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Fictions Lesbiennes :)
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22 février 2016

Chapitre 7 : Si t’es intéressée…

Le stress est à son paroxysme Je regrette d’avoir dit oui.

Enfin non.

Disons que je regrette que pour une fois qu’elle m’invite, les circonstances soient celles-ci.

Anna nous a conviés Baptiste et moi à une soirée piscine barbecue chez elle. Lucie bosse donc ce sera « sans filet » pour moi.

Vous avez remarqué la présence du mot piscine ? Parce que moi oui !

La dernière fois que j’y suis allée, j’en suis ressortie humiliée et éclopée. Autant dire que je préférerais éviter de réitérer l’expérience.

D’un autre côté, c’est ma première invitation de sa part, ça me fait super plaisir et je ne veux pas refuser d’entrée.

Et là j’y suis.

Devant la porte j'entends.

Dans toute ma gloire.

Mon maillot de bain une pièce trop petit en dessous de mes vêtements compris…

J’ai tenté de faire un peu de sport, mais au vu des résultats, je n’ai pas de quoi être fière. Je n’ai pas l’impression d’avoir perdu un seul gramme. Au alors à peu près autant qu’en pissant dans un violon, pardonnez l'expression.

Une énième vérification m’indique qu’il s’agit bien de la bonne maison et me voilà à court d’excuses pour repousser l’échéance.

Je sonne.

J’entends des pas derrière la porte et suis accueillie par Anna elle-même, en maillot de bain.

Je fais un énorme arrêt sur image et pas de doute, ça se voit.

Vous avez déjà tenté d’empêcher vos yeux de vagabonder ? Je suis présentement en train de le faire et ça me demande une telle concentration que je sursaute en l’entendant dire :

- Coucou ! Contente que tu aies pu te libérer.

Et là elle s’avance, me fait la bise et m’octroie même une petite tape dans le dos, ce qui me fait littéralement perdre tous mes moyens :

- Sa- salut. Con- tente d’être là.

Génial, maintenant je bégaie.

Si la vie souhaite me gratifier d’un autre handicap, surtout qu’elle ne se gêne pas, ce n’est pas comme si je n’étais déjà pas gâtée.

N’empêche, dire que la dernière fois qu’on s’est vue elle était aussi chaleureuse qu’un bout de banquise, le contraste est saisissant. Je la préfère nettement comme ça. Même si ça signifie qu’elle a cru à notre mensonge et que ça fait de moi une garce qui n’assume pas…

- Viens, c’est par ici, Baptiste est déjà là.

Je m'apprête à retirer mes chaussures lorsqu'elle m'interrompt d'une main sur l'avant-bras :

- Garde-les, j'ai pas eu le temps de nettoyer par terre.

Machinalement, je regarde le sol. En même temps pour ramasser quoi, c'est impeccable.

Elle se retourne et je peux enfin m’en donner à cœur joie au niveau visuel.

Ah oui.

Quand même !

Finalement j’ai bien fait de venir !

Je la suis dans la maison, sans franchement faire attention à la déco. J’appréhende le moment où ils vont s’attendre à ce que je les rejoigne dans la piscine…

Mon meilleur ami est déjà en train de faire trempette lorsque je le salue de loin. Le connaissant, il est hors de question que je m'approche du bord, c'est sûr que je finirais à l'eau. En tout cas, cette piscine est immense !

Anna fait un signe de la main en direction du seul transat sans serviette et annonce :

- J'espère que ça te va.

- Oui merci, c'est parfait.

Je lui fais un sourire uniquement de façade. Pourquoi j'ai celui du milieu ? Y'en a pas plutôt un derrière un buisson ou un paravent ? Et il est hors de question que je retire mes vêtements en public. Un public de deux personnes, certes, mais public quand même.

J'étale ma serviette et m'assieds, tentant d'apparaître détendue.

