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Fictions Lesbiennes :)

Fictions Lesbiennes :)
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7 novembre 2012

Chapitre 9

Installée comme une grosse limace au fond du canapé de Nico, je fixe mon téléphone depuis dix bonnes minutes. J'ai l'impression d'être une collégienne qui attend des nouvelles du mec le plus mignon du coin et reste collée au téléphone, tout ça pour pouvoir lire son hypothétique message dans la seconde.

Sauf que j'attends des nouvelles d'Erin, qui n'est définitivement pas un homme... Je souris en repensant à ce qui s'est passé dans le bureau...

En plus, elle est beaucoup plus que juste "mignonne". Je la revois avec ses cheveux quasi noirs, trempés, ses iris sombres si expressifs et la moitié de ses habits !

Quoi ? Si vous l'aviez vue, vous ne jugeriez pas et seriez surpris que j'arrive à penser à autre chose qu'à cette image. Même moi ça m'étonne !

Mes yeux retournent sur le téléphone. Oui, je pourrais lui envoyer un message, merci je sais... Mais... Je veux voir ce qu'elle en pense au ton du sien, etc.

Enfin, ce que j'essaie de dire c'est que MOI je ne sais pas trop quoi en penser donc je voudrais bien savoir ce qu'il en est de son côté, si elle regrette ou... Non pas que moi oui. Les circonstances, un peu, mais pas d'avoir cédé. Je m'entends : j'ai tenté de lutter, mais je suis toujours revenue au même point avec elle. À avoir envie de plus. À un moment il faut arrêter de se voiler la face et accepter les faits. Mais entre sa « rupture » très récente et la mienne très irréfléchie, l’instant n'est pas idéal... Une vague de culpabilité que je n'ai pas franchement volée m'envahit en songeant à Julien et Nico.

Je fronce les sourcils en pensant à un truc : Est-ce que ça fait de moi une lesbienne ?

Avant que je puisse répondre, mon téléphone vibre dans mes mains. Souriante, je le déverrouille et lis le message.

Je t'ai pris quelques fringues, je reviens. Ps : comme tu t'en doutes, il est pas super bien, stp essaie de lui parler rapidement.

Nico...Génial, comme si je ne me sentais pas assez coupable comme ça. Et je suis encore pire quand on pense que je suis déçue que le sms soit de lui. Oui, je l'ai très courageusement envoyé chercher quelques affaires chez moi. Je n'ai pas envie de voir Julien et le moment est mal choisi. Non seulement j'ai "craqué" aujourd'hui, mais en plus même si je n'ai aucun droit de l'être, je suis fâchée qu'il ne m'ait pas harcelée de textos. Après deux ans et demi, ça montre à quel point il tient à moi. D'ailleurs, je ne suis pas sure de croire Nico qui me dit qu'il n’est pas bien...

Mon téléphone vibre à nouveau. C'est bon, il ne va pas me faire un compte rendu minute par minute non plus !

Un immense sourire vient spontanément sur mon visage en voyant s’afficher le nom de l’expéditrice.

Hey... J'espère que ça va. Je pense à toi.

Ok... Ça ne me renseigne pas des masses ça.

Je commence à répondre, optant pour :

Hey toi-même ! Ça va et toi ? Tjrs trempée ?

Je fronce les sourcils en me lisant et modifie :

Tjrs trempée (par la pluie) ?

C'est encore pire... J'efface et écris :

T'as pris ta douche ?

Non ça va pas elle va croire que j'insinue qu'elle pue. Je recommence à nouveau :

Voyons... Ah je sais !

T’es bien rentrée ? J’espère que t’avais soif vu ce qu’il tombe !

Héhé… Pas mal ça. Ça fait référence à ce qui s’est passé, mais sans trop en dire !

Une éternité plus tard… Bon, ok, 2 minutes plus tard, je lis sa réponse :

Oui je suis rentrée en un seul morceau ! Je vais aller me prendre une petite douche. Et pour ta gouverne, la pluie a bien meilleur goût sur toi. ;)

Docteur, c’est normal qu’une phrase aussi simple que ça me crée des palpitations ?

J'ai très envie de garder le message, mais pas tellement d'avoir des preuves compromettantes dans mon tel.

Je ne sais pas combien de temps je vais tenir dans cette situation. Et puis je suis une terrible menteuse de toute manière.

Une nouvelle fois, mon téléphone vibre.

Tu regrettes ?

Gulp. Hum...

Je fronce les sourcils et me creuse les méninges, cherchant quoi répondre. Finalement, je décide d'être un peu courageuse, quitte à m’en mordre les doigts plus tard et rédige :

Seulement l'interruption. Toi ?

J'envoie vite le texto avant de me dégonfler et attends avec une totale impatience de voir sa réponse.

Je mentirais si je disais le contraire. Non, je suis surprise de ta réaction, mais je ne vais pas me plaindre !

J’entends le bruit de moteur caractéristique à la poubelle que conduit Nico et tape rapidement :

Tant mieux. Nico est de retour, au cas où il me confisquerait le tél, je t’embrasse.

