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Fictions Lesbiennes :)

Fictions Lesbiennes :)
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11 mars 2018

Chapitre 14

La voix de Dom me parvient très clairement, même à travers la porte :

- Héléna, bouge-toi !

Finissant d’attacher mon élastique, je me regarde une nouvelle fois dans le miroir.

Pas mal.

Pas mal du tout.

Bien que le déjeuner n’ait pas précisé de code vestimentaire, j’ai opté pour un costume trois-pièces gris bien cintré, chaussures oxford et chemise légèrement entrouverte, sans cravate. J’ai l’air soignée, limite raffinée et je le sais.

Pour éviter d’apparaître plus stricte que nécessaire, j’ai lissé mes cheveux pour les attacher dans une tresse épi de blé un peu lâche.

Niveau maquillage j’y suis allée sobrement, juste de quoi souligner les traits de mon visage.

Fine stud Héléna est dans la place.

- Ça va, ça va, j’arrive.

J’ouvre la porte et peine à retenir un petit sourire satisfait en voyant la tête de mes collègues.

Ils approuvent mon choix vestimentaire je crois.

Après 3 ou 4 secondes d’observation mutique, James s’adresse à Sasha :

- T’as fait tomber un truc.

Confuse, elle détache ses yeux de ma silhouette pour regarder par terre :

- Quoi ?

- Ta mâchoire, t’as fait tomber ta mâchoire !

Il place un doigt sous son menton pour fermer la bouche de ma collègue alors que Dom et lui éclatent de rire.

Sasha, blasée, ne répond pas si ce n’est en s’approchant pour me prendre le bras :

- Tu voulais me voir me battre pour ton attention avant de partir, c’est ça ?

Elle n’a pas vraiment besoin d’en arriver là pour la capter, mais ça, c’est une autre histoire. Notant que sans le savoir elle a opté pour une chemise grise en soie parfaitement assortie à mon costume, accompagnée d’une jupe noire classique bien que relativement courte, je réplique, la balayant clairement du regard :

- L’inverse. Je préfère que tes futurs prétendants comprennent qu’ils n’ont aucune chance AVANT, comme ça je n’aurais pas besoin d’intervenir.

- Belle parleuse…

- Eh, on fait ce qu’on peut.

Je lui adresse un clin d’œil complice, aimant cette manière qu’on a de se charrier. Plus ça va, plus je me dis qu’il faut VRAIMENT que je lui demande officiellement s’il est possible qu’on se revoie (en toute amitié) une fois de retour au bureau. L’idée est de le faire tant que je suis encore dans ses bonnes grâces.

Les garçons se sont eux aussi mis en valeur et nous sommes rejoints dans le couloir par une Alycia qui veut visiblement marquer le coup auprès de Dom, arborant une très jolie robe blanche.

Je manifeste mon approbation par un sifflement appréciateur, qui fait rougir Alycia et déclenche les tendances violentes de Sasha, qui me reprend d’une tape sur la main. Elle joue la fille jalouse, mais n’arrive pas totalement à dissimuler l’amusement dans son ton lorsqu’elle dit :

- T’es supposée n’avoir d’yeux que pour moi tu te souviens ?

Mon regard croise le sien :

- C’est le cas, n’en doute pas une seule seconde.

C’est certainement très très con, mais ça fait du bien de pouvoir m’exprimer, même si je suis certaine à 99% qu’elle va prendre ça à la rigolade. Ce qui est le but si je suis tout à fait honnête. Mais il n’en reste pas moins qu’on n’est pas très loin de la vérité en ce moment. J’en reviens pas d’avoir changé d’avis du tout au tout en ce qui la concerne.

James mime des bruits de relents, bien trop réalistes à mon goût, avant de dire :

- Oh les tourterelles ! Pensez un peu à celui qui tient la chandelle svp ! Ce n’est pas possible d’être autant au taquet l’une avec l’autre !

Mes yeux viennent trouver ceux de ma collègue et l’on échange un regard amusé devant les frasques de James. Pour un génie autoproclamé, il y en a un qui va se sentir con en fin de journée…

On s’empile dans l’espèce de mini-navette louée par l’entreprise pour nous amener au lieu du déjeuner. Je ne vois pas ce qu’ils reprochent à notre salle de formation, mais hey, c’est eux qui paient.

Sasha est bien évidemment à côté de moi durant le trajet et je ne peux m’empêcher de remarquer la manière totalement naturelle qu’elle a de mettre sa main sur ma cuisse. C’est bizarre de me dire que ce soir ce sera fini.

Les autres occupants nous jettent des regards en coin et vu leurs sourires niais je suis persuadée qu’ils nous perçoivent comme le petit couple amoureux que l’on n’est pas. James devrait d’ailleurs être plus méfiant que ça, il sait pertinemment que je ne suis pas spécialement démonstratrice, alors ça devrait être louche que je tolère d’avoir Sasha dans mes pattes toute la journée.

Le trajet dure une vingtaine de minutes et se déroule dans une bonne ambiance. La salle est décorée très sobrement, des tables rondes recouvertes de nappes blanches et sur lesquelles trône de la vaisselle certainement coûteuse prennent la majorité de l’espace.

Dès que l’on franchit la porte, tous les yeux se posent sur nous, la distraction étant bienvenue. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais arriver comme ça par la grande porte avec Sasha à mon bras me fait penser aux bals de fin d’année que l’on voit dans les films. Acné en moins et bon goût en plus j’entends.

Dom s’exclame :

- Eh ben, ils ont mis les petits plats dans les grands !

Ce qui encourage James à y aller de son commentaire :

- Ils doivent vouloir qu’on revienne.

La nourriture n’est pas mauvaise, mais je suis au bout de ma vie. J’ai conscience qu’il s’agit d’un repas professionnel, mais mes collègues se sentent visiblement obligés de parler de boulot chaque seconde et je n’ai vraiment pas la tête à ça. Bande de rabat-joie !

En plus, je risquerais de leur apprendre des trucs si je participais à la discussion et j’ai un voyage à gagner. Toujours conserver son objectif en ligne de mire !

Hors de question que cette parenthèse me coûte ma place. En rentrant, je vais cravacher et ma récompense sera de me prélasser au soleil aux frais de l’entreprise !

Sasha colle sa chaise à la mienne et à mon grand dam, participe à la conversation, même si elle n’a pas l’air d’être autant investie que les autres.

J’ai conscience que ça pourrait me valoir une ordonnance restrictive m’interdisant de m’approcher à moins de 200 mètres si j’étais prise, mais je renifle discrètement son parfum. Je ne sais pas ce que c’est mais je suis vraiment fan.

En même temps, plus ça va plus mon crush empire. Maintenant, il suffit d’un sourire, parfois même juste un regard pour que mon cœur se mette à battre un peu plus vite.

Nous sommes à table depuis 90 minutes environ, mais j’ai l’impression que ça fait des heures qu’elle me frôle, me chuchote à l’oreille et m’adresse des sourires, juste parce que.

Il faut absolument que je réussisse à prendre du recul et me détacher d’elle. Ce n’est pas sain d’être focalisée à 100% sur Sasha, de profiter de ses attentions et me faire des films.

Or, c’est exactement ce que je suis en train de faire depuis qu’on est arrivées.

Extérieurement, je ne moufte pas, mais intérieurement je manque de faire un arrêt lorsqu’elle place nonchalamment sa main sur ma cuisse. Certes, elle est à peu près au milieu niveau hauteur, mais clairement plus vers l’intérieur qu’au-dessus.

N’y prête pas attention.

C’est pour le show.

Même si c’est sous la table et que je ne suis pas sûre que qui que ce soit va remarquer l’angle de son bras…

Comme pour m’empêcher de penser à autre chose et s’assurer que mon échec est ÉPIQUE, elle se met à faire des petits mouvements de pouce, certainement inconscients…

C’est fini.

Juste comme ça, mon niveau de participation à la discussion passe de très faible à inexistant.

Au cas où vous n’étiez pas au courant, la cuisse est une zone particulièrement érogène.

C’est la seule explication pour laquelle j’ai l’impression que les mouvements de son doigt se font une vingtaine de centimètres plus haut.

Après avoir imaginé des choses tandis que les autres parlaient boulot, je suis beaucoup trop réceptive…

Il va falloir que je vire sa main, et vite. J’attends juste d’accumuler la force mentale nécessaire afin d’être certaine de la décaler dans le bon sens.

J’observe son profil, voulant capter son regard et lui faire comprendre que ce n’est PAS ok de profiter du fait que je suis en manque pour ruiner mes sous-vêtements sans mon accord, mais elle fixe résolument la table.

Plan B donc.

Je gigote un peu, faisant mine de me réinstaller, espérant que le mouvement de ma jambe va l’inciter à cesser tout contact physique.

Sa seule réaction est de me glisser un sourire et d'effectuer une petite pression de sa main.

Bah, je ne suis plus à un échec près…

En revanche, la nouvelle position me fait remarquer que mon trouble ne se manifeste pas que dans ma tête.

Comment dire…

Si jamais, dans un accès de folie difficilement justifiable, je décidais de retirer les vêtements couvrant la moitié inférieure de mon corps, j’aurais toutes les peines du monde à éviter l’effet toboggan et rester en place sur ma chaise.

Ok, j’exagère un peu, mais vous voyez l’idée…

Est-ce qu’elle a conscience qu’elle me “chauffe innocemment” là ? Encore 5 minutes de ce traitement et je vais faire quelque chose que je ne suis pas sûre de regretter…

Ce qui signifie qu’il est grand temps de fuir.

Ok, Héléna.

Lève-toi, va prendre l’air et essaie de ne pas marcher comme une fille dont les sous-vêtements ont connu des jours meilleurs.

Ayant hâte de faire descendre la pression que je suis la seule à ressentir, je recule ma chaise comme une brute, raclant les pieds au sol, ce qui attire le regard de tout le monde sur moi.

Leur offrant un sourire crispé, le même qu’un candidat perdant à la présidentielle qui devrait répondre à la question “à votre avis, pourquoi Machintruc vous a battu ?”, je ressens le besoin de me justifier :

- Je vais faire un tour, à tout à l’heure.

Ne demandant pas mon reste, j’attrape ma veste, que j’avais placée sur le dossier de ma chaise et me dirige rapidement vers la sortie. L’air frais va me faire du bien.

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Une fois les portes passées, je vais au coin de l’immeuble et m’adosse au mur, respirant un bon coup. Je ferme les yeux et soupire en entendant des pas dans ma direction.

Sérieusement ? Je ne peux même pas faire un break de deux minutes ?

Ouvrant les paupières, j’ai la ferme intention d’évacuer une partie de ma frustration sexuelle en agressant verbalement le relou qui a eu l’audace de me suivre.

 - Hey. Ça va ?

Les remarques acerbes meurent dans ma gorge lorsque mes yeux se posent sur Sasha :

- Oui, t’inquiète.

Je n’extrapole pas et lui adresse un petit sourire crispé. Même si ça me touche qu’elle ait pris la peine de venir vérifier que je suis ok, mon échappatoire devient totalement contre-productive si elle s’isole avec moi, alors avec un peu de chance elle va faire demi-tour si je ne suis pas bavarde.

Bien évidemment, comme rien ne va jamais dans mon sens, elle se contente de s’installer à proximité respectant partiellement mon envie de solitude en gardant le silence. Regardant le ciel nuageux, je profite de l’instant. C’est rare de trouver quelqu’un avec qui l’on peut être confortable sans rien dire.

Rêvassant, je repense aux bons moments passés lors de la formation. Vu toute l’affection que je lui portais au début du voyage, c’est étonnant de voir à quel point ma collègue occupe une place primordiale dans la plupart d’entre eux. J’ai généralement du mal à m’ouvrir et m’attacher, alors ça me tue de me retrouver dans une situation pareille avec Sasha.

Sa respiration un peu saccadée attire mon attention. Posant les yeux sur elle, je vois qu’elle se frotte les bras :

- Froid ?

Elle acquiesce vigoureusement de la tête, s’exclamant :

- Oui, je comprends pas comment on a pu perdre autant de degrés depuis la gay pride !

Levant les yeux au ciel devant ses frasques, je relativise :

- Ça va l’exagération ? C’est pas si terrible.

Elle me regarde, sourcils froncés et lèvres serrées. J’ai très envie de lui pincer les joues, mais ça me vaudrait sûrement quelques bleus alors mieux vaut m’abstenir.

- Tu dis ça, mais non seulement tu es à tomber dans ta tenue, mais en plus elle est à l’épreuve du froid.

J’essaie vaillamment de contenir mon sourire, mais c’est peine perdue :

- À tomber ?

Lâchant un soupir très clairement exagéré, elle réplique :

- J’aurais dû savoir que c’est ça que tu allais retenir.

Hey, c’est pas tous les jours que la femme qui vous attire vous lance un compliment pareil !

Exhalant bruyamment à mon tour, je m’apprête à retirer ma veste pour la lui donner. Si elle attrape une pneumonie à tous les coups ça va être considéré comme ma faute et ce n’est pas comme si je n’avais rien en dessous.

J’esquisse à peine le mouvement qu’elle m’arrête :

- J’ai une meilleure idée.

N’attendant pas mon aval, elle se colle à moi entre les pans écartés de ma veste.

Environ 1 seconde plus tard, je la sens défaire le premier bouton du gilet de mon costume et glisser sa main le long de mes côtes, longeant mon soutien-gorge. Satisfaite, elle pousse un petit soupir et place sa tête sur mon épaule, son autre bras dans mon dos, sous ma veste.

Elle est sérieuse là ?

Je reste les bras ballants, ne sachant pas comment réagir face à la réaction quasi viscérale que sa proximité m’évoque. Mon cœur se met à battre comme un dingue et ça m’étonne que la main sur mon flanc arrive à tenir en place, j’ai l’impression d’avoir un tremblement de terre dans la poitrine.

C’est horrible parce que d’un côté je veux la repousser pour ne pas qu’elle découvre mon *pas si* petit secret, de l’autre j’ai appris à apprécier qu’elle soit aussi tactile avec moi.

Comme toujours, la raison l’emporte et je m’entends demander :

- Sasha ? T’es au courant que personne ne va nous voir ici ?

Le message est clair je crois.

Pas besoin de jouer la comédie.

Tu peux te reculer…

Maintenant par exemple...

Elle relève la tête et m’adresse un regard contrarié avant de revenir exactement dans la même position, marmonnant :

- J’ai froid et t’es toujours brûlante.

C’est pas vraiment une justification pertinente par rapport à ma question et mon côté je-sais-tout s’apprête à le lui faire remarquer, mais elle me prend de court en reprenant la parole :

- Stp... Je veux juste un câlin.

Il y a quelques semaines, elle aurait perdu deux dents si elle avait osé rien qu’esquisser un dixième de ce qu’elle vient de faire et son besoin d’affection elle aurait pu se le coller où je pense.

Mais aujourd’hui, j’accorde de la valeur à ses envies, sûrement trop si l’on considère que pour le coup sa requête est à mes dépens.

Dans un soupir pseudo-agacé très largement surjoué, je réponds enfin à l’étreinte, l'enlaçant à mon tour, ce qui lui extirpe un petit son de contentement.

Fermant les yeux, je m’autorise un moment de paix à profiter de notre proximité sans m’inquiéter. J’aurais bien assez le temps de tout décortiquer et suranalyser à mon retour au bureau.

Malheureusement, l’instant tranquillité se termine en queue de poisson lorsqu’elle chuchote :

- Ton cœur bat vite.

Pile au moment où mon cerveau comprend la signification de ses mots, l’organe susmentionné s’arrête.

OMG non.

Pas comme ça.

Ok.

Inspire.

Expire.

Maintenant justifie-toi d’un air décontracté :

- Ouais, désolée, je pensais au voyage retour, prendre l’avion me rend nerveuse.

Si je pouvais sortir de mon corps, je me donnerais une tape dans le dos. C’est l’un des meilleurs mensonges que j’ai pondu, il est crédible !

- Oh… Je te rassurerai va.

Voulant marquer mon point, je la poke au niveau du flanc du bout de mon doigt, répliquant :

- À d’autres. C’est juste une excuse pour avoir des câlins.

Sasha relève la tête pour croiser mon regard, un sourire coquin aux lèvres, n’essayant même pas de nier :

- Hé, c’est pas ma faute si en réalité t’es une espèce de nounours grognon qui adore mes attentions et qu’en plus tu sens bon ! 

J’ouvre la bouche, mi-offusquée mi-épatée par son audace ! Ah ouais, carrément ! La nana n’a peur de rien !

- J’ai dû mal entendre, comment tu m’as appelée là ?

Elle se détache de moi, me tirant légèrement par la main en direction de la porte :

- Allez viens, on retourne à l’intérieur…

Ouais c’est ça.

Attention hein !

Voulant asseoir mon autorité, je lance un :

- J’aime mieux ça.

Elle tourne la tête, lâche ma main et termine sa phrase avant d’accélérer le pas :

- Nounours grognon.

- Viens ici tout de suite Sasha !

Elle fait volte-face et marche à reculons, haussant les sourcils à répétition, me narguant ostensiblement.

Réflexion faite c’était mieux quand on ne se connaissait quasiment pas et qu’elle avait encore un peu de respect…

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11 mars 2018

Chapitre 13

On se retrouve tous les trois comme des imbéciles devant l’immeuble, chacun une part de tarte en main, Sasha en ayant une supplémentaire pour Chris.

C’était pas mon idée.

Une fois que ce dernier nous fait grâce de sa présence, James demande :

- Bon, vous avez une préférence ?

Sasha hausse les épaules, croque dans sa part et dit :

- Je m’en fo --- Mhhh Héléna c’est méga bon !

Elle m’observe avec des yeux écarquillés et je mange également pour tenter de dissimuler mon sourire.

James et Chris suivent la lancée et me complimentent à leur tour, mais l’effet n’est pas le même. Une fois qu’on a fini, nous nous mettons en route en direction d’une salle d’arcade. La main de Sasha frôle la mienne, trop de fois pour que ça soit autre chose qu’un message et je m’en empare comme si c’était la chose la plus naturelle du monde.

Elle m’adresse un sourire tandis que nous marchons côte à côte, suivant nos collègues.

De ce que j’en sais, Chris n’est pas au courant de la charade et je suis assez étonnée que Sasha se montre ouverte aux démonstrations d’affection devant lui. S’il remarque, il n’en dit rien. Après il n’est pas impossible qu’elle se serve de moi pour lui faire comprendre que ses avances ne sont pas les bienvenues…

On s’installe tous les quatre et commandons à boire et des jetons, le temps de regarder la sélection de machines à disposition.

Finalement, les mecs se dirigent vers une borne proposant un jeu de rallye,  tandis que Sasha me traîne vers deux motos.

Elle se tourne vers moi, les yeux brillants :

- Prépare-toi à te faire éclater !

Je secoue la tête, amusée, la gratifiant même d’un :

- Que la meilleure gagne.

Sasha insère les jetons nécessaires à notre partie et chevauche son engin, plaçant ses mains de part et d’autre du réservoir, m’observant de bas en haut.

Est-ce qu’elle jauge la compétition ou se rince l’œil ? Avec toutes ces conneries, c’est difficile de faire la différence.

Que ce soit l’un ou l’autre, je m’assure d’être la plus fluide et gracieuse possible. Je veux qu’elle pense que j’ai fait ça toute ma vie. Le secret est d’instiller le doute dans l’esprit de l’adversaire. La partie commence et comme l’avant est fixe, il faut pencher ses fesses pour tourner.

J’aurais peut-être mieux fait de juste la regarder jouer.

Après le premier tour, nous sommes au coude à coude. C’est toujours le cas lors du troisième et dernier tour de l’énorme circuit. Lorsqu’elle prend un tournant à la corde un peu trop serré, ma roue avant semble taper celle à l’arrière de sa moto, l’envoyant dans le décor et manquant de peu de me faire suivre le même chemin.

Je passe la ligne d’arrivée victorieuse et me relève en grande pompe pour célébrer sa défaite.

Immédiatement, elle descend et vient se planter à approximativement deux millimètres de mon visage :

- J’allais gagner ! T’as triché !

Ravie de constater qu’elle est agacée, je m’approche un peu plus et en rajoute une couche :

- J’y peux rien si tu n’arrives pas à contrôler ta machine. Quoi qu’il en soit, le résultat est inscrit sur l’écran. Tu veux que je t’aide à le lire, loser ?

Bien loin de se reculer, je sens une expiration offusquée frôler mes lèvres, tandis que ses yeux verts et passablement énervés me fusillent littéralement.

Elle fulmine et j’en viens à me demander si donner un coup de pied dans la ruche était ma meilleure idée…

Fort heureusement, nous sommes rejointes par les garçons. James place ses bras entre nous, comme si on était sur le point de se battre :

- Oh oh oh les filles, on se calme, c’est qu’un jeu.

Sasha me pointe du doigt et s’exclame :

- Elle a triché !

Chris sourit devant son comportement puéril tandis que j’essaie (sans succès) de masquer mon amusement.

James me lance quant à lui un regard entendu, tapote mon épaule et annonce :

- Suis-moi, je voulais tester un truc avec toi.

Voyant qu’il pointe en direction du côté opposé de la salle, j’ai la forte intuition qu’il n’est pas question de jouer, mais de m’isoler pour pouvoir parler tranquillement.

Et en effet, nous sommes à peine installés depuis quelques secondes devant un jeu de tir qu’il me glisse :

- Alors ? Tu comptes attendre combien de temps encore pour me remercier ?

- J’attends que tu meures !

Du coin de l’œil, je le vois tourner la tête dans ma direction, sourire et reposer son arme tandis que son personnage se fait attaquer.

Refusant d’entrer dans son jeu, je m’efforce de le défendre, mais il décède, mon soldat suivant le même chemin quelques instants plus tard.

L’air fier de lui, il patiente les bras croisés, jusqu’à ce que je vienne trouver son regard :

- J’attends.

- T’es pénible.

La dernière des choses dont j’ai envie, c’est de le remercier. J’étais bien dans mon manteau d’innocence, à détester cordialement ma collègue. Et maintenant je dois être reconnaissante pour une attirance à sens unique et une fausse relation me montrant tout ce que je rate ? Super.

- J’attends toujours…

Du ton le moins sincère à ma disposition, je cède, n’ayant pas envie de m’attarder sur le sujet :

- Merci.

Satisfait de ma réponse, aussi faux cul qu’elle soit, il lance une nouvelle partie :

- Je suis content pour vous. T’es beaucoup plus souriante ces derniers jours.

Cette nouvelle me fait grimacer. J’espère qu’il est le seul à avoir remarqué.

- Par contre, si vous pouviez limiter les regards énamourés ou alors me fournir les sacs à vomi je vous en serais reconnaissant.

Tournant mon arme dans sa direction, j’appuie sur la gâchette, ce qui ne sert à rien si ce n’est à faire passer le message.

- T’es juste jaloux.

Mais t’as pas de raison de l’être… Vraiiiment pas.

À vrai dire, s’il savait il aurait peut-être même pitié de moi.

- Exactement Héléna. Je suis fou amoureux de toi et je n’osais pas t’en parler. Veux-tu m’épouser ?

Quel petit con !

Levant un sourcil, je m’apprête à lui asséner une réplique bien sentie, mais suis battue sur le fil par Sasha:

- Tssss… Je ne peux pas te laisser sans surveillance deux minutes c’est ça ?

Je me tourne vers elle, les yeux écarquillés. Elle plaisante j’espère ? On en parle d’hier soir ?

- C’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité tu ne crois pas ? 

Ignorant royalement ma remarque, elle s’approche et demande :

- T’as gagné ?

- Bien évidemment.

Sachant saisir une opportunité quand elle se présente, James en profite :

- Elle a triché !

Souriant, Sasha vient croiser mon regard et s’exclame :

- M’étonne pas !

On continue notre tour, passant d'une machine à une autre pour finalement atterrir devant un jeu d’air-hockey. Immédiatement, Chris se vante de pouvoir tous nous éclater. J’ai de sérieux doutes sur ses capacités et n'hésite pas avant de rouler des yeux d’une manière peu discrète. Lui et son égo... Prenant ma réaction comme une provocation, il défie James, le considérant probablement comme l’adversaire le plus digne. Avant de commencer la partie, il demande :

- C’est quoi la récompense en cas de victoire ?

Haussant un sourcil, Sasha annonce :

- La gloire.

Il la regarde d’un air dubitatif et tente sa chance :

- Un baiser ?

James m’observe, s’attendant certainement à une réaction de ma part. Sauf que même si ma collègue était réellement ma copine, je ne suis pas du genre à agir comme un chien de garde. Je préfère très largement qu’elle dise non elle-même, tout en restant à proximité si elle souhaite de l’aide.

Secouant immédiatement la tête en signe de négation, elle fait une contre-proposition qui ne me plaît pas du tout :

- Un bisou sur la joue d’Héléna et moi si tu nous bats tous les trois.

Hey ! Pourquoi elle m’implique là-dedans ? J’ai plus envie de déménager au Yémen que de l’embrasser, même sur la joue. Il représente tout ce qui pourrait me convaincre d’être homo, si notre sexualité était un choix !

Elle a qu’à dire que James l’embrassera, pas moi !

Lui filant un coup de coude dans les côtes, je croise le regard de Sasha et lui fais les gros yeux, m’apprêtant à ouvrir ma bouche pour contester ma participation. C’est sa main sur mon bras, tentant de m’en dissuader qui m’en fait douter.

Chris réfléchit millième de seconde puis acquiesce, visiblement content du deal...

Et merde. J’ai raté le coche, trop tard pour me désister.

J’espère pour elle qu’elle sait ce qu’elle fait, sinon ma vengeance sera terrible.

