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Fictions Lesbiennes :)
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7 novembre 2012

Chapitre 9

Installée comme une grosse limace au fond du canapé de Nico, je fixe mon téléphone depuis dix bonnes minutes. J'ai l'impression d'être une collégienne qui attend des nouvelles du mec le plus mignon du coin et reste collée au téléphone, tout ça pour pouvoir lire son hypothétique message dans la seconde.

Sauf que j'attends des nouvelles d'Erin, qui n'est définitivement pas un homme... Je souris en repensant à ce qui s'est passé dans le bureau...

En plus, elle est beaucoup plus que juste "mignonne". Je la revois avec ses cheveux quasi noirs, trempés, ses iris sombres si expressifs et la moitié de ses habits !

Quoi ? Si vous l'aviez vue, vous ne jugeriez pas et seriez surpris que j'arrive à penser à autre chose qu'à cette image. Même moi ça m'étonne !

Mes yeux retournent sur le téléphone. Oui, je pourrais lui envoyer un message, merci je sais... Mais... Je veux voir ce qu'elle en pense au ton du sien, etc.

Enfin, ce que j'essaie de dire c'est que MOI je ne sais pas trop quoi en penser donc je voudrais bien savoir ce qu'il en est de son côté, si elle regrette ou... Non pas que moi oui. Les circonstances, un peu, mais pas d'avoir cédé. Je m'entends : j'ai tenté de lutter, mais je suis toujours revenue au même point avec elle. À avoir envie de plus. À un moment il faut arrêter de se voiler la face et accepter les faits. Mais entre sa « rupture » très récente et la mienne très irréfléchie, l’instant n'est pas idéal... Une vague de culpabilité que je n'ai pas franchement volée m'envahit en songeant à Julien et Nico.

Je fronce les sourcils en pensant à un truc : Est-ce que ça fait de moi une lesbienne ?

Avant que je puisse répondre, mon téléphone vibre dans mes mains. Souriante, je le déverrouille et lis le message.

Je t'ai pris quelques fringues, je reviens. Ps : comme tu t'en doutes, il est pas super bien, stp essaie de lui parler rapidement.

Nico...Génial, comme si je ne me sentais pas assez coupable comme ça. Et je suis encore pire quand on pense que je suis déçue que le sms soit de lui. Oui, je l'ai très courageusement envoyé chercher quelques affaires chez moi. Je n'ai pas envie de voir Julien et le moment est mal choisi. Non seulement j'ai "craqué" aujourd'hui, mais en plus même si je n'ai aucun droit de l'être, je suis fâchée qu'il ne m'ait pas harcelée de textos. Après deux ans et demi, ça montre à quel point il tient à moi. D'ailleurs, je ne suis pas sure de croire Nico qui me dit qu'il n’est pas bien...

Mon téléphone vibre à nouveau. C'est bon, il ne va pas me faire un compte rendu minute par minute non plus !

Un immense sourire vient spontanément sur mon visage en voyant s’afficher le nom de l’expéditrice.

Hey... J'espère que ça va. Je pense à toi.

Ok... Ça ne me renseigne pas des masses ça.

Je commence à répondre, optant pour :

Hey toi-même ! Ça va et toi ? Tjrs trempée ?

Je fronce les sourcils en me lisant et modifie :

Tjrs trempée (par la pluie) ?

C'est encore pire... J'efface et écris :

T'as pris ta douche ?

Non ça va pas elle va croire que j'insinue qu'elle pue. Je recommence à nouveau :

Voyons... Ah je sais !

T’es bien rentrée ? J’espère que t’avais soif vu ce qu’il tombe !

Héhé… Pas mal ça. Ça fait référence à ce qui s’est passé, mais sans trop en dire !

Une éternité plus tard… Bon, ok, 2 minutes plus tard, je lis sa réponse :

Oui je suis rentrée en un seul morceau ! Je vais aller me prendre une petite douche. Et pour ta gouverne, la pluie a bien meilleur goût sur toi. ;)

Docteur, c’est normal qu’une phrase aussi simple que ça me crée des palpitations ?

