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Fictions Lesbiennes :)
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25 novembre 2012

Elle

Le flic fait craquer ses doigts une énième fois en me scrutant, encore et toujours. Je peux sentir le poids de son regard même lorsque j’ai la tête tournée.

Il peut fixer tant qu’il veut.

C’est pas moi.

Le capteur est placé au bout de mon majeur et l’on me fait asseoir dans un siège au milieu de la pièce. Mis à part la machine sur la table, un caméscope sur trépied et lui, sur sa chaise, il n’y a rien. Pas une fenêtre par laquelle regarder, pas une fissure au plafond à contempler.

Il racle sa gorge pour attirer mon attention.

- Prête ?

- Oui.

Il presse un bouton et la machine se met en route dans un doux ronronnement. Ça me rappelle le pc dans mon salon et m’aide à me détendre.

- Nous allons enregistrer cet interrogatoire. Vous répondrez par oui ou par non à mes questions.

 - Très bien.

 - Vous appelez vous Justine Faul ?

 - Oui.

 - Avez-vous été prévenue du motif de votre garde à vue ?

 - Oui.

- Connaissiez-vous Mademoiselle Estelle Lebois ?

- Oui.

- Avez-vous entretenu une relation amoureuse avec cette personne pendant près de sept mois ?

- Oui.

- Étiez-vous à votre domicile hier soir en train de regarder une émission de variété ?

- Oui.

- Avez-vous quitté ledit domicile avant le lendemain matin pour vous rendre à votre travail ?

- Non.

- Avez-vous vu Mademoiselle Lebois dans le courant de la soirée ?

- Non.

 - Connaissez-vous à Mademoiselle Lebois des ennemis notoires ?

- Non.

- Très bien je vous remercie.

Sans plus attendre, il consulte les résultats fournis.

- L’entière vérité…

Je ne retiens pas mon sourire narquois :

- Je vous l’avais dit.

 

 

* * * * *

 

[Flashback]

Je rentre à la maison, bien contente que ma journée soit enfin terminée, mon patron méritant indiscutablement le titre honorifique de roi des cons.

J’ai hâte de retrouver ma chérie, qu’elle me fasse sourire, qu’on passe la soirée ensemble. Je sais que je lui avais dit que je ne pourrais pas me libérer, mais finalement ma négociation a payé ! C’est avec un sourire béat fermement en place que j’ouvre la porte de notre appart. Je rentre et dépose mes affaires, la cherchant du regard. Pas dans le salon, ni dans la cuisine…

Hehe, peut-être qu’elle fait une sieste et si c’est le cas, elle aura de la compagnie, je suis crevée !

J’ouvre doucement la porte de la chambre et n’en crois pas mes yeux.

Pas besoin de moi, elle a déjà de la compagnie.

Je reste là, sans rien faire, la main sur la clenche, à regarder la femme que j’aime se taper quelqu’un d’autre dans notre lit, le cœur au bord des lèvres.

Je devrais entrer, lui hurler qu’elle n’est qu’une salope, qu’un beau gâchis… Mais je ne fais rien.

Je ferme la porte sans un bruit, sans qu’elle ou sa greluche ne m’ait vue…

Je suis brisée, sans l’ombre d’une force, pas l’état dans lequel je veux être quand je la confronterai.

Je prends mon manteau et sors, laissant la porte ouverte derrière moi.

Mon cœur bat la chamade, j’en veux à la terre entière. Je m’en veux de me demander si c’est de ma faute.

Alors je me mets à courir à toute allure, fuyant cette scène, ma vie. Je cours, jusqu’à ce que mes jambes me fassent souffrir, et alors, je cours encore.

La nuit finit par m’envelopper dans ses bras sombres.

Assise sur une souche, je reprends mon souffle laborieusement. Je devrais avoir peur, seule, la nuit, dans un bois… Mais la noirceur me réconforte, me soulage. A la lumière, je pourrais baisser les yeux et voir ma poitrine grande ouverte, cœur arraché. Ici, je n’ai que la douleur, le visuel ne remue pas le couteau dans la plaie. Ici, la réalité n’est plus qu’une ombre parmi les autres.

Les arbres sont autant d’amis qui me soutiennent, m’écoutent sans un mot. Je me sens en sécurité.