C’est tout sourire qu’il insère les jetons dans la table, lançant le système d’aération permettant au palet de glisser plus vite :

- On va jusqu’à 10, que le meilleur gagne !

Le premier match commence et arrivé à 7-2, il paraît peu probable que James remporte la victoire.

Effectivement, 4 palets plus tard, c’est à mon tour de briller. Hors de question que je passe en dernier et sois celle sous pression si jamais les deux premiers perdent. Il est évident que pour le coup, Chris ne s’est pas vanté sans fondement et je ne donne pas bien cher de ma peau.

Il insère les jetons et m’adresse un sourire arrogant, plaçant le palet pour l’engagement. Évidemment, James et Sasha me soutiennent, refusant de croire au fait qu’on va tous les trois se faire écraser.

Franchement, je m’en sors pas trop mal ! On est à 6-5 en ma faveur et je vois que Chris commence à douter.

- Alors Champion, on faiblit ?

J’espère que ma provocation va suffisamment l’agacer pour qu’il se mette à faire des conneries, car pour être tout à fait honnête, mes deux derniers points relèvent plus de la chance que d’autre chose.

- Arrête de parler et joue, garde tes lèvres en parfaite condition pour après.

Il ponctue sa phrase en faisant la bouche en cœur, pour mon plus grand effroi.

Ohhhh que non !

J’essaie de masquer l’horreur sur mon visage, mais suis totalement perturbée. Et malheureusement, ça se ressent dans mon jeu.

Ça suffit pour qu’il prenne l’ascendant… Parfois je me déteste.

Tandis que je laisse la table derrière moi, défaite, j’attrape le bras de Sasha qui s’avance pour me relayer, lui murmurant à l’oreille :

- T’as pas intérêt à merder !

Loin d’être impressionnée, elle m’adresse un sourire complice et annonce, accompagné d’un clin d’œil :

- Garde tes lèvres en parfaite condition pour après.

Ça me fait rigoler et a le mérite de désamorcer une partie de la tension que je ressens. Le match commence, James encourageant bruyamment Sasha, sa solidarité masculine étant réduite à néant après l’humiliation qu’il a subie.

Franchement, elle s’en sort bien et ils sont au coude à coude. Ayant certainement compris que c’était partiellement en me perturbant qu’il avait remporté la victoire, Chris n’arrête pas de lancer de petites phrases du genre : “j’ai bien fait de me raser ce matin”, “James, je compte sur toi pour prendre une photo du moment”, “deux pour le prix d’une, merci pour le deal Sasha”...

Si je voulais déjà que ma collègue gagne, plus il ouvre la bouche plus je m’agace. Certaines remarques me mentionnent, mais il me paraît évident que Sasha semble être plus à son goût, puisqu’il lui adresse une tonne de clins d’œil et baisers volants.

Peut-être que c’est juste parce que c’est elle contre qui il joue, mais je ne crois pas.

Dans tous les cas, ça me saoule. J’aurais dû me montrer plus affectueuse avec elle, il se serait sûrement mieux comporté, ce n’est pas un secret que j’ai mauvais caractère et avec un peu de bol je lui aurais fait peur.

Les minutes s’étirent, le score atteignant 9-9 et au vu de la réaction de mon cœur, je suis beaucoup trop investie compte tenu du très faible enjeu.

Le dernier point est très disputé, manquant de rentrer plusieurs fois. Les yeux de tout le monde sont rivés sur le palet filant à toute allure d’un but à l’autre, jusqu’à ce que Sasha fasse un coup en rebond que Chris n’arrive pas à intercepter.

- YES !

Honteuse, je baisse les bras que j’avais levés au ciel sans même m’en rendre compte. Mes trois collègues me regardent, James et Sasha d’un air amusé, Chris nettement moins.

Sasha abandonne son poussoir sur la table et s’apprête à la contourner pour venir me voir lorsque son amoureux transi tente sa chance :

- Une revanche ?

- Nan.

- Un bisou juste de toi alors, j’ai gagné 2 parties sur trois quand même, ça mérite quelque chose.

C’est bon oui ? Il en a pas marre d’insister ? Décidant d’intervenir, je prends la parole :

- Vraiment désolée, mais c’était pas ça le deal !

Il est possible que mon ton ait laissé transparaître le fait que je ne suis pas DU TOUT affligée par sa défaite, mais n’est pas actrice de génie qui veut…

Ignorant le regard agacé que ma réplique me vaut, je tourne mon attention en direction de Sasha et lui fais signe de s’approcher de mon index. Elle vient en sautillant à moitié, un petit air arrogant fermement en place.

Sur elle je trouve ça plutôt mignon, mais je ne le reconnaîtrai pas !

Arrivée à mes côtés, elle tapote sa joue et attend.

Je suis prise d’un doute. Ça pourrait (à juste titre) être considéré comme du favoritisme…

Je pourrais m’en sortir en faisant remarquer qu’il n’a jamais été question de récompense en cas de victoire de notre camp, mais je lui ai fait signe et vu comme Chris se moquait de nous, c’est l’occasion de le lui faire regretter.

Je m’approche d’une Sasha très souriante, qui écarte son doigt pour me laisser place libre.

J’ai envie de marquer le coup et étant donné que James est présent elle n’est pas exactement en position de refuser, alors…

Ma main se place sur sa joue, l’encourageant à me faire face et dès que c’est le cas je n’hésite pas à venir poser mes lèvres sur les siennes.

Si elle est surprise, elle le dissimule bien et répond au baiser sans perdre une seconde. Même si ce n’est que pour le show, ça me fait quelque chose de voir qu’elle n’objecte pas un seul instant.

J’entends Chris émettre un petit son de surprise et ne peux m'empêcher de sourire tandis que nos lèvres se cherchent doucement, l’ensemble restant très chaste.

Et ouais mec, la grande gagnante dans l’histoire, c’est moi !

Je me recule en premier, mon regard amusé venant croiser celui de ma collègue, qui me donne un coup dans le bras avant de chuchoter :

- T’es vraiment une garce, le pauvre !

Dire que la culpabilité m’étouffe serait une grossière exagération, mais c’est vrai que lorsque je regarde Chris et le vois être totalement dégouté, j’ai limite des regrets.

Mes yeux se posent sur Sasha, qui n’arrive pas tout à fait à me regarder dans les yeux et dont les joues adoptent un ton légèrement rosé absolument trognon.

Limite.

==========================================

 

- Ils ne remarqueront pas si je ne viens pas.

Croisant les bras pour marquer mon point, je vois Dom me lancer un regard désabusé et répondre :

- Si je suis forcé d'y aller toi aussi. Allez ce sera sympa, c'est notre dernier repas avant de partir.

On ne doit pas avoir la même définition de "sympa", parce que selon moi ça n'implique pas un déjeuner formel avec mes collègues. Chiant, ennuyeux, mortel, pénible, atroce... Ça oui.

Sympa ? Non.

Lui adressant un regard indiquant clairement le fond de mes pensées, je concède ma défaite, râlant plus par principe qu'autre chose :

- Ouais bah j'ai jamais autant eu hâte de prendre l'avion.

Sachant reconnaître mes grommellements pour la confirmation qu'ils sont, Dom me donne une petite tape dans le dos et s'éloigne, me laissant aller me préparer.

J'entre dans la salle de bain et la porte percute Sasha, plantée devant le miroir, l'air dépitée.

L'idée que je ne sois pas la seule n'ayant pas la moindre envie de m’y rendre m'extirpe un sourire. On a au moins ça en commun.

Croisant son regard dans le reflet, je fais un signe de mon pouce derrière moi et annonce :

- Désolée. Appelle-moi quand tu as fini.

Plutôt que d'acquiescer comme je pensais qu'elle allait le faire, Sasha m'adresse un regard implorant et demande :

- Tu veux bien me filer un coup de main ?

Je m'apprête à lui indiquer qu'elle n'a pas besoin d'aide pour se préparer, mais réalise que c'est l'une des dernières occasions que j'aurais de passer du temps avec elle avant de repartir en fin de journée.

- Bien sûr.

Elle s'assied sur la baignoire et me tend sa trousse à maquillage sans dire mot.

À force de l’observer, je commence à connaître sa manière d’être et là, j'ai l'impression que quelque chose ne va pas. La manière dont ses yeux sont moins brillants, je ne sais pas trop comment le décrire.

Mais peu importe.

J’ai un peu peur de demander.

On s'entend bien et j’admets que ce que je connais d’elle me plaît, mais nous ne sommes pas pour autant à un stade « meilleures amies pour la vie » où l'on se raconte nos malheurs.

Tendant le bras en arrière à l'aveugle, j'attrape le petit tabouret sur lequel on pose nos affaires lorsqu’on se douche et le traîne vers moi, m'asseyant dessus pour lui faire face :

- T'as une préférence ?

Ses yeux verts viennent caresser mon visage, et d'une voix plus vulnérable que d'ordinaire, elle demande :

- Rends-moi belle.

Dans n'importe quelle autre circonstance, j'aurais lancé une remarque du genre "c'est du maquillage, pas de la magie", mais pour le coup j'opte pour la version douce.

Voulant lui remonter le moral, je fais une scène durant laquelle je l'observe sous toutes les coutures avant de poser le maquillage sur le lavabo et m'exclamer :

- Tadaaaa.

Elle lève les yeux au ciel, mais constatant que ça lui extirpe un sourire malgré tout, je capitalise dessus :

- Qu'est-ce que j'ai cru voir Sasha ? Les coins de tes lèvres ont défié la gravité !! Oh mon Dieu mais t'es ma-gni-fique quand tu fais ça ! Un vrai miracle ! Mon talent est sans limite !

Sasha reprend possession de la trousse, qu'elle me fourre dans les bras en lançant :

- Maquille-moi comme un camion volé, c'est tout ce que je demande.

C'est une flagrante tentative pour détourner mon attention de ses joues rougissantes, mais elle sourit alors ça me va.

Est-ce que mes compliments lui plaisent secrètement ou la mettent juste mal à l'aise ?

Bah, si je continue dans la métaphore douteuse, elle pourra choisir de prendre le tout à la rigolade :

- T'inquiète, tes mécaniques vont rutiler comme jamais, ils ne retrouveront pas ton vrai numéro de série.

- Qu'est-ce qui te fait croire que quelqu'un va jeter un œil sous mon capot ?

Souligner qu’elle est celle qui a lancé le sujet "véhicule volé" serait l'option facile. Pas pour moi donc.

Et puis il faut que j'en profite tant que je peux, avec du bol j'obtiendrais la moue répugnée qui me plaît tant :

- Tu ne t'es pas toujours montrée aussi réticente à l'idée que je mette les mains dans ton cambouis...

- Ewww Héléna, dégueu !

Je n'essaie même pas de retenir mon sourire satisfait et commence à la maquiller.

Comme elle ne m'a pas donné d'indication et qu'à mon sens elle n'a pas besoin de ça pour être belle, j'opte pour des tons plutôt naturels.

Tapotant le pinceau applicateur dans le fard choisi, je profite de la distraction pour demander d’un air aussi détaché que possible :

- Tu veux en parler ?

Mes yeux vont trouver les siens et je peux y lire la surprise. J’imagine qu’elle ne pensait pas que je remarquerais. On est assez proches et en attendant de savoir si elle veut me dire ce qui ne va pas ou non, je l’observe, mémorisant chaque détail.

Ses iris sont d’un vert très pâle au centre et entourés d’une corolle plus foncée à l’extérieur. Ça rend son regard perçant, la couleur contrastant totalement avec le noir profond de ses pupilles.

Je suis tellement focalisée là-dessus que je ne remarque qu’elle ne parle uniquement parce qu’elle baisse les yeux dans un haussement d’épaules :

- Rien de bien grave. Juste… Ça me fait bizarre de se dire que c’est fini ce soir. Je m’étais habituée à vos conneries.

Sérieux ? C’est pour ça qu’elle est un peu triste ?

Ohhhhh elle est troooop mimi.

Un sourire étire mes lèvres tandis que j’essaie de la réconforter :

- Hey… C’est la fin de la formatio,n mais on travaille encore tous dans la même entreprise et dans la même région…

Mon “on pourrait se voir” est implicite et c’est mieux ainsi. J’ai déjà suffisamment l’impression de tendre le bâton pour me faire battre.

Sasha relève la tête pour m’observer, cherchant certainement à jauger ma sincérité. En même temps, qui peut l’en blâmer, j’ai connu des portes de prison plus sympas que moi avec elle avant que je ne prenne le temps de la découvrir, alors un revirement de situation pareil…

Elle fait un sourire timide, que j’interprète comme une porte entrouverte, un “on verra”.

J’ai sûrement tort d’espérer la voir dans un contexte amical après la formation, mais j’ai l’impression qu’on a encore des tas de choses à se dire, même dans nos silences.

Soupirant par le nez, j’applique son fard à paupières, contente d’être soulagée du poids de son regard.

Je le suis encore plus lorsqu’elle ouvre la bouche :

- Pour la grande révélation de notre blague aux garçons…

Mon visage se crispe involontairement face au sujet abordé. Je n’ai pas envie de parler de ça et encore moins qu’elle y fasse référence en disant : “la blague”.

Ça ne peut pas s’appeler comme ça si ça ne fait rire personne, non ?

- Hmmm?

- Je pensais qu’on pourrait faire ça à l’aéroport.

J’acquiesce d’un mouvement de tête, ne faisant absolument pas confiance à ma voix. Si elle perçoit que j’ai du mal à jouer les indifférentes, elle ne le montre pas et continue :

- Je me disais… Ça pourrait être drôle que l’une de nous renverse l’autre dans une position baiser de cinéma pour finalement lancer “ou pas”. Là on se relèverait pour se taper dans la main en mode “high five” ou se faire la bise… On pourrait même mettre quelqu’un dans la confidence, histoire de prendre une photo épique ou deux...

La première chose qui me vient à l’esprit est que ça ne sonne pas comme “tiens, j’ai une idée”.

Elle a déjà réfléchi à la question.

Depuis qu’on a commencé cette charade, je n’arrête pas de me dire que j’ai hâte qu’on en finisse, mais j’ai jamais vraiment percuté que ça pouvait être son cas aussi.

Ça me fait bien plus chier que je ne veux l’admettre.

Je fais mine d’être focalisée sur le choix d’un rouge à lèvres et réponds d’un ton évasif, sans croiser son regard :

-  Ça me va. C’est un bon plan.

Quoi qu’elle ait eu l’intention de répondre est réduit au silence par mon approche, tube en main.

Je trace le contour de sa bouche, essayant de ne pas m’attarder sur la forme de ses lèvres ni sur le souvenir des baisers qu’on a pu échanger. En termes de succès, on a vu mieux.

Une fois terminé, je me recule, partiellement pour admirer mon œuvre, mais surtout pour échapper à notre proximité l’espace de quelques instants.

Mes yeux se posent sur son visage, que le maquillage léger met parfaitement en valeur et un compliment m’échappe :

- Tu es magnifique.

Je suis tentée de rajouter que je vais faire des jaloux, mais garde les mots pour moi. Il n’est jamais trop tard pour se rappeler de sa place.

Sasha ne tourne même pas la tête pour se regarder dans le miroir, m’offrant un sourire radieux, le genre qui fait battre mon cœur un peu plus vite et réplique :

- Merci. T’es pas mal non plus.

Je lève les yeux au ciel en entendant ça. C’est gentil, mais hautement mensonger. Pour l’instant, je ne suis pas du tout apprêtée et elle le sait.

- Bon, maintenant que t’es présentable, à mon tour. File de là.

Ponctuant ma phrase par un minuscule sourire afin de retirer un peu de son mordant, je lui fais signe d’évacuer d’un mouvement de main.

 

7 mars 2018

Chapitre 12

On est dans un bar, avec les garçons et Alycia, à fêter les génies de l’amour autoproclamés.

Et je suis officiellement la pire imbécile que la terre ait portée pour avoir accepté cette blague pas drôle de base.

Sasha se montre affectueuse et c’est horrible. Je n’ose pas spécialement initier de geste tendre moi-même parce que ce serait abuser de la situation et je ne veux pas ça.

Lorsqu’elle finit enfin par se lever, non sans déposer un baiser sur ma joue, je peine à retenir un soupir de soulagement.

Immédiatement, Dom me lance :

- Si elle te fait du mal, je serai dispo pour t’aider à disposer du corps, promis.

Je regarde mon collègue et ami, toujours très dramatique, et réplique :

- Merci, mais ça ne sera pas nécessaire.

- Nickel. Passons aux vraies questions alors : c’est comment le sexe ?

Alycia frappe l’épaule de Dom et lui explique :

- Ça ne se demande pas !

James intervient :

- De toute manière pas besoin de confirmation de sa part, si j’avais su qu’il fallait qu’elle couche pour transformer grincheux en sœur sourire j’aurais organisé beaucoup plus de soirées à l’école !

- Ouais bah écoute moi bien Monsieur l’oracle du sexe, on -

Il m’interrompt en pleine lancée pour s’exclamer :

- Mais oui, c’est trop ça ! Je suis un oracle du sexe ! Le gourou de la fornication, le devin du coït, le vaticinateur de la copulation…

Mon Dieu… Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre...

J’avoue néanmoins que c’est assez drôle de les observer se vanter d’être à l’origine de notre « relation ».

- Avant de t’emballer et d’envisager une reconversion, écoute la suite : pour votre gouverne, on a choisi de ne pas se précipiter et de prendre notre temps.

Dom boude instantanément :

- Nul !

Adressant un clin d’œil à Alycia, je rétorque :

- Vois le bon côté des choses Dom, tu n’as plus à vivre par procuration.

- J’avoue.

Se penchant, il dépose un baiser sur ses lèvres et je souris devant ce geste.

James me regarde, les yeux plissés :

- Vous avez décidé d’attendre ?

Oh oh… N’oublie pas tes mensonges Héléna, il va falloir les relater à Sasha pour tenir le même discours.

- Oui.

- Elle doit vraiment être spéciale… Je veux dire, tu as toujours été très… au fait de tes pulsions.

-_-’

Ou comment fortement insinuer que j’ai chaud aux fesses.

Haussant les épaules, je n’essaie pas de nier l’évidence :

- Je sais ce que je veux et si l’autre personne est ok… C’est pas comme si je passais de femme en femme.

Et si j’ai couché sans avoir l’intention d’entamer une relation amoureuse, je me suis montrée très claire d’entrée…  

Sentant certainement que sa formulation était maladroite, il précise :

- Le prends pas mal. C’est juste que quand une nana a capté ton attention, elle ne met pas longtemps à craquer en général.

Ça m’extirpe un sourire. James est un coureur, mais bien souvent j’avais tout autant de succès que lui. Le fait qu’il le reconnaisse publiquement m’apporte une genre de fierté mal placée !

Ils reprennent une discussion qui ressemble moins à un interrogatoire et mes yeux sont irrémédiablement attirés par Sasha, accoudée au bar dans une petite robe vert émeraude qui marque sa taille fine et fait ressortir la couleur de ses yeux. Elle parle à un mec dont les intentions semblent claires et j’essaie d’ignorer les sentiments que ça m’évoque.

M’efforçant de suivre la conversation, je fais tout pour éviter de tourner la tête en direction du bar. Face à l’échec cuisant et avant que les garçons ne le remarquent, j’attrape mon sac et m’éclipse aux toilettes.

Regardant mon reflet dans le miroir, je me penche pour retoucher mon maquillage, comme on le ferait avec ses peintures de guerre avant la bataille.

Une fois satisfaite du résultat, je passe ma main dans mes cheveux et retourne à notre table.

Je les entends avant qu’ils ne me voient :

- Sérieux ? Tu ne trouves pas ça louche ? Non seulement elles ne couchent pas et en plus ça ne dérange pas Héléna que Sasha se fasse accoster sous ses yeux ?!

Putain de James. Il est trop observateur et intelligent pour son propre bien !

- Je les connais pas assez pour me prononcer.

Au moins, Alycia ne se prononce pas. Dom par contre :

- T’as pas tort. Maintenant que tu le dis… Tu penses qu’elles pourraient nous faire marcher ?

Oh non, hors de question de les laisser s’aventurer sur cette pente. Déposant mon verre sur la table pour leur signaler ma présence, je m’assieds comme si de rien n’était.

Sauf que s’ils me questionnent je suis mal.

Plan B.

J’en ai pas, mais je vais improviser.

Mon regard se porte sur Sasha, toujours occupée à taper la discute avec un étranger. C’est son idée de merde et c’est moi qui répare les pots cassés.

Buvant une lampée de mon verre, j’annonce que je reviens et marche en direction de ma collègue. Le mec qui la drague me fixe d’un drôle d’air en me voyant approcher, mais je ne lui prête pas la moindre attention.

Sans hésiter, je me glisse derrière elle, plaçant une main sur sa hanche et écartant ses cheveux pour lui murmurer à l’oreille, d’un ton ne dissimulant pas mon agacement :

- Si tu veux te le taper, prends son numéro et donne-lui rendez-vous plus tard, mais ne me laisse pas seule avec eux ! Quand je suis revenue des toilettes, ils étaient en train de se poser des questions. Je suis 100% pour arrêter cette charade alors si t’en as déjà marre, dis-le clairement !

Mes collègues nous regardent, c’est pourquoi je m’arrange pour que mon agacement ne soit perceptible qu’au niveau de ma voix.

Elle lève un doigt dans un signe “une minute” en direction de son interlocuteur et se tourne, laissant ma main en place et refermant les siennes derrière ma nuque :

- Jalouse ?

Ses lèvres s’étirent en un sourire coquin et je sais qu’elle plaisante, mais cette situation me saoule. Ignorant sa question, j’ajoute :

- Je pense que c’est mieux qu’on arrête les frais maintenant, on n’arrivera jamais à vendre cette histoire.

M’ignorant, elle écarte mes cheveux et sa bouche s’attaque au lobe de mon oreille. Le type à qui elle parlait y va de son petit commentaire approbateur, mais je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il raconte, trop occupée à ne pas me liquéfier.

- Sasha, je peux savoir ce que tu fais ?

Ses dents commencent à me mordiller, m’extirpant frisson sur frisson. Je résiste à l’envie de fermer les yeux, par peur de m’oublier dans l’illusion.

Ma collègue se recule, ses yeux verts venant trouver les miens dans la pénombre relative du bar. Sa langue parcourt ses lèvres lentement, comme pour me donner le temps d’objecter.

Face à mon silence, elle place la paume de sa main sur ma joue dans un :

- Fais-le.

Inutile qu’elle précise, je sais exactement à quoi elle fait référence.

Quand on en a parlé ce matin il n’était pas question de ça....

Je déglutis mais ne bouge pas, calculant mes options.

Pourquoi elle tient tant que ça à cette pauvre blague ?

Je secoue très légèrement la tête de gauche à droite, espérant que mon geste suffira à la dissuader étant donné que je ne fais pas du tout confiance à ma voix.

- Embrasse-moi Héléna.

Oh et puis merde.

Je ne suis pas une nonne… Tout le monde a ses limites et les miennes sont atteintes.

Ma main sur sa hanche attire son bassin plus à moi. Trouvant une ultime validation dans son regard, je me penche lentement jusqu’à venir capturer ses lèvres des miennes. Elle répond instantanément, la main toujours dans ma nuque m’incitant à me rapprocher davantage.

Pendant un moment, nos lèvres se cherchent, se frôlent, prennent le temps d’une lente découverte.

Techniquement, il s’agit d’une re-découverte mais ce baiser n’a strictement rien à voir avec celui de la kiss cam.

Je la sens demander la permission de sa langue et s’il me restait un soupçon de sanité d’esprit, j’aurais sûrement cessé le show tant qu’il était relativement chaste.

Mais j’entrouvre ma bouche et entends l’une de nous gémir lorsque nos langues entrent en contact. Le baiser, auparavant doux et lent, devient vite hors de contrôle.

Comme si j’avais été aimantée, je viens coller le reste de mon corps au sien jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une once d’espace entre nous. Ma main se resserre sur sa hanche dans un geste possessif et c’est en entendant le type s’exclamer :

- O...k. Je l’avais pas vu venir, mais ne vous gênez surtout pas pour moi les filles, j’approuve !

.. que je réalise où nous sommes. Je ralentis le baiser et me recule, gardant mon front contre celui de Sasha pour repousser le moment où je croiserai son regard.

Elle y lirait bien trop, j’ai besoin d’un instant pour me composer.

C’est elle qui est passée au niveau supérieur, mais j’ai répondu avec beaucoup plus d’enthousiasme que prévu. Je ne sais pas pourquoi j’ai laissé les choses aller aussi loin. Je cours à la catastrophe...

Elle exhale dans un rire :

- Je comprends nettement mieux pourquoi cette nana avait l’air tout à fait disposée à ce que tu la ramènes chez toi.

Je rigole à mon tour et lui frappe doucement le bras sans rien dire.

Elle se recule et vient croiser mon regard, le maintenant pendant quelques secondes avant de demander :

- Tu crois qu’ils doutent encore ?

Souriante, je réplique :

- Tu plaisantes j’espère ? J’étais moi-même à deux doigts d’y croire !

Elle baisse un peu la tête, comme gênée, mais m’adresse néanmoins un regard mi-timide mi-prometteur à travers ses cils.

Le type dont j’avais totalement oublié l’existence nous rappelle qu’il est toujours là dans un :

- Si vous voulez… On peut partir.

Oui mec, c’est ce qu’on va faire. Tu vas aller d’un côté et nous de l’autre !

Je lève les yeux pour l’observer par-dessus l’épaule de Sasha, haussant un sourcil l’air de dire “vraiment ?”.

Non pas que je puisse le blâmer, à sa place j’aurais aussi tenté ma chance et au moins il n’est pas insistant. Mais il est hors de question que je le touche, même avec un bâton. Fort heureusement, Sasha m’épargne l’annonce peu diplomate de mon désintérêt total pour son genre dans un :

- Désolée Simon, j’avais pas réalisé que… Tu vois.