Non non, rester avec mon jeans, mon haut manches longues et mes baskets sur un transat brûlant le tout sous un soleil de plomb n'est pas inconfortable du tout. Je fais mine d'ignorer les regards que me lancent Batou et Anna ainsi que les gouttes de sueur qui se forment sur mon front.

Évidemment, comme à son habitude Baptiste réduit mes efforts à néant :

- Ben tu te changes pas ?

- Euh si, si.

Dans ma recherche effrénée d'un endroit à l'abri des regards, j'en oublie même de le fusiller du mien ! Anna, toujours prévenante, comprend mon problème sans que je le vocalise et s'excuse :

- Ah pardon, viens je t'accompagne à la salle de bain.

- Merci.

J'attrape ma serviette pour avoir de quoi me "burka-niser" et la suis promptement. Ce serait dommage de faire un malaise si près du but.

Elle ouvre une porte et me guide à l'intérieur :

- Je vais me servir un verre de rosé en attendant, tu veux quoi ? J'ai du vin, du coca, de l'eau, du jus de banane...

- Euh... un rosé c'est très bien.

- Ça arrive ! Si t'as besoin de quoi que ce soit, je suis juste à côté.

- Merci.

Mais je n’espère pas. J’ai déjà assez abusé de sa gentillesse pour toute une vie.

Je ferme la porte à clef, observe mon reflet d'un œil critique et me décide.

La salle de bain n'est pas très grande mais fonctionnelle. Elle est visiblement peu utilisée - pas de brosse à dents ni de produits dans la douche-, soit Anna ne se lave pas (peu probable vu qu'elle sent bon), soit il y en a une autre dans la maison. J'essaie tant bien que mal de ne pas imaginer ma kiné sous cette même douche, mais c'est mission impossible.

Finalement à court de friandises mentales, je retire mes chaussures, chaussettes et mon jeans. C'est maintenant qu'on rigole... J'ai galéré à me faire un chignon qui tient miraculeusement à l'aide d'épingles à cheveux, c'est pas le moment de tout faire tomber à l'eau.

Je retire mon haut avec précaution, mais accroche une épingle.

Ah non ! Il est hors de question que je quitte cette pièce pour demander de l'aide avec tout à l'air sauf la tête ! Trop c'est trop !

Frustrée, je tire comme une brute et sens mes cheveux qui lâchent. Une fois libérée, je suis plutôt fière de moi. Moins de ce que je vois dans le miroir et de la touffe de cheveux attachée au haut. M'enroulant allègrement dans ma serviette, je reconstitue partiellement ma coiffure et sors à contrecœur.

Je me retrouve nez à nez avec Anna, verres à la main, accompagnée de sa réceptionniste.

O_O

Alors même que je ne fais rien de mal, je suis comme un daim pris dans les phares d'une voiture lorsqu'elle s'exclame :

- Tiens tiens... Mais c'est Mme MARIZY, la patiente préférée. Tsk tsk Anna... Tu m'en fais des cachotteries...

Je vois ma kiné rosir et secouer légèrement la tête. Donc je SUIS sa patiente préférée ! Je retiens un sourire aussi large que si je m’y étais coincé une banane alors qu’elle tente de garder la face devant les insinuations de son employée :

- N'importe quoi ! C'est l'amie de mon cousin, ne va pas te faire des idées...

- Trop tard.

Elle se tourne vers moi qui joue toujours à la statue de sel et me fait la bise :

- Moi c'est Tamiko, mais tout le monde m'appelle Tami.

Malgré moi, je hausse les sourcils. Maintenant que je connais son prénom, je réalise qu'elle est typée.

Anna, visiblement habituée à ce genre de réaction me refile le verre et nous pousse en direction de la piscine.

- Avant que tu ne demandes, c'est d'origine japonaise et oui elle en est bien trop fière !

Hé ben !

Une fois dehors, Anna marche vite et je traîne un peu pour glisser à son amie :

- L'écoute pas, moi j'aime bien c'est un super prénom !

- Merci ! Salut Baptiste !