J’entends des pas, mais je sais que je ne risque rien. C’est elle. Je souris. Mes pas m’ont menée ici, comme à chaque fois que je vais mal.

Elle s’approche lentement comme si j’étais un animal sauvage qu’elle aurait peur d’effrayer et pose sa main sur mon épaule.

- Ça va ?

Je tourne la tête pour la regarder et ses doigts se resserrent dans un geste réconfortant en voyant mon visage plein de larmes et de sueur.

Elle passe dans mon dos, me caressant la nuque de sa main, avant de s’accroupir devant moi.

- Elle ne te méritait pas. Je t’avais dit que ça allait finir comme ça.

Mes yeux se posent sur elle, si belle, si calme, si sage… Alors que je suis son exacte opposé. Elle s’est toujours occupée de moi, sans jamais rien demander en retour, rien d’autre qu’un peu d’attention de ma part.

Mais tout ça c’est fini.

J’ai compris.

Pendant toutes ces années, elle a toujours été à mes côtés, elle m’a soutenue alors que tout le monde me laissait tomber. Je n’ai jamais été déçue, pas par elle, alors je lui demande, cette fois dans l’idée de suivre son conseil, quel qu’il soit :

- Qu’est-ce que je dois faire ?

Je ne pense pas avoir besoin de lui dire ce qui s’est passé. Elle l’avait vu venir, comme le reste.

Elle m’attire à elle, me serrant dans ses bras. Mes peines semblent aspirées par cette étreinte, remplaçant ma douleur par une douce analgésie.

- Ne t’inquiètes pas, ça va aller. Tu me fais confiance ?

Je relève la tête pour la regarder dans les yeux, qu’elle puisse jauger de ma sincérité :

- Bien sûr !

- Alors laisse-moi faire.

Elle me fait un sourire, et elle est si belle que je ne peux rien lui refuser. J’acquiesce sans dire un mot. Estelle m’a peut-être trompée, mais il y a quelqu’un sur qui je peux compter.

Elle se relève et me tend une main que je m’empresse de saisir. Ses doigts sont chauds et je me laisse guider vers les lumières au loin.

On arrive bien vite en ville, main dans la main. Les gens nous regardent, comme toujours lorsque je suis avec elle. De toute la palette d’émotions, seul un sentiment d’immense fierté d’être vue à ses côtés demeure. Je veux dire… Ses yeux sont bleus topaze, ses cheveux châtains et longs. Elle doit faire à peu près ma taille, mais j’ai l’impression qu’elle est plus grande, peut-être parce que je la place sur un piédestal… Quoiqu’il en soit, elle est superbe, toute en courbes et douceur.

Elle pourrait séduire n’importe qui, mais ce soir elle n’a d’yeux que pour moi, et ça me va très bien. Estelle a toujours été jalouse d’elle, mais je n’ai jamais voulu la lui présenter. Ça n’aurait servi qu’à la conforter dans l’idée que je ne l’aime… que je ne l’aimais pas.

 

 

Je tente de freiner notre avancée en réalisant qu’elle m’emmène chez moi. Je n’ai pas envie d’être là. Pas si Estelle peut avoir l’audace d’être restée. Je ne veux pas voir mon lit refait, comme si rien ne s’y était passé, je ne veux pas entendre ses mensonges…

Je détache ma main de la sienne, refusant de continuer.

Un regard à la fenêtre du deuxième étage et la douleur revient, aigue. Je tente de respirer mais c’est comme si je manquais d’air. Il faut que je me reprenne…

Immédiatement, elle entrelace ses doigts aux miens. Sa main se pose sur ma joue, légère comme une plume. Toute mon attention se reporte sur elle, ma bouée de sauvetage, et je refais surface.

- Je vais aller voir si elle est là. J’en ai pour un instant.

Son ton est calme mais ma réponse est paniquée :

- Ne me laisse pas !

Elle me sourit, dépose un baiser sur mes lèvres, le seul qu’elle ne m’ait jamais fait et murmure :

- Jamais.

 

* * * *

 

Le policier me rend mes affaires, n’ayant pas l’ombre d’une preuve contre moi. Bande de cons condescendants.

Je n’ai pas tué Estelle.