Je plisse les yeux, fronçant les sourcils. Pas trop non…

Mais visiblement lui oui puisqu’il acquiesce d’un signe de tête, il lui sourit et indique :

- Pas de problème, je m’incline ! Amusez-vous bien.

Il me fait un clin d’œil complice et s’éclipse, nous laissant retourner à notre table où nos collègues font mine de n’avoir aucune idée de ce qui vient de se dérouler.

J’aurais pu y croire… Si je ne les connaissais pas...

M’asseyant à côté de Dom, je le vois m’adresser un pouce en l’air discret. On ne le changera pas. Prise d’une soudaine envie, je saisis la main de Sasha et entrelace nos doigts.

Elle me sourit et presse légèrement la mienne en retour.

Tandis que la conversation suit son cours autour de moi, je laisse mon esprit divaguer.

J’ai terriblement peur de m’y faire.

Comment va être le retour à la réalité ? J’ai comme l’impression que ça va me faire bizarre.

Est-ce que je devrais accepter de voir Rachel malgré tout ? Histoire de ne pas me retrouver seule… Ce ne serait pas très sympa pour elle, mais me considérer comme le plan de secours ne l’est pas non plus.

Sasha serre un peu ma main pour attirer mon attention.

- Ça va ? T’as l’air ailleurs.

J’acquiesce dans un sourire et lui dépose un baiser sur le front de la manière la plus naturelle du monde, ne le réalisant qu’après coup.

Il va être temps de te poser les bonnes questions Héléna, de prendre du recul, voire un bol d’air.

Sasha, loin de tout ça, place nos mains jointes sur sa cuisse, me caressant de son pouce.  

===========================================

 

La journée de formation est interminable et malgré la bonne humeur de mes collègues, je n’ai qu’une seule envie : me pendre ! Heureusement, il ne reste plus que 5 minutes.

Je n’ose pas regarder l’autre côté de la salle, sachant pertinemment par qui serait captée mon attention. Le problème quand on essaie de ne pas penser à quelque chose ou quelqu’un, c’est que ça ne marche pas !

Du tout !

Du coup, je dois constamment surveiller mes pensées et ne pas les laisser divaguer. Ça m’épuise.

Ce matin, je me suis levée tôt et ai évité le petit déjeuner. J’ai fait de même à midi. Je ne sais pas ce que Sasha a dit pour expliquer mon absence et m’en contrefous. L’important, c’est qu’ils ne m’ont pas posé de questions et que si j’arrive à limiter les interactions sociales pour le temps qu’il reste (ce soir et demain donc), ça devrait le faire.

Sauf qu’on a tous promis d’aider Dom à cuisiner, car il souhaite faire une surprise à Alycia et est un véritable désastre culinaire. En soi, je ne suis pas étonnée qu’il fasse ça, je ne sais pas si elle en a conscience, mais elle est tombée sur un type bien.

Dès que c’est l’heure, j’attrape mes affaires et attends patiemment mes collègues, demandant à Dom :

- Tu comptes lui faire quoi ?

Se tournant vers moi, il m’adresse un large sourire et annonce :

- J’ai acheté le nécessaire pour que tu puisses me faire deux tartes au citron meringuées.

- Deux ?

Haussant les épaules, il explique :

- Une pour mon repas romantique, l’autre pour que tu marques des points auprès de ta promise.

Quand on parle du loup, on en voit la queue. Ayant visiblement entendu la fin de notre conversation, Sasha place une main dans le bas de mon dos, dépose un bisou sur ma joue et demande :

- Qu’est-ce qui te fait croire qu’elle a besoin d’en marquer davantage ?

Je lui adresse un sourire, soulagée qu’elle ne m’ait pas embrassée, et tente ma chance :

- Je ne fais pas la seconde tarte alors ?

- Essaie pour voir !

Plissant les yeux, elle me fixe d’un regard pseudo menaçant pendant quelques secondes, avant d’emboîter le pas à nos collègues.

Nous retournons tous à l’appart et chacun s’attèle à sa tâche, avec Dom comme contremaître, chargé de mettre la table et de s’occuper de la décoration.

J’avance bien, mais suis constamment obligée de repousser James et Sasha qui ne cessent de tenter de manger un peu de pâte ou de crème citron…  D’un côté ils m’agacent, de l’autre j’ai l’impression qu’on a toujours vécu ensemble.

Une fois mes œuvres terminées, je me retire dans ma chambre et m’allonge sur le lit avec soulagement, un bon bouquin en main. Il ne faut que quelques minutes avant que quelqu’un ne vienne me déranger en frappant à la porte.

Retenant un soupir, j’indique :

- Entre.

Sasha s’exécute et s’adosse à la porte, m’adressant un sourire prudent et demandant :

- Ça va ?

- Oui et toi ?

Elle hoche la tête et reprend la parole :

- J’ai eu droit au discours “si tu lui fais du mal, sache que je sais comment lester un corps afin qu’il reste au fond de l’eau” de la part de Dom et James ce matin.

Haha, m’étonne pas d’eux. Ça fait plaisir de voir qu’ils assurent mes arrières.

Retenant la page et déposant mon livre à côté de moi, je rétorque :

- T’es toujours vivante donc j’en déduis que tu as su répondre.

- Apparemment.

Sasha marque une pause, penchant la tête, dissimulant son visage derrière ses cheveux avant de passer une main nerveuse dedans pour finalement croiser mon regard et d’annoncer :

- Je suis désolée si je t’ai mise mal à l’aise, je ne veux pas que tu te sentes obligée de m’éviter.

Oh oh. Je regarde partout sauf dans sa direction, essayant de pondre une excuse qui ne révèlerait pas la vraie raison pour laquelle je n’arrive pas à me lâcher. Parce que soyons honnêtes, on a tous fait des fêtes où l’on s’est retrouvé à embrasser des gens en étant saouls et aucun fromage n’a été fait pour autant. Donc techniquement je fais des histoires pour pas grand-chose. Et ça aurait été n’importe quelle autre femme, ça ne me poserait strictement aucun problème. Mais là, c’en est un.

S’approchant de moi jusqu’à s’accroupir au bord du lit, Sasha saisit ma main dans la sienne :

- Hey… On en a parlé hier, si ça va trop loin pour toi, on arrête ok ? C’est juste une blague, je le prendrais pas mal ni rien t’en fais pas.

Ses yeux d’un vert impossible viennent se poser sur moi et il est temps d’arrêter de déconner avant qu’elle n’assemble les pièces du puzzle d’elle-même.

Je suis une adulte. Je peux gérer une vraie fausse relation de trois jours avec la femme qui m’attire. J’arrive à faire croire aux clients qu’ils ont besoin de nos machines alors ça, ça devrait être un jeu d’enfant !

Allez Héléna, tu peux le faire.

Mode actrice : on.

Je lui fais un sourire et roule des yeux comme si elle venait de dire une énorme connerie et mens comme une arracheuse de dents :

- Je t’évite pas crâne d’œuf, j’avais des trucs à faire c’est tout ! Tout ne tourne pas autour de toi tu sais !

La sentant dubitative, je rajoute en plaisantant :

- Je sais que c’est probablement l’unique occasion que tu auras d’approcher une bombe sexuelle de mon calibre, mais c’est pas sain de t’investir à ce point dans notre relation factice.

Son visage exprime un très clair “tu veux vraiment la jouer comme ça ?” et je me fais remballer dans les règles de l’art :

- C’est ça James. Le seul calibre impressionnant est celui de tes énormes chevilles.

- Oh oui, dis-moi des mots d’amour !

Elle s’empare de l’oreiller auquel je ne suis pas adossée et me l’éclate littéralement sur le visage. Elle a vraiment un truc avec les coussins !

Ooomph.

Lui arrachant des mains, je me relève et enroule mon bras autour de son cou, comme si je voulais lui faire un savon, avant de lui fourrer l’oreiller en pleine face à de multiples reprises !

Face à ses menaces étouffées, je décide d’en remettre une couche :

- Qu’est-ce que tu dis mon cœur ? J’entends pas bien !

Elle réussit finalement à me repousser sur mon dos et je m’accorde un moment pour l’observer, avec ses cheveux décoiffés, son air outré et sa bouche entrouverte d’indignation.

Faisant mine de s’échauffer le cou et de faire craquer ses doigts, elle m’annonce :

- Tu vas tellement regretter d’avoir fait ça !

Paumes en l’air, je me moque :

- Ouhhh, j’ai trop peur.

Une seconde elle est à côté de moi, celle d’après elle me chevauche, les mains autour de mes poignets à présent plaqués sur le matelas au niveau de ma tête.

La petite fouine, elle est rapide, je ne l’avais pas vu venir ce coup-là.

Son visage adopte une expression suffisante tandis qu’elle me provoque :

- Et maintenant ?

Si c’était supposé m’effrayer, c’est raté. Ce n’est pas vraiment déplaisant de me retrouver sous elle.

Bah c’est une crevette, je l’éjecte quand je veux.

Certaine de mon succès, je rue violemment dans le but de la déloger. Mais elle m’accompagne d’un mouvement de bassin, telle une habituée des taureaux mécaniques et m’adresse un sourire satisfait.

Merde !

Pour être tout à fait honnête, j’hésite entre l’étonnement, la frustration et l’excitation.

Quelqu’un toque à la porte de la chambre et c’est avec effroi que j’observe Sasha adopter un air amusé et dire “entrez”.

Dans le genre position compromettante on a rarement vu pire ! Je refuse de leur donner l’impression d’être soumise !

Ne m’avouant pas vaincue, je recommence à lutter, cette fois de toutes mes forces. Après quelques essais infructueux, je réussis à la faire basculer.

À son tour, elle se retrouve sur le dos sauf que je suis allongée entre ses jambes écartées.

Je n’ai pas le temps de jubiler que James se racle lourdement la gorge :

- Va falloir évacuer les lieux dès que vous aurez fini vos accouplements. Alycia ne devrait plus tarder.

Honteuse, je cache mon visage au creux du cou de Sasha, que la situation amuse visiblement.

J’entends que mon collègue commence à refermer la porte, puis s’arrête un instant pour lancer :

- Et Héléna ? … Je ne veux plus jamais t’entendre parler de l’histoire du saule pleureur.

Je relève la tête et m’apprête à argumenter que ce à quoi il vient d’assister n’a strictement rien à voir avec la fois où je l’ai surpris avec une charmante demoiselle à genoux devant lui sous ce fameux arbre, mais il ne m’en laisse pas le temps et claque la porte.

Sasha me regarde :

- Le saule pleureur ?

- Crois-moi, tu veux pas savoir. Vraiiiiiment pas.

Je me soulève et roule pour m’installer à ses côtés, m’accoudant pour mieux l’observer et me renseigne :

- C’est quoi le plan ce soir du coup ?

- Retrouver James et Chris et aviser.

- Pfff… Dom va nous être teeellement redevable de lui laisser le champ libre.

- Tu m’étonnes.

On garde le silence un moment, aucune de nous ne faisant le moindre mouvement jusqu’à ce que Sasha demande :

- On est vraiment ok ?

Je me redresse et attends que son regard croise le mien avant de lancer :

- Je sais ce que tu essaies de faire !

Comme prévu, son  incompréhension est totale et je me penche au-dessus d’elle, appuyée sur mes bras de part et d’autre de sa tête, mon visage suffisamment proche du sien pour la faire douter de mes intentions, avant de reprendre :

- Il va falloir trouver une autre excuse pour me pousser à faire un remake d’hier soir.

Je ponctue le tout d’un bisou sur son front, fière de moi, avant de quitter la chambre comme une reine.

Elle est pas belle la vie ?

 

7 mars 2018

Chapitre 11

Vingt minutes plus tard, je ressors, sans visiteuse impromptue (comme c'est étonnant, que de la gueule) et trouve mes trois collègues affalés sur le canapé et l'un des fauteuils. M'asseyant, mes yeux vont se poser sur Sasha qui a les joues rougies. Elle vient d'être victime de leurs moqueries, c'est sûr.

Remarquant ma présence, Dom s'exclame :

- Ah te voilà ! Sasha n'a pas voulu nous donner le moindre détail sordide !

Roulant des yeux tellement loin que j'en teste l'élasticité de mon nerf optique, je rétorque :

- Parce qu'il n'y en a pas.

James demande :

- Alors pourquoi tu as une marque dans le cou ?

Je sais ce que ce vicieux cherche à faire : il cherche à me faire porter ma main à mon cou, ce qui confirmerait la possibilité qu'il se soit passé quelque chose.

Mais je ne suis pas un lapereau de deux semaines et me contente de lever un sourcil en répondant :

- Tu parles du fruit de ton imagination ?

Il pince les lèvres, certainement dég que ça n'ait pas marché.

J'ai la ferme intention de me moquer de lui, mais suis interrompue dans mon élan par un SMS. Saisissant mon téléphone, je vois qu'il est de Sasha, la même qui se trouve à moins de trois mètres de moi :

Tjrs partante pour une vengeance ? Si oui joue le jeu.

M'assurant que les garçons ne m'observent pas, je croise son regard et fais un minuscule signe de tête pour signaler mon accord.

La conversation n'a pas le temps de vraiment reprendre que Dom pose une nouvelle question indiscrète à Sasha qui se lève et annonce :

- On voulait attendre avant d'en parler, mais puisque vous n'arrêtez pas...

Sans dire un mot de plus elle s’installe en travers de mes genoux, plaçant un bras autour de mon épaule et se collant contre moi.

Euh... Sasha ? Je ne suis pas sûre de savoir où tu comptes en venir avec ce plan foireux. Excepté à ma potentielle combustion spontanée...

Les deux zouaves nous fixent avec d'énormes mirettes, semblant ne pas en croire leurs yeux. Z'êtes pas les seuls les gars...

Sentant certainement que je suis plus proche de la barre en métal que du roseau niveau rigidité, Sasha me murmure à l'oreille :

- Joue le jeu, mate leurs tronches et ose me dire que rien que pour ça, ça ne vaut pas le coup !

Les regardant à nouveau, force est de constater qu'elle marque un point tout à fait valide. Ils ont tellement des têtes de cons que j'éclate de rire.

Dom semble douter en me voyant m'esclaffer et demande confirmation :

- Vous nous faites marcher !? Héléna !?

Sasha adopte un air offusqué :

- Ah parce que je ne suis pas digne de confiance ! Tu crois que j'aurais risqué ma peau à l'approcher sans permission juste pour pouvoir me moquer de vous !?

La réponse est un gros OUI, mais eux n'en savent rien et se retrouvent à bégayer des justifications assez pitoyables je dois avouer. On dirait deux gosses qui viennent de se faire reprendre par un adulte qui leur est étranger !

Mais bon, pour une fois que je suis du bon côté de la blague, je n'hésite pas à en remettre une couche pour justifier ma réaction :

- Si t'avais vu vos expressions faciales toi aussi tu te serais marré, mais je confirme que de toutes les femmes du monde, c'est avec ce suppôt de Satan que j'ai fini...

James sort de son état catatonique et s'exclame :

- Yes ! Je le savais ! Je suis vraiment un génie !

Sasha et moi nous regardons, mutuellement blasées.

Il s'auto-congratule pendant quelques instants avant de tendre la main vers Dom, paume en l'air :

- Tape-m'en cinq ! On est les cupidons modernes mec !

Je les regarde faire et aller jusqu'à se lever pour bumper leurs torses l'un contre l'autre. C'est dans ces moments-là que je réalise que malgré toute l'affection que je leur porte, ce n'est pas une mauvaise chose que je sois homo.

Tandis qu'ils font leur étrange danse digne d'un documentaire animalier sur les gorilles, je remarque que Sasha me caresse l'épaule de sa main.

La vraie question est : est-ce qu'elle le fait pour mieux vendre le truc ou est-ce que c'est inconscient ?

J'ai dû rater un épisode, car une seconde plus tard, je vois les garçons enfiler leurs vestes. Toujours coincée sous Sasha, je demande :

- Vous allez où ?!

- Fêter ça !

Ignorant le fait que nous sommes le matin, qu'il est trop tôt pour l'apéro, qu'il n'y a rien à fêter et qu'on doit être les fesses dans la salle de formation d'ici 45 minutes, Sasha s’exclame :

- Et vous n’invitez même pas les principales concernées ?

James l'observe comme si elle venait d'annoncer avec sérieux que la terre est plate et lève la main pour signaler à un Dom tout aussi offusqué par cette suggestion qu'il va se charger de répondre :

- Cette nouvelle nécessite une célébration virile, durant laquelle nous allons passer en revue tous nos coups de génie qui ont mené à cette inéluctable/inévitable conclusion.

Les fixant d'un air circonspect, elle émet un "hmm hmmm" peu convaincu.

Ils s'empressent de quitter la pièce et je me fais violence pour attendre qu'elle se lève au lieu de catapulter Sasha loin de moi.

Fort heureusement, elle ne tarde pas trop à le faire et une fois qu'elle me fait face, je lui adresse un :

- Mais... C'est quoi ce plan foireux ?

Haussant les épaules, elle répond :

- Je t'ai indiqué les raisons et tu as accepté de jouer le jeu.

- Tu réalises qu’ils n’y croiront jamais ?

- Pour l'instant ça fonctionne et on a la paix.

Je prends un moment pour réfléchir à cette idée, tandis que Sasha continue :

- Ils sont tellement persuadés d’être dans le vrai qu’ils n’ont pas besoin d’être convaincus, c’est ça le truc.

Mouais.

Moi j’aurais bien besoin de l’être.

Parce que là de son point de vue je peux comprendre que ça ne mange pas de pain, elle n’a aucune notion d’espace vital quoiqu’il arrive… Mais ce n’est pas mon cas.

Et puis elle a déjà laissé croire aux petits vieux de la gay pride qu’on était ensemble, maintenant les collègues… C’est quoi ce délire ? J’espère qu’elle n’est pas de ceux qui ont « peur » de passer pour homophobes et du coup en font des tonnes.

J’essaie désespérément de ne pas m’attacher à elle plus que je ne le devrais et en soi c’est déjà un échec totalement épique, alors me demander de prétendre avoir de l’affection pour elle n’est pas le problème.

Le problème est de garder en mémoire le fait que ce n’est qu’un acte.

Et ça, je ne suis pas sûre d’en être capable.

En plus, ce ne serait pas vraiment juste envers elle, j’aurais l’impression de profiter de la situation.

C’est sûrement ta seule occasion en même temps…

Nan, il faut que je limite la casse tant que c’est possible :

- Je sais pas Sasha… C’est comme utiliser un canon pour tuer une mouche. Leurs moqueries ne valent pas les efforts nécessaires pour rendre cette relation crédible.

Je détourne la tête en parlant, ne souhaitant pas la voir lorsqu’elle acquiescera très certainement dans un haussement d’épaules détaché.

- Héléna, je ne te demande pas de coucher avec moi ou de m’épouser, pas même de m’embrasser… Juste de m’autoriser à être aussi proche qu’on l’a été ces derniers temps et les laisser continuer à y voir ce qu’ils veulent.

Super.

Comment je suis supposée rejeter l’idée alors qu’elle vient de me dire que ce n’était pas la mer à boire ?

J’ai dû garder le silence un peu trop longtemps puisqu’elle place sa main sur ma joue, m’encourageant à venir trouver son regard :

- Hey. On teste comme ça et on arrête à l’instant où tu te sens mal à l’aise, ok ?

On stoppe maintenant alors ?

Les yeux dans les siens, je vois qu’elle pense ce qu’elle dit et me retrouve à répondre :

- Ok.

4 mars 2018

Chapitre 10

Groggy, il me faut au minimum dix secondes pour comprendre où je suis.

Dès l'instant où c'est fait, il paraît évident à qui appartient le bras enroulé autour de ma taille et le corps dans mon dos. Comment j'ai pu m'endormir dans sa chambre ? Sérieux c'est comme si je faisais exprès de me mettre dans des situations pas possibles ! La vie a décidément le sens de l’humour. Ah si si, elle adore se foutre de ma gueule.

Ok, reste calme Héléna. Inutile d'en faire tout un foin. Tu n'as qu'à t'éclipser discrètement et ne jamais plus le mentionner. Ou sinon, il paraît que c'est très tranquille la Laponie, tu pourrais t'y exiler pour le restant de tes jours.

Maintenant que je suis éveillée, je sens un corps étranger me rentrer dans la cuisse. Sortant mon téléphone de ma poche, je regarde l'écran et grogne en voyant l'heure. C’est le moment d'effectuer mon numéro de disparition à la David Copperfield ! En dehors des week-ends ma collègue se lève toujours à 7h45 pile, ce qui me laisse un total de deux minutes pour m’extirper de son étreinte sans la réveiller, tirer les couvertures pour faire mine "non, je n'ai pas passé la nuit ici" et retourner dans ma chambre.

Facile.

Sauf qu'il ne te reste plus qu'une minute avec tout le temps que tu passes à te parler à toi-même.

Oh ta gueule.

C'est pas normal d'être capable de se disputer toute seule tu sais ?

Hors de question que je réponde à ça !

Prenant la main de Sasha dans la mienne pour ralentir la chute de son bras une fois que je me serai éclipsée, je n'ai même pas le temps de la soulever pour partir que réglée comme une horloge suisse, Sasha s'étire dans mon dos.

Elle se presse encore un peu plus contre moi et si j'avais une once de décence j'aurais probablement honte de savourer l'instant.

Oh well... Foutue pour foutue.

Maintenant non seulement elle se réveille collée à moi, mais en plus on se tient la main.

Ok, dernier espoir : ferme les yeux. Tu dors profondément et n'as aucune idée de ce que ça fait de se faire spooner par Sasha.

Ne voulant certainement pas se lever, elle blottit son visage à l'arrière de ma nuque et y dépose un baiser.

 - Bonjour ! Ça fait longtemps que t'es réveillée ?

Instantanément, un frisson me parcourt. Le combo voix un peu rauque plus bisou dans le cou ne me laisse aucune chance de feindre le sommeil. Un petit mensonge blanc ne fait de mal à personne :

- Quelques instants.

Ok. État des lieux. On a toutes les deux reconnu être réveillées alors c'est la partie où l'on s'excuse d'avoir collé l'autre en dormant et on retourne à nos vies.

Ça va se produire d'une seconde à l'autre maintenant.

Plus qu'à attendre...

Bon...

- Je sais pas pour toi, mais j'ai très bien dormi ! Merci d'être restée.

Ohhh non je refuse d'avoir cette discussion ! C'est le moment où je me lève avant de dire des bêtises parce que j'ai la tête encore à moitié dans mon cul !

Voici le plan : faire glisser mon épaule en contact avec le lit vers l'avant pour me faufiler hors de son étreinte sans trop la déranger, atterrir sur le dos et me relever. Malheureusement, Sasha ne me laisse pas m'en sortir si facilement, refermant sa main sur le tissu de mon haut une fois que je suis quasi libérée, me coinçant façon tortue sur sa carapace :

- Encore 5 minutes s'il te plaît...

Je lui jette un coup d'œil qui s'avère être une énième erreur. Elle est décoiffée, la tête posée sur l'oreiller, un petit sourire aux lèvres et les yeux dans les miens. Mon cœur manque un battement (ou quinze) en voyant ça.

Retrait immédiat de toutes les forces au sol, la mission est annulée, je répète, la mission est annulée !

Rassemblant ce qu'il me reste de volonté, je m'apprête à lui balancer la première excuse qui me viendra à l'esprit, peu importe sa qualité, lorsqu'elle rajoute :

- Tu veux bien me prendre dans tes bras ?

Je continue de l'observer, mais cette fois comme si elle avait trois têtes.

Maintenant serait un bon moment pour pondre ton mensonge et partir Héléna...

Mais rien à faire, je suis incapable de faire quoi que ce soit d'autre que de rester à moitié sur le dos à cligner des yeux dans sa direction.

Bonjour, je suis la réincarnation d'une carpe.

Je ne m'attendais tellement pas à ce qu'elle demande ça que je me retrouve comme buguée. Pourtant, je connais la bonne réponse, "que dalle, même pas en rêve", mais elle finit bloquée dans ma gorge.

J'en crève d'envie et c'est bien le problème. Comment j’ai pu passer d’un extrême à l’autre sans même m’en rendre compte ? Constatant que les paroles ne m'atteignent pas, elle laisse échapper un petit rire et se moque :

- Qui aurait cru qu'il suffirait de te réveiller au lit avec moi pour perdre tous tes moyens ! Je sais que je fais de l'effet, mais quand même !

Hey !

Je fronce les sourcils et pince les lèvres pour marquer mon mécontentement, consciente que ça n'améliorera pas mon image tant que je serai incapable d'en placer une. Et puis depuis quand je ne la terrifie plus au point qu'elle se permette d'arrogantes railleries !?

J'attends juste que ma célèbre répartie revienne de sa pause-café qui s'éternise !

Un sourire malicieux se forme sur les lèvres de Sasha et je suis sûre à 99.99% que je ne vais pas aimer sa prochaine réplique :

- Qui ne dit mot consent. Allez, fais-moi mon câlin !

Elle me saisit doucement par le bras, me guidant dans sa direction et comme une imbécile je me laisse faire et ne bronche même pas lorsqu'elle positionne elle-même mon bras au creux de son dos. 

Jouer au docteur je connaissais, mais à la poupée c'est une première !
Pourquoi faut-il qu'elle soit aussi tactile !?
Et laissez-moi vous dire un truc : si je pensais déjà que le mode cuillère était trop, la version face à face on respire le même air est encore pire !

Il me suffirait de parcourir quelques centimètres pour poser mes lèvres sur les siennes... Instinctivement, j'humidifie mes lèvres et constate que son regard suit le mouvement de ma langue.
Omg le fait qu'elle ne me laisse pas indifférente doit être écrit sur ma face !