Sans complexe, elle enlève son haut et le jette au visage d'Anna, qui vient de s'allonger sur son transat.

Ma kiné pousse le vêtement, l'air extrêmement blasée.

Elle s'adresse à Batou qui rigole et demande :

- Ré-explique moi pourquoi je l'ai invitée déjà ?

Tami retire sa jupe et grimpe à cheval sur Anna, énonçant :

- Parce que tu m'aiiiiimeuhhh !!

Elle se penche lentement en direction d'Anna. Je la regarde faire avec des yeux ronds, le cœur dans la gorge, anticipant un baiser langoureux.

Mais Anna soupire et la pousse sur le côté  comme une crotte :

- Dans tes rêves !

Soulagée, je me bidonne. Visiblement contente d'elle, ma kiné s'empare de son verre et le tend dans ma direction. Sans attendre, en bonne fayote que je suis, je me rue pour trinquer avec elle.

Tami n'en manque pas une miette et demande à Batou :

- Ça te fait quoi de savoir que ta cousine en pince pour Inès ?

- Hein ? C'est quoi ces histoires ?

Tous les regards sont braqués sur Anna, qui devient rouge pivoine. De là où je me tiens, je peux presque entendre la sirène d’alarme qui résonne dans sa tête. Ceci étant, à sa place je n’en mènerais pas plus large !

Sans manquer une miette de sa réaction, je profite de la distraction pour rapidement pénétrer dans la piscine, gardant ma serviette à portée.

- Ne l'écoute pas, elle dit n'importe quoi !

Une fois n'est pas coutume, non seulement ce n'est pas moi qui suis sur le grill mais Batou pose une question sensée :

- Si c'est faux, pourquoi t'es pivoine ?

Tami se relève et s'étire, faisant étalage de son corps bien entretenu. Comme si le sujet de conversation ne suffisait pas, elle en rajoute une couche dans un signe de tête en ma direction :

- Pourquoi ELLES sont toutes rouges tu veux dire !

Constatant que Baptiste s'apprête à se tourner vers moi, je plonge immédiatement la tête sous l'eau. Au diable mon chignon ! Technique de survie #465 : l'autruche.

Je reste aussi longtemps que possible et ressors d'un air détaché, soulagée de constater que les spotlights sont à nouveau sur Anna, même si le ton a changé :

- Ça suffit. Mêlez-vous de vos oignons. Vous voyez bien que ça la met mal à l'aise !

Ma kiné bouscule un peu son amie et exécute un plongeon parfait. Quelque part je suis un peu déçue que le sujet soit à présent clos, mais ça évite de remuer le couteau dans la plaie. J’aurais quand même bien aimé en savoir plus…

Tami hausse les épaules et réalise une gigantesque bombe juste à côté de Baptiste.

Anna refait surface à côté de moi et j'espère qu'elle avait les yeux fermés sous l'eau, je n'ai pas fait tout ça pour qu'elle découvre mon gras !

Un air contrarié sur le visage, elle prend la parole :

- Désolée. Elle s'amuse toujours à me mettre mal à l'aise, je ne pensais pas qu'elle allait  t'embarquer là-dedans.

- T'en fais pas. On se vengera !

Dans l'eau, je lui donne un petit coup de hanche complice, contente que la situation soit normale entre nous.

Depuis l'autre côté du bassin, Baptiste demande :

- Un waterpolo ça vous tente ?

Tami est conquise, Anna hausse les épaules et je n'ose pas dire non.

Un air coquin sur le visage, miss cheveux roses propose :

- On fait maillots contre sans maillots ? Batou et moi on les garde.

Ma kiné passe son bras autour de mon épaule, manquant de me couler, et annonce :

- On va plutôt faire les championnes contre les losers.

Alors comme ça elle a l’esprit de compétition ? Ça me plaît, mais j’espère qu’elle ne s’attend pas à ce que je fasse des miracles.

Elle s'empare du filet posé sur le bord de la piscine et le lance à son cousin.

