache si ton absence valait le coup !

- Je pense que j’ai de grandes chances de remporter l’affaire…

- C’est un gros truc ?

C’est évident que oui lorsqu’elle répond l’air de rien :

- Disons que j’aurais peut-être droit à mon assistante personnelle après ça !! Mais n’essaie pas de changer le sujet : où m’emmènes-tu ?

Évidemment, il fallait qu’elle voie clair dans mon jeu.

Malgré les multiples questions, je tiens bon et arrive à l’endroit prévu avec mon secret toujours bien gardé. Je me gare sur le parking et prends sa main, enlaçant nos doigts tandis que je l’amène en direction de l’hippodrome.

Elle me regarde curieusement, se demandant certainement ce qu’on fait là étant donné que ni elle ni moi n’avons mentionné une quelconque passion pour les sports équins.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’aujourd’hui il s’y tient un évènement spécial.

Lorsqu’elle voit les banderoles, Sasha se tourne vers moi et s’exclame :

- Un festival de food truck ? C’est trop cool !

Je suis vraiment soulagée qu’elle réagisse comme ça. J’angoissais un peu à l’idée qu’elle préfère dîner dans un établissement classique et pense que j’ai organisé notre rendez-vous comme une soirée à la bonne franquette entre potes.

C’est sûr que manger de la nourriture potentiellement grasse à mains nues ne déborde pas de romantisme, mais elle s’attendait sûrement à un restaurant et dans ce cas la réalité serait confrontée à ses attentes. Que là ce n’est pas le cas ! Elle ne s’attend à rien donc tout ce qui viendra pourra être considéré comme une bonne surprise !

Croisant son regard, je souris et explique mon raisonnement :

- Je me suis dit que non seulement ça changerait, mais qu’en plus tu pourrais choisir ce qui te tente parce qu’il y en a pour tous les goûts.

Je donne nos tickets à la dame à l’entrée et fais passer à Sasha le petit prospectus que j’ai pris le soin d’imprimer depuis Facebook. Il y a tous les food trucks de présentés avec les spécialités de chacun.

On entre dans l’enceinte de l’hippodrome et je tends la main pour la débarrasser du flyer mais elle l’amène plus à elle et me regarde comme si elle avait 2 ans et que je venais de suggérer que l’on passe son doudou au mixeur.

- Je veux le garder !

Étant donné qu’elle a l’air un peu défensive, je lui présente mes paumes en signe de reddition et réponds :

- Ok, ok, tu peux !

Visiblement satisfaite, elle le place dans son sac avec une délicatesse qui laisserait penser qu’il pourrait s’agir du vase de Soissons et non d’un simple bout de papier.

On marche côte à côte lorsqu’elle me prend la main, entremêlant nos doigts.

Une sensation d’intense satisfaction parcourt ma poitrine en sachant qu’elle a initié le contact d’elle-même, et j’ai conscience que mon visage trahit certainement à quel point je suis heureuse. Je dois probablement avoir l’air simplette à sourire à ce point, mais c’est pas rien pour moi.

Après Rachel, je m’étais à moitié convaincue que je n’étais « pas suffisante » et qu’aucune femme ne me voudrait pour autre chose que mon corps, alors savoir que non seulement j’ai mes chances avec Sasha mais qu’en plus elle n’est pas effrayée par l’idée de nous montrer ensemble en public… Ça me fait quelque chose.

Je continue de marcher avec l’air de celle à qui l’on vient d’annoncer qu’elle a gagné au loto lorsque j’entends :

- T’es vraiment trop mignonne.

Me prenant par surprise, Sasha ponctue son affirmation par un bisou sur ma joue. Offusquée, je me tourne pour lui lancer un pseudo regard noir :

- Je ne suis pas mignonne.

- T’es sûre ? Parce que de là où je me tiens…

La pointant du doigt avec mon autre main, j’essaie d’avoir l’air menaçante :

- Retire ça tout de suite Dastré !

Pas intimidée pour deux sous, elle se colle contre moi et me demande en battant innocemment des cils :

- Ou quoi ?

Euh… Bonne question !

Heureusement, son attention est immédiatement captée ailleurs, m’évitant de dévoiler mon absence de répartie puisqu’elle s’exclame :

- Ouhhh japonais ! Oh et Thaï ! Indien aussi ! Je ne sais pas quoi choisir !!

Elle m’adresse un regard plein de détresse auquel je réponds d’un ton amusé, accompagné d’une petite pression de ma main :

- Tu sais quoi ? J’aime quasi tout ce qu’il y a ce soir alors tu n’as qu’à choisir pour moi et on pourra partager. Ça te va !?

Immédiatement, elle lâche ma main pour enrouler ses bras autour de moi :

- Ouiiii merci !

C’est bien Héléna, tu marques des points !

Elle se recule et je comprends rapidement que je n’ai aucune chance de capter son attention face à ma concurrente : la nourriture. Parfois il faut savoir s’incliner devant plus fort que soi.

Sasha va de camion en camion, quasi au pas de course, semblant mémoriser leur carte avant de passer au suivant. C’est vraiment chou… Et un peu sexy la manière intense dont elle regarde les menus et se lèche les lèvres lorsqu’elle voit quelque chose qui lui fait envie.

Finalement, elle se décide pour des nouilles Thaï et un plat à base d’effiloché de porc façon nouvelle Orléans.

On fait les queues ensemble et une fois servies, je la guide à l’intérieur de l’hippodrome. Les gradins ont été ouverts et il y a une compétition de saut à cheval.

Nous nous asseyons et j’entame mon plat lorsque mon attention est attirée par Sasha qui goûte ses nouilles et gémit.

Omg elle veut ma mort ou quoi ?

J’ai déjà du mal à retenir mes pensées perverses la plupart du temps, si elle fait des bruits pareils c’est fini !!

- Mhhhh oh Héléna il faut que tu goûtes ! C’est divin !

Elle pioche dans son carton et me tend une bouchée du bout de ses baguettes.

Sans hésiter, je prends les nouilles en bouche et dois reconnaître qu’elle n’a peut-être pas fait ce son dans l’unique but de me tourmenter. Mâchant rapidement, je m’exclame :

- J’avoue, c’est délicieux ! Tu veux goûter le mien ?

Elle acquiesce d’un mouvement de tête et plutôt que d’approcher ses baguettes, elle semble attendre que je la serve avec ma fourchette.

Si Dom ou James nous voyaient, on aurait à coup sûr droit à une réflexion quant au fait qu’on se donne mutuellement la becquée !

Je la regarde s’approcher comme au ralenti et observe ses lèvres se placer autour de mon couvert, non sans être envieuse de ce dernier ! Le goût atteint ses papilles, ses paupières se ferment et je peux deviner qu’elle aime rien qu’à l’expression qu’adopte son visage. Ça et le fait qu’elle hoche la tête de haut en bas.

Lorsqu’elle ouvre les yeux, je réalise que j’étais tellement focalisée sur le plaisir qu’elle avait l’air de prendre que je tiens toujours ma fourchette vide en l’air.

Reste concentrée Héléna, pour l’instant tu te débrouilles bien !

Tu ne t’es pas encore humiliée, continue comme ça tu es sur la bonne voie !

La rabaissant comme si de rien n’était, je demande un résultat que je connais déjà :

- Verdict ?

- J’ai vraiment bon goût que veux-tu que je te dise ?!

Ne pouvant pas m’en empêcher, je rétorque, faisant visiblement allusion à ma petite personne :

- Ça, j’aurais pu te le dire, après tout, c’est pour ça qu’on est là !

Habituée à mes frasques, elle m’adresse un clin d’œil et porte son attention sur la compétition. On suit l’avancée de la compétition en silence, savourant nos plats respectifs et optant pour échanger à la moitié. Je n’y connais strictement rien, mais ça se laisse regarder !

Prenant les emballages, je vais les jeter à la poubelle tout en réfléchissant à ce qu’on pourrait faire après. Je n’ai pas prévu le reste de la soirée, partiellement parce que je ne savais pas combien de temps on allait passer ici, partiellement parce que je n’étais pas convaincue que ça allait forcément bien se dérouler.

Je me retourne et bien qu’il y ait un peu de monde dans les gradins, je ne vois qu’elle. Si j’étais du genre superstitieuse, je serais persuadée qu’elle m’a jeté un sort ou je ne sais pas quoi. Sans être une coureuse, j’ai toujours regardé les autres femmes et depuis qu’elle a cessé de m’agacer, Sasha semble avoir totalement éclipsé la concurrence.

Je veux dire, certaines cavalières sont loin d’être moches et elles ont les fesses tendues en l’air lors des sauts et pourtant c’est tout juste si je les ai calculées ! Si ça ce n’est pas de la magie noire, je ne vois pas ce qui le serait !

M’installant à côté d’elle, je sens que Sasha frissonne légèrement. On ne voudrait pas qu’elle prenne froid pas vrai ?

Joue-la cool, décontractée, l’air de rien. Tu peux le faire !

Passant mon bras dans son dos, je l’encourage à venir se blottir contre moi tandis que je demande :

- Tu veux regarder la fin de la compétition ?

Elle relève la tête et semble observer mon profil avant de répondre :

- Ça dépend, c’est quoi l’alternative ?

Pendant une seconde, je me sens naze de n’avoir pas assez réfléchi à « l’après », mais peut être que je peux tourner ça à mon avantage :

- Ce qui te fera plaisir. On peut aller regarder un film, se promener, trouver un endroit pour le dessert…

Immédiatement, j’ai l’impression que c’est la troisième proposition qui a retenu son intérêt. Pourquoi ça ne m’étonne qu’à moitié ? Lorsqu’elle prend la parole, c’est pour dire quelque chose auquel je ne m’attends pas du tout :

- Ça t’embêterait qu’on rentre ?

Mon enthousiasme tombe à plat en entendant ça.
Je suis la seule à passer une bonne soirée ou quoi ? Je savais qu’il ne fallait pas que je m’emballe trop vite ! J’en ai vraiment marre !

Rigide, je me détache légèrement d’elle pour lui adresser un regard interrogateur, voulant comprendre la raison de ce revirement de situation.

- Prendre le dessert chez moi et pourquoi pas regarder un film sur le canapé ?

Je me sens immédiatement rassurée. Elle se mordille la lèvre inférieure en attendant ma réponse, qui ne tarde bien évidemment pas :

- Avec plaisir !

Je ne demande pas ce qu’elle a à manger, parce que pour être honnête je m’en fiche un peu. Je n’ai plus vraiment faim, juste envie de passer plus de temps en sa compagnie.

On retourne à la voiture et elle me donne un petit coup de hanche, annonçant :

- Merci de m’avoir emmenée ici, c’était une super idée.

Intérieurement, je me dis que la journée n’est pas finie et qu’elle ferait peut-être mieux d’attendre un peu avant de me remercier ! Mais quand je pose mes yeux sur elle, alors que nous sommes quasi seules sur ce parking avec le soleil couchant en toile de fond, je ne peux qu’être satisfaite de ma soirée. J’ai géré.

- Tout le plaisir était pour moi ! Minute… Ça signifie que j’aurais droit à une deuxième sortie pour tenter de gagner tes faveurs ?

Plaçant son doigt sous mon menton, elle guide mon visage en direction du sien tandis qu’elle s’adosse à ma voiture et murmure, les yeux dans les miens :

- Si tu continues à bien jouer tes cartes, je prendrais ta demande en considération…

Passant ma langue sur mes lèvres, je réplique :

-  Mhhh, dans ce cas je vais m’efforcer de continuer sur cette voie…

Sa réponse est de poser ses mains sur mes hanches et m’attirer contre elle, déposant un baiser sur mes lèvres. Nous sommes interrompues dans notre élan par un groupe de jeunes sifflant leur appréciation dans notre direction.

Me reculant, je leur adresse un signe de la main signifiant « ouais, ouais, c’est bon, on se calme » avant de regarder Sasha et demander dans un sourire :

- On y va ?

- On y va.

 

21 mars 2018

Chapitre 19

OMG !

Mais non !

Ils vont tous se faire des films maintenant !

Bon, ça n’aurait pas été très éloigné de la réalité, mais là n’est pas la question.

Je grogne mon désarroi, tandis que Sasha trouve visiblement la situation amusante.

Je lance un regard à ma complice, avant de répondre, à voix basse pour Sasha dans un premier temps, puis plus fort pour que Dom entende :

- Je l’avais bien dit ! Sasha, pourquoi tu nous as enfermées ?

Elle ouvre la bouche et me regarde avec un air de trahison suprême, un peu comme si je venais de lui annoncer que je la quittais pour sa mère et que toute sa famille était au courant.

Ne voulant pas lui laisser le temps de se venger, je déverrouille et ouvre la porte d’un seul coup, manquant de faire tomber mes deux collègues ayant les oreilles collées à la porte.

Croisant les bras et les observant essayer de ramasser les miettes de leur dignité, je m’exclame :

- Pourquoi ça ne m’étonne pas ?

Absolument pas perturbés par leur total ridicule, ils se relèvent rapidement et nous regardent suspicieusement, James demandant dans un sourire :

- On interrompt quelque chose ?

- Pffft, mais bien sûr. Dans vos rêves ! On réglait nos différends… Verbalement.

Ils n’ont pas l’air convaincus alors je lance un regard à Dom et demande d’un ton moqueur :

- Tu m’as confondue avec Arturo Braccetti ou quoi ? Il me faut plus qu’une seconde pour enfiler mes habits !

Ne lui laissant pas le temps de répondre, je pars en direction du salon, persuadée que Sasha m’emboîtera le pas.

Bien que ça ne soit pas étonnant, je suis dégoûtée qu’on m’ait piqué ma place sur le canapé.  

Repérant une chaise de bar libre, je jette mon dévolu dessus, n’ayant aucune intention d’aller me déhancher pour mieux profiter de la désagréable sensation entre mes cuisses.

J’ai à peine les deux fesses posées sur l’assise que Sasha écarte mes jambes et vient se glisser entre, face à moi.

Levant un sourcil, je la taquine :

- Madame prend ses aises ?

Au vu du regard brûlant qu’elle me lance, j’ai une idée très précise de ce à quoi elle pense. J’ai la confirmation que ce ne sont pas ses capacités cognitives usuelles qui la dirigent lorsqu’elle se contente de répondre d’un :

- Mhh mhhh.

Ses pupilles sont complètement dilatées et elle fixe mes lèvres avec insistance.

Je sais ce qu’elle veut et ça coïncide avec mes envies, alors pourquoi pas ?

Ça fait 10 minutes qu’on s’est avoué ce qu’on ressent et une évidence s’impose déjà : en ce qui la concerne, essayer de lui résister reviendrait à sauter d’une échelle et tenter de combattre la gravité par ma seule force mentale.

Impossible et une totale perte de temps.

C’est pourquoi, sans avoir parlé du statut de notre relation et sachant que les garçons sont suffisamment intelligents pour ne pas avoir colporté des rumeurs au sujet de ce qui s’est passé lors de la formation, je me penche pour l’embrasser devant tout le monde.

Elle place ses mains sur le haut de mes cuisses et répond immédiatement.

Même si elle a visiblement d’autres idées, je garde ma langue pour moi, car pour le coup il ne s’agit pas de faire un show, ni marquer un point et je préfère que nos “démonstrations d’affection” restent essentiellement privées. J’avais juste besoin d’un petit fix, rien qu’une dose.

Et puis je n’aime pas voir les amygdales des autres, j’imagine qu’il en est de même pour eux !

Sasha se recule et boude à moitié, y allant même de son commentaire :

- Tentatrice !

- Tu peux parler !

Elle s’apprête à rétorquer lorsque James prend la parole, une pince dans les mains et un bac dans l’autre :

- Vous voulez des glaçons ? On dirait qu’un ou deux dans la culotte ne vous ferait pas de mal !

Il nous lance un regard entendu qui fait rire Sasha :

- C’est très gentil, mais on va faire sans pour cette fois.

Pour cette fois ?

Intéressant !

Loin d’être perturbé, James nous menace à nouveau :

- Si ma veste a …

Je l'interromps, ne voulant pas connaître la suite :

- Relax, ta veste va bien ! On n’est pas tous des pervers qui attendent la moindre occasion pour faire des choses sur les affaires des autres...

Je lui lance un regard plus qu’appuyé, faisant référence à la fois où Monsieur m’avait avoué A POSTERIORI qu’il avait eu des préliminaires sur mon canapé ! Erk, j’en frissonne encore de dégoût ! Quand je pense à toutes les fois où j’ai innocemment grignoté sur ce canapé, sans me douter un seul instant du risque bactériologique que j’encourais...

Sasha grimace et lève la main pour le stopper avant qu’il ne réponde :

- Pitié ne dis rien, je ne veux pas savoir !

Croisant son regard, je confirme :

- Non, tu ne veux vraiment, vraiment pas !

Voyant qu’il a perdu pour cette fois, James s’éloigne en marmonnant quelque chose qui ressemble fortement à “si c’est ça le merci que j’ai pour avoir joué les cupidons…”.

Sasha et moi l’observons partir d’un œil amusé.

Le reste de la soirée se déroule normalement, à l’exception du fait qu’elle et moi pourrions passer pour des siamoises tellement nous sommes collées. Enfin non, peut-être pas des sœurs étant donné nos mains parfois baladeuses...

C’est une sensation à la fois étrange et agréable de pouvoir poser mes mains sur Sasha sans peur des répercussions ni sans avoir à me justifier. Sa réaction est toujours la même, un mélange de surprise et de joie, suivie d’un sourire dans ma direction.

J’imagine que c’est parce que c’est un récent développement, mais ça ne me dérangerait pas que ça reste tel quel.

Après avoir dit au revoir à tout le monde, on remonte dans ma voiture pour que je la ramène chez elle. Le trajet est globalement silencieux, sa main posée sur ma cuisse. C’est peut-être rien du tout, mais c’est nettement plus que j’espérais avoir alors rien qu’un minuscule geste comme celui-là me fait vraiment plaisir.

Arrivées devant chez elle, j’arrête le moteur et la raccompagne à la porte de sa petite maison mitoyenne. Voulant qu’elle le sache, je lance:

- J’ai passé une très bonne soirée.

- Moi aussi.

On s’observe l’une l’autre sans un mot, un silence confortable s’installant. Plus pour éviter de m’imposer que par réelle envie de partir, j’annonce :

- Je ferais mieux d’y aller.

Déposant un bisou sur ses lèvres, je m’apprête à faire demi-tour lorsqu’elle demande :

- Ça te dirait de rester ?

Je la regarde, un sourire au coin des lèvres, levant un sourcil, tant est si bien qu’elle ressent le besoin de se justifier :

- Juste pour dormir.

Je ne suis pas totalement convaincue qu’elle n’a pas une idée ou deux derrière la tête, mais ça ne m’incite pas exactement à refuser.

- Ok.

Elle me fait un sourire quasi timide, en totale contradiction avec son comportement un peu plus tôt dans la soirée et s’écarte pour me laisser entrer.

Ses volets sont restés ouverts et la pleine lune illumine le salon.

Elle allume la lumière et se retourne vers moi dans une grimace, passant sa main dans les cheveux à l’arrière de son crâne :

- Désolée, c’est pas super bien rangé !

Lui adressant un sourire compréhensif, je réponds :

- T’en fais pas, on est tous pareils !

Elle me fait visiter sa maison, qui n’est pas très grande, mais décorée avec goût.

Ça devrait être bizarre de se retrouver côte à côte dans sa salle de bain, brosse à dents fraîchement déballée en main, mais c’est étonnamment plus familier qu’autre chose. La pièce sent un mélange de son parfum et son gel douche et ça me rappelle la formation.

Une fois terminé et toutes les deux démaquillées, elle prend ma main dans la sienne et me guide dans la chambre.

Se retournant, elle me demande :

- Tu dors dans quelle tenue ? Je peux te prêter ce qu’il faut.

Ne résistant pas à la tentation, je rétorque :

- Ma tenue usuelle ne nécessite pas grand-chose, si tu vois ce que je veux dire…

Je m’attends à ce qu’elle rougisse, voire bafouille, mais un flash de la Sasha sûre d’elle que j’ai pu entrapercevoir chez Dom passe dans son regard, avant qu’elle ne secoue la tête et réponde dans un sourire :

- Je suis trèèèès tentée de dire “fais comme chez toi” mais… Tu vois.

