Chapitre 11 : Pique nique
En voiture avec Lucie, je sens le stress monter.
Elle a organisé une sorte de pique-nique au milieu de nulle part, dans une zone forestière dédiée à la découverte de la nature, le tout avec Batou et Anna. En "omettant" bien sûr de communiquer à Anna la liste complète des participants. Bref, comme d'habitude, elle assure.
Je vais tâcher de faire de même.
Elle se gare et me laisse quelques secondes pour me préparer. Ça fait une semaine que je ne l'ai pas vue et j'appréhende sa réaction. C'est une belle journée, c'est de bonne augure déjà.
Nous sortons de la voiture et nous dirigeons vers le point de rendez-vous. Baptiste et Anna sont sur place, nous tournant le dos. J'observe ma kiné à son insu. Elle a visiblement l'air décontractée, de son petit pull et son jeans à ses cheveux attachés en un chignon un peu lâche. Tant mieux.
Batou nous repère en premier, nous faisant de grands signes alors même qu'on est à environ cinq mètres seulement.
- Salut les filles !
Je ne sais pas si c'est le "les" qui lui met la puce à l'oreille, mais Anna se retourne façon diable de Tasmanie. Visiblement, le secret de ma présence avait été bien gardé. Je fais d'abord la bise à mon meilleur ami, qui en profite pour me chuchoter à l'oreille :
- Cette fois rate pas ton coup, boulet !
Sa remarque lui vaut une petite tape dans le dos. Il va me porter la poisse cet imbécile.
Penaude, je m'approche d'Anna d'un pas incertain. J'ai un peu peur de sa réaction mais elle me salue, peut être avec plus d'hésitation que d'ordinaire mais sans rien dire.
Je lance un timide :
- Coucou.
Elle me répond "salut" mais sans croiser mon regard.
Avant que ça ne devienne bizarre, Baptiste se moque de moi et pour une fois je lui en suis reconnaissante ! Pointant ma tenue du doigt, il s'enquiert :
- Inès, une petite question, tu comptais te cacher dans les fourrés pour flasher d'innocents passants ?
- Ha ha très drôle. J'avais peur qu'il y ait du vent ! Et pour ta gouverne ce que je porte s'appelle un trench et j'ai des habits en dessous.
- Montre pour voir ?
Pour blaguer, je me rue sur lui en écartant les pans du vêtement à la manière d'une exhibitionniste, poussant même le vice jusqu'à faire des mouvements de bassin !
Absolument pas effarouché, il baisse les yeux pour inspecter mon corps tout à fait décent puis s'adresse à Lucie et Anna par-dessus mon épaule :
- Elle disait vrai... Ça valait le coup d'essayer !
Souriante, Lulu n'en reste pas moins pragmatique :
- Maintenant que ce sujet est clos, ça vous tente de se mettre en route avant que le soleil ne se couche ? Le panier ne s'allège pas avec les minutes qui passent je vous signale.
Me tournant vers elle, je rétorque :
- Je t'avais dit de prendre un sac à dos.
Royale, elle me répond de la même manière qu'une bourgeoise prout prout le ferait avec un clochard qu'elle aurait trouvé sur son canapé :
- Ma chère, les pique-nique c'est sacré et tu n'es pas sans savoir que le rituel requiert un panier en osier et un plaid ou une nappe à carreaux !
Sortant de son silence, Anna va plutôt dans mon sens :
- J'ai dû louper ce cours-là !
Baptiste écarquille grand les yeux et tire sa cousine par le bras pour l'éloigner de Lucie :
- Malheureuse, on ne contredit pas la sorcière avant d'entrer dans un bois, t'as jamais lu les
contes pour enfants ? Au mieux elle t'y abandonne, au pire elle te garde en esclavage pour nettoyer une maison remplie de nains !
Mon regard croise celui de Lucie tandis que nous levons toutes les deux les yeux au ciel devant les singeries de Baptiste. On leur emboite le pas et malgré mon apparente sympathie je ne peux m'empêcher d'ajouter :
- Lu'... Fais gaffe t'as un truc là !
Je pointe le bout de mon nez du doigt. Pour ma plus grande joie, elle tâtonne la zone en question sans rien trouver, allant presque jusqu'à loucher avant de demander :
- Quoi ?
- Une pustule.