 

Je jette le téléphone et fais semblant d’être captivée par l’émission qui passe à la télé au moment où il rentre dans la pièce. Il s’approche et me fait un bisou sur le front avant de me lancer mon sac de linge sur les genoux.

-          Tiens, trouillarde !

Il soulève mes jambes et s’installe en dessous, les yeux immédiatement rivés vers l’écran.

-          Tu regardes quoi ?

-          Aucune idée !

Il sourit et attrape la télécommande pour zapper. Je vois bien qu’il a envie de parler de quelque chose, mais n’ose pas. Au bout de dix minutes, je craque et lui dis :

-          Crache le morceau !

-          De quoi tu parles ?

Son air étonné marcherait peut-être sur sa mère, mais j’y suis complètement immunisée ! Je lève un sourcil et fais l’effort de contracter mes abdos pour me relever et lui coller une petite claque à l’arrière du crâne.

Il marmonne, mais j’entends très clairement sa réflexion sur l’hébergement  de sdf aux tendances violentes. Je m’apprête à réitérer mon geste, mais il se protège et lance :

-          Ok ok je vais parler !

Je lui adresse un sourire suffisant et me réinstalle, croisant les bras derrière la tête.

Like a boss !

Il lève les yeux au ciel et se met à jouer à dessiner des trucs sur le canapé en daim, passant ses doigts de telle sorte qu’ils laissent une trace. Au bout de quelques secondes, il demande :

-          Qu’est-ce qui t’as vraiment poussé à le quitter ?

Réflexion faite, tu peux garder le morceau !

Je grimace involontairement et baisse la tête. Nico pose sa main sur mon genou et ajoute :

-          Tu sais que tu peux tout me dire.

Restant la tête penchée, je le regarde entre les mèches de cheveux qui sont tombées sur mon visage, jaugeant de sa sincérité. Il hausse les sourcils et me fait un sourire en coin. Il me fait des caresses avec son pouce et le pire c’est que ça me détend effectivement.

-          Je…

Je ferme les yeux et prends une grande inspiration. J’espère que je ne vais pas regretter lui avoir fait confiance.

-          Je crois que je suis tombée amoureuse de quelqu’un d’autre.

Il me regarde d’un air complètement crétin, les yeux totalement écarquillés, la bouche ouverte. Au bout de quelques secondes, je me demande s’il m’a pas claqué dans les pattes, puis je le vois cligner des yeux et recommencer de plus belle.

Je n’aime pas du tout ce genre de situation. Je m’assieds correctement à côté de lui, comme si ça allait arranger mon inconfort. Ne tenant plus, je le presse :

-          Dis quelque chose, s’il te plait.

Il se secoue la tête, comme pour sortir de sa torpeur et répond :

-          C’est la dernière chose à laquelle je m’attendais ! C’est qui ? Je le connais ?

J’aurais mieux fait de me taire, forcément il allait vouloir en savoir plus !

Here goes nothing…

-          Tu la connais.

Nico penche la tête, fronçant les sourcils, cherchant à comprendre. Puis soudain son visage se relâche et adopte un air abasourdi, et c’est les sourcils frôlant son cuir chevelu qu’il demande d’un ton bien trop aigu pour un mec ayant encore ses attributs :

-          Erin ?

Je ferme les yeux et acquiesce de la tête. Je l’entends lâcher un souffle étonné et je n’ose pas relever mes paupières pour voir son expression. Je pourrais peut-être vivre éternellement comme ça d’ailleurs.

 Pour écrire au tableau et corriger les copies ça risque d’être délicat, mais le reste je peux gérer !

Il me pousse de son épaule contre la mienne et chuchote d’un ton doux :

-          Hey…

Ça me décide et je tourne la tête pour le regarder, tentant un sourire timide.

Il me fixe en retour et je n’arrive pas à lire son expression. J’attends. Qu’il me juge, qu’il me dise que c’est impossible, que je suis hétéro, une garce, que …

Il me fait un grand sourire et demande :

-          Et tu en as parlé à l’intéresséE, histoire de savoir ce qu’elle en pense ?

Je fronce les sourcils. Il n’est pas…

-          Tu n’es pas fâché ?

Il se recule et me regarde comme si je lui avais annoncé quelque chose d’improbable, du style que j’attends un enfant de lui.

-          Pourquoi je le serais ?

-           …

Je ne réponds pas, je n’ose pas. C’est affreux à quel point je me sens coupable, même si je n’ai pas choisi ce qui m’arrive. Peut-être qu’il ne réalise pas encore ce que je viens de dire, et je ne compte pas l’y aider !

Il entoure mes épaules de son bras et m’attire à lui. Je le suis tandis qu’il se réinstalle dans le fond du canapé, ma tête nichée au creux de son cou. Je le sens déposer un baiser dans mes cheveux et il se met à murmurer :

-          Bon… Je vais te raconter un secret... Avec Erin ça n’a pas accroché comme tu le sais. Et quand je l’ai quittée, je lui ai dit… que je pensais qu’elle était amoureuse de toi.

