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Fictions Lesbiennes :)
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22 février 2016

Chapitre 5 : Adieu les brancards

- Alors alors alors ? On veut en savoir plus !

- Je n'ai pas reçu de messages menaçants donc j'imagine que ça s'est bien passé ?

- Du calme les commères ! Lulu tu me sers un petit quelque chose pour me délier la langue ?

Elle sourit et me dépose ma boisson habituelle, tout en marmonnant quelque chose qui ressemble fortement à "vampire, toujours à m'extorquer quelque chose"!

Elle fait glisser le verre dans ma direction :

- Tiens, escroc ! Maintenant parle !

- Merci !

Je sirote lentement, savourant leur impatience. Pour une fois que je suis sous les feux de la rampe !

- C'était très surprenant, mais j'ai passé une excellente soirée...

Haha, je les garde en haleine, je suis une Victor Hugo des temps modernes. J'en profite pour bien prendre mon temps.

C'est un sourire grivois aux lèvres que Baptiste s'enquiert dans l'éloquence qui le caractérise :

- Et... T'as pécho ?

- ... Non. Mais figure-toi que c'était ma kiné !

Loin de partager mon enthousiasme, Lucie clarifie leur point de vue :

- Chérie, ça fait mal de dire ça, mais Batou a posé la bonne question ! Que ce soit ta kiné ou la reine d'Angleterre, tout ce qu'on veut savoir c'est si t'es casée !

Une fois encore, j'ai comme la nette impression qu'ils se liguent contre moi ! Mais la réponse de Lucie apporte une nouvelle lumière sur le défilé de « prétendantes  catastrophiques ». Tout s’explique.

- Vous exagérez, je ne suis pas si terrible que ça en célibataire !

Visiblement, Lucie est la plus offusquée des deux :

- Pardon ??? Je te signale que tu m'as forcée à regarder la cité des Anges 3 fois d'affilée !

Et voilà qu'il complète le tableau :

- En mangeant du chocolat et de la glace que tu m'avais ordonné d'amener.

- C'était qu'une fois !! Un cas de force majeure, vous savez ce que ça veut dire ?

Loin de s'avouer vaincu, Baptiste continue de me soutirer des informations :

- Et, verdict ? Elle est aussi extraaaaordinaire que tu nous le racontes ?

- Oui, pas loin ! Mais bon on était mal à l'aise toutes les deux.

Une fois n'est pas coutume, Lucie nous gratifie d'une remarque pertinente :

- J'avais pas pigé qu'elle est lesbienne !!! T'aurais pu nous en parler, t'es toujours a mendier les conseils issus de notre infinie sagesse, mais on a pas toutes les informations.

- Parce que je n'en avais pas la moindre idée !!

Lucie jette le torchon avec lequel elle essuyait le bar sur son épaule et me lance un commentaire désobligeant de plus :

- La seule lesbienne qui n'a pas de gaydar... Et ben mon Batou, on est pas sortis de l'auberge !

- Très drôle. Je n'avais aucun moyen de savoir ! Mais de toute manière ça ne change rien...

Baptiste prend le relai de l'enfoncage de portes ouvertes :

- Au contraire, ça change tout ! Elle te plaît et tu lui plais !

Je vais objecter, mais il embraye :

- Elle est restée non !? Toute la soirée ! Il te faut quoi de plus ?

Certes, mais seulement grâce un autre génial stratagème dont je semble avoir le secret… Baissant les yeux en prévision de l'annonce que je m'apprête à faire, je leur avoue :

- J'ai proposé que ça ne soit qu'un dîner "normal", sans le côté rencard...

Le torchon de Lucie me percute l'épaule à pleine vitesse. Je masse la zone endolorie et essaie de me justifier :

- On était mal à l’aise... Je me suis dit que si on restait sans rien dire  la soirée allait être horrible et j'allais ruiner mes chances dans tous les cas. J'ai tenté ça pour briser la glace !

- Et ça a fonctionné ?

- Après on a bien parlé oui...

- Vous allez vous revoir ?