J'ai très envie de garder le message, mais pas tellement d'avoir des preuves compromettantes dans mon tel.

Je ne sais pas combien de temps je vais tenir dans cette situation. Et puis je suis une terrible menteuse de toute manière.

Une nouvelle fois, mon téléphone vibre.

Tu regrettes ?

Gulp. Hum...

Je fronce les sourcils et me creuse les méninges, cherchant quoi répondre. Finalement, je décide d'être un peu courageuse, quitte à m’en mordre les doigts plus tard et rédige :

Seulement l'interruption. Toi ?

J'envoie vite le texto avant de me dégonfler et attends avec une totale impatience de voir sa réponse.

Je mentirais si je disais le contraire. Non, je suis surprise de ta réaction, mais je ne vais pas me plaindre !

J’entends le bruit de moteur caractéristique à la poubelle que conduit Nico et tape rapidement :

Tant mieux. Nico est de retour, au cas où il me confisquerait le tél, je t’embrasse.

 

Je jette le téléphone et fais semblant d’être captivée par l’émission qui passe à la télé au moment où il rentre dans la pièce. Il s’approche et me fait un bisou sur le front avant de me lancer mon sac de linge sur les genoux.

-          Tiens, trouillarde !

Il soulève mes jambes et s’installe en dessous, les yeux immédiatement rivés vers l’écran.

-          Tu regardes quoi ?

-          Aucune idée !

Il sourit et attrape la télécommande pour zapper. Je vois bien qu’il a envie de parler de quelque chose, mais n’ose pas. Au bout de dix minutes, je craque et lui dis :

-          Crache le morceau !

-          De quoi tu parles ?

Son air étonné marcherait peut-être sur sa mère, mais j’y suis complètement immunisée ! Je lève un sourcil et fais l’effort de contracter mes abdos pour me relever et lui coller une petite claque à l’arrière du crâne.

Il marmonne, mais j’entends très clairement sa réflexion sur l’hébergement  de sdf aux tendances violentes. Je m’apprête à réitérer mon geste, mais il se protège et lance :

-          Ok ok je vais parler !

Je lui adresse un sourire suffisant et me réinstalle, croisant les bras derrière la tête.

Like a boss !

Il lève les yeux au ciel et se met à jouer à dessiner des trucs sur le canapé en daim, passant ses doigts de telle sorte qu’ils laissent une trace. Au bout de quelques secondes, il demande :

-          Qu’est-ce qui t’as vraiment poussé à le quitter ?

Réflexion faite, tu peux garder le morceau !

Je grimace involontairement et baisse la tête. Nico pose sa main sur mon genou et ajoute :

-          Tu sais que tu peux tout me dire.

Restant la tête penchée, je le regarde entre les mèches de cheveux qui sont tombées sur mon visage, jaugeant de sa sincérité. Il hausse les sourcils et me fait un sourire en coin. Il me fait des caresses avec son pouce et le pire c’est que ça me détend effectivement.

-          Je…

Je ferme les yeux et prends une grande inspiration. J’espère que je ne vais pas regretter lui avoir fait confiance.

-          Je crois que je suis tombée amoureuse de quelqu’un d’autre.

Il me regarde d’un air complètement crétin, les yeux totalement écarquillés, la bouche ouverte. Au bout de quelques secondes, je me demande s’il m’a pas claqué dans les pattes, puis je le vois cligner des yeux et recommencer de plus belle.

Je n’aime pas du tout ce genre de situation. Je m’assieds correctement à côté de lui, comme si ça allait arranger mon inconfort. Ne tenant plus, je le presse :

-          Dis quelque chose, s’il te plait.

Il se secoue la tête, comme pour sortir de sa torpeur et répond :

-          C’est la dernière chose à laquelle je m’attendais ! C’est qui ? Je le connais ?

J’aurais mieux fait de me taire, forcément il allait vouloir en savoir plus !

Here goes nothing…

-          Tu la connais.

Nico penche la tête, fronçant les sourcils, cherchant à comprendre. Puis soudain son visage se relâche et adopte un air abasourdi, et c’est les sourcils frôlant son cuir chevelu qu’il demande d’un ton bien trop aigu pour un mec ayant encore ses attributs :

-          Erin ?

