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Fictions Lesbiennes :)
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fiction lesbienne
18 février 2018

Chapitre 1

Pour la quarantième fois cette minute, je regarde l'heure et constate qu'elle n'avance toujours pas, bien au contraire. Je ne sais pas ce qui me déplaît le plus : cette énième réunion commerciale tout aussi inutile que les trois précédentes, ou l'arrogance déplacée de notre directeur commercial. Je l'observe du coin de l'œil de peur de me mettre à rire devant son ridicule. Son ventre bedonnant est à peine contenu par sa chemise au col pelle à tarte tandis qu'il fait de grands moulinets de ses bras.

Peut-être a-t-il enfin réalisé que la seule chose à laquelle il sert consiste à brasser de l'air ?

Ses paroles parviennent à mes oreilles et pour l'occasion, j'envie la surdité de ma grand-mère :

- Notre stratégie fonctionne, les concurrents ont peur là, c'est à nous de faire le jeu, ils savent à qui ils ont affaire à présent !

Fier de lui, il place ses mains sur ses hanches et attend une réaction de notre part. De mon côté, je suis fascinée par les vaguelettes que font les trois cheveux semi-longs qui lui restent au sommet du crâne alors qu'ils sont brassés par l'air conditionné. Par pure cruauté, je m'apprête à demander des chiffres venant étayer ses propos, sachant pertinemment qu'il n'a pas l'ombre d'une preuve hormis celles issues de son imagination débordante. Malheureusement, mon collègue et lèche-cul de première ne m'en laisse pas l'occasion et surenchérit :

- Oui, exactement, il faut imposer nos règles.

Je me demande si, en plus de paraphraser les dires de Gontrand, il a l'intention de s'habiller pareil prochainement, parce qu'une garde-robe années 70 risque d'être difficile à reproduire...

Souriant toute seule, j'attire bien malgré moi l'attention de mon cher "supérieur":

- Héléna, quelque chose que tu veux partager avec nous ?

Du talent, des connaissances, j'ai l'embarras du choix, mais pas vraiment l'envie de leur en faire part. J'opte donc pour un changement de sujet :

- Sait-on quand la nouvelle gamme de machines de traction sera disponible ? J'ai surtout des demandes dans le médical.

- Bonne question : si tout se passe bien, on aura des nouvelles dans les semaines, ou plus, à venir.

Mauvaise réponse, non seulement il n'est visiblement pas au courant de quoi que ce soit, mais en plus j'en ai besoin. Il m'a récemment "demandé" de changer de secteur suite à la démission de mon chanceux ex-collègue et étant donné que je ne connais pas ce type de clientèle, mes habitués étant plutôt dans la métallurgie, il va me falloir tous les arguments possibles si je veux m'introduire dans les sociétés.

- A-t-on les fiches d'information pour les outillages qui vont avec ?

- Ah euh... Oui oui on m’a envoyé un email à ce sujet hier, j'attendais que vous soyez tous réunis pour le partager et en discuter.

Mais bien sûr...

Il se penche sur le bureau et pianote sur son ordinateur. Quelques secondes plus tard, je reçois une notification de ma boîte mail. C'est déjà ça.

Le rétroprojecteur affiche le contenu d'une des pièces jointes sur le mur. Gontrand nous regarde et annonce :

- Ici, de quoi tester les autos injecteurs. Il y a également un lien vers une vidéo.

Intérieurement, je me demande s'il a conscience que nous savons lire. Probablement pas, vu comme il a l'air fier de lui.

Il décide de terminer la réunion là-dessus et on ne va pas m'entendre m'en plaindre ! Alors que je me crois libérée et me dirige vers la porte, il m'arrête d'une main sur mon avant-bras. Déjà qu'en temps normal je n'aime pas être touchée, quand il s'agit de lui je préférerais donner des free hugs à tous les sans-abri de la ville.

D'un air grave, il attend que mes collègues soient occupés à remballer leurs affaires pour lancer :

- Bon courage pour ton nouveau secteur, j'ai confiance en tes compétences.

Je lui fais un sourire tout sauf sincère, le remercie et m'éclipse avant de le frapper. Je suis en tête de l'équipe commerciale avec près de 120k € d'avance sur mon second, j'ai déjà dépassé de 21% mon objectif annuel, alors je n'ai pas attendu ses pauvres encouragements pour me sentir douée dans ce que je fais... Le fait qu'il pense que j'apporte une quelconque valeur à son opinion me prouve une fois de plus qu'il ignore à quel point je le méprise. Certains d'entre nous sont à leurs postes par compétence, non par copinage.

Alors que je m’apprête à franchir la porte, il m’interpelle.

- Héléna ?

Retenant difficilement un soupir, je me retourne :

- Oui ?

- Peux-tu rester s’il te plaît ? Dominique, Sasha, vous aussi.

M’asseyant sur la table de réunion, dans l’espoir qu’il saisisse que je n’ai pas que ça à faire, je l’écoute distraitement.

- […] formation d’un mois sur les nouvelles machines à proximité du siège de notre filiale aux USA.

- QUOI ?

Je regarde mes collègues pour m’assurer que j’ai mal compris.

Pitié faites que ce soit ça !

Gontrand ne semble pas remarquer mon désarroi et poursuit :

- Le but est de perfectionner votre formation sur les machines dédiées aux matériaux composites. En plus, ça vous permettra de tisser des liens.

Le seul lien que j’ai envie de tisser actuellement c’est celui de la corde que je compte bien me glisser autour du cou.

Je m’entends à merveille avec Dom mais Sasha… Comment dire… Si on me donnait le choix entre passer tout mon temps avec elle et devenir proctologue, je ne pense pas que j’hésiterais longtemps avant de me reconvertir.

C’est dire à quel point elle m’horripile. Je la soupçonne d’ailleurs d’être une serial killer.

Dubitatifs ?

Les preuves sont là !!!

Elle fait trop propre sur elle, est constamment souriante et sa tête… Avec ses cheveux châtains perpétuellement bien coiffés et ses stupides yeux verts, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Elle s’est mis quasi tout le monde dans la poche à grands coups de flatteries et sourires mais ça ne prend pas avec moi ! Je vois clair dans son jeu et quand ils seront tous à l’agonie à baigner dans leur sang, je m’arrêterais une seconde pour lancer un « je vous l’avais bien dit ! ».

Gardant mes théories pour moi, je pose la question tant redoutée :

- Et ce serait quand ?

- Votre vol est prévu d’ici deux semaines. Le délai est réduit j’en ai conscience, mais la maison mère a décidé qu’il était important d’agir très vite pour prendre nos concurrents de court.

Bah oui, bien sûr. Je me demandais justement ce que j’allais faire de ma vie sur le très court terme ! Heureusement que Gontrand est là pour lui donner un sens !

Je songe à lui dire que je ne peux pas, parce que j’ai Poney, mais je lorgne trop sur une potentielle promotion pour ruiner mes chances d’entrée.

- C’est une bonne chose, j’ai hâte de pouvoir échanger de manière plus technique avec mes clients.

Je lève les yeux au ciel devant le commentaire de Sasha. 

Et après on s’étonne qu’on s’entende comme chien et chat. Si on était à l’armée, mon chef aurait les bottes toutes reluisantes dès qu’elle se trouve dans les parages.

 

=========================================================================

 

Éreintée, je m'affale sur le lit tandis que Rachel est déjà en train de boutonner son chemisier. Je la regarde faire, profitant de la vue tant que je peux.

C'est une belle femme, cultivée ce qui ne gâche rien et de très bonne compagnie. Elle a tout pour elle, sauf du temps.

Chercheuse en université, c'est une vraie passionnée qui n'a qu'un seul amour : la microbiologie. Étant donné que je suis sur la route au moins 3 jours par semaine, on se voit quand on peut, souvent le samedi soir et pour l'instant cette situation nous convient très bien.

On s'entend parfaitement, mais je dois avouer qu'en dehors du sexe et de vies à 100 à l'heure, nous n'avons pas grand-chose en commun.

Elle me sourit en passant ses mains dans ses cheveux blonds, recréant son style coiffée décoiffée façon savante folle. Désormais totalement présentable, elle me jette un regard langoureux qui ne laisse pas planer le moindre doute quant à ce qu'il m'arriverait si jamais elle pouvait se permettre de rester un peu plus longtemps à l’extérieur du labo. Elle prend appui de ses mains sur le lit et dépose un baiser sur mes lèvres :

- C'était un plaisir comme d'habitude. J'espère que ça t'aura aidée à décompresser une partie du stress du boulot...

Je lui souris en secouant la tête :

- Comme si j'avais besoin d'une raison pour te voir !

- Laisse-moi croire à mon utilité, j'avais enfin trouvé un nouveau sens à ma vie !

- Allez file avant d'être en retard. Et pour ta gouverne, sache que j'ai une totale confiance en mes capacités professionnelles.

- Je connais d'autres capacités pour lesquelles tu pourrais également dire ça...

Gênée, je lui jette la première chose qui me passe par la main à la figure, à savoir mes sous-vêtements. Riant, elle les attrape au vol et menace :

- Attention, je pourrais bien les garder !

- Essaie seulement ! T'as pas des trucs à faire toi?

Paumes exposées en signe de reddition, elle me rend mes dessous et ajoute d'un ton malicieux :

- Bon bon, je m'en vais ! Comme ça je pourrais commencer à te manquer !

Levant les yeux au ciel devant son assurance, je rétorque :

- Oui, fais donc ça ! Je ne compterais pas trop dessus si j'étais toi !

Visiblement peu perturbée par mes propos, elle me fait un nouveau bisou furtif avant de s'exclamer "pour la route" en quittant la pièce.

Laissant retomber ma tête sur l’oreiller, je me demande si elle et moi serons un jour plus que ce qu'on est actuellement... C'est commode et ça m'apporte tout ce dont j'ai besoin, peut être que c'est ça l'amour après tout.


=========================================================================

J'arrive dans le bureau de Dominique, mon collègue sédentaire, qui m'accueille comme toujours avec le sourire :

- Ah, la plus belle ! Comment tu vas ?

- Nickel et toi ? Les ventes se passent comme prévu ?

- Oh que oui, ce voyage aux Seychelles est pour moi ma vieille.

- Dans tes rêves, je vais t'éclater !

- Cours toujours !

C'est plus fort que nous, il faut systématiquement que l'on transforme tout en compétition. Alors quand il s'agit d'une vraie...

Je m'installe sur l'un des fauteuils réservés aux clients tandis qu'il met son poste en mode "ne pas déranger".

- J'allais justement partir en pause ! Quoi de neuf ? Je ne t'ai pas vue au club samedi.

- Nan, j'ai dîné avec Rachel et ça a pris plus de temps que prévu.

Comme je m'y attendais, un de ses sourcils se hausse, accompagné d'un sourire en coin :

- Dîner ? C'est comme ça que vous appelez ça de nos jours ?

Je lève les yeux au ciel. Il a 3 mois de plus que moi ce qui, selon lui, lui octroie une infinité de sagesse en plus. Il s’adresse souvent à moi comme s'il avait 70 piges et moi 15.

- Je regrette tellement de t'en avoir parlé…

- Tu sais ce que moi je regrette ?

- Dis toujours ?

- Ne pas l'avoir rencontrée ! Pourquoi tu ne l'amènes pas ? Au moins je pourrais te voir !

- Je t'ai dit. C'est rien de sérieux. Et puis tu ne me vois pas déjà assez au bureau ?

Il a l'air complètement offusqué, allant jusqu'à poser une main sur son cœur :

- Alors de 1 tu viens à peine une fois par semaine, deux grand max. De deux, ça commence à faire un paquet de soirées que tu rates pour "dîner" avec Rachel. Et de trois j'aime danser avec toi tu le sais, garce !

Qu'est-ce que ça peut m'agacer quand il fait ses guillemets avec les doigts... Bref, changeons de sujet :

- En parlant de garce, comment va ton ex ?

Il passe une main sur son visage et se contente de répondre dans une grimace :

- Une autre des raisons pour lesquelles il faut que tu cesses de déserter ! J'ai encore fini avec elle...

- T'es pas sérieux ?

Je regarde mon collègue et ami et une unique idée me vient à l'esprit : il doit être nul à chier au lit.

C'est la seule explication possible.

Fin je veux dire, il est grand, brun, ténébreux, belle gueule, musclé comme un boys band des années 90 et il ne trouve pas mieux que Melissa ? Vraiment ?

- Malheureusement si. J'attends toujours que tu me présentes la perle rare. C'est pour ça que ta Rachel m'intéresse autant ! Elle doit être spéciale pour que tu y retournes sans cesse.

Alors lui quand il a une idée en tête...

Je ressens le besoin de préciser :

- Déjà ce n'est pas ma Rachel. Et trouve-toi tes propres nanas !

Un sourire effronté apparaît sur son visage :

- Peur de la compétition ?

Il plaisante ou quoi ?

Je l'éclaterais les mains dans le dos.

À vrai dire si j'étais attachée et vulnérable j'aurais peut-être même encore plus de succès !

- Pas de toi en tout cas.

- Alors viens samedi...

- Tu l'auras voulu. Mets un haut vert pour que ta tête soit assortie, parce que tu vas être jaloux mon vieux c'est moi qui te le dis ! 


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Arrivée devant le club, je suis prise d'un soudain doute. Pourquoi je fais ça déjà ? J'ai rien à prouver à Dom... En plus j’ai eu du mal à convaincre Rachel de venir. Elle aime danser mais elle n'a que peu de temps pour elle et en gros elle m'a dit de manière à peine plus diplomate que quitte à être en ma compagnie elle apprécierait tout autant faire nos activités usuelles.

Rationnellement je la comprends, mais je ne suis pas certaine d'aimer l'idée d'être réduite en objet sexuel, aussi agréable cela soit-il.

Je parcours du regard ses formes peu dissimulées par sa robe moulante et relativise.

Après tout, ça pourrait être pire...

Après avoir déposé nos affaires au vestiaire, nous rejoignions Dom, positionné stratégiquement à proximité du bar et de la piste de danse.

Je constate avec soulagement que Melissa n'est pas là et c'est tant mieux ! Nous saluons mon collègue ainsi qu'un couple d'amis.

- Rachel, voici Dominique, que tu peux appeler Dom, Florian et Delphine. Les amis, je vous présente Rachel.

Une fois les présentations faites, Florian demande :

- Vous voulez quelque chose à boire ? C'est pour moi !

Étonnée par sa soudaine générosité, je n'en loupe pas pour autant une occasion en or et commande rapidement, comme tout le monde. Il part et tandis que Rachel fait connaissance avec Delphine, Dom se penche pour me dire à l'oreille :

- Ça me coûte de l'admettre, mais tu as bon goût. Ta chérie est très jolie.

- Merci. Et pour la millième fois, ce n'est pas ma chérie.

- Oui oui...

Parfois je me demande comment je fais pour le supporter. La soirée démarre à merveille et bien qu'elle soit à des années lumières d'eux sur un plan intellectuel, je ne peux que constater que Rachel s'intègre parfaitement.

Ils ont tous l'air de l'adorer.

Nous décidons d'aller nous déhancher avant de ne faire qu'un avec le mobilier.

Me levant, je tends la main en direction de Rachel. Tout sourire, elle s'en empare et me suit sur la piste.

C'est peut-être bizarre, mais on a pris l'habitude de tous danser les uns avec les autres.

Maintenant que j'y pense, ça explique certainement que Dom ait du mal à trouver quelqu'un, il doit avoir l'air casé quelque chose de bien.

Mon collègue m’annonce :

- Ce soir c’est mon soir, je sens que je vais faire une rencontre.

- J’espère, ça te ferait pas de mal, tu commences à avoir de la cale sur les mains.

Il me lance un regard noir et se venge par la parole :

- Je pensais que tu n’allais jamais proposer.

Ses propos sont accompagnés d’un sourire sordide et je mime un vomissement.

- Plus sérieusement Héléna, il est temps que je trouve ma Rachel.

Ma Rachel…

C’est reparti…

Mon regard ferait chouiner des rottweilers et pour être sûre qu’il capte bien le message, je l’agrémente de deux doigts d’honneur avant d’attirer Rachel contre moi dans un sourire séducteur. Je me colle contre elle par derrière et adresse un clin d'œil à Dom en voyant qu'il ne dirait pas non pour faire le beurre dans notre sandwich. Il doit vraiment être en manque !

Malgré mon mini-show, je ne suis pas fan des démonstrations en public et me recule dans l’idée de garder mes distances. D’autant plus qu’avec mes cheveux bruns ondulés et mes yeux bleus – gris j’ai beaucoup trop de succès auprès de la gente masculine…

Bien évidemment, Rachel ne me rend pas la tâche facile. Sa robe n'est pas vulgaire mais laisse néanmoins peu de place à l'imagination... Et j’en ai à revendre…

Pour échapper à la tentation, je ferme les yeux et me laisse porter par le tempo. Je sens de temps à autre les mains de Rachel sur mes hanches, son corps qui me frôle et se dérobe.

Parfois c'est Dom qui me prend la main, d'autres fois c'est avec Delphine qu'on invente des chorégraphies ridicules au possible. La plupart du temps, cette dernière se contente de se trémousser avec son chéri.

C'est vraiment un petit couple tout mignon.

Tout en dansant, je vois Dom s'approcher et il me dit :

- Regarde sur qui je viens de tomber !

Je réalise qu’il tient quelqu’un par la main.

Pas son ex, pitié.

Je donnerais cher pour être enfin débarrassée de ce boulet de Mélissa.

Elle le fait tourner en bourrique depuis trop longtemps, à miroiter la promesse de se mettre ensemble pour finalement le jeter dès qu'elle imagine qu'il drague des nanas. Le pire c'est que c'est uniquement dans sa tête que ça se passe.

Lorsqu’il s’écarte pour laisser apparaître Sasha, je réalise que j’ai peut-être été un peu dure avec Mélissa, s’il faut c’est une femme pleine de qualités.

Au moins, ma collègue a troqué son look de coincée pour une tenue adaptée aux sorties. Elle est quasi méconnaissable. Si je n’avais pas eu l’occasion de subir sa présence à d’autres reprises, je pourrais penser qu’elle est autre chose qu’une lèche-botte de premier ordre.

Il n’empêche que suis à peine remise de l’idée que je vais devoir passer des plombes à proximité, je n’ai pas envie de commencer en avance.

Mes yeux croisent ceux de Dom qui me lance un regard signifiant « ne commence pas » et parce que je suis la meilleure amie de l’univers, je me pare de mon plus beau sourire faux-cul :

- Hey Sasha !

-  Salut Héléna.

Elle me fait la bise et se tourne immédiatement pour discuter avec mon collègue. Au moins, elle a percuté que j’ai vu clair dans son jeu et ne fait pas semblant d’apprécier ma compagnie (non pas que je lui aie donné une raison de le faire).

N’empêche que s’il compte se la taper, je lui achèterai une bague de pureté parce que si elle est au boulot comme au lit, il devra attendre le mariage pour enfin pouvoir coucher avec elle et uniquement en missionnaire.

Je mets fin à mes médisances infondées lorsque Rachel se retourne et place ses mains sur mes hanches sans perdre le rythme, captant mon attention. À son sourire je me doute de la réponse, mais je demande néanmoins :

- Ça va tu passes une bonne soirée ?

- Oui, profite de l'instant qui va venir.

Je hausse un sourcil dans une question muette. Elle fait mine de prendre une grande inspiration avant d’annoncer :

- Tu as eu raison de me pousser à t’accompagner.

Posant ma main sur mon cœur, je feins l'étonnement. Je m'apprête à répondre lorsque Delphine me tapote sur l'épaule.

Continuant de danser, je me tourne vers elle pour l'entendre dire:

- Ton poulain a une touche je crois.

J'essaie de regarder la direction dans laquelle elle pointe mais un des spots passe directement dans ma rétine et ruine ma vision à tout jamais. À travers les flashs qui persistent, j'entraperçois effectivement Sasha qui pose sa main sur le torse de Dom en riant.

Erk.

Pas étonnant qu’il l’aime bien. Je connais ce genre de femme, qui fait miroiter des tas de possibilités pour finalement laisser les gens en plan.

Malheureusement, mon collègue n’est pas aussi avisé puisqu’il a l’air d’un type à qui l’on vient d’annoncer qu’il a gagné à la loterie.

- Mmh.

Rachel semble étonnée de mon manque d’enthousiasme et s’immisce dans la conversation :

- Minute, c’est elle l’ex atroce ? Parce qu’elle est plutôt très jolie ! Je comprends qu’il ne lui dise pas non.

- Non c’est pas elle. Et elle n’est pas totalement laide, je te l’accorde.

Un de ses sourcils se lève :

- Euh… tu l’as regardée ? Si on m’annonçait qu’elle a été recrutée dans la dernière série TV à la mode, je ne serais pas étonnée.

Ok, là ça commence à m’agacer. Pourquoi tout le monde semble être en pâmoison devant elle ? Si j’étais portée fantasy je serais persuadée que c’est une sorte de succube.

Surtout qu’elle est affreusement tactile !

Et pi ses cheveux châtains mi-longs toujours à briller comme si elle sortait d’une pub m’énervent !

TOUT m’énerve ! Argh !

- Mmhh.

Delphine me demande :

- Tu la trouves comment toi ?

- Urticante.

 Rachel me donne une petite tape et rétorque :

- Quelle grognon ! Si c’est ça qui t’inquiète, sache que c’est toi la plus belle. Et si tu veux que je te passe de la pommade anti-démangeaisons quelque part, n’hésite pas.

Elle ponctue sa proposition d’un clin d’œil qui me fait me pencher pour lui chuchoter à l’oreille :

- Je m’en souviendrais… 

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4 février 2018

La blague... - Disclaimers

blague2

 

Sexe : J'ai bien peur d'avoir à nouveau frappé. L'histoire est longue donc techniquement vous pouvez la lire dans les lieux publics... Juste... peut être pas à certains moments ! Oh et si vous n'êtes pas majeurs, ne lisez pas, où ne vous faites pas prendre, je ne veux rien avoir à faire dans vos histoires ! 

Résumé : L’amour ressemble assez à la lâcheté de deux ennemis que de vulgaires intérêts obligent à pactiser. [André Langevin] . Une fois de plus, ce n'est pas la complexité du scénario qui m'étouffe, si vous veniez pour du suspens j'ai bien peur que cette histoire soit une totale déception ! 

Rappel :  Licence Creative Commons 

Je n'autorise pas la reproduction sur d'autres sites, encore moins si vous avez l'intention de vous l'approprier. Si vous aimez l'histoire, commentez, ne la volez pas. 

Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International

Article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle : "L'auteur d'une œuvre jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.  [..] L'œuvre est protégée du fait même de son existence."

Note : Vous l'aurez peut être reconnu, à la base c'est un petit bonhomme Amazon mais je le trouvais trooop mimi alors j'ai décidé de me servir de l'image puisqu'elle est libre de droits. 

22 février 2016

Chapitre 16 : Le boulet (bis)

Déjà trois semaines que je nargue sans vergogne toutes les célibataires et les mauvaises langues qui me qualifiaient de non-casable en leur mettant mon bonheur en pleine tête !

Prenez-vous ça !

J'attends patiemment à côté de mon vélo qu'Anna finisse de se changer. J'ai hâte de voir quelle tenue elle a choisie pour cette petite promenade champêtre. Si Dieu existe, elle aura un cycliste et insistera pour passer devant.

Il fait super beau, les oiseaux chantent, j'ai un bon anti transpirant, Anna m'a donné rendez-vous devant chez elle et non derrière portes closes, rien ne pourra gâcher ma joie. Si je savais bien danser, j'entamerais quelques pas. Mais je ne sais pas et je suis seule et sans musique alors je m'abstiens !

Elle sort finalement et le cycliste est bien de mise ! Yes !

On enfourche nos vélos et alors que je m’apprête à fortuitement traîner, elle me rappelle qu'elle commence à plutôt bien me connaître :

- Inès, c'est pas le moment de regarder mes fesses, il y a encore de la circulation et je te préfère avec tous tes membres attachés !

Elle marque un point pour le côté puzzle mais je suis dans l'obligation absolue de rétorquer :
- Chérie, je te ferais savoir que c'est tout le temps le moment pour ça ! Et puis tu t'exhibes et t'attends à ce que je n'en profite pas ?

- On en parle d'exhibitionnisme,  madame sous vets Wonder woman ? 

Oh le coup bas ! J'en reviens pas qu'elle se souvienne encore de cet épisode fâcheux au cabinet et qu'elle ait le culot, que dis-je l'outrecuidance de me le ressortir !

- Donc t'as regardé ! Je le savais ! 

Je vois là l'opportunité d'obtenir la réponse à une question que je me pose depuis un moment :

- D'ailleurs je te plaisais à ce moment-là ?

Elle rougit systématiquement lorsque je suis un brin indiscrète dans mes interrogations, ce qui me fait totalement craquer. Après quelques secondes passées à me torturer (ou à réfléchir, tout est possible) elle finit par dire d'une voix toute timide :

- Tu m'as toujours plu, j'ai un petit faible pour les maladroites.

Spontanément, j'ai envie de nier cette partie de moi, mais même ma mauvaise foi a des limites. C'est sûr que dans un cirque j'aurais été plutôt clown que trapéziste ! Ou alors je ne l'aurais pas été longtemps !

Du coup je fais contre mauvaise fortune bon cœur :

- D'entrée je t'en ai mis plein la vue quoi ! 

Elle commence à éclater de rire et pendant une seconde je me demande pourquoi ce que je viens de dire est si drôle... Puis je me rappelle les circonstances de notre première rencontre,  du moins celle d'Anna et de mon postérieur tendu aux quatre vents ! 

