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Fictions Lesbiennes :)
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6 novembre 2019

Hors Limites - Partie 12

Mes joues me font un mal de chien à force de sourire.

Je n’arrive pas à croire que je me trouve là ! Elle m’a emmenée !

C’est voyant la quantité de personnes qui font la queue pour avoir un autographe ou prendre une photo avec Kara que je réalise que j’ai de la chance d’être là.

Bien sûr, je sais combien de gens en moyenne suivent ses diffusions, mais c’est très différent de les voir en vrai. Ça fait vraiment prendre conscience de l’ampleur de sa popularité. Ce n’est plus juste elle dans une chambre, mais nettement plus.

Une bonne partie d’entre eux m’ont même reconnue et j’ai aussi eu des demandes de photos. C’était… Bizarre. Pas forcément désagréable, mais dépaysant.

Deux mètres plus à gauche, Kara porte le costume de Nova que je lui ai fabriqué et sans vouloir me vanter j’ai assuré.

Sûrement un peu trop étant donné que c’est au moins la 50e fois qu’un visiteur se sert de ça comme moyen de lui glisser qu’elle est belle.

Je profite d’un moment de calme pour remettre un peu d’ordre sur mon bout de stand, lorsque j’entends quelque chose qui me fait écarquiller les yeux. Juste à côté, une nana est en train de parler à Kara et annonce de but en blanc :

– Y’a pas mal de gens qui se posent des questions sur la nature de tes relations avec ta coloc.

Et bah qu’ils continuent de se les poser, ça ne les regarde pas ! Il n’y a rien de sérieux entre nous et je ne vois pas tous ces bien-pensants commères en train de rendre publique la liste de leurs sex-friends. Alors pourquoi nous on le devrait ?

Je tourne légèrement la tête pour pouvoir observer discrètement Kara du coin de l’œil. Elle hausse un sourcil et se pare d’un air amusé avant de répondre :

– Naomi n’a pas encore saisi que selon les règles d’Internet, elle doit impérativement être folle amoureuse de moi ! Je veux dire, elle m’a souri quand même !

Bien que ses propos soient clairement moqueurs, le ton sur lequel elle le dit fait que son interlocutrice ne s’en formalise pas. Kara marque une pause et reprend :

– Plus sérieusement, j’ai effectivement eu vent des rumeurs, mais pour être honnête, je ne sais même pas quoi y répondre.

Pourquoi c’est la première fois que j’entends parler de ça ? Faudra que j’aille faire un tour en ligne, j’ai besoin de connaître ce que ses fans racontent sur nous.

La fille, loin de laisser tomber le sujet, insiste :

– Il suffirait de dire la vérité !

Kara la fixe l’air de dire « vraiment, tu crois ça ? » et s’explique :

– Les gens ne veulent pas savoir la vérité, y’aura toujours des rumeurs. Pi j’ai peur que mes propos ne soient déformés ou froissent certaines personnes et que ça ait des répercussions sur mon travail, que ça change l’ambiance du chat par exemple…

Elle fronce les sourcils et hésite un instant avant d’ajouter :

– Et pour être tout à fait franche, je ne suis même pas sûre de comprendre pourquoi ça intéresse les gens ! J’en parlerai avec Naomi et on clarifiera les choses ensemble si vraiment ça devient un problème, mais d’ici là ce n’est pas un sujet que je souhaite aborder.

Bien qu’elle soit restée tout à fait courtoise, le ton de sa dernière phrase laisse catégoriquement savoir que la conversation est terminée.

C’est normal de trouver ça sexy ?

La nana acquiesce dans un signe de tête et reprend d’un air enjoué :

– Ok, pas de problème. On espère juste que tu as trouvé ton bonheur ! Bonne journée et bon courage.

– Merci, bonne journée à toi également.

Ne voulant pas risquer que la concierge de service ne vienne me poser d’autres questions dérangeantes, je me retire dans l’espace de stockage du stand.

Un placard glorifié quoi.

En gros, c’est une pièce exigüe, de deux mètres de long sur un mètre cinquante de profondeur, séparée du public par un frêle rideau et qui contient un mini frigo et quelques petits cadeaux à distribuer.

Comme il n’y a même pas de chaise, je teste la solidité d’un des murs avant de m’y adosser. Ça va me faire du bien de souffler un peu. Fermant les paupières, j’essaie de me détendre.

J’entends toujours Kara qui enchaîne les photos et les compliments sur sa tenue. Franchement, j’admire sa ténacité. À sa place, j’aurais commencé à être particulièrement désagréable il y a au moins deux heures ! J’ai besoin de ces mini breaks pour rester saine d’esprit.