C’était une garce, mais elle ne valait pas que je ruine ma vie pour elle. Et même si je savais qui est l’âme charitable qui a mis fin à sa pitoyable vie, je lui enverrais sûrement des fleurs, pas une convocation à l’hôtel de police.

Je vérifie qu’il ne manque rien, n’ayant pas plus confiance en ces hommes en uniformes qu’en tous les autres gens.

Au loin, j’entends l’inspecteur dire à son collègue « c’était la seule ombre d’une suspecte qu’on avait ». L’homme lui demande « et le cheveu blond qu’on a retrouvé dans la bouche de la victime ? » « Aucune correspondance, ça n’est pas quelqu’un dans nos fichiers ».

Je secoue la tête, réprimant un rire. Sa pouf à du la tuer, en terme d’ironie du sort, ça n’est pas plus mal.

Je sors du commissariat, accueillie par un grand soleil. J’enfile ma veste, mes gants et m’apprête à mettre mon casque lorsque je me souviens. Il faut que je poste mes factures !

Je déverrouille le coffre de la moto et empoigne maladroitement la pile de lettres. Je cours jusqu’à la boite placée quelques mètres plus loin, voyant que la factrice procède à la levée.

 

* * * *

 

[Flashback]

Elle revient quelques minutes plus tard, les plus longues de ma vie, radieuse, un sac à la main. Elle m’offre un sourire et annonce :

- La voie est libre. Tu peux y aller.

- Et toi ?

- Je t’ai dit…

Je baisse la tête, comme une enfant de 5 ans qu’on aurait réprimandée.

- Je veux venir avec toi…

Je frissonne dans la fraîcheur de la nuit et elle me caresse le bras, m’infusant son incroyable chaleur.

Elle semble hésiter, jouant avec le sac qu’elle a en main. J’y aperçois mes nouveaux draps. Ceux qu’Estelle a préféré inaugurer avec une autre que moi. La colère me gagne mais est stoppée nette par sa réponse :

- Je ne sais pas…

- Non. J’ai confiance en toi. Aie confiance en moi. Laisse-moi venir.

- Et si tu t’effondres en chemin ?

Je souris et m’approche d’elle, parce que je sais que ça va la distraire :

- Pas avec toi à mes côtés.

Ca achève de la convaincre :

- D’accord.

Nous repartons toutes les deux main dans la main. Et j’espère qu’on va croiser Estelle, qu’elle voie ce que ça fait d’être remplacée, trahie.

Je ne sais pas où elle m’emmène et je ne demande pas. J’ai confiance. Et tant que je suis avec elle je sais que tout ira bien.

 

* * * * *

 

- Alors ?

- Les résultats sont négatifs, c’est pas elle.

- Et merde !

L’inspecteur se saisit du document scientifique, comme s’il allait être capable d’y comprendre quelque chose.

- En clair, qu’est-ce que ça veut dire ?

- Que Mlle Faul n’est pas notre coupable.

Le flic regarde le scientifique avec doute :

- C’est sûr sûr votre méthode ?

- Autant qu’on puisse l’être.

Il regarde les données de plus près avant de répéter les faits :

- L’assassin est une femme, mais pas la compagne de la victime… Une ex jalouse ?

Le technicien de laboratoire hausse les épaules. Son job est d’analyser les données, pas de spéculer. Qu’on lui amène une coupable potentielle, il pourra pointer du doigt celle qui est à blâmer.

- Oh, pendant que j’y pense. Le légiste a déposé ça pour vous. Il fait dire qu’il sera dispo demain matin pour un compte rendu plus détaillé si besoin est.

- Pourquoi pas maintenant ?

- Autre autopsie.

L’inspecteur se saisit du dossier et commence à le feuilleter tout en mangeant son croissant.

 

Victime : Estelle Lebois, 27 ans, cheveux bruns, yeux bruns, 1m66, 54 kilos.

 

Décès d’origine criminelle.

La victime est morte étouffée des suites d’une strangulation. Au vu de la taille des doigts et de la puissance de la pression exercée, l’assassin est probablement une femme, droitière. Les hématomes sont nettement plus marqués sur la partie gauche du cou de la victime.

 

Pas d’autre trace de violence apparente. Aucun dommage interne. Pas de présence de substances dans l’organisme.