Ah oui la c'est sûr elle en a pris plein les mirettes !

J'adopte un air blasé qui n'est qu'à moitié feint et attends patiemment qu'elle ait fini de se moquer.
On sort du quartier pavillonnaire pour nous engager sur un chemin de campagne. C'est cool d'avoir les champs si près de chez soi, ça permet de s'évader dès que l'envie nous prend.
Elle comme moi gardons le silence, contentes de profiter de la vue et du calme en toute simplicité.
Anna bifurque soudainement et quitte le chemin pour couper à travers les herbes semi-hautes.
- Hey ! Tu pourrais prévenir, t'essaies de me semer ou quoi ?

- Désolée, parfois j'oublie que tout le monde ne connaît pas l'endroit où je veux t'emmener.
Minute, on va quelque part, on ne fait pas juste une balade à vélo?

Et je doute que les gens connaissent ce lieu secret au vu de la hauteur des herbes et de l'absence totale de chemin pré-tracé.

N'étant sportive que dans l'âme et pas dans la réalité, j'ai un peu de mal à la suivre dans ce terrain plus difficile. En plus j'ai peur que les herbes qui frappent mes roues se prennent dans les rayons ! 

Anna ralentit sciemment, ayant certainement remarqué que je suis loin d'être capable de me qualifier pour le tour de France.

J'aime assez l'idée qu'elle m'emmène dans un coin juste à elle, ça me donne l'impression d'être spéciale ! 

Elle s'arrête finalement à proximité d'un cours d'eau se faufilant entre les quelques arbres qui jonchent le terrain autrement plutôt dégagé.

A en juger par l'absence totale de bruit, il n'y a pas âme qui vive à proximité. 
Elle descend de son vélo et je l'imite sans me faire prier. 

M'attrapant par la main, elle s'assied sur une pierre plate à côté du ruisseau et m'invite à prendre place à côté d'elle. Elle penche la tête en arrière, prenant une grande inspiration, visiblement détendue.

Ouvrant les yeux soudainement, elle me demande :

- Tu veux voir un truc cool ?

Son enthousiasme est trognon et contagieux : 

- Vas y montre !

Elle se relève en s'époussetant et suit le cours d'eau sur quelques mètres, avant de m'appeler.
Elle s'accroupit et m'indique des séries de reliefs dans la boue :

- Quand j'étais petite, j'allais chercher des champignons avec mon grand-père et il m'a appris à identifier les empreintes des animaux.

C'est plutôt cool. Je l'imagine sans difficulté faisant 1m20 avec un chapeau de Davy Crockett, à fouiner partout pour repérer des traces. 

- Tu chassais ?

- Non, on essayait de suivre les chemins pour trouver les animaux, etc. Tu sais ce que c'est ?

Elle pointe du doigt une zone au sol.

Je me penche et vois juste des trous dans la boue plus qu'autre chose :

- Des traces de pattes. 

Souriant devant ma tentative pour éviter la question, elle insiste :

- Mais encore... ?

- ... d'un animal, je suis formelle ! 

Elle me file une petite tape sur le bras et s'exclame :

- Des traces de lapin ! 

- J'aimerais bien savoir faire ça ! Comment tu sais que c'est un lapin ? 

- Je peux t'apprendre si tu veux. On voit clairement les pattes avant ici. Quatre doigts, environ 3 cm, le contour suggère du pelage... un lapin.

Je reste dubitative :

- Oui mais comment tu peux être sûre que ce n'est pas un lièvre ou un mini chien ? 

- Facile, il n'y a pas de lièvre par ici et les chiens n'ont pas la même forme de patte, chez les lapins les deux petits doigts centraux sont quasi collés, l'espacement interdigital n'est pas le même ! Sans compter que l'écartement et la profondeur des traces excluent le type de mouvements que ferait un chien.

Après bien 10 minutes à me montrer et interpréter des empreintes, nous retournons sur le rocher. Pour le coup, elle m'en bouche un coin, même si je ne sais pas du tout à quoi ça pourrait me servir hormis en cas d'apocalypse, je trouve ça super stylé !  

Le soleil tape fort et je retire mes chaussures pour tendre mes jambes et mettre mes pieds dans le ruisseau pour me rafraîchir. Anna s'allonge à mes côtés, posant sa tête sur mes cuisses et sortant un livre de son petit sac à dos.

- Ça va je ne t'écrase pas ?

- Non du tout t'inquiète pas !

- Si tu as faim ou soif, j'ai ce qu'il faut dans mon sac et j'ai de la musique sur mon téléphone. 

- OK merci. Pour l'instant je vais juste profiter de la vue et du calme...

À vrai dire, je profite surtout de la sensation de plénitude qui m'envahit. Entre le chant des oiseaux, le soleil, le clapotis du ruisseau et la jolie femme à mes côtés je ne pourrais pas rêver mieux.
Mes yeux se posent sur Anna et à la manière dont il réagit,  j'ai totalement conscience que le stade du coup de cœur est dépassé depuis longtemps. 

Comme elle sait que j'aime également lire - même si contrairement à elle je suis plus portée fanfictions que littérature-, elle m'avait dit de prendre le nécessaire, mais finalement je n'ai pas envie de sortir mon bouquin. Les plaisirs simples sont sous-estimés c'est moi qui vous le dit.
J'en reviens pas qu'après toutes ces années d'échecs amoureux cuisants, j'ai enfin trouvé celle qui me convient ! 

Anna remarque mon sourire et demande :

- Qu'est-ce qui te met en joie ? 

- Toi ! 

Je tente de me contorsionner pour lui faire un bisou et après cinq bonnes secondes de total ridicule de ma part, elle soulève sa tête et me rejoint à mi-chemin. 

Ça fait déjà quelque temps, mais notre relation a conservé ce côté "tout neuf" dans mon esprit et je suis toujours un peu étonnée qu'elle n'ait pas changé d'avis sur nous deux. Non pas que je m'en plaigne hein, au contraire !

On reste comme ça la majeure partie de l'après-midi et je suis ravie d'avoir pu partager ce moment avec elle. Je le suis nettement moins lorsque je me rappelle qu'il faut reprendre le vélo !

On se met en selle et je ne peux m'empêcher d'y aller de mon petit commentaire :

- Au fait, pourquoi tu tiens absolument à me faire faire du vélo ? Entre la rééducation et là...

Elle m'adresse un sourire malicieux puis explique :

- Comme tu le soupçonnais à l'époque,  j'adore te voir souffrir ! 

Sachant très certainement que sa réplique va lui valoir une tape sur les fesses, elle accélère à toute vitesse.

Bien décidée à la "punir" (pour en profiter au passage), je me lance à sa poursuite.
Je ne sais pas si elle prend pitié de moi ou si ma forme est meilleure que je ne l'aurais cru, mais je gagne du terrain jusqu'au moment où mon pneu avant rencontre le fin fond de ce que je décrirais comme le Grand Canyon ! 

Je n'avais pas repéré l'ornière en travers de la route mais elle ne m'a pas loupée et le VTT et moi-même effectuons notre baptême de l'air. Je tends un bras en voyant le sol se rapprocher, tandis que l'autre reste fermement agrippé au guidon. 

Mon atterrissage est aussi gracieux que celui d'une fiente de pigeon sur un trottoir.
Anna n'a pas observé ma chute, mais s'arrête en entendant le bruit et fait demi-tour, inquiète :

- Ça va ? T'as mal quelque part ?

Tentant de garder mon humour à défaut de ma dignité, je réplique :

- On va commencer par là où je n'ai pas mal ça ira plus vite ! 

Je me relève tant bien que mal, mais mon poignet et mon épaule me font souffrir. C'est déjà le bras qui avait pris lors de mes exploits passés et il n'apprécie clairement pas son statut de bouc émissaire !
Anna m'ausculte et à sa grimace je ne présage rien de bon. Je préfère demander directement :

- Ah non, me dis pas que je vais à nouveau devoir avoir des séances de kinésithérapie ?

Son expression faciale admet ce que ses paroles taisent :

- Il faut voir un médecin et te faire des radios avant tout. Tu penses pouvoir rouler ?

Tenant mon bras contre ma poitrine, j'espère ne rien avoir : 

- Je préférerais rentrer à pied si ça ne t'embête pas. 

- Pas de souci. Je suis vraiment désolée.

Voulant profiter de sa culpabilité déplacée, je lance :


- Si jamais j'ai à nouveau des séances de torture, tu te feras pardonner à ce moment-là !

- Ah non je ne te prendrai pas comme patiente, on en a déjà parlé !

- Quoi ? Tu me laisserais à l'agonie ?

- Mais non, je peux te recommander des collègues très bien !

- Moi je suis habituée à toi !!! Tu es ma chérie tu dois me chouchouter !  Et vu ton partenaire d'affaires, j'ai de sérieux doutes quant aux collègues en question !

Je lui fais des yeux doux, essaie de l'apitoyer autant que possible, mais sa réponse ne varie pas d'un pouce :

- C'est toujours non désolée ! Déjà on va attendre de voir ce que tu as avant de faire des plans sur la comète. Passe-moi ton vélo.

Grommelant, je lui emboîte le pas à contrecœur. Si jamais j'ai des séances,  elle a plutôt intérêt à assumer sa part de responsabilité  dans mes blessures de guerre !

 

*          *          *          *          *          *

 

J'arrive au cabinet en Conquérante. Ça m'a pris des heures et plusieurs tentatives de chantage, mais Tami a fini par céder et me donner un rendez-vous.

C'est donc triomphale que je franchis les portes automatiques.

Hahahaha on ne m'écarte pas si facilement ! Tout sourire, je m'approche de la réception avec une totale aura de victoire :

- Bonjour, je viens pour mon rendez-vous.

- Bonjour Madame MARIZY.

Elle prend une inspiration, certainement pour appeler Anna en criant comme d’ordinaire, mais ma chérie arrive avant qu’elle n’ait pu piper mot.

Très contente de moi, j’ignore le regard assassin qui m’est adressé et lance :

- Ah vous voilà. J’ai hâte qu’on s’y mette !

Anna se tourne vers Tamiko pour dire « on en parlera à mon retour » et j’espère qu’elle ne va pas lui en tenir rigueur alors que je suis celle à blâmer.

Je me laisse guider sans broncher vers une salle dans laquelle je ne m'étais jamais rendue.

Arrivée à destination et voulant arrondir les angles pour tout le monde, je demande à Anna :

- C'est pas la faute de Tami c'est moi qui l'ai saoulée. Tu m'en veux pas trop hein ?

Elle me scrute en silence avec une expression indéchiffrable pendant quelques secondes et je commence à me dire que j'ai été stupide de ne pas respecter son unique souhait.

Mais avant que je ne commence une litanie de justifications et prières pour me voir pardonnée, un gigantesque sourire illumine son visage.

Elle est contente de moi? Minute, ce n'est pas possible.

Son ton est on ne peut plus professionnel lorsqu'elle annonce à voix haute et assez fort :

- Emmanuel, ton rendez-vous est arrivé !

Qu'est ce qui ... hein ?

Mon cerveau finit par connecter les points. Je réalise trop tard que Tami m'a dit qu'elle m'avait pris rendez-vous, mais qu'elle n'avait pas précisé avec QUI !

Elles ont joué la comédie pour que je me retrouve punie et sans pouvoir fuir !

Visiblement très fière d'elle, Anna me souhaite d'une voix mielleuse :

- Bonne séance !

Et elle fait demi-tour et me laisse là.

Comme une petite crotte.

Sa petite crotte de l'amour...

Espérant contre toute attente réussir à lui faire pitié, je dis d'un air désespéré absolument pas feint :

- Anna reviens ici ! Tu peux pas me faire ça ! Promis je prends rendez-vous chez la première personne que tu me conseilleras ! Anna ! Anna?

Bien sûr, mes paroles n'ont pas le moindre effet et ne la ralentissent même pas dans sa fuite.

A travers la porte ouverte, je la vois taper dans la main de Tamiko et rire ensemble à mes dépens.

Les petites salopes, elles me le paieront !

- Bonjour Mada.... oh... C'est encore vous...

Quoi, t'es pas heureux de me voir ? Bah c'est réciproque !

- Bonjour. Oui...

S'il me dit d'aller m'installer sur la presse malgré une blessure au bras, je la lui fais bouffer.

- Visiblement votre adresse est toujours ce qu'elle était ! Allez-vous installer près des espaliers on va regarder ça ensemble.

Lançant un regard meurtrier à mes spectatrices hilares comme au roi des cons je m'exécute de mauvaise grâce.

S'il me demande de faire des tractions, je flatulerais de mécontentement, ça lui apprendra !

J'en connais qui ne perdent rien pour attendre, une raison de plus de vite me rétablir, que je puisse exécuter ma vengeance !!!

 

FIN

 

(Merci de m'avoir lue, n'hésitez pas à commenter pour faire plaisir à la pauvre petite que je suis) (j'espère que ça vous fait pitié parce que c'est le but !)

22 février 2016

Chapitre 15 : Vive le laser game

Mon doigt presse la sonnette sans l'ombre de l'appréhension que je pouvais avoir la dernière fois que je suis venue.

Anna ouvre quasi immédiatement et vu que j'en ai le droit, je ne me prive absolument pas pour admirer sa silhouette en maillot de bain.

- Rentre perverse !

- Avec joie !

Je m'approche et passe mes bras autour de son cou, capturant ses lèvres dans un baiser un peu plus "enthousiaste" que prévu.

Je ne sais pas comment j'ai pu résister à ses avances auparavant.  À présent que tout est clair entre nous, j'ai le même niveau hormonal qu'un adolescent en rut. Si j'écoute mon corps, notre première fois aura lieu tout de suite maintenant contre la porte d'entrée ! Pour le romantisme on repassera.

Anna s'extirpe difficilement de mes griffes, tout aussi échevelée que moi, mais beaucoup plus sexy.

D'une voix qui me laisse penser que je ne suis pas la seule à lutter contre mes envies, elle m'annonce :

- J'ai préparé de quoi faire des piña colada, ça te tente ?

La chaleur est de retour en cette fin de saison et ça me dit plus qu'un peu !

La suivant aux abords de la piscine, je la vois faire ses mélanges et suis soulagée de constater qu'elle ne charge pas mon verre. Alcool + soleil = mauvais plan !

J'en profite pour l'observer et n'en reviens toujours pas qu'elle veuille vraiment de moi. Elle porte uniquement un petit bikini rouge qui la met franchement en valeur, ses cheveux étant attachés dans une queue de cheval assez haute.

Mes yeux sont attirés par l'océan de peau nue à disposition et je dois sévèrement prendre sur moi pour ne pas loucher sur son décolleté.

Verre en main, Anna s'approche.

- Merci.

J'amène le mélange à mes lèvres et me dit que Lucie a du souci à se faire, il est juste comme il faut. D'ailleurs en pensant à eux :

- À quelle heure viennent les autres zigotos ?

- Normalement ils arriveront vers 19h si j'ai bien compris, je crois que Batou les a convaincues de l'accompagner faire un laser game.

Je grimace en entendant ça :

- Le pauvre, il va se faire détruire, elles vont s'acharner contre lui, c'est écrit !

- Haha, je me suis dit la même chose !

- T'es vache, t'aurais pu le prévenir, c'est ton cousin quand même !

- Il les connaît, il devrait s'en douter ! Et ça  nous laisse *petit coup d'oeil à l'horloge* cinq heures devant nous, je n'allais pas risquer de les perdre !

Elle ponctue sa phrase en m'adressant un sourire carnassier qui n'est pas pour me déplaire.

Je souris devant ses bêtises. Elle fait la fille qui est sûre d’elle, mais en réalité elle aussi est incertaine. Après tout, je n'ai toujours pas cédé à ses avances malgré l'envie, ce qui fait de moi si ce n'est une sainte, au moins une recordwoman !

D'un autre côté tant mieux vu que la confiance en soi n’est pas mon point fort. Quoi qu'il en soit j’aime assez la direction que prennent les choses et demande :

- Pourquoi tu as quelque chose de prévu ?

- Patience, tu le sauras bien assez tôt.

- La patience j’en ai mais je ne m’en sers jamais !

- Ca je peux le confirmer !

Riant, elle vient s’allonger sur le transat parallèle au mien, tandis qu’un silence confortable s’installe. L’air est chaud et même à l’abri des parasols je peux sentir le soleil taper fort. J’essaie de me retenir de jeter des coups d’œil pas très furtifs à ma voisine de bronzette, mais c’est comme mettre du Nutella devant ma mère et lui demander de ne pas y toucher : peine perdue.

Histoire de me rafraichir les idées comme une zone plus au sud que je ne citerai pas, je me décide à aller faire trempette. Au premier abord, l’eau paraît glacée et je regarde la piscine d’un air surpris, m’attendant à voir flotter un iceberg ou deux.

Parcourue d’une chair de poule phénoménale, je m’exclame :

- Elle est à combien cette eau ? Moins deux ?

- Y a le thermomètre là-bas. Elle doit être chaude pourtant !

Sortant mon pied testeur du fjord, je marche sur les tomettes pour aller m’emparer du thermomètre et le porter à hauteur d’yeux.

28°C.

Bon, peut-être qu’elle n’était pas si froide que ça après tout.

Depuis son transat, Anna demande :

- Alors ?

- J’avais raison, il y avait bien un deux.

Puis, nettement plus bas

- Et un huit.

- Quelle chochotte ! Froide à 28°C, on aura tout vu !

- Oui ben mon pied venait de parcourir les bords brûlants de la piscine je te signale !

Je me retiens de lui faire remarquer ma chair de poule, car mes poils ne sont pas les seuls à s’être dressés pour l’occasion. J’ai l’impression d’avoir deux piquets de tente dans le soutien-gorge, prêts à déchirer le tissu. Prenant mon courage à deux mains, je finis par rentrer dans l’eau et je suis forcée de reconnaitre qu’une fois dedans elle n’est pas si fraiche que ça.

Je place mes avant-bras à plat sur le bord des margelles, menton dessus et remue distraitement les pieds dans l’eau. Je pourrais m’y faire…

Anna se lève et m’apporte mon verre avant de me rejoindre dans la piscine. Elle s’approche jusqu’à être collée dans mon dos, son corps brûlant contrastant avec l’eau. Ses mains parcourent mes bras, alternant entre massages et caresses. Elle écarte mes cheveux du bout de son nez et dépose des baisers entre ma nuque et mon oreille :

- Tu penses à quoi ?

- La plus rien, tu viens de court-circuiter toutes mes synapses.

Elle rit et demande :

- Tu n’as pas l’impression d’exagérer ça va ?

- Du tout pourquoi ?

Me retournant, je la parcours du regard et me mords la lèvre pour éviter de dire des bêtises. Je suis « coincée » entre son corps et le bord de la piscine et bien qu’il me reste encore suffisamment d’espace pour me mouvoir, je n’ai pas la moindre envie de me sortir de cette situation.

- Tu ferais mieux d'arrêter de me regarder comme ça…

Continuant sans hésiter, je réponds :

- J’ai toujours eu du mal à suivre les ordres…

Se penchant pour me murmurer à l’oreille, sa poitrine vient se coller à  la mienne et je peine à retenir un gémissement en l’entendant dire :

- Je te signale que tu es ma prisonnière pour encore un bon petit moment, il pourrait t’arriver des bricoles…

Comme pour marquer son point, elle me mordille le lobe, me faisant frissonner de plus belle.

Oh oui des bricoles ! C’est certain, il n’y a pas captive plus heureuse que moi ! Tu m’étonnes que les gens récidivent !

Mes mains vont se placer sur ses hanches, l’attirant plus à moi, puis griffent délicatement son dos, voulant lui rendre la pareille. Ma bouche va trouver son cou, où je dépose une pluie de baisers, avant de murmurer :

- Même pas peur !

Elle avance encore, me plaquant contre le bord de la piscine. Mes jambes ne m’étant d’aucune utilité, je vais instinctivement les enrouler autour de sa taille.

Anna m’embrasse avec abandon, tandis que mes mains, l’une dans son dos et l’autre derrière sa nuque, l’attirent plus à moi. Nous sommes collées, mais c’est loin d’être suffisant, j’ai besoin de plus.

Ses mains, qui alternent entre mes fesses et l’extérieur de mes cuisses n’aident vraiment, vraiment pas.

C’est elle qui rompt le baiser et m’incite à lâcher prise avec mes jambes, ce qui me contraint à marquer mon mécontentement dans un gémissement. Elle met un instant avant de parler, à court de souffle elle aussi. :

- Inès, si tu veux toujours attendre, il faut qu’on arrête...

Attendre ? Qui a eu cette idée pourrie déjà ? Ah oui, moi.

Mon esprit embrumé n’est probablement plus très irrigué puisque je ne suis plus capable d’avoir des réflexions poussées, mais une chose est certaine : j’ai franchi le point de non-retour. Si je ne couche pas avec Anna là maintenant tout de suite, je vais exploser et laisser un beau gros cratère dans sa piscine.

Quelque part, même si son timing est on ne peut plus mauvais, je suis malgré tout contente qu’elle ait dit cela, au moins je vois qu’elle respecte mes choix.

Pour toute réponse, je tire sur le flot qui retient son haut de maillot de bain, le dénouant, puis m’attaque à celui au milieu de son dos, lui faisant subir le même sort.

Elle me dépose un bisou sur les lèvres et se recule vers une zone moins profonde, souriante, pour s’emparer du bout de tissu et le jeter sur le bord de la piscine.

Et là, c’est le dilemme.

D’un côté, elle est tellement belle que je pourrais passer la journée à contempler les reflets du soleil sur ses seins, le ruissellement des gouttelettes d’eau sur son corps et le regard carnassier qui m’est directement adressé…

De l’autre, j’ai envie de la toucher, goûter sa peau, l’entendre gémir...

Elle prend la décision pour moi, revenant au contact. Dès qu’elle se met à bouger, je la rejoins à mi-chemin, n’y tenant plus non plus.

Ses lèvres retrouvent les miennes et reprennent là où elles s’étaient arrêtées. Ne voulant pas être en reste, je parcours ses côtes du bout des doigts, puis caresse le galbe de sa poitrine. Elle se recule à peine et je sais ce dont elle a besoin. Immédiatement, mes mains viennent occuper l’espace vacant. Sentir le poids de ses seins, ses tétons au creux de mes paumes, la manière dont elle réagit à mes attentions, tout ça me rend complètement dingue.

Je n’ai qu’une idée en tête, l’avoir nue et à ma merci.

Rapidement, j’ai déjà trop perdu de temps.

Délaissant ses lèvres, je vais caresser son oreille de ma bouche puis mordiller la jonction entre sa nuque et son épaule, avant de continuer ma descente.

L’une de ses mains vient se nicher dans mes cheveux  et je sens le poids de son regard sur moi lorsque j’atteins mon objectif, sans le toucher pour l’instant. Mes yeux accrochent les siens et je profite de l’instant, de l’anticipation, de l’envie que j'y lis. Souriante, elle murmure :

- C’est de la torture…

Elle n’a pas tort, mais j’ai besoin de cette pause, de prendre le moment de réaliser, je veux me rappeler de chaque petite sensation.

Mes lèvres finissent par prendre possession de son téton, que je caresse de ma langue. Sa main dans mes cheveux est légère, mais je sens son corps venir plus à moi, s’offrant à ma bouche. Sa peau a le goût du sel de la piscine et quelque chose de typiquement Anna.

Je me recule tout en maintenant le contact visuel, lui permettant de voir ma langue la caresser. Je n’ai pas le temps de m’attaquer à ma seconde cible qu’Anna m’amène à ses lèvres et murmure entre deux baisers :

- On migre vers les transats !?

J’acquiesce d’un mouvement de tête et on titube jusqu’au bord de la piscine. Elle s’installe sur le matelas, ruisselante et superbe, me tendant la main dans une invitation silencieuse. Je ne me fais pas prier et m’allonge au-dessus d’elle, nos cuisses entremêlées.

Pour ne pas l’écraser, je suis partiellement appuyée sur mes coudes et regrette de ne pas pouvoir continuer mon exploration. Ses mains sont partout et nulle part à la fois, et finissent par s’en prendre à l’attache de mon haut de maillot.

Je l’aide à m’en libérer, voulant sentir sa peau contre la mienne. J’ai toujours été sensible à cet endroit et la manière dont elle glisse ses mains entre nos corps pour me caresser me donne envie de lui laisser le champ libre de faire de moi ce qu’elle veut.

Je me redresse partiellement pour me mettre à cheval sur sa cuisse, appréciant la vue au moins autant que le contact de son muscle ferme entre mes jambes. Repérant mon petit manège, elle se contracte et vient faire pression. Posant mes mains sur son ventre pour l’appui, je n’ai pas besoin de plus d’encouragement pour onduler sur sa cuisse.

Ses yeux sont quasi noirs et je me sens désirée, belle… Peut-être même un peu sexy.

Mon bas de maillot de bain n’est plus très étanche et je suis persuadée qu’elle sent mon envie sur sa peau. Ne résistant pas à la tentation, je fais courir un doigt le long de la limite de son maillot, puis longe son pli de l’aine et parcours avec légèreté le tissu à l’endroit où elle a le plus besoin de moi. Son bassin répond à la caresse furtive, demandant plus de contact. N’y tenant plus, je prends son sexe au creux de ma paume, dans un geste plus possessif que ce dont je me serais crue capable. 

L’une de ses mains serre le matelas avec une poigne de fer et l’autre masse ma cuisse, m’encourageant à continuer de bouger.

