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Fictions Lesbiennes :)
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7 octobre 2012

Chapitre 2

 

Je retire ma veste d’été et l’accroche à la patère dans l’entrée. J’effectue un demi-tour rapide, manquant totalement de grâce et sursaute en voyant Julien planté devant moi, un grand sourire aux lèvres.

-          Coucou chérie, comment ça va ?

Avant que je puisse répondre, il me plante un baiser sur les lèvres et se recule, passant une main dans ses courts cheveux bruns, comme nerveux.

Je dois dire que cet accueil est plutôt surprenant. D’habitude, au mieux il me fait un signe depuis le salon. J’imagine que je ne vais pas tarder à connaître la raison de sa bonne humeur.

-          Ça va et toi ?

-          Nickel, regarde ça !

Il farfouille dans la poche arrière de son jeans et en sort une enveloppe ouverte, de laquelle il extirpe deux bouts de papier et une lettre.

J’attrape sa main dans la mienne pour qu’il cesse d’agiter devant mon nez ce qui ressemble à des tickets. J’ai beau avoir une bonne vue, à moins de deux centimètres de mon visage et en mouvement, j’ai du mal à lire ce qui est écrit.

Je prends l’une des invitations et l’observe attentivement. C’est visiblement un coupon pour une entrée gratuite à une exposition automobile.

Le voyant sautiller de joie, je ne peux m’empêcher de sourire. On dirait un gosse. Il finit par me demander :

-          C’est cool hein ?

Il court dans le salon et revient, me montrant un magazine qui tombe en miettes.  Au moins, il l’aura lu avec attention celui-là.

Du bout du doigt, il me pointe l’article qui stipule qu’un concours sur internet peut permettre de gagner des entrées gratuites.

-          Mate ! J’ai gagné !

-          C’est bien, je suis contente pour toi.

Ça me fait plaisir pour lui mais je m’en fous un peu. J’avoue que les voitures, j’aime pour le côté pratique. Le reste je n’y porte qu’un intérêt modéré. Si vous l’aviez entendu me parler de mécanique à longueur de journée, vous aussi seriez peut être blasés.

Je le contourne et me rends dans la cuisine, étant donné que le diner ne va pas se faire tout seul. Les rares fois où il a tenté de s’y mettre, j’ai par la suite souhaité qu’il n’ait pas fait l’effort. Vous voyez quand les enfants font semblant de faire la cuisine et mettent n’importe quoi dans une casserole ? Et bien lui fait pareil, sauf qu’il s’attend à ce qu’on le mange après.

 

Alors que je fouille les placards à la recherche d’une idée de repas, Julien me suit à la trace. Au bout de quelques minutes durant lesquelles ses yeux bruns me fixent, il demande d’un air incertain :

-          Tu voudras venir avec moi ?

Vouloir ? Certainement pas. Cette perspective me tente autant que l’idée de lécher les aisselles d’un footballeur velu au terme d’un match. Pour éviter de le vexer, je dis d’un ton peu enjoué :

-          Si tu y tiens. Mais ça m’étonne que tu n’ailles pas avec Samuel.

Samuel, c’est son ami un peu beauf mais pas méchant. Lui aussi s’extasie devant les voitures. A eux deux, ils critiquent ma petite Twingo. N’empêche qu’après douze ans de bons et loyaux services, elle tourne comme un charme.  

-          Je voulais te demander avant.

-          C’est gentil. Mais vas-y avec lui, tu sais très bien que je n’y connais rien dans ce domaine. Ce serait du gâchis.

Je fais un sourire qui, je l’espère l’encourage à oublier l’idée de m’y emmener.

-          Tu viens de faire un futur heureux ! Et ta journée à la fac ça a été ? Tu rentres tard d’ailleurs.

Je lève la tête pour l’observer, étonnée qu’il ait remarqué.

-          Ouais, j’ai été faire du jet ski avec Erin.

-          Ta nouvelle collègue ? J’ai entendu dire qu’elle est canon !

-          Nico t’en a parlé ?

-          En long, en large et en travers. Il a l’air emballé par cette nana !

Je ris en l’entendant dire ça et ne peux m’empêcher de répliquer :

-          Quand ne l’est-il pas ? Enfin bref, je suis contente pour le jet-ski, ça faisait longtemps que j’avais envie de tester.

-          Tant mieux. Et moi je suis heureux d’avoir gagné le concours, c’est une bonne journée pour nous deux.