- Il me reste une dernière séance donc oui, forcément. Fin bref, on peut changer de sujet ?

  

*          *          *          *          *          *

 

La porte buzz avant même que je ne sonne. Elle m'attendait ?

Tout sourire, je monte au premier étage rejoindre mon atelier de torture préféré. J'ai une petite boule au ventre malgré tout. J'étais prête à l'embrasser hier et même si je me suis pris un gros râteau, c'était flagrant. Je suis sûre qu’elle a remarqué ma façon innée de mettre systématiquement les pieds dans le plat. Dans son immense mansuétude, elle m’a épargné une réplique sarcastique cette fois. C’est ça que j’aime chez elle, elle ménage mon égo lorsque je laisse libre voie à une humiliation totale et complète.

Les portes automatiques s'ouvrent sur l'accueil et la secrétaire en grande discussion avec ma kiné.

- Bonjour Mesdames !

- Bonjour madame Marizy !

- Bonjour.

Deux paires d'yeux étonnés se tournent vers la kiné en entendant son ton glacial.

Euh... J'ai raté quelque chose ? Si quelqu'un a toutes les raisons d'être vexée, c'est plutôt moi !

Ma complice derrière le bureau me lance un regard plein de questions qui font écho à celles que je me pose en ce moment même. Et je n’ai pas l’ombre d’un début d’explication à ces dernières.

- Si vous voulez bien me suivre...

OK... Apparemment retour au vouvoiement. Franchement je ne pige pas. On a passé une super soirée...

Je pénètre dans la pièce juste après elle, m'attendant à ce qu'elle m'offre un éclaircissement sur sa réaction.

Ce n’est pas le cas. Elle quitte la pièce sans un mot et je m’assieds comme je le fais à chaque fois. Je retire mon pantalon et remarque qu’elle a mal fermé la porte sur sa sortie. Je dois me pencher un peu pour jeter un œil dans l'ouverture au passage. Contre toute attente, elle ne s'éloigne pas et je l'entrevois en train de passer ses mains sur son visage.

Je ne sais pas trop quoi en penser, mais au moins ça veut dire qu'elle n'est pas indifférente. Mais je ne sais pas si c’est un bon ou un mauvais signe. Elle n’a pas l’air enjouée.

Finalement, elle murmure quelque chose que je n'arrive pas à comprendre et revient.

Elle regarde à peu près partout sauf là où je me trouve et saisit la crème habituelle.

Elle compte vraiment m'ignorer et se la jouer comme si de rien n'était ?

À cette idée, je me renferme et me replie sur moi même sans m'en apercevoir. Je n’ose pas parler non plus de peur de dire quelque chose qu’il ne faut pas. À vrai dire, j’ai juste envie de prendre mes jambes à mon cou pour mettre fin à cette situation.

Elle place sa main au-dessus de mon genou et tire doucement pour me m'inciter à écarter les cuisses, le tout sans me décrocher un mot.

Ne tenant plus, je pose mes mains sur les siennes pour l'arrêter puis l'écarter.

Ça aura au moins eu l'avantage de la faire réagir. Son regard croise le mien une fraction de seconde avant qu'elle ne baisse la tête et se recule. J’ai cru y lire quelque chose, mais je ne sais pas comment l’interpréter … Allez quoi Anna, aide-moi un peu !

Ok... Ça ne s'annonce pas facile. Inutile de tergiverser, elle n'a pas l'air décidée à me parler, alors je vais poser les questions.

- Qu’est-ce qui ne va pas ?

Elle ferme les yeux et détourne la tête, mais ne m'offre pas d'explication.

Je place ma main sur son épaule et l'incite à me faire face :

- Anna, qu'est-ce que j'ai fait ?

- Je...

Elle soupire et passe le dos de sa main sur son front, mais ce n'est clairement pas un geste de soulagement, plutôt d'embarras.

- Je n'aurais pas dû vous demander de rester, vous êtes ma patiente. Ce n'était pas correct.