Pendant qu'ils s'affairent à le mettre en place de leur côté, j'exprime mes doutes :

- Euh... Tu t'es peut être avancée la... J'y ai jamais joué !

- T'inquiète, on va les éclater, j'ai confiance en toi.

Je suis toute heureuse de l'entendre dire ça et espère me montrer à la hauteur de ses attentes.

On commence la partie et vu le nombre de tasses que je bois, j'ai peur qu'il n'y ait bientôt plus d'eau dans la piscine. Mais qu'importe, puisqu'Anna assure comme une bête. Baptiste et Tami ont beau faire tout ce qu'ils peuvent, non seulement elle est sur tous les ballons, mais elle les leur renvoie en mode boulets de canon.

Je ne suis pas la seule à le remarquer puisque Batou se plaint bien vite d'un ton geignard :

- Maiiis ! C'est quoi ce délire ? Si t'étais une gentille cousine tu nous laisserais une chance !

Alors oui, elle avait raison, on les lamine, mais je n'ai strictement rien à voir avec ça.

Enfin non, je suis mauvaise langue... La preuve, pile au moment où je pense ça je donne de ma personne en stoppant net un smash de Baptiste… avec mon visage.

Aoutch.

S'il m'a ruiné le nez je le tue !

Un peu sonnée, je me mets en mode "planche" pour récupérer. Pour les prouesses sportives on repassera. Anna glisse ses bras dans mon dos et me demande :

- Ça va ?

- Bah ba. Bais je crois que je bais m'arrêter là.

Tami nous rejoint de ce côté du filet et s'enquiert :

- Tu t'avoues vaincue ?

- Be bous fais une baveur !

- Pas faux !

Je me remets à la verticale, davantage parce que je ne veux pas être vue bedon à l'air que parce que je vais mieux.

Baptiste, loin de se sentir coupable, a quitté l'eau et farfouille du côté du barbecue.

Anna jette un coup d'œil inquiet en direction du garde-manger. Je la comprends.

- Je peux te laisser ? Je pense que si on veut qu’il reste quelque chose il faut que j'aille faire une opération sauvetage d'un autre ordre.

J'acquiesce d'un mouvement de tête :

- Oui ne t'en fais pas.

Sans que je m'y attende, elle m'attire à elle et me prend dans ses bras.

Je sens très clairement ses seins contre les miens. Il me semble que je viens d'entrer en état de mort cérébrale. J'ai néanmoins suffisamment de réflexes pour retourner le geste.

A mon oreille, j'entends :

- Tu vois, j'avais raison d'avoir confiance, t'as géré, partenaire !

- Merci, même si tout le mérite te revient !

Elle s'éloigne et j'ai beau me détourner de Tami, je suis persuadée qu'elle n'a rien manqué de mon air ravi.

Tami et moi nageons en direction du bord de la piscine et y posons nos avants bras à plat, le menton appuyé sur le dos des mains.

Allez, c'est le moment de lancer une conversation sur un sujet non épineux :

- Comment ça se fait qu'elle soit aussi bonne ?

- Au waterpolo tu veux dire ?

Face à son sourire, je lui adresse un regard blasé et réponds :

- Effectivement, oui.

Des deux mains, elle redonne forme à sa coiffure tout en m'indiquant :

- Elle en a fait huit ans au niveau national, elle peut.

- Tout s'explique !

Du coin de l'oeil, je vois que Tami me sourit et observe mon profil.

Dans le secret espoir d'éviter une remarque, je m'efforce de ne pas fixer Batou et Anna qui se chamaillent mais c'est difficile. Ils s'entendent comme chien et chat c'est plutôt marrant.

Me donnant un petit coup d'épaule amical, elle prend la parole :

- Désolée pour tout à l'heure. Quand je suis arrivée. Le... Sujet de conversation.

De peur que mes sentiments naissant ne soient visibles comme si écrits en lettres capitales rouges sur mon visage, je réponds sans la regarder :

- T'en fais pas, c'est ok.