Elle se redresse également, glissant une main dans mon dos et parcourant ma poitrine de ses lèvres. Je baisse la tête pour la regarder faire et ça n’aide ni mon problème d’irrigation (cérébrale?), ni mon problème d’inondation.

Mon sexe se contracte et bien qu’agréable, la friction est loin de me suffire. Décidant qu'il étant grand temps de faire tomber les dernières barrières, je me dérobe à ses baisers le temps de me redresser sur des jambes plus très sûres. Je m'apprête à me débarrasser de mon maillot sans cérémonie, mais elle m'arrête dans ma lancée et glisse ses doigts de part et d'autre du vêtement, demandant : 

- Je peux ? 

 Souriante, je réponds :

- Maintenant que t'as commencé, tu dois !

- Bien madame ! 

Elle abaisse le bout de tissu en douceur, comme voulant faire durer le suspense. J'ai envie de lui sauter dessus, mais prends sur moi, la laissant me découvrir à son rythme.

Je sens son regard me parcourir mais il est loin d'être pesant et je me surprends même à aimer la manière dont elle me dévore des yeux. 

Sans plus tarder, je l'invite à se rallonger, retirant à mon tour son bas avant de me glisser entre ses jambes. 

Elle tend la main pour m'inciter à venir à elle, ce pour quoi je ne me fais pas prier. Un frisson me parcourt le corps au contact de sa peau. 

Mes lèvres retrouvent les siennes et j'ai l'impression d'avoir découvert une nouvelle drogue. Nos respirations sont fébriles et je suis la première à me lancer, l'envie prenant le pas sur l'appréhension.

Je fais courir ma main sur sa cuisse, passant à l'intérieur et remontant lentement. Honnêtement, je ne sais pas si c'est elle ou moi que je torture. Cherchant davantage de contact, Anna ondule sous moi et c'est la chose la plus érotique qu'il m'ait été donné de voir. J'atteins enfin mon but, sentant son désir sous mes doigts. Elle m'est totalement offerte et mon cœur bat la chamade à l'idée que c'est moi qui suis à l'origine de son envie. Je niche ma tête au creux de son cou, le parsemant de baisers furtifs, tout en fermant les yeux tandis que je la découvre du bout des doigts. 

Je la sens se contracter autour de moi, j'entends chaque soupir et apprécie la manière dont elle réagit au moindre de mes gestes. Mes yeux toujours clos, je vis la scène avec mon corps et c'est comme si tout était décuplé.

Consciente qu'elle ne va pas durer bien plus longtemps, je me recule légèrement pour observer sa petite mort. Elle s'agrippe à moi alors que je m'efforce de prolonger son plaisir autant que possible. Retombant, je laisse mes doigts en elle tandis qu'elle est parcourue de légers sursauts.

Son regard vient accrocher le mien et je fonds en la voyant se mordiller la lèvre.

N'en ayant pas fini avec elle, je prends ça comme un "tu peux continuer" mais me fais arrêter en plein élan.

Elle m'embrasse doucement, encore à court de souffle et annonce :

- C'est officiel, je crois que tu essaies de me tuer. 

- Tu vois le mal partout...

 

*          *          *          *          *          *

 

On est encore quasi nues dans le salon lorsque ça sonne à la porte.

Je la regarde, elle me regarde, on se regarde... Aucune ne bat un cil, clairement en mode "si je ne bouge pas, l'intrus ne me verra pas".

Finalement, constatant que le tambourinement ne cesse pas je m'enquiers :

- T'attends quelqu'un ?

- Non...

Il est quand même pas déjà l'heure, le temps passe vite, mais pas à ce point !

- Oh merde si j'attends une livraison super importante pour le cabinet ! 

A cette réalisation, les yeux d'Anna s'écarquillent d'une manière dont je me moquerais volontiers si je n'étais pas actuellement en train de rechercher fébrilement mes vêtements ! 

N'en trouvant qu'une petite moitié et pas la plus couvrante, j'opte pour un repli stratégique dans la chambre histoire de conserver un minimum de modestie. Dans ma fuite, je m'amuse de voir Anna crier "j'arrive !", plonger dans la piscine et en ressortir tout aussi rapidement avant de s'enrouler dans une serviette.

Pas con !

Elle va ouvrir et je l'épie discrètement à travers la porte quasi fermée.

Sa main est super crispée sur le bout de tissu dissimulant sa modestie et c'est plutôt comique à observer. J'imagine que ça l'est beaucoup moins pour elle !

Mon cœur bat plus vite lorsque mes yeux se posent sur elle et je commence seulement à réaliser ce qu'il vient de se passer.

Pour une fois, tout s'est déroulé comme je le souhaitais ! Je parcours du regard l'étendue de peau que la serviette ne couvre pas et je me surprends à avoir à nouveau envie d'elle.

Un nouveau problème hormonal sur les bras, il ne me manquait plus que ça !

Le livreur dépose 3 gros cartons dans le salon, fait signer son récépissé à Anna et part non sans un dernier coup d’œil à sa silhouette. Ça ne m'étonnerait qu'à moitié que celui-ci espère avoir d'autres commandes...

Une fois assurée qu'il ne peut plus me voir, je quitte mon abri et vais rejoindre Anna.

Elle passe le dos de sa main sur son front en signe de soulagement :

- C'était moins une !

- Vois le bon côté des choses, t'as au moins fait un heureux !

Une lueur coquine passe dans ses yeux lorsqu'elle demande "seulement un ?" et desserre sa prise sur la serviette qui finit sa course à ses pieds.

Mon souffle s'arrête un instant tandis que je la dévore littéralement du regard.

M'approchant avec la ferme intention de mettre à profit ses provocations, je lance :

- J'en connais une qui joue avec le feu...

Un sourire séducteur apparaît sur ses lèvres alors qu'elle m'attire à elle.

- Peut être bien... tu comptes y remédier comment ?

Elle se mord la lèvre et sa main parcourt sa propre poitrine sans que je puisse en manquer une miette.

L'étonnement initial laisse place à une implacable envie de la faire mienne.

Je ne lui connaissais pas ce côté-là de sa personnalité, mais il n'est pas pour me déplaire !

 

*          *          *          *          *          *

 

Nos amis arrivent à l'heure et Batou se plaint d'avoir été le bouc émissaire au laser game. Anna et moi on se regarde, mais nous abstenons de commenter.

Son étonnement équivaut à celui d'un type se promenant nu dans le centre-ville d'un endroit autre que le cap d'agde et ne comprenant pas son arrestation pour atteinte à la pudeur et exhibitionnisme... En clair : il y a du niveau.

Évidemment, Lucie et Tami qui sont déjà comme cul et chemise d'ordinaire s'amusent d'autant plus de son désarroi qu'elles en sont à l'origine.

Après 10 minutes à se servir de nous comme mur des lamentations, il décide de passer à autre chose et met les pieds dans le plat en demandant pile le truc délicat à savoir :

- Et vous votre après-midi ça a été ? Vous avez fait quoi ?

Mon regard croise celui d'Anna et on commence à parler de manière parfaitement synchronisée :

- On était au bord de la piscine

- On a regardé des films

L'évidence de notre mensonge rend les taquineries de Lucie et Tami d'autant plus insupportables. C'est la meilleure amie d'Anna qui ouvre le bal :

- Au moins on sait ce qu'elles ont fait !

J'essaie de les interrompre d'un "c'est pas ce que vous croyez" mais Lucie répond comme si je n'avais pas pipé mot :

- Oui, j'imagine qu'elles ont passé un ou plusieurs bons moments.

- Pas trop tôt si tu veux mon avis, j'en pouvais plus de les voir se regarder en chien de faïence !

- À qui le dis-tu ! Voir ces deux-là ensemble c'était pire qu'un épisode des feux de l'amour !

La barmaid ponctue sa phrase d'un doigt orienté vers le fond de sa gorge et de bruits de vomissements.

Mon visage se pare d'un superbe rouge brique et je constate qu'Anna se cache derrière ses mains.

Moi qui pensais naïvement que Baptiste allait nous épargner une humiliation supplémentaire, je me rends à l'évidence en l'entendant chantonner comme un enfant de 4 ans :

- Ouh les menteuses, elles sont amoureuses !

Elle et moi attendons patiemment que l'orage passe et qu'ils se lassent.

...

Ça prend un certain temps.

....

Finalement, Lucie ramène l'ordre en levant son verre et annonçant :

- À mes deux gourdes préférées,  puissent- elles être heureuses ensemble.

Offusquée,  je rétorque :

- Hey ! Je ne suis pas une gourde !

Cette fois ci c'est Anna qui réagit :

- Ah parce que moi oui ?

Me rendant compte de ma bourde, je me tourne vers elle et place mes mains sur ses bras croisés en tentant de me justifier :

- Mais non ce n'est pas ce que je voulais dire tu le sais bien !

Elle hausse un sourcil tandis que j'entends les trois commentateurs en arrière-plan y aller de leur "et vas-y, première dispute" "j'espère que c'est pas déjà fini je veux pas revivre la même galère" "c'est clair, Inès est incasable" "Anna n'est pas mieux".

Prête à tout pour qu'ils cessent, je fais quelque chose qui, j'en suis sûre et certaine, va changer le sujet : embrasser Anna.

- Prenez une chambre !

- Y a des hôtels pour ça !

- Elles ne sont pas tenables !

Ses lèvres retrouvent les miennes et j'avoue que pendant une fraction de seconde j'oublie jusqu'à la raison pour laquelle je l'avais embrassée en premier lieu. Je gambade à nouveau dans le petit monde de bisounours et poney magiques dans lequel j'ai évolué depuis l'épisode "piscine" et les 3 zigotos sont complètement éclipsés !

Anna décide de les arrêter en plein élan lorsqu'ils songent à prendre des photos "tant que ça dure !". Quelque part c'est dommage, pour une fois qu'ils avaient une idée qui me plaisait !!

- Bon et sinon on peut changer de sujet ? Je croyais que vous étiez là pour regarder un match de foot ?

Baptiste est de loin le plus enthousiaste à cette idée et ne se fait pas prier pour se ruer vers le canapé afin d'avoir la meilleure place.

Je m'installe confortablement tout contre Anna et je ne pourrais pas être plus heureuse qu'en sentant son bras autour de mes épaules. Malgré les beuglements des trois mousquetaires à côté de nous, je suis totalement en train de rêvasser et le score est la dernière de mes préoccupations !  Profitant du fait qu'elle regarde assidûment la télévision, je glisse des petits bisous dans le cou d'Anna et suis récompensée par un sourire instantané !  Elle dépose un baiser sur le haut de ma tête et se recule pour demander :

- Tu ne suis pas le match ?

Objectivement j'ai bien mieux à faire, mais si je veux éviter de me faire taquiner, une seule réponse est adéquate :

- Si si !

Son regard croise le mien et je crois qu'elle sait que je n'en pense pas un mot.

Je me réinstalle comme si de rien n'était et continue mon manège. D'ordinaire, je ne suis pas quelqu'un  de démonstratif en "public", mais pour l'occasion je suis tellement heureuse de pouvoir l'embrasser à loisir que toutes ces considérations me paraissent bien lointaines. Et puis eux ne comptent pas !

Les doigts d'Anna dessinent des petits motifs sur mon épaule et pour la première fois depuis un bon moment je me sens totalement épanouie. 

N'empêche que quand j'y repense, Batou est le premier à avoir suggéré que j'avais des sentiments pour ma kinésithérapeute ! Sans lui je ne m'en serais peut-être pas aperçue tout de suite ! Qui aurait cru qu'un jour l'une de ses fameuses intuitions allait s'avérer utile ?

Par contre, celle qui le laisse penser que je suis folle de lui n'est toujours pas d'actualité ! 

22 février 2016

Chapitre 14 : Mouton noir ?

- Tu dois faire un site porno ?

Lançant un regard blasé à mon meilleur ami je lève les yeux au ciel et rétorque :

- Non. Pour la millième fois, je ne sais pas de quoi tu parles.

- On ne me la fait pas à moi, t'as l'air toute contente ces derniers temps.

Je retiens le sourire qui menace de s'échapper en pensant "tu vois ta cousine ? Bah je sors avec !".

Mais bon, Anna ne veut pas qu'on le crie sur les toits pour l'instant, ce que je peux comprendre, après tout ça ne fait que quelques jours.

- Ça doit être le soleil qui m'a donné bonne mine, j'en sais rien moi, tu hallucines mon pauvre vieux !

Voyant que je suis sur la défensive, Lucie vient à ma rescousse.

- Fous-lui la paix, si elle avait un secret elle l'annoncerait à SES DEUX MEILLEURS AMIS, pas vrai Inès ?

Elle me fixe en plissant les yeux, visiblement suspicieuse elle aussi. En même temps, je n'ai pas tenté le cours Florent pour une raison, je suis aux qualités d'actrices ce que les frères Bogdanov sont au glamour...

Dire que je croyais qu'elle était de mon côté, quelle naïve je fais !

Me défendant tant bien que mal (je vous laisse deviner lequel des deux prend le dessus) et ne voulant pas mentir à proprement parler (l'omission ça ne compte pas), je passe à l'attaque :

- Bon ils ont fini Laurel et Hardy ? C'est pas parce que dans vos feuilletons préférés il y a toujours des rebondissements que c'est pareil dans ma vie !

Lucie et Baptiste se regardent, puis décrètent d'une seule voix : "elle nous cache quelque chose".

Soupirant, je frotte mes mains sur mon visage, me demandant ce que je vais bien pouvoir faire des ces deux-là.

Sous mes yeux, mon coca fait place à un nouveau verre rempli à ras bord de la même boisson.

Elle essaie de m'acheter ? Mon amie clarifie immédiatement son geste :

- Ça se boit frais ces petites choses, tes glaçons étaient déjà tout fondus !

Je manque de remercier Lucie pour sa générosité lorsque j'ai des soupçons. Portant le verre à mon nez, ils se confirment.

- Lucie..... Pourquoi il y a du whisky dans mon coca ?

Elle fait mine d'être étonnée et mime un air innocent franchement réussi, c'est ça le pire. Compte tenu des circonstances, je ne crois pour autant pas un seul des mots qui quittent sa bouche :

- Je ne sais pas ! 

Elle s'empare du verre et l'amène à son nez :

- Je ne sens rien. Mais tu devrais boire, il fait chaud dehors, on ne voudrait pas que notre vieille branche se déshydrate, pas vrai Batou ?

- Ah non on ne voudrait pas !

Ils m'adressent tous deux un sourire mielleux totalement terrifiant pour qui les connaît aussi bien que moi... Je suis dans le caca.

Anna a plutôt intérêt à résoudre ses dilemmes intérieurs rapidement parce que j'en connais deux qui ne sont pas au-dessus de techniques fourbes pour me faire avouer...

 

*          *          *          *          *          *

 

[Trois semaines et demi plus tard]

J'arrive à la porte de la maison d'Anna avec un sentiment mitigé en moi.

D'un côté je suis super bien quand je suis avec elle et on s'est vues quasiment tous les deux jours depuis notre premier rencard, de l'autre elle me dit ne pas être prête à l'annoncer à nos potes.

Ça fait des années que je m'assume en tant que lesbienne et ce retour dans le placard n'est pas des plus agréables.

Et puis, nos amis ne sont pas si bêtes, ils doivent bien remarquer qu'Anna et moi avons soudainement un emploi du temps bien rempli ! Ils me harcèlent pour savoir ce qui se trame et malgré ma bonne volonté ma crédibilité est au plus bas.

Avec Anna notre premier baiser a eu lieu il y a un peu plus d'un mois et même si ça ne représente pas grand-chose au niveau d'une relation, quand on sait à quelle fréquence on se voit ça commence à devenir sérieux. Pour moi ça l'a d'ailleurs toujours été.

Je toque finalement, consciente que repousser l'échéance est inutile. Lorsqu'elle ouvre la porte tout sourire quelques secondes plus tard, ma décision n'est pas encore prise. Mais en constatant qu'une fois de plus elle attend qu'elle soit refermée pour m'embrasser, elle se précise.

Je n'ai pas eu le temps de faire un pas dans la maison que déjà je me retrouve adossée au mur de l'entrée, Anna contre moi et ses doigts parcourant mes flancs.

En sentant sa main s'approcher dangereusement de ma poitrine, je me force à l'arrêter gentiment, même si ça me coûte, car elle est loin d'être maladroite dans ses tactiques de séduction.

Ça fait maintenant plusieurs soirées qu'elle est, je crois, disposée à aller plus loin que quelques baisers et caresses, mais je m'y refuse.

Aussi adorable qu'elle puisse être lorsque l'on est seules, aussi désirable qu'elle puisse être, aussi amoureuse que je puisse être, je n'ai pas envie d'être le vilain secret de quelqu'un.

Voyant que je me détourne d'elle, Anna s'enquiert :

- Qu'est ce qu'il y a ?

Voulant prendre le temps de formuler ma réponse, je vais m'asseoir sur le canapé et joue avec la lanière de mon sac du bout des doigts avant de demander :

- Je te fais honte à ce point ?

- Honte, de quoi tu par-...

Comprenant à quoi je fais référence, elle passe sa main dans ses cheveux, geste que j'ai appris à reconnaître comme un signe de nervosité.

- Bien sûr que tu ne me fais pas honte et tu le sais, on en a déjà parlé. Je ne suis pas prête.

Elle prend ma main dans les siennes et me caresse de son pouce, certainement dans l'espoir que ça va m'aider à rallier sa cause.

- Et tu seras prête quand ?

- Je... J'ai besoin de temps.

Sa réponse réchauffée m'agace et je pense qu'elle le voit dans mon regard et le sent dans la façon dont je rétorque :

- Et moi de ne plus me sentir comme une pestiférée.

- Tout de suite. Tu n'as pas l'impression d'exagérer ?

Mes sourcils se haussent en entendant ça. J'y crois pas. J'arrache ma main des siennes et me tourne pour lui faire face :

- Exagérer ? Toutes nos soirées en couple se passent en huis clos ou à l'autre bout de la ville, tu crois que je ne remarque pas que tu attends que personne ne nous voie pour m'embrasser ? Là c'est sûr je me sens valorisée !

- Ça n'a rien a voir avec toi, les gens s-

- Anna, les gens s'en foutent d'avec qui tu couches ! Et Tami, Lucie et ton cousin sont au courant de tes préférences et tu ne veux pas leur dire non plus, alors ne me prends pas pour une conne s'il te plaît. Ils n'arrêtent pas de me poser des questions et j'en ai assez de mentir pour toi.

Peut-être est-elle à court d'excuses, toujours est-il qu'elle se tourne en croisant les bras, se contentant d'un :

- Je ne veux plus en parler.

- Et moi je ne veux plus être le vilain petit canard.

Mutique, Anna reste en position, comme si je n'avais rien dit. Je ne sais pas ce qu'elle espère accomplir, mais je ne peux plus continuer comme ça. Même s'il n'y a pas le sexe, je me sens comme une prostituée, que l'on côtoie derrière portes closes et qu'on congédie en société.

Des larmes perlent aux coins de mes yeux, mais je refuse de la laisser les voir. La déception est amère :

- Viens me trouver quand tu auras fini de vivre dans le passé et que tu comprendras qu'on a peut-être un futur. Je ne suis pas elle.

Parler de l'histoire horrible qui lui est arrivée est un coup bas, j'en ai conscience, mais je veux qu'elle réagisse, qu'elle me donne ma chance, non, qu'elle nous donne une chance.

J'ai mes défauts, mais je mérite d'être traitée mieux que ça.

Même mon évidente provocation ne lui extirpe pas l'ombre d'une réaction... Pourtant j'imagine qu'elle est surprise, elle ne savait pas que je suis au courant.

Me relevant, j'attrape mon sac et dit :

- Au revoir Anna.

Elle me laisse partir.

Comme ça.

Je suis peut être celle qui met fin à ce que l'on a, mais ne vous y trompez pas, le mouchoir usagé c'est bien moi.

Arrivée à la porte d'entrée, je me retourne pour l'observer, espérant je ne sais quoi. Qu'elle me retienne ? Je ne rencontre que son profil, elle ne me regarde même pas.

Ce n'est une fois la porte refermée derrière moi que je m'autorise à pleurer.

 

 *         *          *          *          *          *

 

Après quelques jours passés en totale réclusion, j'ai rendez-vous avec Lucie et Baptiste au bar. Officiellement, j'avais la grippe. Officieusement, c'est uniquement mon cœur qui m'a fait mal.

C'est fou ce qu'on s'habitue vite à une présence, je ne sais plus quoi faire de mes soirées.

Je n'ai pas eu de nouvelles d'Anna depuis notre altercation. J'imagine que notre début d'histoire avait plus d'importance à mes yeux qu'aux siens.

Autant vous dire que misérable est un adjectif qui se prête bien à ma description. J'ai donc tâché de reprendre forme humaine et suis allée faire l'acquisition de mascara waterproof au cas où une petite crise de pleurs me prend à l'ombre des toilettes.

Au fond, je ne sais même pas pourquoi je mens à mes amis. Anna mériterait que je leur raconte ce qui s'est passé. Pour autant, aussi déçue et furieuse que je sois, je ne veux pas m'abaisser à ça, d'autant plus que ça n'accomplirait rien.

Placardant un large sourire commercial sur mon visage, je pousse la porte du bar et vais saluer mes meilleurs amis.

Lucie me sert immédiatement un verre de jus de pomme et de caramel (sans vodka), semblant savoir qu'il n'y a rien de mieux pour me requinquer et demande :

- Comment ça va ma belle ?

- Mieux merci, j'ai cru que je n'allais jamais pouvoir quitter mon lit !

Baptiste met son bras autour de mon épaule et dit :

- On va bien s'occuper de toi t'inquiète ! Tu m'as manqué !

Il ponctue sa phrase d'un bisou sur la joue, ce qui selon moi signifie qu'ils se doutent que ma maladie n'était pas de nature virale... Voulant alléger l'atmosphère, je m’enquiers :

- Ça me coûte de l'avouer, mais vous m'avez manqué vous aussi. Alors dites-moi, quelles conneries vous avez faites en mon absence ?

Mon meilleur ami est le premier à répliquer :

- Tu devrais savoir qu'on se tient toujours à carreau !

- Bizarrement je n'y crois pas du tout ! Vous avez profité de ma maladie pour faire la fête ?

Il grimace et me répond d'un ton blasé :

- Non même pas, j'ai dû faire des heures sup' au boulot en début de semaine et j'ai juste vu Lu'.

Étonnée, je me tourne vers la barmaid :

- Et toi ? 

- Boulot aussi, notre cher manager a décidé d'organiser des soirées à thème et ça a amené pas mal de monde.

Je grimace en entendant ça, ça n'envoie pas du rêve. D'un autre côté, je n'ai rien manqué.

Ne sachant pas sur quel sujet embrayer, je baisse les yeux sur mon verre que je touille distraitement de ma paille.

Batou saisit l'occasion pour se lancer dans une litanie concernant sa nouvelle conquête qui serait apparemment "la femme parfaite". J'y croirais volontiers s'il n'avait pas dit la même chose à propos de la fille du mois dernier.

M'enfin, d'un côté il y en a au moins un qui est un éternel optimiste.

Je relève la tête pour observer mon meilleur ami parler avec animation à une Lucie nettement moins enthousiaste, quand je vois la porte du bar s'ouvrir dans mon champ de vision.

Mon coeur manque un battement (ou quinze) en apercevant Anna.

Elle porte une chemise en jean gris et le pantalon sombre qu'elle avait lors de notre premier rencard. Cette pensée me vaut une nouvelle vague d'infinie tristesse.

Quel gâchis...

Je ne peux vraiment pas avoir de break...

Son regard sonde le bar et je me détourne avant qu'elle ne puisse croiser le mien.

O-kay, il est temps de prendre le large.

Anna se rapproche rapidement et je m'empresse de descendre de mon tabouret avec la ferme intention de m'échapper en direction des toilettes. J'ai l'impression d'avoir un grand trou dans la poitrine et les douleurs qui vont avec.

C'est beaucoup trop tôt, trop frais.

J'espère que le pipi room a une fenêtre, je ne sais pas si c'est le choc de sa venue, mais je suis incapable de m'en souvenir et cette pièce est mon seul espoir.

Malheureusement, soit la surprise a affecté mes fonctions motrices, soit elle a accéléré, car je n'ai pas le temps de passer derrière Baptiste qu'Anna m'atteint.

Vous savez quoi ?

Faire mine de ne pas voir quelqu'un devient très délicat lorsque cette même personne vous saisit gentiment mais fermement par l'épaule, chuchotant :  

- Inès, je peux te parler ?

J'espère un instant que Baptiste va me tirer de ce mauvais pas, mais il n'a même pas remarqué que je suis au bord du gouffre et continue dans sa lancée logorrhéique comme si ma mort n'était pas imminente.

Fermant les yeux, je détourne mon visage et tente de forcer le passage. Je ne veux pas risquer de pleurer, surtout pas devant elle.

Mais comme d'habitude, rien ne va dans mon sens et je suis incapable de me libérer.

Agacée, je me tourne vers elle, plantant mon regard dans le sien et demandant :

- Tu ne crois pas que tu en as assez fait ?

J'espère que ma phrase a eu suffisamment d'impact pour qu'elle ait desserré sa prise de sorte que je puisse m'enfuir, mais c'est l'instant que choisissent mes jambes pour cesser de fonctionner.

Cette fois c'est sûr, je vais écrire un bouquin que j'intitulerai "mon corps, ce traitre".