Je suis plutôt contente de ma vanne pourrie en voyant les cousin-cousine en rire. Sa Majesté n'en a cure et me répond du tac au tac, indiquant son oeil et lançant dans un sourire mielleux :
- Inès, fais gaffe tu vas avoir un coquard là !
Je marmonne un "rabat joie" et annonce tout haut :
- Maintenant c'est sûr, au moyen âge on t'aurait brûlée.
La connaissant par cœur, j'évite sans problème le croche-pied qui m'était destiné.
Alors même qu'il ne fait pas extrêmement chaud, entre la marche et le soleil, c'est une balade très agréable. Ma kiné ne m'a pas vraiment adressé la parole mais ne m'ignore pas non plus, donc l'un dans l'autre, je suis soulagée. Avec une bonne dose de glu, je pense pouvoir réparer les pots cassés.
On finit par arriver aux abords de ce qui semble être une clairière, entourée de petits arbustes et bordée de fleurs.
Lucie pose son panier et s'étire. Je m'en empare dans le but d'en extirper la nappe et m'exclame :
- Ça pèse le poids d'un âne mort ton truc, fallait le dire !!
Elle continue à gesticuler, cherchant certainement à remettre en place les vertèbres qu'elle s'est à coup sûr déplacées :
- Je l'ai fait. Ca m'a valu de me faire traiter de sorcière !
- Tu marques un point.
Sans un mot, Anna m'aide à mettre "la table" et je crois que je n'ai jamais été aussi heureuse de sortir des couverts ! Même si ça n'envoie pas du rêve, au moins on partage quelque chose.
Nous sortons les salades avec l'aide de Lucie alors que Baptiste s'émerveille du décor et ne nous calcule même plus.
Finalement, Anna s'empare d'un grain de raisin et le lui lance dessus avec la précision d'un sniper, le rappelant à l'ordre. Ne sachant pas trop où sont les limites, je me suis mise à distance de ma kiné, laissant suffisamment de place pour que Baptiste se situe entre nous. Mais ça, c'était sans compter sur le fait que Monsieur souhaite bronzer :
- Anna, tu peux te décaler s'il te plaît ? Je voudrais être face au soleil.
Un peu de mauvaise grâce, elle se rapproche de moi malgré tout. Je me demande s'il l'a fait exprès avant de réaliser que ce type est incapable de faire quoi que ce soit discrètement.
Une fois qu'on a fini de manger, je me sens l'âme d'un paresseux. J'ai zéro envie de bouger. Je poserais volontiers ma tête sur les jambes d'Anna mais la proximité des couverts m'incite à garder mes distances. La séduction ne faisant déjà pas partie de mes points forts, à part une fan de pirates, mon succès auprès des femmes serait encore plus limité si j'étais éborgnée...
Oui, bon, ok, il serait réduit à néant, inutile de jouer sur les mots !
Lucie ne se gêne pas et m'utilise comme oreiller personnel. Au moins il y en a une que je n'ai pas encore réussi à faire fuir. Elle ferme les yeux et demande d'un ton sans appel :
- Fais-moi des papouilles !
Je ne peux pas m'empêcher de relever son infinie délicatesse :
- C'est si gentiment demandé, comment refuser !
Malgré ma remarque, je ne perds pas de temps pour m'exécuter. Comme je sais qu'elle aime bien ça, je joue avec ses cheveux et alterne avec des mini massages du cuir chevelu.
- Mhhh c'est trop bien !
Baptiste en profite pour s'éclipser, appareil photo en main. Vu l'endroit où on se trouve, il devrait avoir de quoi se faire plaisir.
Souriante, je me tourne machinalement vers Anna. Son regard est posé sur ma main caressant Lucie et je ne crois pas me tromper en disant qu'elle aimerait être à sa place. Pour ma part je ne dirais pas non.
On reste en silence pendant un bon moment, savourant l'instant et les pépiements des oiseaux.
J'ai envie de parler à Anna, mais je ne suis pas convaincue que Lucie dort et mon quota d'adresse n'a d'égal que mon potentiel en tant qu'oratrice... Réfléchis Inès, trouve un sujet.
- Alors Anna, tu profites du beau temps pour faire de la moto ?
Immédiatement, un sourire se fait sur ses lèvres :
- Ohh que oui !