Je me recule et lui lance un regard type « boule de bowling », deux énormes yeux et la bouche ouverte.

-          Tu déconnes ?

Il me fait un sourire charmeur et fais mine d’épousseter son épaule avec son autre main.

-          Nan nan. J’ai la classe, tu peux l’avouer, n’aie pas peur des mots.

En temps normal, je lui ferais savoir que même sur mon lit de mort je ne le dirais jamais, mais au vu de sa réaction, il le mérite :

-          J’avoue, t’as la classe.

Il me serre fort contre lui en rigolant.

-          Ça ne répond pas à ma question… Tu sais ce qu’elle en pense ?

Il se recule pour m’observer et j’ai parfaitement conscience du fait que mon rougissement type « camion de pompier » va me trahir.

Et en effet, Nico siffle et s’exclame :

-          Oho, on m’a fait des cachotteries ? Raconte, raconte !

Je mens comme une arracheuse de dents en lançant l’air de rien :

-          Il s’est rien passé !

-          Ce n’est pas ce que suggère le suçon que tu as dans le cou !

J’écarquille les yeux et plaque directement ma main sur ma peau pour cacher toute trace compromettante.

En voyant le sourire satisfait de Nico, je réalise que je me suis faite avoir comme une bleue. Blasée, je lui tape la cuisse et il m’encourage :

-          Plus la peine d’essayer de mentir, avoue !

-          Euh… je ne suis pas sûre que tu sois la bonne personne à qui dire tout ça…

-          Tu déconnes ou quoi, je suis ton meilleur ami, j’étais déjà dans le vrai sans même le savoir et en plus je vous connais toutes les deux ! Je suis le mieux placé !

-          Tu es aussi le pote de mon ex.

Il soupire, secoue sa tête et décide de signer son arrêt de mort en m’ébouriffant les cheveux.

 

* * * * *

 

Je regarde d’un œil distrait les élèves qui bossent sur l’exo que je leur ai donné. J’avoue, je ne suis pas concentrée et je n’avais pas le cœur à faire cours correctement.

Je sors mon téléphone et l’observe pour la trois millionième fois, comme si c’était une boule de cristal qui allait résoudre tous mes problèmes. Je relis les cinq derniers messages reçus, tous d’Erin.

Mon doigt survole la case « répondre », mais je secoue la tête et décide de ne pas le faire. Je fourre mon smartphone dans mon sac pour éviter la tentation. Ça fait bientôt une semaine que je fais ça.

Alors oui, ce que je fais n’est pas cool et je devrais lui répondre, surtout qu’elle n’a rien fait de mal, mais je ne sais pas quoi dire. C’est comme si quand ça s’était passé, quand on avait « dérapé », toute la journée n’avait été qu’un rêve. Je sais pas ce qui m’a pris. Je ne comptais pas en arriver là.  À vrai dire, je n’avais pas le moindre plan. Même pas d’ébauche, de brouillon. Rien.

Alors voilà.

Oui, je lui ai dit que je ne regrettais pas et dans un sens c’est vrai…

Mais… Je ne sais juste pas quoi en penser. Ce genre de comportement ne me ressemble pas et jamais je ne me serais crue capable d’aller aussi loin. Force est de constater que j’avais tort.  Et comme il faut en plus.

Mon attention va en direction de la porte alors que quelqu’un toque.

-          Oui ?

Celle-ci s’ouvre lentement et Erin passe timidement sa tête dans l’embrasure.

Et merde.

La faille dans mon génial plan c’est qu’elle connait mon emploi du temps par cœur et peut me retrouver, même si j’évite le bureau.

-          Je peux te parler un moment ?

-          Je suis en plein cours.

-          Y’en a pas pour longtemps.

Voyant qu’elle n’est pas disposée à lâcher l’affaire, je soupire et me lève. De toute manière, il faudra bien que j’affronte la réalité un jour. Tous les élèves m’observent et je détourne l’attention de moi en lançant :

-          Vous pouvez faire une petite pause, je reviens dans 5 minutes.

Je suis Erin, qui déverrouille la porte de la salle adjacente et me laisse entrer, avant de refermer derrière nous. Je me sens prise en otage, prisonnière.

Elle place ses mains sur ses hanches, tandis que je m’assois sur le bureau du prof, feignant de ne pas remarquer son attitude.

-          Tu n’as rien à me dire ?

Mes yeux fermement décidés à ne pas quitter mes chaussures du regard, je marmonne :

-          Je suis désolée.

Je l’entends s’approcher et elle vient s’accroupir de sorte que je n’ai pas d’autre issue que de la voir :

-          Pourquoi tu m’évites ? Qu’est-ce que je t’ai fait ?

-          C’est pas toi.

-          Alors explique-moi !

Elle place ses mains sur mes épaules et me secoue légèrement vu que je ne réponds pas.

Je l’observe et je peux vous jurer que mon cœur se serre quand je vois à quel point elle est belle. Même si ça ne fait rien disparaître, je ferme les yeux.

-          Fanny, regarde-moi !