J’ouvre les yeux en l’entendant dire un gros mot alors que son visiteur s’excuse.

Elle marmonne un « ça va aller » et tire le rideau une seconde plus tard. S’engouffrant, elle referme derrière elle et je constate qu’elle a une main placée sur le haut de sa jambe.

Nos regards se croisent et je m’entends demander :

– Ça va ?

Elle retire sa paume, me montrant une grosse déchirure, partant de sa hanche jusqu’à l’intérieur de sa cuisse :

– Je viens de quasi flasher des centaines d’inconnus, mais à part ça…

– Laisse-moi voir.

Plaçant une main sur son torse, je l’incite à s’adosser au mur perpendiculaire au rideau et pose un genou à terre. Une fois à la hauteur, je ne peux que constater les dégâts. Le tissu est visiblement bien amoché, comme s’il avait été perforé puis arraché. Levant la tête pour venir croiser son regard, je m’enquiers :

– Comment c’est arrivé ?

– J’ai fait une photo avec un mec portant un sac en bandoulière avec des pics… En se tournant pour me remercier, lui dans un sens, moi dans l’autre… Tadaaa.

Pinçant mes lèvres, je pose mon autre genou à terre et essaie de voir s’il est possible de réparer les dégâts facilement.

Les bords de la déchirure sont irréguliers et le tissu élastique a été déformé à l’endroit où la perforation a eu lieu.

Grimaçant, je lui annonce ce que j’en pense :

– Quoi que je fasse, ça va se voir.

– Tant pis, je ne peux pas ressortir comme ça et j’ai laissé mes fringues dans la voiture.

– Retire ton pantalon, je vais essayer de faire vite.

Évidemment, je réalise la manière dont je viens de dire les choses à l’exact instant où c’est trop tard.

Kara frétille des sourcils et ne rate pas l’occasion de me faire regretter mes propos :

– Comment refuser quand c’est demandé de la sorte…

Elle baisse légèrement le tissu et place sa main à l’arrière de mon crâne, faisant mine d’accompagner ma tête en direction de son entrejambe avant que je ne me libère.

– Si tu as envie de sortir cul nul continue comme ça !

Elle lève les yeux au ciel, ôtant ses chaussures et défaisant son pantalon en souriant avant de lancer :

– Rabat joie. Je t’amène ici et j’ai même pas un merci !

Haussant un sourcil, je termine de lui retirer, m’empare du vêtement endommagé et me relève, m’assurant de passer un doigt le long de son sous-vêtement :

– Si mes souvenirs sont bons, t’en as déjà eu plusieurs…

Chassant ma main, elle me pousse gentiment en arrière avant de lancer :

– On verra si t’arrives à me rafraîchir la mémoire un peu plus tard, mais d’ici là…

Elle ponctue sa phrase d’un signe de tête en direction de mon nécessaire de couture. Portant une main à mon front dans un salut militaire moqueur, je sors ce dont j’ai besoin. Je travaille aussi rapidement que possible, sachant qu’elle a encore beaucoup de monde à voir.

Clairement, ce n’est pas la plus belle des réparations, mais c’est ce que je peux faire de mieux compte tenu des circonstances.

J’observe Kara enfiler son pantalon comme une brute, sautillant sur une jambe.

Une fois décente, j’ouvre le rideau et lance :

– Allez, va rencontrer tes fans

Kara me sourit, glisse une main dans le bas de mon dos et réplique :

– Pas toute seule, je vais avoir besoin de quelqu’un pour cacher l’état de mon pantalon sur les photos.

Je lui adresse un regard faussement assassin, le sourire sur mes lèvres en ruinant tout l’effet.

 

==========================

 

Affalée sur le canapé devant une série, Nathan ne me laisse même pas le temps de mettre pause qu’il va droit au but :

– Alors c’est officiel maintenant ?

Fronçant les sourcils, je lui adresse un regard en coin :

– De quoi tu parles ?

– Tu sais quoi.

Euh… Je devrais ?  Parce que là c’est le blanc total dans mon esprit.

– Non, vraiment pas.

– Kara. Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

Pardon ? Il perd la boule ou quoi ? Je lui ai confirmé qu’il y a bien eu rapprochement en précisant qu’il ne s’agit pas d’une relation sérieuse !

– On en a déjà parlé ! On n’est pas en couple.

Il m’adresse le même regard qu’un flic qui viendrait de prendre un suspect en flagrant délit et s’entendrait dire « j’ai rien fait ».