L’attirant à moi, je dépose un baiser sur ses lèvres et acquiesce :

- Je vois. Un T-shirt et un short feront l’affaire.

C’est plutôt plaisant la manière dont elle se métamorphose soudainement en femme sûre d’elle d’une minute à l’autre. Comme si la seule chose qui lui faisait défaut avant était le manque de confirmation de mon attirance pour elle.

Pour le coup, je suis bien contente de m’être épilée ce matin. Je ne suis pas sûre que lui offrir un peeling gratuit en frottant mes jambes contre les siennes ne m’accorde beaucoup de faveurs.

Elle se tourne pour farfouiller dans une commode et me tend les vêtements en question :

- Je te laisse te changer, je reviens.

Sasha s’éclipse, éteignant au passage le plafonnier en faveur de la lampe de chevet. Je me prépare rapidement, ayant un peu de mal à réaliser où je me trouve.

Il y a quelques heures encore j’étais persuadée qu’elle me méprisait à moitié et maintenant je me retrouve dans sa chambre, sur le point de dormir avec elle. On ne peut pas dire que je l’avais anticipé !

Sasha revient et je manque de m’étouffer avec ma salive en voyant sa tenue.

Constatant ma réaction, elle baisse les yeux vers son corps, couvert uniquement d’un top et short en soie noire en total contraste avec sa peau claire. L’ensemble n’est pas moulant, mais pas exactement lâche non plus et mon regard semble irrémédiablement attiré par ses seins dont le tissu me laisse deviner les formes.

Gênée, elle trépigne sur place et demande :

- Quoi ? Me regarde pas comme ça, c’est vraiment mon pyjama !

Vous voyez, quand on me dit “pyjama” j’imagine un truc en pilou ou autre matière laide mais confortable, potentiellement affublé de motifs atroces et globalement tue l’amour. Un onesie licorne, ça ça pourrait être un pyjama par exemple !

Mais sa tenue n’entre clairement pas dans cette catégorie !

Je n’ai pas la moindre idée de comment je suis supposée dormir à côté d’elle dans ces conditions. Au niveau de la poitrine, si elle portait un haut en papier-calque j’en verrais moins que là !

Et je peux difficilement lui demander d’aller enfiler une burka sans expliquer pourquoi sa tenue me pose problème : “Bah tu vois Sasha, en ce qui te concerne j’ai la libido d’un garçon de 13 ans, alors si tu pouvais ne pas donner plus de grain à moudre à mon imagination d’ores et déjà débordante, je t’en serais reconnaissante ! ”.

Nan.

Et puis bon, s’il y a bien une chose que je suis, c’est une opportuniste. Si elle est à l’aise à l’idée que mes yeux parcourent ses formes, je ne vais pas m’en plaindre :

- J’ai rien dit ! T’es juste superbe, tu ne peux pas te pointer comme ça et attendre de moi, pauvre lesbienne, que je reste impassible ! On va se coucher ?

Mon compliment est accueilli par un sourire timide.

Semblant se ressaisir, elle prend ma main dans la sienne et marche à reculons en direction du lit, m’attirant à elle jusqu’à ce que nos lèvres se touchent. Je ne remarque même pas que nous sommes toujours en mouvement jusqu’à ce que ses genoux heurtent le bord du matelas. Elle s’assied, se reculant jusqu’à être au centre du lit, tirant légèrement sur ma main pour m’inciter à la suivre.

Je prends une seconde pour apprécier la vue de Sasha en petite tenue, les yeux noirs de désir à la lumière de sa lampe de chevet placée au centre du lit.

Ne voulant pas la faire attendre (ou risquer qu’elle réalise qu’elle ne peut pas me blairer en fin de compte), j’avance à genoux jusqu’à venir chevaucher ses hanches.

D’une seconde à l’autre, la femme timide face aux compliments a totalement disparu, remplacée par une Sasha sûre d’elle et de ce qu’elle veut, qui s’empare d’une pleine poignée de mon t-shirt, m’incitant à la retrouver à mi-chemin dans un baiser où “retenue” n’est qu’un vague concept abstrait.

Elle s’allonge sur le lit, relâchant sa prise pour poser ses mains sur mes hanches, m’encourageant à placer une partie de mon poids sur elle.

Pas besoin de me le dire deux fois.

Je détache mes lèvres des siennes, m’attaquant à son cou. Immédiatement, elle frissonne et glisse une main à l’arrière de ma nuque afin que je continue. Son souffle est déjà erratique et savoir que je suis celle qui l’a mise dans cet état ne me laisse pas de marbre. Elle est extrêmement réceptive à mes attentions et ça m’excite encore plus. Les deux épaisseurs de tissu ne sont pas une barrière très efficace et je peux sentir sa poitrine se presser contre la mienne.

J’ai envie de beaucoup, beaucoup plus, mais me souviens qu’il était question d’attendre un minimum, pas la traiter comme une fille d’un soir avec laquelle je finirais au lit directement.

Fais chier !

D’un côté elle n’a pas l’air de se plaindre que l’on va trop vite, de l’autre je veux vraiment faire les choses bien cette fois.

À contrecœur, je me recule au nom de principes que je ne pensais pas avoir.

Sasha met quelques secondes à ouvrir les yeux, visiblement confuse.

Je me relève, m’asseyant sur elle et priant pour qu’elle comprenne sans mettre ma volonté à plus rude épreuve qu’elle ne l’est déjà :

- On devrait peut-être dormir.

Elle me lance un regard qui signifie clairement “sérieusement ?” et laisse retomber ses bras de part et d’autre de sa tête, étirant son haut et m’offrant une vue sans pareille sur sa poitrine. Mes mains meurent d’envie d’aller se placer dessus, de découvrir ce qu’elle aime, de…

Ok.

Stop.

Allez Héléna, résiste.

Passant ma jambe par-dessus elle, je viens m’allonger à ses côtés, fermant les yeux pour tenter de me calmer.

C’est dingue comme avec elle je peux passer de 0 à 100 en quelques secondes.

Avec les autres nanas, j’ai toujours été en total contrôle. Que ça soit dans l’envie ou l’énervement, je restais maître de moi-même.
Pas avec Sasha.

Peut-être que James était plus dans le vrai que je ne l’aurais cru. Elle évoque des choses en moi avec une force qui est à la fois grisante et totalement terrifiante.

Je la sens se tourner et ouvre un œil, la trouvant accoudée, me questionnant d’un :

- Tout va bien ? On peut arrêter si… Enfin… Je ne veux pas te mettre mal à l’aise.

S’il y a effectivement une sensation inconfortable quelque part entre mes cuisses, c’est justement parce que je suis un peu trop à l’aise !

Ne voulant pas risquer qu’elle interprète mal ma réaction, je préfère m’expliquer :

- J’ai vraiment, vraiment très envie de toi. Mais je veux aussi faire les choses bien. Prendre notre temps. Même si là tout de suite, j’ai du mal à me rappeler pourquoi.

Je détourne la tête, un peu honteuse de mon admission, aussi vraie soit-elle.

Elle place sa main le long de ma mâchoire, m’incitant à venir croiser son regard :

- Hey. C’est ok. On n’est pas obligées de faire quoi que ce soit. Désolée si je t’ai mis la pression. C’est juste…

Elle marque une pause et hausse les épaules, comme si c’était limpide.

Je lui adresse un regard encourageant, voulant qu’elle explique le fond de ses pensées, ce qu’elle finit par faire :

- Pour moi c’est pas d’attendre ou pas qui rendra ça spécial. C’est le fait que ça soit avec toi. Mais je respecte ton choix. T’en fais pas. Je me languirai sans broncher jusqu’à ce que tu sois prête.

Elle m’adresse un sourire compréhensif tandis que je reste bouche bée devant ce qu’elle vient de m’annoncer. Elle est généralement éloquente, mais pour le coup c’est comme si elle savait pile quoi dire.

Minute.

Sasha sent des fesses !

Je la scrute, mais pas de réaction.

Ok, c’est bon, elle ne lit pas dans mes pensées.

Voulant certainement désamorcer l’atmosphère que son aveu suivi de mon mutisme soudain ont engendrée, elle ajoute :

- Juste… Si tu me vois disparaître vite fait dans la salle de bain pendant la nuit ne t’inquiète pas hein !

Ça m’extirpe un rire auquel je ne m’attendais pas du tout et je rétorque d’un ton innocent :

- Mais si tu avais besoin d’assistance ?

Voyant clair dans mon jeu, sa réponse est accompagnée d’un haussement joueur des sourcils :

- Quoi qu’il arrive, ne rentre pas dans la pièce, même si tu as l’impression d’entendre ton nom !

Souriante, je secoue la tête de droite à gauche, un air de “j’y crois pas” sur le visage :

- T’es bête !

Elle m’adresse un clin d’œil et réplique :

- On fait ce qu’on peut !

On passe quelques instants les yeux dans les yeux, à se sourire béatement, jusqu’à ce qu’elle dise d’un ton plus doux :

- Bonne nuit Héléna.

Elle se penche pour me déposer un délicat baiser sur les lèvres, avant d’éteindre la lumière et se décaler pour ne plus être en plein milieu du lit.

Sa présence me manque déjà, alors même qu’elle n’est qu’à quelques centimètres.

Je me sens bête.

Pourquoi j’ai mis le holà ?

Je veux pas m’arrêter !  

Et elle a raison.

Que ça soit aujourd’hui ou plus tard dans la semaine, ça reste Sasha.

Ça fait longtemps que je ne suis plus virginale, il ne s’agit pas d’un cap à franchir, mais d’un assouvissement de mes envies.

Mais bon d’un autre côté si j’y retourne je vais passer pour une girouette…

Hmpf.

J’ai fait mon lit, plus qu’à me coucher dedans… Et visiblement j’ai choisi le côté mouillé !

J’espère qu’elle ne m’en veut pas de l’avoir “repoussée” par deux fois maintenant ?

Nan, elle a plaisanté derrière, on est ok.

Oui, mais si elle décidait que finalement je fais trop d’histoires ?

Souhaitant en avoir le cœur net, je m’approche d’elle et tente un :

- Je peux te faire un câlin ?

Elle se retourne et me fait un sourire :

- Si tu dois demander, tu n’as rien compris à tout ce que je viens de te dire !

Soulagée de constater qu’elle ne m’en tient pas rigueur, je plaisante :

- Oh tu sais, j’ai dû choisir entre un cerveau et la beauté…

D’un mouvement de la main, je termine en désignant mon corps, comme pour signifier ce que j’ai choisi.

Je m’attends à une énième remarque concernant les vertus de la modestie, mais Sasha me surprend en me lançant un “Crois-moi j’ai bien remarqué…” accompagné d’un regard qui me laisse penser qu’elle approuve ce qu’elle voit.

Ne voulant pas surenchérir au risque de retomber dans la spirale infernale, je lui donne une petite tape et me contente de placer mon bras autour de sa taille, soupirant de contentement lorsqu’elle vient se blottir contre moi.

Finalement, c’est un mal pour un bien de vouloir prendre mon temps.

Elle se retourne pour me faire face, nichant son visage au creux de mon cou et déclarant :

- Tu sens bon. J’ai bien choisi.

Au moins, je ne suis pas la seule à renifler l’autre…

- Tu parles de moi comme si j’étais une acquisition au salon de l’agriculture…

Même dans le noir, je l’entends tapoter d’un doigt sur ses lèvres, faisant mine de réfléchir, avant de lancer :

- Maintenant que tu le dis, tu ferais un très beau poney, avec ta crinière soyeuse…

Une (ou quinze) réplique salace me traverse l’esprit, entre des allusions à ma croupe et l’idée de me faire chevaucher, mais j’écoute la voix de la raison et décide de les garder pour moi. Si jamais elle venait à me prendre au mot, ce qu’il me reste de self-control ne suffirait pas à me rappeler ma bonne résolution.

À la place, chassant la main qu’elle avait l’intention d’utiliser pour caresser mes cheveux, je rétorque :

- Je vais choisir d’ignorer l’intégralité de cette conversation et dormir. Bonne nuit Sasha.

Sentant que je souris, elle relève la tête et me dépose un bisou sur les lèvres avant de retourner pile où elle se trouvait.

- Bonne nuit à toi aussi, fais de beaux rêves.

Ohhh ça ça ne devrait pas poser problème...

Ma main vient se poser entre ses omoplates, l’incitant à rester contre moi, bien qu’elle n’ait pas vraiment eu l’air de vouloir s’enfuir. La chaleur de sa peau traverse le tissu et j’ai hâte de pouvoir l’avoir contre moi, sans barrière.

C’est la dernière pensée cohérente que j’ai avant de sombrer.

18 mars 2018

Chapitre 18

La soirée se déroule tranquillement, j’arrive même à récupérer un spot sur le canapé et ne le quitte plus jamais. Mes yeux retournent systématiquement se poser sur Sasha, en grande discussion avec un type depuis une quarantaine de minutes.

Non pas que j’aie regardé l’heure.

C’est juste longuet… Si James a remarqué qu’il a à peu près 5% de mon total d’attention, il ne semble pas s’en formaliser. J’ai l’impression que la scène du bar juste après la mise en place de « la blague » se reproduit…

Je finis par croiser le regard de Sasha et fronce les sourcils en la voyant écarquiller les yeux, tentant visiblement de me faire passer un message. Lorsque le mec tourne la tête pour piocher dans les gâteaux apéritifs, elle en profite pour articuler silencieusement un “au secours”.
Ni une ni deux, je marmonne un “désolée mais le devoir m’appelle”, quitte mon perchoir sur le canapé sans même un regard en arrière et m’approche d’eux.

Tel un morpion sur son poil, je vais au plus près de Sasha, posant ma main gauche sur sa hanche opposée dans une étreinte lâche. Certainement habituée à ma proximité, elle ne se crispe pas et je jurerai qu’elle se blottit même un peu plus, mais c’est peut-être un effet de mon imagination débordante.

Le type me regarde d’un air contrarié, semblant se demander pourquoi je viens ruiner son coup.

J’aime mieux vous dire que ce n’est pas la compassion qui m’étouffe.

Puis ses yeux atterrissent sur ma main, Sasha en profitant pour poser la sienne dessus et je vois très clairement l’instant où il réalise ce que ça signifie.

Et ouais bonhomme, tu perds ton temps !  

Si je me pince suffisamment fort, je pourrais peut-être verser une larmichette pour lui ?

Ne sachant pas si ma simple présence va suffire à le faire déhotter, je prends les choses en main, m’adressant à Sasha :

- Hey, je peux te parler ?

Je lance au type un vrai faux sourire désolé, attendant la réponse de ma collègue, qui ne fait pas durer le suspens :

- Bien sûr ! Si tu veux bien m’excuser…

On s’éloigne toutes les deux et j’en profite pour attraper sa main, entrelaçant nos doigts.

Lorsqu’elle prend la parole, je vois que quelque chose a l’air de la déranger même si elle n’en dit rien :

- Merci ! Je n’arrivais pas à m’en débarrasser !

Elle détache nos mains, passant la sienne dans ses cheveux, ses yeux évitant soigneusement les miens avant de continuer :

- Écoute, je sais pas trop comment le formuler, mais… Je ne suis pas très à l’aise avec ce genre de démonstrations…

Si vous entendez un bruit de verre brisé, c’est mon cœur. Juste, si vous pouviez ne pas piétiner les morceaux, je vous en serais reconnaissante.

Je ne comprends pas ce revirement de situation : ce n’était pas la dernière à initier du contact et soudainement quelque chose de si anodin la dérange ?

Est-ce qu’elle a remarqué que j’ai des sentiments et c’est sa manière à elle de m’indiquer qu’elle ne ressent rien ?

Tentant de passer outre l’effet “coup de pied dans le ventre”, j’essaie d’acquiescer en gardant le visage aussi neutre que possible. Ce n’est pas un franc succès, puisque ça la pousse à se justifier ;

- Je veux dire… C’est pas cool envers Rachel.

Immédiatement, mes sourcils se froncent en entendant ça. De quoi elle parle ? Toujours éloquente, je marque mon incompréhension d’un :

- Hein ? Qu’est-ce qu’elle a à voir avec ça ?

- Tout. Je ne suis pas sûre qu’à sa place, j’apprécierais que ma copine soit aussi tactile avec d’autres femmes.

Oh bordel.

Elle croit que...

Ni une ni deux, je l’entraîne dans la chambre d’amis et ferme la porte à clé derrière nous :

- Je suis tout à fait d’accord avec toi sur le principe, mais Rachel et moi nous sommes séparées, tu te souviens ? Elle m’a larguée juste avant que l’on parte en formation. Cf. ma bonne humeur légendaire lors du voyage aller…

Elle adopte un air de profonde réflexion absolument trognon avant de murmurer :

- Mais alors, à l’aéroport ?

- Je n’ai pas répondu à son texto et comme elle avait gardé mes infos de vol, elle s’est dit que c’était l’occasion de me parler.

Je ne pensais pas que c’était possible, mais elle fronce encore plus les sourcils avant de continuer l’interrogatoire :

- Mais… Si… Pourquoi tu as couru vers elle alors ?

Oh boy.

Comment répondre à ça ?

Bah tu vois, je ne voulais pas que sa présence ruine mes plans consistants à te proposer d’aller dîner avec moi”.

Ouais, on va éviter.

Elle me regarde d’un drôle d’air que je n’arrive pas à cerner, attendant ma réponse.

Ok.

Reste évasive, tu peux le faire :

- Je… Voulais la faire partir aussi vite que possible.

J’essaie volontairement de rester vague, voulant en dire juste assez pour qu’elle me lâche la grappe, mais pas trop pour ne pas dévoiler la véritable raison. Me mordillant la lèvre, j’espère qu’elle va mordre à l’hameçon et laisser tomber.

Malheureusement, mes espoirs sont balayés comme un brin d’herbe coupé sur lequel passerait une tornade :  

- Pourquoi ça ? J’ai l’impression de rater quelque chose… Qu’est-ce que tu ne me dis pas Héléna ?

Glissant une main dans mes cheveux pour tenter d’évacuer le stress, je regarde partout sauf dans sa direction, m’assieds sur le coffre et abats ma dernière carte : un mensonge éhonté :

- Rien.

Malgré un sourire qui m’aurait certainement valu l’oscar de la plus mauvaise actrice, elle n’a pas l’air d’y croire une seule seconde.

Sasha s’accroupit devant moi, ses yeux verts cherchant à capter mon regard, plaçant délicatement une mèche de mes cheveux derrière mon oreille du bout des doigts :

- Hey… Tu peux me parler…  

On va voir ça.

De toute manière, je ne peux plus garder ça pour moi, il faut que je sois fixée.

Me relevant abruptement, je lui fais face et annonce, plus pour gagner un peu de temps que pour dédramatiser :

- Souviens-toi que c’est toi qui as insisté !

Je reçois un sourire encourageant en réponse, ce qui m’incite à me lancer.
Quand faut y aller, faut y aller :

- Je voulais qu’elle parte parce que…*grande inspiration* *temps d’arrêt* *petit caca culotte* j’ai des sentiments pour toi et je comptais tenter de savoir s’il y avait une chance qu’ils soient réciproques.

Je retiens ma respiration, attendant avec appréhension que la suite de notre histoire se détermine.

Elle me regarde fixement pendant quelques secondes, puis éclate de rire.

Pas exactement la réaction que j’espérais…

En plus il a l’air forcé.

Voyant que je n’ai pas l’air de trouver la situation amusante (du tout), elle ouvre des yeux immenses et sa bouche suit de peu. Elle finit par demander d’un ton hautement dubitatif, ou celui de quelqu’un qui craint le pire je ne sais pas trop :

- Tu… T’es sérieuse ?

Me sentant extrêmement vulnérable, je détourne le regard et réponds :

- Après ce soir, je sais que ce n’est pas ce que tu as envie d’entendre et je suis désolée si ça te met mal à l’aise. Mais tu voulais la vérité, maintenant tu sais.

