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Fictions Lesbiennes :)
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22 février 2016

Chapitre 8 : Mise au pied du mur

J’arrive au bar avec une boule au ventre. J’ai été « convoquée » par  Lucie et je sais très bien de quoi elle va vouloir parler.

Et en termes de préférence, c’est à peu près le dernier sujet que j’ai envie d’aborder, juste derrière « comment se déroule la sexualité lesbienne » en présence de mes parents.

À peine mes fesses posées sur le tabouret de bar qu’elle passe à l’offensive :

- Je pensais que c’était fini cette histoire avec Anna.

N’ayant plus rien à perdre, je tente un bluff :

 - De quoi tu parles ?

- Tu crois que j’ai pas vu ton petit manège ? Et inversement elle qui te suit dans la cuisine, rougit au moindre rapprochement…

Alors ça par contre ça m’intéresse.

C’est le moment d’appliquer la leçon numéro #125 des règles des espions en société, prêcher le faux pour connaître le vrai :

- N’importe quoi  ! Et elle ne fait rien de tout ça.

Elle me sert une bière qu’elle dépose devant moi :

- Inutile de nier, tu ne fais qu’aggraver votre cas !

Je hausse les épaules et détourne le regard, n’osant pas lui faire face tandis que j’admets :

- Mais c’est la vérité. Il ne se passe rien et je ne sais pas quoi faire. Elle m’a très clairement expliqué PAR DEUX FOIS, la honte, que j’étais sa patiente et que c’était impossible… Mais bon, elle me plaît et je ne contrôle pas…

Je porte le verre à mes lèvres, histoire de me donner un peu de répit.

- Mouais. C’est bizarre qu’elle se comporte comme elle le fait si tu ne l’intéresses pas ! Je veux dire… Elle te parle trois fois plus qu’à moi !

J’ai envie de répondre que le problème ne vient peut-être pas d’une question d’intérêt mais de professionnalisme exacerbé… Mais ce serait vaniteux dans le sens où je n’ai aucune certitude à ce sujet.

Espérant secrètement ainsi clore le sujet, je lance :

- M’enfin, ça va bien finir par me passer.

Lucie me jette un regard totalement alarmé, qui me ferait bien marrer s’il n’était pas accompagné d’une phrase inquiétante :

- Ça va pas où quoi ? Pour une fois que tu t’intéresses à une femme décente, hors de question que tu lâches l’affaire aussi facilement.

Elle est impossible. Cette nana est plus protectrice avec moi qu’une mama italienne juive avec son fiston préféré. C’est pour dire ! J’abats la carte compassion :

- Je peux quand même pas la forcer.

Elle me fait un sourire tout ce qu’il y a de plus effrayant et mon sentiment se trouve confirmé par ses paroles :

- Qui parle de forcer ? On peut lui faire réaliser que tu es là, prête et dispo pour elle…

- Dit comme ça on jurerait que tu évoques un service d’escort. Et comment tu comptes réaliser cette prouesse ? Parce que m’est avis qu’elle a bien saisi que moi j’étais partante, mais c’est de son côté que ça coince.

Imperturbable, c’est sur un ton de « woman on a mission » qu’elle m’ordonne :

- Fais-moi confiance. Rendez-vous vendredi, 22h30 ici, amène Batou et sa pote si tu peux.

- Lulu, sans vouloir te faire de peine, quand tu commences une phrase par « fais-moi confiance », en  général je m’inquiète. A quoi je dois m’attendre ?

- Tu verras bien ! Viens bras nus. Et si possible en jupe ou short.

Mon regard est tout ce qu’il y a de plus suspicieux, tentant de deviner à quelle sauce elle a l’intention de me manger :

- C’est-à-dire ? Je peux avoir plus d’infos ? Tu te rappelles que je ne suis pas une « professionnelle » hein ?

Je fais usage des guillemets afin qu’elle sache de quel type de professionnelle il est question.

- Ma décision est prise. Ne t’en fais pas, je travaille dans le milieu de la nuit, la séduction, les rapprochements… Ça me connaît. Allez file j’ai du boulot.

Me voyant congédiée telle une malpropre, je l’observe faire demi-tour et partir servir un client. La perspective de cette soirée est encore plus terrifiante que la fois où j’ai dû monter en voiture pour quarante minutes de route avec tata Hildegarde comme conductrice.  