Pendant un instant, j'ai envie de dire "c'est tout ?", mais me reprends, sachant que ça n'aiderait pas. Ça me paraît un peu exagéré. Pour un psy ce serait gênant, mais pour une kiné... Ce n’est pas comme s’il s’était passé un truc entre elle et moi, même si l’image du simili baiser me revient clairement en tête. Après tout, techniquement c’était un repas entre ‘amies’. Rien de plus.

Je me demande s'il n'y a pas quelque chose d'autre derrière tout ça. Du genre une réflexion du roi des blaireaux.

- On ne savait pas sur qui on allait tomber... Et on s'est mises d'accord sur le fait que c'était "en tout bien tout honneur" non ?

- Peut-être, mais c'était néanmoins une entorse à la règle.

Elle joue nerveusement avec un drap du bout des doigts, dos tourné. Je vois bien qu’elle bataille entre sa perception de l’éthique professionnelle et sa nature chaleureuse. Même si c’est stupide car pas prémédité du tout, je m’en veux de l’avoir placée dans cette position.

J'ai envie de la prendre dans mes bras, mais ai conscience que c'est probablement une très mauvaise idée. Elle m'apporte un peu plus de précisions en ajoutant :

- Je débute dans le métier et mon association avec M. MAURON est récente.

Dans un grand soupir, elle continue d'une petite voix :

- Je ne peux pas me permettre que des rumeurs courent à mon sujet. Ça constituerait un suicide professionnel si hier soir venait à se savoir... Ce n'est pas contre vous... Je... Je me dois de rester à ma place. J'ai commis une erreur.

J'acquiesce de la tête tout en gardant le silence. Je ne suis pas d'accord dans la mesure où l'on a rien fait de mal...  Il pourrait y avoir des ragots si on s'était galochées dans le restau, mais (à mon grand désarroi) ça n'a pas été le cas ! Merci à mon courage à toute épreuve. C'était comme je l'ai dit "en tout bien tout honneur".

Ceci dit, vu l'intensité de sa réaction, je sais d'avance qu'elle est trop braquée pour que je puisse lui faire entendre raison. Mieux vaut m'avouer vaincue pour l'instant :

- Je suis désolée... Je n'avais pas réalisé... Mais on peut faire comme si de rien n'était non ? Après tout, c'était le fruit du hasard et on a tout de suite mis les points sur les i !

Elle acquiesce et se retourne timidement, un air absolument adorable sur le visage. Si je m'écoutais, je lui pincerais les joues.

Elle reprend un peu de crème et recommence son massage, toujours en silence, mais sans chercher à fuir mon regard.

J'aime vraiment sentir ses mains sur moi... Elle est à la fois douce et ferme, avec cette sureté dans le geste, façon force tranquille. Mais j’ai du mal à me détendre. J’ai envie de plus. J’ai envie qu'elle remonte le long de ma cuisse et glisse à l’intérieur de celle-ci…

Ça suffit.

Elle s’est montrée très claire, limpide même. Continuer à avoir des pensées qui vont dans ce sens est juste ridicule. C’est la dernière fois que je la vois, il ne se passera RIEN, il est temps que je me fasse à cette idée.

Ma raison tente de me persuader que cette déclaration de "statu quo" est pour le mieux, mais à dire vrai, je suis immensément frustrée. Sans prétendre savoir à quoi m'attendre, je m'étais imaginé une toute autre ultime séance. Je pensais retrouver la Anna d’hier soir… Au lieu de ça j’ai eu droit à un accueil digne de son partenaire d’affaires… Tu parles d’une déception.

Ses gestes sont indubitablement professionnels et je me sens coupable de "profiter" de mon massage comme s'il s'agissait de davantage. Malgré toute la bonne volonté du monde, je n’arrive pas à contrôler mes pensées.

Visiblement encore un brin tracassée et crispée, elle tente de ramener un semblant de normalité :

- Devine quels exercices tu vas faire aujourd'hui ?

Ah, apparemment j'ai re-gagné le droit au tutoiement. Ça me fait sourire intérieurement même si je n’ose pas trop le montrer. Je prends ça comme un aveu. Elle sait que j’ai raison. Pour une fois que ça arrive, je savoure !