Mes yeux finissent par croiser les siens et j'ai l'impression que le temps s'arrête. J'y vois de la détermination et de la peur. Décidant définitivement le titre du livre, mon cœur se met à battre aussi vite que si j'étais une dame obèse au 40 ème km de son marathon ... lâcheur. Après trois plombes à me morfondre et sans l'ombre d'une attirance pour qui que ce soit, tu choisis celle qui a le potentiel de me détruire alors je serais toi je ne ferais pas le malin et je me la jouerais discret ! Organe vital mon œil !

Ne tenant plus, j'essaie une nouvelle fois de m'extirper de ce mauvais pas, mais suis stoppée net par sa main sur ma joue.

Elle s'approche lentement et je me sens comme un daim dans les phares d'une voiture, en mode "et merde,  je fais quoi maintenant ?". Ses lèvres viennent se poser timidement sur les miennes et mon cerveau cesse toute activité.

Je reste plantée sur mes jambes tremblantes pendant ce qui me semble être une éternité, mais n'a pas du prendre plus de 5 secondes.

J'ai pas compris, il s'est passé quoi là ?

Lucie me fait un sourire réconfortant et mon meilleur ami se tourne en demandant :

- Pourquoi tu souris Lu' ?

Ignorant totalement la question du boulet qui a une fois de plus tout raté, elle continue de plus belle son opération "sourire bienveillant".

Anna ne m'a pas quittée du regard et semble totalement focalisée sur moi. Tout de suite maintenant, je ne sais pas trop si c'est une bonne chose ou si c'est terrifiant !

Elle prend une grande inspiration et, sans rompre le contact avec moi, se tourne vers la salle, annonçant assez fort  :

- Excusez-moi !

Les conversations cessent et au moins quarante paires d'yeux curieux se braquent sur elle. Autant dire qu'à l'instant je suis bien mieux dans ma peau que la sienne !

Elle semble terriblement anxieuse mais continue néanmoins :

- Voilà je... j'étais en couple et j'ai perdu ma copine parce que j'ai été suffisamment stupide pour lui donner l'impression que j'avais honte d'elle. Alors aujourd'hui j'essaie de me racheter...

Omg, elle est vraiment en train de faire ce que je crois ?

Faisant dos à la salle, son regard vient capter le mien et elle continue à voix haute et intelligible :

- Inès, je suis amoureuse de toi. Je sais que je ne la mérite pas, mais est-ce que tu veux bien me donner une seconde chance ?

Mes joues prennent la couleur de la lave en fusion. Mon cerveau est toujours en panne.

Je suis tout à fait consciente des regards posés sur moi, de la bouche ouverte de mon meilleur ami, de l'air réjoui de Lucie mais sous le coup de la pression je perds tous mes moyens et n'arrive pas à décrocher le moindre mot.

Anna finit par baisser la tête, prenant mon silence pour un non. Pas besoin d'être perspicace pour lire la douleur sur son visage.

Finalement, c'est une fille au fond du bar qui sera ma sauveuse en annonçant :

- Si elle refuse moi je veux bien !

Sa remarque détend totalement l'atmosphère et m'arrache un rire. J'espère que je ne vais pas le regretter...

Me mordillant la lèvre inférieure, j'acquiesce d'un signe de tête et vais me blottir dans ses bras sous les sifflements et autres encouragements des clients.

J'ai l'impression de me trouver pile là où je devrais. Anna me serre fort contre elle et niche sa tête au creux de mon cou. Je sens qu'elle y dépose un bisou et l'entends me murmurer à l'oreille :

- Je suis vraiment désolée. Lorsque t'as franchi le pas de la porte j'ai réalisé que t'avais raison sur toute la ligne et que j'étais une abrutie finie. Je veux pas te perdre.

Ne résistant pas à l'envie d'avoir des explications, je me recule et demande :

- Pourquoi avoir attendu tout ce temps alors ?

- Je ne savais pas comment m'y prendre et j'avais peur que tu doutes de ma sincérité.

Elle marque un point. Si elle m'avait simplement couru après pour m'annoncer qu'elle allait le dire à nos amis, je ne l'aurais certainement pas crue.

- Comment t'as su que je serais là ce soir ?

- Un petit oiseau me l'a dit...

D'un signe de tête, elle montre Lucie. On ne peut plus faire confiance à qui que ce soit :

- Elle était au courant ? Pour nous deux aussi ?

- Je pense que Tami lui avait dit, mais je l'ai contactée pour qu'elle m'aide à organiser ça.

Je me tourne vers mes amis et pointe un doigt accusateur en direction de Lucie :

- Et tu m'as même pas prévenue ?

Elle hausse les épaules d'un air nonchalant et c'est Batou qui répond :

- En même temps, tu fricotais avec ma cousine et je n'en savais rien ! C'est du propre !

Venant à ma rescousse, Anna pose sa main dans le creux de mon dos et réplique :

- Maintenant tu le sais ! Et ce n’était pas vraiment discret non plus...

Notre barmaid embraye immédiatement là-dessus :

- Nan mais cherchez pas, il raterait une baleine dans un couloir !

- Hey ! C'est pas vrai !

Faisant fi de son air offusqué, Anna rigole et annonce :

- T'inquiètes, j'ai le genre de truc qu'il te faut.

Elle commence à déboutonner sa chemise puis la retire pour révéler un T-shirt sur lequel on peut lire "Anna Inès" avec deux mini photos à côté des noms.

Elle se tourne et dans le dos est inscrit "Team Inna".

J'éclate de rire, si je m'attendais à celle-là ! :

- C'est quoi ça ?

- Le plan B, je comptais me balader avec jusqu'à ce que tu craques !

Ne me retenant plus, je lui fais un petit bisou sur les lèvres. Trop mignonne.

Toute contente, Anna demande :

- C'est assez clair pour toi couz ?

- T'es grave ! Mais j'avoue qu'au moins le message est clair !

Lucie se penche sous le bar et enfile sa propre version du T-shirt.

Ah parce qu'il n'y avait pas qu'un seul exemplaire ?

Elles sont vraiment arrangées ! Je ne sais pas ce qui est le pire, l'idée, le fait qu'elles l'aient exécutée ou Batou qui s'exclame :

- Hey, pourquoi j'en ai pas moi ! C'est de la discrimination ! 

Je lève les yeux au ciel et réponds :

- T'inquiète pas, moi aussi je suis exclue !

On se retourne en entendant une voix familière rétorquer :

- Tu peux pas être exclue tu es la moitié de l'équipe !

- Salut Tami ! Laisse-moi deviner toi aussi tu étais de mèche ?

- Même pas, j'ai juste vu qu'Anna était mal ces derniers temps et c'est Lucie qui m'a dit de venir ce soir ! J'ai manqué quoi ?

Certainement content de ne pas être le seul persona non grata de la confidence, Baptiste s'empresse de tout lui raconter à grand renforts de détails et commentaires.

Tout en l'écoutant, je reste proche d'Anna,  même si je ne suis pas de celles qui sont démonstratives en public, pour l'instant j'ai besoin du contact pour me rassurer.

Je ne dis pas que je lui ai pardonné, mais j'ai envie d'en arriver là et bien l'intention de me donner les moyens pour ne plus qu'elle m'échappe.

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22 février 2016

Chapitre 13 : Prélèvement d’organes

Je suis réveillée en sursaut par le rire tonitruant de mon meilleur ami.

La lumière du jour filtre à travers les volets. 

Groggy, je me lève et sors de la chambre à la recherche d'un café, tirant sur le T-shirt pour qu'il me couvre davantage.

Ce n'est qu'en apercevant Anna à table que je me souviens de la soirée d'hier.

Un affreux doute m'envahit. Est-ce que ça s'est réellement produit ? 

Je me suis réveillée dans le trou entre le lit et le clic-clac, ce qui ne m'indique rien du tout ! 

Tous deux me sourient tandis que je m'assieds à table.

- Coucou.

Baptiste, bien trop en forme à mon goût, me demande en me servant à boire  :

- Bien dormi ?

Mes yeux tentent de croiser ceux d'Anna mais elle semble obnubilée par sa tasse de café, ayant du mal à émerger. 

- Nickel et toi ? Ton "amie" est déjà partie ? 

La manière dont le visage de Baptiste s'illumine me confirme que la soirée fut bonne avant même qu'il n'ouvre la bouche :

- Très très peu dormi mais ça en valait la peine. Oui, elle est rentrée chez elle tôt ce matin. 

- Tu comptes la revoir ?

Il hausse les épaules et réplique, peu convaincu :

- Je ne sais pas trop, on verra bien ! 

- Ça ça veut dire non !

- Et depuis quand t'es la spécialiste des relations au juste ? 

Ça me démange de répondre "depuis hier soir" mais je m'abstiens parce que 1) je ne sais pas si Anna est prête à l'annoncer à son cousin, 2) je ne sais pas si JE suis prête et 3) je ne mettrais pas ma tête à couper que ça a vraiment eu lieu.

Du coup j'opte pour une répartie nettement moins incisive : 

- Gna gna gna !

Je porte ma tasse à mes lèvres et observe Anna qui vient à ma rescousse en changeant le sujet :

- Tu sais comment tu vas rentrer ?

Malheureusement oui et cette perspective ne me réjouit guère :

- En tram j'en ai bien peur...

S'adressant à son cousin, ma kiné demande :

- T'as un casque à nous prêter ? Je pourrais la ramener... Après tout si je me souviens bien je lui ai promis une balade en moto.

Elle se tourne vers moi, radieuse :

-  Enfin si tu es toujours partante ?

Laisse-moi réfléchir, l'objet de mes fantasmes, en tenue moulante en cuir et moi collée dans son dos avec (éventuellement) mes mains autour de sa taille ? Un peu que je suis partante !

J'acquiesce d'un signe de tête accompagné d'un grand sourire qui, je l'espère, ne me donne pas l'air d'un pédophile à la sortie des classes.

S'il relève le fait que l'atmosphère est à nouveau bonne entre Anna et moi, Baptiste n'en dit rien. Tant mieux, j'ai peur qu'il ne mette les pieds dans le plat, et je préférerais attendre. On ne danse pas la carmagnole sur un pont aux bases fragiles. (Oui c'est de moi, j'ai toujours eu une âme de poétesse).

Du coin de l’œil, façon strabisme divergeant, j'espionne discrètement Anna. Avec ses cheveux nonchalamment attachés et son trop grand T-Shirt sur lequel est inscrit "I hate Mondays", elle est tout juste trognon. C'est agréable de voir une autre facette d'elle, moins proprette. Je pourrais m'habituer à prendre le petit déjeuner avec elle !

Bon ok, je pourrais certainement m'habituer à lui couper les ongles des pieds si ça signifiait vivre à ses côtés à plein temps, mais vous avez saisi l'idée ! 

On termine de manger en silence, chacun à sa manière : je savoure l'instant, Anna a l'air de rêvasser et Batou se goinfre. 

Je pars me changer en premier et Anna suit le même chemin une fois que je suis sortie, me laissant seule avec mon meilleur ami. J'ai l'impression que toutes les histoires entre sa cousine et moi nous ont involontairement éloignés.

Sans réfléchir, j'annonce :

- Tu me manques, on passe moins de temps ensemble en ce moment. Ça te dit d'aller boire un verre un de ces quatre ? Juste tous les deux j'entends.

Il fait gigoter ses sourcils et demande :

- C'est une proposition de rencard ? Tu as enfin succombé à mes charmes ?

- Batou, la seule chose à laquelle je vais succomber ce sont mes crises de vomissements si tu continues sur ce sujet. 

- Tout de suite... Mais si jamais tu changes d'avis... Où tu veux quand tu veux.

Anna revient pile pour entendre la fin de sa phrase et s'enquiert immédiatement :

- J'ai loupé quelque chose ? 

D'un geste dédaigneux de la main, j'annonce :

- Ton cousin qui interprète de façon particulièrement dérangeante ma demande 

amicale à passer plus de temps ensemble. 

- Hey ! Je suis là je te signale !

Ignorant son air offusqué, ma kiné fait mine de lui expliquer :

- C'est difficile à concevoir mais il me semble qu'elle préfère les charmes des femmes aux tiens...

Pas des femmes en général, surtout une ... Elle à beau lui "expliquer" ça comme s'il était attardé, je fais totale abstraction de ça pour me concentrer sur la manière féline qu'elle a de se déplacer, inconsciemment sensuelle...

- Mais c'est elle qui dit des choses !!

Souriante, ma kiné ignore ses protestations et me demande : 

- T'es prête, que je t'arrache à ses griffes ? 

- Plus que jamais !

On salue Baptiste et descendons les escaliers en silence. 

Arrivées à la moto, nous enfilons nos casques et Anna chevauche son engin avant de se tourner vers moi et lance :

- Tu montes ? 

Je la frappe, quasi persuadée qu'elle pensait "c'est combien?". Elle mime un air offusqué dans un :

- Qu'est-ce que j'ai fait ? 

- Tu le sais très bien. Je m'accroche où ?

Regardant droit devant, elle abaisse sa visière et j'entends :

- À moi.

En voilà une bonne nouvelle ! Pourquoi je n'ai pas insisté pour ce tour de moto auparavant ?

Sans perdre une seconde, je l'enlace, contente de pouvoir être aussi proche d'elle.

Elle démarre le moteur, pose sa main gantée sur les miennes et demande :

- Prête ?

- Plus que jamais ! 

On se met en route et le moins que l'on puisse dire, c'est que j'apprécie la balade. Je me colle autant que possible en essayant de faire en sorte que ça ne soit pas trop flagrant. La dernière des choses dont j'ai besoin, c'est qu'elle s'imagine que je tente de me faire des sensations en faisant frotti-frotta dans son dos ! 

Elle roule lentement et je lui en suis doublement reconnaissante, non seulement ça implique plus de temps dans cette position, mais ça me permet également de ne pas flipper.

On approche de chez moi et j'appréhende le moment des au revoir. Après tout je ne sais toujours pas ce qu'elle pense d'hier, si tant est qu'il se soit passé quelque chose !

Elle s'arrête à environ un pâté de maisons de chez mon immeuble, dans une petite rue déserte.

- Euh Anna ? Tu te souviens plus où j'habite ou tu comptes vendre mes organes au marché noir ?

Stoppant le moteur, elle descend de la moto et retire son casque puis le mien sous mon regard perplexe.

Je n'ose pas bouger de mon perchoir de peur de choir et d'abîmer la moto au passage.

En plus elle n'a toujours pas répondu et je commence à me demander s'il n'y a pas une part de vérité dans ma plaisanterie.

Elle passe sa main gantée dans ses cheveux et détourne les yeux, comme gênée. Incertaine, je demande d'une petite voix :

- Anna ?

- C'était beaucoup plus simple sur le papier...

Mais de quoi elle parle ?

- Me tuer et cacher mon corps dans un fourré ? C'est pour ça qu'on s'est arrêtées ici ?

Elle baisse la tête et lève juste les yeux pour croiser timidement mon regard :

- Non et non.

Elle s'avance vers moi et saisit ma main.

Les yeux dans les miens, elle se mord la lèvre avant de s'emparer des miennes dans un baiser qui me prend totalement par surprise.

Elle se recule bien trop tôt à mon goût et je peine à retenir un gémissement plaintif. C'est pas juste qu'elle ait un pouvoir pareil sur mon cœur et mon corps ! À peine un baiser et voilà que mes hormones dansent la lambada !

- Désolée mais j'avais très envie de t'embrasser et je n'étais pas sûre de pouvoir attendre jusqu'à chez toi...

C'est la meilleure nouvelle que j'ai entendue depuis longtemps. Pour donner un ordre d'idée, c'est au même niveau que l'actrice Eliza DUSHKU qui admet qu'elle pense que Faith a des sentiments pour Buffy, c'est pour dire !

- Oh mais ne t'excuse surtout pas ! Heureusement que ce n'est pas moi qui roule sinon on n'arriverait jamais !

Maintenant que je sais qu'aucun trafiquant ne va sortir de derrière un buisson pour tenter de me voler un rein, je descends précautionneusement de la moto. 

J'attire Anna dans mes bras, ayant besoin de sentir qu'elle est bien là. 

Au vu de la réaction de certaines parties de mon corps lorsqu'il entre en contact avec le sien je confirme : elle est bien là !

Elle me serre fort et j'ai la nette impression que je ne suis pas la seule qui avait envie de faire ça.

Je me recule en premier et écarte ses cheveux de son visage pour poser ma main sur sa joue. Mes yeux vont trouver les siens et on se regarde, échangeant silencieusement tous les mots qu'on ne s'est pas dit. C'est peut-être tout bête mais rien que savoir que je peux la regarder sans me cacher est quelque chose d'important à mes yeux. Bon, faut dire que c'est quelque chose que je fais beaucoup alors ça m'arrange.

Je m'approche et frôle ses lèvres des miennes, avant de les capturer dans un baiser doux qui m'étonne de moi. Ça fait des mois que je brûle d'en être là, que je rêve de ça et bizarrement maintenant que j'y suis je veux faire durer le moment, savourer l'instant. 

Après quelques minutes, on se remet en route vers chez moi. Arrivées devant la porte, je  descends et demande en désignant le casque du doigt : 

- Je le rendrais à Batou ?

- Oui si ça t'embête pas.

- Du tout.... Merci de m'avoir ramenée.

J'hésite à lui proposer d'entrer. D'un côté je n'ai pas envie de la laisser partir maintenant, de l'autre je ne veux pas passer pour la nana présomptueuse genre "salut poupée, tu passes boire un verre ? *clin d'œil entendu*". Non seulement ça fait pitié, mais ce n'est pas mon style du tout. 

Perdue dans mes pensées, j'ai failli ne pas remarquer son air gêné. 

- Anna, quelque chose ne va pas ? 

Elle baisse la tête et j'ai l'intime conviction que je ne vais pas aimer ce qui sort de sa bouche. Elle ne veut peut être pas qu'on s'embrasse en public ? 

- Je suis désolée de te demander ça mais... Est ce qu'on pourrait ne pas l'annoncer aux autres pour l'instant ? Enfin si ça ne te dérange pas...

Quelqu'un peut m'aider à ramasser mes dents s'il vous plaît ? Je viens de me prendre un vilain coup de massue à l'arrière du crâne là... 

Je détourne le regard, ne voulant pas qu'elle voie le mal que ça me fait de l'entendre dire ça. D'une voix peu convaincue, je réponds :

- Comme tu préfères. Bon... Il faut que j'y aille... À plus tard.

Je lui fais un petit sourire et m'enfuit en direction de l'immeuble sans même un bisou. Une désillusion de plus et je vais me mettre à pleurer.

Au fond, j'espérais qu'elle tente de me rattraper, mais vu que les contes de fées ne sont décidément pas pour moi, ça n'arrive pas.

Je ferme la porte d'entrée de mon appartement et m'y adosse immédiatement, me laissant glisser jusqu'au sol. Posant mes coudes sur mes genoux, je prends ma tête entre mes mains.

- Putain ! 

C'était trop beau. J'ai enfin la fille de mes rêves et je lui fais honte... Tu parles de montagnes russes.

M'enfin de toute manière je n'avais pas vraiment d'autre choix que de lui dire okay. En espérant qu'elle réalisera sous peu que ça peut vraiment le faire entre nous.

Mon téléphone vibre et le message d'Anna n'est pas celui que j'attendais :

Merci de ta compréhension, désolée de t'infliger tout ça. Bonne journée, bisous.

Honnêtement, je ne sais pas si je dois ou non me réjouir du fait qu'elle a conscience de ce qu'elle me fait endurer. Après tout, ça ne l'empêche pas de le faire.

 

*          *          *          *          *          *

 

Arrivée en avance, j'attends Anna pour notre première sortie en amoureuses.

Autant dire que j'ai orné mon calendrier d'une croix blanche ! Après la façon dont on s'était quittées, je ne savais pas comment prendre contact. Finalement c'est elle qui m'a envoyé un message. Selon moi, c'est bon signe. En même temps, selon moi, c'était sûr que j'allais finir par gouverner le monde.

Le fait que notre point de rendez-vous soit à l'autre bout de la ville est nettement moins encourageant. 

Je me demande ce qu'elle a prévu ! Boire un verre dans un bar ? Bowling ? Billard ? 

Elle se montre finalement et je n'arrive absolument pas à me retenir de la regarder de haut en bas. Comme les beaux jours sont de retour, elle porte un petit haut bleu clair et décolleté juste ce qu'il faut, avec un jean sombre et des baskets noires. Ajoutez les lunettes de soleil et me voilà séduite, simple mais efficace, tout ce que j'aime.

Elle me fait un sourire radieux et me prend dans ses bras, ce qui est de bon augure compte tenu de la manière dont on s'est quittées.

Un bisou très furtif plus tard, nous nous mettons en route. 

- On va où ?

- Si je te le dis ce ne sera plus une surprise...

- Pas grave ça ! Alors ?

Elle entrelace ses doigts aux miens et me lance dans un clin d'œil :

- Viens, tu vas vite comprendre.

Et effectivement, après même pas deux minutes de marche j'aperçois la grande roue. Toute contente, je me presse pour être devant et me tourne pour lui faire face, avançant à reculons :

- On va à la fête foraine ? Trop bien ! 

- Tu as toujours été aussi perspicace ou t'as développé ça à mon contact ?

- Très drôle. N'empêche que c'est trop mignon, comme dans les films. 

Mon compliment semble lui faire plaisir et elle me fait un sourire radieux en s'approchant du premier stand.

Je m'égare un instant, regardant sa silhouette avec un mélange de joie et d'incrédulité. J'en reviens pas d'en être enfin là avec celle que j'ai tant convoitée ! Mon premier rencard avec Anna. :) :)

Reprenant mes esprits, je me presse dans son dos en disant d'un ton joueur :

- Tu fais quoiiiii ?

Elle fait volteface et m'offre une pomme d'amour : 

- Comme dans les films !

Mon sourire est tellement grand qu'elle a dû entrapercevoir à coup sûr mes dents de sagesse. Je ne perds pas un seul instant avant de croquer dedans joyeusement.

La joie s'en va avec au moins la moitié de mes dents. 

J'avais légèrement oublié que ces délicieuses petites choses peuvent être plutôt dures. Et par "plutôt dures", j'entends acier trempé recouvert de béton armé "dur".

Mes yeux vont se poser sur le fruit et je suis étonnée qu'aucune de mes quenottes ne la décore. Apparemment, c'était une impression uniquement sensorielle ! 

Plissant les yeux, je lance un regard accusateur à Anna :

- Aurais-tu un penchant gérontophile, préférant les édentées ? 

- Oh que oui... Tu me parais encore plus attirante maintenant...

Ce faisant, elle enroule sa main autour de la mienne.  Ses yeux soutiennent mon regard tandis qu'elle amène la pomme d'amour à ses lèvres. Ses dents percent la couche de caramel avec aisance, ses lèvres venant se poser sur la morsure comme une douce caresse. Le jus du fruit humidifie sa bouche, ses yeux n'ont pas quitté les miens et je crois que je viens d'avoir un mini orgasme rien qu'à l'observer manger une pomme.

Voilà voilà !

Ça, c'est fait. 

Ça promet !

J'essaie de parler, mais émets uniquement une sorte de miaulement plaintif et je dois tousser pour retrouver la parole : 

- Si ton but est de mettre fin à mes jours, surtout continue comme ça !

Elle se mord la lèvre et tente de me porter le coup de grâce en annonçant d'un air entendu :

- Reste avec moi, j'ai d'autres plans pour toi. 

Immédiatement, mon esprit pervers me fournit 12 millions de scénarios qui me plaisent plutôt bien. 

Tout sourire, je demande : 

- Du genre ? 

Elle s'empare de ma main et m’entraîne en direction des manèges.

- Tu verras. 

N'osant pas me lancer sur un sujet glissant étant donné les épreuves que vient de subir mon cœur, j'amène la pomme d'amour à mes lèvres pour m'occuper la bouche et les pensées.

Bien qu'elle m'ait lâché la main, Anna marche assez proche de moi et je suis heureuse de constater qu'elle ne me fait plus me sentir comme une lépreuse. J'ai l'impression que celle qui m'a envoyé le texto de l'autre jour n'a plus rien à voir avec la personne que j'ai en face de moi. 

Ok, il n'y a pas de réels signes d'affection en public (tant mieux, car ce n'est pas mon truc) mais je n'ai pas non plus l'air de la pestiférée de service. 

- La grande roue ça te dit ?

Acquiesçant d'un mouvement de tête, je ne peux pas m'empêcher de la taquiner :

- J'en connais une qui met les petits plats dans les grands pour me séduire...

J’anticipe une réplique cinglante et suis totalement prise au dépourvu par sa réponse :

- J'ai suffisamment attendu ce moment pour vouloir faire ça bien...

Là je me sens comme un fondant au chocolat. De l'extérieur je fais ma dure mais je suis totalement liquéfiée en mon cœur. 

Une chaleur qui ne m'est malheureusement pas étrangère se fait sentir au niveau de mes joues. 

J'ai l'impression d'être une adolescente prépubère qui irait à son premier rencard avec le gars le plus cool de son collège : d'un côté c'est génial et de l'autre on espère plaire !

Il n'y a pas beaucoup de queue et c'est vite à notre tour d'embarquer dans la cabine. Au moment où la porte se referme sur nous, Anna est prise d'un doute :

- Je ne t'ai même pas demandé, t'as pas le vertige au moins ?

Mon esprit tordu me sort le refrain (et d'ailleurs la seule partie que je connaisse) de la vieille chanson "vertige de l'amour". Me retenant de chanter pour éviter que notre soirée ne soit écourtée pour avis de pluies diluviennes, je me contente d'un :

- Non, je te l'aurais dit avant ne t'en fais pas !