Maintenant soyez informés que tata Hildegarde a des gros soucis de latéralisation et deux culs de bouteille en guise de lunettes…

Ça promet.

 

*          *          *          *          *          *

 

Le jour J arrive bien trop vite à mon goût. J’ai de la chance dans mon malheur puisque la période estivale me permet de suivre à la lettre les consignes vestimentaires de Lucie sans passer pour une cinglée qui a ses chaleurs.

Mais quand même, étant peu sûre de moi, le short moulant noir et le petit top sans manches décolleté comme il faut ne me mettent pas très à l’aise.  D’ailleurs étant donné la tronche qu’a fait Baptiste en me voyant arriver, lui non plus n’est pas habitué à ce que je dévoile autant de peau. Je m’installe à l’arrière de la voiture et on passe chercher Anna. La banquette arrière est une position stratégique d’où je peux voir sans être vue et ça, j’aime bien.

Je suis plutôt contente de constater qu’elle non plus n’est pas très couverte. Elle porte une petite robe d’été toute simple, un peu volante, d’un rouge sombre qui se marie bien avec la teinte châtain de ses cheveux détachés.

Si je n’étais pas convaincue de l’intégrité de Lucie je me demanderais même si elle n’a pas donné des indications stylistiques similaires à Anna. Mais connaissant mon amie, quoi que ce soit, son plan est forcément tordu et ce n’est pas le genre de ma kiné.

Enfin je crois.

On arrive au bar où notre barmaid préférée est déjà affairée. La foule n’est pas au rendez-vous, les vacanciers ayant certainement profité de ce mois de juillet pour partir plus au sud. Bon, il n’y a pas trois pelés deux tondus non plus hein, mais l’absence d’animation m’inquiète un peu. Si Lucie n’est pas débordée, je n’ai pas l’ombre d’une chance d’échapper à ce qu’elle a préparé. C’est qu’elle a de la suite dans les idées la bougresse.

J’ai eu beau la supplier ça n’a rien changé, elle n’a pas voulu me dévoiler le moindre indice. L'unique info que j’ai pu grappiller consistait en une seule phrase « je ne peux pas te le dire sinon tu te dégonflerais ».

En soi, avouez que c’est mauvais signe ! Surtout venant d’elle !

Elle nous accueille nonchalamment, démontrant une fois de plus son sens du bluff.  On est assis à l’arrondi du bar, d’où elle peut surveiller la salle et nous garder à l’œil. Baptiste est au bout, Anna au milieu et moi à sa gauche.

Le regard au loin, Lucie demande à personne en particulier :

- Alors quoi de neuf ?

C’est Baptiste qui se charge de répondre :

- Oh tu sais, trop rien. J’ai fini de m’installer, Inès est désespérément célibataire et Anna refuse toujours de me donner le numéro de Tamiko.

J’ai du mal à me décider : est-ce qu’il mérite un bisou ou la castration pour avoir fait une énième évocation de mon célibat devant Anna ? Nan parce qu’une association entre moi et le désespoir est peu flatteuse. Mais d’un autre côté, ça lui remémore que je suis là et disponible.

Ne relevant (malheureusement ?) pas ce point-là, Anna rétorque dans un sourire amusé :

- Elle vient ce soir, t’auras qu’à lui demander. Mais si tu t'attends à plus que ça, appelle-moi quand tu tentes ta chance, je veux être là !

Baptiste se tourne brusquement vers sa cousine :

- Pourquoi ça ? C’est quoi l’embrouille ?

Lucie lui jette un dessous de verre au visage en expliquant :

- Elle est probablement lesbienne abruti.

Outré, il fixe la barmaid d’un œil mauvais tout en se frottant la tête :

- Aïe. Mais comment j’aurais pu savoir ?

Anna prend le relai :

- En écoutant ce qu’elle racontait au lieu de lui regarder les seins ? Elle a évoqué son coup de cœur du moment.

Marmonnant, Batou dit d’un air blasé :

- N’importe quoi. C’est juste qu’on avait bien sympathisé. Vous voyez le mal partout.

Je suis le mouvement et me ligue également contre lui en lançant d’un air tout sauf convaincu :

- Oui oui. On te croit.

La soirée se déroule sans accroc et dans la bonne humeur, au point que j'en viens à me demander si Lucie a laissé tomber. Elle a été plutôt généreuse niveau boisson et tout le monde est pas mal saoul.