- Humm... Le meilleur pour la fin c'est ça ? L'exercice où je dois essayer de te donner des coups de pied ?

- Ha ha ha. Non... Bouge pas je reviens.

Elle s'éclipse et je crains pour ma vie. La voyant labyrinthe en main, force est de constater que mon intuition ne m'avait pas trahie.

Si elle croit m'avoir comme ça... Je m'appuie sans vergogne sur elle afin de me hisser sur la demi-sphère sans risquer de m'étaler. Visiblement étonnée par mon culot, l'un de ses sourcils se lève

- Tu réalises que l'exercice perd son intérêt si tu ne te sers pas de ton équilibre, mais de moi pour tenir debout ?

Une fois de plus, je ne suis pas vraiment d'accord. Niveau intérêt je suis pas mal, le contact étant tout sauf désagréable si vous voulez mon avis.

- Mais je ne veux pas tomber !!!!

Elle se recule, me laissant à mon désarroi en m'insultant au passage :

- Chochotte.

- Tortionnaire.

 

*          *          *          *          *          *

 

- Salut !

En entendant ma voix, Lucie se retourne et hausse immédiatement les sourcils à ma vue.

- Salut... T'as passé la nuit dans une poubelle ?

Je regarde mon jogging troué et mon sweat shirt pas franchement glamour, le tout accompagné de vieilles baskets ayant connu de meilleurs jours.

Certes, ce n'est pas volé.

Je l'inspecte à la recherche d’une réplique tout aussi désobligeante, mais sa tenue est pratique ET esthétiquement viable... Je me rabats sur une excuse bien commode :

- On va transbahuter les affaires de Baptiste, j'allais pas venir en tailleur !

- Non, mais ça m'embêterait de devoir te chercher au commissariat parce que les gens auraient signalé une zonarde.

- Je peux encore faire demi-tour !

Lucie hausse les épaules et rétorque :

- M'en fous, c'est pas moi qui déménage !

Pas faux. Frissonnant, je me frotte les mains pour tenter de me réchauffer. Il fait un froid de canard ce matin. Avant que vous ne fassiez une remarque acerbe (si si, je vous vois venir), si je n'ai mis qu'un sweatshirt, c'est parce que je pensais qu'on allait être en mouvement d'entrée. Mais ça, c'était sans compter sur la ponctualité de Baptiste, rendez-vous chez lui et il arrive à être en retard, c'est dingue.

- D'ailleurs il est où ?

- Parti chercher sa cousine.

- Sa cousine ? Quelle cousine ?

- Je sais pas, je ne l'ai jamais rencontrée. Apparemment il l'a retrouvée au mariage, ils habitaient la même ville sans le savoir.

- Cool ! Ça nous fera des bras en plus !

- Amen !

La Ducati 899 de Batou fait son apparition avec deux figures toutes de cuir vêtues. Sa cousine doit aussi faire de la moto, car ils n'ont pas vraiment le même gabarit et son ensemble est à sa taille. Il épouse parfaitement son corps et si je n'étais pas déjà attirée par les femmes, des formes pareilles pourraient me faire changer d'avis ! Perso je trouve que bien porté, il n’y a rien de plus sexy que ce genre de combinaison…

Tous deux descendent avec élégance de l´engin. Pour avoir grimpé dessus quand la moto était à l'arrêt, dans l'absolu c'est un exploit en soi de tenir sur le "siège passager" vu la taille du machin et je ne parle même pas de quitter ce perchoir avec grâce.

Lucie dit tout haut ce que je pense tout bas :

- Ehhh ben, il se mouche pas du coude quand il choisit ses fréquentations !

Baptiste retire son casque et nous fais la bise, fier comme un paon. Derrière lui, sa cousine fait de même et secoue sa chevelure dans ce mouvement breveté "parce que je le vaux bien". Tout en saluant mon meilleur ami, j'essaie sans succès d'apercevoir le visage de la nouvelle venue. Elle finit par passer ses mains gantées dans ses cheveux pour les remettre en place, m'offrant une vue dégagée.