Intérieurement, je pousse un énorme soupir. Pour une fois, j’avais espéré qu’il allait s’intéresser à ce que j’aime, à ce que j’ai fait. C’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de parler de ce sport. Mais non, pour mon plus grand désarroi, il embraye sur l’un de ses sujets de prédilection. :

-          D’ailleurs j’ai vu qu’il va y avoir des bagnoles de dingue ! Le genre que j’ai vues uniquement en jouant à Forza 4 !

Je l’écoute d’une oreille distraite, trop déçue pour faire convenablement semblant de boire ses paroles. Parfois, juste parfois, j’aimerais que ça redevienne comme à nos débuts et qu’il me prête attention. Depuis qu’on a emménagé ensemble je me sens comme un meuble. Un truc IKEA mal monté dont on ne remarquera les problèmes que le jour où il s’écroulera !

                                  

*    *          *          *

 

Je sonne à la porte avec 15 minutes de retard, comme demandé par Nico.

Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour être une bonne meilleure amie, je vous jure… Je n’ai que quelques secondes à patienter sur le palier avant qu’il ne m’ouvre la porte, tout sourire !

-          Salut toi ! Tu arrives juste à temps !

Il s’écarte pour me laisser entrer et referme derrière moi.  Comme d’habitude, je lui fais un bisou sur la joue, pose mon sac dans l’entrée et le suis dans le salon !

-          Lu !

-          Salut !

Je fais la bise à Erin et Mika, mon cousin, avant de m’asseoir en tailleur à côté d’eux.

Visiblement, l’instruction « arriver en retard pour que Nico puisse être seul avec Erin » n’a pas été claire pour tout le monde.

Étant donné qu’ils sont sur le tapis, je leur demande :

-          Vous réalisez qu’il y a un canapé et des fauteuils ?

Ma collègue me fait un sourire radieux en annonçant :

-          On t’attendait pour faire un jeu !

Mon sourcil se hausse malgré moi. Vu que mon cousin est présent et que c’est un pervers, je crains le pire, du genre un strip poker ou quelque chose dans ce goût-là.

Je finis par remarquer la boite du Pictionary et mon soulagement est immédiat.

-          On fait quoi comme équipes ?

Je pose la question en souriant, sachant très bien avec qui veut être Nico. Mais Erin est la plus rapide et elle s’exclame avant même que mon meilleur ami ait pu songer à ouvrir la bouche :

-          Je me mets avec Fanny !

Un petit sourire désolé plus tard, je m’approche d’Erin tandis que Mika et Nico s’installent  de l’autre côté de la table basse.

Au fond, il devrait être content, de là où il est, il peut mieux la reluquer. Je tourne la tête en direction de ma collègue et suis présentée avec une vue plongeante sur son décolleté. Bon, peut-être que c’est moi la mieux placée après tout.

On commence à jouer dans la joie et la bonne humeur. Vu qu’ils ne sont pas galants, c’est Mika qui tire la première carte.

Il s’empare d’un stylo et de papier tandis que je retourne le sablier. Nico essaie vaillamment de deviner le mot, mais je ne sais pas si c’est parce que je suis à l’envers, mais ça a l’air de ne ressembler à rien de connu. J’encourage Erin à s’accouder davantage en direction de Nico un peu pour lui permettre de mieux voir, partiellement pour que mon meilleur ami « profite » de sa proximité, mais surtout afin que ça le déconcentre. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que bien que discutable sur un plan moral, mon plan est PARFAIT ! Il a les yeux 50% sur la feuille, 50% sur ma collègue, ou tout du moins son décolleté. Et le pourcentage d’attention au dessin va en décroissant.

C’est très fière de moi que je clame :

-          Finiiii !

Mika jette son stylo et annonce comme si c’était une évidence :

-          C’était calvitie !!!!

Je saisis le bout de papier et le tourne dans un sens, puis dans l’autre. Il aura beau dire ce qu’il veut, ça ressemble plus aux fesses d’un babouin qu’à un crâne atteint de calvitie. À la limite, ça aurait pu être un œuf transgénique, mais c’est à peu près tout !

Après s’être joyeusement moquées de lui, la main est à l’équipe bientôt victorieuse. Je parle de la mienne, pour ceux qui ne suivraient pas.

Erin commence, tire une carte au hasard et lit. Tout le monde a les yeux rivés sur elle alors qu’elle fronce les sourcils et fait une drôle de moue avec sa bouche, réfléchissant.