Elle gesticule un peu dans l'eau et j'ai l'impression qu'elle a envie de me dire quelque chose.

C'est peut être ma chance ! Je me tourne vers elle et la dévisage. Normalement, ça marche à tous les coups. Ses yeux croisent les miens et en effet, quelques secondes plus tard elle se met à table :

- Vous devriez en parler. Enfin, si tu es intéressée hein.

Mon regard se porte sur Anna, qui a réussi à repousser Baptiste et place les saucisses sur le feu. J'ai envie d'aller me glisser derrière elle, d'écarter ses cheveux, l'enlacer et l'embrasser dans le cou...

Un soupir peiné plus tard, j'hésite à évoquer le sujet avec Tami. Elle a l'air d'être de mon côté mais elle reste l'amie d'Anna et je ne veux pas trahir sa confiance. Ni confesser ce que je ressens.

Oh et puis, pour ce que j'ai à perdre :

- On l'a fait. Enfin non... Disons qu'avant même que le sujet soit abordé j'ai été recadrée, elle a annoncé la couleur d'entrée. En gros, elle m'a expliqué que j'étais sa patiente et que c'était impossible, qu'elle devait soigner sa réputation... Fin bref.

Elle secoue la tête de gauche à droite visiblement agacée par ma réponse et lance :

- M'étonne pas. La bonne excuse. C'est bien pratique.

- Comment ça ?

- Je peux pas t'en dire plus que ça, mais l'autre abruti au cabinet n'est pas en mesure de dire quoi que ce soit. Et puis tu n'es plus sa patiente !

Hein ? Je fronce les sourcils, pas sûre de bien comprendre la remarque concernant MAURON. Mais je ne veux pas insister sur les détails car ça remue le couteau dans la plaie. Je hausse les épaules et annonce, défaite :

- Peut être que je ne lui plais tout simplement pas.

Tami me regarde d'un air blasé :

- N'importe quoi ! Je plaisantais qu'à moitié avec cette histoire de patiente préférée. Je la connais bien et je peux te dire que -

Elle s'arrête en pleine phrase lorsqu'Anna s'approche de nous et demande :

- Qu'est-ce que vous complotez vous deux ?

Je n'ai pas le temps de répondre que Tamiko ment pour nous :

- Rien, on parle de tes exploits au waterpolo. C'est prêt ?

- Bientôt, mais vous pouvez déjà venir vous installer.

Elle amène nos deux serviettes et retourne à son barbecue, suivie de nos regards. Quelque part, j’ai la nette impression qu’elle a apporté de quoi nous couvrir en grande partie pour moi et ça me touche beaucoup.

Tami s'extirpe de la piscine sans effort, juste à la force des bras, tandis que je me dirige vers les marches, serviette en main et parée à m'enrouler dedans.

Avant que nous ne soyons à portée d'oreille, elle me saisit la main et la serre, lançant :

- Ça n'engage que moi mais je crois que tu devrais tenter ta chance.

Je m'apprête à lui faire comprendre que c'est mort de chez mort et que je n'ai pas l'ombre d'un espoir, lorsqu'elle dit quelque chose qui sème le doute en moi :

- Si t'avais vu sa tête quand elle m'a parlé de cette fille que t'as rencontrée à la soirée, tu changerais sûrement d'avis...

Je me tourne brusquement dans sa direction.

O_O

Quoi ?

Elle sait pour Karen ?

Elle... Anna lui en a parlé ? Ça signifie que ... Et si elle était vraiment partie à cause de ça ??

Un flot de questions se bouscule dans ma tête et je relève aussi le ton sur lequel Tamiko l’a dit. Anna était jalouse ? Mon cœur fait un saut dans ma poitrine et mes espoirs se réveillent. Je dois me calmer. J’ai déjà donné niveau faux espoirs, il ne faut pas que je m’emballe.