Lorsque je vois notre barmaid préférée croiser le regard de Tamiko qui acquiesce comme pour donner le feu vert, je sais que ce n'est pas le cas.

- J'ai une idée ! Et si on faisait des bodyshots ?

Ohhh, comme c'est commode. Pas besoin d'être douée en devinettes pour comprendre qu'il s'agit clairement d'un coup monté.

Tami ne montre pas l'ombre d'une surprise et s'exclame immédiatement :

- Oh oui, trop bien !

Bonjour l'actrice de série B, ça ne sent pas la spontanéité pour deux sous.

Anna, Batou et moi sommes nettement moins enthousiastes.

- Euh... Avec ma cousine ?

Je ne sais pas si elles avaient anticipé le truc ou si elles sont prêtes à tout, mais Tamiko s'approche de mon meilleur et lui annonce :

- Non, avec moi. Enfin si on le fait. Anna, Inès vous en dites quoi ?

J'essaie de scruter sa réaction mais mon coup de coeur a juste l'air inquiète, ce qui ne booste pas ma confiance en moi. Je m'apprête à me défiler lorsque Lucie demande :

- Anna, t'en es ?

Mes yeux croisent ceux de ma kiné et je tente de ne pas laisser transparaître mon désir et mon appréhension. Je n'arrive pas à deviner ce qu'elle pense.

Est ce qu'elle trouve ça bizarre ? Est ce qu'elle en a au moins un peu envie ? Elle ouvre la bouche, puis la referme, puis la réouvre... Soit l'alcool à réduit ses facultés mentales à celles d'un poisson, soit elle ne s'y attendait VRAIMENT pas.

Baptiste, ayant certainement hâte d'entamer les choses sérieuses avec Tami, n'hésite pas à décider pour sa cousine :

- Mais oui elle est partante, on commence ?

Lucie ne perd pas un instant pour s'exécuter et sortir citron, sel et tequila...

Alors que Tamiko se sacrifie pour l'équipe, je garde un oeil sur Anna, m'attendant à ce qu'elle prenne ses jambes à son cou.

Elle se contente de rester là, sonnée comme si on lui avait filé un coup de pelle en plein visage. Sauf qu'elle est jolie, ce qui ne serait pas le cas après ce genre de mésaventure, mais je me comprends.

Bien trop vite à mon goût, Baptiste à l'air du type qui a gagné au loto et je me retrouve sous les feux des projecteurs.

Lulu m'indique d'approcher dans un signe de la main. Sachant qu'elles font tout ça pour moi et ayant perdu tout bon sens en même temps que ma sobriété je m'exécute, sans pour autant être rassurée.

Faisant comme à la maison, Lucie ignore ma pudeur et cale un shooter de tequila entre mes seins. Bien évidemment, j'ouvre la bouche pour m'en plaindre et elle en profite pour y fourrer une rondelle de citron. Je n'ai pas le temps de réagir qu'elle saupoudre du sel dans le léger creux de ma clavicule et me tourne pour que je fasse face à Anna.

- Anna, ton shooter est avancé.

Je lance un regard noir à mon amie. Je viens de réaliser qu'ils ne m'ont même pas demandé mon avis !

Minute, est ce que ça veut dire qu'ils sont tous au courant ? Est ce qu'Anna a remarqué ?

Ma kiné n'à pas l'air sûre d'elle, les sourcils en  accent circonflexe, ses yeux noisette se posant à peu près partout sauf sur moi.

Une éternité passe et....

Rien.

Elle ne bouge pas.

Je me sens parfaitement ridicule et totalement rejetée.

Qu'est-ce que j'ai cru ?

Je vais tuer Lucie.

Comme si j'avais besoin d'une rebuffade de plus. Maintenant il faut arrêter avec les humiliations, j'ai eu mon quota, j'ai bien saisi. Célibataire un jour, célibataire toujours. Conne que je suis, j'ai encore une fois visé trop haut en espérant que ça allait fonctionner.

Pfff...

Ouais, notre rendez-vous "surprise" était tendu niveau ambiance, mais c'était pas sexuel, juste de la gêne. Comment j'ai pu croire qu'il pouvait en être autrement ?