-          Ok, c’est bon !

Nico retourne le sablier. Ma collègue se penche sur la table et se met à crayonner furieusement dans le but de me faire deviner une expression. Elle dessine ce qui a l’air d’être une mer. « La mer et les poissons ! » Un visage… Et une flèche qui va de la mer en direction de la bouche.

 « Avoir le mal de mer ?» « Avoir une haleine de moule pas fraîche ? » Oui, bon, j’ai inventé cette expression, mais peut-être qu’elle existe !

Le ricanement de Mika est royalement ignoré par yours truly tandis que je me concentre pour tenter de trouver.

Erin secoue la tête et commence rapidement un autre dessin. On dirait… On dirait une paire de seins, des bonbons… Et maintenant un mec qui a les yeux rivés sur ces deux trucs. Qu’est-ce que ça peut bien être ?

-          Tic tac tic tac les filles !

Nico jubile déjà. Je m’efforce de l’ignorer, profitant des dernières secondes qu’il nous reste.

Elle fait une bouche ouverte avec plein de bave...

JE SAIS !

-          Avoir l’eau à la bouche ! 

Erin lève ses deux index vers le ciel et se tourne, me prenant complètement par surprise en m’attirant dans ses bras ouverts.

Une fois les premières secondes de « raideur involontaire » passées, je lui rends son accolade, savourant l’air doublement blasé de Nico par-dessus son épaule. Non seulement on vient de réussir, mais en plus c’est moi qui profite des fruits de notre victoire. Ce jeu s’avère être beaucoup plus divertissant que je ne l’aurais cru ! Je suis peut-être sadique sur les bords, mais personne n’est parfait !

Je tire une carte et constate avec joie et ravissement que je vais devoir faire deviner le mot « crapaud » à Erin, tout en dessinant de ma mauvaise main.

Je saisis le crayon et commence mon œuvre.

Franchement…

Heureusement que je n’ai pas tenté de vivre de mon art, parce que je serais morte de faim à l’heure qu’il est.

C’est horrible. Nan, pire que ça, c’est abominable.

Bien que ça fasse longtemps que je n’en ai plus vu, j’ai une vague idée de ce à quoi ressemble un crapaud et ce n’est clairement pas proche de ce que je suis en train d’esquisser. Ou alors si, si l’animal a été exposé à une forte dose de radiations au stade de têtard, là peut-être… Je crois que j’aurais mieux réussi si j’avais tenté de dessiner avec mon pied, mon nez, j’irais même jusqu’à dire avec mon omoplate !

Les mecs sont déjà ricanant, à se moquer de moi et je suis la première surprise en entendant Erin suggérer d’un ton incertain : « Un crapaud ? »

-          Yes !

Je jette le crayon et fais une petite danse de joie, plaçant mon doigt sur le menton de Nico pour l’aider à le remonter au passage. Erin n’est pas en reste et fait le geste « je me la pète » en époussetant son épaule.

Mon cousin étant le plus mauvais perdant de l’univers, il intervient direct :

-          Nan nan, mais commencez pas à tricher ! Jamais tu me feras croire que t’as deviné à partir de ça !!!

-          Et pourtant !

-          La prochaine fois, l’autre se retourne pendant que vous découvrez la carte !

Je souris et en rajoute une couche :

-          Sois pas déçu que même de ma main droite je sois meilleure que toi ! On a beau être de la même famille, on n’a pas tous eu les gênes du winner apparemment !

Mika ouvre sa bouche, certainement pour m’asséner une réplique désobligeante, mais est arrêté par Nico. J’imagine qu’il ne veut pas que l’ambiance se gâte, sinon ses plans « d’approche » tomberont à l’eau. Enfin ce qu’il en reste.

Je lance un coup d’œil à mon cousin qui fulmine toujours, et je dois dire que j’adore ça ! C’est juste trop trop bon de le taquiner, il part au quart de tour.

Le jeu reprend.

Au fur et à mesure que les minutes passent, ça devient de plus en plus évident. On est trop fortes !!!! Les garçons se font absolument laminer !

C’est Nico qui jette l’éponge en premier :

-          J’abandonne, vous avez gagné !

Immédiatement, Mika se redresse et se tourne vers lui, écarquillant les yeux :

-          Quoi ? Mais dis pas ça, on peut encore le faire !!!