Son regard surpris croise le mien au moment où Baptiste fait les présentations :

- Lucie, Inès , voici Anna.

Pendant une seconde, je caresse l'envie de feindre une première rencontre même si ce ne serait pas très gentil et qu’elle pourrait mal interpréter ma réaction. Mes espoirs sont totalement avortés par la tête que fait ma kiné. Personne ne qualifierait son expression faciale de "normale". Elle a vraiment l'air étonnée et gênée. Malgré cela, elle reste jolie. Il y a clairement eu des injustices au moment de la distribution du charme, c’est moi qui vous le dis !

Comme d'ordinaire, Lucie fait rapidement la relation même si elle ne l'exclame pas explicitement et joue la neutralité :

- Bon ! Ben enchantée ! On se met au boulot ? Je prends Batou dans mon équipe !

Apparemment il y a des équipes et vu que nous ne sommes que quatre, je sais qui est dans la mienne. Mes soupçons sont confirmés par le clin d'œil que m'adresse mon amie avant de se diriger vers l'immeuble. Elle n’a certes rien dit, mais connaissant sa perfidie, ce genre de geste m’inquiète !

Baptiste ne remarque rien et suit le mouvement. D'un geste de la main, je fais signe à Anna de passer devant.

Je vous vois venir... Non, ce n'est pas pour mater ses fesses (même si ce cuir lui va à ravir), mais plutôt pour me donner le temps de me recomposer.

Est-ce que je dois annoncer à mon ami que la fameuse kiné avec laquelle il voulait me caser n'est autre que sa cousine ? Une pensée bien plus effrayante me vient à l'esprit : et s'il lui raconte qu'on faisait des plans sur la comète ? OMG je passerais pour une psychopathe qui se fait des films ! Sans parler de mes déjà bien maigres espoirs qui s’en retrouveraient réduits à néant. Rien qu’à y songer je fais presque caca culotte de peur. Il faut qu’il garde le silence !

Arrivés au bon étage, je n'ai pas le temps d'attraper mon meilleur ami pour le briefer que Lucie le monopolise pour porter une énorme malle. Vu le sourire mielleux qu’elle m’adresse, nul doute que ce n’est pas le fruit du hasard. Traitresse !

Ils s'éclipsent dans les escaliers et je me retrouve seule à seule avec Anna.

Elle met ses mains dans les poches de sa veste en se balançant sur ses talons. De par sa gestuelle, j'en déduis que je ne suis pas la seule à ne pas trop savoir comment me comporter. Je tente de désamorcer une partie de la tension en plaisantant :

- Décidément tu es partout !

Elle sourit et retire sa veste de moto, dévoilant un débardeur blanc en dessous :

- Faut croire !

Je ne sais pas si c’est du lard ou du cochon, mais tant qu’elle me sourit en se déshabillant les deux me vont ! Mon cœur bat la chamade et j’ai l’impression qu’elle fait exprès. C’est sûr. Ce n’est pas possible d’être aussi sexy naturellement.

J'essaye de ne pas la fixer, mais visiblement mes yeux ont une volonté propre. Force est de constater qu'une fois de plus j'avais raison : sa tenue de travail ne lui fait pas justice. Si je devais choisir un adjectif pour qualifier sa silhouette, j'hésiterais entre sculpturale et parfaite. Ce semi-striptease m’a laissée sur ma faim ! Et la suite alors ?

Un coup d'œil vers le bas en direction de mon corps à moi me suffit pour me sentir encore en plus mauvaise forme que je ne le suis. C’est pas juste !

Voulant compenser, je me penche et attrape le premier carton qui passe. Comme d'habitude, Dame Chance est de mon côté et il pèse le poids d'un âne mort. Je serre les dents et tente de faire comme si de rien n'était. Je lui adresse un sourire crispé et entreprends une périlleuse descente des escaliers sous son regard inquiet. Mes bras tirent et me font un mal de chien. Plus jamais je ne me laisserai aller, je suis devenue toute faiblarde !

J'arrive Dieu sait comment sur le parking sans mourir ni m’humilier. Je m’améliore ! Batou est adossé à la camionnette de Lulu, en grande conversation avec cette dernière.