Je ferme les yeux et acquiesce de la tête. Je l’entends lâcher un souffle étonné et je n’ose pas relever mes paupières pour voir son expression. Je pourrais peut-être vivre éternellement comme ça d’ailleurs.

 Pour écrire au tableau et corriger les copies ça risque d’être délicat, mais le reste je peux gérer !

Il me pousse de son épaule contre la mienne et chuchote d’un ton doux :

-          Hey…

Ça me décide et je tourne la tête pour le regarder, tentant un sourire timide.

Il me fixe en retour et je n’arrive pas à lire son expression. J’attends. Qu’il me juge, qu’il me dise que c’est impossible, que je suis hétéro, une garce, que …

Il me fait un grand sourire et demande :

-          Et tu en as parlé à l’intéresséE, histoire de savoir ce qu’elle en pense ?

Je fronce les sourcils. Il n’est pas…

-          Tu n’es pas fâché ?

Il se recule et me regarde comme si je lui avais annoncé quelque chose d’improbable, du style que j’attends un enfant de lui.

-          Pourquoi je le serais ?

-           …

Je ne réponds pas, je n’ose pas. C’est affreux à quel point je me sens coupable, même si je n’ai pas choisi ce qui m’arrive. Peut-être qu’il ne réalise pas encore ce que je viens de dire, et je ne compte pas l’y aider !

Il entoure mes épaules de son bras et m’attire à lui. Je le suis tandis qu’il se réinstalle dans le fond du canapé, ma tête nichée au creux de son cou. Je le sens déposer un baiser dans mes cheveux et il se met à murmurer :

-          Bon… Je vais te raconter un secret... Avec Erin ça n’a pas accroché comme tu le sais. Et quand je l’ai quittée, je lui ai dit… que je pensais qu’elle était amoureuse de toi.

Je me recule et lui lance un regard type « boule de bowling », deux énormes yeux et la bouche ouverte.

-          Tu déconnes ?

Il me fait un sourire charmeur et fais mine d’épousseter son épaule avec son autre main.

-          Nan nan. J’ai la classe, tu peux l’avouer, n’aie pas peur des mots.

En temps normal, je lui ferais savoir que même sur mon lit de mort je ne le dirais jamais, mais au vu de sa réaction, il le mérite :

-          J’avoue, t’as la classe.

Il me serre fort contre lui en rigolant.

-          Ça ne répond pas à ma question… Tu sais ce qu’elle en pense ?

Il se recule pour m’observer et j’ai parfaitement conscience du fait que mon rougissement type « camion de pompier » va me trahir.

Et en effet, Nico siffle et s’exclame :

-          Oho, on m’a fait des cachotteries ? Raconte, raconte !

Je mens comme une arracheuse de dents en lançant l’air de rien :

-          Il s’est rien passé !

-          Ce n’est pas ce que suggère le suçon que tu as dans le cou !

J’écarquille les yeux et plaque directement ma main sur ma peau pour cacher toute trace compromettante.

En voyant le sourire satisfait de Nico, je réalise que je me suis faite avoir comme une bleue. Blasée, je lui tape la cuisse et il m’encourage :

-          Plus la peine d’essayer de mentir, avoue !

-          Euh… je ne suis pas sûre que tu sois la bonne personne à qui dire tout ça…

-          Tu déconnes ou quoi, je suis ton meilleur ami, j’étais déjà dans le vrai sans même le savoir et en plus je vous connais toutes les deux ! Je suis le mieux placé !

-          Tu es aussi le pote de mon ex.

Il soupire, secoue sa tête et décide de signer son arrêt de mort en m’ébouriffant les cheveux.

 

* * * * *

 

Je regarde d’un œil distrait les élèves qui bossent sur l’exo que je leur ai donné. J’avoue, je ne suis pas concentrée et je n’avais pas le cœur à faire cours correctement.

Je sors mon téléphone et l’observe pour la trois millionième fois, comme si c’était une boule de cristal qui allait résoudre tous mes problèmes. Je relis les cinq derniers messages reçus, tous d’Erin.