-          Elles ont trop de points d’avance !

Vu le regard en coin auquel j’ai droit, c’est surtout la façon dont on « célèbre » nous victoires qui font qu’il est blasé. Je suis sûre qu’il regrette ne pas avoir directement demandé à Erin d’être dans son équipe. S’il l’avait fait, c’est lui qui aurait « profité » des éventuelles joies.

Rien que pour le saouler davantage, je déclare :

-          Que veux-tu, on est connectées Erin et moi !

Je regarde ma collègue, qui me sourit et hoche la tête, ajoutant :

-          Exactement !

Comme elle a l’air tactile, je n’hésite pas et passe ma main autour de ses épaules, l’attirant à moi comme si on avait élevé les cochons ensemble ! Si jamais vous vous demandez, oui, je l’ai fait pour narguer mon meilleur ami ! Erin se laisse faire, appréciant tout autant que moi les exquises expressions faciales des perdants !

Nico me jette un regard entendu et je sais qu’il a compris mon petit manège, mais c’était honnêtement beaucoup trop tentant pour résister !

 

*          *          *          *         

 

[Un mois et demi après la rentrée]

 

Mes yeux picotent alors que je tente désespérément de lire la copie d’un élève. Je savais que faire ce contrôle des connaissances était une mauvaise idée.

Résultat, du travail pour bibi qui ne comptera pas dans leur moyenne et mes pauvres globes oculaires qui menacent de tomber de leurs orbites.

Mon seul lot de consolation est que ces monuments de médiocrité peuvent toujours servir à éponger mes larmes de douleur ou comme absorbant si jamais je venais à renverser mon café.

 

Sérieusement, pourquoi les étudiants ont-ils la fâcheuse tendance, lorsqu’on leur demande quelque chose auquel ils n’ont pas réponse, à vouloir faire ceux qui sont au courant, mais qui restent vagues ?

Il faut que quelqu’un leur dise qu’on le voit ! Et surtout qu’ils apprennent qu’on a été un jour à leur place. On sait ce que c’est que d’essayer de prendre des notes sur son ordi alors même que la fac fait TOUT pour nous mettre des bâtons dans les roues.

Je n’exagère pas du tout !

On veut empêcher la jeunesse d’être studieuse, certainement dans une politique élitiste !

Exemple flagrant : le wifi !

À quoi ils pensaient au moment où ils nous ont mis ça en place ? Qu’on allait consulter la définition d’OPCM (Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières) pour être à même de répondre à la question du prof pile quand il la pose ?

Faut être réaliste, en donnant l’accès internet aux élèves, au mieux ils vont s’amuser de caricatures humoristiques en rapport avec le sujet.

Plus vraisemblablement, l’étudiant lambda va chercher s’il n’y a pas un groupe Facebook intitulé Je m’emmerde tellement en cours que j’ai réussi à trouver ce groupe inutile dans lequel il pourra poster une image de son wagon du train de l’ennui habilement dessiné sur Paint.

Je ris toute seule à mon monologue intérieur puis soupire en regardant la pile qu’il me reste à lire. Si je n’étais pas si épuisée, je me croirais dans un cauchemar !

J’entends un gloussement sur ma gauche et relève la tête pour lancer un regard pseudo menaçant à Erin.

-          Quelque chose t’amuse peut-être ?

-          Oui, toi !

Elle pourrait au moins avoir la décence de me mentir ! Je plisse les yeux et fais passer mon pouce tendu le long de ma gorge, comme j’ai vu faire dans les films.

Apparemment mon jeu d’actrice est à revoir puisque son sourire s’agrandit.

À la télé le destinataire de ce charmant geste s’était fait pipi dessus.

Peut-être qu’avec les cheveux gominés en arrière comme une vraie mafieuse je pourrais faire meilleure impression…

u_u

Vous voyez ?

Je suis tellement fatiguée que j’en viens à penser des trucs comme ça.

 

Je fais un gros bond sur mon siège en sentant les mains d’Erin se poser sur mes épaules. Alors que je tente de suffisamment calmer mon cœur pour pouvoir lui lancer une remarque assassine, ses doigts commencent un doux massage.

Ça élimine toute trace d’animosité en moi plus vite qu’un Valium !

Ma tête tombe légèrement en avant tandis qu’elle travaille les tensions dans ma nuque.

-          Faut que tu te relaxes et que t’apprennes à faire des breaks.