Hors de question de risquer qu’elle ne déduise de (très justes) conclusions ! C'est une chose d'être attirée physiquement par mon ancienne ennemie jurée, une autre qu'elle en ait la confirmation.

Je soulève le menton afin qu'elle cale sa tête dans mon cou, son nouvel endroit favori si vous voulez mon avis, et reprends un peu mes esprits :
- Si ça sort de cette pièce, t'es morte Dastré.

Ma menace produit l'effet opposé puisqu'elle ricane et se rapproche encore de moi avant de lancer :
- Tu réalises que quasi tout le monde pense déjà qu'on couche ensemble hein ?

PARDON ?
Mon cœur s'emballe comme si j'étais dans la dernière ligne droite d'un 200 mètres haies.

Je recule uniquement ma tête pour venir trouver son regard :
- Dis-moi que tu plaisantes !
Elle me donne une petite tape de sa main et reprend :
- Tu pourrais avoir l'air un peu moins horrifiée à cette idée s'il te plaît ?

Euh... NON !
Je veux dire, je ne tente pas ma chance, car elle est avant tout ma collègue et que je refuse de ruiner ma réputation durement acquise pour les quelques jours qu'il nous reste à passer ici.

Oui, physiquement j'ai envie d'elle, mais je ne suis pas dans une période de détresse sexuelle m'incitant à saisir la moindre opportunité.
- Je ne pige pas... Pourquoi ?

Sasha me regarde avec affection, un peu comme si j'étais une enfant qui demande si le père Noël va réussir à venir malgré l'absence de cheminée.
- On est dans une entreprise majoritairement masculine, les 3/4 étaient devant le match de basket et ceux qui ne l'ont pas vu ont pu nous découvrir en couverture du journal... Le kiosque est sur le chemin des restaurants.

Ohhh ! Certes...

- Et t'as pas nié ?
Ma collègue m'adresse un sourire coquin et rétorque :
- Tu t'es vue ? À les entendre, tes parties génitales sont quasiment une terre promise, j'ai jamais été aussi populaire que maintenant ! Tapes dans le dos incluses !

Je l'observe d'un air circonspect, aucun moyen de savoir si c'est du lard ou du cochon. J'espère vraiment qu'elle dit ça pour me faire marcher... 

Passant ma main dans mes cheveux, je tente de dédramatiser :

- C'est vrai qu'il te serait difficile de me résister...
Ponctuant ma réplique d'un sourire arrogant, je m'attends à ce qu'elle se moque de moi, mais elle se contente de hausser les épaules en répondant :
- Peut-être que j'ai pas essayé...

Mon cœur se remet à faire des siennes en entendant ça.
Elle plaisante une fois de plus.
Je crois.
Mon sourire vacille un peu et je la cherche du regard.

On s'observe mutuellement pendant bien cinq secondes, sans dire le moindre mot. Elle soutient mon regard et j'ai du mal à ne pas baisser les yeux devant l'intensité de l'échange.
Ayant peut-être trouvé ce qu'elle attendait, Sasha brise la connexion, place un baiser sur ma joue et sort du lit.
Quant à moi, je ne sais pas quelles réponses j'espérais obtenir, mais j'en ressors encore plus confuse. 

Elle vient de flirter avec moi ou est-ce que c'était une énième moquerie ?
Avec tout le temps que j'ai passé à lui attribuer les pires défauts de l'univers, il m’est difficile de cerner où s'arrête la partie imaginaire et où commence la réalité...

Secouant ma tête dans l'espoir que ça me remette les idées en place, je me dirige vers la cuisine étant donné que Sasha occupe la salle de bain.
Arrivant dans la cuisine, je remarque immédiatement un petit mot placé en évidence sur la table. M'en emparant, je reconnais l'écriture de Dom :
J'ai voulu passer voir comment tu allais Héléna. Quelle ne fut *pas* ma surprise de te savoir dans la chambre de Sasha. Visiblement vous vous êtes réconciliées. Comme James et moi ne tenons pas à entendre vos gémissements, on dort chez Alycia. Profitez bien et à demain ! ;)

Quel petit...

- Fais voir ?!
Sasha consulte le contenu de la note et me regarde en haussant un sourcil :
- Je te l'avais dit !
- Gna gna gna !

Ignorant ma répartie digne d'une cour de récré d'école primaire, Sasha propose :
- Tu fais le café je m'occupe des tartines ?

N'importe quoi pour éviter de repenser à cette histoire de gémissement. Avec des amis comme ça, on n'a pas besoin d'ennemis !
- Deal.

On "travaille" ensemble en silence et nous installons à la table comme un vieux couple.

Sasha demande :

- Tu crois qu'on en verra un jour la fin avec leurs insinuations ?

- Après ça ? Nan.

Elle grogne et grimace, annonçant :

- J'avais pas besoin de ça, James n'arrête déjà pas de m'embêter par rapport à toi...

Minute, elle aussi ?

- M'en parle pas !

Elle acquiesce d'un hochement de tête, croquant dans sa tartine avant de reprendre :

- Si tu as envie de concocter une vengeance à titre de répercussion, tu peux compter sur moi !

- La même !

Le reste du repas se termine quasiment en silence et j'attrape le journal d'hier laissé en évidence sur la table par les deux zouaves. Un sourire gagne mes lèvres en regardant l'article en couverture. Faudra que je le prenne en photo, je veux conserver un souvenir. Me voyant le fixer, Sasha annonce :

- Faut trop que je le garde celui-là !

C'est sûrement con, mais ça me fait plaisir qu'elle souhaite conserver une trace de cette journée passée ensemble.

L'observant, je valide :

- C'est justement ce que j'étais en train de me dire.

Elle s'empare de mon téléphone et le soulève pour me le montrer en demandant :

- Je peux prendre une photo et me l'envoyer, le mien n'a plus de batterie ?

Sans réfléchir, je n'hésite pas avant de lancer :

- Vas-y, 7891.

Elle tape mon pin et marque un temps d'arrêt que je mets quelques secondes à remarquer, étant perdue dans mes pensées.

- Pardon, je...  Tu as reçu un message. Ça s'est ouvert tout seul. Désolée.

J'ai envie de me facepalm.

Bien sûr, la dernière chose que j'ai regardée hier c'était le SMS de Rachel.

Je récupère mon smartphone, essayant de faire un mouvement lent pour la jouer décontractée et éviter l'effet "j'ai quelque chose à cacher", même si j'ai juste envie de lui arracher des mains.

Passant en mode appareil photo sans même jeter un seul regard au message en question, je lui redonne le téléphone, malgré son évident malaise.

Je suis dégoûtée qu'elle l'ait vu.

Attrapant sa main dans la mienne, je l'encourage à me regarder en serrant un petit coup avant de tenter de la rassurer :

- T'inquiète c'est pas ta faute. Supprime pas la photo après hein !

Je fais glisser le journal dans sa direction et l’observe cadrer le tout avec minutie.

Je vois bien qu'elle a quelque chose sur le bout de la langue, mais attends qu'elle se décide à en parler. Ça ne sera pas long.

Sans oser croiser mon regard, occupée à prendre un autre cliché, uniquement de l'image cette fois, elle s'enquiert :

- Donc... Rachel huh ?

Je laisse s'échapper un petit soupir, réfléchissant avant de formuler ma réponse.

Ses yeux viennent trouver les miens et je hausse les épaules :

- Après tout ce temps sans nouvelles, j'ai reçu ça hier.

J'essaie de cacher l'amertume dans ma voix, mais ne suis pas sûre que ça soit un succès. Et puis de toute manière, je préfère qu'elle sache que je n'ai pas sauté de joie lors de sa lecture.

Too little, too late.

Sasha se mordille la lèvre et commente :

- Il n'y a que moi qui interprète ça comme un "j'ai fait une connerie, reviens" ?

- … Nan.

Je n'élabore pas, il n'y a rien à dire de plus sur le sujet.

Fort heureusement, je suis sauvée par Sasha qui s'exclame :

- Héléna Mescat, pourquoi y a-t-il un portrait de sorcière rattaché à mon numéro en tant que photo de contact ?

Écarquillant les yeux, la panique me gagne et je réponds la première chose qui me vient à l'esprit :

- Je sais pas !?

-_-

Autant dire que niveau mensonge on a vu mieux. Elle m'adresse un regard entendu et réplique :

- En plus, ce n'est pas ressemblant, je suis sûre qu'on peut mieux faire.

Bon, elle n’a pas l’air fâchée c’est déjà ça !

Attrapant sa tartine de Nutella, elle fait exprès de s'en mettre plein les dents avant de prendre un selfie en mode "tout sourire", me rendant le téléphone non sans une pique :

- Tiens, tu l'attribueras toi-même, hors de question de parcourir ta galerie et risquer de tomber sur tes photos de nu.

Refusant de la laisser avoir le dernier mot, je lui fais un clin d'œil et annonce :

- Tu loupes quelque chose, on m'a dit qu'elles étaient très réussies !

Mes yeux se posent sur l'abomination qu'elle vient de réaliser et il est inconcevable que j'utilise celle-là. Lui tendant mon téléphone, j’ordonne :

- Fais-m'en une bien !

Sasha ne répond pas, m'adressant un sourire satisfait sans faire le moindre geste en direction de mon smartphone. Du coup, je le secoue un peu sous ses yeux, comme si c’était un nourrisson à qui je présente un hochet :  

- Allez Sasha, s'il te plaît !!!

Sortant un peu ma lèvre du bas, je fais de mon mieux pour l'apitoyer de mon regard.

Si on m'avait dit que j'en arriverais là pour obtenir une photo d'elle, j'aurais envoyé la personne à l'asile direct, sans check-up préliminaire.

- Bon ok. J'ai toujours pensé que je ne serais pas le genre de star à ignorer ses fans.

Pour le coup, j'ai plein de répliques moqueuses et désobligeantes qui me viennent à l'esprit, mais ce n'est pas le moment. Ça me fait sûrement un joli point commun avec les pervers obsédés par quelqu'un, mais j'ai vraiment très envie d'avoir un cliché d'elle, encore plus un que je serai la seule à avoir.

Elle en prend deux ou trois toute seule avant de se positionner à côté de moi, passant son bras autour de mon épaule et collant sa tête à la mienne.

Sans m'en rendre compte, je fais un énorme sourire lorsqu'elle dépose un bisou sur ma joue. J'espère que ça ne se verra pas trop sur la photo.

Elle me rend mon smartphone et je lui demande :

- Tu veux te doucher en premier ou j'y vais ?

Posant une main sur son cœur, elle s'exclame :

- Tu veux dire qu'après cette nuit tu ne me proposes même pas de te rejoindre !?

Madame est décidément taquine ce matin...

Marquant un point d'honneur à la regarder avec l'air le plus suggestif possible, je place un doigt sous son menton, l'incitant à croiser mon regard :

- Tu es plus que bienvenue...

Elle a l'air complètement choquée et ça m'encourage à lui adresser un clin d'œil pour enfoncer le clou.

Je fais volte-face et suis très contente de moi ! Si j'en avais une, je me donnerais une médaille en chocolat !

Faudrait pas qu'elle s'habitue à ce que je sois perpétuellement une idiote bégayante à son contact non plus, non mais oh.

Je vais dans la salle de bain et ne verrouille pas la porte juste pour asseoir le fait que j'ai le dernier mot et que je n'ai pas peur d'elle. Mwhahaha. C'est moi la patronne ici !

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4 mars 2018

Chapitre 9

Plus que quelques jours de calvaire.

Après ça je pourrais retourner à ma petite vie, remettre mes œillères et me concentrer sur le voyage à gagner.

J’ai hâte.

D’ailleurs, ça me fait penser, faudra que je négocie une compensation au prorata de mon CA sur les autres mois pour le temps passé ici, ça m’a forcément fait perdre un peu de terrain sur la vente de machines.

Mais bon, d’ici là autant apprendre des choses. Le formateur est moins soporifique que celui de la semaine dernière, je n’ai pas besoin d’une perfusion de café pour tenir et c’est déjà ça, car Chris traîne systématiquement près du distributeur et je l’évite comme la peste.  

Je n’ai aucune idée de ce qu’ils se sont dit avec Sasha et ai bien l’intention de ne pas le savoir, ne voulant plus jamais entendre parler de cette histoire dans le maigre espoir d’oublier le traumatisme.

Essayant de me concentrer sur la formation, histoire de n’avoir pas fait ce voyage pour rien, je porte toute mon attention sur l’orateur et suis très étonnée lorsque tout le monde se lève pour partir déjeuner.

C’est passé vite. Avec un peu de chance, ça va faire pareil pour le temps qu’il me reste ici.

Comme on a une heure et demie de pause, James, Dom et moi décidons de nous rendre dans un charmant restau à proximité. Sur le chemin, alors que l’on marche devant un kiosque à journaux, Dom pousse un petit cri, se rue sur un journal pour en faire l’acquisition et revient vers nous.

Il a repéré le prochain Playboy peut-être ?

Me plaçant la couverture à 1mm du visage, il s’exclame :

- C’est quoi ça Héléna ? Tu m’expliques ?

Me reculant, je lui arrache des mains pour découvrir de quoi il s’agit, retrouvant la photo de Sasha et moi à la Gay pride. Un petit sourire se glisse sur mes lèvres et je le réprime aussitôt, ne voulant pas me faire charrier.

Je hausse les épaules et tente de diminuer les faits :

- Je vous ai déjà raconté qu’on avait été invitées sur le char. Je ne vois pas ce qui t’étonne…

- Ce qui m’étonne !?

Dom lève les bras au ciel, comme pour dire “nan mais vous l’entendez celle-là ?”, avant de reprendre :

- Ce qui m’étonne, c’est de vous voir aussi cosy. Je sais que James t’a expressément demandé de faire des efforts pour “supporter” Sasha et t’en rapprocher, mais ça va un peu loin là ! T’as pensé à elle ?

Une espèce de bruit d’étonnement se fait entendre derrière nous et nous nous retournons pour voir Sasha porter sa main à sa bouche.

Elle n’a visiblement pas manqué une miette de la réflexion qu’il vient de me faire et l’on peut observer le moment où son visage passe de la surprise à l’énervement. Ses yeux se plissent, sa bouche adopte une moue de dégoût et elle secoue la tête de gauche à droite.  

Le tout dirigé vers moi.

Oh non.

Non non non.

Voulant limiter les dégâts, je tends la main dans sa direction et tente un :

- Sasha… je peux expliquer.

Se reculant brusquement avant que je ne puisse l’atteindre, elle fait volte-face et part rapidement. Me retournant pour adresser un regard assassin à Dom accompagné d’un “merci bien ! On va avoir une discussion quand je reviens.”, je ne perds pas une seconde de plus pour me lancer à la poursuite de ma collègue.

Je trottine pour la rattraper et la saisis par le bras lorsqu’elle pénètre dans l’immeuble où se tient la formation. Elle se dégage d’un mouvement d’épaule agrémenté d’un “fous-moi la paix” et continue de marcher, s’engouffrant dans un couloir.

Qu’on soit clairs : j’ai bien compris qu’elle n’a pas envie de me parler ni d’écouter mes excuses. Mais l’idée qu’elle puisse penser rien qu’un instant que j’ai joué la comédie sur ordre de mes collègues m’est insupportable.

À vrai dire, en rétrospective le seul moment où je mentais était à moi même quand je m’auto-persuadais que je ne pouvais pas la blairer. Je crois qu’elle m’a toujours intriguée et que je ne comprenais pas pourquoi.

Je finis par l’intercepter au niveau des salles de réunion, me plaçant devant elle pour lui barrer le passage.

Son visage est complètement fermé et l’on peut voir les muscles de sa mâchoire se serrer en rythme.

- Laisse-moi t’expliquer…

Elle tourne la tête et regarde à travers la porte entrouverte de la pièce adjacente, avant d’y entrer en me tirant derrière elle.

Soulagée, je commence à préparer mon argumentaire dans ma tête.

Je ne sais pas comment je vais bien pouvoir lui résumer la situation sans divulguer la théorie de James mais je suis prête à en arriver là s’il le faut.

Une fois la porte fermée, elle me fait face et la trahison qu’elle ressent est clairement visible dans sa gestuelle comme dans son ton :

- Nan. C’est toi qui vas m’écouter. J’aurais dû me douter de quelque chose quand ton attitude a changé du tout au tout du jour au lendemain.

Son regard passe rapidement sur moi, ne s’y attardant pas, comme si le simple fait de me voir la répugnait :

- Mais je me suis dit que tu commençais simplement à lâcher tes aprioris, que j’allais peut-être voir une autre facette de toi que la garce à laquelle j’avais toujours eu affaire. Qu’il devait y avoir une raison pour que les garçons t’apprécient à ce point.

- Sasha, c’est pas…

Elle m’interrompt et continue :

- C’est pas ce que je croyais oui, je vois. Y’a pas d’autre facette. Alors quelle que soit la raison qui t’a poussée à accepter ce petit pari ou je ne sais quoi qu’il y a entre James, Dom et toi, tu seras gentille de me laisser en dehors de vos jeux sadiques. Je ne veux rien avoir à faire avec vous.

Totalement sous le choc qu’elle puisse aller jusqu’à penser qu’on a fait un pari cruel sur elle, ma seconde d'inattention lui permet de s’éclipser, me laissant seule.

J’imagine qu’on parlera plus tard.

Ou pas.

Fixant la porte fermée, j’expire bruyamment, espérant relâcher une partie de la tension.

Échec.

Putain ça me saoule !

Et je ne sais pas ce qui est le pire : que Dom ouvre sa bouche sans réfléchir ou qu’il suffise d’une phrase pour que Sasha change radicalement d’opinion à mon sujet.

C’est bien la preuve de la haute estime qu’elle me porte.

Voilà pourquoi je ne dois pas m’attacher.

Ne voulant pas voir mes collègues, j’achète un truc à manger à un vendeur ambulant et m’isole pour le reste de la pause repas.

Comment je vais pouvoir réparer les pots cassés ?

Plaçant mes coudes sur mes genoux, j’attrape ma tête entre mes mains, me cachant derrière mes cheveux. Il faut que je trouve comment faire en sorte qu’elle m’écoute. Il ne nous reste plus que quelques jours et il est hors de question qu’elle reparte de son côté en pensant ça de moi. Elle peut me détester, mais pas pour quelque chose que je n’ai pas fait.

Quelle merde.

Perdue dans mes pensées, je n’ai pas remarqué que je n’étais plus seule et sursaute en sentant la main de James sur mon épaule :

- Héléna, ça va reprendre.

Refusant de croiser son regard et passant à côté de Dom en l’ignorant, je retourne dans la salle et attrape mes affaires pour aller m’isoler à l’arrière.

Le formateur recommence sa démonstration, non sans jeter un coup d’œil à sa montre puis à la place de Sasha, laissée vacante.

Contrairement à ce matin, le temps ne s’écoule plus.

Sentant mon téléphone vibrer dans ma poche, j’ai un regain d’espoir. Le déverrouillant, mon cœur ne sait pas s’il doit être déçu ou excité de voir que le message n’est pas de Sasha mais de Rachel.

C’est quoi déjà la citation “Lorsqu'une porte se ferme, il y en a une qui s'ouvre.” ?

Mouais.

Pas sûre de vouloir rester dans ce couloir.

Je n’ai pas eu de nouvelles depuis l’épisode “voiture”, mais de là à dire si c’est une bonne ou une mauvaise chose…

Oui, je l’ai nettement plus mal vécu que je ne l’aurais cru, mais j’aime penser qu’on avait quand même noué quelques liens d’amitié.

Plaçant mon pouce sur l’icône du SMS, j’essaie de ne pas me faire de faux espoirs avant d’en lire le contenu :

 

Salut Héléna.

Désolée de ne pas avoir donné de nouvelles.

J’ai beaucoup repensé à la manière dont j’ai géré les choses et je voulais m’excuser. C’était  indélicat, tu mérites mieux que ça. Si le planning n’a pas changé, tu ne devrais pas tarder à rentrer j’imagine.

Si ça te tente, j’aimerais beaucoup qu’on se voie pour un café ou quoi...

Bisous.

 

Fronçant les sourcils, je relis la dernière partie. “Un café ou quoi...” ? Ça veut dire quoi ça ?

Ça n’a pas fonctionné avec sa nana et du coup on se rabat sur le plan B, la bonne vieille Héléna ?

Ma journée s’améliore de minute en minute.

Pfff… je ne réponds même pas.

Est-ce que je devrais envoyer un texto à Sasha ?

Ouais, non. Vaut mieux attendre qu’elle se soit calmée et lui expliquer face à face si je veux éviter tout malentendu

J’endure bravement le reste de l’après-midi, essayant tant bien que mal d’arrêter de focaliser mon attention sur l’espace béant dans les premiers rangs. Sans succès.

Dès que l’on nous libère, je presse le pas pour me rendre à l’appart, espérant y trouver ma collègue.

Pas de bol je crois.

Je m’enferme dans ma chambre, ne sachant pas quoi faire de plus. Mon téléphone vibre à nouveau, me redonnant espoir pour rien :

Hey ma belle. James et moi la cherchons. On va la retrouver et lui expliquer, ça va le faire. J’ai merdé, mais je compte me rattraper.

Ne prenant pas la peine de répondre, je m’allonge sur le lit oreiller entre mes bras, face à la porte ouverte, comme pour pouvoir constater que celle de Sasha reste close.

============================================

Me réveillant en sursaut, je mets quelques instants à me rappeler où je suis. Un coup d’œil à ma montre m’indique que ma fatigue émotionnelle m’a plus épuisée que je ne le pensais. C’est en entendant un autre bruit que je comprends que je ne suis plus seule dans l’appart.

Dom et James l’ont retrouvée ?

Dans la pénombre, je distingue très clairement les silhouettes de Sasha et Chris dans le couloir.

Elle lui saisit la main et l’entraîne rapidement dans sa chambre sans même un regard en direction de la mienne.

La porte se ferme derrière eux.

Je baisse mes paupières et tente d’ignorer l’énorme coup au moral que ça vient de me faire.

Elle fait ce qu'elle veut.

J’ai l’impression que quelqu’un s’amuse à serrer mon cœur dans sa main. Et autant dire que ce type le fait aussi fort qu’il le peut et qu’il est du genre à faire des compétitions où on le concept de fun consiste à soulever des roues de tracteurs.

Je roule sur le dos et essaie de respirer calmement et d’ignorer le fait que le bellâtre est entré dans la chambre de ma collègue. Est-ce que c’est sa manière de se venger de moi ?

Nan, elle pense que je suis une sans-cœur, c’est pas logique.

Il n’empêche que je le vis comme une vendetta très personnelle. Avant-hier encore elle m’expliquait qu’ils n’allaient pas du tout ensemble et maintenant elle l’entraîne dans sa chambre au milieu de la nuit…

Ça me saoule.

Gardant les yeux clos, je fais tout mon possible pour ne pas imaginer ce qu’ils peuvent être en train de faire, mais c’est peine perdue. Ça me tue de le visualiser poser ses mains sur elle, même si c’est dans ma tête. Elle mérite mieux que lui.

J’attrape mon téléphone dans l’espoir de me changer les idées et retombe direct sur le message de Rachel. Nan mais vas-y la vie, oublie toutes les bonnes manières, frappe-moi lorsque je suis à terre ne te dérange surtout pas. Dépitée, je le verrouille et le glisse dans ma poche, retournant à ma tentative d’ignorer ce qu’il se passe autour de moi.

Après seulement quelques minutes, la porte s’ouvre et l’idée qu’il soit un mauvais coup m’extirpe presque un sourire.

Presque.

L’abattement que je ressentais un peu plus tôt a laissé place à un profond agacement et j’ai juste envie de les gifler l’un et l’autre.

Mes yeux s’écarquillent de surprise en entendant toquer. Si je comptais faire semblant de dormir, c’est raté. Retenant un grognement, je tourne la tête pour faire face à mon visiteur, lui lançant un regard noir. S’il a l’audace de me narguer, le monde comptera un eunuque de plus ce soir.

Le soulagement est de mise lorsque je constate qu’il a au moins eu la décence de s’habiller.

- Hey… Désolé de te réveiller. Je dois rentrer et Sasha voudrait discuter. Tu peux aller la voir s’il te plaît ?

Elle veut ENFIN parler ?

Où est ce que je suis de nouveau Héléna le plan B parce qu’il doit partir et qu’elle est restée insatisfaite ?

Non pas que coucher avec elle soit envisageable.

En revanche, ça peut être l’occasion de me comporter comme la garce qu’elle pense que je suis. Puisque c’est ce à quoi je suis réduite. Me levant sans dire un mot, j’ai la ferme intention d’ignorer Chris mais suis interceptée par sa main sur mon bras.

Je m’arrête net en sentant ça et le peu de patience qu’il me reste est mise à rude épreuve :

- Retire ta main.

 Il s’exécute et chuchote :

- Elle était mal toute la soirée. J’espère que tu pourras changer ça.

Ça me console un peu de savoir que je n’étais pas la seule misérable et qu’il n’a pas réussi à lui remonter le moral. Ça m’énerve un peu plus de me dire que ça n’était pas nécessaire du tout, si seulement elle m’avait laissée parler.

Acquiesçant d’un mouvement de tête, ma réponse semble le satisfaire puisqu’il se dirige vers la sortie.

Bon vent !

Je place ma main sur la clenche et prends une grande inspiration avant de me lancer et d’entrer.

La lumière est éteinte et je distingue à peine Sasha en boule sur les couvertures. Fermant derrière moi, je reste debout, n’étant pas sûre de ne pas me faire jeter si je venais à m’asseoir sur le lit. Comme toujours lorsque je suis le cul entre deux chaises, mon éloquence s’est faite la malle :

- Hey.