Me sentant obligée d’insister, je réitère mon affirmation :

– Non, vraiment, on n’est pas ensemble.

Sans rien ajouter, il penche la tête pour consulter son téléphone et je suis soulagée. Expliquer à Nathan qu’il ne s’agit que de sexe entre nous n’est pas l’idée que je me fais d’une après-midi de rêve. Heureusement, il a rapidement lâché l’affaire !

Malheureusement pour moi, je me retrouve face à l’air narquois de mon coloc alors qu’il me tend son smartphone, déclarant :

– Il faudrait peut-être vous montrer plus discrètes dans ce cas…

Fronçant les sourcils, je consulte l’écran et n’arrive pas le moins du monde à dissimuler ma surprise.

– C’est quoi ces histoires ?

Du bout du pouce, je fais défiler la page et suis de plus en plus mortifiée.

Sous mes yeux, des photos de la scène qui s’est déroulée dans la remise du stand. Depuis l’autre côté du rideau, on ne voit que mes genoux à terre devant Kara, mes poignets au moment où j’abaisse son pantalon, puis ses chevilles nues juste avant que je ne me lève pour aller le repriser.

Sous cet angle, ça a l’air… compromettant. Ajoutez la sortie avec son bras autour de ma taille, saupoudrez le tout de sourires particulièrement niais sur nos deux visages et vous obtiendrez un beau quiproquo.

Totalement abasourdie, je me tourne vers Nathan et prie pour qu’il me croie :

– Un fan venait de trouer le pantalon de son costume, je ne faisais que constater les dégâts. D’ailleurs, mate !

Je zoome sur la photo où nous sourions, essayant d’ignorer la manière dont on se regarde l’une l’autre et pointe du doigt la zone fraîchement réparée.

Il se penche et observe la preuve de ma bonne foi, me laissant espérer être tirée d’affaire :

– Bon ok, je me disais aussi que je voyais mal Kara en tant qu’exhibitionniste.

Deux choses me font tiquer :

1 merci pour moi et 2 s’il savait…

Ne pouvant ni ne voulant lui dévoiler cette facette de notre relation, je me contente de lui adresser un regard blasé.

 

=======================

 

Je me pose sur un banc face à une fontaine, quasi hypnotisée par le mouvement des jets d’eau. Malheureusement, ce n’est pas assez pour calmer mes angoisses.

Comment je suis supposée retourner à l’appart ? Aaron suit sa sœur sur les réseaux sociaux, il aura vu les publications. Et même si ce n’était pas vrai cette fois-ci, je n’ai pas envie de lui mentir en pleine face en niant avoir couché avec Kara.

J’aurais jamais dû céder. J’aurais dû être forte et garder mes distances.

Pas me jeter à corps perdu dans le… tourbillon de son sillage. Ça a été trop loin.

Le banc vibre sous le poids de quelqu’un qui s’installe à côté de moi.

– J’espérais te trouver ici.

Fermant les yeux, j’essaie de maîtriser les émotions contradictoires qui m’envahissent. Secouant la tête à la négative, un seul mot m’échappe :

– Kara…

Elle place sa paume sur mon genou et c’est comme si je venais d’être branchée sur le secteur.

Je fais mine de croiser mes jambes pour faire cesser le contact.

Elle retire sa main, entremêlant ses doigts sur ses cuisses. Du coin de l’œil, je la vois se mordre la lèvre :

– Il faut qu’on en parle…

J’apprécie l’effort, le fait d’avoir rajouté « en ». Mais ce n’est pas cette histoire de photos volées et interprétées qui m’inquiète le plus. Pour le coup, la vérité fera l’affaire. J’ai du mal à gérer le changement et j’ai l’impression de n’avoir fait que foncer vers l’inconnu depuis que je l’ai rencontrée.

Je me tourne vers elle, plaçant mon coude de l’autre côté du dossier :

– Qu’est-ce que tu veux dire de plus ?

– Je ne peux pas ignorer ces messages, il faut que j’y réponde.

– Je sais.

J’ai conscience d’être inutilement difficile, que je n’ai pas besoin de faire des réponses monosyllabiques. C’est pas de sa faute si j’ai été faible. Je m’en veux d’avoir craqué, de m’être laissée embarquer.

D’une voix incertaine, Kara demande :

– Est-ce que tu veux en profiter pour… dire ce qui se passe entre nous ? Clarifier la situation ?

Un petit rire dénué d’humour m’échappe et je rétorque sans détour :

– Le fait qu’on s’amuse ensemble ne regarde pas tes fans. Oui, c’est sympa, mais c’est que du fun, je me vois mal annoncer ça. Et sans parler de la syncope que ferait Aaron.