J’ai EXTREMEMENT envie de fuir et ne plus jamais montrer mon visage sur terre, mais maintenant que je me suis lancée, je refuse d’avoir honte de quelque chose qui est hors de mon contrôle.

Plus qu’à attendre que le malaise soit suffisamment grand pour qu’elle se barre de la pièce…

- Héléna…

Elle a un ton très doux, le même qu’empruntent certainement les docteurs pour annoncer une mauvaise nouvelle, mais je n’ai franchement pas besoin qu’elle confirme davantage mes craintes.

Voulant m’éviter un râteau clair comme de l’eau de roche, je passe à l’offensive, levant la main dans un signe « stop » :

- Te fatigue pas... C’est pas comme si j’étais persuadée que tu allais me sauter dans les bras, j’attends ni explication, ni excuses. Juste, maintenant tu sais.

Je ponctue ma phrase d’un haussement d’épaules dépité et d’un petit sourire triste, comme si je ne venais pas de lui tendre mon cœur pour me le faire piétiner à coup de talons aiguille.

Peut-être que j’aurais dû lui envoyer une pique du genre « tu vois, ton insécurité n’était pas justifiée », mais je n’en vois pas l’intérêt. Mon couteau serait le seul que je remuerais.

- Héléna… Regarde-moi.

Espérant que ça va l’inciter à aller plus vite dans la destruction de mes organes vitaux, histoire qu’on passe à autre chose, je m’exécute.

Elle a le plus gros sourire que j’ai jamais vu sur le visage et le temps que je comprenne ce que ça veut dire, l’une de ses mains se loge dans mes cheveux et m’attire dans un baiser.

Ne perdant pas une seconde, j’enroule mes bras autour de sa taille tandis qu’elle se plaque contre moi, me piégeant entre son corps et la porte.

J’ai l’impression que mon cœur vient d’exploser dans ma cage thoracique.

Sasha m’embrasse !

Et pas pour faire une « blague » à quelqu’un !

Pour moi !

L’espace d’un instant, j’oublie la chambre d’amis, le lit recouvert de manteaux et la fête à laquelle nous sommes supposées participer.

Elle garde le baiser chaste et se recule pour venir trouver mon regard, annonçant :

- Je pensais que tu savais !

Je crois comprendre à quoi elle fait référence, mais préfère en avoir le cœur net :

- Quoi ?

- Moi aussi j’ai des sentiments pour toi, imbécile ! Enfin je veux dire, j’étais comme une moule sur son rocher. J’étais sûre et certaine que tu ne tentais pas d’aller plus loin parce que je ne t’intéressais pas.

Ignorant l’insulte, je la regarde comme si elle venait de m’annoncer qu’elle était la fille spirituelle du Dalaï-Lama et avait décidé de partir en voyage initiatique au Tibet :

- Comment j’aurais pu le savoir ? T’es super tactile avec tout le monde ! Et pour être honnête, quand j’ai compris que ce que je ressentais dépassait les limites de notre relation j’étais trop occupée à lutter avec moi-même pour faire attention au reste...

Je finis ma phrase d’un air penaud. Elle me sourit et caresse ma hanche du bout des doigts, continuant :

- T’es pas la seule à avoir tenté de réprimer tout ça. C’est pour ça que j’avais des réactions disproportionnées… À l’aéroport… J’étais verte de jalousie en te voyant courir vers Rachel. J’ai pas arrêté de ressasser la scène toute la semaine, en me demandant comment j’aurais pu faire pour te garder...

Ses aveux m’extirpent un large sourire. Au moins, son comportement prend du sens. Voulant être la plus claire possible, je la rassure :

- T’as pas de quoi, je te promets. Et pour en revenir à l’aéroport, maintenant je peux te demander : est-ce que ça te dirait d’aller dîner avec moi un de ces soirs ?

J’attrape sa main entre les miennes, ayant besoin de contact. Elle hoche la tête tellement violemment que je ne serais pas étonnée de voir son cerveau tenter de s’échapper par une narine :

- Oui, bien sûr que oui !

Mes yeux se posent sur ses lèvres et je franchis ce qu’il reste d’espace entre nous. C’est hyper bon de me dire que je peux faire ça sans faux prétexte, sans devoir me justifier derrière.

Juste parce que.

Elle répond avec enthousiasme, une main sur ma hanche, l’autre sur mes côtes, les deux m’attirant plus à elle.

Ses lèvres se détachent des miennes et mes protestations meurent dans ma gorge lorsqu’elle s'attaque à mon cou, m’embrassant et remontant vers mon oreille, dont elle capture délicatement le lobe entre ses dents avant de murmurer :

- T’as pas idée à quel point c’était dur de me retenir et d’être tactile que lorsqu’il y avait des gens autour. J’avais qu’une seule envie, passer mes mains partout sur toi, tout le temps.

Ça m’extirpe un rire :

- Oh tu ne m’aurais pas entendue me plaindre !

- Ah oui ?

Elle se recule, me fixe en se mordillant la lèvre inférieure et comme pour s’assurer que je dis la vérité, la main sur mes côtes monte plus au nord, venant englober mon sein.  

Mon téton réagit au quart de tour et je ne doute pas un seul instant que mon soutien-gorge n’est d’aucune utilité pour dissimuler ma réaction. Je m’entends émettre un petit gémissement de plaisir lorsqu’elle le masse, prenant bien soin de garder mon regard fiché dans le sien pour qu’elle sache ce qu’elle me fait. En retour, ses pupilles se dilatent encore davantage et je l’attire dans un baiser qui, je l’espère, lui indique à quel point j’ai envie d’elle.

Ça va vite, j’en ai conscience, mais pour être honnête j’ai l’impression d’attendre qu’il se produise quelque chose depuis des plombes.

Ma main, loin d’être en reste, se place sur ses fesses et l’incite à rester contre moi.

Après quelques minutes à se peloter par-dessus les habits comme des ados et désirant l’explorer moi aussi, j’inverse nos positions. Je la plaque contre la porte avec le poids de mon corps et place mes mains de part et d’autre de sa tête. Ne voulant pas risquer d’oublier ce moment, même si les chances sont maigres, je prends quelques secondes pour la dévorer des yeux, absorber chaque détail et l’imprimer dans ma mémoire.

Je veux me souvenir du goût de ses lèvres, de la manière dont son souffle est devenu erratique, de la façon dont elle m’observe comme si j’étais une proie et elle une prédatrice affamée…

Soutenant son regard, mes mains se détachent de la porte et caressent son cou, parcourent ses clavicules et vont trouver sa poitrine. Pour toute réponse, Sasha se cambre légèrement, m’encourageant à continuer avant de capturer mes lèvres à nouveau, emprisonnant mes mains entre nous.

Sa langue contre la mienne, le fait qu’elle m’incite à la toucher, tout ça me met dans tous mes états.

Si on ne s’arrête pas bientôt, je risque la combustion spontanée. De là où je me trouve, l’enjeu en vaut la chandelle.

Ma mort est quasi assurée lorsque ses doigts viennent s’enrouler autour de mon poignet, guidant ma main à la jonction entre sa jupe et sa cuisse, l’incitant à remonter avant de le relâcher une fois le message passé.

Je crève d’envie de parcourir l’espace restant, de la sentir au creux de ma paume, de glisser mes doigts dans la preuve de son excitation…

Mais je ne veux pas que ça se produise comme ça, comme avec une fille que j’aurais rencontrée en soirée, à la va-vite dans la chambre d’amis, entourée des manteaux des invités et risquant d’être surprises à tout moment.

Et je sais qu’à l’instant où j’aurais posé ma main sur son sexe, je serai incapable de stopper. C’est maintenant ou jamais.

Sasha interrompt le baiser en sentant que j’ai arrêté de bouger. Ses yeux verts viennent me sonder, un peu décoiffée et les lèvres légèrement gonflées, elle est plus belle que jamais.

- Changement d’avis ?

Vu son ton joueur, ce n’est pas vraiment quelque chose qui l’inquiète, mais je réponds quand même la vérité :

- Non ! Certainement pas !

- Oh, pas le premier soir c’est ça ?

Je souris à sa plaisanterie, elle comme moi sachant pertinemment ce qu’il se serait passé avec la fille du club si Dom n’était pas intervenu.

Éloignant ma main de la tentation, je caresse sa joue et m’explique :

- Pas avec toi. Pas ici. Pas si on risque d’être interrompues.

Elle acquiesce d’un signe de tête et je mets un peu de distance entre nous, à contrecœur. Je ne peux pas empêcher mes yeux de la parcourir des pieds à la tête, n’ayant plus rien à cacher et sachant que mes attentions sont les bienvenues.
- Héléna, si tu continues à me regarder comme ça, ça va mal finir.

Pour être honnête, je sais qu’une fois lancée, même si une équipe de télé rentrait dans la pièce et commençait le tournage, je ne m’arrêterais pas…

Proprement réprimandée, j’essaie d’être correcte :

- Désolée (pas vraiment) ! On y retourne avant qu’on ne vienne nous chercher ?

Faisant un geste en direction de la porte, elle annonce :  

- Après toi !

J’ai à peine fait un pas que je remarque la très désagréable sensation dans mes sous-vêtements. Génial. Rien de tel que de ressortir d’une chambre en marchant en canard. Alors qu’il ne s’est (presque) rien passé en plus…

Ça a dû se voir puisque Sasha demande, un sourire dans la voix :

- Tout va comme tu veux ?

Je lui lance un vrai faux regard fâché avant de répondre :

- Nickel. T’aurais pas une couche pour adulte par hasard ?

Ne perdant pas une seconde, elle s’approche de moi, collant son corps perpendiculairement au mien, main sur ma cuisse, à peu près à l’endroit où elle l’avait lors de notre dernier repas.

D’une voix m’indiquant très clairement le fond de ses pensées, elle propose :

- Non... mais je pourrais peut-être aider…

Ce faisant, elle remonte lentement, me donnant parfaitement le temps de la stopper si je le souhaite. Je devrais l’arrêter ou au moins signaler qu’étant donné qu’elle est à la source du problème, sa contribution risque plus d’aggraver mon cas qu’autre chose… Mais tout ce que je trouve à faire, c’est déballer mon sac, comme prise d’une version du syndrome de Tourette qui me ferait dire tout ce qui me passe par la tête, sans aucun filtre :

- J’ai comme une impression de déjà-vu...

Elle continue sa progression, me questionnant d’un “Mmh ?” entre deux baisers dans mon cou.  J’explicite mes pensées :

- Le dernier restau. Ta main… J’ai dû sortir à force d’imaginer jusqu’où tu pourrais aller, ce que tu pourrais faire…

Je la sens sourire contre ma peau avant de répliquer :

- Tu pensais à quelque chose…

Elle parcourt les derniers centimètres et me prend littéralement au creux de sa main, demandant :

- Comme ça ?

C’est vraiment, vraiment un coup bas.

Comment je suis supposée résister ?

Non pas que j’en aie envie...

Tournant la tête pour la regarder par-dessus mon épaule, je suis prise d’une espèce de contraction et laisse s’échapper un :

- Sasha…

Involontairement, mon bassin cherche plus de contact et les raisons pour lesquelles je souhaitais attendre m’échappent momentanément.

Jusqu’à ce que Dom tambourine à la porte comme une brute épaisse, criant :

- Tout va bien là-dedans ?

Une voix masculine étouffée se fait entendre et mon collègue ajoute :

- Vous n’avez pas intérêt à avoir tâché la veste de James !

 

18 mars 2018

Chapitre 17

Ça fait une semaine que je suis privée de contact après avoir été ensemble H24 et la serrer contre moi suffit à évacuer une grosse partie de la pression emmagasinée. Son odeur, la manière qu’elle a de s’accrocher à ma nuque comme si sa vie en dépendait… La situation est pourrie et pourtant elle arrive à désamorcer la tension en un claquement de doigts.

Elle se recule et place ses mains sur mes joues, m’incitant à venir croiser son regard :

- Je suis vraiment, vraiment désolée… Cette fois j’ai appris ma leçon, je te promets.

Je vois dans ses yeux qu’elle est totalement sincère et lui souris timidement, répondant d’un ton qui laisse entrevoir beaucoup trop de vulnérabilité à mon goût :

- Je te crois.

On reste comme ça, enlacées et les yeux dans ceux de l’autre, comme si le temps s’était arrêté. De là où je me tiens, je jurerai que je ne suis pas la seule à avoir des sentiments. Mais chat échaudé craint l’eau froide et je n’ai pas l’intention de me lancer dans la seconde où elle fait amende honorable.

C’est elle qui brise l’instant en se reculant légèrement et baissant la tête pour annoncer :

- Si ça peut te consoler, j’étais misérable toute la semaine…

Ça m’extirpe un petit sourire triste :

- Va pas le répéter parce que je nierai jusqu’au bout, mais moi aussi.

- Ok alors si jamais je tombe sur la tête et recommence mes conneries, dis-moi… euh…  cucurbitacée et je m’arrêterai pour écouter.

Un de mes sourcils se soulève tout seul devant le mot choisi.

- Cucurbitacée ? Et t’as pas intérêt à remettre le couvert Dastré, j’ai beau avoir un faible pour les imbéciles au sang chaud, faut pas pousser mémé dans les orties.

Elle ne commente pas tout de suite, m’adressant un de ces sourires coquins qui me semblent réservés avant de lancer :

- Allez viens Nounours grognon, il y a une fête qui nous attend.

Sasha a à peine fini sa phrase qu’elle fuit de l’autre côté de la voiture. La petite pouf, elle savait que je l’aurais punie si elle était restée à proximité.

J’essaie de dissimuler mon amusement et tente d’être menaçante :

- Gaffe Sasha, tu marches sur une corde raide là…

Je me glisse dans le siège conducteur et reçois instantanément un bisou sur la joue.

Pas bête, elle attend que je démarre pour en remettre une couche :

- Naaan, je le connais, il joue les durs, mais c’est une vraie guimauve.

- T’as du bol que je sois en train de conduire je t’aurais fait tâter de mes muscles, on verrait qui en est une !

Je ne peux pas la regarder, mais j’entends très clairement le sourire dans sa voix lorsqu’elle se moque une fois de plus :

- Deux minutes qu’on a mis les choses au clair et déjà occupée à me faire des propositions indécentes, je te reconnais bien là !

- Hey, qui se ressemble s’assemble !  

Elle a l’air particulièrement offensée par ce que je viens de lui dire, répondant du tac au tac d’un ton haut perché :

- Je ne t’ai jamais fait de proposition indécente !!

Arrivant devant la maison de Dom, je gare la voiture et fais mine de compter sur mes doigts :

- Alors voyons… Il y a eu la fois où tu m’as quasi forcée à dormir avec toi, la fois où tu m’as suppliée de faire semblant d’être en couple, la fois où tu m’as demandé de t’embrasser… Nan t’as raison, le blâme est entièrement sur mes épaules.

Elle me regarde, les yeux et la bouche grands ouverts. On dirait un oisillon qui attend qu’on lui glisse un ver dans le gosier ! Je crois que je l’ai bien eue.

Finalement, elle semble retrouver ses esprits et me lance :

- On est bien d’accord, tout est de ta faute.

Je lui souris et sors de la voiture. On se rejoint devant mon capot alors que je verrouille les portières et elle demande :

- Rassure-moi, je ne suis pas une Chris au féminin ?

Euh… Non. Déjà s’il me refait un coup “baiser surprise” il aura droit à “perte de dents surprise” en représailles, alors que Sasha peut faire ça à loisir on ne m’entendra pas me plaindre…  

- T’as idée de combien de temps j’ai passé à me désinfecter la bouche après l’épisode horrifique du couloir ?

Elle retient un sourire, ses yeux ne dissimulant pas son amusement :

- Une petite…

- Est-ce que tu m’as vue m’enfuir dans la salle de bain comme si chewbacca venait de me proposer un accouplement après qu’on se soit embrassées ? Et puis j’étais en quelque sorte prévenue.

- Charmant visuel. Et dit comme ça…

- Rassurée ?

- Très.

Donnant un signe de tête en direction de la porte, je demande :

- Prête à y aller ?

- Oui, prépare-toi à devoir repousser les vagues d’admirateurs en pâmoison devant mon look avant-gardiste.

Elle pointe ses collants troués du doigt d’un air dépité, comme si c’était la fin du monde. Levant les yeux au ciel, je fais de mon mieux pour la rassurer :

- Tu peux toujours les retirer, ni vu ni connu.

Je toque à la porte et fais face à une Sasha souriante, qui annonce d’un air malicieux :  

- Encore à essayer de me faire ôter mes habits !

J’approche ma bouche de son oreille et laisse mon souffle la caresser une seconde avant de demander d’une voix aussi suave que possible :

- La vraie question est : est-ce que ça fonctionne ?

Tu devrais vraiment arrêter de flirter comme ça.

Ça ne fait même pas 15 minutes qu’elle a rendu très clair le peu de considération qu’elle te porte, le masochisme aussi a ses limites.

Et puis pour être honnête, elle est tactile et non-homophobe, mais on ne sait pour autant pas si elle est intéressée par les femmes. S’il faut, tu es juste en train de te ridiculiser.

Je me recule pour lui adresser un sourire arrogant, persuadée qu’elle ne trouvera rien à répondre à ça.

Ne s’avouant pourtant pas vaincue, Sasha place ses mains au niveau de mes clavicules et s’approche jusqu’à n’être plus qu’à quelques millimètres de mes lèvres :

- On repart ensemble ce soir…

Interloquée, je fronce les sourcils. Elle est sérieuse ? C’était si facile que ça ? Suffisait de demander ? Ma mère m’aurait menti et il n’est même pas utile de dire “s’il te plaît ?”.

Mes pensées sont stoppées net par une Sasha qui éclate de rire, penchée en deux :

- Hahaaaa t’aurais vu ta tête ! Ma voiture est en panne je te rappelle !

Oh. Oui, c’est vrai.

Fort heureusement, je suis sauvée par Dom, ouvrant la porte d’entrée comme une brute, s’exclamant :

- Ahhh vous voilà, pas trop tôt !

S’il est étonné de nous voir arriver ensemble et apparemment en bons termes, il ne le montre pas.

De l’intérieur de la maison, une voix ressemblant étonnamment à celle de James demande :

- Les strip-teaseuses sont là ?

Sasha et moi ouvrons de grands yeux ronds, nous regardant l’une l’autre. J’ai dû rater un épisode, ou quinze.

Je n’étais pas au courant qu’il s’agissait de ce genre de soirée sinon j’aime mieux vous dire que j’aurais passé mon tour !

Si je devais subir la vue d’une jeune femme dénudée se frottant à Dom ou James… Disons que si la crise de vomissements qui s’en suivrait ne m’achevait pas, l’arrêt cardiaque s’en chargerait.

- Euh… Dom ?

- Relax, il vous fait marcher. À moins que vous ne vouliez nous faire un spectacle ?

À son ton et au frétillement de ses sourcils, il est plus qu’évident qu’il plaisante, c’est pourquoi pour toute réponse je le pousse d’une main sur le torse, entrant dans sa maison, balançant au passage un :

- Dans tes rêves.

Avant que Sasha et moi n’atteignions le salon, j’attrape sa main et l’entraîne dans le bureau. Elle me suit sans poser de question, me lançant juste un regard interrogateur lorsque je l’incite à rentrer et reste moi-même à l’extérieur :

- Retire tes collants, je garde la porte pour éviter que tu ne flashes un invité et personne n’en saura rien.

Réalisant pourquoi je l’ai amenée là, elle fait une tête qui ressemble fortement à celle qu’on fait en apercevant une portée de chatons et je vous jure que si elle fait le moindre commentaire type “nounours grognon” je la porte sur mon épaule pour la traîner de force dans le salon et tout le monde verra les trous dans ses collants (et potentiellement ses sous-vêtements si elle se débat).

Voulant m’éviter un mal de dos, à l’instant où elle va ouvrir la bouche je lève un doigt et l’arrête d’un :

- N’y pense même pas.

Elle se ravise, me dépose un bisou sur la joue accompagné d’un “t’es la meilleure” et ferme la porte. Je me mets devant et croise les bras, attendant qu’elle ait terminé.