Je m’exécute et me perds immédiatement dans ses iris noirs. Ses émotions ne sont pas dissimulées et je vois qu’elle tient à moi, qu’elle est fâchée, qu’elle ne comprend pas, qu’elle… qu’elle est triste.

Ma gorge est sèche, mais j’essaie de déglutir quand même. Elle glisse une main dans ses longs cheveux et me questionne :

-          Pourquoi tu ne réponds pas à mes messages ?

-          Je ne sais pas quoi te dire. Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Je ne pige pas pourquoi ces questions ne s’étaient jamais posées avant de te rencontrer !

Je reste assez vague dans mes propos, car il est tout à fait possible que les étudiants aient les oreilles collées à la porte en ce moment même. Le couloir est anormalement calme.

-          Et c’est trop te demander que de me traiter comme un être humain, qui a des sentiments et de me le dire, tout simplement ? Je te force à rien !

Inutile d’essayer de me justifier, elle a parfaitement raison. Après quelques secondes passées à me fixer, Erin secoue la tête en soupirant.

Elle se recule puis se dirige vers la sortie et je suis terrifiée à l’idée qu’elle parte et que les choses se terminent sur une note pareille.

Je me lève et saisis la main qui s’apprête à déverrouiller la porte dans la mienne.

-          Erin, je suis désolée, sincèrement… Je…  je sais que c’est pas une excuse, mais je panique. Tout ça c’est nouveau pour moi.

-          Parce que tu crois que ça m’est déjà arrivé ? La réponse est non.

Je la regarde, surprise. J’y avais jamais vraiment songé, mais… Disons qu’elle a l’air de tellement bien le prendre que j’ai supposé que…

Elle reprend :

-          D’ici là, tu pourrais s’il te plait au moins te comporter en amie ?

Je jette un coup d’œil furtif à la porte, espérant que je me suis fait des films et que tout le monde s’en fout de ce qu’on peut se raconter.

Je hoche la tête et m’approche d’elle, non sans appréhension. Je lui fais un bisou sur sa joue et me recule, serrant sa main.

-          Bien sûr. Pardon. Je suis une garce.

Je me sens comme une merde. Rien qu’à la regarder comme ça, et savoir que je lui fais du mal en étant débile, c’est affreux comme sensation.

Elle rit doucement et répond :

-          Un peu, mais on va dire que ça fait partie de ton charme !

Je lui donne une tape tandis qu’elle tourne la clef dans la serrure, nous libérant.

Sans réfléchir, je place ma main à plat sur la porte, la maintenant fermée et lui dépose un délicat baiser sur les lèvres. Mes yeux rencontrent timidement les siens. Apparemment, mon acte spontané me vaut un petit sourire et Erin demande :

-          C’était pour quoi ça ?

-          Pour m’excuser de mes réactions et te remercier d’être toi.

Son sourire s’agrandit et je prends sur moi d’ouvrir la porte.

Tout a été dit.

 

* * * * * 

 

Le docteur Haru me regarde par-dessus ses lunettes et ça me rappelle de manière assez terrifiante ma prof de CE1. Elle me fixait toujours comme ça quand je bavardais et après j’avais droit à une punition longue comme le bras. Sauf que là, j’ai payé pour avoir ma punition. Finalement, il rompt le silence en lançant :

-          Je ne pensais pas vous revoir de sitôt.

-          Si ça peut vous consoler, j’avais la ferme intention de vous éviter à vie après m’être ridiculisée la fois d’avant.

Il rit doucement en m’entendant dire ça et me demande :

-          Vous étiez juste stressée. Et qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

-          Les évènements. Je… J’ai besoin d’en parler, mais je ne sais pas à qui. Je tourne en rond dans mes pensées.

-          Dans ce cas, je vous écoute.

Je fais mine de mieux m’installer sur mon fauteuil, alors qu’en fait je gagne un peu de temps pour remettre mes idées en place :

-          Je… J’ai franchi le cap avec Erin. Ma collègue. Puis j’ai paniqué et fait la morte quelques jours. 

Je précise au cas où il aurait oublié et reprends :

-          En fait, si je viens vous voir, c’est parce que ça m’a ouvert les yeux d’un côté et totalement perdue de l’autre.

-          Comment ça ?

-          Bah… Avant elle, je n’avais jamais été attirée par les femmes.

-          Et par les hommes ?

Un soupir m’échappe, pourquoi faut-il qu’il mette directement le doigt sur le problème :

-          Oui… J’imagine.

-          Vous imaginez ?

-          Enfin je veux dire, je n’étais pas mal avec eux, j’ai connu des mecs bien.

Il retire ses lunettes et les essuie, me rappelant cette fois Giles, dans Buffy contre les Vampires. Finalement, il les remet, me fixe et me pose une question à laquelle je crois qu’il connait déjà la réponse :

-          Est-ce qu’ils vous rendaient heureuse, vous faisaient vibrer ?

Je baisse les yeux, répondant à voix basse :

-          Non. Pas….

Je prends une grosse bouffée d’air, déglutis et continue :

-          Pas comme elle.