Plutôt que de m'aider, ils me regardent galérer en souriant. Riez, ma vengeance sera terrible !

Je largue avec plus ou moins de délicatesse le carton à l'arrière du véhicule et suis étonnée en voyant qu'elle s'abaisse sous le poids. Essoufflée, je me penche et place mes mains sur mes genoux, levant la tête pour demander :

- T'as mis quoi là-dedans, du plomb ?

- Nan, mes casseroles, c'est écrit dessus !

Tout s'explique...

Je n'ai pas me temps de me remettre de mes émotions que déjà je me fais cuisiner :

- Alors comme ça tu connais bien ma cousine ?

Gulp. C'était prévisible. Discrétion est un mot étranger à Lucie. Cette fourbe attend toujours le moment opportun pour lâcher ses bombes. Reconnaissant une cause perdue quand j'en vois une, j'abandonne l'idée de mentir.

- Pour ma défense, je ne savais pas qui elle était !

Mon début d'interrogatoire est fortuitement interrompu par l'arrivée de ma kiné. Elle tombe à pic tiens ! En plus, elle a l’air de n’avoir rien entendu :

- Je vois que ça bosse dur !

Elle dépose son carton tandis que Lulu continue son manège :

- Elle a raison, allez viens !

Attrapant sa manche, elle traîne derrière elle un Batou récalcitrant. L'index et le majeur en forme de V, il me fait le signe "je t'ai à l'œil".

Ayant repris du poil de la bête, je m'apprête à me relever quand je sens la main d'Anna au creux de mon dos. Je ne comprends pas. Un jour elle est sympa, l’autre glaciale. C’est le jeu du chaud / froid ? Mes pensées passablement mesquines sont stoppées net lorsqu’elle demande :

- Ça va ?

J'acquiesce et me redresse péniblement, notant qu’elle ne retire pas sa main.

- Oui oui ne t'en fais pas, j'ai juste eu les yeux plus gros que les bras !

Je lui fais un sourire supposément rassurant et m'efforce de ne pas me laisser distraire par sa proximité.

- Vas-y doucement, je ne voudrais pas te retrouver au cabinet d'ici une semaine.

Elle ferme les portes de la camionnette et on se remet en route.

- J'ai bien compris que t'étais ravie de te débarrasser de moi... Et dire que je pensais être ta patiente préférée !

- Je vais vraiment la tuer !

Au fond, je me demande si sa secrétaire n’a pas dit vrai. S’il s’agissait effectivement d’une pure invention, elle ne s’en défendrait pas aussi farouchement à chaque fois. Ça veut au moins dire qu’elle m’apprécie. La question est de savoir jusqu’à quel point.

On multiplie les allers retour et je suis bien contente d'avoir un peu de répit une fois la camionnette pleine. Il ne reste plus que les gros meubles, que Batou a illogiquement mis tout au fond...

Lucie et lui prennent la route, me laissant en charmante compagnie.

Nous remontons les escaliers et j'ai la bonne idée de suggérer :

- On pourrait descendre le canapé, t'en dis quoi ?

- On peut tenter, mais t’es sûre que ton dos va tenir le coup ?

- Oui oui t’en fais pas !

Décidée à faire étalage de ma puissance dans le but de l’impressionner, attitude qui ne permet aucun rapprochement avec les rituels amoureux des gorilles, je m’accroupis avec confiance et glisse mes mains sous le canapé.

J’ai à peine le temps de soulever qu’une atroce douleur me fait lâcher le meuble. Pour ce qui est de lui en mettre plein la vue je repasserai…

Anna pose un regard inquisiteur sur moi :

- Ça va ?

Un mensonge trois fois plus gros que moi quitte mes lèvres :

- Oui oui !

Mes talents de politicienne ne doivent pas être au point étant donné qu'elle se rue à mes côtés, un air inquiet sur le visage.

- Assieds-toi.

Son ton ne laissant pas vraiment de place à mes enfantillages usuels, je m'exécute et m'installe sur un tabouret à proximité. Non seulement mon dos me fait souffrir, mais j’ai maintenant mal aux fesses. Ce truc est inconfortable au possible.