Ça me fait de la peine de le reconnaître à voix haute, mais si c’est ce qu’il faut faire pour retrouver un peu de lucidité et parvenir à garder mes distances, alors c’est ce que je ferai.

Kara devient blanche comme un linge, son sourire s’effaçant instantanément. On dirait bien qu’elle n’avait pas percuté que son frère n’était toujours pas au courant. Soudainement mal à l’aise, elle m’adresse un sourire-grimace, déglutissant avant de lancer d’une petite voix :

– Oh… Ok.

Je l’observe en silence, ne comprenant pas pourquoi ses yeux deviennent embués. Il y a quelques jours encore, elle me proposait de tout raconter à Aaron. À vrai dire, j’aurais limite cru que le fait d’avoir à lui annoncer allait la soulager.

Lèvres pincées, elle m’adresse un drôle de regard et s’exclame :

– Bon. Je vais y aller.

La retenant par son poignet, je demande :

– Tu vas dire quoi ?

– La vérité, que mon pantalon était troué. Inutile de t’impliquer plus que ça dans cette histoire.

De toute manière, ça aurait été difficile de m’impliquer davantage…

Elle libère son bras et s’éloigne de quelques pas avant d’effectuer une brusque volte-face :

– Je crois qu’on ferait mieux de garder nos distances pendant un moment.

Ce n’était qu’une question de temps, prévisible, vraiment, mais j’ai l’impression qu’elle vient de me poignarder en plein cœur. Son regard cherche le mien et je baisse la tête pour m’y dérober, acquiesçant. Je suis stupide.

– Bien sûr.

Mon ton n’était pas aussi détaché que je l’aurais souhaité, tant est si bien que je ressens le besoin de rajouter :

– Comme tu le sens, pas de problème.

Elle m’observe en silence quelques instants, avant d’enfoncer ses mains dans les poches de sa veste et lancer :

– Ok.

– Ok.

Kara se retourne et quitte le parc d’un pas rapide.

Je reporte mon attention sur la fontaine, lâchant un souffle que je n’avais pas conscience d’avoir retenu.

– Fait chier.

J’ai toujours su que ça allait se terminer comme ça et pourtant j’ai été incapable de m’arrêter. J’espère juste que la fin de notre arrangement ne marque pas celle de notre amitié.

 

============================

 

Je présente les tickets à l’ouvreur, qui nous laisse passer. Nathan demande :

– Je vais aller acheter du popcorn, vous voulez quelque chose d’autre ?

– Des bonbons ?

Aaron répond quant à lui à la négative, tandis que Kara annonce :

– Je t’accompagne.

Super…

Je les regarde s’éloigner et reporte mon attention sur Aaron, gênée de me retrouver dans cette situation.

Il doit sentir mon inconfort, puisqu’il pose une main sur mon bras et me rassure :

– Stresse pas. Kara m’a expliqué.

Je lui adresse un minuscule sourire, n’étant pas capable de plus. Je ne sais pas exactement ce qu’elle a été lui raconter, mais je doute que ça soit l’entière vérité, dans son intégralité. Il est hors de question que je prenne le risque d’avancer en terrain miné, chaussée de mes gros sabots. D’un côté, ça me rassure de ne pas avoir à lui mentir, de l’autre… finalement ça aurait presque été un soulagement de me libérer de ce poids sur ma conscience.

Il marche en direction de la salle qui projette le film sur lequel on s’est mis d’accord, non sans mal. Les mecs voulaient aller voir un film de guerre qui dure 3h30, mais ni Kara ni moi n’étions motivées. Autant dire que la négociation a été âpre. Je suis sortie de mes pensées par Aaron qui lance :

– C’est pas cool de la part de ses fans de spéculer comme ça.

– Non. Surtout que je suis quasi sûre que la nana qui a posté les premières photos est la même à qui Kara avait dit qu’elle ne souhaitait pas aborder ce sujet.

– Ouais. Certaines personnes ne respectent aucune limite.

Tournant la tête, je fais mine d’être captivée par les mini-écrans diffusant les bandes-annonces. Une chose est claire : mon visage est criant de culpabilité. J’en connais une autre qui n’a rien respecté.

La salle est déjà ouverte et Aaron s’y engouffre, espérant certainement réserver de bonnes places. On s’assied en milieu de rangée et n’avons même pas terminé de retirer nos manteaux que nos colocs reviennent les bras chargés.

Nathan m’indique :

– Je voulais te prendre des ours en guimauve, mais Kara m’a dit que t’as un faible pour ceux-là !