Mon doigt survole la case « répondre », mais je secoue la tête et décide de ne pas le faire. Je fourre mon smartphone dans mon sac pour éviter la tentation. Ça fait bientôt une semaine que je fais ça.

Alors oui, ce que je fais n’est pas cool et je devrais lui répondre, surtout qu’elle n’a rien fait de mal, mais je ne sais pas quoi dire. C’est comme si quand ça s’était passé, quand on avait « dérapé », toute la journée n’avait été qu’un rêve. Je sais pas ce qui m’a pris. Je ne comptais pas en arriver là.  À vrai dire, je n’avais pas le moindre plan. Même pas d’ébauche, de brouillon. Rien.

Alors voilà.

Oui, je lui ai dit que je ne regrettais pas et dans un sens c’est vrai…

Mais… Je ne sais juste pas quoi en penser. Ce genre de comportement ne me ressemble pas et jamais je ne me serais crue capable d’aller aussi loin. Force est de constater que j’avais tort.  Et comme il faut en plus.

Mon attention va en direction de la porte alors que quelqu’un toque.

-          Oui ?

Celle-ci s’ouvre lentement et Erin passe timidement sa tête dans l’embrasure.

Et merde.

La faille dans mon génial plan c’est qu’elle connait mon emploi du temps par cœur et peut me retrouver, même si j’évite le bureau.

-          Je peux te parler un moment ?

-          Je suis en plein cours.

-          Y’en a pas pour longtemps.

Voyant qu’elle n’est pas disposée à lâcher l’affaire, je soupire et me lève. De toute manière, il faudra bien que j’affronte la réalité un jour. Tous les élèves m’observent et je détourne l’attention de moi en lançant :

-          Vous pouvez faire une petite pause, je reviens dans 5 minutes.

Je suis Erin, qui déverrouille la porte de la salle adjacente et me laisse entrer, avant de refermer derrière nous. Je me sens prise en otage, prisonnière.

Elle place ses mains sur ses hanches, tandis que je m’assois sur le bureau du prof, feignant de ne pas remarquer son attitude.

-          Tu n’as rien à me dire ?

Mes yeux fermement décidés à ne pas quitter mes chaussures du regard, je marmonne :

-          Je suis désolée.

Je l’entends s’approcher et elle vient s’accroupir de sorte que je n’ai pas d’autre issue que de la voir :

-          Pourquoi tu m’évites ? Qu’est-ce que je t’ai fait ?

-          C’est pas toi.

-          Alors explique-moi !

Elle place ses mains sur mes épaules et me secoue légèrement vu que je ne réponds pas.

Je l’observe et je peux vous jurer que mon cœur se serre quand je vois à quel point elle est belle. Même si ça ne fait rien disparaître, je ferme les yeux.

-          Fanny, regarde-moi !

Je m’exécute et me perds immédiatement dans ses iris noirs. Ses émotions ne sont pas dissimulées et je vois qu’elle tient à moi, qu’elle est fâchée, qu’elle ne comprend pas, qu’elle… qu’elle est triste.

Ma gorge est sèche, mais j’essaie de déglutir quand même. Elle glisse une main dans ses longs cheveux et me questionne :

-          Pourquoi tu ne réponds pas à mes messages ?

-          Je ne sais pas quoi te dire. Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Je ne pige pas pourquoi ces questions ne s’étaient jamais posées avant de te rencontrer !

Je reste assez vague dans mes propos, car il est tout à fait possible que les étudiants aient les oreilles collées à la porte en ce moment même. Le couloir est anormalement calme.

-          Et c’est trop te demander que de me traiter comme un être humain, qui a des sentiments et de me le dire, tout simplement ? Je te force à rien !

Inutile d’essayer de me justifier, elle a parfaitement raison. Après quelques secondes passées à me fixer, Erin secoue la tête en soupirant.

Elle se recule puis se dirige vers la sortie et je suis terrifiée à l’idée qu’elle parte et que les choses se terminent sur une note pareille.

Je me lève et saisis la main qui s’apprête à déverrouiller la porte dans la mienne.