Je lève la main dans la ferme intention de mettre fin à cette mascarade en récupérant le shooter lorsque Tamiko prend la parole, s'adressant plus à ma poitrine qu'à moi :

- Ah non, hors de question que tu t'en tires à si bon compte, si la carpe derrière moi ne sait pas reconnaître une chance quand elle en voit une, moi si ! Je vais le faire...

Elle m'oriente pour me placer dos au bar, renversant un peu de tequila sur mes seins. Lui faisant à présent face, ses yeux parcourent mon buste et je me sens totalement vulnérable.

Pas dans le bon sens.

Après la prise de conscience que je viens d'avoir, j'ai envie de pleurer. Et de me cacher. En tout cas pas d'être là.

Tami d'approche de moi d'un air prédateur, jusqu'à se trouver à quelques centimètres. Elle s'abaisse en direction du shooter et ça semble sortir Anna de sa torpeur.

- N-...NON ! Je vais le faire ! ... C'est à moi de le faire.

Nous faisant sursauter, Anna bouscule son amie pour prendre sa place et aussi contente que je sois de savoir qu'elle va le faire, la manière dont elle a formulé la chose ne vend pas du rêve.

"C'est à moi de le faire". C'est mon tour de faire la vaisselle... C'est à moi de nettoyer les toilettes...

Mon attention revient au présent lorsqu'Anna place ses mains sur mes hanches. Pour la première fois depuis que je suis parée pour le body shot, son regard croise le mien. Ses pupilles sont gigantesques, mais impossible de savoir si c'est l'alcool ou l'excitation. Avec un peu de chance, les deux.

Elle s'approche encore, son attitude vraiment intense, complètement focalisée sur moi. Pour ma part, je suis divisée. D'un côté j'ai conscience de l'audience, de l'autre j'ai enfin ce que je voulais. L'attention d'Anna.

Les yeux dans les miens, elle se baisse et stoppe, les lèvres à quelques millimètres du shooter et de ma poitrine. Mon cœur bat la chamade et je respire plus fort que d'ordinaire, attendant. Je dois faire un réel effort pour ne pas ouvrir la bouche et laisser tomber la rondelle de citron.

Son regard soutient le mien lorsqu'elle place ses lèvres autour du shooter et tire pour l'extraire. Elle bascule la tête en arrière pour le boire, resserrant ses mains sur mes hanches pour le support.

Tami s'empare du shooter et, dans un clin d'œil à mon attention, lance :

- Il en reste.

Anna observe rapidement le haut de ma poitrine, au-dessus de mes seins, où un peu de tequila a été éclaboussé. Cette fois, elle ne présente pas la moindre trace d'hésitation et resserre son emprise, m'attirant à elle et baissant la tête. Au moment où ses lèvres écartent mon collier et touchent ma peau, je sais que tout espoir que j'ai pu avoir d'étouffer mes sentiments naissants était une vaste farce. On est peut être saoules, mais je sais ce que je ressens. Et c'est pas de la gnognotte.

Elle remonte et passe sa langue sur le sel et je me rends compte que ma main est naturellement venue se glisser dans ses cheveux, l'incitant à continuer. Sa langue me paraît brûlante et pourtant je frissonne de partout. Mes seins réagissent au point que mon soutien-gorge en devient inconfortable. Toute la scène dure à peine quelques secondes mais je les vis comme en transe, au ralenti. Peut-être que je sur-analyse, mais je souhaite me souvenir de tout.

Finalement, satisfaite, Anna se recule et plante ses yeux dans les miens. Notre position est on ne peut plus intime. Elle est tellement tout ce que je veux que j'en ai mal au coeur.

Je ne sais pas ce qu'elle voit dans mon regard, mais ça la pousse à plaquer totalement son corps contre le mien et je me sens l'inciter à continuer de ma main à l'arrière de sa tête.

Elle approche son visage du mien et mord dans le citron.

Je suis déçue que ses lèvres ne touchent pas les miennes, même si techniquement c'est déjà plus que je ne suis en droit d'attendre.

Le moment prend fin lorsqu'un un vieil alcoolo qui se met à applaudir et Baptiste dit :

- Wow... Pourquoi on l'a pas fait comme ça nous ? Ça a l'air bien ! On recommence ?

Tamiko secoue la tête en souriant et lui file un petit coup dans le ventre :

- Dans tes rêves !