Je souris en entendant ça et réplique :

-          Je vois que tu as gardé ton côté étudiant en ce qui concerne la fréquence des pauses ! Je reconnais la jeunette fraîchement diplômée.

-          Exactement ! Tu sais ce qu’on dit, qui veut voyager loin, ménage sa monture ! Tu devrais être au courant, l’ancêtre.

J’acquiesce d’un signe de tête, étant donné qu’avec les sensations de pur plaisir que ses doigts me procurent, si j’ouvre la bouche je vais à coup sûr pousser un petit gémissement ou deux.

J’ignore au passage son commentaire sur mon âge, d’une part je l’ai bien cherché, de l’autre je n’ai que deux ans de plus qu’elle.

Un grognement de déception m’échappe lorsqu’elle arrête ce petit massage improvisé. Alors que je relève la tête et m’apprête à la remercier, elle s’exclame :

-          Allez debout, un bon café ne te fera pas de mal.

-          T’as raison. Pour une fois. 

Son sourcil se lève lorsque j’ajoute la dernière partie et un petit sourire en coin gagne mes lèvres.

Erin ferme la porte du bureau, plus par habitude que par réelle peur que quelqu’un nous vole quoi que ce soit. Je pense que personne ne m’envie la pile de copies qui attendent d’être corrigées. Et à vrai dire, si une âme charitable se dévouait pour me décharger d’une partie de mon travail, ce ne serait pas de refus.

Nous descendons les escaliers pour nous rendre dans la cafétéria. La pièce est petite et sans fenêtre. Seules les lumières blafardes des machines à café nous éclairent tandis qu’Erin choisit.

Je m’avance à mon tour, fouillant au plus profond de la poche de mon jean pour y pêcher le restant de monnaie qui s’y trouve. Ma collègue m’attrape par l’avant-bras et sort ma main de ma poche.

-          C’est pour moi.

-          Madame est trop bonne.

-          Oui je sais, je suis d’humeur royale aujourd’hui.

Cela dit, elle me tend une pièce de cinquante centimes. Je marmonne :

-          La royauté n’est plus ce qu’elle était. Mais merci quand même.

Je ponctue le tout d’un sourire moqueur, afin qu’elle sache que je plaisante.

Nous observons le travail des machines à café dans un silence quasi religieux.

J’attrape mon café et le touille méticuleusement afin de bien répartir le kilo de sucre que j’ai demandé. Erin fait une drôle de tête et semble hésitante, puis elle se met à parler d’une petite voix :

-          Nico est passé au bureau aujourd’hui.

Mes épaules se haussent comme par réflexe. Et alors ? Ça n’a rien de surprenant, il vient régulièrement me rendre visite.

-          Il voulait me déposer un truc ?

-          Ben justement. Ce matin, je lui ai dit que t’avais cours jusqu’à 17h et que tu serais pas de retour avant cette heure-là. Et il s’est repointé vers trois heures.

Ah… Je vois.

Mon petit oisillon tente de voler de ses propres ailes.

Apparemment, on a fait plus discret.

Mon cerveau a beau travailler le plus rapidement possible, je n’arrive pas vraiment à trouver d’explication qui ne sonne pas « il est intéressé + frétillement des sourcils ». En désespoir de cause, j’opte pour la vérité :

-          Il doit avoir envie de te connaître. Se rassurer que je ne passe pas mes journées enfermée avec une sorcière, tout ça… Il est prévenant !

-          Une sorcière ? Rien que ça ? Moi qui croyais avec été plutôt cool avec toi jusqu’à présent.

Je souris en voyant sa mimique faussement outrée. Mon air devient vite blasé en l’entendant continuer :

-          Ahhhh je sais. Désolée j’avais pas percuté. T’es maso et partisane de l’amour vache. Et moi qui pensais faire le bon choix en étant sympa. Tout s’éclaire. Tu veux que je te maltraite c’est ça ?

Erin ponctue sa question d’un sourire sadique tandis que j’analyse ce qu’elle vient de suggérer.

Venant de n’importe quel autre collègue, je serais probablement déjà dans le parking en train de verrouiller les portes de ma voiture et de prier pour qu’elle démarre sans problème.

Avouez que ça sonne bizarre. Ou c’est juste dans ma tête que ça sonne bizarre ?

En tout cas ce qui est bizarre c’est ce débat avec moi-même. Mais bon, passons.