Rolala, si j'étais à la maternelle je me donnerais une image ! Bon choix, continue à la faire parler de choses qui lui apportent le sourire !
- C'est quoi qui te plait le plus ?
Les yeux dans le vague, je vois qu'elle est passionnée par le sujet :
- La sensation de liberté, de sentir la moto entre tes cuisses, savoir qu'il suffit d'ouvrir les gaz pour partir à toute vitesse et tout laisser derrière.
Ok, je suis la seule à lire une connotation sexuelle dans ses propos ? Parce que dit comme ça, ça me fait presque envie ! Et pour peu que j'imagine Anna dans sa combinaison, ça me fait CARRÉMENT envie. J'adresse une petite prière pour que ma voix sonne "normale" et lance :
- Ça a l'air bien effectivement !
Omg... Je suis à l'origine de cette voix prépubère ? Que quelqu'un vienne m'achever !
Anna fait un sourire en coin qui me laisse penser que mon auto-humiliation n'est pas passée inaperçue. Oh joie.
- Tu devrais essayer à l'occasion.
Je hausse les épaules :
- J'ai ni le permis ni la moto !
- Ça c'est pas un problème, Baptiste ou moi on peut te prendre derrière !
Sa phrase me laisse pensive... A choisir, je sais avec qui je préfère monter...
Cette fois c'est certain, mon adolescence est de retour et les dérèglements hormonaux avec. Je vois des sous-entendus partout.
- Ça me tenterait bien à l'occasion ! Ce serait ma première fois !
Ok, visiblement mon esprit pervers et ma bouche sont de connivence ! Je suis la spectatrice impuissante de ma totale perversion.
Elle écarquille les yeux en entendant ça. Mince, je me suis faite griller !
- Sérieux ? Même avec Baptiste ?
Ewww, mais bien sûr que je n'ai jamais rien fait avec lui ! Minute... Se pourrait-il qu'elle parle effectivement de moto ?
- Surtout avec lui ! Je l'ai vu jouer à moto GP, c'est pour ça que j'ai toujours refusé qu'il me promène !
Ma remarque la fait pouffer mais doit cacher un semblant de vérité puisqu'elle dit :
- C'est pas faux !
Lucie ouvre les yeux et fixe le ciel qui commence à se couvrir. Se redressant dans un grognement, elle annonce :
- Je vais aller chercher le Japonais avant qu'on ne se prenne la sauce, il a intérêt à ne pas être parti trop loin.
Ce faisant, elle m'abandonne en compagnie d'Anna et mes prières pour que tout se passe bien.
Un regard en direction des nuages me convainc du fait qu'il est effectivement temps de se bouger :
- On devrait commencer à ranger tu crois pas ?
Anna acquiesce avant de demander :
- Comment on peut être sûres qu'ils ne se sont pas éclipsés pour qu'on fasse les corvées à leur place ?
- Ah ça... Je ne parierai rien là-dessus perso !
- Tu m'étonnes.
A peine a-t-on terminé de tout remballer dans le panier que les premières gouttes se mettent à tomber.
Anna se tourne vers moi et demande dans un grimace :
- J'imagine que tu n'as pas de parapluie ?
Sa tête indique qu'elle connait déjà la réponse.
- J'ai bien peur que non.
Alors qu'elle veut replier la nappe, je l'arrête d'une main sur son avant-bras :
- Ça peut nous faire office de protection, c'est toujours mieux que rien non ?
- T'as raison.
On plie la nappe en deux et nous abritons dessous alors qu'il commence à pleuvoir des cordes.
Anna et moi nous regardons d'un air gêné, j'imagine que c'est un peu trop tôt pour partager un si petit espace. Elle jette un coup d'œil circulaire et demande :
- Je ne pense pas que ça va durer mais j'ai un peu peur que ça ne nous protège pas longtemps. Tu vois un abri ?
- Non.
Saisissant mon téléphone, j'essaie d'appeler Baptiste et Lucie mais aucun des deux ne répond.
Et merde. La nappe commence à ne plus être très étanche et j'aimerais autant ne pas choper une pneumonie aujourd'hui. En plus mes bras me font un mal de chien à force d'être en l'air.
- J'arrive pas les joindre... Faut qu'on se bouge si on ne veut pas attraper la crève.
- Je valide... Il y a un panneau là-bas !