-          Erin, je suis désolée, sincèrement… Je…  je sais que c’est pas une excuse, mais je panique. Tout ça c’est nouveau pour moi.

-          Parce que tu crois que ça m’est déjà arrivé ? La réponse est non.

Je la regarde, surprise. J’y avais jamais vraiment songé, mais… Disons qu’elle a l’air de tellement bien le prendre que j’ai supposé que…

Elle reprend :

-          D’ici là, tu pourrais s’il te plait au moins te comporter en amie ?

Je jette un coup d’œil furtif à la porte, espérant que je me suis fait des films et que tout le monde s’en fout de ce qu’on peut se raconter.

Je hoche la tête et m’approche d’elle, non sans appréhension. Je lui fais un bisou sur sa joue et me recule, serrant sa main.

-          Bien sûr. Pardon. Je suis une garce.

Je me sens comme une merde. Rien qu’à la regarder comme ça, et savoir que je lui fais du mal en étant débile, c’est affreux comme sensation.

Elle rit doucement et répond :

-          Un peu, mais on va dire que ça fait partie de ton charme !

Je lui donne une tape tandis qu’elle tourne la clef dans la serrure, nous libérant.

Sans réfléchir, je place ma main à plat sur la porte, la maintenant fermée et lui dépose un délicat baiser sur les lèvres. Mes yeux rencontrent timidement les siens. Apparemment, mon acte spontané me vaut un petit sourire et Erin demande :

-          C’était pour quoi ça ?

-          Pour m’excuser de mes réactions et te remercier d’être toi.

Son sourire s’agrandit et je prends sur moi d’ouvrir la porte.

Tout a été dit.

 

* * * * * 

 

Le docteur Haru me regarde par-dessus ses lunettes et ça me rappelle de manière assez terrifiante ma prof de CE1. Elle me fixait toujours comme ça quand je bavardais et après j’avais droit à une punition longue comme le bras. Sauf que là, j’ai payé pour avoir ma punition. Finalement, il rompt le silence en lançant :

-          Je ne pensais pas vous revoir de sitôt.

-          Si ça peut vous consoler, j’avais la ferme intention de vous éviter à vie après m’être ridiculisée la fois d’avant.

Il rit doucement en m’entendant dire ça et me demande :

-          Vous étiez juste stressée. Et qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

-          Les évènements. Je… J’ai besoin d’en parler, mais je ne sais pas à qui. Je tourne en rond dans mes pensées.

-          Dans ce cas, je vous écoute.

Je fais mine de mieux m’installer sur mon fauteuil, alors qu’en fait je gagne un peu de temps pour remettre mes idées en place :

-          Je… J’ai franchi le cap avec Erin. Ma collègue. Puis j’ai paniqué et fait la morte quelques jours. 

Je précise au cas où il aurait oublié et reprends :

-          En fait, si je viens vous voir, c’est parce que ça m’a ouvert les yeux d’un côté et totalement perdue de l’autre.

-          Comment ça ?

-          Bah… Avant elle, je n’avais jamais été attirée par les femmes.

-          Et par les hommes ?

Un soupir m’échappe, pourquoi faut-il qu’il mette directement le doigt sur le problème :

-          Oui… J’imagine.

-          Vous imaginez ?

-          Enfin je veux dire, je n’étais pas mal avec eux, j’ai connu des mecs bien.

Il retire ses lunettes et les essuie, me rappelant cette fois Giles, dans Buffy contre les Vampires. Finalement, il les remet, me fixe et me pose une question à laquelle je crois qu’il connait déjà la réponse :

-          Est-ce qu’ils vous rendaient heureuse, vous faisaient vibrer ?

Je baisse les yeux, répondant à voix basse :

-          Non. Pas….

Je prends une grosse bouffée d’air, déglutis et continue :

-          Pas comme elle.

Il reste silencieux, peut-être pour absorber ce que je viens de lui dire et peut être parce que c’est un sadique qui sait que sous l’effet du stress je vais déballer mon sac et me ridiculiser pour son bon plaisir.

Apparemment, c’était la réponse 1 vu qu’il reprend :

-          Vous regrettez ce qui s’est passé ?