Elle relève la tête et semble me sonder du regard avant de dire :

- Installe-toi s’il te plaît. Il faut qu’on parle.

Je laisse s’échapper un petit rire dédaigneux en entendant ça. Ça y est madame la marquise est disposée à m’accorder audience ?

Raide comme un piquet et le postérieur périlleusement proche du bord, je m’assieds, faisant face à la porte plutôt qu’à ma collègue. La voir ne ferait que m’énerver davantage.

Je veux dire : elle m’accuse injustement du pire, ne me laisse pas la moindre chance de me justifier, amène le bellâtre dans sa chambre pour se changer les idées puis me convoque et joue les misérables ?

Je ne crois pas non.

Ça ne marche pas comme ça.

Lorsqu’elle prend la parole, c’est avec un ton auquel je ne m’attends pas du tout :

- Dom et James m’ont retrouvée au bar, ils m’ont expliqué. C’est la vérité ?

- S’ils t’ont dit que James m’a demandé d’essayer d’être un minimum sympa avec toi parce que ça les mettait mal à l’aise d’être au milieu de nos histoires alors oui, c’est la vérité. Pas un pari ou je ne sais quel sombre film sordide tu t’es fait.

Je sens qu’elle se déplace sur le lit et malgré la colère qui m’habite toujours, suis soulagée lorsque ses bras s’enroulent autour de mon cou et son corps se colle à mon dos.

- Je suis vraiment, vraiment désolée.

J’esquisse un mouvement d’épaule supposé donner l’impression que ça ne m’affecte pas tant que ça, mais je doute que le reste de mon corps le vende très bien.

Ses mains descendent le long de mes bras pour venir prendre les miennes, auparavant crispées sur mes genoux. Elle dépose un baiser dans mon cou et j’ai conscience qu’il s’agit uniquement d’une technique pour retourner dans mes bonnes grâces, mais je frissonne quand même.

Elle me laisse un instant et reprend la parole :

- J’ai toujours eu des problèmes d’insécurité et … je sais que c’est pas une excuse…

Elle marque une pause, comme pour me permettre de digérer ses paroles, puis recommence :

- … Je me suis ouverte à toi ces derniers jours et quand j’ai entendu Dom… J’ai eu l’impression que tu t’étais foutue de ma gueule et que cette relation naissante n’était qu’une vaste farce pour toi.

Mon cœur se met à battre à cent à l’heure. Je m’accroche autant que possible au fait que ce n’est pas logiquement possible que j’aie développé une attirance pour elle si vite et en partant de si loin, mais ça commence à être un peu faiblard comme argument au vu de mes réactions physiques à sa proximité.

Et relation peut être utilisé de manière platonique, n’essaie pas trouver des sens cachés entre les lignes. Tu as eu la démonstration aujourd’hui même de la raison pour laquelle il ne faut pas baisser ta garde.

Sasha se décale sur le côté, lâchant l’une de mes mains pour guider mon menton dans sa direction, m’encourageant à la regarder malgré la pénombre :

- Tu veux bien me pardonner ?

Mes yeux viennent trouver les siens, légèrement embués.

Impossible de rester de marbre devant ça.

Je n’ai pas l’intention de passer l’éponge aussi facilement, mais la voir si vulnérable et pourtant assez courageuse pour me dire ces choses… Argh.

Elle doit sentir qu’elle a percé ma carapace, car son visage s’illumine et un grand sourire apparaît sur ses lèvres.

C’est à ce moment, dans l’intimité de sa chambre, à l’observer, que je réalise que d’une manière ou d’une autre, j’ai effectivement développé une forte attirance pour ma collègue. Ce n’est pas cool du tout.

Me tournant afin que tout mon corps lui fasse face, je la laisse m’amener à elle et poser mon front contre le sien.

Son soulagement est contagieux et je me retrouve à sourire en retour.

Ne l’embrasse pas Héléna.

Ne fais surtout pas ça.

C’est uniquement une réaction physique à sa proximité, comme ça ferait à n’importe qui qu’une jolie femme « entreprendrait » de la sorte.

Elle est tellement proche que je perçois son souffle sur mes lèvres et sens les traces d’alcool dans son haleine.

Alcool qu’elle a consommé avec Chris.

Avant de l’emmener dans sa chambre.

Penser à ça me fait le même effet que si quelqu’un m’avait versé un seau d’eau glacée sur la tête et me calme net. Je me recule sans croiser son regard et m’apprête à me relever pour retourner dans mon antre. Me tirant doucement le bras, elle s’enquiert :

- Tu veux bien rester ?

Euh… Non !

T’as même pas changé les draps ! C’est en regardant ces derniers que je réalise que l’unique endroit où le lit ne paraît pas tiré à quatre épingles est celui où Sasha était blottie un peu plus tôt.

Est-ce que …?

Il faut que je demande, même si ça met en évidence la seule raison pour laquelle ça pourrait m’importer :

- C’est quoi le deal avec Chris ?

Elle hausse les épaules et joue avec une peluche sur le dessus de lit :

- J’avais besoin de quelqu’un d’extérieur pour pouvoir discuter d’autre chose et faire comme si de rien n’était… Il était là. S’il te plaît ?

Croisant son regard, elle annihile toute tentative de résistance en tirant une fois de plus sur ma manche.

Levant les yeux au ciel pour feindre l’agacement, je concède :

- Ok.

Bien évidemment, après plusieurs semaines passées à mes côtés, elle voit à travers mon (très mauvais) jeu d’actrice.

Sans perdre un instant, elle me guide, m'incitant à m’installer au milieu du matelas.

Héléna, c’est ta conscience qui te parle : t’allonger dans le lit de Sasha est la pire idée du siècle… Et Dieu sait que tu as fait des trucs très très cons dans ta vie…

Merci conscience, ta remarque est notée. Mais sans vouloir te vexer, je pense qu’après la journée de merde que j’ai connue, je peux bien me laisser aller pour ce soir, histoire de me remettre de mes émotions...

Je réalise mon erreur stratégique au moment où l’arrière de ma tête vient se poser sur l’oreiller et qu’une effluve de son odeur m’assaille.

Sasha ne manque pas un battement et colle son corps au mien, sa tête sur mon épaule, son bras drapé le long de ma taille, main sur ma hanche et sa cuisse partiellement entre les miennes.

Elle est très proche, même pour quelqu’un de tactile… Est-ce qu’elle se comporte comme ça avec tout le monde ?

Une fois installée, elle me serre momentanément, appuyant ce faisant son genou là où j’ai désespérément besoin qu’elle ne s’aventure pas si je compte conserver un semblant de contrôle.

Je ne vais jamais tenir.

Conscience, je te présente mes excuses. J’ai raté une occasion de t’écouter.

Peut-être qu’avec un peu de chance elle souhaitera éviter le scandale et ne portera pas plainte si je craque et l’attouche ? Après tout, elle n’a rien dit pour Chris !

- Ça va comme ça ? Je ne t’écrase pas ?

Nickel.

- Mhh.

Si tu pouvais faire un peu plus pression à la jonction de mes cuisses, juste deux trois minutes, mon corps t’en serait reconnaissant, merci d’avance.

Ses doigts jouent avec le bas de mon T-shirt, caressant ma peau au passage.

C’est atroce. Elle sent super bon, est collée contre moi, me touche… Je ne sais pas quoi faire pour me sortir de cette situation !

Ok.

Voici le plan : tu joues l’indifférente et attends que ça passe.

Extérieurement, je suis parfaitement immobile, quasi stoïque.

Intérieurement, je suis à un niveau d’excitation d’un garçon de 14 ans qui vient de peloter pour la première fois les seins de la fille qu’il convoitait depuis des mois.

Sauf que dans mon cas la nana en question m’a juste effleuré la hanche… C’est un peu triste.

Au creux de mon cou, Sasha murmure :

- Je suis vraiment désolée de t’avoir dit toutes ces choses…

Plutôt que de répondre par la parole, je dépose un baiser dans ses cheveux, la sentant relâcher une partie de la tension en retour.

Je passe l’éponge un peu facilement, j’en ai conscience, mais pour le moment, tout ce qui m’intéresse c’est de retrouver sa proximité.

Visiblement satisfaite, elle réussit l’impossible en se blottissant un peu plus contre moi. Oubliant toutes les raisons tout à fait valides pour lesquelles cette idée est très mauvaise, je ferme les yeux et profite entièrement du sentiment de plénitude que je ressens en cet instant.

Je me lèverai dans cinq minutes.

28 février 2018

Chapitre 8

Une fois de retour à l’appart, on va se préparer pour la soirée chacune de notre côté. Le reste de l’après-midi s’est relativement bien déroulé, mais je n’arrive pas à croire que j’ai pu faire une remarque pareille. C’était totalement gratuit et j’étais agacée c’est sûr, mais c’était disproportionné.

 

Je m’affale sur le canapé et regarde l’heure. Normalement, on attend Alycia et Chris en plus de mes collègues ce soir.

James m’a annoncé qu’il avait invité le bellâtre en scrutant mon visage. Je devine quel type de réaction il espérait susciter, mais je me suis contentée de hausser les épaules en lançant un “ok”.

Est-ce que je pense toujours que Sasha et lui vont aussi bien ensemble que des huîtres et du beurre de cacahuètes ?

Oui, absolument.

Est-ce que ça me regarde ?
Pas le moins du monde.

James sort de sa tanière et vient s’installer à côté de moi, plaçant son bras autour de mon épaule :

- Comment ça va ?

- Bien et toi ? Prêt pour ce soir ? Je suis étonnée de voir que tu n’as pas invité de fille.

Il m’adresse un sourire arrogant et réplique :

- Toujours, comme les scouts. Et les personnes au génie équivalent au mien ne courent pas les rues, j’y peux rien.

Levant les yeux au ciel, je rétorque :

- Hmm Hmm, continue de te dire ça Cortex.

- Tu réalises que ça fait de toi Minus ?

- Non, ça c’est Dom.

On se regarde et explosons de rire tous les deux. Ça m’avait manqué de passer du temps avec lui.

- Et sinon comment ça se passe avec Sasha ?

Ça par contre, ça ne m’avait pas manqué !  

- On a fait des progrès.

- Et ton coup de cœur ?

- Celui que tu as inventé ? Toujours imaginaire merci bien.

- Un jour tu réaliseras que mon génie ne se limite pas à l'ingénierie et ce jour-là, j’espère bien que tu décideras d’appeler ton premier-né comme moi.

- Un : à ta place je ne retiendrais pas mon souffle. Deux : même si on devenait toutes les deux amnésiques et que l’impensable se produisait, un prodige de ton calibre devrait savoir comment fonctionne le système reproductif humain. Femme + Femme ne donne pas bébé.

- Je suis certain que ça ne vous empêchera pas d’essayer.

- AIT. Empêcherait. Tout est dans ta tête souviens-toi.

James me regarde et chantonne :

- Pour l’instant...
Pourquoi c’est mon ami déjà ?

Fort heureusement, l’arrivée des invités met fin à ce dialogue de sourds. Je connais bien le lascar et sais pertinemment qu’une fois qu’une idée a germé dans son esprit, elle devient un baobab et inutile d’essayer de la lui retirer sans un tractopelle géant.

Avant que l’on ait pu bouger le moindre orteil, Dom se rue pour aller ouvrir. Il y en a un qui a hâte de retrouver sa dulcinée ! Alycia est parfaite pour lui, le jour et la nuit par rapport à sa relation avec Mélissa. Ça fait plaisir de le voir dans une dynamique on ne peut plus saine. Je ne suis pas peu fière d’avoir facilité leur rapprochement. Je ne me serai pas sacrifiée pour rien !

Cette dernière passe la porte et lui dépose un petit bisou sur les lèvres avant de venir nous saluer.

Dom serre la main de Chris et hurle :

- Sasha, ils sont arrivés ramène toi !  

Je me lève pour aller chercher les amuse-bouche que l’on a préparés. À mon retour, je vois que ma collègue a piqué ma place et est tout contre James, bien qu’il ait retiré son bras.

Ces deux-là n’ont vraiment aucune notion d’espace vital. Plutôt que d’essayer de me glisser dans le petit espace restant, j’opte pour ramener une chaise de la cuisine.

Je sens les yeux de James sur moi, questionnant certainement mon choix et en déduisant très probablement une énième théorie loufoque. La discussion va bon train et tout le monde à l’air de passer un bon moment.

James se lève soudainement, part dans sa chambre et retourne avec une guitare :

- Regardez ce que j’ai acheté pour une bouchée de pain aujourd’hui !

Dom lui lance un regard circonspect :

- Depuis quand tu joues ?

- Je sais pas jouer, mais quitte à être coincé dans le même appart qu’elle je me suis dit qu’elle pourrait m’apprendre.

Il me pointe du doigt en annonçant cela.

Et merde.

Connaissant l’oreille musicale de James, j’ai plus de chances d’enseigner la physique quantique à un rhinocéros que d’en faire un bon guitariste.

J’entends Sasha s’exclamer :

- Tu joues ?

À ton avis ? M’épargnant une rechute, Dom répond à ma place :

- Très bien. Tu devrais nous faire une démo Héléna.

Bande de traîtres. Je reconnais un coup monté quand j’en vois un et si le clin d’œil que vient de m’adresser James est une quelconque indication, c’en est un.

Ils sont tous deux persuadés que mon apprentissage était lié à un stratagème pour draguer les filles. Ma mère a beau être musicienne professionnelle, apparemment ça n’entre pas en ligne de compte…

J’accepte la guitare sans broncher. Inutile de me lancer dans une argumentation que je suis certaine de perdre.
- Vous voulez quoi !? De tête je peux vous faire dancing on my own (la version Scott Callum), Work Song de Hozier, Horse with no name, euh…
James m'interrompt dans ma liste de chansons relativement lentes ne me demandant pas d’effort et je ne suis pas du tout étonnée de sa suggestion :
- Girl crush !
Depuis que je l’ai chantée après une soirée bien arrosée à l’école, il me la réclame systématiquement. Soi-disant parce que “c’est super beau comme déclaration d’amour, la nana aime tellement le gars que bla bla bla… “.
Dom manifeste son enthousiasme dans un :
- Je vote pour aussi !
Sasha, Alycia et Chris n’ont pas l’air de connaître alors c’est l’occasion de leur faire découvrir.
Plaçant mes doigts sur les cordes, je passe quelques instants à accorder avant de me lancer :
- I got a girl crush…  (Traduction sauvage : J’ai un coup de cœur pour cette fille)
hate to admit it but (ça me tue de l’admettre, mais)
I got a heart rush (j’ai le cœur qui palpite,)
Ain’t slowing down (qui ne ralentit pas)

En chantant, je m’efforce de regarder tout le monde à parts égales, pour éviter qu'on ne puisse lire plus que les paroles de chanson dans mon interprétation.
Sasha
- I want to taste her lips (je veux goûter ses lèvres)
Chris
- Yeah, ‘cause they taste like you (parce qu’elles ont goût de toi)
Dom
- I want to drown myself (je veux me noyer)
Alycia
- In a bottle of her perfume (dans une bouteille de son parfum)
James, qui mime un fouettement de chevelure L’Oréal.
- I want her long blond hair (je veux ses longs cheveux blonds)
Sasha
- I want her magic touch, yeah ‘cause maybe then (je veux son “toucher magique”, ouais parce qu’alors peut-être)
Chris
- You’d want me just as much (que tu me voudrais tout autant)
Dom
- I got a girl crush…  (j’ai un coup de cœur pour cette fille)
Je continue sur ma lancée, me prenant dans la chanson. La pauvre Alycia est trimballée de gauche à droite par un Dom qui se balance en rythme. James a sorti le briquet et s’adonne à un play-back enthousiaste. Sasha m’écoute avec attention, sourire aux lèvres et Chris a un air chelou mais semble content.
Je joue les dernières notes et souris devant les applaudissements qui me sont adressés.
J’ai à peine terminé que James se rue sur moi, décale la guitare, me chevauche et m’attrape vigoureusement le visage, lançant :
- Pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt !?
Il ferme les yeux, ouvre grand la bouche en tirant la langue et s’approche dangereusement. Je sais qu'il plaisante et ne va rien faire, mais j’ai quand même l’air horrifiée, à juste titre je pense !
Il s’arrête au moment où je commence à remettre en question mes certitudes, m’adresse un clin d’œil et me dépose un bisou sur le front avant de retourner à sa place.
Une fois qu’elle a fini de rire des bêtises de James, Alycia me complimente :
- Tu chantes super bien !
- Merci.
Je tends la guitare à Dom, sachant que même s’il n’est pas musicien per se, il se débrouille plutôt pas mal.
C’est l’occasion d’impressionner ta belle mon vieux.

Ne rate pas ton coup.
Reconnaissant mon geste pour ce qu’il est, il m’adresse un sourire de remerciement.
La soirée avance dans une ambiance très sympathique, tout le monde étant de bonne humeur.
Je me lève pour aller me rafraîchir un instant. Il fait super chaud dans le salon et j’ai les mains moites, je déteste ça. Je me les lave et humidifie ma nuque tout en jetant un coup d’œil dans le miroir pour constater l’absence de dégâts capillaires. Nickel.
En repartant, je tombe nez à nez avec Chris dans le couloir.
Je lui fais une espèce de sourire faux-cul et attends avec impatience qu’il se pousse.
- Tu as bien chanté tout à l'heure.
- Merci.
Et au revoir ?
Je le regarde fixement sans dire un mot de plus, toujours avec mon sourire-grimace, espérant qu’il comprenne le message.
Allez bouge j’ai pas que ça à faire !
Un soupir d’agacement m’échappe en l’entendant reprendre la parole :
- J’ai tout de suite pigé ce que tu voulais me dire… J’avoue que ça m’a étonné, à cause des rumeurs qui courent à ton sujet, mais c’est une bonne surprise. Et tu n’as pas à t’en faire pour Sasha !
Mais qu’est-ce qu’il bave encore ?
Fronçant les sourcils, je m’apprête à lui demander de quoi il parle lorsqu'il fait la dernière des choses auxquelles je m’attends : placer une main derrière ma nuque et m’embrasser.
What the fuck !?
Ma réaction est immédiate et pas du tout délicate. Je le repousse des deux mains et m’essuie la bouche sur ma manche, lui lançant un regard courroucé. Le genre qui ferait faire demi-tour à Wolverine.
Avant que je ne puisse vocaliser mon outrage, j’entends un lourd raclement de gorge.
Sasha a les mains sur ses hanches et un sourcil levé.
Génial.

Une querelle d’amoureux.

Et moi au milieu ?

Même pas en rêve !
N’attendant pas leur aval et ne voulant pas être présente pour la discussion à suivre, je fonce dans la salle de bain.
Alors que je suis en train de tout retourner à la recherche d’un produit décapant suffisamment puissant pour retirer les trois premières épaisseurs de peau sur mes lèvres, la porte s’ouvre et se referme derrière moi.
Comme d’habitude, il n’y a pas de javel quand on en a besoin.
Ne prêtant pas attention à Sasha, adossée à la porte fermée, je prends un peu de mon gel douche et m’en tartine abondamment la bouche avant de rincer le tout à grande eau.

Berk berk berk.

J’espère que je ne vais pas choper la mononucléose !
La désinfection externe est très loin d’être suffisante alors je mets une quantité industrielle de dentifrice sur ma brosse à dents et m’assieds sur le rebord de la baignoire, observant Sasha du coin de l’œil avant de demander :

- Quoi ?

- Je dois dire que c’était la dernière des choses sur laquelle je pensais tomber !

Je lui adresse un regard noir et termine le brossage avant de répondre :

- Ouais, bah t’étais pas la seule surprise !

Il est hors de question que j’endure une quelconque conversation quant aux raisons qui ont pu pousser son petit copain à m’agresser de la sorte. Je n’ai rien à voir là-dedans et lui laisse bien volontiers.

- Alors, ça fait quoi ?

Vraiment Sasha ?

Ma réaction ne t’indique pas à quel point j’ai aimé ? L'idée de subir ça une seconde fois m’horrifie plus que celle de trouver un cafard dans ma part de tarte.

Si jamais elle me propose un plan à trois, je saute dans la baignoire et m’étrangle avec le fil de douche.

Voulant être la plus claire possible, je lance :

- Ça confirme encore un peu plus mon orientation sexuelle ! Il n’y a que sur toi que ses charmes opèrent, rassure-toi !

Elle fronce les sourcils et s’enquiert :

- Euh…Tu peux extrapoler ? J’ai un peu peur de comprendre ce que tu sous-entends…

- Toi et Chris... tu sais ! Si votre relation était supposée être secrète, c’est raté, tout le monde est au courant.

Elle lève les yeux au ciel :

- Pas toi aussi ! Comment vous pouvez croire à cette histoire ?

- Excuse-moi, mais tu as vu vos interactions ?

Les mimant l’un et l’autre, prenant une voix fluette et niaise pour Sasha et celle d’un gros benêt pour lui, je refais la scène :

« - T’as ce qu’il me faut ? *lèvres duckface et battements de cils*

- Ouais bébé tu sais bien que j’obtiens toujours ce que je veux ! *époussetage d’épaule en bombant le torse *

- Hihihi tu es trop fort viens là que je me colle à toi mon apollon. »

Bien que mon interprétation soit splendide, Sasha n’a pas l’air de l’apprécier à sa juste valeur :

- Dans mes souvenirs, ça ne s’est pas du tout passé comme ça ! Et la seule raison pour laquelle les gens pensent ça, c’est parce qu’il m’a fait le même coup qu’à toi l’an dernier et comme par hasard ils sont arrivés pile au mauvais moment.

- Tu veux dire que toi et lui … ?

Je la pointe d’un signe de doigt, attendant qu’elle explique :

- Allons aussi bien ensemble qu’un cul-de-jatte dans la salle d’attente d’un pédicure ? Oui.

Je ne sais pas quoi faire de cette nouvelle.

J’en reviens à mon niveau d’information d’il y a quelques jours et je ne sais pas si cela est supposé m’apporter le soulagement que je ressens.

Elle ne sortirait donc pas avec le bellâtre ?

- Suis-moi.

Sasha s’empare de ma main, ne me laissant pas d’autre choix que de lui emboîter le pas. Elle m’entraîne en direction de sa chambre, ouvrant la porte d’un geste brusque.

J’ai moyennement confiance, je ne le sens pas ce coup-là.

- Ferme les yeux. Je vais te montrer ce qu’il m’a donné.

Je n’ai plus du tout confiance.

Je m’exécute de mauvaise grâce et lance quand même un avertissement dans le doute :

- Si quand je les ouvre j’ai le sexe de ton copain en visuel, tu finiras avec un eunuque, que ça soit clair !

- Très drôle.

Je l’entends farfouiller je ne sais où, puis le bruit d’un sachet.

- Tu peux y aller.

Devant moi se tient Sasha avec en main un maillot des Cleveland Cavaliers, floqué LeBron James et qui a l’air…

J’écarquille les yeux et ouvre la bouche tellement je suis surprise :

- Nan !?

Elle rougit et acquiesce d’un mouvement de tête.

- Tu m’as obtenu un maillot dédicacé ?

Elle hausse les épaules comme si ce n’était rien !

- J’avais l’intuition que tu allais jouer le jeu suite au pari et voulais te remonter le moral. Je pensais te le donner ce soir.

- Comment tu as fait ?

- L’an dernier, Chris s’était vanté que son cousin connaissait le neveu d’un des joueurs… J’ai tenté ma chance et tadaa.

J’ai un peu peur de demander ce qu’elle a dû faire en échange de ce “service”. Je devrais peut-être passer le maillot à la lampe noire, histoire d’être sûre…

Je ne sais pas si elle lit dans mes pensées ou quoi, mais Sasha précise d’elle-même :

- C’était sa manière à lui de s’excuser pour n’avoir pas mis fin aux rumeurs de l’an dernier…

- Oh.

Elle penche légèrement la tête et demande dans un sourire en coin :

- J’ai même pas un merci ?

Oh merde ! Sois pas ingrate Héléna, mets-toi en mouvement.

Je m’approche à grands pas, jette le maillot sur le lit et la prends dans mes bras, allant jusqu’à la soulever. Plaçant mon visage au creux de son cou, je m’efforce de ne pas sourire lorsque ses jambes s’enroulent autour de ma taille. J’ai tort de profiter, mais en même temps il ne faut pas qu’elle pense que ce geste n’est pas apprécié à sa juste valeur. C’est très attentionné de sa part et elle n’était pas obligée de faire quoi que ce soit.

- Merci Sasha.

Elle place un baiser sur mes cheveux avant de dire d’une voix douce :

- De rien.

Tu devrais la déposer Héléna.

C’est moyennement amical comme position. Et vous n’êtes même pas vraiment amies !

Comme pour me narguer, mes bras se resserrent au creux de son dos et Sasha répond en enroulant encore plus les siens autour de mes épaules.

Je niche un peu plus mon visage dans son cou, m’imprégnant de l’odeur de sa peau et luttant contre l’envie d’y placer mes lèvres, me contentant d’un soupir de plénitude.

Le frisson qu’il produit est immanquable et Sasha murmure “Héléna…” avant de se reculer pour venir trouver mon regard.

- Les filles, on m’a envoyée à votre recherche, vous faites qu-

Les mots meurent dans la gorge d’Alycia et je grogne de dépit en constatant que je me retrouve à nouveau dans une situation improbable.

Déposant Sasha à terre, je l’entends grommeler :

- Évidemment, il fallait que ce soit ELLE qui me surprenne dans une position qui a l’air louche...

Ça m’amuse, jusqu’à ce que je me rappelle que Dom a ouvert la porte sur Sasha en peignoir entre mes jambes écartées quelques jours plus tôt.