 

Contenu de l’estomac : des frites et ce qui semble être un hamburger.

A eu un rapport sexuel consenti moins de 12 heures avant sa mort.

Heure du décès estimé entre 1h et 3 heures du matin.

 

 

* * * * *

 

[Flashback]

On arrive devant un immeuble que je n’ai jamais vu.

Elle s’arrête et me tourne pour que j’y fasse face. La rue n’est pas éclairée et dans la pénombre, c’est un vieux bâtiment de 3 ou 4 étages qui n’a rien d’extraordinaire, je ne sais pas ce que je suis supposée voir.

Finalement, je n’y tiens plus et demande :

- Qu’est-ce qu’on fait là ?

Elle me sourit et se contente de répondre « Viens ».

Je grelotte tandis qu’elle enfile des gants et tape les chiffres du digicode. La porte buzze et nous laisse rentrer sans difficulté.

Je suis réellement intriguée maintenant :

- C’est quoi cet endroit ?

Elle appelle l’ascenseur et met le doigt sur sa bouche, me signifiant de parler moins fort.

- Ne réveille pas tout le monde.

L’ascenseur arrive et elle attend que nous soyons montées à l’intérieur pour dire :

- C’est l’appartement d’Estelle.

- Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes, elle habite avec moi !

Elle me fait un sourire triste et dit :

- Et elle travaille de nuit… Sauf qu’elle a perdu son job il y a 4 mois. Et qu’elle te laisse l’entretenir pendant qu’elle passe des nuits avec d’autres femmes quand elle « travaille ».

Je suis trop sous le choc pour m’effondrer à cette nouvelle. Toute ma vie avec elle n’était qu’un vaste mensonge…

- Comment tu sais ça ?

Elle baisse la tête, un air coupable fermement en place sur son visage.

- Tu l’as suivie ?

Elle ne nie pas et je sais que j’ai visé juste. Mais plutôt que de me demander pourquoi elle a fait ça, une chose me chiffonne :

- Si tu savais, pourquoi tu ne m’as rien dit avant !?!

- J’ai essayé, souviens toi. A multiples reprises.

Elle a raison, elle a essayé. La douleur revient. Estelle, dans notre lit, avec cette inconnue… Elle m’avait prévenue, mais je l’ai ignorée.

J’ai mal au crâne. J’ai envie de vomir. Mon cœur bat dans ma tempe et ma tête tourne. Elle avait raison, une fois encore, je m’effondre en chemin.

L’ascenseur s’arrête au quatrième et dernier étage et ouvre ses portes. Elle n’y prête pas attention et me serre contre elle.

Sa présence me réconforte et je me calme petit à petit. Je la sens déposer un baiser sur ma tête et demander :

- Ça va aller ?

- Oui. Je me suis ressaisie.

Elle sort sur le palier, où se trouve une seule porte. Derrière laquelle est celle qui s’est royalement foutue de ma gueule pendant des mois.

- On peut encore faire demi-tour.

Je considère la chose.

Non.

Je ne veux pas voir Estelle d’un côté, c’est trop frais. Pas lui parler. En revanche, je veux qu’elle se sente aussi impuissante que moi lorsque je l’ai découverte au lit avec une autre, qu’elle sache que ses secrets n’en sont plus, que je n’ai plus besoin d’elle !

Mon sursaut d’orgueil termine de me convaincre. Non, pas de demi-tour. Je veux qu’elle nous voie dans son appartement secret, qu’elle comprenne que je sais tout, que j’ai pénétré chez elle, je veux qu’elle se sente violée tout autant que moi.

 

Elle s’accroupit et introduit deux bouts de métal dans la serrure. Autant le digicode à l’entrée était moderne, autant cette porte sort tout droit du moyen âge… Ça se voit que c’est une chambre de bonne. J’imagine qu’on devrait être contentes qu’il y ait un ascenseur.

La serrure ne lui résiste que quelques secondes. Bien que je devrais me demander où elle a bien pu apprendre à faire ça, je me contente de la suivre, dans une confiance aveugle.

Comparé à la luminosité de la cage d’escalier, le minuscule appartement apparaît comme étant dans le noir le plus total, mais elle s’y déplace avec aise. Comme si elle était déjà venue.