Visiblement satisfaite de son petit effet, Tami presse le pas un grand sourire aux lèvres et file droit voir Anna, coupant court à toute conversation.

Garce.

 

*          *          *          *          *          *

 

Le moment d'extase de mon rêve me réveille en sursaut.

Tournant la tête, j'aperçois avec dépit les chiffres sur l'horloge. Ma petite sieste aura duré plus longtemps que prévu. Mes pensées retournent aux images généreusement distribuées par mon subconscient, bonjour la torture. Niveau scénario je ne me suis pas foulée mais par contre je n'ai pas lésiné sur l'action. Si on devait choisir un titre, ce serait sûrement quelque chose dans l'ordre de "rencontre torride". J'essaie de me rappeler la tête de l'autre protagoniste, sans succès. Il me semble que c'était une parfaite inconnue, le seul truc marquant était un genre de tâche de naissance à l'arrière du biceps. Bref... Pas le temps de m'épancher sur le sujet, Batou devrait arriver d’un instant à l’autre pour voir le match et je n'ai pas préparé ne serait-ce que l'ombre d'un apéro.

Je me lève en catastrophe, des fourmis plein la jambe droite et me déplaçant avec la grâce de quelqu'un essayant son pied-bot pour la première fois.

- Merde merde merde !

Je cours à la cuisine où m'attendent carottes à découper, Saint Moret, tartines, herbes, et autres pièces du puzzle. A peine le couteau en main, la sonnette retentit.

Glissant vite fait mes doigts dans mes cheveux pour leur redonner un semblant de forme, je clopine jusqu'à la porte d'entrée.

Pas de bol pour moi, Batou ne sera pas le seul témoin de mon look Frankenstein, puisqu'il est accompagné de Lucie et Anna.

- Bonsoir. Entrez.

Ils me répondent à l'unisson :

- Salut !

Alors que je m'écarte pour les laisser passer, Baptiste lève son pack de bières blanches à hauteur de mon visage en annonçant :

- J'ai à boire gourgandine !

- Merki ! Tu sais où poser le tout !

Il acquiesce en pointant la table basse du doigt.

Lucie répare quant à elle le reste des dégâts capillaires engendrés par ma sieste d'un autre coup de main et m'enlace rapidement.

Anna arrive à mon niveau, elle a un petit rire gêné et dit :

- Du coup j'ai l'impression qu'il faut que moi aussi je fasse quelque chose !

Ayant envie de voir ce que ça va donner, j'invente :

- Ah ça... Rituel oblige ! Je me contenterai de la bise !

Elle s'avance et me dépose un seul bisou sur la joue puis continue sa route.

Un énorme sourire aux lèvres, j'effectue un repli stratégique dans ma cuisine tout en dissimulant par la même occasion mon état de joie et ma démarche de crabe.

Je m’affaire le plus rapidement possible pour ne pas avoir l’air de la nana prise au dépourvu par l’arrivée pourtant prévue de ses amis. Au bout de quelques minutes, Anna passe sa tête dans l’embrasure de la porte.

- Besoin d’aide ?

Gênée, j’avoue :

- Un peu oui.

Elle vient près de la table et demande :

- Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

Si tu savais…

- Euh… Tiens, prépare les tartines.

Disciplinée,  elle s’y attèle immédiatement, tandis que je tente de faire la conversation :

-  C’était sympa de voir Tami en dehors du cabinet.

- Ça m’arrive très régulièrement, on est assez proches.

- Et vous vous liguez contre ce charmant Monsieur MAURON !

Le ton ironique sur lequel j’évoque ce dernier, pas de doute quant à l’affection que je lui porte. Ma kiné m’adresse un sourire complice et annonce :

- C’est possible. Mais t’as pas de preuves.

Un petit silence se fait. Elle ouvre une boite de pâté qui ne sent pas la rose et je n’arrive pas à retenir un :

- Ça vient de toi cette odeur ?