Pourvu qu’il ne lui en ait pas parlé sinon j’ose à peine imaginer les rumeurs…

En plus, Alycia faisait partie de ceux qui l’avaient vue dans le couloir avec Chris et pensent toujours qu’ils sont ensemble.

Omg.

Non.

Bonjour l’angoisse maintenant j’ai l'air d’être sa maîtresse c’est encore pire !

Malheureusement, Alycia se remet plus vite du choc que nous :

- Je vais vous laisser… finir, je leur dis que vous arrivez.

Elle s’enfuit à toute blinde, sans que l’on puisse réagir.

Sasha me lance un regard désespéré.

- Tu crois qu’on devrait essayer de se justifier ?

Elle hausse les épaules, clairement dubitative :

- Honnêtement, je pense que tout ce qu’on pourra dire aura l’air d’une excuse...

Elle me fait un petit sourire désolé et se dirige vers la porte. Je suis prise d’une soudaine envie de faire durer le moment et lui tapote le bras pour attirer son attention.

Se retournant, elle attend que je lui indique ce que je veux et plutôt que de questionner mon impulsion, je me contente d’ouvrir les bras dans une question muette.

Son visage s’illumine et elle se rue sur moi, à tel point que je manque de basculer sur le lit, tenant difficilement debout.

Cette fois-ci c’est elle qui place sa tête au creux de mon cou, étant légèrement plus petite que moi de base.

Je n’hésite pas à retourner l’étreinte, la sentant sourire contre ma peau. C’est à peine si je me reconnais, demander des câlins n’est pas mon genre et pourtant je ne regrette pas un instant.

Je ne sais pas quand j’ai franchi le cap “familiarité tactile” avec Sasha, mais je suis de l’autre côté de la barrière sans la moindre idée de comment j’ai pu atterrir là.

- Merci encore.

Je sais, je sais.

Ce n’était pas tant un “merci pour le cadeau” qu’un “j’en ai envie” mais je ne me sens pas capable de l’assumer. Envers elle comme envers moi.

Elle se recule et me dépose un bisou sur la joue avant de partir d’un pas léger sans un regard en arrière.

28 février 2018

Chapitre 7

Je vérifie pour la trois millième fois le contenu du plateau, mais sais pertinemment bien qu’il s’agit uniquement d’une technique pour repousser l’échéance. Je plaide la folie passagère, je ne vois pas comment j’ai pu croire que ça allait être une bonne idée.

Il suffit d’un bruit en direction du couloir des garçons pour que je ne craigne que James se lève et me mette en mouvement. Arrivée à la porte, je frappe et n’ayant pas de réponse, hésite très fortement à entrer.

Après tout, je ne sais pas si bidule est parti hier soir, ni si Sasha dort habillée. La dernière des choses dont j’ai besoin, c’est de me retrouver avec un visuel de ce à quoi je ne m’autorise pas à penser.

Alors que je suis sur le point de me dégonfler et d’abandonner la mission, j’entends un tout petit :

- Oui ?

- C’est Héléna, je peux entrer ?

- Ouais.

J’ouvre délicatement la porte, en tentant de garder le plateau en équilibre de mon autre main. Sasha est sur le ventre au milieu du matelas, seule (ouf) et tente visiblement de fusionner avec son oreiller.

Lorsqu’elle finit par me regarder, elle écarquille tout grand les yeux, puis se les frotte des deux poings, avant de reprendre son air totalement éberlué.

- Je suis en train de rêver ?

Déposant le plateau sur le lit, je réplique :

- Madame est servie, croissants et café, un sucre, deux doses de crème. Et malheureusement, non, tu ne rêves pas. Mais je veux bien te pincer si ça peut t’aider.

Visiblement très satisfaite de ma réponse, elle rit avant de se retourner sur le dos et s’étirer comme un pacha.

Me retenant difficilement de poser le regard sur ses formes que son t-shirt large dissimule mal, j’entame une RRS.

Rapide Retraite Stratégique.

Entre ma tenue et la nouvelle dynamique entre elle et moi, je me sens extrêmement vulnérable. Malheureusement, j’ai à peine débuté mon demi-tour qu’elle répond :

- Pas besoin, vu ta réplique je sais que c’est toi ! … Viens par là.

Elle me fait signe d’approcher et je suis très réticente à cette idée. Mais entre le pari, ma promesse de faire des efforts et le fait que refuser me donnerait juste l’air louche, je n’ai pas l’impression d’avoir vraiment le choix.

Sasha décale le plateau et ouvre ses bras.

Mon envie de fuir revient à toute vitesse et chaque pas dans sa direction est une lutte contre moi-même. James et elle sont beaucoup trop tactiles pour moi.

Je me penche finalement pour la laisser me serrer dans ses bras tout en restant aussi éloignée que possible, essayant de ne pas faire durer plus que je ne devrais.

Sa voix est encore un peu rauque de sommeil lorsqu’elle me murmure à l’oreille :

- Merci beaucoup Héléna. Et je vois que tu as noté mes préférences en matière de café, c’est mignon.

Je me recule immédiatement et fais mine de ne pas sentir mon visage en état de combustion avancé, lançant un :

- Bon appétit.

- Hey ! Je ne t’ai pas congédiée !

Levant les yeux au ciel, je demande :

- Je peux y aller ?

Elle arrache un petit morceau de croissant et m’adresse un simple “nan” avant de le jeter dans sa bouche.

L’espace d’un instant, je fais une rechute dans l’ancienne Héléna et espère qu’elle va s’étouffer. Mais je n’ai pas cette chance puisqu’elle se décale d’un demi-millimètre et tapote le lit.

Grommelant, je m’assieds de très mauvaise grâce, le tout dans une absence totale de délicatesse afin de bien lui faire comprendre que je ne suis pas ravie d’être là.

Je m’adosse au mur et croise les bras, attendant qu’elle se lasse et me laisse partir.

Elle déplace le plateau de l’autre côté d’elle et se jette soudainement sur moi, appareil photo en main.

Je n’ai le temps que de l’entrapercevoir, mais je sais déjà que le selfie qu’elle vient de prendre est tout bonnement abominable.

Elle me tourne le dos pour consulter le résultat avant de donner un petit coup d’épaule dans la mienne :

- Fais pas cette tête !

Il est impensable que je la gratifie d’une réponse.

- Héléna, c’était trop tentant, tu ne devrais même pas être étonnée.

Sasha me tend un bout de croissant que je mets dans ma bouche pour me l’occuper.

Nope, je ne lui répondrais pas.

- On peut en refaire une si tu veux. Mais il est hors de question que je ne garde pas trace de la fois où tu m’as apporté le petit déjeuner au lit avec l’air d’être sortie d’un shooting photo playboy !

Sa remarque lui vaut un énième regard noir. Elle est obligée de m’humilier en plus de m’avoir comme esclave ?

- Approche ma belle.

Juste pour clarifier la situation : j’ai conscience qu’elle m’a appelée comme ça juste pour m’amadouer, mais il n’empêche que ça me fait plaisir. Un compliment reste un compliment.

Sasha lève l’appareil et pose sa tête sur mon épaule, plaçant son autre main d’une manière étrange. Elle appuie sur le déclencheur au moment exact où je réalise.

La petite fouine !!

Elle approche l’écran et éclate de rire en découvrant le résultat.

- Regarde, c’est génial !

J’ai les yeux ronds et la bouche ouverte en un “O” de surprise. Au creux de mon cou, Sasha a l’air le plus pervers de l’univers, son visage arborant un sourire digne du joker et sa main dans le vide créant l’illusion parfaite d’elle en train de me peloter… Inutile de parler de l’angle de la photo, option plongeon dans mon décolleté.

Histoire qu’il n’y ait pas place au doute, on voit très clairement que nous sommes sur un lit défait.

Honnêtement, je n’aurais jamais cru qu’elle avait ça en elle ! Comment j’ai pu me tromper à ce point sur sa personnalité ?

Ça fait bien trente secondes que j’attends patiemment qu’elle ait fini de glousser, mais dès que je pense arriver au bout du tunnel, un coup d’œil au cliché et c’est reparti de plus belle.

Laissant transpirer mon agacement dans mon ton, je tente ma chance :

- Je peux y aller maintenant ? Je n’ai vraiment pas envie que James m’aperçoive habillée comme ça…

Plaçant une main sur son cœur comme si elle était émue, elle réplique :

- Awwww c’était juste pour moi ? C’est encore mieux ! Va te changer, profites-en pour te faire un café et reviens finir le petit déjeuner !

Je bondis hors du matelas, ne demandant pas mon reste de peur qu’elle ne change d’avis quant au changement de tenue, même si l’idée de retourner à côté d’elle sur son lit ne me met pas particulièrement à l’aise.

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 J’espérais secrètement que Sasha ne comptait pas trop profiter de cette journée, mais mes pires craintes se sont vérifiées dès mon retour dans la chambre, alors qu’elle m’a annoncé qu’elle avait toujours rêvé d’avoir un porteur pour ses affaires lorsqu’elle fait du shopping, “comme dans les films”.

C’est pourquoi je suis présentement à l’arrière d’un taxi, à me préparer psychologiquement pour cette épreuve.

Ce n’est pas tant que je n’aime pas ce genre d’activité, mais plutôt le fait que j’ai un peu de mal à gérer mon imagination et je ne pense pas que voir Sasha essayer différents types de vêtements va beaucoup m’aider.

Je suis sortie de mes pensées par le chauffeur :

- Désolé, je dois vous arrêter ici, il y a une manifestation et on ne peut pas s’approcher davantage. La principale rue commerçante se trouve tout droit, entre 5 et 10 minutes de marche je dirais.

Avec un peu de chance Sasha va avoir la flemme de marcher et changer d’avis ?

- Pas de problème.

Je la regarde payer et sors du taxi pour en faire le tour et lui ouvrir la porte, n’ayant pas oublié la raison pour laquelle je suis obligée d’endurer ça. Je ne ferais plus jamais de pari de toute ma vie. Je l’ai déjà dit, mais cette fois c’est vrai ! J’ai appris ma leçon.

Nous nous mettons en route dans la direction indiquée et entendons la musique au bout d’une centaine de mètres. Ça m’a l’air très festif ce rassemblement !

Sasha se tourne vers moi, les yeux pétillants et la tête d’une enfant à qui l’on vient d’annoncer qu’elle a gagné son poids en bonbons :

- Nan ?

Elle s’empare de ma main et me traîne en direction du cortège de manifestants au pas de course.

Je comprends de quoi il s’agit uniquement lorsque je vois les drapeaux arc-en-ciel.

Parfois je suis un peu lente.

- Oh regarde, ils n’ont pas encore démarré et il y a des stands d’accessoires !

Oh non.

S’il y a bien une chose que je n’ai pas envie de faire, c’est de participer à la gay pride avec Sasha.

C’est important de s’y rendre rien que pour montrer qu’il n’est pas question d’une si petite minorité que ça et que non, les lesbiennes ne le sont pas parce que les hommes les ont rejetées.

Ne riez pas, si vous saviez le nombre de fois où on ne m’a pas crue lorsque j’ai annoncé ma sexualité, parce que je n’ai “pas l’air lesbienne” ou devrais “pouvoir trouver un homme sans problème”.

Et effectivement, ils ont raison en un sens, les trouver, ça va, c’est leur faire me lâcher le slip qui est difficile !

Du coup, je suis totalement pour montrer la diversité de la communauté LGBT.

Mais avec Sasha à côté ? Certainement pas !  

En plus, ça me force à la voir sous un nouveau jour, à reconnaître que je ne la connais pas.

À choisir entre deux maux, je préfère le moindre :

- La rue des boutiques est par là...

Ignorant complètement mon évidente réticence, elle se dirige vers le chariot extrêmement coloré débordant de produits. Étant donné que j’attends toujours qu’elle me lâche la main, je suis forcée de suivre le mouvement.  

Je la regarde faire l’acquisition de morceaux de facepaint arc-en-ciel et charmer le couple de petits vieux à côté d’elle, leur prodiguant des conseils sur la meilleure manière de s'accessoiriser. Lorsqu’ils tournent leur attention sur moi, je me contente de leur adresser un sourire poli accompagné d’un mouvement de tête.

Après cinq minutes à taper la discute à des étrangers en m’ignorant au plus haut point, Sasha semble se rappeler que j’existe. Pile quand je contemplais l’idée de m’éclipser discrètement… Elle se retourne abruptement et m’attire vers elle :

- Viens par là.

Avant que je puisse protester, elle m’affuble de deux traits arc-en-ciel au niveau des pommettes.

...

Exactement ce qu’il me fallait pour compléter mon look.

Levant les yeux au ciel, je tente à nouveau ma chance :

- Et le shopping ?

Pétillante comme jamais, Sasha m’adresse un sourire joyeux tout en sautillant sur place et serrant ma main des deux siennes :

- Allez, c’est qu’une fois dans l’année, les boutiques seront toujours là après !

J’essaie VRAIMENT de rester imperméable à son excitation, mais c’est difficile et je dois faire un effort conscient pour ne pas répondre à son sourire.

Ne perdant pas espoir, j’abats ma dernière carte en espérant que ça suffise :

- Pas la porteuse !

- Oh, je suis quasi sûre que je pourrais la convaincre d’une manière ou d’une autre…

Je fronce les sourcils en entendant ça.

Qu’est-ce que c’est supposé vouloir dire ?

Mes pensées sont brutalement interrompues par Sasha me fourrant le mini “crayon” dans ma main libre :

- Tu me maquilles ?

Du coin de l’œil, je constate que les deux papis ne se sont pas éloignés et discutent entre eux, scrutant nos interactions.

- Est-ce que j’ai le choix ?

- Tu as perdu un pari ou pas ?

Pinçant mes lèvres pour étouffer la remarque désobligeante qui menace de m’échapper et soufflant mon mécontentement par le nez, j’ignore le sourire qui la gagne en voyant ma réaction.

Maintenant que j’y pense, les deux arcs-en-ciel sur mon visage doivent sérieusement entamer ma crédibilité.

Oh comme je regrette le temps où James et Dom n’avaient pas ruiné ma réputation auprès d’elle.

J’extirpe ma main de la sienne et demande de mauvaise grâce :

- Tu veux ça où ?

- Où tu veux.

Pendant une seconde, je considère l’option de lui peinturlurer l’intégralité du visage, mais me souviens que je vais devoir lui obéir pour le restant de la journée et potentiellement souffrir en conséquence.

Mouais, le risque n’en vaut pas la chandelle.

Portant le crayon sur son visage, je lui fais deux traits verticaux, partant de chaque côté de son front, m’arrêtant au sourcil et reprenant au niveau de ses pommettes jusqu’à la limite de sa mâchoire.

Une fois terminé, je recule d’un pas pour admirer mon œuvre. On dirait qu’elle a des bretelles faciales.

Sasha se passe une main dans les cheveux, les mettant complètement sens dessus dessous et demande :

- Ça donne quoi ?

Je ne sais pas comment c’est possible, mais les couleurs vives font ressortir le vert de ses yeux au lieu de l’atténuer. Perturbée, je prends une seconde de trop pour répondre et vois son sourire vaciller un peu en attendant mon verdict :  

- Tu es ravissante.

Vraiment Héléna ? Parle-lui en alexandrins tant que tu y es.

Et puis ce n’est pas comme si le compliment était un peu disproportionné compte tenu du fait qu’il s’agit juste de pâte grasse colorée étalée sur son visage et non de l’essayage d’une robe de mariée…

La panique commence à s’installer en réalisant que j’en ai sûrement trop dit, mais fort heureusement Sasha ne relève pas et son visage s’illumine suite à mon éloge.

Elle s’approche et me prend dans ses bras, m’amenant contre elle en prenant garde de ne pas tacher nos vêtements.

J’espère qu’elle ne sent pas à quel point mon cœur bat vite.

Une barrière lâche en moi et pour la première fois depuis que j’ai arrêté de tout faire pour la détester, je m’autorise à sincèrement retourner son étreinte.

Mes bras s’enroulent autour d’elle et l’attirent plus à moi, en contraste parfait avec toutes les fois où j’ai enduré son côté tactile en restant le plus loin possible. Elle me serre un peu plus fort en sentant que je réciproque.

Je suis soulagée lorsqu’elle se recule, car j’étais à deux doigts de placer mon nez dans son cou ou ses cheveux pour renifler son odeur. Et toutes les excuses de l’univers n’auraient pas pu justifier ça.

Son regard brillant vient trouver le mien et je souris malgré moi.

C’est dingue à quel point son aura de bonne humeur déteint sur les gens. C’est sûrement ça qui explique qu’elle arrive à charmer quasi tout le monde au bout de cinq minutes. Sauf moi bien sûr !

Si elle les a rencontrés, les parents de Chris doivent l’adorer.

Cette pensée me calme d’un coup, me rappelant ma place.

J’ai soudainement besoin d’une minute pour me refaire une contenance.

Repérant un vendeur de boisson, je le pointe du doigt dans un “tu veux quelque chose ? Je vais aller me prendre une bouteille je reviens” adressé à Sasha.

À l’instant même où elle me répond par la négative, je m’éclipse aussi rapidement que possible.

Je me sens coupable de me laisser happer aussi facilement par sa manière d’être, mais depuis que j’essaie de passer outre la tonne d'aprioris que j’ai sur elle, sa présence a quelque chose de vraiment chaleureux, quasi familier et c’est un peu trop addictif à mon goût.

En rentrant je devrais peut-être en parler avec James et lui dire que j’ai beau faire des efforts, c’est trop dur ou je ne sais pas quoi. N’importe quelle excuse fera l’affaire, je veux juste retourner me planquer derrière mes murs, ne pas rester aussi vulnérable et réceptive à tout ce que fait Sasha.

Bouteille en main je la rejoins, à nouveau en grande discussion avec les vieux Messieurs, communiquant autant par sa gestuelle que par la parole. En la voyant, un sourire tente de se frayer un chemin sur mes lèvres, mais je le réprime autant que possible.

Si je dois me prendre en main, il faut bien commencer quelque part.

Le char de tête annonce que la marche va bientôt débuter et essaie de motiver la foule en augmentant le volume de la musique.

Ma collègue a visiblement du mal à dissimuler son impatience, trépignant sur place. C’est la première fois de ma vie que je vois quelqu’un d’aussi joyeux à l’idée de participer à la gay pride. Et dire que je pensais qu’elle était tellement coincée qu’elle frôlait l’homophobie...

À peine le char commence-t-il à bouger qu’elle s’empare de ma main pour me traîner au milieu du cortège, invitant ses nouveaux meilleurs amis à se joindre à nous. Malgré les basses surpuissantes, j’entends quelques bribes de leurs échanges et dois avouer qu’ils ont l’air charmants, super gentils.

Pile au moment où j’avale une grosse gorgée, l’un d’eux dit :

- En tout cas, si je peux me permettre vous formez vraiment un très joli couple.

Évidemment, je m’étouffe instantanément. Alors que je suis en train d’essayer d’expulser l’eau qui s’est engouffrée dans mes poumons, Sasha vient tapoter mon dos de sa main et leur adresse un :

- Merci.

Entre deux quintes de toux, je lui lance un regard incrédule. Pourquoi elle ne les corrige pas !?

Sentant certainement que je m’apprête à remettre les choses dans leur contexte, elle se penche pour me murmurer à l’oreille :

- Ils sont trop mignons, laisse-les croire, ça leur fait plaisir et ça ne mange pas de pain !

Ça, c’est elle qui le dit !

Une fois mes voies respiratoires à nouveau en étant de fonctionner, je me redresse et fais mine de n’avoir rien entendu, espérant qu’ils vont en rester à un simple commentaire.

La chanson change et Sasha se tourne immédiatement vers moi, piétinant à reculons :

- Oh je l’adore celle-là. M’accorderez-vous cette danse très chère ?

Non.

Je veux rentrer et me terrer dans ma chambre, dans le noir, à attendre que mes colocataires oublient jusqu’à mon existence. Mais comme ça paraîtrait un peu dramatique comme réponse, je me contente d’un :

- On est en train de marcher…

- Tu n’as pas d’imagination !

Euh… pour le coup je ne suis pas d’accord, c’est bien ça mon problème.

D’ailleurs, je devrais peut-être profiter d’être entourée de femmes que mes charmes ne laissent potentiellement pas insensibles pour faire du repérage et me sortir certaines pensées parasites de la tête.  

Sasha se retourne et je pense (à tort) qu’elle a lâché l’affaire.

Ne perdant pas de temps pour commencer à regarder autour de moi, je percute ma collègue qui s’était visiblement arrêtée, me stabilisant et l’empêchant de tomber en posant mes mains sur ses hanches.

- Oh pardon !

J’espère qu’elle ne va pas me demander d’explication quant aux raisons de ma distraction, je me fais déjà suffisamment charrier par Dom et James, pas besoin de leur donner des munitions supplémentaires.

Elle tourne la tête et m’adresse un sourire par-dessus son épaule, avant de placer ses mains sur les miennes pour les maintenir en place et de plaquer son corps contre moi, marquant le rythme à chaque pas.

- Tu vois, ce n’est pas si terrible.

Elle plaisante j’espère ?

Ses fesses me frottent à un endroit tout à fait inapproprié, mes seins sont collés dans son dos et je l’enlace à moitié… Je vois difficilement comment ça pourrait être pire !  

Ce mix entre la queue-leu-leu et la salsa ne me plaît pas du tout.

Enfin si.

Mais ça ne devrait pas.

- Héléna, si on veut passer pour un couple il va falloir lâcher ton imitation d’une planche !

Alors déjà ON ne veut pas, je m’en fous de passer pour un couple.

Et je la trouve dure. Je ne suis quand même pas si raide.

- J’y peux rien si c’est comme ça que je danse.

Malheureusement pour moi, mon mensonge est immédiatement découvert puisqu’elle me répond du tac au tac :

- Tu te souviens de la fois où l’on s’est croisées dans le club ? Celle où tu te déhanchais avec Rachel et les autres sans l’ombre d’un manche à balai là où je pense...

Pendant une seconde, je suis tentée de feindre l’ignorance, mais je ne suis pas suffisamment naïve pour croire que ça va fonctionner.

Sasha remarque immédiatement le changement et continue comme si je n’avais pas ouvert la bouche :

- Allez danse Héléna. Apprends à te lâcher, tu verras que ça peut être bon !

À vrai dire, j’ai un peu peur de ce qu’il se passerait si je venais justement à le faire, c’est bien ça le problème.

Mais j’imagine que je peux me laisser aller pour une fois. Au pire je dirais que je n’ai fait qu’accéder à sa requête. Relâchant une partie de la tension, je l’attire plus à moi, façon moule sur son rocher et piétine en rythme.

Sentant que j’ai cédé, Sasha tourne la tête et dépose un baiser sur ma joue.

Je pourrais m’y faire.

Penchant légèrement la tête, mes yeux viennent trouver les siens, un sourire se dessine sur mes lèvres et je finis par réciproquer le geste d’affection.

L’ancienne Héléna en moi crie d’effroi, la nouvelle est étonnée de voir à quel point ça lui a paru naturel.

On danse comme ça pendant 10 ou 15 minutes, avant que les papis nous fassent des signes incompréhensibles. Je regarde Sasha s’éloigner et s’approcher d’eux, ne sachant plus trop quoi faire de moi-même.

Une jolie fille sur ma droite me sourit tout en dansant. Ça me fait bizarre de me dire que trop focalisée sur ma collègue, je ne l’avais même pas remarquée. Il faut vraiment que je me sorte la tête de là où je pense.

Fais gaffe de ne pas trop te prendre au jeu avec Sasha, Héléna. On sait comment ça va finir...

En parlant du loup, la voilà qui revient toute contente.

- On est invitées sur le char !

Elle s’empare de mes mains et me tire rapidement en direction du véhicule, certainement pour ne pas me laisser le temps de manifester une quelconque objection.

Sauf que pour une fois ce n’était pas mon intention.

J’ai goûté à sa proximité et n’ai pas la moindre idée de comment je vais pouvoir gérer la distance une fois retournées à l’appart.

Profitant d’un break dans l'avancée, Sasha place le pied sur la plateforme surélevée du char et attrape les deux bras tendus pour l’aider à se hisser. Une fois debout, elle ouvre la barrière et se met en place de l’autre côté, main brandie dans ma direction.

M’en saisissant sans hésiter, je perds un peu l’équilibre lorsque le conducteur redémarre sans crier gare. Heureusement, ma collègue est réactive et m’agrippe par mon haut de son bras libre, me plaquant contre la rambarde derrière laquelle elle se trouve, nos visages à quelques centimètres l’un de l’autre.

Pas perturbée pour deux sous, Sasha me fait un sourire séducteur et dit :

- Vous ici ? Bonjour belle inconnue…

Je ne peux pas m’empêcher de rire et répliquer :

- Vous habitez toujours chez vos parents ?

Elle me libère pour ouvrir le portillon, me laissant passer :

- Non, pire, je crèche avec mes collègues.

- Outch, dur !

Tout sourire, je referme derrière moi d’un mouvement du bras, ne détachant pas mes yeux de Sasha.

Elle me fait signe de m’approcher d’un signe de l’index et je me déplace immédiatement, mes mains reprenant leur poste sur ses hanches. J’aurais bien assez de temps pour questionner mes choix de vie une fois de retour à l’appart.

Cette fois-ci, nous sommes face à face et je n’ai aucun moyen d’échapper à son regard si ce n’est d’être aussi proche que possible. Inutile de risquer qu’elle ne lise dans mes yeux quelque chose que je ne suis pas prête à assumer.  

On se met à danser et je perds toute notion de là où on se trouve, me focalisant totalement sur elle. J’ignore la petite voix qui me rappelle d’être prudente et m’autorise à remarquer notre parfaite synchronicité, la manière qu'a sa main au creux de mon dos de me maintenir en place (comme si j’avais voulu me reculer), l’odeur de son shampoing, son souffle sur ma peau…

Quelqu’un profite de notre proximité pour nous placer un collier de fleurs multicolores autour du cou. Ça nous fait relever la tête et on se sourit mutuellement, sans pour autant faire un geste en direction de l’accessoire qui nous unit, le laissant tel quel.