- Ça va alors.

La grande roue se met en mouvement et nous montons lentement. Le soleil est en train de se coucher et le spectacle est juste superbe. Me plaçant un peu en retrait, je fais d'une pierre deux coups ; je profite ainsi d'une vue sur les toits de la ville sublimés d'une lueur jaune orangée et du profil d'Anna, appréciant visiblement le tour.

Elle est totalement captivée par le paysage, mais arrive néanmoins à m'arracher un sourire en s'emparant de ma main, entremêlant nos doigts.

Une fois au sommet, elle la serre légèrement pour capter mon attention et se penche pour déposer un baiser sur mes lèvres.

Ne voulant pas que ce moment s'arrête, je l'attire un peu plus à moi, approfondissant le baiser. Se prenant visiblement au jeu, son autre main vient caresser la jonction de ma nuque et mes cheveux. Bien qu'elle ne fasse pas pression, ce simple geste me rassure énormément, c'est bon de sentir qu'elle en a tout autant envie que moi et que lorsque l'on est que toutes les deux ses barrières tombent.

Voulant reprendre mon souffle, je me recule légèrement et vais croiser son regard. Toutes les choses qui ont pu se passer entre nous et mes éternels doutes sont balayés par l'affection sincère que j'y vois.

Me souriant, je suis gratifiée d'un autre bisou avant qu'elle ne se tourne pour continuer son observation. Comme pour me prouver à moi-même que j'ai le droit d'initier des gestes tendres, je glisse mon bras dans son dos, caressant son épaule du bout des doigts.

Non seulement ça ne relève pas de l'interdit, mais en plus elle vient se coller à moi : jackpot !

La tentation étant trop forte, je sors mon téléphone pour immortaliser l'instant.

Voyant cela, Anna s'exclame :

- Hey ! Et mon droit à l'image ?

Tout sourire, je me tourne vers elle et annonce :

- Totalement bafoué !

Ce faisant, j'appuie sur le bouton et le bruit caractéristique de l'appareil photo se fait entendre.

Son regard vient accrocher le mien et je mitraille à nouveau, cherchant clairement à la faire râler tout en accumulant les clichés. Win - win !

Ses yeux se plissent et elle demande :

- Et tu comptes faire quoi du millier de photos que tu es en train de prendre ?

D'un ton joueur, je fais mine de peser le pour et le contre :

- Te faire chanter ou les garder en souvenir... Entre les deux mon cœur balance.

- Je vois... Dans ce cas, il vaut mieux qu'elles soient réussies, avec des plans pareils il ne faut pas de clichés en demi-teinte.

Me prenant par surprise, elle m'embrasse et alors que je suis totalement distraite par ses fourberies, elle cherche à s'emparer de mon téléphone.

Du moins c'est ce que je crois jusqu'à ce que le petit bruit m'informe qu'une nouvelle photo a été prise.

Toute fière d'elle, elle se recule en me laissant comme une carpe hors de l'eau et demande :

- Ça fera l'affaire ?

J'amène mon smartphone à mes yeux et si la danse de joie que j'ai envie de réaliser en observant le cliché est une indication quelconque, ça fait même plus que l'affaire.

Même en ayant les yeux fermés, la photo est réussie, le bisou est relativement chaste et se trouve presque éclipsé par le superbe tableau des bâtiments baignés dans la douce lumière du soleil couchant.

- Dis donc, tu m'avais dissimulé tes talents de photographe !

Se frottant les ongles sur son épaule d'un air détaché elle rétorque :

- Oh tu sais je ne peux pas te faire la liste de mes innombrables talents cachés, ça nous prendrait trop longtemps !

- Bah voyons !

Trop occupées à discuter, nous sursautons toutes les deux lorsque le type du manège ouvre la porte. Je descends, contente du déroulement de la soirée jusqu'à présent.

On marche le long des stands quand mon attention est happée par une petite peluche tortue ninjas  à un jeu de chamboule tout.

Ayant conscience d'avoir passé l'âge, je m'efforce de continuer mon chemin devant l'air de rien, mais ma discrétion naturelle est telle qu'Anna met 10 secondes à me demander laquelle me fait envie.

D'un côté je ne souhaite pas m'humilier et risquer qu'elle se moque de mes goûts, de l'autre... Bah je le voudrais vraiment bien ce nounours.

D'une toute petite voix, j'annonce donc en pointant du doigt :

- La tortue ninja... Mais dans ces trucs là on arrive jamais à avoir de peluche à moins de dépenser une fortune.

Si elle se moque intérieurement, elle cache bien son jeu et se contente de s'approcher du stand en tendant un billet au commerçant.

- Anna. T'es pas obligée hein !

Prenant les balles qui lui sont données, elle m'adresse un sourire et dit :

- Je sais, mais j'en ai envie. En plus elle est petite et ne coûte pas beaucoup de points.

Elle s'applique et fait un strike, me faisant un clin d'œil complice avant d'ajouter :

- Et je vise plutôt bien.

Cinq minutes plus tard, c'est fière comme un paon que je parcours la fête foraine avec la plus belle fille au bras ET la plus belle peluche dans les bras. J'ai trop la classe.

Je suis de ces nanas qui regardent les films romantiques avec envie en se disant qu'on a jamais eu cette chance nous, du coup même si c'est super cliché, je suis ravie du déroulement de la soirée.

 

*          *          *          *          *          *

 

Deux heures plus tard, Anna me dépose devant l'immeuble et je la regarde s'éloigner le sourire aux lèvres. Ce premier rencard n'aurait pas pu mieux se passer.

À peine rentrée, je m'affale sur le canapé, peluche en main. 

Je la serre contre moi et soupire de bonheur. Je sais bien qu'elle vient à peine de partir, mais je ne peux pas résister à la tentation d'envoyer un message à Anna quitte à émécher un peu plus mon côté "cool" déjà fortement diminué.

Voulant qu'elle aussi ait un cliché de moi mais sans pour autant apparaître présomptueuse, j'envoie à Anna une photo de nous deux côte à côte dans la grande roue, l'accompagnant d'une petite légende :

Après une longue réflexion, j'ai finalement retenu l'option souvenir, tant pis pour l'argent.

Sa réponse ne se fait pas attendre :

Madame est trop bonne ! Je note cependant que tu ne me laisses même pas profiter du fruit de mon talent !

C'est peut être bête, mais je suis vraiment heureuse qu'elle me demande la photo du bisou.

Ne me faisant pas prier, je lui envoie le cliché en question :

Je compte sur toi pour ne pas me retrouver en couverture de Closer d'ici demain !

Contente de moi, je réunis ce qu'il me reste d'énergie et pars me doucher.

En sortant de la salle de bain, je remarque que j'ai reçu un autre message d'Anna.

En lisant son mms, j'éclate de rire. Elle a pris la photo que je viens de lui envoyer et a ajouté un encadré rose "closer" dans le coin haut gauche, avec en gros titre sous la photo:

Inès, son baiser volé.

Elle a même été jusqu'à préciser la date et le prix.

La légende fait également son petit effet puisqu'on peut y lire :

Un deuxième rendez-vous ou cette photo fera le tour des tabloïds dès demain !

Je tapote rapidement ma réponse :

Tu ne me laisses pas d'autre choix que d'accepter ! Plus sérieusement, merci encore pour cette soirée, je me suis bien amusée. J'ai déjà hâte de te retrouver...

Avant d'envoyer le message, je marque une légère pause, hésitant... Même si ma dernière phrase est sincère et que ça fait plusieurs mois qu'Anna et moi sommes "amies", j'ai toujours peur d'aller trop vite...

Oh et puis merde, ce n'est pas comme si c'était une inconnue que je venais de rencontrer.

Pressant le bouton envoi avant de changer d'avis, j'attends sa réponse non sans trépigner.

Lorsque la sonnerie retentit, je manque de faire choir mon téléphone dans mon empressement :

Le plaisir était largement partagé, je te l'assure. C'est maintenant que je me dis que la patience n'est peut-être pas une vertu, parce que si j'avais su comment ça allait se passer, je n'aurais pas pu attendre tout ce temps pour t'inviter. :p T'es libre après demain soir ? (Je sais que t'as rdv avec mon couz demain mais je vise la courte échéance pour se revoir !)

En lisant cela, mon sourire devient immense. Je suis passée à deux doigts de me fouler un muscle maxillo-facial, c'est sûr ! Je m'empresse de verrouiller le message pour qu'il ne puisse pas être supprimé par erreur. Limite je l'imprime !

Laisse-moi consulter mon agenda de ministre... Mhhh oui je devrais pouvoir te trouver un petit créneau.

Nickel ! Par contre si tu veux bien m'excuser je vais aller me coucher, je suis crevée. Fais de beaux rêves. Je t'embrasse.

Pas de prob. Bonne nuit à toi aussi et gros bisous :*

Ravie de ma soirée, je termine de me sécher et me glisse sous les draps. Pas de doute, mes rêves vont être bons.

22 février 2016

Chapitre 12 : La fête

Ça fait une semaine que j'évite tout le monde, me sentant un peu comme une lépreuse. Mais ça, c'était avant. 

Il y a une fête chez Baptiste et Lucie m'a conviée.

Si tant est que "si tu ne viens pas je te traînerais par la peau du cul" puisse être qualifié de "conviée". 

Ce qui m'amène devant la porte de l'appart de mon meilleur ami, pleine de bonnes résolutions. Les lamentations, c'est fini pour moi, ce soir je tourne la page, que mon cœur le veuille ou non !

Je prends une grande inspiration et appuie sur la sonnette. 

Bizarrement, c'est Tamiko qui vient ouvrir. Immédiatement, un sourire illumine son visage et elle se jette sur moi pour m'attirer dans ses bras. Ok... Pourquoi pas !

Elle me traîne à l'intérieur et j'entends des voix dans le salon. 

Tamiko m'examine de haut en bas et demande :

- Ça va ?

- Oui... Qu'est-ce qui me vaut cet accueil ?

- Rien, je suis juste contente de te voir. Tu es radieuse.

Ok... C'est visiblement très louche. Cette histoire pue le guet-apens!

Je rentre dans le salon et parmi toutes les personnes présentes, mon regard croise directement celui d'Anna. Apparemment, mon amie la chance est toujours de mon côté... N'osant pas m'approcher après la douche froide qu'a été notre dernière rencontre, je lui adresse un petit coucou de la main avant d'effectuer un repli stratégique dans la cuisine. Apercevant des mini carottes, j'en enfourne une dans ma bouche dans l'espoir de m'éviter de dire des bêtises le temps que je sois un peu plus à l'aise et que j'échafaude un plan.

J'entame une discussion avec une ex à Baptiste dont j'ai oublié jusqu'au nom, mais suis bien vite distraite par la vision d'horreur que constituent Lucie et Tami en train de faire des messes basses. Mes craintes étaient fondées, c'est certain. Ces deux-là sont mes pavés personnels. Après tout il paraît que l'enfer est pavé de bonnes intentions... Préparée au pire, je m'excuse auprès de mon interlocutrice et tente de m'approcher discrètement histoire d'entendre ce qui se dit.

J'ai beau tendre l'oreille je n'arrive pas à saisir le moindre mot. Dépitée, je retourne dans le salon où tout le monde discute tranquillement tout en battant la mesure de la musique en arrière-plan. Mes yeux ont tendance à revenir sur ma kinésithérapeute, mais je lutte autant que possible pour éviter cela. Au bout d'un moment, je finis par me relaxer et tente même quelques pas de danse.

Baptiste remarquant enfin ma présence, s'approche de moi et me dépose un bisou sur la joue.

- Je suis content de te voir ma belle. J'étais pas sûr que tu allais venir.

Coupable, je hausse les épaules et dit d'un ton aussi assuré que possible :

- J'ai eu du mal à accepter d'être "punie" pour quelque chose que je n'ai pas fait... mais il faut bien tourner la page à un moment !

Il a l'air désolé pour moi et tente de me réconforter à sa façon :

- Si ça peut te consoler, tu n'es pas la seule que Lucie a dû menacer pour qu'elle vienne...

C'est encore pire... J'ai donc la confirmation qu'elle fait tout pour m'éviter quitte à enterrer sa vie sociale avec notre "peut être histoire" et mes amis paient le prix de mes maladresses.

- Pardon... Je ne voulais pas jeter un froid entre elle et toi.

- T'en fais pas pour ça ! Maintenant que mon acolyte est de nouveau sur le marché, on va à nouveau pouvoir draguer ensemble.

- Euh Batou, de 1 j'ai toujours été sur le marché et de 2 on n'a jamais dragué ensemble !

- C'est un tort !

- Pas si tu prends en compte ma finesse en la matière. À peu près au niveau d'une chanson paillarde donc...

Il me fait un grand sourire et je sais déjà que je ne vais pas aimer ce qui va sortir de sa bouche :

- Justement, à côté de toi je suis un Casanova ! T'as jamais entendu dire que les beaux traînaient avec des moches parce que ça les mettait en valeur ? Bah là c'est le même principe, mais avec la drague !

- Je te déteste.

Il me prend par les épaules et me fait lui faire face.

- Non t'es folle de moi mais encore dans le déni. Je me demande parfois si tu ne prétends pas être lesbienne juste pour faire de moi le fruit défendu.

- C'en est trop pour moi et je suis loin d'être suffisamment alcoolisée pour cautionner ce genre de propos.

Ayant la ferme intention de me servir une boisson façon Mr. Cocktail (j'apprends de mes erreurs), je tente de me tourner mais il m'agrippe une fois de plus. 

Lui jetant un regard soupçonneux, je m'enquiers :

- T'es soudainement tactile ou c'est moi ?

Il me sourit et me serre contre lui sans crier gare. Comme tout être normalement constitué à qui il ferait ça, j'essaie de m'extraire de sa prise de l'ours mais il ne me facilite pas les choses. J'arrive finalement à libérer un de mes bras. J'en profite pour me retourner et attraper le chambranle de la porte avec la ferme intention de m'en servir comme levier.

Et c'est là que je comprends.

Oh putain !

Soudainement surpuissante ou Batou se sachant découvert, je me libère. Mais c'est trop tard.

Karen vient de tapoter l'épaule d'Anna et lui fait la bise la plus tendue de l'univers. 

Oh bordel.

C'est pas bon.

Je fais volte-face vers le dernier des trois fourbes afin de mettre fin à ses jours pour m'avoir fait ça mais il a disparu comme par magie.

Je comprends maintenant pourquoi il ne voulait surtout pas que je me retourne... Sûrement pour ne pas que j’aperçoive Karen et puisse l'intercepter.

Je regarde autour de moi à la recherche d'une échappatoire, d'une cachette ou d'une corde, peu importe ce que je verrais en premier.

Il n'y a que le balcon qui me paraît viable et je décide donc de m'y réfugier.

De loin, j'observe la conversation, n'ayant pas la moindre idée de ce que ces deux-là peuvent bien avoir à se dire.

Avec un peu de chance elles ne parlent pas de ce qui s'est passé et évoquent anticyclones et autres phénomènes météorologiques !

Tentant de m'en convaincre, j'essaie d'étayer ma théorie par des preuves visuelles : Karen est souriante et plutôt à l'aise et Anna est... plus tendue qu'un string taille 34 qui serait porté par mon père.

Perdue dans mes pensées, je laisse mon regard divaguer un bon moment sur mes deux "presque copines" avant de réaliser à quel point je dois avoir l'air louche sur le balcon, à moitié cachée par les rideaux du salon à observer deux filles avec une intensité digne d'un serial killer.

La panique, trop sympa, cède un peu de place pour une curiosité maladive saupoudrée d'une touche d'angoisse...

Mais qu'est-ce qu'elles peuvent bien se raconter ??

Je me penche par-dessus la rambarde du balcon afin d'évaluer la hauteur. Hmmm. Trop pour fuir mais pas assez pour mettre fin à mes jours.

D'un autre côté, je pourrais profiter d'avoir les deux réunies pour aller éclaircir les choses.

Rien qu'à l'idée je fais un mini caca dans ma culotte. Au sens figuré, mes sphincters se portent à merveille merci de vous en inquiéter.

Comme pour m'enfoncer un peu plus, mon regard croise celui de Karen qui me fait un sourire et un signe de la main. Mon seul réflexe sera de faire coucou en retour et me cacher totalement derrière le rideau, le cœur battant à 100 à l'heure. Au revoir maturité, c'était un plaisir de te connaître !

Démasquée, je n'ose plus suivre ce qui se passe et fais une mini attaque lorsque Karen apparaît à mes côtés. 

Et avant que vous ne demandiez : oui, avec le petit cri qui va avec... 

Elle me fait un grand sourire et a vraiment l'air heureuse de me voir. Et dire que j'avais oublié à quel point sa "fraîcheur" faisait du bien.

- Coucou ! Comment ça va ?

Mon esprit cherche à formuler comment je me sens, mais opte finalement pour un mensonge :

- Nickel et toi ?

- Super. Ça me fait plaisir de te voir ! 

Non contente de me lancer une bombe émotionnelle, elle pose sa main sur mon bras et a vraiment l'air sincère. Je ne sais pas quoi faire. Donc je fais ce que je fais le mieux excepté m'humilier, à savoir m'embarquer sur un terrain glissant : 

- Moi aussi. Je voulais venir te parler mais tu discutais avec Anna.

Elle me fait un gros sourire et jette un regard par la fenêtre avant de répliquer :

- Je peux comprendre pourquoi elle t'a tapé dans l’œil, elle n'est pas dégueu.

Je baisse la tête pour cacher mon rougissement. Je ne sais pas ce qui s'est dit entre elles deux, mais une chose est sûre : si elle ne sait pas à quel point j'ai merdé, ce n'est pas moi qui vais aller le lui raconter ! Par contre si elle veut parler... : 

- Et vous vous êtes dit quoi ?

Visiblement, elle a conscience de jouer avec mes nerfs en annonçant avec un grand sourire :

- T’aimerais bien savoir hein ? 

Je hoche la tête et fais une moue qui, je l'espère, va la faire craquer et tout m'avouer.

Elle fait mine d'hésiter avant de lancer :

- Si tu veux savoir... Tu devras lui demander ! Je serai muette comme une tombe... 

Grrr...

Je tente de feindre la décontraction et de changer de sujet :

- Et toi, quoi de neuf ?

- Oh, pas grand-chose à vrai dire, j’ai été éconduite par une fille qui me plaisait et qu'on ne citera pas et ensuite j'ai pas mal bossé.

Voyant à son grand sourire qu'elle ne m'en tient pas rigueur, je lance :

- C'est une imbécile, tant pis pour elle !

- Exactement, je ne l'aurais pas mieux dit !

Une fois n'est pas coutume, une idée brillante me vient à l'esprit :

- L’idéal ce serait encore de te pointer devant elle en tenue de travail, avec le fantasme de l'uniforme elle regretterait à coup sûr !

Elle me frappe le haut du bras et rétorque :

- Trop tard t'as loupé le coche !

Mon air déçu n'est qu'à moitié feint et mon attention est captée par Tami qui me fait signe de m’approcher.

- Plus qu'à me saouler pour oublier...

Désignant celle qui fait tout pour attirer mon regard, j'annonce :

- Si tu veux bien m'excuser... je crois que je suis demandée ailleurs !

Je me retourne puis fais rapidement volteface pour laisser parler mes sentiments avant de me dégonfler :

- Quoi qu'il en soit... je sais que je te l'ai déjà dit par téléphone, mais je tiens à m'excuser en face à face... Je suis vraiment désolée de la manière dont se sont déroulées les choses. Tu méritais beaucoup mieux, surtout après une aussi agréable soirée !

Elle s'approche de moi et me dépose un bisou sur la joue.

- T'en fais pas va, je peux comprendre, je me console en me disant que t'as bon goût !

Contente de ne plus avoir ce poids sur les épaules, je rejoins Tamiko. Comme à son habitude, elle ne fait pas dans la dentelle et entre directement dans le vif du sujet :

- Alors, on drague?

Je m'abstiens de mentionner QUI a invité Karen et décide de me la jouer calme :

- Même pas ! Ça fait juste du bien de mettre les choses à plat.

Je sens son regard inquisiteur sur moi lorsqu'elle pose la question piège :

- Tu regrettes ?

Pourquoi j'ai l'impression de traverser un terrain miné sans l'ombre d'un rat démineur ni de détecteur à métaux ? Elle pourrait au moins me filer une tenue blindée!

- Oui et non.

Ses yeux se plissent tandis qu'elle me demande d'extrapoler :

- Comment ça ?

OK, c'est le moment de faire une petite prière et se lancer :

- Oui parce que Karen à l'air d'être quelqu'un de "frais", qu'elle est drôle et qu'au fond ça aurait sûrement pu marcher entre nous... Et non parce que j'ai fait le bon choix. Même si les évènements n'ont pas tourné en ma faveur, pour l'instant je n'ai pas réussi à faire le deuil d'une possible relation avec Anna.

Ce faisant, mes yeux vont se poser sur ma kiné, qui rit à une énième plaisanterie de son cousin.

Je suis sortie de mes rêveries par Tami :

- Bonne réponse. J'espère sincèrement, pour elle comme pour toi, que vous allez pouvoir régler les choses entre vous.

Apparemment j'ai passé l'épreuve et ai conservé tous mes membres. Go moi !

- Moi aussi.

- Allez, finis ton verre et viens danser !

Elle n'a pas besoin de me le dire deux fois,  je ne tiens pas à rester sur le grill plus longtemps et m'exécute sans plus attendre.

Elle me mène sur la piste improvisée et je me tends malgré moi une fois arrivée près d'Anna.

Je ne suis que trop consciente de sa présence à quelques centimètres de moi, dans sa petite robe noire moulante, complètement décontractée et sexy alors même que Batou et elle s'adonnent à une chorégraphie synchronisée totalement saugrenue.

Même ridicule elle me fait de l'effet, le monde est injuste. Son parfum arrive à mes narines et me rappelle ma première venue au cabinet, quand je me suis lamentablement écroulée dans ses bras !

Perdue dans mes pensées, je manque de tomber à la renverse lorsque Tamiko me met les mains aux fesses. Et pas discrètement de surcroît!  What the fuck ?

- Euh... Tami ?

- Du calme, c'était pour te décrisper, t'es tendue comme un string !

Pour le coup ça a eu l'effet inverse ! Craignant qu'elle ne recommence si je persiste, je m'efforce de me détendre et me laisse emporter par la musique.

Je ferme les yeux quelques secondes et me retrouve face à Anna.

Quelle garce, je ne peux pas baisser ma garde même deux secondes ! J’observe autour de moi mais pas une trace de cheveux roses à l'horizon. Évidemment! Les rats quittent le navire.

Ma kiné me fait un sourire gêné :

- Ça va ?

Je ne lui ai pas décroché un mot depuis son départ précipité et je ne sais pas trop sur quel pied danser :

- Oui et toi ?

Elle me regarde d'un drôle d'air, comme si elle tentait de me sonder.

- Oui très bien, merci.

S'ensuit le plus long silence de l'histoire. Génial, maintenant c'est bizarre et je ne sais pas quoi lui dire...

J'ai envie de prendre sa main mais trop peur que si je venais à le faire je prenne vraiment sa main, mais sur ma joue.

Rougissant, elle baisse la tête en souriant :

- Arrête de me regarder comme ça et danse un peu. 

Maintenant que je l'observe de plus près, je remarque qu'elle a l'air un peu éméchée. Qu'on s'entende, pas torchée, mais clairement plus détendue que d'ordinaire. 

Bon pour moi ça!

Comme qui dirait, à cheval donné on ne regarde pas les dents.

Et puis de toute manière elle a de belles dents !

Je n'attends pas qu'elle se répète et m'approche d'elle en faisant bien attention de ne pas lui marcher sur les pieds. C'est ma chance et j'ai bien l'intention d'en profiter pour passer un peu de temps avec elle.

 

Mes yeux se posent malgré moi sur son visage. Je l'ai tellement contemplée que je suis prête à parier que je pourrais le dessiner les yeux fermés.

Bon, je ne miserais pas gros parce que ça ne ressemblerait sûrement à rien, mais vous avez saisi l'idée.

 

Nos regards se croisent et nous maintenons toutes les deux le contact. Elle me sourit et mon cœur s'emballe comme si j'avais inséré mes doigts dans la prise. Douleur en moins.

Je tournerai la page un autre jour.

 

*          *          *          *          *          *

 

Les invités se dispersent petit à petit et bientôt il ne reste plus que notre joyeuse petite bande.

J'ai passé une SUPER soirée. Ça fait du bien d'avoir un moment tranquille, à s'amuser tous ensemble, sans drame, sans problème, sans prise de tête ! 

Bien que crevée, je n'ai pas du tout envie d'aller me coucher. Malheureusement, Tami décide de partir et est suivie de près par Lucie. 

Si je n'étais pas certaine que ma barmaid préférée est 8 000 % hétéro, je jurerais qu'il se trame quelque chose entre elles. Elles sont comme cul et chemise à constamment concocter des plans maléfiques ! Perdue dans mes pensées, je leur fais machinalement la bise et les regarde s'éloigner, en me demandant si je suis la seule à me faire ce genre de réflexion.

Batou, visiblement saoul comme pas permis, susurre à sa cousine:

- Jzeu t'ai préparé le lit dans la chambre d'ami, t'as plus qu'à te faxer dans les draps.

Et c'est à ce moment que je me souviens.

Lucie m'avait dit qu'elle me ramènerait s'il était trop tard pour prendre le tram. Je regarde précipitamment ma montre, histoire de constater que mes craintes s'avèrent fondées.