Est-elle l’une de ses maitresses ?

Non, c’est ridicule, elle est de mon côté.

Elle se retourne et murmure :

- Ne touche à rien.

J’acquiesce et la suis en silence jusqu’au pied du lit.

La lumière de la lune filtre à travers le rideau miteux posé sur la fenêtre.

Nous regardons Estelle dormir sur le dos, d’un sommeil de plomb, n’ayant apparemment aucun problème de conscience ni de mal à s’endormir.

La couette est remontée jusqu’à ses épaules et elle a l’air paisible. Dire que je n’arriverais sûrement pas à seulement regarder mon propre lit après tout ça…

 

* * * *

 

- Merci de bien avoir voulu revenir.

Me tirant la chaise, il me fait signe de m’installer, ce que je fais sans hésiter.

- Je vous en prie. Que puis-je faire pour vous inspecteur ?

Il me tend un stylo et un dossier.

- Si l’une de ces femmes est celle que vous avez vue avec votre compagne

Je le corrige immédiatement :

- Ex compagne

- … Avec votre ex compagne, veuillez l’entourer s’il vous plait.

Ayant gardé ma mauvaise habitude du collège, je fais tourner le stylo dans ma main gauche. J’étale les quelques clichés devant moi. Aucune n’est franchement mon style.

Ce sont toutes des blondes, mais…

Minute…

J’approche la cinquième photo et regarde de plus près.

Ce visage… Je ne l’ai pas bien vu, le regard flouté par les larmes, mais je suis prête à jurer que c’est elle.

Sans hésiter, mes doigts arrêtent de jouer et se referment sur le stylo pour l’entourer rageusement.

C’est elle, celle avec qui elle m’a trompée.

Je suis partagée entre vouloir la haïr et la remercier. Après tout, peut-être qu’Estelle lui a fait ce qu’elle m’a fait, qu’elle était elle aussi une victime. Une victime qui, quand elle a appris la vérité a puni Estelle.

A peine ai-je fini de violenter le cliché qu’il me l’arrache à moitié des mains, ayant l’un d’un fou en répétant d’un air joyeux :

Typhaine Hitz ! Typhaine Hitz ! Typhaine Hitz !

Je le regarde, perplexe. Et ben… Ça doit pas lui arriver souvent de résoudre une affaire ! Vu son état, c’est sûrement ce qu’il vient de se passer. Monsieur a eu l’illumination.

Je me demande quand même comment il a pu la retrouver. Ca durait depuis des mois, ça je le sais… Mais qui était au courant, assez pour pouvoir aiguiller la police jusqu’à elle ?

 

* * * *

 

[Flashback]

Après plusieurs minutes passées à fixer Estelle en silence, elle se tourne vers moi, chuchotant :

- Tu es sûre de vouloir rester ?

J’acquiesce en silence. Elle est là pour moi, et quoi qu’elle compte faire, je suis dedans jusqu’au cou. Nos yeux ont eu largement le temps de s’accoutumer à la pénombre et je sais qu’elle m’a vue.

Apparemment satisfaite, elle s’avance aux côtés du lit. Elle repousse délicatement une mèche de cheveux du front d’Estelle et ce geste si familier me fait me reposer des questions.

Mais ce n’est pas le moment, j’ai confiance.

Elle bouge si vite que je jurerais presque qu’elle s’est téléportée. Une seconde avant son ombre était debout à mes côtés et elle est à présent à cheval sur Estelle.

Ses mains gantées s’enroulent immédiatement autour de sa gorge, comme un boa constrictor sur sa proie. Sa prise se resserre à chaque seconde qui passe.

Estelle tente de gesticuler, de la faire bouger, mais avec les deux bras coincés le long de son corps sous la couette et son poids sur la poitrine, c’est peine perdue. Elle est forte, bien trop forte.

Je suis fascinée par la lutte désespérée qui s’engage.

Même si j’ai conscience que c’est mal, je m’approche pour mieux voir les yeux d’Estelle. J’y lis de la pure terreur et, lorsque mon visage traverse le rai de lumière, l’horreur de me reconnaître. Puis, peu à peu, les mouvements de ses yeux deviennent moins rapides, on a l’impression qu’ils vont sortir de leurs orbites, son visage semble tout boursouflé…

 

Et plus rien.