Elle me jette un regard blasé, accompagné d’un « très drôle »  tandis que je songe à me foutre sous un bus. Nan mais qu’est ce qui m’a pris !!. ? Même en étant nulle en drague, lancer à celle qui te plaît qu’elle sent le pâté de campagne n’est pas une bonne technique d’approche, je pense qu’on est d’accord.

Etant donné qu’elles ne se ressemblent pas vraiment, Anna étant beaucoup plus discrète, j’ai envie d’en savoir plus sur leur rencontre :

- Vous vous êtes connues comment ? Tu m'avais dit à l'école, mais vous étiez dans la même classe ?

-  Nan, juste dans le même collège. Un mec, Jonathan LABILLA, je m’en souviens encore de ce connard, emmerdait systématiquement les filles et elle a couru à notre rescousse, lui filant une raclée mémorable.

- M’étonne pas d’elle. Elle est très directe comme nana !

- Trop !

- Nan pas trop ! Moi j’aime bien !

Anna se détourne un instant de ses tartines et me lance un drôle de regard, comme interloquée. Je mets une seconde à comprendre et tente immédiatement de me justifier :

- Je … non… C’est pas ce que tu crois !

Elle lève la main qui ne tient pas le couteau dans un geste de « c’est pas moi » en précisant :

- J’ai rien dit !

Je l’observe d’un air dubitatif. Mouais, pas besoin, sa réaction parle d’elle-même. J’insiste donc :

- Oui ben… quand même !

Pi d’abord la seule qui m’intéresse vraiment est à côté de moi.

Voulant changer de sujet j’évoque sa famille :

- En tout cas Batou et toi vous entendez bien.

- Ohhh que oui. On a fait les 400 coups ensemble quand on était plus jeunes,  forcément ça rapproche.

- Comment ça se fait que vous vous étiez perdus de vue ?

- L’histoire habituelle : déménagement… Puis comme je ne suis pas branchée réseaux sociaux on n'a pas réussi à garder le contact.

- Ok…

Le silence se fait et elle me surprend :

- En tout cas il ne tarit pas d’éloges à ton sujet !

Je hausse les sourcils en entendant ça. Non pas que je m’attendais à ce qu’il me casse du sucre sur le dos, mais de là à louer mes vertus…

- Ah bon ?

- Oui. Apparemment s’il – je cite- « était lesbienne, t’aurais succombé à son charme» et vous « auriez fait plein de bébés ».

-_-

- Pourquoi ça ne m’étonne pas !?  Je vomis maintenant ou j’attends un peu ?

- Attends que j’évacue la nourriture s’il te plaît, je crève de faim !

Quand je pense à Batou ! Il ne manque pas d’air celui-là !

Mettant les mains sur mes hanches et tentant désespérément d’oublier le visuel qu’elle vient de me provoquer, je déclare fièrement :

- Je crois qu’on a fini !

A nous deux, on apporte les amuse-bouche sur deux plateaux et sommes accueillies par une ovation de Lucie et Baptiste.

Pile au même moment, les commentateurs annoncent que le match va débuter. C’est beau la synchronisation.

Anna s’installe sur le canapé aux côtés de mes deux amis. Un coup d’œil à l’espace restant m’informe qu’il n’y a pas suffisamment de place pour mon auguste popotin. Dépitée, je retourne dans la cuisine y chercher une chaise droite. Adieu confort, tu vas me manquer !

Alors que je reviens, Lucie me regarde comme si j’avais perdu l’esprit.

- Ne sois pas ridicule, viens t’asseoir on peut se serrer !

Elle se décale en direction de Baptiste, agrandissant à peine l’espace entre ma kiné et elle.

J’hésite toujours, malgré Anna qui tapote le canapé de sa main, ce sandwich-là n’était pas prévu au menu de ce soir ! Je vais aux séances de kiné, la vois en bikini, me colle contre elle… Plus que le supplice de la goutte d’eau et j’aurais la confirmation qu’on me torture.