Fuck !

J'ai eu la bonne idée de mettre des talons, il est 3h47 et marcher les 13 kilomètres qui me mèneraient hypothétiquement à mon chez-moi est absolument hors de question. 

Je ne suis pas prête mentalement et je n'évoque même pas le côté physique. 

Nope. 

Pas de ça pour moi.

Me tournant vers Batou, je m'efforce de l'apitoyer :

- Baptiste... Tu sais que t'es mon meilleur ami ?

Pendant une seconde, il est tout content, avant de réaliser que j'ai dit ça dans un but purement manipulateur et me demande en plissant les yeux :

- Tu vzeux quoi ?

- Le gîte Monseigneur.

- Y'a Anna dans la chambre d'amis.

- Je peux venir avec toi !

- Nan z'ai de la compagnie !

- Trop de détails. Pas grave, je dormirai par terre.

Les capacités intellectuelles d'Anna sont visiblement en meilleur état que celles de son cousin puisqu'elle me sauve la mise en proposant :

- Elle peut prendre le lit, je m'installerai sur le clic-clac de la chambre. 

- Ok, mais TU gardes le lit.

Baptiste tangue à côté de nous et finit par annoncer :

- Débrouillez-vous, z'y vais. Buena noche!

- Ok. Tu peux juste me passer un T-shirt ?

Sans même me répondre, il m'en lance un au visage et part se coucher. 

- Merci. Bonne nuit Batou.

Je me tourne vers Anna et suis soudain prise d'un certain trac.

- Bon bon bon... Au dodo.

Ma kiné prend les devants et va dans la chambre. La suivant de près, ça me fait bizarre de fermer la porte derrière nous. C'est... je sais pas... Intime ?

D'un autre côté je n'ai pas envie de risquer de voir les fesses de Batou ou toute autre partie de son anatomie si jamais il avait soif durant la nuit. Fermer la porte est la meilleure des choses. 

Ce n'est qu'au bout de quelques secondes que je réalise qu'elle est en train de d'installer le clic-clac.

- Hey hey hey, qu'est-ce que tu crois que t'es en train de faire ? 

- Mon lit ?

Sans réfléchir, je m'empare de son bras et la sermonne :

- Ah non, j'ai été claire. Tu dormiras sur le lit. 

- C'est toi l'invitée.

- S'il le faut, je dormirais par terre ! 

Elle porte ses mains à ses hanches, contrariée :

- Ok, mais si demain tu as mal au dos, t'as pas intérêt à râler. 

- Pourquoi je ferais ça? Il y a bien une charmante kiné qui me ferait un massage, non ?

- Même pas en rêve. Tu le veux, tu l'assumes ! 

Je fais mine de bouder, mais au fond de moi je suis super contente qu'on soit à nouveau capable de plaisanter. 

J’éteins la lumière et elle se plaint immédiatement :

- Heyyyy, il faut encore que je me change.

- Justement ! Tu préfères te déshabiller sous mes yeux ?

Oh non. Pourquoi je ne réfléchis pas avant de parler ?

- À vrai dire, je pensais plutôt aller dans la salle de bain mais je vais m'en accommoder. Mate pas !

Je lève le regard au ciel avant de percuter qu'elle ne peut pas me voir non plus.

- Malheureusement, je ne suis pas nyctalope !

- On n'est jamais trop prudente... Après tout tu es née peu après Tchernobyl.

- T'as du bol que je n'ai pas le moindre objet à te lancer. Je crois que Lucie déteint sur toi !

Tâtonnant, je repère le clic-clac et m'allonge dessus, épuisée physiquement (mais en pleine forme mentalement). 

J'ai la tête qui tourne, sûrement à cause de l'alcool. Pourtant j'ai tenu mes bonnes résolutions et n'ai pas l'impression d'avoir tant bu que cela. Pas grave, c'est un tout petit buzz, juste assez pour me sentir bien. Les folles nuits ne sont plus de mon âge ! 

Je n'ai pas de couverture, mais finalement j'ai plutôt chaud, donc c'est tant mieux.

J'entends Anna qui s'installe à son tour et m'efforce de ne pas l'imaginer. 

Après tout, je ne sais pas ce qu'elle a comme pyjama.

Si ça se trouve, elle n'a pas de pyjama...

Et crotte. 

Dire que maintenant que le clic-clac est déplié, il y a à peine 5 cm entre son lit et le mien... Si je tendais la main je pourrais toucher.

Non, stop. Ne pense pas à ça.

Le petit diable sur mon autre épaule s'en tamponne royalement et continue allègrement à imaginer. 

J'ai le sourire jusqu'aux oreilles jusqu'à ce que ma kiné ouvre la bouche :

- J'ai parlé avec Karen.

Oh merde.

Joue la cool. Va à la pêche aux infos mais sans dévoiler tes cartes.

CIA style.

- Ah?

...

Le bon côté des choses c'est que je n'en ai pas trop dit ! 

Je tiens au minimum quatre secondes avant de craquer en constatant qu'elle n'extrapole pas :

- Tu me tortures c'est ça ? Accouche !

Je l'entends rigoler et j'ai l'impression qu'elle est vraiment proche de moi. C'est super étrange, c'est comme si la situation n'était pas réelle. J'espère que je ne vais pas me réveiller seule dans mon lit, ayant uniquement imaginé la soirée, sinon... Je... Je... Ben je ne serai pas contente ! 

- Comme tu es médisante ! Je ne sais juste pas comment le formuler...

Essayant d'aider et surtout de détendre l'atmosphère en espérant une bonne nouvelle :

- Avec des mots ? 

- Elle m'a dit... Qu'elle comprenait pourquoi tu avais des sentiments pour moi et qu'elle espérait que tout se passait pour le mieux entre nous.

Je ne sais pas comment prendre la nouvelle. J'hésite entre YOUPI elle sait que j'ai dit la vérité et oh non, était-il vraiment nécessaire de mentionner mon coup de cœur ? 

Ne sachant pas quoi dire, j'opte pour un bruit. 

- Mmhh. 

Comme ça elle l'interprète comme elle veut. Pour une fois que j'ai une bonne idée à temps. 

Anna laisse quelques secondes de silence, mais j'entends qu'elle ouvre et ferme la bouche, comme si elle cherchait ses mots. Apparemment, je ne suis pas la seule à craindre la boulette :

- Je suis désolée d'avoir douté de toi. 

L'entendre dire ça est un énorme soulagement. C'est comme si la dame obèse qui était sur mes épaules s'était levée, fini le bizutage ! 

- J'ai été maladroite, mais au moins maintenant tu sais...

- Pas tout.

- Comment ça ?

Je sens sa main glisser dans la mienne. Comment fait-elle pour me voir ? Son pyjama comportait des lunettes infra rouges où quoi ? 

- Est-ce que tu veux bien accepter mes excuses ? 

Elle plaisante ou quoi ? J'accepterais ses chaussettes sales si elle me les offrait ! 

- Oh... Je sais pas trop...

Avant même que je puisse réagir, elle me frappe avec ma propre main. Il devrait y avoir une loi contre ça !

- Hey ! 

- Problème ?

- Continue comme ça et c'est toi qui vas en avoir un ! 

A la manière dont elle rit, je crois que ma menace ne l'effraie pas vraiment. 

Je l'entends se tourner vers moi et entraperçois sa silhouette. Elle est accoudée au bord de son lit, à une quinzaine de centimètres de moi, pas plus.

Elle reprend son sérieux et demande.

- On est ok ?

En tout cas j'espère. Mais je ne veux pas paraître trop désespérée et opte pour un simple : 

- Oui.

Ma force de conviction est inexistante puisqu'elle insiste : 

- Vraiment ok ?

- Oui !

Le vieux clic-clac grince légèrement lorsqu'Anna me rejoint et se colle de tout son long contre moi. Je suis sur le dos et n'ose pas bouger, pas même la regarder attendant qu'elle fasse le premier pas. Mon cœur s'emballe complètement et j'essaie désespérément de conserver un semblant de raison sans me faire des idées. Pour autant que je sache, elle veut peut être juste me prendre dans ses bras.

Elle passe ses doigts dans mes cheveux et se penche au-dessus de moi :

- Vraiment, vraiment ok ?

Son souffle sur mes lèvres est la seule confirmation qu'il me faut.

Ne tenant plus, je lève ma tête et vais à sa rencontre, lui faisant un chaste baiser pour me reculer et dire dans un sourire :

- Vraiment ok.

Une seconde plus tard, sa main écarte mes cheveux et sa bouche caresse mon cou. Je crois que je vais m'évanouir, ou au moins me pincer pour être certaine que je ne rêve pas.

 

J'ai des frissons partout et serre les poings pour éviter de gigoter. Je ne veux pas risquer de faire à nouveau quelque chose qui la fasse fuir. Cette femme est pire qu'un animal sauvage, il faut l'approcher avec précaution.

Elle interprète mal ma réaction et je retiens difficilement un gémissement en sentant qu'elle se recule :

 - Rassure-moi, j'ai bien compris ?

Je sais que c'est un peu tôt, mais je veux être certaine qu'il ne subsiste pas la moindre ambiguïté entre nous :

- Sans aucun doute... J'attends ça depuis... L'instant où je t'ai vue serait exagéré, mais à coup sûr depuis le moment où j'ai appris à te connaître.

Gênée par ma confession, je fais courir ma main le long de son bras et l'attire à moi une fois arrivée au niveau de son épaule. Cette fois-ci, mon baiser est appuyé, insistant, mon but est clairement de la distraire.  

Bien vite, il augmente en intensité et nous avons toutes les deux besoin de plus de contact.

Elle se penche de plus en plus sur moi. N'y tenant plus, je l'encourage à continuer sur sa lancée et finis par atteindre mon objectif en la sentant s'allonger totalement sur moi.

Le premier contact de sa langue contre la mienne... Argh. Adieu facultés de communication ! 

L'une de ses jambes se glisse entre les miennes, occasionnant la perte du peu de raison qu'il me restait. Non seulement elle fait pression là où se concentre la totalité de mes globules rouges, mais en plus la sensation de sa peau nue me fait réaliser qu'elle porte également un grand T-shirt en guise de pyjama. 

Et sentir son corps sur moi, son poids... C'est peut-être bête, mais je trouve ça incroyablement érotique. C'est comme si tous ces moments que j'ai passés à imaginer cet instant se cristallisaient en cette sensation tangible... 

Mes mains parcourent son dos, se tenant à l'écart des zones sur lesquelles j'ai vraiment envie d'aller. Les siennes ne sont pas en reste, l'une d'elles est fermement ancrée dans mes cheveux tandis que l'autre découvre mon flanc et longe le galbe de mon sein. Elle à conscience que je suis à deux secondes d'avoir un orgasme sans même qu'elle m'ait touchée à un endroit vraiment érogène ?

 Elle semble réaliser que les choses vont un peu trop vite et se recule,  à court de souffle :

- Tu me fais perdre le contrôle...

Je me mords la lèvre en l'entendant dire ça. Pour une fois que c'est réciproque ! 

- Je te retourne le compliment ! 

- Tu veux bien venir avec moi dans le lit ? Pour dormir.

Je suis contente qu'elle précise. Après tout ce qu'il s'est passé et même si mon corps est fermement opposé à cette idée, je pense que c'est mieux que l'on prenne notre temps avant d'aller plus loin. En plus après ma période de célibat prolongée ça ne m'étonnerait pas que mon hymen se soit reconstitué... Enfin si, un peu quand même parce que ça n'est pas possible de manière naturelle, mais là n'est pas la question !

- Avec plaisir. 

Elle se lève et se déplace à quatre pattes. C'est bien dommage qu'il fasse si noir, la vue devait valoir son pesant d'or !

Elle s'allonge sur le dos et me guide jusqu'à ce que j'aie la tête sur son épaule et le bras drapé sur son ventre. Elle me fait un bisou sur le front et dit tout haut pile ce que je pensais : 

- Je suis bien là. 

- Je vote pour ne plus jamais bouger.

- Deal. 

Je glisse ma main sous son T-shirt et caresse son ventre. C'est génial de savoir que peux enfin toucher avec autre chose que mes yeux !

Je la sens bailler et réalise que je j'ai également sommeil : 

- Bonne nuit Anna.

- Hey, et mon bisou ?

- J'en connais une qui prend ses aises...

Ne perdant pas une seconde, je m’exécute. Pas folle la guêpe. 

On se réinstalle, toujours l'une contre l'autre et Morphée m'emporte rapidement. 

22 février 2016

Chapitre 11 : Pique nique

En voiture avec Lucie, je sens le stress monter.

Elle a organisé une sorte de pique-nique au milieu de nulle part, dans une zone forestière dédiée à la découverte de la nature, le tout avec Batou et Anna. En "omettant" bien sûr de communiquer à Anna la liste complète des participants. Bref, comme d'habitude, elle assure.

Je vais tâcher de faire de même.

Elle se gare et me laisse quelques secondes pour me préparer. Ça fait une semaine que je ne l'ai pas vue et j'appréhende sa réaction. C'est une belle journée, c'est de bonne augure déjà.

Nous sortons de la voiture et nous dirigeons vers le point de rendez-vous. Baptiste et Anna sont sur place, nous tournant le dos. J'observe ma kiné à son insu. Elle a visiblement l'air décontractée, de son petit pull et son jeans à ses cheveux attachés en un chignon un peu lâche. Tant mieux.

Batou nous repère en premier, nous faisant de grands signes alors même qu'on est à environ cinq mètres seulement.

- Salut les filles !

Je ne sais pas si c'est le "les" qui lui met la puce à l'oreille, mais Anna se retourne façon diable de Tasmanie. Visiblement, le secret de ma présence avait été bien gardé. Je fais d'abord la bise à mon meilleur ami, qui en profite pour me chuchoter à l'oreille :

- Cette fois rate pas ton coup, boulet ! 

Sa remarque lui vaut une petite tape dans le dos. Il va me porter la poisse cet imbécile.

Penaude, je m'approche d'Anna d'un pas incertain. J'ai un peu peur de sa réaction mais elle me salue, peut être avec plus d'hésitation que d'ordinaire mais sans rien dire.

Je lance un timide :

- Coucou.

Elle me répond "salut" mais sans croiser mon regard.

Avant que ça ne devienne bizarre, Baptiste se moque de moi et pour une fois je lui en suis reconnaissante ! Pointant ma tenue du doigt, il s'enquiert :

- Inès, une petite question, tu comptais te cacher dans les fourrés pour flasher d'innocents passants ?

- Ha ha très drôle. J'avais peur qu'il y ait du vent ! Et pour ta gouverne ce que je porte s'appelle un trench et j'ai des habits en dessous.

- Montre pour voir ?

Pour blaguer, je me rue sur lui en écartant les pans du vêtement à la manière d'une exhibitionniste, poussant même le vice jusqu'à faire des mouvements de bassin !

Absolument pas effarouché, il baisse les yeux pour inspecter mon corps tout à fait décent puis s'adresse à Lucie et Anna par-dessus mon épaule :

- Elle disait vrai... Ça valait le coup d'essayer !

Souriante, Lulu n'en reste pas moins pragmatique :

- Maintenant que ce sujet est clos, ça vous tente de se mettre en route avant que le soleil ne se couche ? Le panier ne s'allège pas avec les minutes qui passent je vous signale.

Me tournant vers elle, je rétorque :

- Je t'avais dit de prendre un sac à dos.

Royale, elle me répond de la même manière qu'une bourgeoise prout prout le ferait avec un clochard qu'elle aurait trouvé sur son canapé :

- Ma chère, les pique-nique c'est sacré et tu n'es pas sans savoir que le rituel requiert un panier en osier et un plaid ou une nappe à carreaux !

Sortant de son silence, Anna va plutôt dans mon sens :

- J'ai dû louper ce cours-là !

Baptiste écarquille grand les yeux et tire sa cousine par le bras pour l'éloigner de Lucie :

- Malheureuse, on ne contredit pas la sorcière avant d'entrer dans un bois, t'as jamais lu les

contes pour enfants ? Au mieux elle t'y abandonne, au pire elle te garde en esclavage pour nettoyer une maison remplie de nains !

Mon regard croise celui de Lucie tandis que nous levons toutes les deux les yeux au ciel devant les singeries de Baptiste. On leur emboite le pas et malgré mon apparente sympathie je ne peux m'empêcher d'ajouter :

- Lu'... Fais gaffe t'as un truc là !

Je pointe le bout de mon nez du doigt. Pour ma plus grande joie, elle tâtonne la zone en question sans rien trouver, allant presque jusqu'à loucher avant de demander :

- Quoi ?

- Une pustule.

Je suis plutôt contente de ma vanne pourrie en voyant les cousin-cousine en rire. Sa Majesté n'en a cure et me répond du tac au tac, indiquant son oeil et lançant dans un sourire mielleux :

- Inès, fais gaffe tu vas avoir un coquard là !

Je marmonne un "rabat joie" et annonce tout haut :

- Maintenant c'est sûr, au moyen âge on t'aurait brûlée.

La connaissant par cœur, j'évite sans problème le croche-pied qui m'était destiné.

Alors même qu'il ne fait pas extrêmement chaud, entre la marche et le soleil, c'est une balade très agréable. Ma kiné ne m'a pas vraiment adressé la parole mais ne m'ignore pas non plus, donc l'un dans l'autre, je suis soulagée. Avec une bonne dose de glu, je pense pouvoir réparer les pots cassés.

On finit par arriver aux abords de ce qui semble être une clairière, entourée de petits arbustes et bordée de fleurs.

Lucie pose son panier et s'étire. Je m'en empare dans le but d'en extirper la nappe et m'exclame :

- Ça pèse le poids d'un âne mort ton truc, fallait le dire !!

Elle continue à gesticuler, cherchant certainement à remettre en place les vertèbres qu'elle s'est à coup sûr déplacées :

- Je l'ai fait. Ca m'a valu de me faire traiter de sorcière !

- Tu marques un point.

Sans un mot, Anna m'aide à mettre "la table" et je crois que je n'ai jamais été aussi heureuse de sortir des couverts !  Même si ça n'envoie pas du rêve, au moins on partage quelque chose.

Nous sortons les salades avec l'aide de Lucie alors que Baptiste s'émerveille du décor et ne nous calcule même plus.

Finalement, Anna s'empare d'un grain de raisin et le lui lance dessus avec la précision d'un sniper, le rappelant à l'ordre. Ne sachant pas trop où sont les limites, je me suis mise à distance de ma kiné, laissant suffisamment de place pour que Baptiste se situe entre nous. Mais ça, c'était sans compter sur le fait que Monsieur souhaite bronzer :

- Anna, tu peux te décaler s'il te plaît ? Je voudrais être face au soleil.

Un peu de mauvaise grâce, elle se rapproche de moi malgré tout. Je me demande s'il l'a fait exprès avant de réaliser que ce type est incapable de faire quoi que ce soit discrètement.

Une fois qu'on a fini de manger, je me sens l'âme d'un paresseux. J'ai zéro envie de bouger. Je poserais volontiers ma tête sur les jambes d'Anna mais la proximité des couverts m'incite à garder mes distances. La séduction ne faisant déjà pas partie de mes points forts, à part une fan de pirates, mon succès auprès des femmes serait encore plus limité si j'étais éborgnée...

Oui, bon, ok, il serait réduit à néant, inutile de jouer sur les mots !

Lucie ne se gêne pas et m'utilise comme oreiller personnel. Au moins il y en a une que je n'ai pas encore réussi à faire fuir. Elle ferme les yeux et demande d'un ton sans appel :

- Fais-moi des papouilles !

Je ne peux pas m'empêcher de relever son infinie délicatesse :

- C'est si gentiment demandé, comment refuser !

Malgré ma remarque, je ne perds pas de temps pour m'exécuter. Comme je sais qu'elle aime bien ça, je joue avec ses cheveux et alterne avec des mini massages du cuir chevelu.

- Mhhh c'est trop bien !

Baptiste en profite pour s'éclipser, appareil photo en main. Vu l'endroit où on se trouve, il devrait avoir de quoi se faire plaisir.

Souriante, je me tourne machinalement vers Anna. Son regard est posé sur ma main caressant Lucie et je ne crois pas me tromper en disant qu'elle aimerait être à sa place. Pour ma part je ne dirais pas non.

On reste en silence pendant un bon moment, savourant l'instant et les pépiements des oiseaux.

J'ai envie de parler à Anna, mais je ne suis pas convaincue que Lucie dort et mon quota d'adresse n'a d'égal que mon potentiel en tant qu'oratrice... Réfléchis Inès, trouve un sujet.

- Alors Anna, tu profites du beau temps pour faire de la moto ?

Immédiatement, un sourire se fait sur ses lèvres :

- Ohh que oui !

Rolala, si j'étais à la maternelle je me donnerais une image ! Bon choix, continue à la faire parler de choses qui lui apportent le sourire !

- C'est quoi qui te plait le plus ?

Les yeux dans le vague, je vois qu'elle est passionnée par le sujet :

- La sensation de liberté, de sentir la moto entre tes cuisses, savoir qu'il suffit d'ouvrir les gaz pour partir à  toute vitesse et tout laisser derrière.

Ok, je suis la seule à lire une connotation sexuelle dans ses propos ? Parce que dit comme ça, ça me fait presque envie ! Et pour peu que j'imagine Anna dans sa combinaison, ça me fait CARRÉMENT envie. J'adresse une petite prière pour que ma voix sonne "normale" et lance :

- Ça a l'air bien effectivement !

Omg... Je suis à l'origine de cette voix prépubère ? Que quelqu'un vienne m'achever !

Anna fait un sourire en coin qui me laisse penser que mon auto-humiliation n'est pas passée inaperçue. Oh joie.

- Tu devrais essayer à l'occasion.

Je hausse les épaules :

- J'ai ni le permis ni la moto !

- Ça c'est pas un problème, Baptiste ou moi on peut te prendre derrière !

Sa phrase me laisse pensive... A choisir, je sais avec qui je préfère monter...

Cette fois c'est certain, mon adolescence est de retour et les dérèglements hormonaux avec. Je vois des sous-entendus partout.

- Ça me tenterait bien à l'occasion ! Ce serait ma première fois !

Ok, visiblement mon esprit pervers et ma bouche sont de connivence ! Je suis la spectatrice impuissante de ma totale perversion.

Elle écarquille les yeux en entendant ça. Mince, je me suis faite griller !

- Sérieux ? Même avec Baptiste ?

Ewww, mais bien sûr que je n'ai jamais rien fait avec lui ! Minute... Se pourrait-il qu'elle parle effectivement de moto ?

- Surtout avec lui ! Je l'ai vu jouer à moto GP, c'est pour ça que j'ai toujours refusé qu'il me promène !

Ma remarque la fait pouffer mais doit cacher un semblant de vérité puisqu'elle dit :

- C'est pas faux !

Lucie ouvre les yeux et fixe le ciel qui commence à se couvrir. Se redressant dans un grognement, elle annonce :

- Je vais aller chercher le Japonais avant qu'on ne se prenne la sauce, il a intérêt à ne pas être parti trop loin.

Ce faisant, elle m'abandonne en compagnie d'Anna et mes prières pour que tout se passe bien.

Un regard en direction des nuages me convainc du fait qu'il est effectivement temps de se bouger :

- On devrait commencer à ranger tu crois pas ?

Anna acquiesce avant de demander :

- Comment on peut être sûres qu'ils ne se sont pas éclipsés pour qu'on fasse les corvées à leur place ?

- Ah ça... Je ne parierai rien là-dessus perso !

- Tu m'étonnes.

A peine a-t-on terminé de tout remballer dans le panier que les premières gouttes se mettent à tomber.

Anna se tourne vers moi et demande dans un grimace :

- J'imagine que tu n'as pas de parapluie ?

Sa tête indique qu'elle connait déjà la réponse.

- J'ai bien peur que non.

Alors qu'elle veut replier la nappe, je l'arrête d'une main sur son avant-bras :

- Ça peut nous faire office de protection, c'est toujours mieux que rien non ?

- T'as raison.

On plie la nappe en deux et nous abritons dessous alors qu'il commence à pleuvoir des cordes.

Anna et moi nous regardons d'un air gêné, j'imagine que c'est un peu trop tôt pour partager un si petit espace. Elle jette un coup d'œil circulaire et demande :

- Je ne pense pas que ça va durer mais j'ai un peu peur que ça ne nous protège pas longtemps. Tu vois un abri ?

- Non.

Saisissant mon téléphone, j'essaie d'appeler Baptiste et Lucie mais aucun des deux ne répond.

Et merde. La nappe commence à ne plus être très étanche et j'aimerais autant ne pas choper une pneumonie aujourd'hui. En plus mes bras me font un mal de chien à force d'être en l'air.

- J'arrive pas les joindre... Faut qu'on se bouge si on ne veut pas attraper la crève.

- Je valide... Il y a un panneau là-bas !

Sans un mot de plus, on s'empare d'une anse chacune et portons l'âne mort le panier jusqu'à ce qu'on puisse lire l'indication.

Le visage d'Anna s'illumine devant ce qui est écrit :

- Serre botanique, donc un espace couvert, yes !

On se met en route dans la bonne direction aussi vite que possible mais la nappe ne sert plus à rien. Elle est tellement trempée que rien qu'à la tenir l'eau glacée ruissèle le long ma manche et c'est loin d'être ma sensation préférée.

À mon grand soulagement, le bâtiment est enfin en vue.

La porte s'ouvre sans difficulté et nous sommes accueillies par une chaleur plus qu'agréable !