 

Estelle a vécu son dernier combat et l’a perdu. Je relâche le souffle que je n’avais pas conscience d’avoir pris.

 

Elle est toujours en place, les mains autour de la gorge de mon ex, comme si elle ne voulait pas lâcher prise, toujours pleine de rage.

Je me recule et lui caresse doucement l’épaule, l’encourageant à laisser aller.

Seul le son de nos respirations se fait entendre dans la pièce. Elle pose ses mains gantées sur ses cuisses, toujours de part et d’autre d’Estelle.

Je ne sais pas comment elle peut avoir l’air si confortable, assise sur une morte, mais elle l’est.

Au bout de quelques minutes, elle se penche, comme pour regarder sa victime dans les yeux. Les pupilles vides d’Estelle l’observent en retour et de là où je me tiens, c’est comme regarder dans un abysse. A la fois terrifiant et fascinant. Comme s’il s’y cachait tous les secrets du monde.

 

Elle finit par se lever et aller allumer la lumière. Elle sort une feuille blanche de son sac, ainsi qu’un stylo et s’assied au bureau, avec un naturel qui me sidère.

Je devine plus que je ne vois ses mouvements, incapable de détacher mes yeux de la forme parfaitement immobile dans le lit.

Finalement, je lutte et réussis à m’approcher, suffisamment pour tenter de lire par-dessus son épaule.

Sentant ma présence, elle écarte son bras droit duquel elle vient d’écrire et laisse le champ libre à mes yeux. Je fronce involontairement les sourcils, ne comprenant pas.

- Qui est Typhaine Hitz ?

Ignorant royalement ma question, elle repousse la chaise à roulettes et se lève. Elle sort une enveloppe « prête à poster » de son sac, note l’adresse du commissariat à l’avant et range soigneusement son stylo.

Une fois le ruban retiré, elle ferme la lettre. Je tente de la saisir mais elle est plus rapide que moi.

- Pas maintenant, en plus tu n’as pas de gants.

 

* * * * * *

 

Je gare la moto et referme mon garage, contente d’en avoir fini avec cette histoire. S’ils ont attrapé la coupable, je peux passer à autre chose et arrêter de me miner avec tout ça.

Mes yeux se posent sur mon immeuble et je n’ai pas vraiment envie de rentrer tout de suite.

Mes jambes me portent à travers les rues sans que j’aie vraiment une destination particulière en tête.

Je ne l’ai pas revue depuis longtemps. Je me demande ce qu’elle devient.

La nuit tombe rapidement maintenant que l’hiver est arrivé, et les piétons sont plus que rares.

Pourtant, alors que je passe dans cette petite ruelle, quelqu’un m’interpelle.

- C’est dangereux de se balader seule à cette heure, une jolie fille comme toi…

La voix, sans être menaçante, n’est clairement pas amicale.

Sérieusement, pourquoi ce genre de chose n’arrive qu’à moi ?

Je me retourne lentement, n’ayant pas envie de m’arrêter, mais sentant que je n’ai pas vraiment le choix.

Deux hommes me font face, leur sourire carnassier fermement en place. Mon cœur se met à battre rapidement en voyant leurs visages.

Ils me font l’effet de chasseurs. Leurs yeux me parcourent de haut en bas, ne laissant aucun doute quant au fait que je suis la proie.

 

* * * **

 

[Flashback]

Elle a déjà fait ça, c’est certain… Je déglutis, n’étant plus si sûre de connaître cette personne.

Et si elle décidait de s’en prendre à moi maintenant ?

Comme si elle savait ce qui me traverse la tête, elle s’approche de moi et me dit :

- Ne t’inquiète pas, tu n’es pas en danger…

Elle me fixe dans les yeux pendant un moment, certainement pour être sûre que je la crois.

Et aussi fou que ça puisse paraître, je la crois.

Satisfaite, elle se tourne et saisit le sac qui contient mes nouveaux draps, souillés par Estelle et sa garce.

 

Je crois voir où elle veut en venir…

Elle sourit et saisit de sa main gantée un cheveu blond parmi les draps. On l’observe toutes les deux, car personne dans cette pièce ne les a de cette couleur.