C’est finalement Baptiste qui, entre deux bouchées de tartines, met fin à mon dilemme dans un éloquent :

- Pousse toi t’es devant l’écran, ils ont commencé !

J’abandonne (presque à regret) ma chaise inconfortable pour venir m’insérer entre Lucie et Anna. Ah oui là c’est sûr je ne risque pas de bouger ! Mes épaules sont broyées entre celles des deux filles.

Bon… Le match va être placé sous le signe de la douleur.

Ne s’embarrassant pas de cette situation, Lucie lève le bras et le pose sur le dessus du canapé, dans mon dos. Ça me laisse un peu plus d'espace et je lui en suis reconnaissante.

Beaucoup moins lorsqu’elle conseille Anna :

- Tu devrais faire comme moi, c’est nettement mieux !

Cette dernière se contente de rougir et de dire :

- Non ça va ne t’en fais pas.

Je lance un regard noir à Lucie et tente de changer de sujet en demandant à ma kiné :

- Tu as déjà suivi un match de hockey sur glace ?

- Non, c’est ma toute première fois.

Baptiste ne détourne même pas les yeux de l’écran et y va de son petit commentaire :

- Ne vas pas raconter  ça comme ça à la famille, j’aurais des soucis !

Je m’exclame :

- N’importe quoi, vieux pervers ! Lucie ?

Sans même avoir à vocaliser mon souhait, elle frappe la cuisse de Baptiste.

- Merci.

- De rien.

Anna nous observe en souriant et s'enquiert :

- T’aimes ça toi ?

J’ai envie de demander si on parle toujours du hockey mais ça me mettrait au même niveau que son cousin, c’est donc hors de question !

- Oui, tu vas voir c’est super animé, il y a de l’action en continu et ils ne passent pas leur temps  à se rouler sur la glace pour des fautes imaginaires.  La NHL c’est pas la FIFA.

- J’ai hâte de voir ça !

Plus qu’à espérer que ça lui plaise, parce que pour le coup on est mal barrées.

On regarde la télé en silence, les joueurs des deux équipes se donnant à fond. Les seuls sons proviennent de Baptiste qui sursaute et glapit à chaque occasion.

J’en connais un qui vit le match !

Après un choc particulièrement brutal ne créant pas le moindre arrêt de jeu, Anna se tourne légèrement vers moi, les sourcils levés :

- Ah oui ! T’avais pas menti ! Mais il n’y a pas de carton ?

- En cas de faute, les joueurs sont envoyés en « prison » pour deux minutes.

- Et là il n’y a pas faute ?

Elle me regarde d’un air de dire « nan mais déconne pas » qui est absolument trognon. Je hausse les épaules tant bien que mal :

- Il jouait le palet. Et l’arbitre sait que ce match va être tendu.

- Pourquoi ça ?

Je souris devant ses questions et son enthousiasme, ça fait plaisir de voir quelqu’un  d’ouvert qui s’intéresse à tout. Je remets donc mes baskets de prof, tout en sachant qu’elle m’écoute avec attention. Pour une fois que j’ai l’occasion de briller dans quelque chose !

- Non seulement ce sont les séries, en gros les phases finales  de la ligue de hockey en Amérique du Nord, mais en plus il s’agit des Boston Bruins contre les Canadiens de Montréal. Comme souvent pour deux équipes proches dans le même secteur géographique, ils se détestent.

- Ok.

Elle est à nouveau captivée par l’écran et se penche en avant un sourire aux lèvres, signe qu’elle est vraiment dedans. J’essaie tant bien que mal d’observer le match mais me retrouve à la contempler elle… Je l’imagine parfaitement avec son maillot, les fanions à la main. Un peu comme son cousin. Mais en beaucoup plus sexy !

Je sens les doigts de Lucie se serrer autour de mon épaule et elle me lance un regard interrogateur en montrant Anna d’un mouvement de la tête style « qu’est-ce que tu fous ».

Flagrant délit.

Su-per.

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