Si on m’avait annoncé il y a une semaine encore que je participerais à la gay pride avec Sasha, qu’on allait danser ensemble et que je passerais un bon moment, j’aurais ri au nez de cette personne.

Et pourtant.

Ça doit être l’humeur festive qui déteint sur moi.

Je vois que ça.

Une fois de plus, je ne suis pas celle qui met fin au contact. Sasha s’arrête, venant placer son front contre le mien et murmurant :

- Je crois que j’ai besoin d’un break.

Elle n’a pas l’air si essoufflée que ça, mais j’acquiesce mon accord sans poser de question.

Un moment pour respirer et me remettre les idées en place ne peut pas me faire de mal.

Elle se désengage du collier hawaïen qui retombe contre ma poitrine.

Voulant lui laisser un instant pour elle, je m’accoude à la barrière, observant le cortège en souriant.  

Les deux papis me font coucou et accompagnent cela de pouces levés. Riant, je les salue d’un mouvement de tête. Apparemment, ma reconnaissance de leur existence constitue un encouragement suffisant pour me charrier en faisant des signes “cœur” de leurs deux mains, mimant des battements. Je leur adresse mon air le plus blasé possible. Quand est-ce que je suis devenue le bouc émissaire national !?

- Je vois que tu charmes tout le monde dès que j’ai le dos tourné.

Je ne modifie pas mon expression faciale et regarde Sasha avec.

Tout sourire, son regard vient trouver le mien. Le moment est brisé par l’arrivée d’un type portant un énorme appareil photo. Pointant du doigt le logo d’un quotidien sur sa veste, il nous interpelle :

- Excusez-moi, je suis photographe pour ce journal et j’ai pris un cliché qui pourrait s’avérer parfait pour illustrer le futur article à paraître. J’aurais voulu évoquer avec vous cette possibilité.

Avant que je puisse lui dire “même pas en rêve”, il tourne son appareil pour nous laisser voir l’écran.

La photo a été prise juste après qu’on nous ait mis le collier. Prise en hauteur, nous sommes au premier plan sur le tiers bas de la photo, la foule colorée du cortège occupant les deux autres. On est toutes les deux de profil, enlacées et souriant béatement en se regardant dans les yeux.

Je dois reconnaître que hors contexte, on a vraiment l’air d’un couple heureux.

Assez pour que j’accepte qu’on utilise mon image dans des circonstances qui laissent penser que … ?

Oh que non.

Qu’il n’y ait pas méprise, Sasha est une jolie femme et maintenant que j’ai réussi à passer outre mes œillères, je comprends pourquoi tout le monde l’apprécie. Elle forme un bel ensemble, est très pétillante.

Mais est-ce que j’envisage davantage qu’une amitié au mieux ? Certainement pas.

Et si jamais ce cliché venait à paraître, James ne m’en laisserait jamais voir le bout.

- La photo est très jolie, mais…

Sasha m’interrompt quasi instantanément, plaçant une main sur ma bouche :

- Mais rien, merci de nous avoir prévenues. On achètera un exemplaire !

Sentant que le vent ne va peut-être pas souffler longtemps dans son sens, le journaliste ne demande pas son reste et s’éloigne de nous.

Je n’arrive pas à croire qu’elle ait osé et lui adresse un regard incrédule :

- Sérieusement ?

Elle hausse les épaules et dit :

- Artistiquement parlant le cliché est parfait ! Ça aurait été dommage de ne pas s’en servir. Et ça nous fera un souvenir.

Agacée, je ne réfléchis pas avant de répondre et lance d’un ton exaspéré :

- Qu’est-ce qui te laisse penser que j’ai la moindre envie de me souvenir de cette journée ?

Sasha ne commente pas, mais a un petit mouvement de recul, presque comme si je l’avais frappée.

Elle pince les lèvres et hoche la tête, encaissant.

Je réalise trop tard ce que je viens de dire.

Fermant les yeux et blâmant mon incroyable stupidité, je place ma main sur son bras afin de ralentir son demi-tour :

- Désolée... Ça ne sonnait pas comme ça dans mon esprit.

- Pas de problème.

C’est ce qu’elle dit, mais le sourire qu’elle m’adresse ensuite est tout sauf sincère. Génial. Pour une fois qu’on était à l’aise et progressait...

Il faut que je me rattrape :

- Une glace, ça te tente ? C’est moi qui offre.

 

25 février 2018

Chapitre 6

Le réveil sonne, me sortant de mes rêves, les remplaçant par la dure réalité où je suis supposée aller travailler.

Je veux pas !

Ne me levant pas tout de suite, je prends quelques instants pour repenser à la séance photo d’hier.

Ça s’est mieux passé que je ne l’aurais cru. J’ai presque réussi à m’adapter à la nouvelle “dynamique” entre nous, même si ça n’a pas été facile. Il suffit de remplacer les remarques acerbes par des moqueries gratuites. Les doigts dans le nez !

N’en déplaise à James, je ne pense vraiment pas avoir un truc pour Sasha.

J’avais juste besoin d’un bouc émissaire et étant compétitive, j’ai pris la cible la plus évidente. La seule menace au travail, pas tant niveau des résultats, mais par son caractère. Elle pourrait se mettre nos supérieurs dans la poche. Maintenant que j’y pense, ils lui mangent déjà tous dans la main.

Mais j’avoue que c’est bizarre de réconcilier l’image que je m’étais faite d’elle dans ma tête avec la réalité. Oui, elle pose beaucoup de questions, mais j’ai pu constater qu’elle fait ça avec tout, pas spécialement pour flatter l’orateur. Pareil, elle ne commente pas forcément sur nos blagues graveleuses quand on est plusieurs, lui donnant un air prude, mais lorsqu’on est en comité réduit, elle renchérit.

Rien qu’hier soir, il y a une semaine j’aurais juré qu’elle crierait au loup si la lesbienne ne jetait rien qu’un seul regard dans sa direction, mais en fait pas du tout, elle me rendait coup pour coup. À tel point que si elle avait joué dans mon équipe, je me serais posée des questions.

Minute.

J’espère qu’elle ne croit pas que je flirtais avec elle et qu’elle sait que c’était uniquement pour la charrier ! On commence à peine à se tolérer, ce n’est pas le moment de la faire flipper !

Ces pensées m’extirpent de sous la couette et je m’habille à la hâte pour retrouver mes collègues au petit déjeuner, comptant sur l’attitude de Sasha pour m’indiquer si j’ai des raisons de m’inquiéter ou non.  

Tout le monde est déjà à table et je ne suis pas surprise de voir Alycia. Ça a l’air de rouler entre Dom et elle, c’est plutôt cool. Le fait qu’ils soient tous les deux bruyants au lit l’est nettement moins, mais j’imagine que le bonheur de mon collègue vaut bien l’achat de boules Quies et quelques séances chez le psy…

Je me penche pour leur faire la bise et m’assieds là où James vient de poser la tasse de café qu’il m’a servie.

- Merci !

Sachant qu’il est tactile, je lui fais un bisou sur la joue au passage.

Dom est le premier à prendre la parole :

- Comment ça va ? Bien dormi ? Bien aérée ?

James a l’air confus, Alycia frappe le bras de Dom et Sasha s’étouffe à moitié dans sa tasse.

- De quoi tu parles ?

Me faisant un sourire incroyablement pervers, il s’enquiert :

- T’as enfilé une culotte ce matin ?

Ma bouche s’ouvre et mes yeux vont foudroyer Sasha.

Elle m’a balancée !

J’y crois pas !

Je lui rends service et elle raconte à l’autre vicelard que je ne mets pas de culotte !

- Ohhhh toi ! Viens par ici j’ai deux mots à te dire !

Je me lève avec la ferme intention de la noyer dans la cuvette des toilettes, ignorant Dom qui explique à James sa remarque.

Alors que j’ai presque atteint une Sasha très justement terrorisée par mon approche, je suis stoppée nette par James s’esclaffant :

- Je croyais que tu avais arrêté depuis l’incident de la plateforme en verre ?

Fermant les yeux, j’essaie de maitriser mes pulsions meurtrières, tout en acceptant l’idée que la notion de dignité n’est plus qu’un lointain souvenir.

Dom n’en manque évidemment pas une miette :

- C’est quoi cette histoire ? Raconte !

Dans un volte-face plus rapide que l’éclair, je me jette sur James, plaçant ma main sur sa bouche.

- T’as pas intérêt !!!!

 Je retire ma main un quart de seconde plus tard en sentant sa langue visqueuse au creux de ma paume :

- Ewwww !

Profitant de ma distraction, il dévoile l’un de mes pires secrets dans un flow dont la rapidité vaut celle d’un roi du rap :

- Elle n’avait pas mis de culotte avec sa robe pour surprendre sa sex friend, on est passés dans la passerelle en verre allant d’un immeuble à un autre et les touristes en train de photographier le bâtiment en ont eu plein les lentilles !

Finissant de m’essuyer sur son haut, je m’assieds sur ses genoux et dissimule ma tête au creux de son épaule :

- Dès que je me serais remise de la honte que tu viens de m’infliger, je mettrais fin à tes jours de la manière la plus douloureuse qui soit.

Bien évidemment, tous les autres sont absolument hilares derrière nous. Pourquoi je suis amie avec lui déjà ?

Loin de se ruer à ma rescousse, c’est Sasha qui prend en charge les finitions de mon cercueil :

- Je me sens lésée maintenant !

Ma seule réponse est un grognement dépité, ce qui me vaut une tape de James dans le dos en mode « là… ça va aller ».

Au moins, je sais : elle n’a visiblement pas été traumatisée… Malgré tout, je crois que j’aimais mieux la version d’elle qui contemplait la possibilité d’entrer dans les ordres.

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 Je sors de la salle de formation comme un vêtement en cachemire passé à l'essoreuse : dans un drôle d'état. Le break est arrivé pile à temps.

 Alors que je m'efforce de conserver une démarche humaine en me rendant à la machine à café, je repense à la bombe que m’a balancée James il y a deux jours.

Je me suis mise à l’autre bout de la pièce et même si je fais tout pour éviter de penser à elle, impossible d’échapper à Sasha. Rien que le formateur : à chaque fois qu’il regarde vers la gauche de la salle, il vomit des arcs-en-ciel de joie rien qu’en voyant ma collègue… On a bien compris qui était la chouchoute du prof….

M'approchant de la machine à café, je glisse une pièce de 50 centimes dans la fente prévue à cet effet et opte pour un cappuccino vanille.

- Un peu de douceur dans ce monde de brutes ?

Perdue dans mes pensées, je sursaute et inspecte mon interlocuteur. Je suis nez à nez avec un beau brun, je dirais 1m80, un sourire fermement en place. J’espère qu’on ne s’est pas déjà rencontrés, parce que si c’est le cas j’ai tout oublié, jusqu’à son nom… De quelle filiale il peut être ??? 

- C'est ça.

Lui adressant un sourire bien à moi, je pose mon épaule contre la machine tandis qu'il se sert, attendant mes collègues et ne pouvant pas quitter l’espèce de cagibi tant qu’il est dans le chemin.

- T’es avec l’équipe venant de France c’est ça ?

Il semble réaliser quelque chose et ajoute :

- Oh, pardon, j'en oublie mes manières. Chris, enchanté.

Ouf, un inconnu. Je serre la main tendue et me contente d'un :

- Héléna, de même. Et oui, c’est ça. 

Mon sourire reste bravement en place tandis qu'il me tient la main pendant beaucoup trop longtemps à mon goût.

Juste quand je suis à deux doigts de récupérer mon membre par violence s’il le faut, Sasha s’approche de nous et il me libère immédiatement, reculant de plusieurs pas et me laissant la voie libre.

Une fois arrivée à proximité de Don Juan, elle s’empare de sa main qu’elle serre dans les siennes d’un air excité :

- C’est toujours bon de ton côté ?

Je fronce les sourcils devant la familiarité de son geste. Ça devrait me rassurer de la voir tripoter d’autres gens, mais ce n’est pas le cas. À quoi peut-elle faire référence ?

Je n’ai que trop conscience de la manière dont elle le fixe avec des yeux pleins d’espoir.

Elle n’est quand même pas attirée par ce bellâtre ?

Nan, elle ne peut pas être suffisamment naïve pour se faire piéger par un dragueur de bas étage. Je n’ai pas une haute opinion d’elle, mais elle pourrait trouver mieux. Fin je veux dire, physiquement elle est bien et mentalement… Elle a des atouts.

J’imagine.

Il semble savoir de quoi elle parle puisqu’il répond en souriant :

- Je te l’ai dit, j’obtiens toujours ce que je veux.

Visiblement, la modestie ne compte pas parmi l’une de ses qualités. Il a vraiment tout pour lui ! Mais Sasha ne s’en formalise pas et se contente d’un :

- Yes !

Le surprenant autant que moi, elle le serre rapidement dans ses bras avant de porter son attention sur ma petite personne.

Son immense sourire est toujours en place et même si je sais qu’il ne m’est pas réellement adressé, mon cœur manque quelques battements.

C’est pas bon signe.

Depuis « la discussion », j’ai beau lutter, je remarque et ça me terrifie.

Je remarque la manière qu’à Sasha de systématiquement toucher la personne à qui elle parle. Je remarque la couleur de ses yeux, un vert émeraude au centre, plus foncé tout autour de l’iris. Je remarque à quel point son rire est contagieux.

Et aussi à quel point je suis foutue si ça continue comme ça.  

Il est hors de question que je commence à l’apprécier.

Subconscient, que ça soit clair : c’est non, oublie ça direct !

Je suis tellement perturbée que je remarque à peine qu’elle vient de me demander quelque chose.

- Hmm ?

- Prête à y retourner ?

- J’arrive.

Ne m’attendant pas, elle fait demi-tour et son pas joyeux attire mon attention plus bas que son dos. Je ne suis pas portée fesses, mais pour le coup je pourrais établir une religion vénérant la manière dont son jean épouse ses formes.

- Elle a tendance à faire ça à tout le monde.

Il me faut quelques instants pour percuter qu’il s’est adressé à moi.

Voulant savoir si je me suis grillée en beauté, je demande :

- Comment ça ?

M’offrant un sourire compatissant, il explicite :

- Son enthousiasme est hyper contagieux, on se retrouve à sourire sans trop savoir pourquoi. C’est ce que tu viens de faire apparemment sans même t’en rendre compte.

- Il faut croire.

Je ponctue ma phrase d’un sourire crispé et retourne en direction de la salle de formation, plus perturbée que jamais.

Je dois trouver un moyen de contrôler ça, et vite. J’ai déjà du mal à me faire à l’idée qu’elle n’est peut-être pas la rabat-joie que je m’imaginais, gérer une attirance physique par-dessus le tas me paraît trop demander.

M’asseyant à côté de Dom, ce dernier me cuisine sans attendre :

- Alors ? Le tombeur de ses dames a fait une autre victime ? Lui parler t’a fait tout bizarre dans la culotte ? 

- Si elle a une culotte ! ajoute James.

Leur lançant un regard noir, je décide d’être la plus sale possible pour les punir :

- La seule humidité que ce type produit au niveau de mes cavités est du vomi dans ma gorge…

Dom fait une grimace de dégoût qui me satisfait au plus haut point.

- T’es dégueu ! Comment tu peux avoir l’air sophistiquée et être aussi… hughhh.

Il mime un frisson et je me contente de hausser les épaules :

- Votre contact j’imagine ! Mais rassurez-vous, même si je n’étais pas lesbienne, je ne vois pas comment il pourrait ramener des filles si c’est ça sa technique de drague ! À ce prix-là il devrait garder le silence, il est mieux tant qu’il ne parle pas.

Dom regarde autour de lui avant de se pencher pour chuchoter :

- Il paraît que ça a bien fonctionné sur Sasha…

Mes sourcils effectuent une rapide migration en direction de mon cuir chevelu.

Nan !

Nan ?

James me lance un petit sourire désolé dont je n’ai pas du tout besoin et ajoute :

- J’en ai entendu parler moi aussi.

- Pourquoi je ne suis jamais au courant de rien ? Depuis quand ? Comment ?

Dom place une main sur mon épaule et rétorque :

- L’an dernier, Alycia m’a raconté qu’elle et quelques collègues les avaient surpris en train de se peloter dans un couloir au retour de soirée. Quant au « comment », je vais te laisser faire tes propres recherches Google si tu veux bien !

Je n’en reviens pas.

Mon regard se porte sur ma collègue, qui rit à quelque chose que dit son voisin.

Elle… Et lui ?

Les garçons se regardent et semblent avoir une discussion silencieuse, mais je suis trop préoccupée par ce que je viens d’entendre pour m’en inquiéter.

Je ne les vois pas du tout ensemble. Est-ce que c’est toujours d’actualité ? Pourquoi elle ne l’a jamais mentionné ?

Oh, oui, on n’est pas amies, c’est vrai.

Mais quand même, fin je ne sais pas.

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 Je rentre et m’affale directement sur le canapé. Après la journée d’aujourd’hui la seule activité envisageable est de larver devant la télé.

D’ordinaire, j’aurais tendance à toujours préférer le PC, parce que subir les pubs et le programme n’est pas mon truc, mais même Netflix me demanderait trop d’efforts là !

Zappant, je tombe sur une émission au titre prometteur : hell’s cats.

Ahh…

Plaçant mes jambes le long du canapé je m’installe en occupant le plus de place possible, profitant du fait que James et Dom sont partis ennuyer quelqu'un d’autre. Sasha est dans sa chambre, sûrement en train de retoucher les photos qu’on a prises pour son amie.

Au bout de quelques minutes à peine, je suis au taquet sur le chat trop mignon qui se transforme en bête féroce pour peu qu’on tente de le caresser.

J’entends une porte s’ouvrir et fais un petit sourire poli en direction de la Sasha en peignoir qui vient d’apparaître dans l’embrasure.

Elle s’approche du canapé, soulève mes jambes, s’installe en dessous et les repose. Comme à la zonzon la nana ! Sans gêne !

- On regarde quoi ?

Parce qu’en plus elle a visiblement l’intention de s’incruster…

Sois sympa Héléna. Tu as promis à James…

- Un comportementaliste félin qui aide un couple avec leur chat qui a des tendances schizophrènes.

- Cool.

Ses yeux vont se placer sur l’écran et je détaille son profil malgré moi. Il faut absolument que je trouve le moyen de contrôler cette impulsion récente et malvenue !

Je n’ai même pas envie de regarder ! Je suis sûre que c’est mon subconscient qui fait de la psychologie inversée, ou je ne sais pas quoi ! Genre « aha, elle refuse de regarder, bah je vais faire en sorte qu’elle développe une nouvelle fascination pour l’exact ton de vert qu’ont les yeux de sa collègue ! ».

Connard !

Fort heureusement, la vue de chats semble avoir le même effet hypnotique sur elle que sur moi, me permettant de m’adonner à ce plaisir coupable.

Ses cheveux sont en bataille, simplement glissés derrière l’oreille et je me demande comment elle a pu se décoiffer à ce point en si peu de temps. Les photos ne doivent pas être aussi bonnes qu’elle a voulu me faire croire. Je souris en l’imaginant se les arracher à moitié devant la piètre qualité des clichés.

- J’ai quelque chose sur le visage ?

Prise en flagrant délit, mon réflexe, aussi navrant que ça soit, est de fermer les yeux.

Si je la vois pas elle ne me voit pas non plus c’est bien ça ?

Je sens son regard sur moi.

Elle attend une réponse Héléna !

- Non.

Oh mon Dieu. Pitié, dites-moi que ce pathétique croassement est l’œuvre de quelqu'un d'autre ?

Sa main caressant mon tibia, juste sous mon genou, me fait ouvrir les yeux.

- Relax Héléna. J’ai habitude que ma coiffure anti-gravitationnelle attire l’œil.

Elle reporte son attention sur la télé avant d’ajouter :

- Et non, tu ne connaîtras pas mon secret.

Je lui suis reconnaissante du changement de sujet, mais pas assez pour me demander si elle a conscience que je n’observais pas que ses cheveux.

Et si tu ne veux pas avoir à te justifier, tu ferais mieux de regarder l’écran imbécile.

Depuis que j’ai décidé d’arrêter de me comporter comme une garce avec elle, c’est comme si elle avait perçu cette porte entrouverte et s’était s’engouffrée dans la brèche. Un peu comme un témoin de Jéhovah à qui on ne dirait pas non d’entrée.

Pour être honnête, je ne sais pas quoi faire de l’intruse, ni comment m’en débarrasser.

Bien que ma tête soit tournée en direction de l’émission, mon attention est entièrement captée par les caresses sur ma jambe.

De base, c’était pour me réconforter, je l’ai bien compris, mais par contre la raison pour laquelle elle continue m’échappe totalement.

Est-ce que c’est un mouvement inconscient ?

Je devrais lui faire remarquer ?

Ouais non, si elle le fait volontairement ça va juste être bizarre.

Et pas la peine d’y lire quoi que ce soit. Tu as appris hier que ses goûts se portaient plutôt sur des BB : benêts bodybuildés.

N’empêche, je me demande vraiment ce qu’elle peut bien lui trouver...

- Je t’entends réfléchir d’ici !

Penaude, je me défends néanmoins :

- Excuse-moi d’être cortiquée !

Elle tourne la tête pour me fixer, un sourcil relevé, ne faisant pas de commentaire.

Au bout de quelques instants, je ressens le besoin de rajouter quelque chose. Je déteste quand les gens me mettent la pression par leur silence !

Dans la panique, je dis une des plus pitoyables répliques de ma vie :

- Tu regardes pas non plus !

Ça me coûte, mais je me retiens de croiser les bras, ne voulant pas avoir l’air encore plus infantile. Je vous jure, il y a une époque où j’arrivais à me comporter en adulte !

Ses lèvres s’étirent jusqu’à former un sourire affectueux et c’est avec effroi que je la vois tendre les doigts et me pincer la joue dans un “t’es trop mignonne !”.

Chassant sa main d’un mouvement de la mienne, comme on le ferait avec une mouche nous tournant autour, je hausse mon niveau de menace :

- Tu cherches la mort Dastré ?

- Oh allez, dois-je te rappeler que demain tu seras mon esclave personnelle et qu’hier soir j’ai photographié tes fesses ? Je pensais qu’on avait atteint une certaine familiarité.

OMG elle se permet de me provoquer en plus ?

- Je vais t’en montrer de la familiarité !

- Ouuhhh j’ai peur ! Tu comptes me faire quoi exactement ?

Ne pouvant pas tolérer un affront supplémentaire, je pose un pied par terre pour me relever, ayant la ferme intention de lui faire regretter de m’avoir défiée. Je dirais aux garçons que c’était un accident !

Malheureusement, elle me voit venir et me pousse au niveau des épaules, tentant de me forcer à rester allongée.

J’essaie de résister autant que possible, mais Sasha place une partie du poids de son corps derrière le mouvement et mes pauvres abdominaux n’ont pas été conçus pour supporter tout ça.

Ils me lâchent au moment où j’ai le plus besoin d’eux et je m’effondre d’un coup en arrière.

Ne s’y attendant pas plus que moi, elle tombe à moitié son mon corps, se retenant uniquement par ses mains sur mes épaules.

C’est à ce moment-là que la porte s’ouvre :

- Les filles, regardez sur qui je suis -

Sasha me libère instantanément et se relève d’un bond, mais pas avant que Dom ait pu la voir quasi allongée sur moi, toute décoiffée, en peignoir entre mes jambes écartées.

Nickel quoi.

Pas du tout compromettant comme position.

- … tombé !?

Tout en resserrant les pans de son vêtement, Sasha s’exclame :

- Ce n’est pas ce que vous croyez !

Arrrgh, mais pourquoi elle dit ça ? C’est encore pire !

Franchissant la porte et suivi de près par Chris, Dom demande :

- Héléna, t’étais consentante au moins ?

Je m’empare d’un coussin que je viens poser sur mon visage dans un grognement. J’envisage sérieusement de m’auto-étouffer si ça peut me permettre de me sortir de cette situation.

Étonnamment, c’est Sasha qui me tire d’affaire. Elle se relève en m’arrachant l’oreiller pour le propulser en direction de mon collègue.

- Très drôle.

Pointant un sachet que le bellâtre porte à son bras, elle s’exclame :

- C’est ce que je crois ?

Il lui adresse un sourire radieux et hausse les sourcils d’un air joueur :

- Peut-être bien…

Le visage de Sasha s’illumine et elle s’empare de sa main pour le traîner dans sa chambre.

Ça ne me fait rien du tout de la voir s’isoler avec lui.

Nope.

Que dalle.

Elle fait ce qu’elle veut et après tout le mauvais goût n’est pas contagieux.

M’asseyant convenablement sur le canapé, je suis sortie de mes pensées et sauvée de l’interrogatoire que Dom s’apprêtait sans nul doute à m’administrer par le bruit strident de la sonnette.

Bondissant (littéralement) sur l’occasion, je vais décrocher le combiné et laisse rentrer mon interlocuteur.

Mon colis est enfin là !

Pile à temps.

J’entrouvre la porte et fais mine de guetter le couloir, davantage pour échapper à Dom que par peur de manquer l’arrivée du livreur.

Étant donné qu’il me connaît très bien, Dom a conscience que je suis en mode “évitement total” et que je n’hésiterais pas à nier l’évidence même dans ces cas-là. C’est pourquoi plutôt que d’essayer de me tirer les vers du nez dans l’instant, il se contente d’un :

- Toi et moi on va avoir des choses à se dire… Crois pas t’en sortir comme ça.