Il reste silencieux, peut-être pour absorber ce que je viens de lui dire et peut être parce que c’est un sadique qui sait que sous l’effet du stress je vais déballer mon sac et me ridiculiser pour son bon plaisir.

Apparemment, c’était la réponse 1 vu qu’il reprend :

-          Vous regrettez ce qui s’est passé ?

-          NON !

J’ai répondu tellement vite que c’en est presque embarrassant. Mais c’est la vérité.

-          Alors qu’est-ce qui vous gêne ?

-          Je… La situation. Est-ce que ça fait de moi une lesbienne ? Comment je vais expliquer ça à mon ex ? Je lui dis quoi ? Et mon cousin ? Et au boulot ?

Il lève la main pour m’arrêter et me demande calmement :

-          Est-ce que l’étiquette est vraiment importante ? Ou est-ce juste pour savoir quoi dire à vos proches ? Parce que vous comptez bien leur en parler ?

-          Non. Enfin, j’imagine que non. Et oui c’est aussi par rapport à eux, je n’aime pas mentir et je n’ai pas envie de me cacher.

Mais d’un autre côté, j’ai du mal à concevoir que mon petit monde ait changé comme ça du jour au lendemain pour une seule femme.

-          Vous avez des sentiments pour…

Il baisse les yeux vers ses notes et relève la tête en disant :

-          Erin ?

La vérité ?

-          Oui. Je… Je ne comprends pas d’où ils sortent, mais oui.

-          Vous savez, il n’y a pas souvent grand-chose à comprendre une fois que votre cœur a choisi quelqu’un.

-          Peut-être… Vous avez raison.

Je marque une pause, le temps d’ordonner mes pensées. Je penche la tête en arrière, comme si je m’adressais au plafond et continue :

-          En fait ce qui m’effraie c’est l’intensité et la vitesse à laquelle les choses se déroulent ! Il y a à peine 5 ou 6 mois, j’aurais juré cette situation inconcevable ! Je ne me sentais pas attirée par les femmes ni rien !

Je m’arrête et le fixe longuement, les yeux écarquillés, pour bien lui faire passer le message. Patiemment, il s’accoude sur ses genoux et m’explique comme on le ferait avec une enfant :

-          C’est toujours le cas. Vous êtes attirée par une personne qui se trouve être UNE femme, pas LES femmes.

-          Oui… Oui… C’est vrai, c’est juste que je me demande ! Elle m’a fait ressentir les choses avec une telle intensité… C’est comme si ma conception de l’amour avant de l’avoir rencontrée était un mensonge. Ça laisse un gout de… fade… à ce qui m’est arrivé avant !

Il hausse les sourcils et me questionne :

-          Est-ce une mauvaise chose ?

-          Non… Non je ne crois pas. Enfin j’imagine. Mais j’ai juste du mal à accepter l’idée que tant de trucs soient remis en question et que finalement, j’ai peut-être vécu toute ma vie dans le faux. Comme si quelqu’un avait allumé la lumière et que je redécouvrais une notion que je croyais connaitre. Et là, toute éclairée que je suis, je m’aperçois que je ne me connais pas. Je fais des choses dont je ne me serais pas crue capable.

-          Votre vie n’est pas finie. Et pour reprendre votre métaphore, maintenant que vous voyez clair, c’est à vous de voir si cette vue vous plait.

Je hoche la tête alors qu’il est en train de parler. Inconsciemment, mes pensées reviennent à Erin sous moi, trempée et haletante… Ohhhhh oui, la vue me plait.

Je suis partie dans mes rêveries et pourtant M. Haru attend patiemment que je revienne avec lui, ne me pressant pas. Décidée je dis :

-          Comment je peux l’annoncer?

Ok, Nico est au courant, mais les autres ? Je me vois vraiment SUPER MAL leur sortir quelque chose comme ça, de nulle part ou presque. Même à la fac et au lycée je n’avais pas expérimenté !

Il semble savoir de quoi je parle et réponds :

-          Si c’est ce que vous voulez, dites-le avec vos mots, faites leur comprendre comme vous m’avez fait comprendre à moi. Il n’y a pas de bonne méthode. Juste… Evitez peut être les détails sur l’intensité et le côté « fade » quand vous l’annoncerez à votre ex !

C’est une plaisanterie de très mauvais goût, mais elle me fait rire. Finalement, les choses pourraient être pires ! 

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7 novembre 2012

Chapitre 8

De retour sur la berge, on rend les clés au type de la location qui nous mate comme si on avait deux têtes étant donné qu’on est trempées jusqu’aux os et on se met à courir en direction de la fac.

En plus de la pluie, maintenant il y a de sacrés éclairs et étant recouverte d’un liquide hautement conducteur d’électricité, je préfère éviter de trainer dehors.

On rentre en trombe dans le bâtiment, sous les yeux amusés des élèves.

Erin se penche pour reprendre son souffle, puis me regarde et éclate de rire.

-          Hey !

-          Pardon.