Il s’avance dans la rangée, allant s’installer de l’autre côté d’Aaron et me déposant un mini paquet de bonbons piquants sur les genoux au passage.

– Merci.

Elle s’est souvenue de mes préférences. Ce n’est pas grand-chose, mais ça me fait plaisir.

Kara s’approche et je tends les bras pour m’emparer de mon manteau, afin de libérer la place à côté de moi. Elle m’arrête d’un signe de la main :

– Je vais aller à côté de Nathan, j’aime mieux être bien au centre.

– Oh. Ok.

Je décale mes jambes pour la laisser passer, ignorant mon pincement au cœur.

C’est juste un siège, n’en fais pas un drame. Et si jamais elle avait un fan ou deux dans le cinéma, c’est sûrement mieux si on ne nous aperçoit pas côte à côte, ils seraient capables de s’imaginer que c’est un rencard…

Les bandes-annonces commencent et j’ouvre les bonbons tant qu’il est encore ok de faire du bruit.

Sachant qu’elle aime ça elle aussi, je me penche en avant et tends le paquet dans la direction de mes colocs, demandant :

– Quelqu’un en veut ?

Je cherche à croiser le regard de Kara, mais elle refuse poliment sans même tourner la tête dans ma direction.

Me réinstallant contre le dossier, je laisse échapper un soupir.

Nos interactions me manquent. C’est horrible parce qu’elle ne m’évite pas, n’est pas méchante, juste… distante. Je m’étais habituée à avoir toute son attention, être l’objet de ses affections et soudainement, plus rien. La transition est hyper violente. Même si je sais que ce n’est pas possible, j’ai envie que ça redevienne comme avant, rien qu’un instant.

 

============================

 

Ça fait une semaine. C’est pas long une semaine. 7 jours.

D’un unique post Instagram, Kara a tout clarifié le jour même de notre « explication ». Depuis, on a fait plein d’activités ensemble, mais jamais seules. Et jamais vraiment ensemble. Pas comme avant.

Je ne sais pas exactement comment c’est possible, mais elle me manque alors même qu’elle est là.

Si les garçons ont remarqué que l’on n’est plus aussi proches que ces derniers temps, ils n’en ont pas fait mention. Je devrais probablement en parler avec Nathan, qui s’est toujours montré de bon conseil, mais j’ai peur du « je te l’avais bien dit » qu’il serait en droit de m’administrer.

Posée sur mon lit, j’essaie de comprendre. Rentrer à l’appart ne me donne plus la sensation d’être à la maison, plus comme avant. Je dors mal, je suis stressée et irritable.

Globalement misérable.

Quant à Kara… Je ne sais pas trop si ça lui fait pareil. D’un côté, j’ai l’impression de sentir son regard sur moi quand j’ai le dos tourné, de l’autre, il n’y a plus ces échanges silencieux entre nous. Je jurerais qu’elle avait un petit sourire qui m’était réservé et que je n’ai pas vu depuis.

Même ses atroces répliques de drague ont cessé. Si on m’avait dit qu’un jour j’allais les regretter…

Pathétique comme je suis, j’ai créé un nouveau compte Twitch pour pouvoir continuer à la regarder sans qu’elle le sache. Écouteurs dans les oreilles, j’observe l’écran avec attention. Elle répond aux questions des internautes en attendant de trouver une partie :

– Taz, merci pour les cinq euros !

Se penchant, elle répète à voix haute le texte de la donation :

– Y’a une fille que j’aime bien. Comment je peux savoir si ce que je ressens est juste de l’amitié ou plus ?

Elle se redresse et adresse un sourire à la caméra, rétorquant d’un ton autodérisoire :

– Étant moi-même célibataire, je ne suis pas sûre d’être la mieux placée pour te parler d’amour, mais je vais tenter de répondre.

Levant les yeux d’un air pensif, elle tapote sa bouche de son index et lance :

– Pour moi, il y a plusieurs formes d’attirance. Celle que je recherche, le Graal si tu veux, c’est celle qui crée une sensation mixée de familiarité et d’inconnu.

Fronçant les sourcils, je focalise toute mon attention sur l’écran :

– Cette fille, est-ce que t’as hâte de la retrouver ? Est-ce que sa simple présence fait qu’une activité banale devient géniale ? Est-ce que tu retiens chaque minuscule détail qu’elle partage avec toi ? Est-ce que t’as toujours envie d’en savoir plus sur elle ? Est-ce que la voir heureuse fait que toi aussi tu l’es ?