Nul besoin de me retourner pour savoir qu’il me pointe d’un doigt accusateur avant de quitter la pièce. À peine est-il parti que mes épaules se relâchent, libérant la tension que je n’avais pas conscience d’avoir emmagasinée.

Je signe rapidement le bon de livraison et m’empare du colis. Il ne faut pas que Sasha le voie, l’effet de surprise est crucial.

Me dirigeant vers ma chambre, je passe celle de ma collègue et ignore la désagréable sensation qui me parcourt en l’entendant rire à quelque chose qu’a dit M. Muscle. Il a l’air d’avoir bien pris la “surprise” en ouvrant la porte. Non pas que j’aurais aimé que ça jette un froid entre eux, mais à sa place j’aurais quand même eu quelques questions...

À peine la porte fermée, je sors la tenue du paquet et commence à reconsidérer mes fabuleuses idées.

J’ai entendu les garçons douter du fait que j’allais me plier aux règles du pari et ça m’a offusquée.

Alors histoire de montrer que je suis bonne joueuse, j’ai commandé un costume de soubrette pour la belle journée de servitude qui m’attend demain. Parmi les nombreuses variations à vocation érotique, celle-ci me paraissait être la plus “habillée” du lot. Et le fait que le formulaire de commande proposait un tableau des tailles à prendre en fonction de nos mensurations m’avait convaincue que ça allait bien se passer.

Pour le coup, je les soupçonne d’avoir quelques soucis de confusion cm /mm.

J’étais persuadée à 99% de ne pas finir avec quelque chose tout droit sorti d’un sex shop.

Oh comme j’avais tort...

Plus qu'à l'essayer j'imagine.

J'enfile le tout et m'apprête à me regarder dans le miroir, non sans appréhension.

La vue devant moi me laisse dubitative. Oui, ça me va comme un gant, enfin comme une mitaine plutôt vu la quantité de tissu. Mais je ne suis pas sûre que flasher mes collègues vaille le coup de la blague. Contrairement à ce que l’histoire de sortie sans-culotte leur a fait croire, j’ai quelques notions de pudeur.

Euréka !

Sasha ne se lève jamais avant neuf heures les week-ends, James encore plus tard et Dom a prévu de partir “dormir” avec Alycia. Donc si je mets un réveil vers huit heures, je peux lui apporter le petit déjeuner au lit, lui extirper un sourire avec ma tenue et me changer. En plus, elle sera certainement à moitié comateuse et ne remarquera pas le côté “minimaliste” de celle-ci.

Parfait !

25 février 2018

Chapitre 5

Je m’assieds à la table en soupirant et je dois avoir l’air extrêmement blasée (je le suis), puisque mes collègues me demandent immédiatement :

- On a raté quelque chose ?

Ils auraient pu demander si ça allait, ou si j’avais besoin d’aide pour quelque chose… Mais ça n’est pas ça qui les inquiète, uniquement les commérages potentiels.

J’ai quitté la salle de réunion un total de 5 min pour me rendre dans les toilettes du bar dans le hall de l’immeuble.

- Juste un relou.

James, toujours dans la délicatesse, me donne son avis :

- S’il a tenté sa chance sans être insistant, tu ne peux pas vraiment lui en vouloir, ton look en jette !

Sasha rigole et ça lui vaut un regard assassin. Je ne peux pas les laisser dire ça !

Ma tenue serait considérée comme habillée dans certains endroits.

Comme le cap d’agde.

Nan je plaisante. J’ai juste une chemisette sans manche, relativement déboutonnée et une jupe plus moulante que d’ordinaire. Je sais que même si tout à fait correct, ce n’est pas mon style habituel, du coup je ressens le besoin de me justifier :

- Déjà, je m’habille comme je veux et j’avais chaud au moment de choisir mes vêtements ok ?

Ok Héléna, un peu moins défensive ! Reprends dans le calme :

- Et ensuite c’est pas ça le problème, c’est que je lui ai indiqué que j’étais lesbienne et il ne m’a pas crue.

James roule des yeux en entendant ça. Bien d’accord avec toi mon pote.

Dom n’est quant à lui pas du tout aidant :

- En même temps, c’est un hétéro et tu ne corresponds pas aux stéréotypes habituels.

- Ouais, mais même si ça n’était pas vrai, ça voudrait dire que j’ai été jusqu’au point de mentir à propos de ma sexualité pour éviter qu’il ne me parle. D’où c’est mieux ? 

Sasha fait une grimace et acquiesce :

- Hé, présenté comme ça j’avoue… T’aurais pu lui dire que tu étais ma future esclave, j’aurais confirmé.

Mon regard blasé passe inaperçu au milieu des deux guignols qui s’esclaffent à côté de moi. Ma collègue est visiblement extrêmement fière d’elle et m’adresse un sourire satisfait. Sa réplique était un peu drôle, je veux bien le reconnaître dans ma tête, mais c’est tout ! Hors de question que je le dise à voix haute.

Puisqu’elle joue comme ça, on va voir ce qu’elle répond :

- Sasha, ça a l’air d’un peu trop te plaire cette histoire, pari perdu ou pas je ne suis pas sûre de vouloir être impliquée dans tes délires SM…

Fière de moi, je porte mon verre à mes lèvres et m’étouffe totalement lorsqu’elle réplique :

- Héléna, il ne faut jamais dire fontaine je ne boirai pas ton eau.

Mon imagination est assaillie par un visuel complètement inapproprié lorsque je l’entends dire ça.

Je crois que je suis en manque sérieux pour en arriver là.

Satan en personne et moi.

Brrrr.

Y’a pas moyen.

Mon esprit tente de me ramener aux théories fumantes de James, mais il est hors de question que j’aille sur ce terrain glissant.

Alors que mes collègues se repaissent de mon désarroi, un type monte sur l’estrade pour nous annoncer la (j’en suis convaincue) fabuleuse occupation du jour. Je sais qu’on va avoir un peu de répit par rapport aux formations bourrage de crâne de d’habitude, mais le titre « initiation à l’esprit d’équipe » me fait craindre le pire.

Un autre mec passe de table en table pour déposer des casques de réalité virtuelle et les brancher à tout l’attirail déjà en place.

Ça ne me plaît pas du tout !

J’espère qu’ils n’ont pas l’intention de me faire jouer à un jeu d’horreur, car il est hors de question que je paie le pressing pour ma tenue si jamais j’ai un peu trop peur !

Monsieur Présentation-de-l’activité nous explique que l’un va enfiler le casque et l’autre aura un manuel et devra guider la personne immergée dans l’univers du jeu.

Hein ?

Dom a l’air super content. Peut-être qu’il en sait plus que moi…

Comme d’habitude, sa joie se manifeste par un débordement d’énergie et une petite danse.

C’est bien le seul à qui ça fait ça.

- Allez Grumpy, fais pas cette tête, ça peut être fun !

Sa remarque lui vaut un énième regard assassin :

- Dois-je te rappeler que pour l’instant RIEN dans ce voyage ne l’a été ?

Pour toute réponse, j’ai droit à un clin d’œil.

Le pire n’est pas de devoir subir les cours “ d’esprit d’équipe”, mais de savoir qu’il y a de fortes chances que je me coltine la cire-pompes.

⅓ du moins.

Aucune raison qu’ils nous forcent à développer des liens avec des types d’autres filiales qu’on ne reverra jamais…

En parlant d’elle, elle est extrêmement intriguée par le concept. L’œil brillant et tout.

Autant dire que sa bonne humeur empiète sur mon envie de vivre.

Comme je le craignais, les équipes sont tirées au sort par table. Et comme la vie tient absolument à se venger de moi pour une raison que j’ignore, devinez avec qui je suis ?

Pas James, non.

Pas Dom non plus…

*Soupir*

Inquiète pour ma santé mentale, j’enfile le casque de réalité virtuelle avec appréhension, m’emparant de la manette par la même occasion. J’espère réussir à suffisamment me plonger dans l’univers pour en oublier la présente compagnie.

Je vois…

- Y’a un bureau avec une boite sur laquelle il y a écrit bombe.  

Sasha prend immédiatement les choses en main.

- Ok, moi j’ai un manuel. Je pense qu’ils vont te montrer la bombe et qu’il faut que tu me décrives ce que tu as sous les yeux pour qu’on la désamorce ensemble.

- On n’est pas dans la merde si notre sort dépend de nos capacités de communication.

Elle rigole en m’entendant dire ça et rétorque :

- J’ai toujours bien aimé m’attaquer aux cas désespérés.

Si je savais où elle se trouve exactement, je pourrais lui faire un doigt. Mais comme je n’ai pas envie de m’attirer les foudres d’un inconnu, ou pire, qu’il ne se fasse des idées, je me contente d’un :

- J’espère pour toi que tu ne parles pas de moi…

Elle parlait de moi, je le sais, elle sait que je sais, mais elle ment comme une arracheuse de dents :

- Je n’oserais pas. Allez on se concentre, dis-moi ce que tu vois…

- Mmmh…. Alors voyons... Il y a 6 éléments, dont deux blocs oranges avec rien dessus. Sur celui en haut à gauche il y a quatre boutons avec des symboles bizarres.

- Euh… Symboles bizarres, j’ai ! À quoi ils ressemblent ? Décris-les-moi.

- Un C comme pour copyright, un K double, une étoile et euh… Une espèce de paire de fesses tombantes avec un poil dans le bas du dos.

Je l’entends glousser devant ma description. J’aimerais bien l’y voir !

- Ok, appuie sur les boutons dans cet ordre : Le copyright, les fesses, le double K et l’étoile.

M’exécutant, le voyant passe au vert.

- Ça à l’air ok. Ensuite en haut à droite j’ai un bloc avec des fils.

- … Combien il y en a ?

- 5.

- Les couleurs ?

- Rouge jaune jaune bleu jaune.

- Coupe le premier fil Héléna.

-  Ok. J’espère pour toi que je ne vais pas exploser, ça ne me paraît pas être une bonne idée de couper le fil rouge !

Selon moi, ce ne serait pas impossible qu’elle me fasse volontairement exploser la caboche.

M’exécutant malgré mes appréhensions, je constate que le voyant passe au vert.

Je ne commente pas et panique en voyant qu’il ne nous reste plus que 3 minutes et la nature du bouton que j’ai devant moi ! Impatiente, Sasha me pousse :

- C’est quoi le prochain module ?

-  Un gros bouton sur lequel il y a écrit « DETONATE ».

- Detonate, detonate. Ok, appuie dessus et relâche tout de suite.

Elle est sérieuse là ? J’ai déjà coupé un fil rouge, maintenant faut que j’appuie sur le bouton marqué détonation ?

- J’espère que tu sais ce que tu fais.

Malgré une absence totale de confiance en ma partenaire, je m’exécute et suis soulagée en voyant la diode passer au vert. Ok, plus qu’un :

- J’ai un écran avec écrit yes et en dessous 6 boutons avec next, u, done, uh uh, you’re et like.

- Ok….

Elle ne répond pas tout de suite et je suis en transe en constatant que le chrono défile.

- Plus que 1 minute 30, grouille-toi !

- Hey, j’aimerais bien t’y voir ! Ce machin fait 23 pages…

- Ouais bah c’est pas ton visage qui va être réduit en charpie !

- Ok je l’ai. Il y a écrit quoi sur le bouton du milieu de la colonne de gauche ?

- U. 50 secondes Sasha…

- Appuie sur le premier que je te dis que tu verras : uh uh, sure, next –

- Ok c’est bon. Pourquoi le compteur ne s’arrête pas ? Oh merde, maintenant le mot c’est « reed ».

- Euh… Y’a quoi en bas à gauche ?

- Done.

- Ok, premier que tu as dans ta liste : sure, uh huh, next, wha-

- C’est bon. L’écran affiche display et il nous reste 25 secondes !!!

Je n’arrive pas à garder le stress en dehors de ma voix, mais Sasha gère pour deux en répondant du tac au tac :

- Le bouton en bas à droite dit quoi ?

- No.

- Ok, blank, uhhhh, wait…

En mode panique totale, j’appuie sur le bouton blank et le compteur s’arrête à 9 secondes.

Je retire le casque tout sourire. Ça m’a stressée, quelque chose de bien ce jeu !

Dom et James sont quant à eux en train de se blâmer l’un l’autre pour l’explosion. C’est pas gagné pour eux.

J’ai à peine posé l’instrument de torture et me suis levée pour évacuer le stress qu’une Sasha victorieuse me prend dans ses bras.

Tellement contente de notre exploit, je l’enlace à mon tour sans réfléchir et on va même jusqu’à sautiller sur place.

Malheureusement, ma joie est interrompue par la voix de James :

- Hey ben, pour certaines ça à l’air de marcher leur stratégie pour nous rapprocher.

Je me crispe immédiatement en réalisant que je pactise avec l’ennemi. Sous les yeux de celui qui se fait déjà des films…

Manquait plus que ça !

Bah, s’il se moque je dirais que je fais des efforts surhumains pour lui faire plaisir, étant donné qu’il m’a demandé d’être courtoise.

Reprenant une contenance, je repousse quand même ma collègue. On va éviter qu’elle ne prenne ses aises, elle est déjà tactile comme pas deux alors que j’ai clairement exprimé ma profonde répugnance envers sa personne, si jamais elle venait à penser que je l’apprécie ce serait mort !

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 Mes mains sont moites.

 

La chambre de Sasha a été transformée pour l’occasion en mini atelier de photographie, deux réflecteurs et une lampe ayant été gracieusement prêtés par l’entreprise. D’un côté, je suis soulagée que l’on ne fasse pas ça dans le salon sous les yeux de mes collègues masculins, de l’autre c’est une atmosphère beaucoup plus intimiste.

J’ai conscience d’être entre de bonnes mains, mais ne peux m'empêcher de stresser.

Sasha toque afin de savoir si je suis décente.

- Tu peux entrer.

Elle ouvre à peine la porte et se glisse dans la chambre, renforçant malgré elle cette impression de deux personnes se retrouvant en cachette pour d’autres activités…

Ses yeux verts me parcourent de haut en bas et ne pas gesticuler nécessite un effort conscient.

Elle ouvre finalement la bouche pour annoncer :

- Les photos vont être géniales.

Elle trafique l’appareil photo tandis que je me demande comment elle compte accomplir ça alors que je suis raide comme la justice. À ce prix-là, elle avait autant photographier des planches de contreplaqué.

Sasha passe une main dans ses cheveux châtain, se décoiffant au passage et tapote ses lèvres de son index, me fixant.

- Ok on va faire quelques clichés le temps que tu t’habitues à l’objectif et te décrispes. T’as aucune raison de stresser, crois-moi.

Son regard croise le mien et j’y trouve un peu d’assurance. Ça ne me ressemble pas de douter comme ça. C’est sûrement lié au fait que j’ai opté pour laisser temporairement mon inimitié pour elle de côté au nom des garçons et que je ne sais pas comment me comporter autrement en sa présence. C’est comme si demain je venais à décider que finalement j’aime les choux de Bruxelles. J’aurais beau faire tous les efforts du monde, ça sentirait quand même le prout rance.

Elle me fixe à travers l’objectif et relève les yeux pour me guider :

- Tu peux glisser ton pouce dans ta poche et pencher légèrement la tête ?

Je m’exécute sans grande conviction. C’est elle l’experte.

- Ok… Hmmm.

Son regard croise le mien et pendant une seconde j’espère qu’elle va m’annoncer : ‘ça ne le fait pas, mais merci d’avoir essayé’. En tout cas, elle n’a pas l’air de la photographe qui réalise les meilleurs clichés de sa vie.

- On va passer la nuit ensemble. Tu me plais, tu le sais, t’attends juste que je me décide à venir vers toi.

Qu’est-ce qu’elle bave ?

Elle a consommé de la drogue ou quoi ?

J’ai pas signé pour ça !

J’ai raté beaucoup d’épisodes là je crois.

Toujours éloquente, je lui lance un : “Hein ?” confus.

Roulant des yeux, elle clarifie :

- Pas moi ! Essaie d’imaginer ça. J’ai besoin de voir la Héléna suffisante. Ce petit air prétentieux que tu adoptes lorsque tu veux ramener une femme chez toi, sachant qu’il est impossible qu’elle te refuse quoi que ce soit quand tu ressembles à ça.

Elle ponctue ses mots d’un signe de la main dans ma direction.

Pendant une fraction de seconde, j’ai envie d’argumenter qu’il n’y a aucun moyen qu’elle connaisse ce genre de détails, mais je me rappelle ma tentative au club, celle avortée par Dom.

Je ne l’aurais pas décrit comme ça, mais elle marque un point j’imagine.

Ça m’agace suffisamment pour mettre du mien afin de refaire mon air “je sais que tu me veux”. Pour la punir, je laisse mes yeux caresser ses formes des pieds à la tête avant de planter mon regard dans le sien, levant un sourcil dans un challenge implicite.

Elle a beau avoir la personnalité d’une éponge, je peux reconnaître (dans mon esprit uniquement), qu’elle est bien foutue. Si je fais totale abstraction de sa propriétaire, je peux reluquer son corps sans vergogne. 

Je m’attends à ce qu’elle m’asperge d’eau bénite, mais bien qu’un drôle d’air passe sur son visage, elle se contente d’un :

- Parfait.

Elle se remet en position dès qu’elle sent mon changement d’attitude.

Au bout de quelques minutes, j’en oublie presque les clics et m’efforce d’avoir juste l’air belle. Je ne suis pas convaincue que ça va être un succès, mais ça c’est le job -problème- de Sasha. J’ai conscience que mon physique est avantageux de base, mais ça ne suffit pas à faire de beaux clichés.

Elle s’arrête un instant, pose l’appareil sur le lit et s’approche de moi en silence, les sourcils semi-froncés.

Qu’est-ce que j’ai fait de mal encore ?

Elle passe ses doigts dans mes cheveux ondulés, découvrant un peu plus mon visage. Ses yeux verts viennent se ficher dans les miens tandis que sa main quitte ma chevelure pour glisser le long de mon cou, tracer ma clavicule et venir déboutonner le haut du chemisier crème que je porte.

Je suis comme paralysée.  

Euh… Elle fait quoi là exactement ?

 Je ne suis pas sûre que la séance soit supposée être si… tactile ? Depuis quand les photographes palpent les modèles ?

Ma gorge est serrée et je suis figée sur place, la laissant faire, tout bêtement parce que je ne sais pas quoi faire d’autre.

Ses pupilles sont dilatées, mais je mets ça sur le compte du fait qu’elle est à contre-jour, m'efforçant de ne rien y lire de particulier. Me faire des films sur mon ex Némésis est la dernière chose dont j’ai besoin.

Sasha quitte mes yeux pour balayer mon corps des siens, sa main toujours placée au niveau des boutons du chemisier à présent entrouvert et je m’entends déglutir.

Semblant réaliser quelque chose, elle se recule soudainement et m’offre un sourire un peu étrange, murmurant :

- Elle va halluciner en voyant les clichés.

Elle retourne rapidement derrière l’objectif et prend quelques photos de plus avant que je ne change de tenue.

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Cette fois-ci, c’est moi qui quitte la pièce pour aller enfiler une robe rouge asymétrique, où des bandes stratégiquement placées laissent entrevoir juste assez pour faire envie sans être vulgaire ni faire effet saucisson. En plus, elle a un genre de soutif intégré.

Pratique !

Bon, c’est pas fait pour être porté en partant acheter le pain, mais en soirée par contre…

Je ne sais pas qui est sa copine, mais si elle arrive à me faire ressembler à ça au moment de sortir, il y a moyen qu’elle ait une cliente avant même de lancer sa collection.

De retour dans la chambre, je me mets en position et réalise que Sasha a l’air vraiment gênée et ne fait pas le moindre mouvement en direction de l’appareil.

- Quelque chose ne va pas ?

Son regard se portant absolument partout sauf sur moi, elle annonce d’une petite voix :

- … Est-ce que tu… Enfin… Il faudrait changer de sous-vêtements pour les photos de profil ou de dos…

Mes sourcils se haussent tous seuls en entendant ça. Eh ben, apparemment elle n’a pas les yeux dans sa poche quand j’ai le dos tourné.

Cela dit je ne peux qu’admirer son culot, parce que perso si j’avais eu les yeux baladeurs et remarqué quelque chose, j’aurais attendu le moment opportun pour le signaler, histoire de ne pas totalement me faire griller. Surtout si j’ai volontairement cherché à avoir une réputation de coincée !

Me tournant pour regarder mes fesses dans le miroir placé à côté de son armoire, force est de constater qu’elle a raison.

Le voilà le défaut de cette robe ! Je savais bien qu’elle était trop belle pour être vraie.

- On va vite avoir un problème je crois…  Comme tu as pu remarquer…

Je marque une pause pour lui adresser un regard entendu avant de reprendre dès qu’elle rougit :

- … je porte un tanga en dentelle et on devine limite les motifs… Si je mets un string ou rien du tout, j’en déduis qu’on va apercevoir tout aussi nettement un autre motif, plus… linéaire dirons-nous.

Son visage est tellement rouge qu’on pourrait croire qu’elle a avalé un truc de travers quand j’étais sortie et est en train de s’étouffer. C’est d’autant plus drôle que je sais que parfois on regarde sans le vouloir.

Par exemple, ma dentiste est jeune et porte énormément de décolletés. Bien sûr, elle se penche pour observer mes quenottes et c’est une lutte de tous les instants pour ne pas loucher sur ses seins ! Et je vous assure que bien qu’elle soit potable, je n’ai pas la moindre envie de reluquer et potentiellement agacer la dame en possession d’instruments de torture ayant peu évolué depuis le moyen âge.

Sasha retrouve finalement sa voix :

- Pour le coup, je pense que si tu mets un string ça va se voir aussi…

Elle a à peine terminé de parler qu’elle place ses mains sur son visage, visiblement honteuse d’avoir dit ça à voix haute.

- Sasha, serais-tu en train de suggérer l’organisation d’une mission commando dans ta chambre ?

Je ponctue ma phrase d’un sourire carnassier, fière de moi.

Oui elle est déjà à terre, à agoniser sous le poids de son embarras.

Et oui, elle n’avait certainement pas besoin que je remue le couteau dans la plaie.

Mais je suis un être cruel, que voulez-vous.

Mon sourire vacille un instant lorsque son oreiller vient percuter mon visage, mais je ne m’avoue pas vaincue pour autant :

- Je vais retirer mes sous-vêtements, je reviens…

Faisant volte-face juste avant de franchir le pas de la porte, je prends soin de lui adresser un clin d’œil coquin, simplement parce que je peux.

Voyant qu’elle se rue sur le coussin déjà à terre, je m’enfuis à toute allure, ne demandant pas mon reste.

Je fais ce que j’ai à faire et respire un bon coup avant de m’apprêter à y retourner. C’est vraiment bizarre, mais je suis beaucoup plus à l’aise à l’idée de faire la prochaine série de clichés que la première, alors même que je n’aurais pas de culotte. Tout ça parce que me moquer d’elle m’a détendue. Comme quoi… S’il faut j’avais la mauvaise approche tout du long…

Revenant dans la chambre avec en tout et pour tout la robe et mon sourire amusé, je jubile semi intérieurement (soyons honnêtes je le cache très mal) du malaise palpable de Sasha.

Elle a creusé sa propre tombe.

Pendant l’espace d’un instant, je contemple la possibilité de la tuer en me penchant pour ramasser un truc par terre avant de me raviser : James serait capable de qualifier ça de crime passionnel.

Je suis déjà à moitié convaincue que mes tentatives de limitation de désagréabilité vont être interprétées comme un aveu alors même que c’est lui qui me l’a demandé, inutile de lui donner du grain à moudre !

Par contre, m’amuser à sortir des phrases à double sens pour faire rougir ma collègue, ça je peux :

- Tu me veux où ?

Sasha m’envoie un regard très clair sur le fait que mes moqueries feraient mieux d’être rapidement avortées.

- Arrête ton cirque et tourne-toi, que je puisse voir l’étendue des dégâts.

Venant d’être réprimandée, je ne réponds pas, mais lui adresse quand même un coup d’œil sulfureux avant de m’exécuter, demandant par-dessus mon épaule :

- Alors, verdict ?

Sasha grimace et me dit la dernière des choses auxquelles je me serai attendue :

- Ben… Je viens de gruger l’étape bouquet de fleurs et dîner… Tu t’es faite arnaquer.

Éclatant de rire, je suis tentée de rétorquer quelque chose de l’ordre du “pour toi je peux faire une exception à la règle du jamais le premier soir” mais 1) elle sait très bien que cette règle est le cadet de mes soucis, 2) je n’envisage même pas de la toucher avec un bâton 3) ça reste ma collègue et 4) je fais des efforts, mais on n’en est pas au point de faire copines-copines.

Je suis tellement proche des deux guignols que j’en oublie parfois que je ne peux pas me comporter pareil avec tout le monde. Et puis c’est pas comme si avant-hier encore je ne cachais pas mon animosité pour elle et qu’elle doit certainement se demander ce qui a engendré ce 180°…

Du coup, je me contente d’un pas marrant “On fait quoi alors !? Que des photos de face ?”.

Elle hausse les épaules et annonce :

- Si t’es ok, j’imagine qu’on va faire ton premier shooting semi-érotique. Je lui dirais ce que j’en pense et elle verra par elle-même… Et ne t’en fais pas, aucune des photos ne sera postée sans ta permission.

Je la regarde, étonnée, n’ayant retenu qu’un détail de tout son speech :

- MON premier ? Ce ne serait pas le cas pour toi ?

Elle me fait un clin d’œil et me nargue :

- Tu voudrais bien savoir hein ?

Quelle pouf !

 L’audace j’y crois pas ! Je savais bien qu’il y avait une raison pour laquelle je ne l’aimais pas outre sa tronche de cake.

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