Immédiatement, nous nous débarrassons du tissu mouillé et faisons l'état des lieux.

Anna se tourne vers moi et éclate de rire en découvrant ma coupe de cheveux, même si elle n'est pas en reste. Je me peigne à la main et me retiens d'aider Anna à faire de même, ne sachant pas si mes attentions seraient les bienvenues.

Son pull a l'air trempé et lui colle a la peau, j'ai froid pour elle. Comme pour me donner raison, elle est parcourue d'un énorme frisson.

Malgré ma compassion, je ne peux pas m’en empêcher et lance :

- Alors, on rigole moins de mon trench maintenant hein ? C'est peut être un manteau d'exhibitionniste, mais il est un minimum imperméabilisé au moins !

Elle rit mais je vois bien qu'elle grelotte. C'est une serre tropicale, il y fait chaud mais l'air est humide, ce qui ne va pas aider à sécher ses habits.

Je m'approche doucement d'elle et pose ma main sur son épaule :

- Ça va ?

- J'ai vraiment froid.

M'inquiétant trop pour elle pour ne rien faire, je m'assure que nous sommes seules et retire mon manteau puis mon pull sans un mot.

Anna me regarde comme si j'avais perdu la tête et je m'efforce de ne pas penser au fait qu'elle me voit à nouveau sans mon haut et avec mes imperfections.

Je renfile mon manteau, lui tendant mon pull.

- Mets ça, tu vas être malade sinon.

- Et toi, tu vas prendre froid aussi !?

Elle ne s'empare pas du vêtement et je me permets d'insister :

- Moi ça va aller. S'il te plaît...

Elle prend enfin mon haut, toute tremblotante.

- Merci.

- De rien, j'aurais juste une requête.

Elle lève un sourcil dans une question muette.

- Pas de commentaires à ton cousin sur ma tenue ou en l'occurrence absence de tenue sous mon trench !

Elle éclate de rire et m'annonce :

- Je ferai de mon mieux mais je ne peux pas promettre que ça ne va pas m'échapper !

Grommelante, je sais néanmoins reconnaître ma défaite, essentiellement parce que je n'aurais jamais le cœur de lui reprendre quoiqu'il arrive :

- Bon... Je vais m'en contenter.

Sans plus attendre et sans même me laisser le temps de me retourner, elle retire son vêtement trempé. Malgré toutes les bonnes manières que ma mère m'a inculquées, je ne peux m'empêcher de l'observer. C'est une chose de la voir en maillot, une autre en soutif... J'ai beau savoir qu'il n'y a rien d'ambigu dans son geste, mon cœur s'emballe et c'est la seule confirmation qu'il me manquait. Même après avoir foiré et potentiellement ruiné toutes mes chances, je ne suis pas prête à renoncer à elle. Oh joie.

Ses tétons sont visibles à travers le tissu devenu semi-transparent et je jurerais que la serre vient de prendre 15 degrés. Elle enfile mon vêtement et je l'aide à remonter le bas des manches que la nappe a mouillé. Elle se frotte les mains et tente de se réchauffer comme elle peut. Des habits secs c'est un début, mais il va falloir trouver autre chose...

Dans le coin de la pièce, niché dans un écrin de plantes luxuriantes se trouve un banc sur lequel je vais m'asseoir. Étant donné que l'une des extrémités est placée contre le mur, je peux m'installer à cheval, une jambe de chaque côté et le dos contre la pierre. Une fois une position, je tente ma chance en disant "viens là" a Anna, tenant les pans de ma veste dans les mains sans pour autant les écarter mais pour qu'elle comprenne l'idée.

Elle hésite clairement, ce qui me contrarie bien plus que ça ne devrait, mais finit par s'approcher d'un pas incertain.

- C'est juste le temps qu'on reprenne des couleurs. Promis je mords pas.

Sauf si c'est demandé gentiment et bizarrement je doute qu'elle le fasse.

Elle s'installe dos à moi et me laisse passer mes bras autour d'elle.

J'essaie de me concentrer sur tout sauf sa proximité, me sentant un peu coupable de profiter de l'instant, mais pas assez pour ne pas le faire.

Boulet oui, mais pas conne non plus !

La pluie bat toujours les parois de la serre et rendant agités les quelques oiseaux en cage.

Je n'ose pas parler de peur de dire une bêtise et briser l'instant.

Ses cheveux sont absolument glacés et je les écarte d'un geste certainement un peu trop tendre puisque je la sens se crisper. Mon souffle dans son cou lui donne la chair de poule et je suis plutôt contente de moi. Ignorant les signaux qu'elle m'envoie, je tente malgré tout ma chance et dépose un baiser sur sa nuque. Rien de bien méchant, mais pas anodin non plus.

Sa réaction ne se fait pas attendre puisqu'elle s'enfuit comme si je lui avais apposé le fer rouge à la place de mes lèvres, glissant plus en avant sur le banc sans pour autant se retourner.

Tant bien que mal, j'essaie de rattraper le coup :

- Pardon je... Je sais pas ce qu'il m'a pris !

Visiblement ma force de conviction n'est plus ce qu'elle était car elle pousse un gros soupir et me dit d'un ton las :

- Je pensais que j'avais été claire.

- Tu l'as été...

Un peu trop à mon goût, mais ça je m'abstiens de l'ajouter.

- Je n'ai pas réfléchi, je ne recommencerai pas...

Elle frotte ses mains sur ses bras, pour se réchauffer ou se réconforter, je ne sais pas trop.

- Reviens s'il te plaît, je ne voudrais pas que tu attrapes la mort à cause de mes bêtises.

Ses yeux cherchent les miens et je prie pour qu'elle y trouve les réponses qu'elle attend. 

Elle ouvre la bouche, puis la referme, pour finalement se détourner et annoncer :

- Non c'est bon ça va aller.

... Bon... Voilà qui me remet à ma place.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça fait mal d'entendre ça. C'est comme si elle m'avait donné un coup de poing en plein sur le plexus.

Les bras autour d'elle même, dos à moi, son langage corporel est limpide... On dirait une huitre et je ne suis pas la bienvenue !

Tremblotante, elle est visiblement gelée mais préfère ça à être contre moi. Je resserre les pans de mon manteau, me sentant très vulnérable.

Les minutes passent et le silence devient de plus en plus pesant. Fort heureusement, Laurel et Hardy sortent enfin de leur mutisme et m'appellent. Je mets immédiatement le tel en haut-parleur et demande : 

- Vous êtes où ? 

Au bout du fil, Lucie me répond sur un ton totalement détendu :

- En train de boire un bon chocolat chaud tiens, c'est le déluge dehors.

Je roule des yeux et regarde Anna d'un air entendu. Pourquoi ça ne m'étonne pas !

- Merci, on avait remarqué ! Vous avez des parapluies ? Il faudrait qu'on rentre, j'ai peur qu'Anna ne prenne froid !

- Euh pas sur nous mais il y a une boutique de souvenirs à côté du café, on pourrait en acheter et se retrouver. Vous êtes où ?

Je regarde autour de nous dans l'espoir d'obtenir des indices sur notre position. Anna fait de même et hausse les épaules d'un air de dire "je ne sais pas".

- Dans un genre de serre botanique tropicale. 

- Ok, bougez pas, on demande où c'est et on vous rejoint !

Je raccroche, soulagée que mon calvaire touche à sa fin. Anna s'écarte et va faire quelques exercices, sans doute dans le but de se réchauffer. Perso, je suis drainée de toute énergie. Je ne sais pas ce que j'attendais d'aujourd'hui, mais pas ça ! 

Ils arrivent et éclatent de rire devant notre apparence. On décide de rentrer sur le champ. Immédiatement, Anna va se réfugier sous le parapluie de Baptiste, me signifiant une fois de plus qu'elle veut garder ses distances. Un peu dépitée, je rejoins Lucie et nous repartons en direction des voitures. 

22 février 2016

Chapitre 10 : Justification difficile

On est le jour J. C'est maintenant ou jamais !

Heureusement que je stressais tellement que j'ai commencé à me préparer des plombes à l'avance car j'ai mis quatre heures à me ravaler la façade...

Dont trois à essayer de choisir la tenue qui la séduira mais sans en faire trop.

Un look "ouais je suis méga belle et encore là j'ai pas forcé tu vois...". Car bien évidemment l'idée est d'avoir l'air décontractée... Limite comme si je me réveillais comme ça.

Du coup, j'ai opté pour un haut bleu, légèrement moulant et accompagné d'un jeans clair.

Arrivée à 50 mètres de chez elle, je panique et me cache derrière une haie pour observer la maison et jauger la situation. Sauf que ne vois pas grand-chose à travers le feuillage.  Jetant un coup d'œil autour de moi, j'espère que personne n'a remarqué mon petit manège, c'est pas le moment de me faire questionner par la brigade des mœurs. Inès ou comment passer pour une psychopathe.

Non pas que ça soit tellement éloigné de la réalité.

Bref. Je me remémore mon speech dans ma tête et prends quelques instants pour rassembler le courage au fond de moi.

Au bout de 30 secondes, force est de constater qu'il est visiblement très très au fond et que si j'attends là-dessus je risque d'attendre longtemps.

Allez, je me lance.

Je sors de derrière ma planque l'air de rien et me dirige vers la maison d'Anna, super anxieuse.

J'espère que je ne vais pas tout foirer.

Ma main vient timidement appuyer sur la sonnette et je me retiens consciemment de trépigner, le cœur dans la gorge. J'ai l'impression qu'elle met des plombes à venir. Et si elle avait changé d'avis ? Et si elle n'était même pas là ?

Finalement, ses pas se font entendre et mon stress atteint son paroxysme. La porte s'ouvre et ma bouche juste après.

Omg.

Je crois que je suis en état de mort cérébrale.

Devant moi, Anna à un petit air gêné et s'excuse :

- Coucou ! Désolée je pensais que j'avais le temps de prendre une douche vite fait.

Mes globes oculaires ont visiblement leur propre idée de l'acceptable puisqu'ils parcourent sans vergogne sa silhouette en serviette. J'aurais probablement honte de mes manières si je n'étais pas trop occupée à reluquer ma kiné.

Elle ouvre un peu plus la porte et le demande :

- Entre s'il te plaît j'ai un peu froid !

- Pardon ! Je... J'étais...

Tout en fermant la porte, elle rigole et se fout de moi :

- Te fatigue pas, je crois que je sais ce que tu faisais !

Me sachant prise en flagrant délit, je rougis et tente de me racheter :

- Tu devrais aller te changer, tu risques d'attraper la mort. Je t'attends ici.

- Ça marche. Mais va sur le canapé tu seras mieux.

Elle s'éloigne, un sourire aux lèvres. Pendant une fraction de seconde, je me demande si c'est parce qu'elle a conscience du fait que je vais regarder ses fesses.

Soulève-toi petite serviette, je t'en supplie ! Là c'est cruel, juste assez ce qu'il faut pour donner l'eau à la bouche, mais en même temps pas assez...

Je me pose sur le canapé, ressassant mon speech dans ma tête. À peine quelques instants plus tard elle revient, les cheveux mouillés et tellement jolie que si elle m'annonce qu'elle passe aux vingt heures dans cinq minutes je la croirais.

Même s'il n'est que 17h et des poussières, c'est pour dire.

Elle s'installe à côté de moi et adieu beaux discours, bonjour anxiété et bafouillages...

Espérant à la fois gagner du temps et tâter le terrain, je prends sa main dans la mienne. Bien qu'elle fasse une drôle de tête devant mon geste, elle ne se recule pas.

Peut-être que je n'ai pas encore tout fait foirer.

Bon, quand faut y aller, faut y aller :

- Pardon pour hier soir... Je sais que c'est pas une excuse mais j'ai paniqué, j'ai pas réfléchi.

Son visage semble se fermer et elle retire sa main. Aïe. C'est pas bon signe. Un gros soupir plus tard, elle passe les doigts dans ses cheveux et m'assène l'équivalent d'un coup de massue :

- Non, c'était pour le mieux, j'ai eu tort de faire ça.

Quelque part, je m'attendais à un discours du genre, mais ça ne fait pas moins mal pour autant. Piquée au vif, ne voulant pas qu'il y ait la moindre ambiguïté et n'ayant pour tout dire plus rien à perdre, je réplique immédiatement :

- Tu sais quoi ? Moi je crois que t'as eu raison. Je crois que ce baiser était la meilleure chose qui puisse nous arriver. Et je crois que tu le sais !

À peine les mots ont-ils quitté ma bouche que je n'en reviens pas d'avoir osé lui balancer ça comme ça !

Malheureusement, ma répartie a vraisemblablement moins impressionné Anna que moi. Elle secoue la tête dans un signe de négation et lance :

- Je ne veux plus en parler. On devrait oublier ce qui s'est passé.

Elle est sérieuse là ? "Oublier ce qui s'est passé" est entre "séduire Mac Lesgy" et "lécher le sol du métro parisien" dans ma liste de trucs à faire en priorité. Autant vous dire que c'est très très loin en bas.

- Et si je ne peux slash veux pas ?

Elle se lève du canapé et je sens que la discussion est en train de totalement m'échapper lorsqu'elle déclare d'un ton amer :

- Karen saura te persuader du contraire, je n'en doute pas un seul instant.

Et voilà. On en vient au coeur du problème.

Je vais tâcher d'être aussi claire que possible :

- Il n'y a rien entre elle et moi.

Elle croise les bras et m'annonce ce dont j'ai déjà pleinement conscience :

- Tu t'enfonces... Je sais ce que j'ai vu.

Je me lève à mon tour et m'approche d'elle :

- Quand tu es partie, je l'ai faite rentrer et je lui ai dit qu'il ne pourrait rien se passer. C'est tout.

Je n'arrive pas le moins du monde à déchiffrer son expression faciale, mais je peux presque entendre les rouages tourner. Finalement elle demande :

- C'est tout ? Juste une petite explication ?

Sans l'ombre d'une hésitation, je m'exclame en écartant les bras:

- Oui, je te le jure !

Elle se dirige vers la porte d'entrée et l'ouvre en grand :

- C'est là où tu fais erreur. Je n'étais pas partie. Je comptais m'excuser et j'ai attendu qu'elle s'en aille... Elle a duré longtemps votre discussion dis-donc.

...

Et merde.

- Anna, c'est pas ce que tu crois, je peux t'expliquer... Elle a uniquement dormi à la maison, il ne s'est rien passé...

- T'en as assez dit... Si tu veux bien...

D'un mouvement de tête, elle m'indique la direction de la sortie.

J'hésite.

Je n'ai pas envie de la quitter là-dessus, mais elle est trop agacée pour que je puisse lui faire entendre raison.

Alors que je suis sur le pas de la porte, ne sachant pas quoi faire pour m'en sortir, mon téléphone se met à sonner.

Je regarde machinalement l'écran, qui affiche une photo de Karen.

Photo que je ne suis pas la seule à avoir vue.

Pile au mauvais moment et juste quand je pensais que les choses pourraient difficilement être pire...

Je m'apprête à m'en débarrasser comme d'une patate chaude ou en tout cas le fourrer au fond de mon sac, mais Anna me fait un sourire tout sauf chaleureux et demande :

- Tu décroches pas ?

Je sais reconnaître un défi quand j'en entends un et je peux vous assurer que c'est le cas.

Agacée, non seulement je décroche mais je mets le haut-parleur, lançant un "Allo".

Aucun grésillement ni problème de réseau ne vient gêner la compréhension et c'est très distinctement qu'Anna et moi entendons :

- Salut ma belle, comment ça va depuis ce matin ?

 

BAM.

 

Et une porte en pleine face, une.

- Je te rappelle.

Je raccroche sans même donner à Karen le temps de répondre et tambourine à la porte.

- Anna ! ANNA ! Laisse-moi t'expliquer.

Je m'apprête à frapper une nouvelle fois quand la porte s'ouvre à nouveau sur ma kiné, pour le moins énervée :

- Je veux plus entendre tes mensonges. Que ça soit très clair entre nous, tu as deux choix. Soit tu oublies toute cette histoire et on verra pour l'amitié, soit tu m'oublies.

Désemparée, je ne sais pas quoi répondre excepté :

- Tu me punis pour quelque chose que je n'ai pas fait !

Anna rétorque, sans trace d'humour :

- Dire la vérité ?

Je suis tellement défaite que mon quasi-désespoir transparaît dans ma voix :

- Je ne fais que ça. Pourquoi tu ne veux pas me croire ?

Anna regarde partout sauf là où je me trouve et ça me fait mal d'entendre la sincérité dans son ton lorsqu'elle dit :

- Je ne peux pas refaire les mêmes erreurs encore et encore.

Sentant une opportunité, je m'approche et prends à nouveau sa main dans une poigne légère, juste pour renouer le contact :

- De quoi tu parles ? Si effectivement je te plais, qu'est-ce qui nous empêche de tenter le coup ?

Ses yeux viennent trouver les miens, m'ouvrant une fenêtre sur ses sentiments. Quoi que soit cette "erreur", visiblement le souvenir en est encore frais.

- Mon travail.

J'ai enfin l'occasion de creuser cette histoire et pas l'intention de la laisser passer :

- Pour être honnête, je ne comprends pas en quoi ce serait si grave, même si ça venait à se savoir...

Son regard me transperce, tant par son intensité que par la tristesse que j'y perçois. Mais ce sont ses paroles, accompagnées d'un haussement d'épaules, qui m'achèvent :

- C'est tout ce que j'ai.

Je répondrais bien "tu m'as moi" mais étant donné la situation dans laquelle je me trouve, ça reviendrait à être cible de lancer de couteaux avec un aveugle comme partenaire : la recette d'un désastre !

- Dis pas ça...

Avant que je ne trouve comment formuler "au contraire t'as tout pour toi" sans sonner comme une fangirl de la première heure, Tami fait son apparition. Étant donné le déroulement de la discussion jusqu'à présent ne sais pas si je dois la bénir ou la maudire d'arriver à ce moment-là. Au moins j'aurais pu avoir des réponses.

Elle a l'air surprise de me voir, ce qui j'imagine, signifie qu'Anna ne lui avait pas annoncé que l'on devait se retrouver... Indirectement ça veut aussi dire qu'elle pensait qu'à *coup d'œil à mon téléphone* 17h25 elle en aurait déjà fini avec moi...

J'ai comme l'impression que malgré ce qu'elle a pu laisser entendre en acceptant de me rencontrer, je n'ai jamais bénéficié de la présomption d'innocence.

Son employée et amie me fait la bise et demande d'un ton enjoué :

- Tu te joins à nous ? Cool !

Au moins j'en ai une de mon côté, c'est toujours ça de pris ! Je m'apprête à tirer parti de sa question pour m'incruster lorsqu'Anna me fait généreusement profiter de mes propres recettes :

- Non j'en ai peur, Inès était justement en train de partir ! Et bien merci d'être passée !

Sans attendre de réponse, elle fait demi-tour et s'engouffre dans la maison, laissant la porte ouverte pour Tami.

Mais pas pour moi.

Cette dernière me lance un regard totalement perplexe, attendant certainement une explication à ce à quoi elle vient d'assister.

- Je t'expliquerai tout en temps voulu, c'est promis... D'ici là, est ce que tu peux essayer de voir si j'ai la moindre chance de réparer les pots cassés s'il te plaît?

Elle acquiesce sans un mot mais je ressens le besoin d'ajouter :

- Et je ne sais pas comment elle va te présenter les choses mais il y a un point sur lequel je ne veux pas que tu aies un seul doute : il ne s'est rien passé avec Karen, je ne l'ai pas trompée.

Mon petit discours semble avoir empiré son état d'incompréhension :

- Minute, vous n'êtes pas ensemble, si ?

En voyant comme elle a interprété mes propos, je réalise ce que je viens de dire et à quel point ça m'a paru normal. Je hausse les épaules et glisse mes mains dans les poches de mon jeans, les yeux rivés au sol :

- Non... Juste dans mon coeur.

Je relève la tête juste à temps pour voir l'effet qu'ont mes paroles, adresse un petit sourire triste à Tamiko et m'éclipse. Plus qu'à espérer.

 

 

 *         *          *          *          *          *

 

Arrivée à la maison, je me fais couler un bon bain dans le secret espoir que ça me détende. J'allume quelques bougies pour l'ambiance et me glisse dans l'eau avec délice. Au bout de quelques minutes, je sens mon corps qui commence à se relaxer. J'inspire profondément et expire lentement imaginant que mes soucis partent en même temps que l'air quitte mes poumons. Je plonge la tête sous l'eau et juste quand mes efforts commencent à payer, j'entends mon téléphone vibrer. J'ai un message...

Au revoir détente, ce fut bref, mais appréciable.

Séchant mes doigts sur une serviette, j'attrape mon Smartphone et le consulte avec appréhension.

Le SMS de Tami a le mérite d'être clair :

What the fuck? Anna m'a raconté !

N'ayant pas envie d’éponger mon autre main, je lui réponds non sans mal :

Verdict ? Plans quinquennaux sont tombés à l'eau?

Non seulement ça, mais t'as pris vos chances, tu les as jetées par-dessus bord attachées à une enclume et à 20km des côtes un jour de tempête... J'ai tenté de minimiser le tout mais tu ne m'as pas facilité les choses ! 

Ça n'est pas une annonce surprenante, mais le lire me fait mal au cœur.

Je me redresse dans la baignoire car l'eau chaude ne me fait plus un effet cocon mais me donne l'impression d'étouffer.

Les questions se bousculent dans ma tête mais je ne sais pas comment les formuler auprès de Tami. J'opte finalement pour le plus simple :

Tu crois que je devrais faire quoi ?

Honnêtement ? Jpense que pour l'instant au moins tu devrais garder tes distances parce que c'est relativement mort. Être amicale avec Anna, mais ne pas t'attendre à plus. Avec un peu de chance, elle finira par réaliser que tu étais maladroite mais sincère.

Maladroite mais sincère... L'histoire de ma vie ! Un second texto vient enfoncer le dernier clou sur mon cercueil :

Tu l'as vraiment blessée. T'avais réussi à passer la plupart de ses "barrières", et juste quand elle t'ouvre la porte, tu lui files un méga coup de pied dans les tibias et tu te barres en courant. J'essaie de ne pas te jeter la pierre mais j'avoue que je m'attendais à mieux de ta part.

Le caillou en question a pourtant bien été catapulté, vu que je me prends son commentaire en pleine tête.

... Moi aussi. C'était vraiment, vraiment (mais alors vraiment) (j'ai dit vraiment ?) pas mon intention. Je sais que j'ai sérieusement merdé.

Le truc c'est que justement tu sais pas !

Je fronce les sourcils. Euh, pardon ? Je pense que me retrouver dans une situation qui équivaut à être enfoncée jusqu'à la gorge dans un tas de fumier, ne plus supporter l'odeur et ne pas savoir comment m'en sortir me donne une assez bonne perspective. Mais bon, elle protège son amie, je peux le comprendre, il faut que je reste à ma place :

Comment ça ?

T'as bien vu qu'elle est très "sur la défensive" comme nana, qu'elle ne se laisse pas approcher facilement... Ben elle a ses raisons.

C'est sûrement un peu tard, mais j'ai envie de connaître le pourquoi du comment, surtout qu'Anna a sous-entendu que sa retenue était due à son passé. L'eau refroidit à vue d'oeil, mais je sais par expérience qu'il faut battre le fer tant qu'il est encore chaud. Hors de question que je rate cette occasion parce que je n'ai pas insisté tout de suite, trop occupée à régler le thermostat ! :

Explique !

Si je te le dis, elle va me tuer.

Seulement si elle l'apprend... Promis je cafterai pas et de toute manière elle n'a plus l'intention de m'adresser la parole... Sérieux... Je voudrais comprendre !

Bon... En gros avant elle était pas comme ça. Elle faisait confiance aux gens. Un peu trop. Elle était en couple depuis quatre ans avec son amour de jeunesse qu'elle avait retrouvé sur le tard. A l'époque, Anna venait juste de se lancer dans le cabinet et avait beaucoup de boulot.

J'ai comme l'impression de savoir où tout ça mène et un peur de lire la suite.

Elles habitaient ensemble et tout allait pour le mieux en apparence... Jusqu'à ce qu'Anna rentre plus tôt et trouve sa chère et tendre au lit avec un mec. Elles se sont pris la tête et elle a fini par expliquer à Anna que c'était la première fois, que ses longues absences la travaillaient et qu'elle avait craqué avec lui parce qu'elle avait l'impression que c'était "moins tromper" si c'était pas une femme.

Je retire ce que j'ai dit, c'est pire que ce à quoi je m'attendais.

C'est affreux...

C'est pas tout. Elle était prête... Peut-être pas à pardonner mais à la croire, quand elle a découvert que ça n'était pas la première et unique fois, loin de là. En réalité ça faisait des mois que pendant qu'elle partait bosser, cette fille qu'elle aimait et à qui elle donnait tout sans rien attendre en retour la trompait dans son dos.

Mon Dieu... On dirait un scénario des feux de l'amour... Quand tu crois que ça peut pas être pire, bim, et bah si !

Il s'est passé quoi après ?

Anna l'a virée de chez elle et de sa vie et s'est encore plus impliquée dans son job. Pour oublier. C'est pour ça que le fait qu'elle ait "voulu tenter" avec toi malgré ton statut d'ex-patiente m'a surprise. Elle s'était jurée que son boulot passerait en premier, qu'elle serait irréprochable, quitte à en venir à des extrêmes. Elle avait peur de se lancer en amour et que le scénario se reproduise...  