Elle ressort quelques instants plus tard et en apercevant ses jambes, je me demande pourquoi diable elle irait les affubler de collants. Elle a le genre de jambes qu’on voit chez les actrices, fines, longues et musclées juste ce qu’il faut.

J’ai vraiment très très envie de les parcourir de mes mains, mais j’aime suffisamment la manière relativement harmonieuse avec laquelle mon visage est arrangé pour ne pas le risquer sur un coup de tête. Malheureusement, mon appréciation ne passe pas inaperçue puisque Sasha réplique :

- Prends une photo ça dure plus longtemps.

Je n’essaie même pas de me justifier, de toute manière elle doit bien savoir qu’elle a des jambes magnifiques. Personne ne peut me blâmer d’avoir une âme d’artiste qui s’attarde sur les jolies choses, non ?

Ignorant sa remarque, je pointe du doigt le couloir :

- Passe-moi ton manteau je vais aller le mettre dans la chambre d’ami. Et le salon est par là.

Elle retire sa veste, me la donnant. Pile au moment où elle commence à s’éloigner, je réalise quelque chose. Oh merde :  

- Sasha !

Face à l’urgence dans ma voix, elle se retourne immédiatement, m’observant d’un air curieux. Regardant de part et d’autre, je m’approche d’elle et chuchote :

- Ils ne sont pas au courant… Enfin que… entre nous…

Si je ne me sentais pas vaguement coupable d’avoir continué à nier, je trouverais sûrement comique la manière exagérée dont elle écarquille les yeux :

- Quoi ?! Mais… Pourquoi ?

Haussant les épaules, j’essaie de me justifier tant bien que mal :

- À l’aéroport, j’ai cru que tu allais revenir, que c’était juste une pause pipi ou je ne sais pas… Et après ce n’est plus ressorti !

Elle m’observe d’un air curieux et je dois faire un effort conscient pour ne pas gigoter sous le poids de son regard. J’en connais une que l’idée de continuer à jouer la comédie ne ravit pas, si son enthousiasme “débordant” en est une indication quelconque...

- Ok. Du coup tu proposes quoi ?

Hey ! Pourquoi ce serait à moi de décider ?

- Nan nan ma belle, c’est pas comme ça que ça marche, TU proposes quoi ?

Selon moi, c’est sa faute si l’on n’a pas pu mettre en œuvre le dernier plan. Et puis pour être honnête, si ça implique de pouvoir lui témoigner de l’affection, ça ne me dérange pas de faire semblant. Option toute ma vie !

Elle passe sa main sur son visage et secoue légèrement la tête avant de lancer :

- Je sais pas… Va poser les manteaux on en reparlera plus tard.

L’envie de demander si l’on doit agir comme un couple me brûle les lèvres, mais je ne veux pas la brusquer, ni risquer d’être déçue par sa réponse.

J’acquiesce d’un signe de tête et tourne les talons. Une fois dans la chambre d’amis, je dépose ma charge et m’assieds sur le coffre au pied du lit, prenant une minute pour moi.

Objectivement, je sais que pour me préserver j’aurais dû exiger qu’on mette fin à la mascarade sur le champ, comme initialement prévu… Mais en même temps c’est le seul moyen que j’ai de prétendre que mes sentiments ne sont pas à sens unique.

Sur l’échelle du pathétisme, je crois bien que j’en suis aux derniers échelons, frôlant le firmament. Tous les losers de la terre devraient avoir un stand-up en carton de moi, ou à minima un poster dans leur chambre. Je suis une légende vivante, merde quoi !

Allez, reprends-toi, pas le temps de t’apitoyer sur ton sort, t’as une fête à laquelle assister. Et soit dit entre nous, s’il te restait une once d’amour propre, tu lui en voudrais un peu…

Me rendant dans le salon, je suis un peu déçue de voir Sasha en grande discussion avec une amie de Dom dont j’ai oublié le nom et me dirige donc directement vers la seconde chose la plus intéressante dans la pièce : la table proposant nourriture + alcool.

J’y croise Alycia, radieuse dans un ensemble bleu ciel. Mentalement, je remarque que Dom et elle sont assortis. Si c’est pas meugnon !

- Salut Alycia ! Comment vas-tu ?

- Coucou ! Plutôt bien et toi ?

Oh tu sais, la femme pour laquelle j’ai des sentiments me méprise à moitié, je ne peux en parler à personne, car tout le monde pense qu’on est ensemble, j’ai pas très envie de faire la fête et globalement je suis seule et dépitée… À part ça je me porte à merveille !

Mais bien évidemment, je ne peux pas répondre ça, alors je me contente d’un :

- Nickel ! En tout cas si je peux me permettre, je suis contente que tout continue de bien se passer entre toi et Dom, vous faites un très joli couple.

Elle place sa main sur la mienne, souriante :

- Merci.

Je vois qu’elle veut répondre quelque chose de l’ordre du “j’espère que les choses vont s’arranger avec Sasha” mais ne sait pas comment le formuler ou est trop polie pour le faire et lorsque j’aperçois James dans mon champ de vision, c’est l’occasion parfaite pour m’éclipser avant de m’embourber :

- Tu veux bien m’excuser, il faut que j’aille demander à James s’il est dispo demain pour jeter un œil à la voiture de Sasha ?

- Je t’en prie !

Constatant qu’il a les mains vides, je sers un verre à James que je lui tends en m’approchant :

- Ahhh, en voilà une bonne initiative !

Le connaissant, il préfère que l’on ne tourne pas autour du pot, c’est pourquoi je demande directement :

- Toujours ! Dis voir Sasha aurait besoin de toi, t’es libre demain !?

Buvant une gorgée, il me laisse mariner une seconde avant de répondre :

- M’étonne pas, c’était présomptueux de ta part de penser que tu pourrais la satisfaire…

Il m’adresse un sourire arrogant auquel je réplique d’un ton las et en levant les yeux au ciel :

- … Pour réparer sa voiture.

C’est irrationnel, mais ça m’agace qu’il implique que Sasha pourrait lui porter un quelconque intérêt et vice versa. Ce n’est pas de la jalousie hein, juste… Voilà ! J’aime pas ça.

Ne se départissant pas de l’air qui me donne envie de le gifler, il rétorque :

- Oh ne t’inquiète pas, je suis familier avec le coup de la panne…

Ne voulant pas marcher dans son jeu visant clairement à me taper sur les nerfs, je le prends à contre-pied en répondant d’un ton conspirateur :

- Soit dit en passant, elle a mis les petits plats dans les grands sur ce coup-là, elle s’est carrément arrangée pour que ça se passe sur une route isolée.

Bombant le torse, il continue dans son délire :

- Parfait. Si t’as quelques conseils sur ses préférences…

Je suis tentée de lui signaler que si je ne la satisfais pas, mes tuyaux sont à prendre avec de grosses pincettes, mais ça lui montrerait que sa réplique m’a atteinte alors même pas en rêve :

- Oh je m’en voudrais de te gâcher la surprise !

Lui adressant un clin d’œil, j’ajoute :

- Je vous laisserai voir les détails ensemble, je ne veux rien savoir qui risquerait de briser mon petit cœur fragile !

Fière de ne pas avoir marqué la territorialité injustifiée que je ressens envers ma collègue, je pars m’affaler sur une des rares chaises libres.

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14 mars 2018

Chapitre 16

La nuit étant tombée, je roule au pas comme toujours lorsque je ne connais pas bien le terrain.

Je ne suis pas fâchée que la semaine soit finie et d’avoir l’occasion de faire la fête ce soir.

Mes phares illuminent une voiture garée sur le bas-côté. Reconnaissant l'un des véhicules de la société et remarquant la présence d'un triangle de signalement, je me sens obligée de m'arrêter.

Parfois je me dis que ma conscience professionnelle va trop loin. Une fois rangée sur le bas-côté, je m'approche de la voiture et suis accueillie par des jurons bien de notre langue :

- C'est bien ma veine bordel. Fallait que ça tombe sur moi. Quelle merde !

Je contourne le véhicule et lance un coup d'œil à la personne en panne, espérant secrètement que c'est un de mes clients et qu'il se sentira suffisamment redevable pour m'acheter une quinzaine de machines en remerciement.

Mais s'il y'a une chose que la vie m'a apprise, c'est que le destin ne m'aime pas. Étonnamment... pas vu ma chance, je tombe sur Sasha.

Je m'adosse nonchalamment sur sa portière et demande :

- Tout va comme tu veux ?

Elle ne me lance même pas un regard et rétorque immédiatement d'un ton hautement ironique :

- Génial, c'est la meilleure soirée de ma vie.

- Bon, bah je te laisse alors, je ne voudrais pas déranger...

Je fais mine de partir et entends :

- Sache que si tu m'abandonnes ici et que je meurs dévorée par les loups, je prendrais soin d'écrire ton nom avec mon sang.

Je me retourne et croise les bras en levant un de mes sourcils d'un air de dire "vraiment ?" :

- C'est la dernière fois que je m'arrête sur une route déserte, de nuit, pour aider une damoiselle en détresse. De vraies ingrates !

Elle se relève et époussette sa jupe, son collant ayant fait place à deux trous béants au niveau des genoux et demande d’un ton dégoulinant de sarcasme :

- Et qu'est-ce que je pourrais faire pour montrer à ma preuse sauveuse l'étendue de ma reconnaissance ?

J'ai bien quelques idées...

Ne t'engouffre pas sur cette pente glissante Héléna, sois forte ! Ce n’est pas le moment de la braquer, elle a l’air plus cordiale que l’autre jour.

Voulant ne pas me griller, je m'empresse de rétorquer :

- On en reparlera une fois arrivées.

- Arrivées où ?

- À la soirée pardi !

Elle me regarde, un sourire en coin aux lèvres. N’y tenant pas, je l’incite à dire le fond de ses pensées :

- Vas-y, sors ta connerie…

- Qui dit “pardi” de nos jours ?

Bien trop contente qu’elle adopte une attitude normale aux antipodes de la pouf des glaces que j’ai eue en face au bureau, je réplique dans une courbette :

- Toute personne aux tendances chevaleresques, pour vous servir !

- Alors rends-moi service et ouvre-moi la portière passager, que je profite du chauffage.

Elle dit ça d’un ton très sérieux, mais son regard a retrouvé une partie du pétillement auquel je suis accoutumée. Secouant la tête, je marmonne tout en me dirigeant vers la voiture tandis qu’elle attrape ses affaires :

- Je crois que je vais tenter ma chance avec les loups. Ça vaut peut-être mieux. Ouais, on va faire ça.

Je déverrouille la voiture et ouvre sa portière en grande pompe, dans un :

- Le carrosse de Madââme est avancé.

Je trottine du côté conducteur et m’installe au volant avant qu’elle ne puisse changer d’avis.

On a à peine fait deux mètres qu’elle demande :

- Merde, tu crois que je devrais laisser la voiture là ?

- Tu l’as verrouillée ?

- Bien sûr !

- Alors oui, on reviendra avec James demain.

- James ?

Je la regarde du coin de l’œil, étonnée qu’elle le soit :

- Oui, James. Ce même type qui pourrait te construire une fusée avec une brosse à dents et un bout de chewing-gum. Une voiture, c’est rien pour lui.

- Oh, ok. Je savais qu’il était bon en mécanique, mais je pensais que c’était uniquement sur les machines qu’on vend.

- Et non !

Le reste du trajet est silencieux et je sais que si j’ai envie de discuter, c’est à moi d’initier.

- Ça fait plaisir de tous se retrouver ce soir. Je vous ai tous croisés, mais ça reste un sevrage violent.

Bien qu'ayant les yeux sur la route, je sens que Sasha a tourné la tête pour me regarder :

- Oui. Ça va faire du bien de décompresser.

Voyant une opportunité de la faire parler, je me contente d’un :

- Ah ?

- En gros, c’était une semaine de merde, mes chers collègues avaient traité uniquement les urgences en mon absence, donc j’avais tout le reste à rattraper. Un enfer !

- Aoutch. Moi j’avais mon assistante, heureusement sinon j’aurais été coulée quelque chose de bien.

- Ouais mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, madame “je fais vivre l’entreprise à moi seule”. Depuis que l’aéronautique bat un peu de l’aile, nous autres mortels avons une assistante pour trois.

- J’ai entendu ça. Je suis étonnée que personne ne soit parti d’ailleurs... Mais assez parlé boulot, t’es prête à t’amuser ce soir ?

Elle place sa main sur la mienne, posée sur le levier de vitesse et dit d’une toute petite voix :

- Juste un dernier truc : désolée d’avoir été une garce avec toi cette semaine, c’était pas justifié.

Profitant d’être à l’arrêt, je tourne la tête pour scruter sa réponse à ma question :

- Je peux savoir à quoi c’était dû ? Parce que pour être honnête je n’ai pas trop compris. On est passées de tout à rien.

J’ai bien ma petite idée, mais préfère ne pas faire de suggestion, voulant voir comment elle va formuler la chose sans mettre mes mots dans sa bouche.

Son regard vert vient trouver le mien et sa main, que j’avais complètement oubliée, se met à jouer avec mes doigts.

C'est d’un ton pas très fier qu'elle répond :

- Quand t’as couru vers Rachel, James a fait une remarque et j’ai eu l’impression de passer pour une conne, que tu faisais ça pour m’humilier. On ne leur avait pas encore annoncé qu’il n’y avait strictement rien entre nous et tu te jettes dans les bras de ton ex sous nos yeux. Je me suis souvenue de comment tu étais avec moi au début du voyage et je me suis dit que t’avais fait semblant de commencer à m’apprécier tout en ricanant dans mon dos, avec pour objectif de me ridiculiser.

Je grimace en entendant sa tirade,  surtout le “strictement rien entre nous” et la partie où son estime de moi laisse clairement à désirer. Je prends quelques secondes pour encaisser le coup. Ça me déçoit vraiment.

En plus, ça a plus l’air d’être une réaction d’orgueil plus que de jalousie… En somme que des bonnes nouvelles. Surtout que ça fait la deuxième fois maintenant qu’elle pense à tort que je me fous copieusement de sa gueule.

Techniquement, elle me tend une perche et je pourrais en profiter pour lui annoncer que je n’ai pas fait semblant et que c’est beaucoup plus que “commencer à l’apprécier”, excepté le fait qu'on est en voiture et que je ne tiens pas à créer l’effet prise d’otage. Et puis savoir qu’elle a toujours des doutes sur mes intentions ne donne pas vraiment envie de lui faire une déclaration avec les tripes. Étonnant non ?

Serrant les dents, je continue bravement, sans répondre. Pour être honnête, je ne sais pas quoi dire si ce n’est “vraiment Sasha ? Vraiment ?”. Et bon, je pense qu’on peut s’accorder sur le fait que ça ne ferait pas avancer la conversation. Comme qui dirait : si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi.

La difficulté que je rencontre à essayer d’avaler cette énorme pilule doit se voir puisqu’elle m’indique :

- Hey. Arrête-toi. Prends deux minutes.

Sachant que ma concentration est à ce qu’un crapaud est au sex appeal, je m’exécute. Inutile d’avoir un accident sur le tas.

Je gare la voiture sur le bas-côté et regarde par la fenêtre, me mordillant la lèvre.

Putain ça fait chier !

Voyant certainement que je n’ai pas l’intention de parler de l’éléphant dans le véhicule, Sasha tente un :

- Je suis désolée.

C’est toujours facile de faire ce qu’on veut et demander pardon après. J’ai juste besoin d’une petite minute et on repartira. Mon cœur a déjà pris suffisamment cher ce soir, la discussion sur le fond de mes pensées peut attendre. Avalant mon amertume, je réponds d’un ton que j’essaie de garder détaché :

- C’est pas grave.

- Ça a pas l’air.

Sérieux ? Il faut qu’elle me provoque en plus ? Elle cherche quoi ? À m’énerver ?

Tournant la tête, je lui lance un regard signifiant très clairement qu’il est déconseillé de pousser le bouchon.

Sasha a le visage ouvert et ses yeux viennent trouver les miens, ne sourcillant même pas avant de demander :

- Parle-moi Héléna.

Oh putain.
Je vais me la faire ! Soit elle est débile, soit sa témérité confine à la connerie ! Tournant la partie supérieure de mon corps vers elle, j’ouvre les vannes :

- Tu veux que je te dise quoi ? À chaque fois c’est la même chose ! Tu assumes le pire, ne me laisse pas le bénéfice du doute, refuses de m’adresser la parole et me ponds une explication accompagnée d’une excuse facile et après seulement madame est disposée à parler !

Je termine ma tirade d’une tape sur mon volant. Voyant qu’elle ouvre la bouche, certainement pour me sortir une nouvelle justification bidon ou bien me blâmer pour le tout, je l’interromps :

- J’ai pas fini. Tu veux qu’on parle ? Cette fois, tu vas m’écouter. Est-ce que je me suis comportée comme une vraie mégère avec toi au début ? Oui, absolument. Mais je n’ai JAMAIS été cruelle juste pour le plaisir. Et je commence à en avoir sérieusement marre de devoir marcher sur des œufs au risque de passer pour la méchante de l’histoire, de tolérer que tu me traites comme une merde de manière arbitraire, de devoir me justifier pour des comportements que tes insécurités t’amènent à largement interpréter et d’avoir à accepter sans broncher que tu penses le pire de moi. Alors oui, je ne suis pas parfaite Sasha, mais je ne traite pas mes amis comme ça… Et que les choses soient claires entre nous : j’ai bien saisi que ton niveau d’estime pour moi approche le néant, que j’ai eu tort de penser qu’on devenait proches mais soit dit en passant, de nous deux, la garce ce n’est plus moi depuis un bon moment.

Appuyant mon monologue d’un regard énervé, je le maintiens quelques secondes avant de m’adosser totalement à mon siège, tête calée, yeux fermés et souffle rapide.

Reste zen. Ça ne vaut même pas la peine de te mettre dans des états pareils.

Je vais potentiellement regretter d’avoir vidé mon sac, mais putain qu’est-ce que ça fait du bien ! J’entends Sasha détacher sa ceinture, la portière passager s’ouvrir et le bruit de ses chaussures au sol. J’encaisse le claquement de la porte dans un léger sursaut, les yeux toujours fermés.

Si je ne les ouvre jamais je peux continuer de prétendre que Sasha est encore là…

Oh et puis qu’elle parte. Je n’ai fait que dire la vérité.

C’est horrible, car selon moi je suis dans mon bon droit d’être énervée, mais ça me brise le cœur de savoir que je viens probablement de tirer un trait sur ce qu’il pouvait y avoir entre nous.

Et je persiste à dire que notre relation mérite d’être creusée. De mon côté du moins.

La preuve, c’est qu’être la reine des harpies et être connue comme telle ne me pose strictement aucun problème de base, mais que Sasha fasse partie de ceux qui pensent ça m’est quasi insupportable. Visiblement c’est pas franchement réciproque.

Je fais un bond de 15 mètres et écarquille les yeux lorsque ma portière s’ouvre.

Sasha se décale et m’ordonne :

- Sors de là.

L’observant d’un air blasé, j’indique :

- Si t’as l’intention de me gifler, t’aurais très bien pu le faire dans la voiture.

En lieu de réponse, elle me tire le bras et je détache ma ceinture dans un soupir, la suivant à l’extérieur.

Une fois debout je lui fais face et ferme les yeux, dans un “fais-toi plaisir” résigné.

Je manque de tomber à la renverse sous la force de l’étreinte à laquelle j’ai droit. Ses bras s’enroulent autour de mon cou et mes mains vont se poser sur ses hanches, à moitié par habitude, à moitié pour garder l’équilibre.

Elle niche son visage au creux de mon cou et je l’entends murmurer :

- T’as totalement raison.

14 mars 2018

Chapitre 15

Le problème de mon mensonge génialissime concernant ma nervosité en avion, c’est que j’ai dû faire semblant pendant tout le trajet.

Enfin non.

J’étais stressée, mais pas à cause du vol.

En retournant dans la salle tout à l’heure, j’ai réalisé que je ne veux pas perdre ce qu’il y a entre Sasha et moi. Peu importe ce que c’est. J’ai eu beau résister de toutes mes forces, j’ai l’impression qu’on a établi une connexion.