 

*          *          *          *          *          *

 

Je me tiens à deux bons mètres du bord du quai. Étant donné que la terre tangue, je préfère me méfier. Je pense qu’actuellement, au niveau quantitatif c’est 50% sang 50% alcool à l’intérieur de mon corps.  Autant dire qu’à l’instant T, j’ai les capacités cognitives d’une huitre pas fraîche.

Un coup d’œil sur ma gauche me rassure. Baptiste est assis sur un banc et a l’air plus éméché que le SDF (qui pourtant en tient une couche) de l’autre côté.  Espérant que l’un de nous trois sauve la mise, j’observe Anna qui me fait un sourire éblouissant, toutes fossettes dehors !

Elle est vraiment belle. C’est pas juste.

Si au moins elle m'avait laissé ma chance... Quand on était sobres hein !

Comme le dirait Tegan "maybe I would have been something you'd be good at... Maybe you would have been something I'd be good at". Merde, maintenant j'ai envie d'écouter call it off.

Le tramway est en approche et quelque part ça me soulage, étant donné que ça implique que la soirée torture touche à sa fin.

Malheureusement, les places assises sont chères et Batou, aussi bourré qu'il soit, arrive à venir s'échouer sur le dernier siège disponible. Dépitée, je me dirige contre la vitre opposée à l'entrée, histoire de pouvoir au minimum m'adosser. J'ai un peu peur de ce que mon état va donner une fois ballottée. Les portes se ferment et le tramway se met en marche, dans un silence relatif. Anna se tient à une distance tout à fait raisonnable, mais suffisante pour me perturber. Après une soirée pareille, mes sens sont toujours sans dessus dessous. L'arrêt suivant signe la fin de mon répit.

Le stade.

Un soir de match.

Une horde de supporters au moins aussi éméchés que nous s'engouffre dans le wagon et adieu espace. Je me retrouve plaquée contre la vitre par le corps d'Anna, poussée par la foule. Elle est proche.

Très proche.

Trop proche.

Je prends de grandes inspirations dans le but de me contrôler. Ses bras sont de part et d'autre de ma tête. Elle se tient tout autant qu'elle empêche que je ne me fasse écraser. Vu la population derrière elle, ma gratitude atteint des sommets. Enfin pour le coup c'en est une double. Merci a Anna de me "protéger" et merci à eux de créer une autre friandise mentale que je pourrais déguster plus tard. Et quelle gâterie. Je l'ai observée en maillot de bain, j'en suis encore toute émoustillée, mais la sentir à nouveau... Pfiou ! Y'a du niveau.

Malgré moi, mon coeur repart pour un tour. Je sais que c'est l'alcool qui parle, ou peut être juste mes sentiments, mais toujours est-il que dans cette position j'ai l'impression qu'elle m'enlace.  Mon regard va trouver le sien. Toutes mes terminaisons nerveuses se sont données rendez vous là où on se touche, j'ai littéralement le coeur dans la gorge.

Peut être que Tamiko a raison et que je devrais tout lui dire.

Ou au moins donner un indice.

Comme lui rouler une grosse pelle puis, si elle ne répond pas au baiser, sortir le classique "je ne sais pas ce qui m'a pris" et accuser l'alcool. Après tout il a bon dos.

Ma kiné se mord la lèvre inférieure et lance d'un ton torturé :

- Me regarde pas comme ça.

Eh oh ! Je suis saoule mais pas stupide ! Bien sûr que je vais m'empresser de continuer ! C'est bon signe ça non ?

Elle se colle un peu plus à moi et à sa manière de se déplacer je sais que ça n'a rien à voir avec une quelconque pression d'un supporter.

Sa main droite quitte la vitre et vient se poser sur mon épaule.

J'arrête de penser.

J'oublie le tram, la soirée, les supporters, Batou torché juste à côté.

J'oublie tout, sauf elle.

Inconsciemment, je me retrouve à placer mes mains sur ses hanches, juste comme ça, posées. Quasiment la position miroir du body shot.

C'est comme une acceptation tacite.

C'est ok de toucher. Je suis déjà à toi...

Ses doigts glissent dans mon cou et vont se nicher dans ma nuque, à mi-chemin dans mes cheveux. Son regard est intense au point que j'en oublie de respirer.