- On va attendre un peu, voir si la douleur diminue.

J’acquiesce d’un mouvement de tête, mais dix minutes plus tard, force est de constater que la seule chose qui passe, c’est le temps ! Et dix minutes, c’est LONG quand on se retient de couiner comme un vieux chien malade !

Constatant que ça ne s’arrange pas, Anna prend les choses en main :

- Tu as mal à quel niveau ?

Tenant à faire une fois de plus preuve de ma stupidité, je tente de lui montrer d'un geste, mais suis bien vite reprise à l'ordre par mes neurones nociceptifs !

Elle saisit doucement ma main dans la sienne et la pose sur mes genoux puis me dit à l'oreille :

- Laisse-moi faire.

Ses doigts parcourent mon dos en tâtonnant délicatement. Lorsqu'elle passe sur le point douloureux, je n'arrive pas à retenir un petit grognement.

- C'est par là ?

L’observant par-dessus mon épaule, j’acquiesce d'un mouvement de tête.

Elle garde le silence.

Pourquoi elle garde le silence ?

Elle a toujours les sourcils froncés et cet air inquiet. C'est pas bon signe ça non ?

- Je crois voir de quoi il s'agit. Je peux... ?

Ses doigts tirent vers le haut les pans de mon sweatshirt. Toutes les alarmes sont au rouge. Insécurité bonjour ! Si jamais elle me voit sans mon vêtement, je peux définitivement faire une croix sur mes maigres espoirs de conquête, c'est sûr !

- Non ! Je...

Oh mon Dieu, est-ce que je me suis épilé les aisselles ? *intense réflexion*

Oui, ça devrait aller.

- Tu... ?

Ah oui, une réponse, elle attend une réponse.

Comme d'habitude, pas la moindre réplique présentant un début d'explication ne me vient en  tête. Ils ne sont pas bienheureux les pauvres d'esprit, c'est moi qui vous le dis !

Résignée, je me décide à coopérer :

- Rien.

Avec son aide, on arrive à bout du vêtement et je me sens comme... Comme quelqu'un qui a pété dans un ascenseur et qui voit la fille qui lui plaît rentrer à son tour...

Voilà.

Ça se passe de commentaire.

À la base, si toute cette histoire a commencé c'est justement à cause de mes complexes. Si elle remarque ma gêne, Anna n'en laisse rien paraître et entreprend une inspection de mon dos, basculant en mode « professionnelle ». Kiné hein, pas prostituée. Je me doute qu’elle prête attention à ma possible blessure plus qu’à mon physique, mais j’ai tout de même un peu honte de mon absence totale de musculature.

C'est vraiment bizarre d'être en soutien-gorge dans le "salon" de Baptiste du moins ce qu'il en reste. Déjà c’est chez mon meilleur ami, pas l’endroit où je me déshabille d’ordinaire, mais en plus si jamais ils reviennent ça risque d’être délicat à expliquer. Enfin non, ce serait simple, mais je n’aurais pas une once de crédibilité, nuance.

Ses doigts sont plutôt froids et je suis incapable de savoir si mes frissons viennent de là ou du fait qu'elle me touche.

Elle repère une fois de plus la zone endolorie et s'attèle à copieusement appuyer dessus.

Après 30 secondes passées à me labourer le dos, soit une éternité en termes de souffrance, elle lance :

- Bon, plan B.

Comment ça, plan B ? Nan parce que je commence à les connaître les exercices de kiné. Et ils sont synonymes de torture dans 95% des cas. Anna a beau être douce, son métier ne l’est pas  avec mes nerfs ! Elle s'empare de mes poignets et me croise les avant-bras sur le torse à la façon d'un pharaon. Si je n'avais pas si mal, j'aurais peut être tenté une blague sur sa pseudo volonté de me déshabiller puis de s'arranger pour que je me retrouve avec un décolleté d'enfer. Mais mon dos me fait souffrir au possible alors je m'abstiens.