Ce que je veux dire c’est que cette femme me met à l’aise. Je réalise qu’on n’a pas exactement élevé les cochons ensemble, mais j’ai l’impression qu’après seulement bientôt deux moisc’est tout comme.

Finalement, je me dis que si elle a décidé de jouer à ce petit jeu, je ne vais pas lui rendre la tâche facile.

-          Ça tombe bien que tu m’annonces ça pile au moment où j’ai du café brûlant en main. Tu sais que je t’apprécie ENORMEMENT hein ?

J’accentue volontairement le mot et m’approche d’elle avec un air menaçant.

À ma grande surprise, elle ne recule pas et renchérit en lançant :

-          Owi maltraite moi je n’attendais que ça !

Et c’est à ce moment-là ! Pile là, que le concierge rentre dans la cafétéria.

Je me justifierais bien, mais je crois que ça ne ferait qu’empirer les choses. En plus, ce type me drague depuis le jour 1, je n’imagine même pas à quoi il va rêver ce soir. Enfin il me drague… Moi et le reste des femmes de la terre.

Je suis mortifiée et Erin se contente de pouffer de rire. Sérieusement, qui a donné un diplôme à cette femme ? On peut pas mettre notre jeunesse entre ses mains c’est pas sérieux !

Tandis que j’ignore difficilement le nouveau venu, tentant de faire comme si de rien n’était, ma charmante collègue en rajoute une couche en disant :

-          Allez viens chérie, on retourne dans notre antre.

Je la déteste.

À peine arrivée dans le couloir, je chuchote :

-          Contrairement à d’autres, certaines tiennent à leur réputation ici !

Étant donné que sa seule réponse est un clin d’œil, j’abandonne et la suis jusqu’à notre bureau.

 

Une fois de retour dans mon fauteuil je décide d’être une bonne meilleure amie et de partir à la pêche aux informations pour Nico. Rien à voir avec le fait que l’alternative est de traiter la tour de Babel en copies qui trône devant moi.

-          Et avant que ta libido ne nous rattrape, tu disais quoi sur Nico ?

-          Ma libido ? Je te rappelle j’ai pas eu à te forcer pour rentrer dans mon jeu, associée !

Sachant que je n’avais rien à répondre à cette vérité, elle continue d’un ton sincère :

-          Il a l’air très sympa. Je l’aime bien. C’est ton meilleur ami c’est ça ?

Réponse plutôt vague, mais encourageante je dirais.

Elle n’a pas fait de critique du genre « parfait, sauf que ses chaussettes ne sont pas toujours assorties à sa tenue et ça se voit quand il s’assoit ». Bon, ok, je suis peut être l’une des seules que ça dérange, mais désolée, ça fait tâche !

Enfin d’un autre côté, étant donné qu’elle sait qu’on est proches lui et moi elle n’allait certainement pas me sortir cash que c’est le plus gros boulet que la terre ait porté.

-          Oui, c’est un type génial. Mon homme idéal.

Ses traits fins passent d’une moue curieuse à un air étonné en un instant. Je pourrais presque dessiner la petite ampoule au-dessus de sa tête. Elle réplique du tac au tac :

-          Ah ok ! Désolée j’avais mal compris je pensais que t’étais avec quelqu’un d’autre et que les rumeurs d’une relation entre vous deux c’était… bah que des rumeurs.

Je lève les mains pour l’interrompre :

-          Je t’arrête tout de suite ! C’est des ragots ! Je ne suis pas avec Nico. C’est mon meilleur ami et je l’aime, mais pas comme ça. J’ai eu le coup de cœur pour quelqu’un d’autre.

Elle fait semblant de s’éponger le front avant d’expliquer :

-          Le quiproquo ! Encore désolée, il se fait tard ! C’est juste que les fois où évoques ton homme, tu dis « mon chéri »  alors tout à coup, je me suis demandé si… Enfin tu vois !

D’un mouvement de tête, j’acquiesce et ajoute :

-          Pas de problème, je trouve ça assez flatteur que tout le monde pense qu’un type comme ça voudrait bien de moi ! Pi c’est vrai que je ne parle pas beaucoup de mon chér-

Je m’arrête net en réalisant que j’allais encore l’appeler par son « statut » et dans un raclement de gorge, je continue :

-          Et c’est vrai que je ne parle pas des masses de Julien.