- Tiens moi ça.

Je m’exécute, non sans me poser de questions. Je ne tiens pas particulièrement à garder un trophée quelconque.

Je l’observe tirer la couette qui couvre Estelle, exposant son corps nu et les bleus qui se forment déjà autour de sa nuque à la lumière vive du plafonnier. On dirait un corps de porcelaine…

Elle s’attelle à retirer la housse puis la remplacer par la mienne, et je suis à présent certaine de savoir quel est son plan.

Comme depuis le début de cette soirée, je me pose en spectatrice, me laissant guider. J’ai conscience que ça fait de moi une complice, mais c’est tellement facile d’avoir confiance en elle et ses capacités que j’oublie que l’on joue à un jeu dangereux auquel je n’avais pas l’intention de participer.

 

* * *

 

Je tente de marcher à reculons, mais la lumière vive des rues passantes me semble à des kilomètres. Je reconnais à peine la voix terrifiée qui est la mienne lorsque je dis :

- Je ne veux pas d’ennuis.

Ils sourient et se mettent à avancer vers moi.

Je sais avec certitude que ce qu’il va m’arriver ne risque pas d’être plaisant.

Alors que je me dis que je peux toujours tenter de courir, même si mes jambes n’ont pas l’air de vouloir répondre, les sons de quelqu’un qui s’approche à grande vitesse nous parviennent.

J’espère que c’est un mec baraqué qui pourra me venir en aide…

Mes yeux se tournent vers le nouvel arrivant et…

Je souris.

Comme toujours, elle arrive à point nommé.

Je ne sais pas si elle ne remarque pas la tension ou si elle l’ignore, mais elle lance d’un air joyeux :

- Ça fait plaisir de te revoir !

Je lui fais un énorme sourire, soulagée de voir un visage ami. Tout va bien se passer maintenant.

Les deux types s’observent, clairement perplexes.

 

Elle s’approche d’eux, si près qu’elle peut probablement sentir leur haleine fétide sur son visage.

- Vous feriez mieux de vous tirer.

Son ton est calme et ne laisse pas de place au doute. Ce n’est pas une question. Mon sourire est gigantesque. Elle est toujours là quand il faut. Superbe, comme intouchable.

Leurs rires gras résonnent dans la ruelle déserte.

Le plus moche des deux est visiblement celui qui est aussi le plus con puisqu’il dit :

- T’as pas bien saisi salope, c’est nous qui donnons les ordres. Et on va te faire passer une soirée que tu risques pas d’oublier...

Il se touche les parties en disant ça, content de lui.

Mais son air fier retombe comme un soufflé lorsqu’elle se met à rire.

Elle se reprend après bien trente secondes de rire incontrôlé. Elle hausse les épaules, détourne les yeux des dégueulasses pour me fixer et dire :

- Elle oublie toujours.

Les types tentent de se jeter sur elle en même temps, la plaquant contre le mur. Mon cœur s’arrête de battre sous l’effet du choc. Je voudrais faire quelque chose mais c’est comme si une force invisible me retenait, sûrement la peur.

Ils lui collent quelques coups de poing dans le ventre mais elle parvient à leur échapper, se plaçant au centre de la ruelle.

Ils semblent m’avoir complètement zappée et se positionnent de part et d’autre d’elle, me laissant en paix. Le plus moche sort un couteau papillon.

- Réflexion faite tu vas juste souffrir.

Il se rue sur elle pour tenter de la planter mais elle est plus rapide et s’écarte sur le côté.

Le couteau continue sa course et s’enfonce aisément dans le ventre du deuxième type. Elle ne perd pas de temps et saisit le poignet tenant l’arme et le tire vers le haut, créant une plaie béante.

Le type hurle et s’écroule, ses entrailles jonchant le sol de la ruelle et arrosant son « pote ».

Probablement sous le choc, l’autre se recule, lâchant son arme.

Il cligne des yeux, comme hébété, le regard fixé sur le corps chaud de sa victime.

Elle fait craquer ses mains gantées et s’approche de lui. Le premier coup de poing atterrit directement dans sa tempe, lui faisant perdre l’équilibre. Il atterrit contre le bas de l’immeuble. Elle s’empare de ses cheveux gras et lui fracasse le crâne contre le crépi, à plusieurs reprises.