À peine s’est-elle excusée qu’elle recommence de plus belle. J’imagine que je ne dois pas ressembler à grand-chose. Elle s’approche d’une poubelle et essore ses cheveux dedans, avant de se recoiffer de ses doigts.

Devant mon regard étonné, elle dit :

-          Inutile de faire des flaques qu’on peut éviter, non ? Même si c’est pas nous qui nettoyons.

Elle me saisit par le bras, ses vêtements comme les miens faisant des « piouc » à cause de l’eau et me traine dans le couloir.

On se rend à notre bureau et refermons la porte sur les élèves estomaqués par notre apparence dans un fou rire total.

On s’approche de la fenêtre pour observer le déluge de plus près.

Erin semble penser comme moi :

-          On aurait peut-être dû aller à mon appart…

-          Fallait qu’on s’abrite…

Elle me regarde d’un air incrédule :

-          Pour quoi faire, on est déjà trempées ?

-          Certes, mais ça peut encore se calmer !

À l’instant même où je dis ça, j’ai conscience que c’est probablement une connerie. Il pleut toujours des trombes d’eau et ça n’a pas l’air de vouloir s’arrêter dans un futur proche.

Du coin de l’œil, je vois Erin frissonner et j’avoue que maintenant qu’on a cessé de courir moi aussi je commence à avoir froid.

-          Faut qu’on se change !

Je m’adresse à elle en feignant le mécontentement :

-          Oui, et à cause d’une certaine personne que je ne nommerai pas, je vais attraper la mort.

-          Ah merde, c’est vrai que ce que t’as là c’est déjà ta tenue de rechange…

Elle fait une grimace. Tandis que je lui fais ma tête qui signifie « non, tu crois ? ».

Elle se retourne et fouille dans l’armoire, me jetant le sac qui contient ses affaires.

-          Tiens, prends les miennes.

Je hausse les sourcils :

-          T’en as deux paires de rechange ?

-          Nan, je vais faire sécher celles que j’ai.

O.ô

Mes yeux s’écarquillent plus que je n’aurais cru possible en la voyant retirer son gilet et porter ses mains sur le tout petit haut qu’elle a en dessous.

Dans la panique, je lui relance le sac, manquant de peu de lui crever un œil :

-          Nan mais tiens, je t’en prie, c’est les tiennes.

-          Peut-être, mais c’est ma faute si t’es comme ça et c’est toi qui importe le plus aujourd’hui.

C’est mignon… Mais pas suffisant pour que je retourne ma veste. Je croise les bras et annonce :

-          Ne sois pas ridicule et enfile ça.

-          Non. Je fais sécher mes fringues et le sac est là, si jamais tu changes d’avis…

Elle s’approche des persiennes et les ferme, bloquant la vue du déluge et nous laissant à la seule lumière des néons au plafond. Dans un moment de lucidité, je vais tourner la clé dans la serrure.

Je sais que ça n’est pas correct, mais me yeux sont fixés sur elle tandis qu’elle s’apprête à se déshabiller. Mon corps a gagné la bataille contre ma raison.

Après tout, c’est comme si on était en maillot de bain…

Je me décide à enlever mes vêtements mouillés, car sinon c’est la maladie assurée.

J’essaie de me donner un air naturel, mais mes mains tremblent et me trahissent. Erin retire son haut et mes doigts s’arrêtent carrément de fonctionner.

Ma collègue remarque que quelque chose ne va pas, dépose son habit sur le radiateur et s’approche de moi.

Je m’efforce de ne pas loucher sur son soutien-gorge et la partie de son anatomie qu’il peine à dissimuler, mais c’est difficile. Elle dégage une impressionnante aura de féminité, là, la poitrine uniquement recouverte du délicat sous vêtement rouge et noir. Ses cheveux encore humides laissent perler quelques gouttes qui  roulent doucement le long de son décolleté.

Tout à coup, on entend le craquement du tonnerre et la lumière s’éteint, nous plongeant dans l’obscurité.

Je finis par retrouver un semblant de raison et essaie tant bien que mal de sortir un bras de mon haut, mais le tissu colle à ma peau et je réussis juste à m’emmêler un peu plus.

Je bataille, même si ça ne fait qu’empirer les choses, jusqu’à ce qu’Erin me dise dans un souffle :

-          Laisse-moi faire.

Elle porte ses mains sur mes hanches et les glisse sous le tissu mouillé.

Leur chaleur me brûle presque. Je n’ose pas bouger, alors qu’elle soulève mon haut petit à petit. Je l’aide en levant les bras, et bientôt il ne reste plus qu’elle, moi, et ses yeux posés sur le maillot de bain qui me fait office de soutien-gorge.

J’ai pleinement conscience de la façon dont son regard me parcourt, s’attardant sur ma poitrine. Je sens mes seins réagir à l’attention visuelle qui leur est portée et le fin tissu qui les recouvre ne le camoufle pas du tout. Je n’ose pas bouger et tente bien vainement de contrôler ma respiration.

La pluie s’abat violemment sur les fenêtres et dans la quasi pénombre, les yeux d’Erin viennent accrocher les miens.