En rentrant à l’appart, le fait de faire nos valises et laisser derrière tous ces souvenirs… Ça m’a fait quelque chose.

Du coup, le plus simple pour savoir si j’ai mes chances ou non c’est de lui demander à chaud, à l’aéroport, si elle serait ok pour qu’on dîne ensemble un de ces quatre, juste toutes les deux.

J’espère pouvoir deviner ses sentiments grâce à sa réaction, mais j’avoue que je flippe quelque chose de bien. Je n’ai pas l’intention de lui présenter ça comme un rencard, parce qu’à dire vrai je me contenterais même de son amitié si elle me la donne, mais je me dis qu’en fonction de sa manière de réagir, j’arriverais sûrement à savoir si son intérêt est platonique ou non.

Enfin je crois.

Enfin j’espère.

La chose dont je suis sûre, c’est que dès qu’elle est à proximité, c’est comme si toute mon attention se focalisait uniquement sur elle. Il y a quelque chose. J’ai envie de creuser.

Il est clair que c’est plus un coup de cœur qu’une simple attirance physique comme j’ai pu le penser de prime abord…

Mais avant d’en arriver là, on va faire comme prévu et mettre fin à notre super « blague ». On récupère nos valises et passons les douanes, nous dirigeant vers la sortie.

Dom et Sasha papotent joyeusement derrière James et moi qui sommes en tête. Je marche d’un pas rapide, voulant en terminer le plus vite possible. Je m’apprête à me retourner pour voir si Sasha est prête pour le lever de rideau, quand James attire mon attention en plaçant sa main sur mon bras :

- Hey, c’est pas Rachel là-bas ? Je ne savais pas qu’elle venait te chercher !?

Il me regarde, les sourcils légèrement froncés, des questions plein les yeux.

… Parce que ce n’est pas le cas.

Pas cool.

À leurs yeux, j’ai l’air d’être la garce qui a eu du fun avec Sasha et se rue dans les bras de son ex à la minute même où elle revient à la maison.

Laissant ma valise à James, je trottine en direction de Rachel avec la ferme intention de lui demander ce qu’elle fait là.

Option : c’est pas vraiment le moment, casse-toi.

Je ne veux pas que Sasha la voie, même si objectivement j’ai conscience qu’elle n’était que deux mètres derrière moi et que les chances qu’elle ait raté ça sont minimes, pour ne pas dire inexistantes.

Rachel interprète ma hâte comme un bon signe puisqu’elle me prend dans ses bras sans hésiter. Plaçant mes mains sur ses hanches, je la repousse doucement.

- Surprise !

C’est le cas de le dire.

Mon visage doit laisser transparaître mes sentiments puisque son sourire vacille et disparaît même lorsque je demande d’un ton curieux :

- Salut. Qu’est-ce que tu fais là ?

Elle hausse les épaules et annonce :

- J’avais gardé le message dans lequel tu m’annonçais ta date de retour. Je me suis dit que je pourrais te reconduire chez toi, qu’on pourrait discuter.

Plaçant mes mains dans mes poches, j’essaie de lui faire comprendre que je n’ai pas l’intention de repartir avec elle, tout en restant correcte. Après tout, elle l’a été avec moi-même si elle s’est montrée un peu maladroite à me l’annoncer en voiture.

- Désolée, on a réservé un taxi.

- Oh.

Elle reste devant moi, sans rien dire et c’est super bizarre. D’un côté, son visage et sa manière d’être sont familiers, mais j’ai l’impression d’être face à des souvenirs d’une autre vie. Du coup, je décide de prendre la parole :

- Écoute. J’ai… besoin d’un peu de temps. Là, tout de suite, c’est pas un super moment.

Et le prix d’euphémisme de l’année revient à : Héléna ! \o/

Elle acquiesce de la tête, suffisamment intelligente pour savoir choisir ses combats :

- Ok. T’as mon numéro. ..

Elle s’apprête à se retourner puis hésite, ajoutant :

- Pour mon message… C’était déplacé, je suis désolée.

La retenant d’une main sur son bras, j’essaie de clarifier les raisons de ma non-réponse :

- Hey. Il n’y a pas de problème. Ça me ferait plaisir d’aller boire un verre, en toute amitié… Enfin si ça te tente toujours…

Son visage s’illumine malgré la mention d’un changement de nature dans notre relation et ça me rassure de voir qu’elle apprécie ma compagnie, même habillée.

Elle serre rapidement ma main dans la sienne avant de la relâcher, indiquant :

- À moi aussi. On t’attend, file !

Rachel ponctue sa phrase d’un mouvement de tête en direction de mes collègues et me dépose un bisou sur la joue, partant sans demander son reste.

Ce serait mentir de dire que ça ne me fait rien de sentir son parfum et la familiarité de ses lèvres, même si c’est sur ma joue.

Mais pas le temps d’être distraite, j’ai la super boutade à dévoiler et une invitation à lancer.

J’observe la silhouette mon ex deux à trois secondes, mi par nostalgie, mi pour gagner du temps parce que suis toujours en flip.

Prenant une grande inspiration, je plaque un sourire sur mes lèvres et tourne les talons.

Le sourire disparaît instantanément, remplacé par un froncement de sourcils.

Marchant d’un pas rapide en direction de mes collègues, je demande :

- Elle est où Sasha ?

James regarde ailleurs et Dom adopte un air désolé lorsqu’il m’annonce :

- Partie.

Je passe mes deux mains sur mon visage, dégoutée.

Comme si ça ne suffisait pas, James m’achève sans pitié :

- C’était moyen cool ce que t’as fait.

Si j’avais été la fille de Zeus, il serait mort foudroyé dans la milliseconde après avoir osé dire ça :

- Tu crois que je l’avais invitée ? Je savais pas qu’elle allait être là !

Il hausse les épaules et rétorque :

- Je t’ai annoncé qu’elle était là et t’as couru jusqu’à elle, excuse-moi d’en arriver à la conclusion que t’es contente de la voir.

Ne daignant même pas répondre, je sors immédiatement mon téléphone et tente d’appeler Sasha, sans succès puisqu’elle ne décroche pas.

- Merde merde merde…

J’attends quelques secondes, les yeux braqués sur l’écran, dès fois qu’elle rappelle, avant de me résoudre à l’évidence. Plus qu’à tenter le bon vieux texto.

Refusant de me comporter comme si j’avais fait quelque chose de mal, j’écris :

T’es passée où crâne d’œuf ? Un vrai-faux baiser renversé toute seule ça va être difficile ! Reviiiiiens partenaire de crime !

Je vois les trois petits points indiquant qu’elle est en train de rédiger un message apparaître et les fixe en me mordillant la lèvre. Ils disparaissent, puis réapparaissent.

Visiblement elle ne sait pas trop comment répondre.

Le message que je reçois finalement n’est pas celui que j’espérais :

Urgence, j’ai dû filer. On se croisera au bureau.

Je ferme les yeux, ayant un peu l’impression de m’être faite gifler.

C'est possible qu'elle n'ait pas fait 100% semblant si elle réagit comme ça non ? Ou au contraire c’était juste un acte et ça n’est donc pas un problème de partir en me laissant en plan…

Cela dit, la seconde partie de son texto ne dégouline pas d'un esprit de franche camaraderie... Ça sonne comme quelque chose qu'on dirait histoire d'être polie, mais sans plus.

Malgré l’absence de preuves, je suis intimement convaincue qu’il s’agit d’un mensonge, mais peux difficilement le pointer du doigt sans paraître présomptueuse ! Je me vois très mal lancer : "C’est pas vrai, je pense que tu es contrariée que Rachel soit venue me chercher". Quoique si je ponctuais ça par une moue boudeuse et en tapant du pied ce serait du plus bel effet !

J’opte pour la fameuse technique du “j’ai pas compris” et joue les ingénues :

Oh, ok. J’espère qu’il n’y a rien de trop grave. Fais-moi signe quand t’es dans le coin :)

Lorsque je relève les yeux, James et Dom m’observent avec curiosité, attendant mon verdict.

Haussant les épaules, je leur donne l’explication à laquelle j’ai eu droit :

- Une urgence.

Ils n’ont pas l’air plus convaincus que moi, mais je préfère faire comme si je n’avais pas remarqué. Plus de raison de stresser j’imagine :

- Bon… Vous rentrez directement ou une petite bière ça vous dit ?

==========================================

 

M’affalant directement dans le siège destiné aux visiteurs du bureau de Dom, je souris en entendant ce dernier marmonner :

- Fais comme chez toi je t’en prie.

Souriante, je croise les jambes et m’adosse bien en arrière, mains derrière ma tête et réponds :

- Bonjour à toi également Dom. Comment ça va ?

Il lève la tête et plisse les yeux, m’adressant un regard suspicieux :

- Crache le morceau.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

J’ai beau nier, je sais que j’ai l’air d’une fille à qui l’on vient d’annoncer que son ennemi juré qu’elle rêve d’assassiner depuis des années s’est fait écraser par un gros camion.

La soudaine illumination se lit sur son visage et il se met immédiatement à pianoter sur son clavier. Ayant prévu le coup, je souris et place des lunettes de soleil sur mon nez pile au moment où il ouvre grand la bouche et m’observe avec des yeux ronds :

- Nan ?

- Et si. J’espère que je ne vais pas prendre trop de coups de soleil.

- Comment t’as fait ?

- Le talent.

Visiblement blasé, il tente de ruiner mon fun :

- Il reste deux semaines, tu peux encore te faire doubler !

- Oh pleaaaase ! Je suis tellement en avance sur vous autres losers que vous me faites presque de la peine ! Mais je t’enverrai une carte postale pour donner de mes nouvelles !

Évidemment, il rebondit sur LE sujet que je n’ai aucune envie d’aborder :

- En parlant de nouvelles… Sasha t’a contactée ?

Pour le coup, ça me calme direct. Retirant les lunettes de soleil, je baisse les yeux et joue avec mes mains :

- Nan. Rien depuis “l’urgence”.

Marquant le mot de guillemets, je vois bien que ça le fait chier pour moi. Il regarde à droite, puis à gauche, s’assurant que personne n’a l’oreille qui traîne avant de lancer d’un ton conspirateur :

- Si on te demande, ça ne vient pas de moi, mais la rumeur court que Madame Dastré passera dans les locaux cet après-midi...

Je hausse les sourcils en entendant ça.

Elle s’est bien gardée de me le dire, ce qui signifie qu’elle m’évite.

Je le savais !

Pour une fois, avoir raison ne m’apporte aucun sentiment de satisfaction. Techniquement, je devrais reprendre la route, mais je peux aussi travailler d’ici non ? Ce n’est pas vraiment une décision difficile à prendre.

Je tends le bras pour poser ma main sur celle de mon collègue :

- Merci Dom.

Haussant les épaules, il diminue son geste :

- T’as merdé, ça arrive. Récupère là.

Je hoche la tête sans dire un mot.

Je ne leur ai pas annoncé qu’on les avait fait marcher, j’étais trop amère pour ça sur le moment et depuis je ne sais pas comment le présenter. C’était ridicule avant, ça l’est encore plus maintenant !

De toute manière la seule qui passe pour un dindon dans notre “farce”, c’est moi. Au moins, je me serais faite enfiler par Sasha quelque part !

Oui bon on ne peut pas toujours être au top de son humour hein !

Je quitte son bureau et me rends directement sur le parking pour déplacer ma voiture derrière le Tiguan de la comptable, car la mienne est la seule à être rouge et je ne veux pas risquer que Sasha la voie et fasse demi-tour.

Je retourne dans le bâtiment, prenant mes affaires pour aller m’installer dans la salle de réunion que personne n’utilise jamais car elle est à côté des toilettes et l’aération semble communiquer…

C’est pas me cacher si personne ne me cherche, right ?

J’ouvre la fenêtre, partiellement parce que mes collègues ont visiblement une appétence particulière pour la nourriture épicée qu’ils ne tolèrent pas, mais également pour entendre si une voiture arrive.

Manque plus qu’un trench ainsi que des jumelles et je serais le type chelou qui observe les autres depuis l’ombre.

J’essaie de me focaliser sur l’offre commerciale que j’aurais déjà dû avoir finie il y a deux heures lorsque j’entends un véhicule se garer.

Ne voulant pas risquer de passer ma tête à travers la fenêtre, j’oriente celle-ci de sorte de pouvoir voir le parking dans le reflet.

Si jamais on me prenait en flagrant délit, je nierais jusqu’à la mort que c’est ce que j’étais en train de faire. Franchement, voilà à quoi je suis réduite ! Je ne suis pas sûre que Sasha soit une bonne influence !

À l’idée de la revoir, sachant qu’elle est potentiellement fâchée contre moi... C’est comme si un cafard avait pondu dans mon ventre et que des milliers de bébés venaient d’éclore à l’instant… Pas cool !

Posant à nouveau les yeux sur mon écran, je n’arrête pas de regarder l’horloge.

Je lui laisse quinze minutes pour déposer ses affaires avant de l’embusquer. Comme ça elle sera installée et ne pourra pas fuir aussi facilement.

M’asseyant, je range mes affaires dans leur sac et guette les minutes qui s’égrainent tellement lentement que je suis dans un premier temps persuadée d’être coincée dans une faille temporelle en boucle perpétuelle, puis convaincue que les minutes ont été à reculons pendant un moment.

Alors que la trotteuse est à mi-chemin de la dernière minute, je me lève, mets mon manteau et embarque tout mon fatras. Je me présente comme une fleur dans la salle de réunion où Sasha s’est installée, faisant mine d’arriver au bureau.

Elle est penchée sur une pile de papier, tapotant son stylo sur ses lèvres.

Camouflée par ses cheveux, je prends quelques secondes pour l’observer avant de signaler ma présence :

- Salut Sasha.

Elle sursaute, perdue dans ses pensées ou surprise de me voir. Ses yeux se posent sur moi et je suis gratifiée d’un petit sourire crispé.

Ok. C'est pas passé donc.

- Salut Héléna.

Voulant initier le contact, je quitte mon poste d’observation près de la porte pour aller lui faire la bise. Elle se laisse faire sans broncher et se replonge dans le document, m’ignorant royalement.

Pointant la table, je demande :

- Je peux me mettre là ?

Elle cesse sa prise de notes, grimace et m’indique :

- Ça ne m’arrange pas, j’ai une conférence téléphonique d’ici 15 minutes et comme il n’y avait personne je leur ai donné le numéro du fixe de la salle de réunion.

Et voilà un plan foutu en l’air… Ne voulant pas baisser les bras, je tente d’engager la conversation :

- Ça a été ton urgence ?

- Oui, merci.

Son ton est monocorde et elle n’a même pas daigné lever les yeux de ce qu'elle fait.

Bon…

- Ça a été la reprise ?

- Chargée.

- Tu as montré les photos à ton amie ?

- Non.

Elle ne me rend pas la tâche facile. Mais je ne serais pas une commerciale efficace doublée d’un être aussi pénible si j’abandonnais à la moindre difficulté. Il est temps de prendre le taureau par les cornes :

- On peut parler ? J’ai l’impression que tu m’en veux pour quelque chose.

Elle soupire et je suis persuadée d’avoir remporté la victoire jusqu’à ce qu’elle prenne la parole, plaçant un regard indifférent sur moi :

- Je n’ai aucune raison de t’en vouloir, tu ne m’as rien fait… maintenant si tu veux bien m’excuser, je dois vraiment bosser sur cette offre. On discutera une prochaine fois.

Elle termine par un sourire qui n’atteint pas ses yeux et un signe de tête en direction de la paperasse étalée devant elle.

Ok. Sa réponse est à la limite de l’impolitesse… Et on sait toutes les deux qu’elle n’a aucune intention de papoter à une date ultérieure.

Mais bon, je vais la laisser ruminer dans son coin pour l’instant. Ce n’est pas une discussion que je tiens absolument à avoir dans les locaux de l’entreprise, alors inutile de pousser.

Ramassant toutes mes affaires, je m’arrête dans l’embrasure de la porte et lance un :

- Je ne sais pas quel est ton problème, mais souviens-toi de la dernière fois où je n’ai pas eu le bénéfice du doute. Sur ce, bonne journée.

Mon ton étant plus las qu’accusateur, j’espère qu’elle ne va pas le prendre mal. Je veux juste qu’elle réfléchisse et me laisse me défendre au lieu de se braquer sans raison.

Fin je veux dire, la seule explication à son comportement est qu’elle pense que j’ai répondu un gros “OWI PRENDS MOI” au message de Rachel et que je ne la laisse pas indifférente. En soi, c’est une très bonne nouvelle !

Si Madame n’était pas déterminée à faire l’autruche !

Je retourne dans le bureau de Dom et ferme la porte.

Un coup d’œil à ma tête et il demande :

- Tant que ça ?

- J’ai été congédiée comme une malpropre ! J’aurais voulu faire du porte-à-porte chez les paralysés pour vendre des vélos que je n’aurais pas été aussi mal reçue !

- Laisse-lui un peu de temps… J’organise une petite fête chez moi à laquelle elle et toi êtes conviées ce samedi si ça te tente.

- Elle est au courant que j’ai été invitée ?

Il croise les bras et sourit :

- Il se peut que j’aie oublié de le mentionner. Ça ne me paraissait pas important.

- Tu sais quoi Dom ? Là tout de suite, j’ai presque envie de t’embrasser !

Il m’observe d’un air amusé et me remballe :

- Après j’aurais des problèmes avec Alycia ET Sasha, merci mais non merci, t’es très jolie, mais pas à ce point !

11 mars 2018

Chapitre 14

La voix de Dom me parvient très clairement, même à travers la porte :

- Héléna, bouge-toi !

Finissant d’attacher mon élastique, je me regarde une nouvelle fois dans le miroir.

Pas mal.

Pas mal du tout.

Bien que le déjeuner n’ait pas précisé de code vestimentaire, j’ai opté pour un costume trois-pièces gris bien cintré, chaussures oxford et chemise légèrement entrouverte, sans cravate. J’ai l’air soignée, limite raffinée et je le sais.

Pour éviter d’apparaître plus stricte que nécessaire, j’ai lissé mes cheveux pour les attacher dans une tresse épi de blé un peu lâche.

Niveau maquillage j’y suis allée sobrement, juste de quoi souligner les traits de mon visage.

Fine stud Héléna est dans la place.

- Ça va, ça va, j’arrive.

J’ouvre la porte et peine à retenir un petit sourire satisfait en voyant la tête de mes collègues.

Ils approuvent mon choix vestimentaire je crois.

Après 3 ou 4 secondes d’observation mutique, James s’adresse à Sasha :

- T’as fait tomber un truc.

Confuse, elle détache ses yeux de ma silhouette pour regarder par terre :

- Quoi ?

- Ta mâchoire, t’as fait tomber ta mâchoire !

Il place un doigt sous son menton pour fermer la bouche de ma collègue alors que Dom et lui éclatent de rire.

Sasha, blasée, ne répond pas si ce n’est en s’approchant pour me prendre le bras :

- Tu voulais me voir me battre pour ton attention avant de partir, c’est ça ?

Elle n’a pas vraiment besoin d’en arriver là pour la capter, mais ça, c’est une autre histoire. Notant que sans le savoir elle a opté pour une chemise grise en soie parfaitement assortie à mon costume, accompagnée d’une jupe noire classique bien que relativement courte, je réplique, la balayant clairement du regard :

- L’inverse. Je préfère que tes futurs prétendants comprennent qu’ils n’ont aucune chance AVANT, comme ça je n’aurais pas besoin d’intervenir.

- Belle parleuse…

- Eh, on fait ce qu’on peut.

Je lui adresse un clin d’œil complice, aimant cette manière qu’on a de se charrier. Plus ça va, plus je me dis qu’il faut VRAIMENT que je lui demande officiellement s’il est possible qu’on se revoie (en toute amitié) une fois de retour au bureau. L’idée est de le faire tant que je suis encore dans ses bonnes grâces.

Les garçons se sont eux aussi mis en valeur et nous sommes rejoints dans le couloir par une Alycia qui veut visiblement marquer le coup auprès de Dom, arborant une très jolie robe blanche.