Sans un mot de plus, on s'empare d'une anse chacune et portons l'âne mort le panier jusqu'à ce qu'on puisse lire l'indication.
Le visage d'Anna s'illumine devant ce qui est écrit :
- Serre botanique, donc un espace couvert, yes !
On se met en route dans la bonne direction aussi vite que possible mais la nappe ne sert plus à rien. Elle est tellement trempée que rien qu'à la tenir l'eau glacée ruissèle le long ma manche et c'est loin d'être ma sensation préférée.
À mon grand soulagement, le bâtiment est enfin en vue.
La porte s'ouvre sans difficulté et nous sommes accueillies par une chaleur plus qu'agréable !
Immédiatement, nous nous débarrassons du tissu mouillé et faisons l'état des lieux.
Anna se tourne vers moi et éclate de rire en découvrant ma coupe de cheveux, même si elle n'est pas en reste. Je me peigne à la main et me retiens d'aider Anna à faire de même, ne sachant pas si mes attentions seraient les bienvenues.
Son pull a l'air trempé et lui colle a la peau, j'ai froid pour elle. Comme pour me donner raison, elle est parcourue d'un énorme frisson.
Malgré ma compassion, je ne peux pas m’en empêcher et lance :
- Alors, on rigole moins de mon trench maintenant hein ? C'est peut être un manteau d'exhibitionniste, mais il est un minimum imperméabilisé au moins !
Elle rit mais je vois bien qu'elle grelotte. C'est une serre tropicale, il y fait chaud mais l'air est humide, ce qui ne va pas aider à sécher ses habits.
Je m'approche doucement d'elle et pose ma main sur son épaule :
- Ça va ?
- J'ai vraiment froid.
M'inquiétant trop pour elle pour ne rien faire, je m'assure que nous sommes seules et retire mon manteau puis mon pull sans un mot.
Anna me regarde comme si j'avais perdu la tête et je m'efforce de ne pas penser au fait qu'elle me voit à nouveau sans mon haut et avec mes imperfections.
Je renfile mon manteau, lui tendant mon pull.
- Mets ça, tu vas être malade sinon.
- Et toi, tu vas prendre froid aussi !?
Elle ne s'empare pas du vêtement et je me permets d'insister :
- Moi ça va aller. S'il te plaît...
Elle prend enfin mon haut, toute tremblotante.
- Merci.
- De rien, j'aurais juste une requête.
Elle lève un sourcil dans une question muette.
- Pas de commentaires à ton cousin sur ma tenue ou en l'occurrence absence de tenue sous mon trench !
Elle éclate de rire et m'annonce :
- Je ferai de mon mieux mais je ne peux pas promettre que ça ne va pas m'échapper !
Grommelante, je sais néanmoins reconnaître ma défaite, essentiellement parce que je n'aurais jamais le cœur de lui reprendre quoiqu'il arrive :
- Bon... Je vais m'en contenter.
Sans plus attendre et sans même me laisser le temps de me retourner, elle retire son vêtement trempé. Malgré toutes les bonnes manières que ma mère m'a inculquées, je ne peux m'empêcher de l'observer. C'est une chose de la voir en maillot, une autre en soutif... J'ai beau savoir qu'il n'y a rien d'ambigu dans son geste, mon cœur s'emballe et c'est la seule confirmation qu'il me manquait. Même après avoir foiré et potentiellement ruiné toutes mes chances, je ne suis pas prête à renoncer à elle. Oh joie.
Ses tétons sont visibles à travers le tissu devenu semi-transparent et je jurerais que la serre vient de prendre 15 degrés. Elle enfile mon vêtement et je l'aide à remonter le bas des manches que la nappe a mouillé. Elle se frotte les mains et tente de se réchauffer comme elle peut. Des habits secs c'est un début, mais il va falloir trouver autre chose...
Dans le coin de la pièce, niché dans un écrin de plantes luxuriantes se trouve un banc sur lequel je vais m'asseoir. Étant donné que l'une des extrémités est placée contre le mur, je peux m'installer à cheval, une jambe de chaque côté et le dos contre la pierre. Une fois une position, je tente ma chance en disant "viens là" a Anna, tenant les pans de ma veste dans les mains sans pour autant les écarter mais pour qu'elle comprenne l'idée.