Elle secoue la tête, un petit sourire limite triste aux lèvres, puis reprend :

– Si oui, alors je dirais que c’est plus que de l’amitié et que ça vaut le coup de tenter quelque chose.

Mon cœur bat la chamade.

Je repense à tous ces moments qu’on a partagés, j’entrevois à quel point ce qu’elle vient de dire s’applique à mon cas.

Et je comprends.

Je suis une idiote.

Une abrutie finie.

Limite irrécupérable.

Le boulet de l’amour.

L’handicapée du sentiment.

Les trois quarts du chat se moquent gentiment de son côté « docteur love », tandis que le quart restant demande si elle parle d’expérience.

– Vous voudriez bien savoir, pas vrai ?

Elle fait frétiller ses sourcils et ouvre la bouche pour répondre.

Arrachant mes écouteurs, je claque l’écran de mon pc portable, ne POUVANT pas savoir.

Dans un cas comme dans l’autre, je suis foutue.

Merde !

Je ne comprends pas...

J’ai été hyper prudente !

Tout du long, j’étais prévenue que ce n’était pas sérieux et que ça pouvait prendre fin à tout instant.

Quand est-ce que j’ai franchi la limite entre sexe et sentiments ? Est-ce que j’en avais déjà avant même que l’on couche ensemble ?

Je repense à tout ce qu’on s’est raconté et tout ce qu’on a tu. Tout ce qu’on s’est dit sans qu’aucun mot ne soit échangé.

À la Kara tous publics et ma Kara à moi.

Non, je ne veux même pas savoir en fait.

Me frottant les yeux, je m’allonge sur le dos, regardant le plafond.

Et maintenant ?

Je fais quoi ?

Si oui, alors je dirais que c’est plus que de l’amitié et que ça vaut le coup de tenter quelque chose.

Et si je suis la seule à avoir profité de l’espace Schengen et qu’elle est restée de son côté de la frontière, ça donne quoi ?

Maintenant que je sais, je n’ai aucune idée de comment j’ai pu ignorer que je développais des sentiments pour elle. Enfin, sans admettre que j’ai été finie à l’urine j’entends ! 

Jetant un coup d’œil à ma montre, j’ai soudain l’impression d’être pressée par le temps.

Si jamais elle a eu envie de plus entre nous, même rien qu’une seconde, je ne veux pas prendre le risque d’attendre et que ça lui passe.

Qu’elle rencontre quelqu’un.

Si mes sentiments sont à sens unique, je pourrais apprendre à vivre avec, mais pas avec des « et si ». Il faut que je sache, quitte à me faire briser le cœur au passage.

Me levant d’un bond, je trottine jusqu’à l’autre côté de l'appart, frappant à la porte.

– Ouais ?

J’entre, referme derrière moi et tourne en rond.

Depuis son lit Aaron m’observe dans une moue circonspecte :

– Naomi ? Tout va comme tu veux ?

Maintenant ou jamais.

– Nan.

Il se décale pour venir s’asseoir sur le bord du matelas, demandant d’un ton inquiet :

– Qu’est-ce qu’il se passe ? T’as l’air… bouleversée.

– Aaron, je…

Allez, lance-toi. Comme un pansement, d’un seul coup :

– Je suis amoureuse de Kara.

Je ferme les yeux, m’attendant à me faire incendier, mais certainement pas à sentir sa main attraper l’une des miennes :

– Hey, tout va bien. Assieds-toi.

Il répond au regard craintif que je lui lance par un sourire encourageant, tapotant l’espace à côté de lui.

– Je suis désolée, j’ai pas voulu ça. Je viens de comprendre.

Ma respiration est rapide et saccadée et Aaron me surprend en passant une main le long de mon dos, cherchant visiblement à me réconforter :

– Calme-toi, ça vaut pas le coup de te mettre dans des états pareils.

– … T’es pas fâché ?

Sous l’effet de l’étonnement, il se recule légèrement, fronçant les sourcils :

– De quoi ? Que tu aies vu à quel point ma sœur est géniale ?

– Oui, mais… Tu m’as clairement fait comprendre qu’elle est hors limites.

Il s’empare d’une de mes mains, qu’il vient placer entre les siennes :

– Regarde-moi Naomi.

Gardant la tête baissée, je lève timidement les yeux dans sa direction, ayant toujours un peu de mal à croire qu’il n’est pas sur le point de me décapiter :

– Après ta dernière séparation, t’étais… instable. Je t’ai dit ça parce que je ne voulais pas que Kara soit juste une marque de plus à ton tableau de chasse.