 

Finalement, je dévore du regard l'étendue de peau nue devant moi et lève inconsciemment le bras, frôlant son épaule du bout des doigts. Sa chevelure laisse s'échapper une goutte d'eau qui passe à côté de ma main. Comme hypnotisée, j'en suis le trajet, et descends petit à petit au rythme de la respiration d'Erin. Je longe la ligne de son soutien-gorge, observant la chair de poule qui se forme rapidement après mon passage. J'ai envie de glisser mes doigts en dessous, d'écarter le tissu qui me gêne et...

Les frôlements initiaux se muent malgré moi en caresses plus appuyées et je teste mes limites. Je n’ai pas conscience de ce que je suis en train de faire, du fait que c’est trop tôt, qu’en temps normal l’idée de la toucher me terrifie… Tout ce qui importe, c’est la sensation de sa peau…

-          Fanny...

Comme sortie de ma transe, je lève les yeux vers Erin, n'arrivant pas à me résoudre à reculer ma main pour autant. Les battements frénétiques de mon cœur résonnent jusque dans mes oreilles.

J'attends qu'elle dise quelque chose, ne faisant pas confiance ni à ma voix ni à mon cerveau.

-          Ne commence pas quelque chose que tu ne comptes pas finir...

Ses iris quasi noirs sondent les miens, pleins de détermination et d'envie. Et je vois ce qu’elle veut dire. Ce n’est pas qu’elle est contre, juste qu’elle ne veut pas que je joue avec elle.

Je comprends son inquiétude, mais elle est infondée.

Elle et moi suivons mon index, qui a repris sa course. Du bout du doigt, je caresse le galbe de sa poitrine, que sa respiration rapide fait ressortir. Je frôle la peau à la limite du soutien-gorge, puis me glisse en dessous.

Erin me laisse faire, tandis que mon index découvre la peau encore dissimulée. Ne tenant plus, j'abaisse le tissu qui me gêne, l'exposant à mon regard. Ma langue passe inconsciemment sur mes lèvres et j'observe son sein avec envie. Elle est superbe.

Bien que la vue soit plus que plaisante, mon attention se porte sur le visage d’Erin. Ses yeux sont mis clos et sa bouche entrouverte pour laisser s'échapper l'air en de petites bouffées. Malgré tout, son regard reste fixé sur moi.

Je m'entends dire d'une voix que je reconnais à peine:

-          J'en ai marre de résister à ce qui me fait envie...

Pour appuyer mes dires, mes deux mains viennent se poser franchement sur sa poitrine et je sens ses seins réagir à l'attention qui leur est portée.

Un déclic se produit et Erin passe sa main à l'arrière de ma nuque pour m'attirer à elle. Un gémissement m'échappe lorsque sa peau rencontre la mienne. Son corps est à la fois brûlant et frais, l'eau de pluie contrastant avec sa chaleur corporelle. Ses lèvres rejoignent les miennes dans un baiser qui n'a plus rien de doux. Je la sens glisser un bras dans son dos et dégrafer son propre soutien-gorge. Je me recule un instant pour la laisser se débarrasser et en profite pour faire de même avec mon haut de maillot de bain.

Je le jette sans même regarder où il atterrit et ne quitte pas Erin des yeux tandis qu'elle me découvre à son tour.

Moi qui suis d'ordinaire très pudique, je me surprends à aimer sentir son regard sur ma peau. Ma poitrine se tend, plus pour demander de l'attention que parce que le fond de l’air est frais. Même dans la pénombre dans laquelle nous sommes plongées, je lis clairement la passion dans les yeux sombres d'Erin, et j'ai envie qu'elle me consume.

Le temps semble s'être arrêté.

Je craque et attrape ses mains dans les miennes.

-          Touche-moi.

Je les accompagne jusqu'à mon ventre et les libère. Immédiatement, elles remontent le long de mes côtes pour venir dessiner les contours de mes seins. Ma respiration devient incontrôlable lorsqu'elle les prend dans ses mains.

Elle me regarde et me dit d’un ton incertain :

-          N’hésite pas à me guider !

Je lui dépose un baiser et réplique, essoufflée :

-          Continue comme ça !

Moi qui me suis toujours crue peu sensible à cet endroit, je réalise à quel point j'avais tort. Ses attentions se répercutent directement entre mes cuisses et il n'est pas question que je recule.

Je n'y tiens plus et l'attire à nouveau à moi, nous retournant de sorte que ses fesses touchent mon bureau. Sa main se glisse sous mes cheveux et fait pression à l'arrière de mon crâne, m'encourageant, tandis que l'autre reste sur ma poitrine.

Sans rompre notre baiser, je dégage d'un mouvement de bras tout ce qui se trouve sur mon bureau, me foutant totalement de ce que ça peut bien être et incite Erin à s'y allonger. Je délaisse ses lèvres le temps de monter moi aussi, me plaçant à cheval sur elle. Immédiatement, elle se relève à moitié. Sa bouche me parait quasi brûlante lorsqu'elle rencontre ma poitrine. Toute mon attention est portée sur ses lèvres, qui s'approchent lentement mais sûrement de l'endroit qui me fait le plus envie. Elle finit par atteindre mon téton et le caresse de sa bouche, de sa langue.