Je suis sûre qu'elle va m'embrasser, mais quelque chose semble la retenir. J'en ai tellement envie que mes mains se crispent sur ses hanches et l'attirent à moi. Ce devait être le signal qu'elle attendait. Je suis surprise qu'elle ne m'embrasse pas et pose son front contre le mien pour admettre :

- Je suis trop saoule pour réussir à me convaincre de te résister...

Quoi ? Est-ce que j'ai bien compris ce qu'elle vient de dire ? Je lève les yeux vers elle, pleine d'espoir. Si nous n'étions pas bourrées, ma tête l'aurait sûrement effrayée. Seul quelqu'un de pas net aurait l'air aussi content à cette idée.

Elle s'approche au point que nos souffles se mêlent. Quelque part, j'ai conscience qu'elle attend que je fasse le premier pas, mais tout mon courage s'est fait la malle en même temps que mon estime de soi. Ca fait un moment que je fantasme cette histoire, j'ai vraiment peur d'être déçue. Pire, de la décevoir.

L'expression "qui ne tente rien n'a rien" me vient à l'esprit. Après tout, c'est vrai. Et au moins je serai fixée. Je n'arrive pas à me résoudre à cette amitié alors...

Décidée, je m'apprête à franchir les quelques millimètres qui nous séparent lorsqu'un son quasi inhumain sort de de la bouche d'un des supporters. Surprises, nous nous reculons comme brûlées alors qu'ils entament tous un "chant victorieux".  Si tant est que les mugissements qu'ils poussent puissent être qualifiés de tels.

L'instant est brisé, et comme il faut.

Anna se détache de moi, sonnant le glas de mes espoirs naissants.

Il ne me reste plus qu'une sensation de vide là où sa main se trouvait.

Putain.

J'ai raté le coche. J'y crois pas !

Quand le jour de la remise des prix de connerie aura lieu, j'ai intérêt à bien choisir ma robe parce que je vais tous les rafler !

Bon, en même temps avoir notre premier baiser alors qu'on est toutes les deux torchées ce serait plutôt moyen.

Je ne sais plus quoi faire.

J'ai beau savoir qu'il vaudrait mieux lâcher l'affaire, mon coeur n'arrive pas à s'y résoudre.

La moindre situation ambiguë relance tous mes espoirs.

Il n'y a qu'une explication possible : mon subconscient est un indécrottable masochiste. Étant donné qu'on habite en bout de ligne, le tram commence à se vider petit à petit et bientôt il ne reste plus que Batou qui ronfle comme un sonneur, Anna et moi. Elle s'est reculée et n'ose plus croiser mon regard... Et si j'avais ruiné toutes mes chances avant même d'avoir pu vraiment tenter le coup ? Cette soirée a été trop loin.

Ou alors ça y est, elle a repris ses esprits et se rappelle que je ne l'attire absolument pas...

Son arrêt est le prochain. Elle demande, observant son cousin :

- Tu vas t'en sortir ?

- Oui, t'en fais pas. On était au lycée ensemble, c'est pas la première fois que je le ramène !

- Ok...

Le tram marque un stop et les portes s'ouvrent. Anna me regarde et je vois sur son visage qu'elle lutte pour trouver les mots.

Finalement rien ne vient.

Elle me fait un signe de la main plutôt maladroit et descend, sans se retourner.

Le tram continue son chemin et la boule dans ma gorge grandit. Le moins que l'on puisse dire, c'est que de mon côté le constat de cette soirée est douloureux. J'ai voulu jouer et j'ai visiblement perdu. Elle a failli craquer mais au final la seule chose qui a cédé c'est le semblant d'amitié qu'on a.

 

*          *          *          *          *          *

 

Je me réveille sur le canapé de Batou avec l'envie de mourir mais néanmoins de bonne humeur. Oui j'ai réitéré et oui j'ai la gueule de bois, mais ça fait longtemps qu'on n’a pas eu de moment à nous.

Aussi... "Lui" soit-il, il me manque.

Depuis qu'il l'a retrouvée, il passe quasi tout son temps avec Anna. Je comprends qu'ils étaient proches étant enfants mais... Je sais pas... Quand elle est là, j'en suis vachement consciente et je suis dans la retenue. Avec Baptiste c'est l'inverse, on se dit tout et je n'ai pas peur d'être ridicule ou de faire mauvaise impression.

Et après hier soir, j'ai besoin d'un break.