Elle le relâche et il glisse jusqu’au sol. Elle se place au-dessus de lui, le relève par sa veste. Il se contente de gémir. Elle abat son poing sur son visage, encore et encore, avec une fureur incroyable.

Je n’ai toujours pas bougé, incapable de faire autre chose que la fixer, n’ayant pas levé le petit doigt. Dès l’instant où elle est arrivée, il n’a plus été question de moi.

Finalement, elle se relève et court à mes côtés, me saisissant le bras de la main qui n’est pas couverte de sang.

- Vite, faut se tirer.

On court toutes les deux aussi vite que possible, fuyant l’horreur qu’on a laissé derrière nous.

 

* * *

 

Je me réveille sur mon canapé, avec un affreux mal de crâne. Je tente de me relever et m’arrête en route.

Je manque de m’évanouir sous une intense douleur au ventre. J’amène mes mains pour relever mon haut et cesse face à une nouvelle vague de souffrance. Mes phalanges sont rouges vif et coupées par endroits. Ma main droite est extrêmement gonflée, ne ressemblant plus à grand-chose.

Désorientée, je regarde autour de moi. Un peu plus loin, mes gants noirs que j’étais sûre d’avoir perdus traînent au sol.

Comment ??

Mes sourcils se froncent involontairement. Ces derniers temps, il se passe des trucs vraiment bizarres.

Je relève doucement mon haut, prenant garde à ma main qui me fait souffrir. D’énormes bleus jonchent ma peau et je n’ai pas la moindre idée de comment ils sont arrivés là.

Je me lève difficilement et vérifie que je suis bien seule dans mon appartement.

La porte et fermée à clef et je suis soulagée de voir qu’il n’y a que moi. C’est déjà ça.

 

Je me traîne jusqu’à la cuisine et sors un sachet plastique, dans lequel je fais glisser des glaçons. Il paraît que le froid aide à anesthésier la douleur…

 

De retour dans le salon, je lui souris en tendant la poche froide.

Je regarde sa main qu’elle s’empresse de soulager.

Je secoue la tête de droite à gauche, la réprimandant :

- Qu’est-ce que t’as encore fait cette fois ? Rien d’illégal j’espère ? Ne vas pas nous attirer des ennuis !

Elle me sourit et je m’affale sur le canapé à ses côtés, observant la perfection de ses traits. Après quelques instants à se regarder l’une l’autre, elle dit :

- A quoi bon te le dire, tu oublies à chaque fois.

 

 

FIN

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Commentaires
I
Bonjour...<br /> <br /> <br /> <br /> Quelqu'un pourrait il simplement m'explique la chute...? Parce que je dois avouer que j'ai beau relire et relire je comprends pas 😔😅😢
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B
Sympa ce texte, ce changement de style te réussi, j aime bien quand c est sombre aussi, tout peut pas etre cucu^^<br /> <br /> Ca me fait penser un peu à mon taf, jsuis infirmiere en psychiatrie.
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E
Génial <br /> <br /> Je te vénère encore plus maintenant que je sais que même si tu change de style ça reste génial. 😊
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C
J'aime le côté noir de cette histoire. C'est bien écrit, même si je me doutais de la chute.
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K
Bonsoir, <br /> <br /> J'ai enregistré ton blog il y a quelques mois déjà mais je n'ai pas encore trouvé le temps de lire tes oeuvres^^ Je viens de commencer avec cette nouvelle et j'en suis tombée des nues. Il est absolument magnifique. J'adore vraiment. C'est le genre de récit qui me dit tout de suite si j'aime à auteur ou non, même si le reste de ses écrits ne sont pas dans le même genre. J'adore ce que tu as écris et je trouve que tu as du talent. J'aime bien les histoires traitant de double personnalité^^ j'ai même un personnage de RP qui a une triple personnalité ce qui est assez spécial à mettre en scène^^ Bref, je vais aller lire tes autres récits et te dire ce que j'en pense :)<br /> <br /> <br /> <br /> P-S: Je suis une fan de Xena même si je n'ai pas eu l'occasion de regarder à la TV, tout le monde devrait connaître cette série^^
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