Immédiatement, je me redresse, avec la ferme intention de lui expliquer qu’il n’est pas question de ça du tout, mais il me réduit au silence en reprenant la parole :

– Je suis pas aveugle, tu sais. C’est évident qu’il se trame quelque chose entre vous. J’ai vu la manière dont tu la regardes et les sourires qu’elle t’adresse quand elle pense que personne ne fait attention.

Coupable, je baisse à nouveau la tête, honteuse. Il était au courant. D’une certaine manière, c’est encore pire. Il m’a fait confiance avec sa sœur, mais de mon côté j’en ai manqué pour tout lui avouer. 

– Je suis désolée.

– Arrête de t’excuser.

Haussant les épaules, je lance :

– C’est tout ce qu’il me reste à faire.

– Tu lui as dit ? Que tu as des sentiments ?

Secouant la tête à la négative, je me livre :

– Non. Je voulais t’en parler avant… J’ai peur d’avoir déjà tout gâché.

Il passe un bras autour de mes épaules et m’attire à lui, déposant un bisou sur mes cheveux :

– Tu sais, Kara est… plus sensible qu’il n’y paraît. Fais-lui comprendre, peut-être qu’elle te surprendra.

– Je vais lui dire, mais ça va pas être facile. J’ai l’impression qu’elle fait tout pour éviter de se retrouver seule avec moi depuis cette histoire de photos…

Il m’adresse un large sourire :

– Ça, je peux y remédier. Ça demande juste de l’organisation. Ton jour sera le mien !

Comment j’ai pu appréhender sa réaction à ce point ? Même dans le meilleur des scénarios auxquels j’ai pu penser, jamais je n’aurais imaginé qu’il me proposerait son aide. Autant battre le fer pendant qu’il est encore chaud :

– Elle ne streame pas demain soir…

– T’as un endroit particulier en tête ?

Merde. Non. Je ne sais même pas ce que je vais bien pouvoir lui dire pour bien présenter les choses ! Grimaçant, j’avoue :

– Nan.

– Ok, pas besoin d’aller loin. La connaissant, elle sera plus à l’aise dans un lieu familier.

– Le parc ?

Il remue la tête à la négative :

– Nan, après ce qu’il s’est passé, c’est pas une bonne idée de la mettre sous les feux de projecteurs en public.

Il n’a pas tort. Et c’est inquiétant que le coureur de jupons soit plus doué que moi pour ça…

– Ici ?

– Ouais, mais dans le salon alors, il faut un endroit « neutre ».

Et comme ça, si elle décide de me briser le cœur, je n’aurais pas à aller trop loin pour m’effondrer.

– Ça me va.

– Ça me va aussi.

– Merci.

Je dépose un bisou sur sa joue avant de me relever. Me souriant, il répond du tac au tac.

– Pas de quoi. Je m’arrangerai pour qu’elle soit à 19h devant la télé dans le salon. J’emmènerai Nathan avec moi, histoire que vous soyez tranquilles pour parler.

Acquiesçant, je me penche pour l’enlacer, ne revenant toujours pas de la chance que j’ai.

– Encore merci. Tu sais ce que vous allez faire ?

– Nan, mais je vais bien trouver.

Une idée me vient à l’esprit :

– Sinon, vous avez qu’à dîner et aller voir le fameux film de guerre dont on vous a privés l’autre jour, c’est moi qui offre.

– Si tu proposes… Je vais pas dire non !

– Deal.

Amusé, il serre la main que je lui tends.

– Deal.

Je m’apprête à quitter sa chambre, déjà en train de réfléchir à comment je vais bien pouvoir m’y prendre, lorsqu’il s’exclame :

– Et Naomi ?

– Oui ?

– Ne te rate pas !