Je manifeste mon approbation par un sifflement appréciateur, qui fait rougir Alycia et déclenche les tendances violentes de Sasha, qui me reprend d’une tape sur la main. Elle joue la fille jalouse, mais n’arrive pas totalement à dissimuler l’amusement dans son ton lorsqu’elle dit :

- T’es supposée n’avoir d’yeux que pour moi tu te souviens ?

Mon regard croise le sien :

- C’est le cas, n’en doute pas une seule seconde.

C’est certainement très très con, mais ça fait du bien de pouvoir m’exprimer, même si je suis certaine à 99% qu’elle va prendre ça à la rigolade. Ce qui est le but si je suis tout à fait honnête. Mais il n’en reste pas moins qu’on n’est pas très loin de la vérité en ce moment. J’en reviens pas d’avoir changé d’avis du tout au tout en ce qui la concerne.

James mime des bruits de relents, bien trop réalistes à mon goût, avant de dire :

- Oh les tourterelles ! Pensez un peu à celui qui tient la chandelle svp ! Ce n’est pas possible d’être autant au taquet l’une avec l’autre !

Mes yeux viennent trouver ceux de ma collègue et l’on échange un regard amusé devant les frasques de James. Pour un génie autoproclamé, il y en a un qui va se sentir con en fin de journée…

On s’empile dans l’espèce de mini-navette louée par l’entreprise pour nous amener au lieu du déjeuner. Je ne vois pas ce qu’ils reprochent à notre salle de formation, mais hey, c’est eux qui paient.

Sasha est bien évidemment à côté de moi durant le trajet et je ne peux m’empêcher de remarquer la manière totalement naturelle qu’elle a de mettre sa main sur ma cuisse. C’est bizarre de me dire que ce soir ce sera fini.

Les autres occupants nous jettent des regards en coin et vu leurs sourires niais je suis persuadée qu’ils nous perçoivent comme le petit couple amoureux que l’on n’est pas. James devrait d’ailleurs être plus méfiant que ça, il sait pertinemment que je ne suis pas spécialement démonstratrice, alors ça devrait être louche que je tolère d’avoir Sasha dans mes pattes toute la journée.

Le trajet dure une vingtaine de minutes et se déroule dans une bonne ambiance. La salle est décorée très sobrement, des tables rondes recouvertes de nappes blanches et sur lesquelles trône de la vaisselle certainement coûteuse prennent la majorité de l’espace.

Dès que l’on franchit la porte, tous les yeux se posent sur nous, la distraction étant bienvenue. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais arriver comme ça par la grande porte avec Sasha à mon bras me fait penser aux bals de fin d’année que l’on voit dans les films. Acné en moins et bon goût en plus j’entends.

Dom s’exclame :

- Eh ben, ils ont mis les petits plats dans les grands !

Ce qui encourage James à y aller de son commentaire :

- Ils doivent vouloir qu’on revienne.

La nourriture n’est pas mauvaise, mais je suis au bout de ma vie. J’ai conscience qu’il s’agit d’un repas professionnel, mais mes collègues se sentent visiblement obligés de parler de boulot chaque seconde et je n’ai vraiment pas la tête à ça. Bande de rabat-joie !

En plus, je risquerais de leur apprendre des trucs si je participais à la discussion et j’ai un voyage à gagner. Toujours conserver son objectif en ligne de mire !

Hors de question que cette parenthèse me coûte ma place. En rentrant, je vais cravacher et ma récompense sera de me prélasser au soleil aux frais de l’entreprise !

Sasha colle sa chaise à la mienne et à mon grand dam, participe à la conversation, même si elle n’a pas l’air d’être autant investie que les autres.

J’ai conscience que ça pourrait me valoir une ordonnance restrictive m’interdisant de m’approcher à moins de 200 mètres si j’étais prise, mais je renifle discrètement son parfum. Je ne sais pas ce que c’est mais je suis vraiment fan.

En même temps, plus ça va plus mon crush empire. Maintenant, il suffit d’un sourire, parfois même juste un regard pour que mon cœur se mette à battre un peu plus vite.

Nous sommes à table depuis 90 minutes environ, mais j’ai l’impression que ça fait des heures qu’elle me frôle, me chuchote à l’oreille et m’adresse des sourires, juste parce que.

Il faut absolument que je réussisse à prendre du recul et me détacher d’elle. Ce n’est pas sain d’être focalisée à 100% sur Sasha, de profiter de ses attentions et me faire des films.

Or, c’est exactement ce que je suis en train de faire depuis qu’on est arrivées.

Extérieurement, je ne moufte pas, mais intérieurement je manque de faire un arrêt lorsqu’elle place nonchalamment sa main sur ma cuisse. Certes, elle est à peu près au milieu niveau hauteur, mais clairement plus vers l’intérieur qu’au-dessus.

N’y prête pas attention.

C’est pour le show.

Même si c’est sous la table et que je ne suis pas sûre que qui que ce soit va remarquer l’angle de son bras…

Comme pour m’empêcher de penser à autre chose et s’assurer que mon échec est ÉPIQUE, elle se met à faire des petits mouvements de pouce, certainement inconscients…

C’est fini.

Juste comme ça, mon niveau de participation à la discussion passe de très faible à inexistant.

Au cas où vous n’étiez pas au courant, la cuisse est une zone particulièrement érogène.

C’est la seule explication pour laquelle j’ai l’impression que les mouvements de son doigt se font une vingtaine de centimètres plus haut.

Après avoir imaginé des choses tandis que les autres parlaient boulot, je suis beaucoup trop réceptive…

Il va falloir que je vire sa main, et vite. J’attends juste d’accumuler la force mentale nécessaire afin d’être certaine de la décaler dans le bon sens.

J’observe son profil, voulant capter son regard et lui faire comprendre que ce n’est PAS ok de profiter du fait que je suis en manque pour ruiner mes sous-vêtements sans mon accord, mais elle fixe résolument la table.

Plan B donc.

Je gigote un peu, faisant mine de me réinstaller, espérant que le mouvement de ma jambe va l’inciter à cesser tout contact physique.

Sa seule réaction est de me glisser un sourire et d'effectuer une petite pression de sa main.

Bah, je ne suis plus à un échec près…

En revanche, la nouvelle position me fait remarquer que mon trouble ne se manifeste pas que dans ma tête.

Comment dire…

Si jamais, dans un accès de folie difficilement justifiable, je décidais de retirer les vêtements couvrant la moitié inférieure de mon corps, j’aurais toutes les peines du monde à éviter l’effet toboggan et rester en place sur ma chaise.

Ok, j’exagère un peu, mais vous voyez l’idée…

Est-ce qu’elle a conscience qu’elle me “chauffe innocemment” là ? Encore 5 minutes de ce traitement et je vais faire quelque chose que je ne suis pas sûre de regretter…

Ce qui signifie qu’il est grand temps de fuir.

Ok, Héléna.

Lève-toi, va prendre l’air et essaie de ne pas marcher comme une fille dont les sous-vêtements ont connu des jours meilleurs.

Ayant hâte de faire descendre la pression que je suis la seule à ressentir, je recule ma chaise comme une brute, raclant les pieds au sol, ce qui attire le regard de tout le monde sur moi.

Leur offrant un sourire crispé, le même qu’un candidat perdant à la présidentielle qui devrait répondre à la question “à votre avis, pourquoi Machintruc vous a battu ?”, je ressens le besoin de me justifier :

- Je vais faire un tour, à tout à l’heure.

Ne demandant pas mon reste, j’attrape ma veste, que j’avais placée sur le dossier de ma chaise et me dirige rapidement vers la sortie. L’air frais va me faire du bien.

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Une fois les portes passées, je vais au coin de l’immeuble et m’adosse au mur, respirant un bon coup. Je ferme les yeux et soupire en entendant des pas dans ma direction.

Sérieusement ? Je ne peux même pas faire un break de deux minutes ?

Ouvrant les paupières, j’ai la ferme intention d’évacuer une partie de ma frustration sexuelle en agressant verbalement le relou qui a eu l’audace de me suivre.

 - Hey. Ça va ?

Les remarques acerbes meurent dans ma gorge lorsque mes yeux se posent sur Sasha :

- Oui, t’inquiète.

Je n’extrapole pas et lui adresse un petit sourire crispé. Même si ça me touche qu’elle ait pris la peine de venir vérifier que je suis ok, mon échappatoire devient totalement contre-productive si elle s’isole avec moi, alors avec un peu de chance elle va faire demi-tour si je ne suis pas bavarde.

Bien évidemment, comme rien ne va jamais dans mon sens, elle se contente de s’installer à proximité respectant partiellement mon envie de solitude en gardant le silence. Regardant le ciel nuageux, je profite de l’instant. C’est rare de trouver quelqu’un avec qui l’on peut être confortable sans rien dire.

Rêvassant, je repense aux bons moments passés lors de la formation. Vu toute l’affection que je lui portais au début du voyage, c’est étonnant de voir à quel point ma collègue occupe une place primordiale dans la plupart d’entre eux. J’ai généralement du mal à m’ouvrir et m’attacher, alors ça me tue de me retrouver dans une situation pareille avec Sasha.

Sa respiration un peu saccadée attire mon attention. Posant les yeux sur elle, je vois qu’elle se frotte les bras :

- Froid ?

Elle acquiesce vigoureusement de la tête, s’exclamant :

- Oui, je comprends pas comment on a pu perdre autant de degrés depuis la gay pride !

Levant les yeux au ciel devant ses frasques, je relativise :

- Ça va l’exagération ? C’est pas si terrible.

Elle me regarde, sourcils froncés et lèvres serrées. J’ai très envie de lui pincer les joues, mais ça me vaudrait sûrement quelques bleus alors mieux vaut m’abstenir.

- Tu dis ça, mais non seulement tu es à tomber dans ta tenue, mais en plus elle est à l’épreuve du froid.

J’essaie vaillamment de contenir mon sourire, mais c’est peine perdue :

- À tomber ?

Lâchant un soupir très clairement exagéré, elle réplique :

- J’aurais dû savoir que c’est ça que tu allais retenir.

Hey, c’est pas tous les jours que la femme qui vous attire vous lance un compliment pareil !

Exhalant bruyamment à mon tour, je m’apprête à retirer ma veste pour la lui donner. Si elle attrape une pneumonie à tous les coups ça va être considéré comme ma faute et ce n’est pas comme si je n’avais rien en dessous.

J’esquisse à peine le mouvement qu’elle m’arrête :

- J’ai une meilleure idée.

N’attendant pas mon aval, elle se colle à moi entre les pans écartés de ma veste.

Environ 1 seconde plus tard, je la sens défaire le premier bouton du gilet de mon costume et glisser sa main le long de mes côtes, longeant mon soutien-gorge. Satisfaite, elle pousse un petit soupir et place sa tête sur mon épaule, son autre bras dans mon dos, sous ma veste.

Elle est sérieuse là ?

Je reste les bras ballants, ne sachant pas comment réagir face à la réaction quasi viscérale que sa proximité m’évoque. Mon cœur se met à battre comme un dingue et ça m’étonne que la main sur mon flanc arrive à tenir en place, j’ai l’impression d’avoir un tremblement de terre dans la poitrine.

C’est horrible parce que d’un côté je veux la repousser pour ne pas qu’elle découvre mon *pas si* petit secret, de l’autre j’ai appris à apprécier qu’elle soit aussi tactile avec moi.

Comme toujours, la raison l’emporte et je m’entends demander :

- Sasha ? T’es au courant que personne ne va nous voir ici ?

Le message est clair je crois.

Pas besoin de jouer la comédie.

Tu peux te reculer…

Maintenant par exemple...

Elle relève la tête et m’adresse un regard contrarié avant de revenir exactement dans la même position, marmonnant :

- J’ai froid et t’es toujours brûlante.

C’est pas vraiment une justification pertinente par rapport à ma question et mon côté je-sais-tout s’apprête à le lui faire remarquer, mais elle me prend de court en reprenant la parole :

- Stp... Je veux juste un câlin.

Il y a quelques semaines, elle aurait perdu deux dents si elle avait osé rien qu’esquisser un dixième de ce qu’elle vient de faire et son besoin d’affection elle aurait pu se le coller où je pense.

Mais aujourd’hui, j’accorde de la valeur à ses envies, sûrement trop si l’on considère que pour le coup sa requête est à mes dépens.

Dans un soupir pseudo-agacé très largement surjoué, je réponds enfin à l’étreinte, l'enlaçant à mon tour, ce qui lui extirpe un petit son de contentement.

Fermant les yeux, je m’autorise un moment de paix à profiter de notre proximité sans m’inquiéter. J’aurais bien assez le temps de tout décortiquer et suranalyser à mon retour au bureau.

Malheureusement, l’instant tranquillité se termine en queue de poisson lorsqu’elle chuchote :

- Ton cœur bat vite.

Pile au moment où mon cerveau comprend la signification de ses mots, l’organe susmentionné s’arrête.

OMG non.

Pas comme ça.

Ok.

Inspire.

Expire.

Maintenant justifie-toi d’un air décontracté :

- Ouais, désolée, je pensais au voyage retour, prendre l’avion me rend nerveuse.

Si je pouvais sortir de mon corps, je me donnerais une tape dans le dos. C’est l’un des meilleurs mensonges que j’ai pondu, il est crédible !

- Oh… Je te rassurerai va.

Voulant marquer mon point, je la poke au niveau du flanc du bout de mon doigt, répliquant :

- À d’autres. C’est juste une excuse pour avoir des câlins.

Sasha relève la tête pour croiser mon regard, un sourire coquin aux lèvres, n’essayant même pas de nier :

- Hé, c’est pas ma faute si en réalité t’es une espèce de nounours grognon qui adore mes attentions et qu’en plus tu sens bon ! 

J’ouvre la bouche, mi-offusquée mi-épatée par son audace ! Ah ouais, carrément ! La nana n’a peur de rien !

- J’ai dû mal entendre, comment tu m’as appelée là ?

Elle se détache de moi, me tirant légèrement par la main en direction de la porte :

- Allez viens, on retourne à l’intérieur…

Ouais c’est ça.

Attention hein !

Voulant asseoir mon autorité, je lance un :

- J’aime mieux ça.

Elle tourne la tête, lâche ma main et termine sa phrase avant d’accélérer le pas :

- Nounours grognon.

- Viens ici tout de suite Sasha !

Elle fait volte-face et marche à reculons, haussant les sourcils à répétition, me narguant ostensiblement.

Réflexion faite c’était mieux quand on ne se connaissait quasiment pas et qu’elle avait encore un peu de respect…

11 mars 2018

Chapitre 13

On se retrouve tous les trois comme des imbéciles devant l’immeuble, chacun une part de tarte en main, Sasha en ayant une supplémentaire pour Chris.

C’était pas mon idée.

Une fois que ce dernier nous fait grâce de sa présence, James demande :

- Bon, vous avez une préférence ?

Sasha hausse les épaules, croque dans sa part et dit :

- Je m’en fo --- Mhhh Héléna c’est méga bon !

Elle m’observe avec des yeux écarquillés et je mange également pour tenter de dissimuler mon sourire.

James et Chris suivent la lancée et me complimentent à leur tour, mais l’effet n’est pas le même. Une fois qu’on a fini, nous nous mettons en route en direction d’une salle d’arcade. La main de Sasha frôle la mienne, trop de fois pour que ça soit autre chose qu’un message et je m’en empare comme si c’était la chose la plus naturelle du monde.

Elle m’adresse un sourire tandis que nous marchons côte à côte, suivant nos collègues.

De ce que j’en sais, Chris n’est pas au courant de la charade et je suis assez étonnée que Sasha se montre ouverte aux démonstrations d’affection devant lui. S’il remarque, il n’en dit rien. Après il n’est pas impossible qu’elle se serve de moi pour lui faire comprendre que ses avances ne sont pas les bienvenues…

On s’installe tous les quatre et commandons à boire et des jetons, le temps de regarder la sélection de machines à disposition.

Finalement, les mecs se dirigent vers une borne proposant un jeu de rallye,  tandis que Sasha me traîne vers deux motos.

Elle se tourne vers moi, les yeux brillants :

- Prépare-toi à te faire éclater !

Je secoue la tête, amusée, la gratifiant même d’un :

- Que la meilleure gagne.

Sasha insère les jetons nécessaires à notre partie et chevauche son engin, plaçant ses mains de part et d’autre du réservoir, m’observant de bas en haut.

Est-ce qu’elle jauge la compétition ou se rince l’œil ? Avec toutes ces conneries, c’est difficile de faire la différence.

Que ce soit l’un ou l’autre, je m’assure d’être la plus fluide et gracieuse possible. Je veux qu’elle pense que j’ai fait ça toute ma vie. Le secret est d’instiller le doute dans l’esprit de l’adversaire. La partie commence et comme l’avant est fixe, il faut pencher ses fesses pour tourner.

J’aurais peut-être mieux fait de juste la regarder jouer.

Après le premier tour, nous sommes au coude à coude. C’est toujours le cas lors du troisième et dernier tour de l’énorme circuit. Lorsqu’elle prend un tournant à la corde un peu trop serré, ma roue avant semble taper celle à l’arrière de sa moto, l’envoyant dans le décor et manquant de peu de me faire suivre le même chemin.

Je passe la ligne d’arrivée victorieuse et me relève en grande pompe pour célébrer sa défaite.

Immédiatement, elle descend et vient se planter à approximativement deux millimètres de mon visage :

- J’allais gagner ! T’as triché !

Ravie de constater qu’elle est agacée, je m’approche un peu plus et en rajoute une couche :

- J’y peux rien si tu n’arrives pas à contrôler ta machine. Quoi qu’il en soit, le résultat est inscrit sur l’écran. Tu veux que je t’aide à le lire, loser ?

Bien loin de se reculer, je sens une expiration offusquée frôler mes lèvres, tandis que ses yeux verts et passablement énervés me fusillent littéralement.

Elle fulmine et j’en viens à me demander si donner un coup de pied dans la ruche était ma meilleure idée…

Fort heureusement, nous sommes rejointes par les garçons. James place ses bras entre nous, comme si on était sur le point de se battre :

- Oh oh oh les filles, on se calme, c’est qu’un jeu.

Sasha me pointe du doigt et s’exclame :

- Elle a triché !

Chris sourit devant son comportement puéril tandis que j’essaie (sans succès) de masquer mon amusement.

James me lance quant à lui un regard entendu, tapote mon épaule et annonce :

- Suis-moi, je voulais tester un truc avec toi.

Voyant qu’il pointe en direction du côté opposé de la salle, j’ai la forte intuition qu’il n’est pas question de jouer, mais de m’isoler pour pouvoir parler tranquillement.

Et en effet, nous sommes à peine installés depuis quelques secondes devant un jeu de tir qu’il me glisse :

- Alors ? Tu comptes attendre combien de temps encore pour me remercier ?

- J’attends que tu meures !

Du coin de l’œil, je le vois tourner la tête dans ma direction, sourire et reposer son arme tandis que son personnage se fait attaquer.

Refusant d’entrer dans son jeu, je m’efforce de le défendre, mais il décède, mon soldat suivant le même chemin quelques instants plus tard.

L’air fier de lui, il patiente les bras croisés, jusqu’à ce que je vienne trouver son regard :

- J’attends.

- T’es pénible.

La dernière des choses dont j’ai envie, c’est de le remercier. J’étais bien dans mon manteau d’innocence, à détester cordialement ma collègue. Et maintenant je dois être reconnaissante pour une attirance à sens unique et une fausse relation me montrant tout ce que je rate ? Super.

- J’attends toujours…

Du ton le moins sincère à ma disposition, je cède, n’ayant pas envie de m’attarder sur le sujet :

- Merci.

Satisfait de ma réponse, aussi faux cul qu’elle soit, il lance une nouvelle partie :

- Je suis content pour vous. T’es beaucoup plus souriante ces derniers jours.

Cette nouvelle me fait grimacer. J’espère qu’il est le seul à avoir remarqué.

- Par contre, si vous pouviez limiter les regards énamourés ou alors me fournir les sacs à vomi je vous en serais reconnaissant.

Tournant mon arme dans sa direction, j’appuie sur la gâchette, ce qui ne sert à rien si ce n’est à faire passer le message.

- T’es juste jaloux.