Mes yeux s'écarquillent plus que je ne l'aurais cru possible en la sentant m'enlacer par derrière. Heureusement qu'elle n'est pas en mesure de m'observer, parce que je suis prête à parier que ma tronche vaut le détour.

Raide comme une planche à repasser, je ne sais pas comment me comporter Est-ce que tout ça n'était qu'un habile plan pour en arriver là ? Ça ou alors je rêve et c'est effectivement une méthode de kiné peu orthodoxe ?

Sa voix semi-chuchotée à mon oreille, le chatouillement et la réaction physique qu'elle provoque me poussent à croire que tout ça est bien réel :

- Détends-toi, ça va te soulager je promets.

Me soulager ? Oui ok mais COMMENT ?

Sachant que je ne peux pas le demander sans me griller, je fais de mon mieux pour me relaxer. Mes sens se concentrent sur ses bras qui m'entourent, son souffle par-dessus mon épaule, sa poitrine dans mon dos... Ok, ça n'aide pas !

Au fond, peu importe pourquoi on s'est retrouvées dans cette position, j'aime !

Elle doit sentir que j'essaie et ne me presse pas, même si vu comme je suis crispée je dois présenter la flexibilité et souplesse d’un bout de béton vibré.

Histoire de vérifier que je ne délire pas, je me pince discrètement le bras. Aoutch. Ok, je suis éveillée, pas de doute.

Je finis non sans mal par réussir à me décontracter. Quasi immédiatement, Anna me dit :

- Laisse toi porter par le mouvement. Il faut que ça soit fluide.

J'acquiesce d'un mouvement de tête. Elle se met à bouger, entre un déplacement circulaire et un huit. Je sens que cela tire sur mon point dans le dos jusqu'à ce qu'il craque de manière audible.

Soulagée d´une grosse partie de la douleur, je lui suis incroyablement reconnaissante.

Comprenant qu'elle a réussi, elle me ramène à ma position initiale et continue à me maintenir délicatement, me glissant à l'oreille :

- Résiste à l'envie de gesticuler et de bouger ou faire craquer ta colonne pendant un petit moment.

- Bien chef.

En entendant ça, elle serre légèrement ses bras puis me relâche.

Pendant une seconde j'ai cru qu'elle allait me faire un bisou sur la joue, mais je n'ai pas cette chance.

J'ai conscience du fait que je suis supposée rester immobile, mais j'ai très très TRÈS hâte de me rhabiller et c'est dur de me convaincre de tenir en place.

- T'as fait ça souvent ?

- Au début je voulais être chiropracteur, du coup j'ai beaucoup étudié certains mouvements...

On reste quelques minutes en silence, sans que j'ose me tourner pour lui faire face. Je sens son regard dans mon dos et ça me rend mal à l’aise. Je ne suis pas chiante comme fille ! Je veux qu’elle me remarque et lorsqu’elle m’observe ça ne va toujours pas.

Finalement, comme si elle avait lu dans mes pensées, elle me tend mon haut.

Pile à l’ instant où l'habit passe mon soutif, Lucie apparaît dans l'embrasure de la porte.

Ses sourcils se lèvent et la seule chose qu'elle trouve à dire est :

- On a loupé quelque chose ? On est pas partis si longtemps que ça, si ?

- N'importe quoi, elle m'a fait craquer le dos.

Évidemment, elle interprète ça très mal et me présente la paume de sa main tout en détournant la tête :

- Je veux pas savoir comment !

Mon regard est plein d'espoir lorsque je me tourne vers ma kiné :

- Anna, dis-lui toi !

Vu son air espiègle, je me doute qu'elle ne va pas m'aider et effectivement :

- Ah non, ce n'est pas le genre de choses que je partage !

Peut-être que Lucie n'a pas conscience de la plaisanterie, ou peut-être qu'elle n'est qu'une sadique... Minute, c'est une sadique ! Toujours est-il qu'elle m'enfonce en ajoutant :

- Et ben ma petite, t'as pas traîné !

Je la hais.

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Commentaires
T
De mieux en mieux!! ^^ J'adore!! :D
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