-          NON !

J’ai répondu tellement vite que c’en est presque embarrassant. Mais c’est la vérité.

-          Alors qu’est-ce qui vous gêne ?

-          Je… La situation. Est-ce que ça fait de moi une lesbienne ? Comment je vais expliquer ça à mon ex ? Je lui dis quoi ? Et mon cousin ? Et au boulot ?

Il lève la main pour m’arrêter et me demande calmement :

-          Est-ce que l’étiquette est vraiment importante ? Ou est-ce juste pour savoir quoi dire à vos proches ? Parce que vous comptez bien leur en parler ?

-          Non. Enfin, j’imagine que non. Et oui c’est aussi par rapport à eux, je n’aime pas mentir et je n’ai pas envie de me cacher.

Mais d’un autre côté, j’ai du mal à concevoir que mon petit monde ait changé comme ça du jour au lendemain pour une seule femme.

-          Vous avez des sentiments pour…

Il baisse les yeux vers ses notes et relève la tête en disant :

-          Erin ?

La vérité ?

-          Oui. Je… Je ne comprends pas d’où ils sortent, mais oui.

-          Vous savez, il n’y a pas souvent grand-chose à comprendre une fois que votre cœur a choisi quelqu’un.

-          Peut-être… Vous avez raison.

Je marque une pause, le temps d’ordonner mes pensées. Je penche la tête en arrière, comme si je m’adressais au plafond et continue :

-          En fait ce qui m’effraie c’est l’intensité et la vitesse à laquelle les choses se déroulent ! Il y a à peine 5 ou 6 mois, j’aurais juré cette situation inconcevable ! Je ne me sentais pas attirée par les femmes ni rien !

Je m’arrête et le fixe longuement, les yeux écarquillés, pour bien lui faire passer le message. Patiemment, il s’accoude sur ses genoux et m’explique comme on le ferait avec une enfant :

-          C’est toujours le cas. Vous êtes attirée par une personne qui se trouve être UNE femme, pas LES femmes.

-          Oui… Oui… C’est vrai, c’est juste que je me demande ! Elle m’a fait ressentir les choses avec une telle intensité… C’est comme si ma conception de l’amour avant de l’avoir rencontrée était un mensonge. Ça laisse un gout de… fade… à ce qui m’est arrivé avant !

Il hausse les sourcils et me questionne :

-          Est-ce une mauvaise chose ?

-          Non… Non je ne crois pas. Enfin j’imagine. Mais j’ai juste du mal à accepter l’idée que tant de trucs soient remis en question et que finalement, j’ai peut-être vécu toute ma vie dans le faux. Comme si quelqu’un avait allumé la lumière et que je redécouvrais une notion que je croyais connaitre. Et là, toute éclairée que je suis, je m’aperçois que je ne me connais pas. Je fais des choses dont je ne me serais pas crue capable.

-          Votre vie n’est pas finie. Et pour reprendre votre métaphore, maintenant que vous voyez clair, c’est à vous de voir si cette vue vous plait.

Je hoche la tête alors qu’il est en train de parler. Inconsciemment, mes pensées reviennent à Erin sous moi, trempée et haletante… Ohhhhh oui, la vue me plait.

Je suis partie dans mes rêveries et pourtant M. Haru attend patiemment que je revienne avec lui, ne me pressant pas. Décidée je dis :

-          Comment je peux l’annoncer?

Ok, Nico est au courant, mais les autres ? Je me vois vraiment SUPER MAL leur sortir quelque chose comme ça, de nulle part ou presque. Même à la fac et au lycée je n’avais pas expérimenté !

Il semble savoir de quoi je parle et réponds :

-          Si c’est ce que vous voulez, dites-le avec vos mots, faites leur comprendre comme vous m’avez fait comprendre à moi. Il n’y a pas de bonne méthode. Juste… Evitez peut être les détails sur l’intensité et le côté « fade » quand vous l’annoncerez à votre ex !

C’est une plaisanterie de très mauvais goût, mais elle me fait rire. Finalement, les choses pourraient être pires ! 

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