Mais t’as pas de raison de l’être… Vraiiiment pas.

À vrai dire, s’il savait il aurait peut-être même pitié de moi.

- Exactement Héléna. Je suis fou amoureux de toi et je n’osais pas t’en parler. Veux-tu m’épouser ?

Quel petit con !

Levant un sourcil, je m’apprête à lui asséner une réplique bien sentie, mais suis battue sur le fil par Sasha:

- Tssss… Je ne peux pas te laisser sans surveillance deux minutes c’est ça ?

Je me tourne vers elle, les yeux écarquillés. Elle plaisante j’espère ? On en parle d’hier soir ?

- C’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité tu ne crois pas ? 

Ignorant royalement ma remarque, elle s’approche et demande :

- T’as gagné ?

- Bien évidemment.

Sachant saisir une opportunité quand elle se présente, James en profite :

- Elle a triché !

Souriant, Sasha vient croiser mon regard et s’exclame :

- M’étonne pas !

On continue notre tour, passant d'une machine à une autre pour finalement atterrir devant un jeu d’air-hockey. Immédiatement, Chris se vante de pouvoir tous nous éclater. J’ai de sérieux doutes sur ses capacités et n'hésite pas avant de rouler des yeux d’une manière peu discrète. Lui et son égo... Prenant ma réaction comme une provocation, il défie James, le considérant probablement comme l’adversaire le plus digne. Avant de commencer la partie, il demande :

- C’est quoi la récompense en cas de victoire ?

Haussant un sourcil, Sasha annonce :

- La gloire.

Il la regarde d’un air dubitatif et tente sa chance :

- Un baiser ?

James m’observe, s’attendant certainement à une réaction de ma part. Sauf que même si ma collègue était réellement ma copine, je ne suis pas du genre à agir comme un chien de garde. Je préfère très largement qu’elle dise non elle-même, tout en restant à proximité si elle souhaite de l’aide.

Secouant immédiatement la tête en signe de négation, elle fait une contre-proposition qui ne me plaît pas du tout :

- Un bisou sur la joue d’Héléna et moi si tu nous bats tous les trois.

Hey ! Pourquoi elle m’implique là-dedans ? J’ai plus envie de déménager au Yémen que de l’embrasser, même sur la joue. Il représente tout ce qui pourrait me convaincre d’être homo, si notre sexualité était un choix !

Elle a qu’à dire que James l’embrassera, pas moi !

Lui filant un coup de coude dans les côtes, je croise le regard de Sasha et lui fais les gros yeux, m’apprêtant à ouvrir ma bouche pour contester ma participation. C’est sa main sur mon bras, tentant de m’en dissuader qui m’en fait douter.

Chris réfléchit millième de seconde puis acquiesce, visiblement content du deal...

Et merde. J’ai raté le coche, trop tard pour me désister.

J’espère pour elle qu’elle sait ce qu’elle fait, sinon ma vengeance sera terrible.

C’est tout sourire qu’il insère les jetons dans la table, lançant le système d’aération permettant au palet de glisser plus vite :

- On va jusqu’à 10, que le meilleur gagne !

Le premier match commence et arrivé à 7-2, il paraît peu probable que James remporte la victoire.

Effectivement, 4 palets plus tard, c’est à mon tour de briller. Hors de question que je passe en dernier et sois celle sous pression si jamais les deux premiers perdent. Il est évident que pour le coup, Chris ne s’est pas vanté sans fondement et je ne donne pas bien cher de ma peau.

Il insère les jetons et m’adresse un sourire arrogant, plaçant le palet pour l’engagement. Évidemment, James et Sasha me soutiennent, refusant de croire au fait qu’on va tous les trois se faire écraser.

Franchement, je m’en sors pas trop mal ! On est à 6-5 en ma faveur et je vois que Chris commence à douter.

- Alors Champion, on faiblit ?

J’espère que ma provocation va suffisamment l’agacer pour qu’il se mette à faire des conneries, car pour être tout à fait honnête, mes deux derniers points relèvent plus de la chance que d’autre chose.

- Arrête de parler et joue, garde tes lèvres en parfaite condition pour après.

Il ponctue sa phrase en faisant la bouche en cœur, pour mon plus grand effroi.

Ohhhh que non !

J’essaie de masquer l’horreur sur mon visage, mais suis totalement perturbée. Et malheureusement, ça se ressent dans mon jeu.

Ça suffit pour qu’il prenne l’ascendant… Parfois je me déteste.

Tandis que je laisse la table derrière moi, défaite, j’attrape le bras de Sasha qui s’avance pour me relayer, lui murmurant à l’oreille :

- T’as pas intérêt à merder !

Loin d’être impressionnée, elle m’adresse un sourire complice et annonce, accompagné d’un clin d’œil :

- Garde tes lèvres en parfaite condition pour après.

Ça me fait rigoler et a le mérite de désamorcer une partie de la tension que je ressens. Le match commence, James encourageant bruyamment Sasha, sa solidarité masculine étant réduite à néant après l’humiliation qu’il a subie.

Franchement, elle s’en sort bien et ils sont au coude à coude. Ayant certainement compris que c’était partiellement en me perturbant qu’il avait remporté la victoire, Chris n’arrête pas de lancer de petites phrases du genre : “j’ai bien fait de me raser ce matin”, “James, je compte sur toi pour prendre une photo du moment”, “deux pour le prix d’une, merci pour le deal Sasha”...

Si je voulais déjà que ma collègue gagne, plus il ouvre la bouche plus je m’agace. Certaines remarques me mentionnent, mais il me paraît évident que Sasha semble être plus à son goût, puisqu’il lui adresse une tonne de clins d’œil et baisers volants.

Peut-être que c’est juste parce que c’est elle contre qui il joue, mais je ne crois pas.

Dans tous les cas, ça me saoule. J’aurais dû me montrer plus affectueuse avec elle, il se serait sûrement mieux comporté, ce n’est pas un secret que j’ai mauvais caractère et avec un peu de bol je lui aurais fait peur.

Les minutes s’étirent, le score atteignant 9-9 et au vu de la réaction de mon cœur, je suis beaucoup trop investie compte tenu du très faible enjeu.

Le dernier point est très disputé, manquant de rentrer plusieurs fois. Les yeux de tout le monde sont rivés sur le palet filant à toute allure d’un but à l’autre, jusqu’à ce que Sasha fasse un coup en rebond que Chris n’arrive pas à intercepter.

- YES !

Honteuse, je baisse les bras que j’avais levés au ciel sans même m’en rendre compte. Mes trois collègues me regardent, James et Sasha d’un air amusé, Chris nettement moins.

Sasha abandonne son poussoir sur la table et s’apprête à la contourner pour venir me voir lorsque son amoureux transi tente sa chance :

- Une revanche ?

- Nan.

- Un bisou juste de toi alors, j’ai gagné 2 parties sur trois quand même, ça mérite quelque chose.

C’est bon oui ? Il en a pas marre d’insister ? Décidant d’intervenir, je prends la parole :

- Vraiment désolée, mais c’était pas ça le deal !

Il est possible que mon ton ait laissé transparaître le fait que je ne suis pas DU TOUT affligée par sa défaite, mais n’est pas actrice de génie qui veut…

Ignorant le regard agacé que ma réplique me vaut, je tourne mon attention en direction de Sasha et lui fais signe de s’approcher de mon index. Elle vient en sautillant à moitié, un petit air arrogant fermement en place.

Sur elle je trouve ça plutôt mignon, mais je ne le reconnaîtrai pas !

Arrivée à mes côtés, elle tapote sa joue et attend.

Je suis prise d’un doute. Ça pourrait (à juste titre) être considéré comme du favoritisme…

Je pourrais m’en sortir en faisant remarquer qu’il n’a jamais été question de récompense en cas de victoire de notre camp, mais je lui ai fait signe et vu comme Chris se moquait de nous, c’est l’occasion de le lui faire regretter.

Je m’approche d’une Sasha très souriante, qui écarte son doigt pour me laisser place libre.

J’ai envie de marquer le coup et étant donné que James est présent elle n’est pas exactement en position de refuser, alors…

Ma main se place sur sa joue, l’encourageant à me faire face et dès que c’est le cas je n’hésite pas à venir poser mes lèvres sur les siennes.

Si elle est surprise, elle le dissimule bien et répond au baiser sans perdre une seconde. Même si ce n’est que pour le show, ça me fait quelque chose de voir qu’elle n’objecte pas un seul instant.

J’entends Chris émettre un petit son de surprise et ne peux m'empêcher de sourire tandis que nos lèvres se cherchent doucement, l’ensemble restant très chaste.

Et ouais mec, la grande gagnante dans l’histoire, c’est moi !

Je me recule en premier, mon regard amusé venant croiser celui de ma collègue, qui me donne un coup dans le bras avant de chuchoter :

- T’es vraiment une garce, le pauvre !

Dire que la culpabilité m’étouffe serait une grossière exagération, mais c’est vrai que lorsque je regarde Chris et le vois être totalement dégouté, j’ai limite des regrets.

Mes yeux se posent sur Sasha, qui n’arrive pas tout à fait à me regarder dans les yeux et dont les joues adoptent un ton légèrement rosé absolument trognon.

Limite.

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- Ils ne remarqueront pas si je ne viens pas.

Croisant les bras pour marquer mon point, je vois Dom me lancer un regard désabusé et répondre :

- Si je suis forcé d'y aller toi aussi. Allez ce sera sympa, c'est notre dernier repas avant de partir.

On ne doit pas avoir la même définition de "sympa", parce que selon moi ça n'implique pas un déjeuner formel avec mes collègues. Chiant, ennuyeux, mortel, pénible, atroce... Ça oui.

Sympa ? Non.

Lui adressant un regard indiquant clairement le fond de mes pensées, je concède ma défaite, râlant plus par principe qu'autre chose :

- Ouais bah j'ai jamais autant eu hâte de prendre l'avion.

Sachant reconnaître mes grommellements pour la confirmation qu'ils sont, Dom me donne une petite tape dans le dos et s'éloigne, me laissant aller me préparer.

J'entre dans la salle de bain et la porte percute Sasha, plantée devant le miroir, l'air dépitée.

L'idée que je ne sois pas la seule n'ayant pas la moindre envie de m’y rendre m'extirpe un sourire. On a au moins ça en commun.

Croisant son regard dans le reflet, je fais un signe de mon pouce derrière moi et annonce :

- Désolée. Appelle-moi quand tu as fini.

Plutôt que d'acquiescer comme je pensais qu'elle allait le faire, Sasha m'adresse un regard implorant et demande :

- Tu veux bien me filer un coup de main ?

Je m'apprête à lui indiquer qu'elle n'a pas besoin d'aide pour se préparer, mais réalise que c'est l'une des dernières occasions que j'aurais de passer du temps avec elle avant de repartir en fin de journée.

- Bien sûr.

Elle s'assied sur la baignoire et me tend sa trousse à maquillage sans dire mot.

À force de l’observer, je commence à connaître sa manière d’être et là, j'ai l'impression que quelque chose ne va pas. La manière dont ses yeux sont moins brillants, je ne sais pas trop comment le décrire.

Mais peu importe.

J’ai un peu peur de demander.

On s'entend bien et j’admets que ce que je connais d’elle me plaît, mais nous ne sommes pas pour autant à un stade « meilleures amies pour la vie » où l'on se raconte nos malheurs.

Tendant le bras en arrière à l'aveugle, j'attrape le petit tabouret sur lequel on pose nos affaires lorsqu’on se douche et le traîne vers moi, m'asseyant dessus pour lui faire face :

- T'as une préférence ?

Ses yeux verts viennent caresser mon visage, et d'une voix plus vulnérable que d'ordinaire, elle demande :

- Rends-moi belle.

Dans n'importe quelle autre circonstance, j'aurais lancé une remarque du genre "c'est du maquillage, pas de la magie", mais pour le coup j'opte pour la version douce.

Voulant lui remonter le moral, je fais une scène durant laquelle je l'observe sous toutes les coutures avant de poser le maquillage sur le lavabo et m'exclamer :

- Tadaaaa.

Elle lève les yeux au ciel, mais constatant que ça lui extirpe un sourire malgré tout, je capitalise dessus :

- Qu'est-ce que j'ai cru voir Sasha ? Les coins de tes lèvres ont défié la gravité !! Oh mon Dieu mais t'es ma-gni-fique quand tu fais ça ! Un vrai miracle ! Mon talent est sans limite !

Sasha reprend possession de la trousse, qu'elle me fourre dans les bras en lançant :

- Maquille-moi comme un camion volé, c'est tout ce que je demande.

C'est une flagrante tentative pour détourner mon attention de ses joues rougissantes, mais elle sourit alors ça me va.

Est-ce que mes compliments lui plaisent secrètement ou la mettent juste mal à l'aise ?

Bah, si je continue dans la métaphore douteuse, elle pourra choisir de prendre le tout à la rigolade :

- T'inquiète, tes mécaniques vont rutiler comme jamais, ils ne retrouveront pas ton vrai numéro de série.

- Qu'est-ce qui te fait croire que quelqu'un va jeter un œil sous mon capot ?

Souligner qu’elle est celle qui a lancé le sujet "véhicule volé" serait l'option facile. Pas pour moi donc.

Et puis il faut que j'en profite tant que je peux, avec du bol j'obtiendrais la moue répugnée qui me plaît tant :

- Tu ne t'es pas toujours montrée aussi réticente à l'idée que je mette les mains dans ton cambouis...

- Ewww Héléna, dégueu !

Je n'essaie même pas de retenir mon sourire satisfait et commence à la maquiller.

Comme elle ne m'a pas donné d'indication et qu'à mon sens elle n'a pas besoin de ça pour être belle, j'opte pour des tons plutôt naturels.

Tapotant le pinceau applicateur dans le fard choisi, je profite de la distraction pour demander d’un air aussi détaché que possible :

- Tu veux en parler ?

Mes yeux vont trouver les siens et je peux y lire la surprise. J’imagine qu’elle ne pensait pas que je remarquerais. On est assez proches et en attendant de savoir si elle veut me dire ce qui ne va pas ou non, je l’observe, mémorisant chaque détail.

Ses iris sont d’un vert très pâle au centre et entourés d’une corolle plus foncée à l’extérieur. Ça rend son regard perçant, la couleur contrastant totalement avec le noir profond de ses pupilles.

Je suis tellement focalisée là-dessus que je ne remarque qu’elle ne parle uniquement parce qu’elle baisse les yeux dans un haussement d’épaules :

- Rien de bien grave. Juste… Ça me fait bizarre de se dire que c’est fini ce soir. Je m’étais habituée à vos conneries.

Sérieux ? C’est pour ça qu’elle est un peu triste ?

Ohhhhh elle est troooop mimi.

Un sourire étire mes lèvres tandis que j’essaie de la réconforter :

- Hey… C’est la fin de la formatio,n mais on travaille encore tous dans la même entreprise et dans la même région…

Mon “on pourrait se voir” est implicite et c’est mieux ainsi. J’ai déjà suffisamment l’impression de tendre le bâton pour me faire battre.

Sasha relève la tête pour m’observer, cherchant certainement à jauger ma sincérité. En même temps, qui peut l’en blâmer, j’ai connu des portes de prison plus sympas que moi avec elle avant que je ne prenne le temps de la découvrir, alors un revirement de situation pareil…

Elle fait un sourire timide, que j’interprète comme une porte entrouverte, un “on verra”.

J’ai sûrement tort d’espérer la voir dans un contexte amical après la formation, mais j’ai l’impression qu’on a encore des tas de choses à se dire, même dans nos silences.

Soupirant par le nez, j’applique son fard à paupières, contente d’être soulagée du poids de son regard.

Je le suis encore plus lorsqu’elle ouvre la bouche :

- Pour la grande révélation de notre blague aux garçons…

Mon visage se crispe involontairement face au sujet abordé. Je n’ai pas envie de parler de ça et encore moins qu’elle y fasse référence en disant : “la blague”.

Ça ne peut pas s’appeler comme ça si ça ne fait rire personne, non ?

- Hmmm?

- Je pensais qu’on pourrait faire ça à l’aéroport.

J’acquiesce d’un mouvement de tête, ne faisant absolument pas confiance à ma voix. Si elle perçoit que j’ai du mal à jouer les indifférentes, elle ne le montre pas et continue :

- Je me disais… Ça pourrait être drôle que l’une de nous renverse l’autre dans une position baiser de cinéma pour finalement lancer “ou pas”. Là on se relèverait pour se taper dans la main en mode “high five” ou se faire la bise… On pourrait même mettre quelqu’un dans la confidence, histoire de prendre une photo épique ou deux...

La première chose qui me vient à l’esprit est que ça ne sonne pas comme “tiens, j’ai une idée”.

Elle a déjà réfléchi à la question.

Depuis qu’on a commencé cette charade, je n’arrête pas de me dire que j’ai hâte qu’on en finisse, mais j’ai jamais vraiment percuté que ça pouvait être son cas aussi.

Ça me fait bien plus chier que je ne veux l’admettre.

Je fais mine d’être focalisée sur le choix d’un rouge à lèvres et réponds d’un ton évasif, sans croiser son regard :

-  Ça me va. C’est un bon plan.

Quoi qu’elle ait eu l’intention de répondre est réduit au silence par mon approche, tube en main.

Je trace le contour de sa bouche, essayant de ne pas m’attarder sur la forme de ses lèvres ni sur le souvenir des baisers qu’on a pu échanger. En termes de succès, on a vu mieux.

Une fois terminé, je me recule, partiellement pour admirer mon œuvre, mais surtout pour échapper à notre proximité l’espace de quelques instants.

Mes yeux se posent sur son visage, que le maquillage léger met parfaitement en valeur et un compliment m’échappe :

- Tu es magnifique.

Je suis tentée de rajouter que je vais faire des jaloux, mais garde les mots pour moi. Il n’est jamais trop tard pour se rappeler de sa place.

Sasha ne tourne même pas la tête pour se regarder dans le miroir, m’offrant un sourire radieux, le genre qui fait battre mon cœur un peu plus vite et réplique :

- Merci. T’es pas mal non plus.

Je lève les yeux au ciel en entendant ça. C’est gentil, mais hautement mensonger. Pour l’instant, je ne suis pas du tout apprêtée et elle le sait.

- Bon, maintenant que t’es présentable, à mon tour. File de là.

Ponctuant ma phrase par un minuscule sourire afin de retirer un peu de son mordant, je lui fais signe d’évacuer d’un mouvement de main.

 

7 mars 2018

Chapitre 12

On est dans un bar, avec les garçons et Alycia, à fêter les génies de l’amour autoproclamés.

Et je suis officiellement la pire imbécile que la terre ait portée pour avoir accepté cette blague pas drôle de base.

Sasha se montre affectueuse et c’est horrible. Je n’ose pas spécialement initier de geste tendre moi-même parce que ce serait abuser de la situation et je ne veux pas ça.

Lorsqu’elle finit enfin par se lever, non sans déposer un baiser sur ma joue, je peine à retenir un soupir de soulagement.

Immédiatement, Dom me lance :

- Si elle te fait du mal, je serai dispo pour t’aider à disposer du corps, promis.

Je regarde mon collègue et ami, toujours très dramatique, et réplique :

- Merci, mais ça ne sera pas nécessaire.

- Nickel. Passons aux vraies questions alors : c’est comment le sexe ?

Alycia frappe l’épaule de Dom et lui explique :

- Ça ne se demande pas !

James intervient :

- De toute manière pas besoin de confirmation de sa part, si j’avais su qu’il fallait qu’elle couche pour transformer grincheux en sœur sourire j’aurais organisé beaucoup plus de soirées à l’école !

- Ouais bah écoute moi bien Monsieur l’oracle du sexe, on -

Il m’interrompt en pleine lancée pour s’exclamer :

- Mais oui, c’est trop ça ! Je suis un oracle du sexe ! Le gourou de la fornication, le devin du coït, le vaticinateur de la copulation…

Mon Dieu… Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre...

J’avoue néanmoins que c’est assez drôle de les observer se vanter d’être à l’origine de notre « relation ».

- Avant de t’emballer et d’envisager une reconversion, écoute la suite : pour votre gouverne, on a choisi de ne pas se précipiter et de prendre notre temps.