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Commentaires
E
Rahhhhh mais... ! <br /> <br /> D'un côté j'ai envie de secouer Naomi par moment mais d'un autre côté j'apprécie à quel point tu nous fais languir ahaha sadique !
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S
Bonjour, JustMe, <br /> <br /> <br /> <br /> je viens de terminer la lecture de cette fiction. J'ai découvert tes textes sur un vieux site qui n'existe plus en fait, lesbiennes-stories, alors que j'étais une adolescente de 15-16 ans (déjà plus de 11 ans) en manque visible de modèle de couple lesbien. Il y avait «En transition» et «Chef, oui chef» sur le site avec un autre dont je ne me souviens plus du titre. Je suis tombée par hasard sur ce site en cherchant maintenant de nouveaux textes lesbiens, juste après avoir écrit au forum du site pour que les administratrices publient «En transition». <br /> <br /> <br /> <br /> Fin bon, trêve d'introduction interminable, j'ai été agréablement surprise de trouver ce blog. Je ne pensais que tu avais ajouté des éléments récemment et assumais qu'il y avait que les textes datant de 2011-2012. Tout d'abord, félicitation d'avoir tenu à jour ce blog depuis toutes années. <br /> <br /> <br /> <br /> Ensuite, je constate une nette amélioration au niveau de l'écriture dont le style humoristique est resté. Lorsque je t'avais découvert, c'était un style d'écriture à l'état brute que je lisais, mais les rires et les sourires que tu m'avais arrachés pendant mes lectures garantissaient ma fidélité quant aux mises à jours mensuelles du vieux site. Tes personnages ont mûri, probablement l'expérience de la vie qui influence le développement des personnages que nous créons (oui, je suis également une écrivaine amateur), et j'apprécie cela, même si l'estime de soi influe régulièrement le déroulement des histoires que tu crées (Liz, Naomi et le personnage d'«En transition» dont je ne me souviens plus du prénom [pas Jo], satané de blanc de mémoire). <br /> <br /> <br /> <br /> J'ai énormément apprécié la lecture de cette fiction, bien que le développement m'apparut parfois rocambolesque au niveau émotionnel pour les deux personnages. Tu as réussi à ce que je m'exclame «Ben, voyons, tu catches pas!» plusieurs fois dans les réflexion de Naomi, bref je me suis plongée dans l'histoire et l'ambiance. En toute sincérité, les scènes de sexe m'ont rendu mal à l'aise tant c'était plus l'expérience émotionnel et de partage que tu mettais de l'avant que les gestes; ce qui est excellent en fait. Ou peut-être est-ce mon côté sentimental qui a volontairement occulté l'aspect uniquement sexuel de ces scènes. En tout cas, tu as le mérite d'avoir éveillé mon côté sentimental dans les scènes que je saute habituellement. Bien réussi, JustMe ;) <br /> <br /> <br /> <br /> J'espère que tu t'amuses toujours autant à écrire et développer des histoires d'amour. Bonne continuation. <br /> <br /> <br /> <br /> Prends soin de toi, <br /> <br /> <br /> <br /> Shen-B.
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V
Enfin Naomi se réveille et ose prendre les choses en main!!! <br /> <br /> Petite question que je me pose à chaque chapitre mais que je n'ai pas encore demandée : Mais d'où te viennent toutes ces phrases de drague à deux balles ?<br /> <br /> Parce que là t'as de quoi faire un recueil !<br /> <br /> (Certaines m'ont fait pleurer de rires...)<br /> <br /> J'espère que c'est pas ta technique de drague 😂🤣😂🤣
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O
Grr, Naomi qui fait l'autruche du fait que Kara a des sentiments pour elle, on te voit !! C'est bien évident que Kara devient blanche et a les yeux embués parceque pour elle c'est pas juste du fun. Dis donc. Ouvre les yeux. Non mais. 😤<br /> <br /> Vite vite, la suite. 😜
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V
Confuse, déroutée, perdue, voici l'état dans lequel je me trouve :<br /> <br /> - car je suis trop pressée de lire le prochain chapitre pour savoir comment Naomi va se débrouiller et comment Kara va réagir (même si j'ai ma petite idée) et en même temps je n'ai pas du tout envie de lire ce prochain chapitre car ce sera le dernier.<br /> <br /> - et parce que je ne me souviens plus de ce que je faisais le mercredi et le dimanche avant que tu poste ton 1er chapitre de cette histoire...<br /> <br /> Merci pour ce magnifique chapitre avec tous ses sentiments forts et intenses<br /> <br /> La notion d'amitié est prédominante et exceptionnelle... j'adoooore<br /> <br /> Merci, merci, merci mille fois<br /> <br /> Bonne relecture du chapitre<br /> <br /> Félicitations pour ton travail et ce partage généreux et pour toutes les heures consacrées à cette écriture. J'ai conscience du travail effectué et que cela peut parfois, peut être, te peser ; mais tu as un devoir : faire vivre ce don car l'écriture et la transcription de tranches de vie, de sentiments (amoureux, amicaux, fraternels...) n'est pas donné à tout le monde. On peut tous avoir une histoire (ou une ébauche voire juste une séquence de qqchose qui pourrait exister) en tête mais pouvoir le coucher sur le papier n'est pas chose aisée... donc BRAVO et MERCI et surtout continues stp tant que tu y prends plaisir aussi car nous prenons énormément de plaisir avec tes belles histoires. <br /> <br /> Que dire de plus, euh et bien je me répète encore et toujours : TACK
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