Un sevrage brutal.

En attendant, je compterai sur lui pour vivre une vie amoureuse par procuration.

Il émerge de sa chambre en T-shirt et short et je suis contente de le voir au point d'avoir presque envie de le prendre dans mes bras.

Presque.

- Salut. Bien dormi ma belle ?

À vrai dire, j'ai très peu dormi. J'ai passé la nuit à ruminer et scruter mon téléphone pour un message d'Anna qui n'est jamais venu. Mais le lui dire pourrait m'amener à devoir lui expliquer alors j'opte pour un mensonge par omission :

- Comme quelqu'un qui a trop bu alors qu'elle avait juré de ne plus recommencer ! Toi ?

- Mal au crâne. Même constat, mais au masculin.

Compatissant, je lui jette le tube d'aspirine qu'il attrape au vol. Le temps qu'elle infuse dans un verre d'eau, il regarde son téléphone :

- Si ça peut te consoler, j'ai eu un SMS de ma couz, elle ne va pas mieux.

Je m'efforce de sourire, dépitée. Au moins lui il a eu un message.

Histoire de vérifier, je consulte ma boite de réception pendant qu'il ingurgite son médicament.

Un message !

Un grand sourire me vient vite aux lèvres et repart aussitôt.

Sur l'écran s'affiche :

Coucou ! J'espère que tu te souviens encore de moi, parce que de mon côté je ne t'ai pas oubliée loin de là. J'ai quelques jours de repos en fin de semaine prochaine, ça te tente toujours d'aller manger un bout ensemble (ou faire autre chose si tu as une idée) ? :D Bises. Karen

Batou s'affale à côté de moi sur le canapé et voyant ma réaction, lit à son tour :

- C'est pas une bonne chose ?

- Si si.

- Alors pourquoi tu fais une gueule pareille ?

Je hausse les épaules, ne sachant pas quoi dire. Parce que j'attendais un message de ta cousine ?

- Elle te plaît pas ?

Pas comme Anna.

- Si... Je sais pas... J'espère juste être à la hauteur, je ne suis pas sûre de pouvoir supporter une déception de plus.

Il enroule son bras autour de mes épaules en répliquant :

- Tu déconnes ? Ça fait une paire de jours que t'as repris du poil de la bête ça fait vraiment plaisir à voir ! Elle risque d'être surprise, mais dans le bon sens, tu rayonnes, je t'assure !

- Ouais bah aujourd'hui j'en ai pas franchement l'impression...

Je rayonne plutôt façon roue de VTT voilée...

Ouh c'était nul !

Encore pire que d'hab ! Si j'en arrive à perdre mon sens de l'humour, ça va pas le faire ! C'est à peu près la seule chose que j'ai pour moi, j'en ai besoin !

Je baisse la tête et joue avec le tissu de mon haut du bout des doigts, histoire de me donner une contenance.

Tout sourire, comme s'il n'avait pas remarqué mon imitation de grumpy cat, Baptiste se penche et s'empare de son arme fatale anti déprime :

- T'en fais pas, j'ai la solution ! Tadaaa !

Je n'arrive pas à m'empêcher de rigoler en le voyant me présenter les DVD de Buffy contre les vampires comme s'il s'agissait du Saint Graal.

Intérieurement, j'ai déjà cédé, même si on les as tellement regardés qu'on fait les doublages nous-mêmes, ça me remonte toujours le moral. Mais j'ai envie de faire ma chieuse :

- Mouais... Je sais pas trop...

Un air malicieux sur le visage, il me porte le coup de grâce :

- J'ai du Nutella et de la glace, et si t'es sage on peut même mettre la saison 3...

Il n'attend pas ma réponse pour se lever. En même temps il devrait y avoir une loi contre ça. Une jolie brune badass avec des pantalons en cuir moulant... C'est tricher ! Et je n'aurais jamais dû lui infliger les Bridget Jones, il a très vite inculqué les rituels féminins antis baisse de moral. Sa prochaine copine pourra me remercier, c'est moi qui vous le dit ! Je lui ai tout appris à ce petit ! C'est un bon poulain !

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Commentaires
J
T'es juste adorable de laisser des commentaires sur les chapitres qui t'ont plu et pas seulement à la fin des histoires ! Merciii !
Répondre
V
Cette scène dans le tramway est juste sublime... 😍
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