Et voilà que j'arrive avec mes gros sabots, lui donne l'impression qu'il y a une autre femme et tente de m'en sortir par des demi vérités. Bien joué Inès.

Vu ce qu'elle vient de me raconter, je comprends pourquoi Anna faisait tout un pâté du fait que notre rencontre a eu lieu à son travail. C'est le seul facteur "sûr" dans sa vie et elle n'a pas envie de risquer de perdre cette ancre-là.

Maintenant que je suis au courant, je me sens encore plus misérable. Mon bain est froid à présent, mais je ne fais pas le moindre mouvement pour y remédier.

Je suis drainée de toute énergie.

Savoir ça et réaliser à quel point j'ai dû faire du mal à cette femme adorable... C'est comme si j'avais été percutée par un bus.

Tami avait raison, je ne savais pas à quel point j'ai merdé... J'étais focalisée sur mon malheur, le fait que j'avais ruiné mes chances auprès de mes deux "prétendantes" sans avoir rien fait de mal... Égocentrée.

Je me dégoûte.

Ok je n'ai pas couché avec Karen mais j'ai manqué de respect à Anna par deux fois, en la congédiant et en tentant de m'en sortir..

Tu pouvais pas connaître son passé. Et t'as du bol parce que sinon j'aurais été dans l'obligation de te botter le cul.

T'aurais pu. Tu peux. Je mérite pas mieux.

Dis pas ça, ça peut peut-être encore s'arranger...

Après ça ? Je ne vois pas comment. Au fond ce n'est pas tant le "râteau maladroit" que la manière dont j'ai voulu dissimuler le fait que Karen soit restée dormir qui a fait le plus de mal.

Je vais tout faire pour. J'accepterai ce qu'elle voudra bien me donner. Regagner son amitié serait déjà bien...

Viens aux soirées, elle est trop bien élevée pour te prendre à parti à ce moment-là. ;)

Un sourire triste gagne mon visage. J'avais mes chances avec cette femme formidable et j'en suis réduite à échafauder des stratagèmes pour conserver un semblant d'amitié. Y a pas à dire, je suis au foirage ce que Michaël Jackson était à la pop...

Ayant besoin de réfléchir, je sens qu'il est temps pour moi de mettre fin à la conversation :

En tout cas merci pour tout Tami. Sincèrement. J'apprécie tes conseils et le fait que tu me fasses confiance.

De rien. Ne me donne pas tort.

Je comprends mieux les choses à présent. Je te laisserai pas tomber.

C'est pile quand je l'ai perdue, probablement à tout jamais, que je réalise... Je croyais que j'avais craqué sur elle... Mais maintenant je suis sûre. J'ai pas craqué, ou flashé ou peu importe... Je l'aime.

Le coeur au bord des lèvres, je ressens le besoin d'ajouter, quitte à être borderline gnan gnan :

Et pour ce que ça vaut, je n'ai pas su le montrer mais j'ai des sentiments pour elle. J'ai toujours voulu que son bonheur et je suis prête à faire ce qu'il faudra pour qu'elle le trouve.

L'idée me brise le cœur et je me garde bien d'en parler à Tamiko, mais je ne mens pas quand je dis ça. Je suis prête à tout. Même si ça implique potentiellement de la voir s'épanouir dans les bras d'une autre qui saura mieux l'aimer que moi.

Maintenant que je sais ça j'ai encore plus envie d'envoyer un message d'excuse a Anna. Mais vu ce qui se passe quand j'écoute mes voix intérieures ou suis mon instinct, je décide de ne pas le faire pour éviter une énième boulette. En plus elle a sûrement besoin de temps pour digérer tout ça et je veux le lui laisser.

Demain est un autre jour et (j'espère) le début du remontage de pente !

22 février 2016

Chapitre 9 : Tourner la page

Une semaine et demie.

Onze longues journées sans voir mes amis ensemble.

Depuis le désastre, j'évite Anna autant que mon client du moment évite d'être sympathique. En soi, c'est un job à temps plein. Étant donné que Baptiste l'invite systématiquement aux soirées, je l'ai très peu vu lui aussi. Du coup, le sevrage est brutal. D'ordinaire on se donne rendez-vous quasi tous les jours, ça fait étrange.

Mais bon, il faut ce qu'il faut.

J'en ai besoin.

Je dois prendre le temps de me reconstruire émotionnellement et c'est pas en voyant ma kiné tous les jours que ça va se faire. Et j'ai tout à fait conscience du fait que malgré mes absences répétées elle n'a même pas pris la peine d'envoyer le moindre message pour avoir de mes nouvelles. Selon moi, ça en dit long.

Comme dirait ma mère : donne à manger à un âne il te fera des crottes.

C'est fini, je ne nourrirais plus cet âne. Enfin ânesse. Anna. Bref, vous voyez le truc.

C'est pourquoi ce soir j'ai un rencard avec Karen.

C'est aussi pourquoi je suis complètement en train de flipper ! La panique doit certainement affecter mes connexions neuronales puisque je roule en direction du bar où bosse Lulu dans le secret espoir qu'elle me mette en condition psychologique. Après tout, c'est sûrement elle qui la connaît le mieux. Elle doit avoir des conseils !

Normalement, elle quitte à 17 heures, logiquement je devrais arriver pile au moment où elle débauchera.

Du moins j'espère, car elle ne sait pas que je viens. Elle a passé les derniers jours à s'excuser et j'ai eu peur qu'une arrivée annoncée ne l'encourage à me tendre un guet-apens pour arranger les choses avec Anna. Donc je me suis bien gardée de la prévenir. Comme qui dirait, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

 

Un coup d'oeil à l'intérieur me confirme qu'elle est toujours là et je m'adosse à la devanture pour faire le pied de grue le temps qu'elle termine son service.

A peine quelques minutes plus tard elle me rejoint :

- Ah tiens, la femme invisible ! Hellooooooo ! Comment ça va ? Ça fait plaisir !

Si c'était venu de quelqu'un d'autre, j'aurais probablement remballé la personne en l'entendant dire ça, mais c'est ma Lulu et c'est juste sa façon de s'exprimer, alors je laisse couler :

- Ça va merci ! La même ! Toi la forme ?

Je m'apprête à me mettre en route vers chez elle lorsqu'elle m'arrête d'une main sur le bras :

- Nickel, tu me connais, rien ne m'abat ! Attends, ya Tam' qui vient aussi me chercher normalement.

Mon visage doit très clairement indiquer ce que je pense en grosses lettres fluorescentes puisqu'elle s'empresse d'ajouter :

- T'en fais pas, Anna l'a laissée partir plus tôt, elle ne se joindra pas à nous.

Cette annonce me fait pousser un soupir de soulagement. A quelques heures de mon premier rencard avec potentiel depuis un bon moment, j'ai besoin d'encouragements, pas d'être abattue !

Comme prévu, Tamiko arrive comme une fleur.

- Tiens, bonjour vous ! Salut Lu'!

Lucie, beaucoup plus à l'aise que moi, lui fait la bise dans un "Coucou ma belle !" tandis que je croasse un "Salut !".

Je ponctue le tout d'un signe de la main pas franchement naturel. Je regrette d'être venue.

Est-ce que si je me barre en courant, sans un mot, ça aura l'air louche ? Parce que c'est tentant !  Ne trouvant pas d'excuse valable pour m'enfuir sans en avoir l'air, je les suis jusqu'à la voiture, grimpe à l'arrière et m'efforce fusionner avec la banquette. Visiblement, il faut encore que je bosse mon look, puisque Lucie demande :

- Au fait, non pas que je ne n'apprécie pas ta venue, mais quel bon vent t'amène ?

Je croise son regard dans le rétroviseur et me retrouve face à un dilemme. D'un côté j'ai envie de crier sur tous les toits que j'ai un rencard (et que, par conséquent je n'ai pas besoin d'Anna), de l'autre... Je me sens coupable de le dire. Alors que je n'ai pas de raison.

Elle a été très claire. Limpide même. Je veux dire, j'étais prête à donner tout ce que j'avais, à ME donner et elle m'a laissée tomber comme une socquette trouée dont on aurait en plus perdu la jumelle.

C'est décidé.

Je refuse de rester une vieille chaussette !

A présent, je serai un... Un pull. Non, pas ça. Un truc plus sexy.

Je serai un... sous-vêtement porte-bonheur !

- Je venais te demander conseil pour mon rencard avec Karen ce soir.

Voilà. C'est dit.

Immédiatement, le regard de Lucie croise le mien dans le rétro et je vois à ses yeux qu'elle sourit :

- Bien ça !!

- Ouais... Oui !

Dans le genre "je n'ai pas l'air convaincue" on ne fait pas mieux !

Si j'arrivais à me départir de l'idée que c'est ma dernière chance de ne pas finir mes jours toute seule, peut être que je serais un brin plus détendue !

Cherchant du soutien, Lucie file une tape sur la cuisse de Tami et demande :

- J'ai pas raison ? C'est une super nouvelle ! Fais-lui entendre raison elle a pas l'air sûre d'elle.

- Si si, c'est cool.

Quelque part, je suis soulagée de constater qu'il y a pire menteuse que moi.

Fort heureusement, on arrive dans la ZAC avant que l'une ou l'autre puisse continuer la conversation. N'écoutant que mon courage, je n'hésite pas une seule seconde et change le sujet en demandant "vous voulez vous acheter quoi au juste ?" :

Lucie me répond sans entrain :

- Rien de particulier. Des fringues...

Mais se reprend bien vite :

- Mais maintenant que je sais que le jour J est arrivé, j'ai bien l'intention de faire de toi la plus belle pour aller danser.

Sans se concerter, Tami et elle se regardent et ajoutent en chantonnant : danseeeeeer !

-_-

Bref.

- Alors déjà, on ne va pas danser, enfin pas que je sache... Et puis je suis déjà habillée. Je veux des conseils d'ordre psychologique, c'est tout !

Lucie lève un sourcil et pointe mon corps dans un aller-retour du doigt. S'en suit un piétinement allègre de mon peu de confiance en moi :

- Euh chérie, si c'est ça que tu appelles prête, dans l'heure à venir ta vision du monde va changer ! CHANGER !

Je baisse les yeux vers ma tenue.

Ok c'est pas franchement glamour, mais c'est confortable. Je préfère me sentir à l'aise ! Il n'y a pas de mal à ça !

- N'exagère pas, c'est pas si mal. Si ?

Levant la tête, je jette un regard plein d'attentes en direction de Tamiko, l'élevant au rang de juge de paix. Elle se balance d'un pied à l'autre et n'a pas l'air de savoir quoi dire, ni comment le formuler... Ouais... Ok. Message reçu.

Blasée, je m'adresse à mon amie et m'avoue vaincue :

- T'as gagné, je te suis. Mais que ce soit clair, j'ai un droit de véto et je n'hésiterai pas à en faire usage !

À peine ai-je vocalisé mon accord qu'elle s'enfuit en direction d'une boutique dans un "oui oui" (cause toujours), tellement vite que je me demande s'il n'y a pas le feu quelque part.

En bonne fashionista, elle virevolte de pile en pile et après deux minutes dans le magasin, revient vers moi les bras chargés de vêtements. Sans même me demander mon avis, elle me fourre le tout dans les bras et me pousse jusqu'à la cabine d'essayage. Bien évidemment, Tamiko ne lève pas l'ombre du petit doigt pour m'aider !

J'ai cependant un regain d'espoir et m'imagine déjà échapper à l'essayage en constatant que le nombre de vêtements qu'il est possible d'emmener en cabine est limité. Malheureusement, mes attentes sont bien vite annihilées lorsque Lucie, en véritable habituée des lieux, va saluer la dame responsable des essayages.

Le rideau se referme derrière moi. Je détaille pour la première fois les habits choisis. Pas mal.

Minute! :

- Lu', comment tu connais ma taille ?

- L'oeil de l'experte chérie, essaie le haut rouge, il va faire ressortir tes yeux ! Je vais regarder si je trouve autre chose, je reviens, t'as intérêt à me montrer !

Résignée, je retire mon haut alors que je l'entends s'éloigner. Pendant quelques secondes, j'observe mon reflet dans le miroir, tentant de voir au delà de mes défauts. C'est pas gagné cette histoire.

Je m'empare du seul haut rouge de la pile et m'apprête à l'enfiler lorsque Tami déboule dans ma cabine.

- AHHH ! Mais ça va pas ? Qu'est-ce qui te prend ? Sors de là !

Je tente de me couvrir du mieux que je peux tout essayant de la mettre dehors. Malheureusement, c'est loin d'être un succès, d'un côté comme de l'autre. D'un doigt sur ses lèvres, elle me fait le signe "chut" et m'attrape par les épaules pour m'empêcher de m'agiter.

- Désolée, je voulais juste te parler seule à seule. C'est le moment qui m'a paru opportun !

- Opportun ? OPPORTUN ?! Tu piétines mon intimité à coup de talons aiguilles !

- Je t'ai déjà vue en maillot de bain.

- Alors déjà non, j'étais dans l'eau tout du long, et c'est pas pareil !

Elle hausse un sourcil et attend que je termine de râler.

Finalement, de mauvaise grâce et constatant qu'elle ne déhotte pas, je lui fais signe de continuer de la main. Elle ne perd pas un instant avant de s'exécuter :

- C'est quoi cette histoire de rencard ? C'est vrai ?

Offusquée qu'elle ait ressenti le besoin de demander, je m'exclame :

- Bien sûr que c'est vrai !

- Mais...

Elle cherche ses mots et finit par dire, presque timidement :

- Et Anna ?

J'ai tout à fait conscience du fait que la déception se lit sur mon visage, mais inutile de me fatiguer à essayer de la camoufler, c'est peine perdue :

- Anna a visiblement ses problèmes... Elle s'est montrée très claire. Ça fait déjà trop longtemps que je m'acharne.

Tami baisse les yeux et semble chercher ses mots, mais apparemment elle sait qu’aucune excuse ne fera l’affaire puisqu’elle se contente de répondre :

- Je vois… Tu veux bien que je lui en parle ?

Un petit rire désabusé m’échappe en entendant ça :

- Te fatigue pas. J’ai saisi son message. La preuve, je passe à autre chose.

Elle acquiesce et sort (ENFIN !) de la cabine sans un mot de plus.

Je glisse ma tête à travers le haut, pas sûre d’être satisfaite de cette conclusion. En voyant mon reflet, je connais la réponse.

 Je force un sourire sur mes lèvres et tâche d’avoir l’air heureuse. Faut pas que je m’arrête à ça, à elle… Je ne peux pas attendre éternellement. Résolue, j’enfile également un jeans bleu nuit, quasi noir.

Quoi qu’on en dise, Lucie a l’œil. J’ai du mal à reconnaître la fille dans le miroir, mais une chose est sûre… Elle est sexy ! Je suis à peine sortie de la cabine qu’elle s’empare de moi et me fait bouger façon marionnette.

- J’approuve. Je le savais, t’es un gâchis au quotidien !

- Bah merci !

Ignorant totalement l’affront qu’elle vient de faire, Lucie continue sur sa lancée :

- T’as des sous vêts coordonnés ? Nan parce qu’en rajoutant la paire de chaussures qui va bien, ce soir elle tente sa chance, je te l’annonce!

- N’importe quoi.

Voyant qu'elle s'apprête à ouvrir la bouche, je la recadre tout de suite :

- Il est hors de question que tu choisisses mes sous-vêtements, qu'on se le dise !

Elle croise les bras sur sa poitrine et entreprend de bouder. Si elle croit me faire pitié, elle va bouder longtemps. Je ne peux m'empêcher de remarquer que Tami ne fait pas preuve d'un enthousiasme débordant devant l'objet de notre discussion. Elle est affairée sur son téléphone portable et si je ne craignais une planchette japonaise en guise de représailles, nul doute que je tenterais de piquer ce dernier pour voir ce qu'elle trafique. Une partie de moi a peur qu'elle ne soit en train de me dénoncer à Anna.

Oh et puis qu'elle le fasse.

 

*          *          *          *          *          *

 

Elle me dépose au coin de l'immeuble et part à la recherche d'une place de parking. Trottinant jusqu'à la porte, je recense les nids à bazar dans ma tête. J'espère que je vais réussir à rendre l'appart présentable en si peu de temps. Alors que je tourne à l'angle du bâtiment, je remarque quelqu'un assis sur les marches de l'entrée qui sont plongées dans la pénombre. Je m'approche d'un air méfiant, juste au cas où ! Je regarde enquêtes criminelles et faites entrer l'accusé vous savez !

Ce n'est qu'une fois à quelques mètres que je reconnais ma kiné, vêtue de sa combinaison de motarde.

- Anna ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Traduction : ça ne m'arrange pas !

C'est pas bon, pas bon du tout même! Comment je suis supposée réussir à passer à autre chose si elle se pointe comme une fleur le jour de mon premier rencard ? Et qu'est-ce que je dirais à Karen si elle l'aperçoit ?

En me voyant, elle se lève précipitamment. Clairement nerveuse, elle glisse ses mains dans ses poches et lance un timide :

- Salut.

Je lui fais la bise, tout en cherchant comment l'expédier le plus rapidement possible et sans la vexer. Et tant qu'elle y sera, si elle pouvait partir avec mon sentiment de culpabilité d'avoir eu ce rendez-vous avec quelqu'un d'autre qu'elle, ce serait bien !

Ne voulant pas reposer ma question, j'attends qu'elle parle. Elle se balance d'une jambe à l'autre, sans un mot, ouvrant et fermant la bouche.

Je l'observe en silence tandis qu'elle se débat avec son esprit.

Bon...

Ça fait bien quarante secondes qu'elle bafouille sans former une phrase et honnêtement, ça m'agace. Beaucoup.

Elle vient ici, interrompt ma soirée et n'est même pas capable de me dire pourquoi ?

Stop maintenant. J'en ai marre de ses jeux, je veux passer à autre chose.

Et cette situation me stresse.

Karen va arriver d'une seconde à l'autre et je n'ai pas mérité de finir mon rencard sur un moment bizarre, juste parce qu'Anna s'est enfin décidée à me parler.

Je soupire et jette l'éponge :

- Tu sais quoi ? Laisse tomber.

Je me détourne d'elle et cherche mes clefs à l'intérieur de mon sac, bien décidée à la laisser sur le trottoir. 

- Inès...

Un petit rire amer m'échappe en voyant qu'elle ne trouve toujours pas les mots, mais je m'abstiens de tout commentaire, glissant la clef dans la serrure et poussant la porte. Elle saisit ma main et je me retiens de l'envoyer sérieusement balader, partiellement parce que j'ai malgré tout envie de savoir ce qu'elle veut.

Je la laisse me tourner, m'adossant à la porte pour éviter qu'elle ne se referme et croise mes bras sur ma poitrine.

C'est maintenant ou jamais Anna.

Crache le morceau.

Sur le côté de l'immeuble, les graviers crissent au loin, annonçant l'arrivée de quelqu'un. Je tourne la tête dans cette direction avec une boule au ventre, sachant très bien qui approche.

Une expression d'urgence sur le visage, je fais face à Anna, prête à lui demander de partir.

Elle me prend totalement par surprise en saisissant mon visage entre ses mains et se collant à moi.

Ses lèvres capturent les miennes dans un baiser brûlant, plein d'urgence.

Bien que mon cœur explose littéralement dans ma poitrine, je m'efforce de ne pas vraiment répondre, sans pour autant réussir à rester de marbre. 

Loin de se décourager, elle glisse un bras dans mon dos et me serre contre elle. Des effluves de cuir et de parfum me parviennent aux narines et créent un déclic en moi.

J'ai celle que je veux au bout des lèvres et elle est tout ce que j'attendais, et plus encore... Je m'apprête à répondre avec enthousiasme quand le son de quelque chose qui tombe sur les graviers, suivi d'un juron, me rappelle la situation.

Même si ça me tue, je me recule et manque de m'étaler lorsque la porte s'ouvre sous mon poids. Toujours sous le choc et au comble du glamour, je fixe Anna, les yeux et la bouche grands ouverts.

Karen finit par se montrer et je prie pour ne pas avoir l'air aussi coupable que je me sens. Pour donner un ordre d'idée, je me sens à peu près aussi bien que si ma première conversation avec la fille de mes rêves se déroulait dans les toilettes turques d'un camping alors que j'ai ingéré une quantité industrielle de flageolets.

Mais revenons-en à ma misère amoureuse. Le regard de Karen se pose sur Anna, puis sur moi, l'air d'attendre une explication à sa présence. Sous l'effet du stress ou de ce qui sera consigné comme un monument de stupidité, je dis la première chose qui me vient à l'esprit et qui - heureuse coïncidence - se trouve être la pire à laquelle j'aurais pu songer :

- Et bien merci Anna, c'est gentil d'être passée ! Fallait pas te donner cette peine juste pour me rendre le double des clefs de Baptiste !

J'ai à peine fini de prononcer les mots, je regrette déjà. Ma culpabilité atteint son point culminant en voyant l'expression d'Anna se décomposer au moment où la signification de mes paroles ne laisse plus de doute. À tel point que la présence de Karen est la seule chose qui me retienne de me mettre à genoux pour demander pardon.

Mais à la place je ne fais rien, me contentant d'attendre qu'elle parte après avoir été congédiée comme une malpropre.

Après ce qui me paraît être une éternité, elle pousse un soupir de dédain et nous quitte, avec sur le visage l'expression d'une sévère trahison.

Judas aurait été fier de moi.

N'ayant pas manqué une miette de la scène et étant loin d'être conne, je me doute que Karen sait qu'elle a raté quelque chose. La question est dans ses yeux mais fort heureusement elle ne me demande rien. Ça m'arrange.

Forçant un sourire sur mes lèvres, je lui ouvre la porte en grande pompe, tentant de détourner l'attention avec mes singeries.

Malgré moi, mon regard se pose sur la silhouette d'Anna qui s'éloigne dans la nuit, les épaules voutées, comme défaite. Mon coeur se serre en l'observant partir.

Je me détourne de cette vision et emboite le pas à Karen, une grosse boule au ventre.

Qu'est-ce que j'ai fait ?!

Espérons que même si ma façon de l'annoncer était franchement pourrie, ma décision était la bonne.

 

*          *          *          *          *          *

 

Je tourne et retourne dans le lit, le sommeil jouant les déserteurs.

C'est bien le moment.

Il parait que la nuit porte conseil mais j'imagine que ça implique de dormir..

Allez quoi !!!

Rien à faire, la soirée et plus précisément mon "altercation" avec Anna me trottent dans la tête.

Je change une nouvelle fois de position et repousse les couvertures.  M'emparant de mon téléphone, j'y regarde l'heure, espérant qu'il me reste suffisamment de temps devant moi pour grappiller quelques heures de sommeil.

5h43... Et un texto.

Mon palpitant s'engage dans une course effrénée, sachant très bien qui m'a envoyé un message avant même de le consulter. Ironiquement, ce n'est que maintenant qu'elle m'en envoie.

J'approche mon doigt de l'icône et hésite un moment avant de toucher l'écran. J'ai peur de ce que je vais lire. 

Bon... Courage, repousser l'instant ne sert à rien si ce n'est à trop réfléchir. Et c'est bien connu que ça ne me réussit pas. Rassurée par ma logique façon sophisme, je tapote l'écran.

Le SMS apparaît à la fois trop vite et trop lentement à mon goût :

Salut, j'espère que je ne te réveille pas ou n'interromps rien. Je voulais m'excuser pour ce soir, je n'aurais pas du faire ça. Ça ne se reproduira plus ne t'en fais pas... Il fallait que je tente pour m'éviter tout regret. Au moins, je sais à quoi m'en tenir.

Non non non non non !

Merde !

D'une main, je m'empare d'un oreiller et le plaque sur mon visage. Ahhhhhh ! Qu'est-ce que j'ai fait !

Comment je peux rattraper le coup maintenant ?

Délaissant le coussin, j'agrippe mon smartphone et le regarde comme la bouée de sauvetage que j'espère qu'il va être.

Quoi répondre ?

Tu n'interromps rien.

Non, il faut qu'elle oublie Karen.

Idéalement qu'elle oublie toute la soirée, mais ce n'est pas gagné alors on va viser petit.

M'adressant à la pièce vide, je lance un "tabula rasa", juste au cas où.

J'aimerais que ça se reproduise...

Non, trop direct et ça sonne comme "tu veux être mon amie ?".

La lumière se fait soudain dans mon esprit et j'opte pour une formule qui est certes connue et vicieuse, mais qui a fait ses preuves :

On peut se voir ? Il faut que je te parle.

Et voilààà !

Normalement là elle ne sait pas mon avis à tête reposée sur la situation et va se tourner les méninges pour essayer de deviner tous les scénarios possibles. Ça veut dire qu'elle va penser à moi et c'est exactement ce que je veux.

genius

 

 

 

 

 

Ma jubilation est de courte durée, sa réponse me calmant net :

Honnêtement, je ne sais pas si c'est une bonne idée...

J'ai peur qu'elle se défile si je lui laisse le choix, alors décide de forcer un peu les choses.

T'es chez toi demain ? Je peux passer ?

Peut-être qu'en étant sur son territoire ça la rassurera.

Tami viendra après le boulot, mais normalement je partirai un peu plus tôt qu'elle. 17h?

Un sourire fait son apparition sur mon visage en lisant cela. Yes !

Je tape rapidement ma réponse pour ne pas lui donner le temps de changer d'avis :

Ça me va, merci beaucoup. :)

 

Une petite danse de joie plus tard, je me sens nettement mieux. Avec un peu de chance, j'arriverai à trouver le sommeil. Plus qu'à réfléchir à ce que je pourrais dire pour la convaincre ! 

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