Elle hésite clairement, ce qui me contrarie bien plus que ça ne devrait, mais finit par s'approcher d'un pas incertain.
- C'est juste le temps qu'on reprenne des couleurs. Promis je mords pas.
Sauf si c'est demandé gentiment et bizarrement je doute qu'elle le fasse.
Elle s'installe dos à moi et me laisse passer mes bras autour d'elle.
J'essaie de me concentrer sur tout sauf sa proximité, me sentant un peu coupable de profiter de l'instant, mais pas assez pour ne pas le faire.
Boulet oui, mais pas conne non plus !
La pluie bat toujours les parois de la serre et rendant agités les quelques oiseaux en cage.
Je n'ose pas parler de peur de dire une bêtise et briser l'instant.
Ses cheveux sont absolument glacés et je les écarte d'un geste certainement un peu trop tendre puisque je la sens se crisper. Mon souffle dans son cou lui donne la chair de poule et je suis plutôt contente de moi. Ignorant les signaux qu'elle m'envoie, je tente malgré tout ma chance et dépose un baiser sur sa nuque. Rien de bien méchant, mais pas anodin non plus.
Sa réaction ne se fait pas attendre puisqu'elle s'enfuit comme si je lui avais apposé le fer rouge à la place de mes lèvres, glissant plus en avant sur le banc sans pour autant se retourner.
Tant bien que mal, j'essaie de rattraper le coup :
- Pardon je... Je sais pas ce qu'il m'a pris !
Visiblement ma force de conviction n'est plus ce qu'elle était car elle pousse un gros soupir et me dit d'un ton las :
- Je pensais que j'avais été claire.
- Tu l'as été...
Un peu trop à mon goût, mais ça je m'abstiens de l'ajouter.
- Je n'ai pas réfléchi, je ne recommencerai pas...
Elle frotte ses mains sur ses bras, pour se réchauffer ou se réconforter, je ne sais pas trop.
- Reviens s'il te plaît, je ne voudrais pas que tu attrapes la mort à cause de mes bêtises.
Ses yeux cherchent les miens et je prie pour qu'elle y trouve les réponses qu'elle attend.
Elle ouvre la bouche, puis la referme, pour finalement se détourner et annoncer :
- Non c'est bon ça va aller.
... Bon... Voilà qui me remet à ma place.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça fait mal d'entendre ça. C'est comme si elle m'avait donné un coup de poing en plein sur le plexus.
Les bras autour d'elle même, dos à moi, son langage corporel est limpide... On dirait une huitre et je ne suis pas la bienvenue !
Tremblotante, elle est visiblement gelée mais préfère ça à être contre moi. Je resserre les pans de mon manteau, me sentant très vulnérable.
Les minutes passent et le silence devient de plus en plus pesant. Fort heureusement, Laurel et Hardy sortent enfin de leur mutisme et m'appellent. Je mets immédiatement le tel en haut-parleur et demande :
- Vous êtes où ?
Au bout du fil, Lucie me répond sur un ton totalement détendu :
- En train de boire un bon chocolat chaud tiens, c'est le déluge dehors.
Je roule des yeux et regarde Anna d'un air entendu. Pourquoi ça ne m'étonne pas !
- Merci, on avait remarqué ! Vous avez des parapluies ? Il faudrait qu'on rentre, j'ai peur qu'Anna ne prenne froid !
- Euh pas sur nous mais il y a une boutique de souvenirs à côté du café, on pourrait en acheter et se retrouver. Vous êtes où ?
Je regarde autour de nous dans l'espoir d'obtenir des indices sur notre position. Anna fait de même et hausse les épaules d'un air de dire "je ne sais pas".
- Dans un genre de serre botanique tropicale.
- Ok, bougez pas, on demande où c'est et on vous rejoint !
Je raccroche, soulagée que mon calvaire touche à sa fin. Anna s'écarte et va faire quelques exercices, sans doute dans le but de se réchauffer. Perso, je suis drainée de toute énergie. Je ne sais pas ce que j'attendais d'aujourd'hui, mais pas ça !
Ils arrivent et éclatent de rire devant notre apparence. On décide de rentrer sur le champ. Immédiatement, Anna va se réfugier sous le parapluie de Baptiste, me signifiant une fois de plus qu'elle veut garder ses distances. Un peu dépitée, je rejoins Lucie et nous repartons en direction des voitures.