Erin me lance un sourire puis demande avec un soupçon d’appréhension :

-          Comment ça se fait d’ailleurs ? Enfin si tu veux blablater d’un autre sujet je comprends hein !

Ma bouche se tord un peu alors que je réfléchis à sa question. Je discute peu de lui, mais c’est juste parce qu’il n’y a pas grand-chose à dire là-dessus. Et pi ça m’arrive de travailler aussi hein, je ne fais pas que papoter.

Je m’apprête à répondre lorsque quelque chose attire mon regard par la fenêtre. Intriguée je m’approche pour mieux voir.

Le concierge est là, au milieu de nulle part.

Deux hypothèses sont envisageables : soit il décide de tailler l’unique arbre à la nuit tombée et mains nues, soit c’est un vieux voyeuriste qui tentait de mater ce qui se passait dans le bureau. On n’a pas de vis-à-vis alors c’est le seul moyen pour lui.

Erin est à mes côtés et secoue la tête d’un air amusé. Au moins, je sais quelle option elle a à l’esprit. Je me tourne pour lui faire face et lance :

-          Bravo, tu vois ce que t’as fait ! Maintenant ce pervers se fait des films !

Me prenant totalement par surprise, Erin m’enlace et me renverse, se plaçant dos à la fenêtre. Alors que je suis dans la position « baiser renversé de fin de film romantique », je plisse les yeux dans une fausse menace en constatant son air amusé. Vu comme on est positionnées, je suis sûre que l’autre voyeur est persuadé qu’il se passe quelque chose.

-          Tu trouves ça marrant peut-être ?

Après un moment d’un inconfort certain, elle me remet à ma place d’origine. Je ne comprends pas pourquoi les gens aiment cette posture, j’ai l’impression que l’autre va me lâcher et que mon coccyx va faire une douloureuse rencontre avec le sol. C’était la première fois que je testais et non seulement c’était pour de faux, mais en plus c’était décevant.

Erin replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et répond :

-          Plutôt. Et j’essaie de voir en combien de jours la rumeur de votre relation peut devenir ménage à trois.

Elle me fait un sourire exagéré d’un air débile. Et elle est fière d’elle ! Visiblement, mon regard foudroyant n’est plus ce qu’il était. Je vais me planquer à mon bureau avant qu’elle ne décide qu’il serait bon qu’on fasse semblant de faire l’amour sur le sien pour aider les ragots. Mieux vaut prévenir que guérir. Cette femme est un danger, elle est totalement imprévisible. J’attrape une copie, l’air détaché et lance :

-          Quand la rumeur sera en place, je me vengerais, sache-le.

Elle hausse un sourcil et demande :

-          Comment ça ?

-          J’espère que tu n’as rien contre l’idée que tu pourrais pratiquer une sexualité alternative ! Fouet ou bondage hardcore, mon cœur balance !

Ses yeux s’écarquillent et elle demande d’un air inquiet :

-          Tu ferais pas ça ? Nan sérieux déconne pas !! Fanny ! …. ! Fanny ?

Fière de moi, je me concentre sur le torchon entre mes mains et commence ma lecture.

En arrière-plan, je l’entends s’inquiéter et ça, ça me fait sourire. Peut-être bien que j’aime l’amour vache, mais uniquement quand c’est moi qui pratique les vacheries ! 

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Commentaires
C
Pour le côté "moins drôle" que tes autres histoires on repassera hein, mais tant mieux parce que moi j'adore ça rire en lisant ^^.<br /> <br /> Bon tu vas me dire j'en suis qu'à la fin du deuxième chapitre alors ça va peut-être se corser par la suite.<br /> <br /> L'histoire me plait bien en tout cas :). Je continue...
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L
Bonjour,au fait j'aime bien votre style ..mais des fois je trouve que que vous plaisantez beaucoup trop,et y'a pas vraiment un bon scénario entre les deux protagonistes,c'est lent et des fois on se perds parmi toutes vos plaisanterie et scénes interminables de taquineries en tous genres .<br /> <br /> <br /> <br /> Je remarque aussi que vous vous fiez beaucoup à la beauté,et le reste est juste un détail parmi d'autre,vous ne parlez jamais des valeurs humaines ..vos récits sont centrés sur les mannequins les chefs d'entreprises fortunées,ou les profs canons ..c'est une fiction je suis d'accord,mais ca en devient imaginaire à un point inimaginable ..j'espére que ma critique est pertinente .Bonne soirée !
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