Dom boude instantanément :

- Nul !

Adressant un clin d’œil à Alycia, je rétorque :

- Vois le bon côté des choses Dom, tu n’as plus à vivre par procuration.

- J’avoue.

Se penchant, il dépose un baiser sur ses lèvres et je souris devant ce geste.

James me regarde, les yeux plissés :

- Vous avez décidé d’attendre ?

Oh oh… N’oublie pas tes mensonges Héléna, il va falloir les relater à Sasha pour tenir le même discours.

- Oui.

- Elle doit vraiment être spéciale… Je veux dire, tu as toujours été très… au fait de tes pulsions.

-_-’

Ou comment fortement insinuer que j’ai chaud aux fesses.

Haussant les épaules, je n’essaie pas de nier l’évidence :

- Je sais ce que je veux et si l’autre personne est ok… C’est pas comme si je passais de femme en femme.

Et si j’ai couché sans avoir l’intention d’entamer une relation amoureuse, je me suis montrée très claire d’entrée…  

Sentant certainement que sa formulation était maladroite, il précise :

- Le prends pas mal. C’est juste que quand une nana a capté ton attention, elle ne met pas longtemps à craquer en général.

Ça m’extirpe un sourire. James est un coureur, mais bien souvent j’avais tout autant de succès que lui. Le fait qu’il le reconnaisse publiquement m’apporte une genre de fierté mal placée !

Ils reprennent une discussion qui ressemble moins à un interrogatoire et mes yeux sont irrémédiablement attirés par Sasha, accoudée au bar dans une petite robe vert émeraude qui marque sa taille fine et fait ressortir la couleur de ses yeux. Elle parle à un mec dont les intentions semblent claires et j’essaie d’ignorer les sentiments que ça m’évoque.

M’efforçant de suivre la conversation, je fais tout pour éviter de tourner la tête en direction du bar. Face à l’échec cuisant et avant que les garçons ne le remarquent, j’attrape mon sac et m’éclipse aux toilettes.

Regardant mon reflet dans le miroir, je me penche pour retoucher mon maquillage, comme on le ferait avec ses peintures de guerre avant la bataille.

Une fois satisfaite du résultat, je passe ma main dans mes cheveux et retourne à notre table.

Je les entends avant qu’ils ne me voient :

- Sérieux ? Tu ne trouves pas ça louche ? Non seulement elles ne couchent pas et en plus ça ne dérange pas Héléna que Sasha se fasse accoster sous ses yeux ?!

Putain de James. Il est trop observateur et intelligent pour son propre bien !

- Je les connais pas assez pour me prononcer.

Au moins, Alycia ne se prononce pas. Dom par contre :

- T’as pas tort. Maintenant que tu le dis… Tu penses qu’elles pourraient nous faire marcher ?

Oh non, hors de question de les laisser s’aventurer sur cette pente. Déposant mon verre sur la table pour leur signaler ma présence, je m’assieds comme si de rien n’était.

Sauf que s’ils me questionnent je suis mal.

Plan B.

J’en ai pas, mais je vais improviser.

Mon regard se porte sur Sasha, toujours occupée à taper la discute avec un étranger. C’est son idée de merde et c’est moi qui répare les pots cassés.

Buvant une lampée de mon verre, j’annonce que je reviens et marche en direction de ma collègue. Le mec qui la drague me fixe d’un drôle d’air en me voyant approcher, mais je ne lui prête pas la moindre attention.

Sans hésiter, je me glisse derrière elle, plaçant une main sur sa hanche et écartant ses cheveux pour lui murmurer à l’oreille, d’un ton ne dissimulant pas mon agacement :

- Si tu veux te le taper, prends son numéro et donne-lui rendez-vous plus tard, mais ne me laisse pas seule avec eux ! Quand je suis revenue des toilettes, ils étaient en train de se poser des questions. Je suis 100% pour arrêter cette charade alors si t’en as déjà marre, dis-le clairement !

Mes collègues nous regardent, c’est pourquoi je m’arrange pour que mon agacement ne soit perceptible qu’au niveau de ma voix.

Elle lève un doigt dans un signe “une minute” en direction de son interlocuteur et se tourne, laissant ma main en place et refermant les siennes derrière ma nuque :

- Jalouse ?

Ses lèvres s’étirent en un sourire coquin et je sais qu’elle plaisante, mais cette situation me saoule. Ignorant sa question, j’ajoute :

- Je pense que c’est mieux qu’on arrête les frais maintenant, on n’arrivera jamais à vendre cette histoire.

M’ignorant, elle écarte mes cheveux et sa bouche s’attaque au lobe de mon oreille. Le type à qui elle parlait y va de son petit commentaire approbateur, mais je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il raconte, trop occupée à ne pas me liquéfier.

- Sasha, je peux savoir ce que tu fais ?

Ses dents commencent à me mordiller, m’extirpant frisson sur frisson. Je résiste à l’envie de fermer les yeux, par peur de m’oublier dans l’illusion.

Ma collègue se recule, ses yeux verts venant trouver les miens dans la pénombre relative du bar. Sa langue parcourt ses lèvres lentement, comme pour me donner le temps d’objecter.

Face à mon silence, elle place la paume de sa main sur ma joue dans un :

- Fais-le.

Inutile qu’elle précise, je sais exactement à quoi elle fait référence.

Quand on en a parlé ce matin il n’était pas question de ça....

Je déglutis mais ne bouge pas, calculant mes options.

Pourquoi elle tient tant que ça à cette pauvre blague ?

Je secoue très légèrement la tête de gauche à droite, espérant que mon geste suffira à la dissuader étant donné que je ne fais pas du tout confiance à ma voix.

- Embrasse-moi Héléna.

Oh et puis merde.

Je ne suis pas une nonne… Tout le monde a ses limites et les miennes sont atteintes.

Ma main sur sa hanche attire son bassin plus à moi. Trouvant une ultime validation dans son regard, je me penche lentement jusqu’à venir capturer ses lèvres des miennes. Elle répond instantanément, la main toujours dans ma nuque m’incitant à me rapprocher davantage.

Pendant un moment, nos lèvres se cherchent, se frôlent, prennent le temps d’une lente découverte.

Techniquement, il s’agit d’une re-découverte mais ce baiser n’a strictement rien à voir avec celui de la kiss cam.

Je la sens demander la permission de sa langue et s’il me restait un soupçon de sanité d’esprit, j’aurais sûrement cessé le show tant qu’il était relativement chaste.

Mais j’entrouvre ma bouche et entends l’une de nous gémir lorsque nos langues entrent en contact. Le baiser, auparavant doux et lent, devient vite hors de contrôle.

Comme si j’avais été aimantée, je viens coller le reste de mon corps au sien jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une once d’espace entre nous. Ma main se resserre sur sa hanche dans un geste possessif et c’est en entendant le type s’exclamer :

- O...k. Je l’avais pas vu venir, mais ne vous gênez surtout pas pour moi les filles, j’approuve !

.. que je réalise où nous sommes. Je ralentis le baiser et me recule, gardant mon front contre celui de Sasha pour repousser le moment où je croiserai son regard.

Elle y lirait bien trop, j’ai besoin d’un instant pour me composer.

C’est elle qui est passée au niveau supérieur, mais j’ai répondu avec beaucoup plus d’enthousiasme que prévu. Je ne sais pas pourquoi j’ai laissé les choses aller aussi loin. Je cours à la catastrophe...

Elle exhale dans un rire :

- Je comprends nettement mieux pourquoi cette nana avait l’air tout à fait disposée à ce que tu la ramènes chez toi.

Je rigole à mon tour et lui frappe doucement le bras sans rien dire.

Elle se recule et vient croiser mon regard, le maintenant pendant quelques secondes avant de demander :

- Tu crois qu’ils doutent encore ?

Souriante, je réplique :

- Tu plaisantes j’espère ? J’étais moi-même à deux doigts d’y croire !

Elle baisse un peu la tête, comme gênée, mais m’adresse néanmoins un regard mi-timide mi-prometteur à travers ses cils.

Le type dont j’avais totalement oublié l’existence nous rappelle qu’il est toujours là dans un :

- Si vous voulez… On peut partir.

Oui mec, c’est ce qu’on va faire. Tu vas aller d’un côté et nous de l’autre !

Je lève les yeux pour l’observer par-dessus l’épaule de Sasha, haussant un sourcil l’air de dire “vraiment ?”.

Non pas que je puisse le blâmer, à sa place j’aurais aussi tenté ma chance et au moins il n’est pas insistant. Mais il est hors de question que je le touche, même avec un bâton. Fort heureusement, Sasha m’épargne l’annonce peu diplomate de mon désintérêt total pour son genre dans un :

- Désolée Simon, j’avais pas réalisé que… Tu vois.

Je plisse les yeux, fronçant les sourcils. Pas trop non…

Mais visiblement lui oui puisqu’il acquiesce d’un signe de tête, il lui sourit et indique :

- Pas de problème, je m’incline ! Amusez-vous bien.

Il me fait un clin d’œil complice et s’éclipse, nous laissant retourner à notre table où nos collègues font mine de n’avoir aucune idée de ce qui vient de se dérouler.

J’aurais pu y croire… Si je ne les connaissais pas...

M’asseyant à côté de Dom, je le vois m’adresser un pouce en l’air discret. On ne le changera pas. Prise d’une soudaine envie, je saisis la main de Sasha et entrelace nos doigts.

Elle me sourit et presse légèrement la mienne en retour.

Tandis que la conversation suit son cours autour de moi, je laisse mon esprit divaguer.

J’ai terriblement peur de m’y faire.

Comment va être le retour à la réalité ? J’ai comme l’impression que ça va me faire bizarre.

Est-ce que je devrais accepter de voir Rachel malgré tout ? Histoire de ne pas me retrouver seule… Ce ne serait pas très sympa pour elle, mais me considérer comme le plan de secours ne l’est pas non plus.

Sasha serre un peu ma main pour attirer mon attention.

- Ça va ? T’as l’air ailleurs.

J’acquiesce dans un sourire et lui dépose un baiser sur le front de la manière la plus naturelle du monde, ne le réalisant qu’après coup.

Il va être temps de te poser les bonnes questions Héléna, de prendre du recul, voire un bol d’air.

Sasha, loin de tout ça, place nos mains jointes sur sa cuisse, me caressant de son pouce.  

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La journée de formation est interminable et malgré la bonne humeur de mes collègues, je n’ai qu’une seule envie : me pendre ! Heureusement, il ne reste plus que 5 minutes.

Je n’ose pas regarder l’autre côté de la salle, sachant pertinemment par qui serait captée mon attention. Le problème quand on essaie de ne pas penser à quelque chose ou quelqu’un, c’est que ça ne marche pas !

Du tout !

Du coup, je dois constamment surveiller mes pensées et ne pas les laisser divaguer. Ça m’épuise.

Ce matin, je me suis levée tôt et ai évité le petit déjeuner. J’ai fait de même à midi. Je ne sais pas ce que Sasha a dit pour expliquer mon absence et m’en contrefous. L’important, c’est qu’ils ne m’ont pas posé de questions et que si j’arrive à limiter les interactions sociales pour le temps qu’il reste (ce soir et demain donc), ça devrait le faire.

Sauf qu’on a tous promis d’aider Dom à cuisiner, car il souhaite faire une surprise à Alycia et est un véritable désastre culinaire. En soi, je ne suis pas étonnée qu’il fasse ça, je ne sais pas si elle en a conscience, mais elle est tombée sur un type bien.

Dès que c’est l’heure, j’attrape mes affaires et attends patiemment mes collègues, demandant à Dom :

- Tu comptes lui faire quoi ?

Se tournant vers moi, il m’adresse un large sourire et annonce :

- J’ai acheté le nécessaire pour que tu puisses me faire deux tartes au citron meringuées.

- Deux ?

Haussant les épaules, il explique :

- Une pour mon repas romantique, l’autre pour que tu marques des points auprès de ta promise.

Quand on parle du loup, on en voit la queue. Ayant visiblement entendu la fin de notre conversation, Sasha place une main dans le bas de mon dos, dépose un bisou sur ma joue et demande :

- Qu’est-ce qui te fait croire qu’elle a besoin d’en marquer davantage ?

Je lui adresse un sourire, soulagée qu’elle ne m’ait pas embrassée, et tente ma chance :

- Je ne fais pas la seconde tarte alors ?

- Essaie pour voir !

Plissant les yeux, elle me fixe d’un regard pseudo menaçant pendant quelques secondes, avant d’emboîter le pas à nos collègues.

Nous retournons tous à l’appart et chacun s’attèle à sa tâche, avec Dom comme contremaître, chargé de mettre la table et de s’occuper de la décoration.

J’avance bien, mais suis constamment obligée de repousser James et Sasha qui ne cessent de tenter de manger un peu de pâte ou de crème citron…  D’un côté ils m’agacent, de l’autre j’ai l’impression qu’on a toujours vécu ensemble.

Une fois mes œuvres terminées, je me retire dans ma chambre et m’allonge sur le lit avec soulagement, un bon bouquin en main. Il ne faut que quelques minutes avant que quelqu’un ne vienne me déranger en frappant à la porte.

Retenant un soupir, j’indique :

- Entre.

Sasha s’exécute et s’adosse à la porte, m’adressant un sourire prudent et demandant :

- Ça va ?

- Oui et toi ?

Elle hoche la tête et reprend la parole :

- J’ai eu droit au discours “si tu lui fais du mal, sache que je sais comment lester un corps afin qu’il reste au fond de l’eau” de la part de Dom et James ce matin.

Haha, m’étonne pas d’eux. Ça fait plaisir de voir qu’ils assurent mes arrières.

Retenant la page et déposant mon livre à côté de moi, je rétorque :

- T’es toujours vivante donc j’en déduis que tu as su répondre.

- Apparemment.

Sasha marque une pause, penchant la tête, dissimulant son visage derrière ses cheveux avant de passer une main nerveuse dedans pour finalement croiser mon regard et d’annoncer :

- Je suis désolée si je t’ai mise mal à l’aise, je ne veux pas que tu te sentes obligée de m’éviter.

Oh oh. Je regarde partout sauf dans sa direction, essayant de pondre une excuse qui ne révèlerait pas la vraie raison pour laquelle je n’arrive pas à me lâcher. Parce que soyons honnêtes, on a tous fait des fêtes où l’on s’est retrouvé à embrasser des gens en étant saouls et aucun fromage n’a été fait pour autant. Donc techniquement je fais des histoires pour pas grand-chose. Et ça aurait été n’importe quelle autre femme, ça ne me poserait strictement aucun problème. Mais là, c’en est un.

S’approchant de moi jusqu’à s’accroupir au bord du lit, Sasha saisit ma main dans la sienne :

- Hey… On en a parlé hier, si ça va trop loin pour toi, on arrête ok ? C’est juste une blague, je le prendrais pas mal ni rien t’en fais pas.

Ses yeux d’un vert impossible viennent se poser sur moi et il est temps d’arrêter de déconner avant qu’elle n’assemble les pièces du puzzle d’elle-même.

Je suis une adulte. Je peux gérer une vraie fausse relation de trois jours avec la femme qui m’attire. J’arrive à faire croire aux clients qu’ils ont besoin de nos machines alors ça, ça devrait être un jeu d’enfant !

Allez Héléna, tu peux le faire.

Mode actrice : on.

Je lui fais un sourire et roule des yeux comme si elle venait de dire une énorme connerie et mens comme une arracheuse de dents :

- Je t’évite pas crâne d’œuf, j’avais des trucs à faire c’est tout ! Tout ne tourne pas autour de toi tu sais !

La sentant dubitative, je rajoute en plaisantant :

- Je sais que c’est probablement l’unique occasion que tu auras d’approcher une bombe sexuelle de mon calibre, mais c’est pas sain de t’investir à ce point dans notre relation factice.

Son visage exprime un très clair “tu veux vraiment la jouer comme ça ?” et je me fais remballer dans les règles de l’art :

- C’est ça James. Le seul calibre impressionnant est celui de tes énormes chevilles.

- Oh oui, dis-moi des mots d’amour !

Elle s’empare de l’oreiller auquel je ne suis pas adossée et me l’éclate littéralement sur le visage. Elle a vraiment un truc avec les coussins !

Ooomph.

Lui arrachant des mains, je me relève et enroule mon bras autour de son cou, comme si je voulais lui faire un savon, avant de lui fourrer l’oreiller en pleine face à de multiples reprises !

Face à ses menaces étouffées, je décide d’en remettre une couche :

- Qu’est-ce que tu dis mon cœur ? J’entends pas bien !

Elle réussit finalement à me repousser sur mon dos et je m’accorde un moment pour l’observer, avec ses cheveux décoiffés, son air outré et sa bouche entrouverte d’indignation.

Faisant mine de s’échauffer le cou et de faire craquer ses doigts, elle m’annonce :

- Tu vas tellement regretter d’avoir fait ça !

Paumes en l’air, je me moque :

- Ouhhh, j’ai trop peur.

Une seconde elle est à côté de moi, celle d’après elle me chevauche, les mains autour de mes poignets à présent plaqués sur le matelas au niveau de ma tête.

La petite fouine, elle est rapide, je ne l’avais pas vu venir ce coup-là.

Son visage adopte une expression suffisante tandis qu’elle me provoque :

- Et maintenant ?

Si c’était supposé m’effrayer, c’est raté. Ce n’est pas vraiment déplaisant de me retrouver sous elle.

Bah c’est une crevette, je l’éjecte quand je veux.

Certaine de mon succès, je rue violemment dans le but de la déloger. Mais elle m’accompagne d’un mouvement de bassin, telle une habituée des taureaux mécaniques et m’adresse un sourire satisfait.

Merde !

Pour être tout à fait honnête, j’hésite entre l’étonnement, la frustration et l’excitation.

Quelqu’un toque à la porte de la chambre et c’est avec effroi que j’observe Sasha adopter un air amusé et dire “entrez”.

Dans le genre position compromettante on a rarement vu pire ! Je refuse de leur donner l’impression d’être soumise !

Ne m’avouant pas vaincue, je recommence à lutter, cette fois de toutes mes forces. Après quelques essais infructueux, je réussis à la faire basculer.

À son tour, elle se retrouve sur le dos sauf que je suis allongée entre ses jambes écartées.

Je n’ai pas le temps de jubiler que James se racle lourdement la gorge :

- Va falloir évacuer les lieux dès que vous aurez fini vos accouplements. Alycia ne devrait plus tarder.

Honteuse, je cache mon visage au creux du cou de Sasha, que la situation amuse visiblement.

J’entends que mon collègue commence à refermer la porte, puis s’arrête un instant pour lancer :

- Et Héléna ? … Je ne veux plus jamais t’entendre parler de l’histoire du saule pleureur.

Je relève la tête et m’apprête à argumenter que ce à quoi il vient d’assister n’a strictement rien à voir avec la fois où je l’ai surpris avec une charmante demoiselle à genoux devant lui sous ce fameux arbre, mais il ne m’en laisse pas le temps et claque la porte.

Sasha me regarde :

- Le saule pleureur ?

- Crois-moi, tu veux pas savoir. Vraiiiiiment pas.

Je me soulève et roule pour m’installer à ses côtés, m’accoudant pour mieux l’observer et me renseigne :

- C’est quoi le plan ce soir du coup ?

- Retrouver James et Chris et aviser.

- Pfff… Dom va nous être teeellement redevable de lui laisser le champ libre.

- Tu m’étonnes.

On garde le silence un moment, aucune de nous ne faisant le moindre mouvement jusqu’à ce que Sasha demande :

- On est vraiment ok ?

Je me redresse et attends que son regard croise le mien avant de lancer :

- Je sais ce que tu essaies de faire !

Comme prévu, son  incompréhension est totale et je me penche au-dessus d’elle, appuyée sur mes bras de part et d’autre de sa tête, mon visage suffisamment proche du sien pour la faire douter de mes intentions, avant de reprendre :

- Il va falloir trouver une autre excuse pour me pousser à faire un remake d’hier soir.

Je ponctue le tout d’un bisou sur son front, fière de moi, avant de quitter la chambre comme une reine.

Elle est pas belle la vie ?

 

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