Ma main gauche s'est placée derrière sa tête, ne faisant pas pression mais la guidant. Je peux sentir qu’elle n’est pas sûre d’elle, mais également à quel point elle veut me donner du plaisir. Elle remplace sa bouche de ses doigts, et s'attaque à mon autre sein. Ses yeux, auparavant clos, s'ouvrent et viennent trouver les miens. Elle se recule suffisamment pour que je puisse voir ce que sa langue me fait, tout en maintenant le contact visuel. Je n'ai jamais eu autant envie de quelqu'un que d'elle en cet instant.

Je m'abaisse et l'embrasse avec tout ce que j'ai, la faisant se rallonger et la suivant de mon corps. Je sens son pubis faire pression à l'endroit exact où j'ai besoin d'elle et je réalise qu'elle en a conscience au moment où ses mains se placent sur mes hanches pour m'inciter à bouger. Je ne sais même pas comment c'est possible, mais notre baiser gagne encore en intensité tandis que je me laisse aller et suis les signaux que m'envoie mon corps.

N'arrivant plus respirer, je me redresse sans arrêter de bouger mon bassin. Je sens les yeux d'Erin me caresser tout autant que ses mains pendant que je la chevauche, et ça me plait sûrement plus que ça ne devrait. Je commence à trembler et me rabaisse, l'embrassant dans le cou. Sa main gauche est placée sur ma poitrine et l'autre est sur mes fesses, accentuant la pression de mes mouvements. Je sais que je ne vais pas tenir longtemps à ce rythme-là.

Elle s'approche de mon oreille, la saisissant délicatement entre ses dents et c'est tout ce qu'il me manquait.

Je me contracte et gémis à son oreille alors que le plaisir m'emporte. Je fais de mon mieux pour garder une partie du poids de mon corps sous contrôle alors que je suis parcourue de spasmes.

Ça ne m'était jamais arrivé aussi rapidement et encore moins de cette façon et moitié habillée. Techniquement elle ne m'a même pas touchée. Je reprends mon souffle et mordille sa nuque appréciant l’odeur de sa peau, tout en descendant une main le long de son corps. C'est le moment où j'entre vraiment dans l'inconnu et je suis un peu nerveuse. J'ai peur de "mal faire", mais l'envie de lui donner du plaisir l'emporte. Je verrai bien.  

Je déboutonne son jeans trempé et me recule pour la regarder dans les yeux alors que ma main disparait sous son sous vêtement.

Mes doigts se faufilent tant bien que mal sous le tissu glacé qui colle à sa peau, jusqu'à trouver une intense chaleur. Je suis comme émerveillée en sentant son envie sous mes doigts, découvrant pour la première fois cette sensation. Je glisse entre ses replis sans rencontrer de résistance tandis qu'elle fait de son mieux pour me laisser un peu de place pour manœuvrer. Je me baisse et caresse sa poitrine de mes lèvres en rythme avec les mouvements de ma main. Je ne suis pas sûre de savoir ce que je suis en train de faire, mais si les petits gémissements qui s'échappent d'Erin sont une indication quelconque, je me débrouille pas trop mal.

Ses yeux alternent entre ma bouche et la vision de ma main qui disparait dans son pantalon. Elle saisit mon poignet et abaisse un peu ma main, murmurant :

-          Je veux te sentir en moi.

Mon sexe se contracte en l'entendant dire ça. Mes doigts sont placés à son entrée et je ne résiste pas plus. Je suis immédiatement enserrée et c'est une sensation extraordinaire. Erin gémit et bouge son bassin, me sortant de ma transe.

Je me mets en mouvement. Elle a gardé sa main sur la mienne, et ça combiné à son jeans serré aident ma paume à faire pression sur son clitoris tandis que mes doigts la découvrent. Je n'arrive pas à m'empêcher de la regarder, seins nus et ondulant sous moi, juste sublime.

Comment j’ai fait pour avoir autant de chance ?

Je vais embrasser sa nuque et profite de l'angle plus confortable pour accentuer mes mouvements. Elle me guide de sa main pendant un moment, puis la retire, me laissant le champ libre.

Son souffle est rapide à mon oreille et elle se contracte de plus en plus rapidement autour de mes doigts. Son corps devient rigide et Erin étouffe ses gémissements dans ma gorge alors que le plaisir l'emporte. En la sentant, je la désire à nouveau, peut-être encore davantage.

Contente de moi, je souris et me recule pour venir l'embrasser. Même si je n'en ai pas envie, je retire délicatement ma main de son pantalon et demande :

-          Ça va ?

Elle calme un peu sa respiration et déglutis avant de répondre :

-          C'est une vraie question ?

-          Hey !

Elle rit doucement et m'attire à elle dans un baiser beaucoup plus tendre que tout à l'heure. Pourtant, bien vite il retrouve une partie de son urgence et je sais que j'en veux encore plus. Erin semble du même avis puisque je la sens déboutonner mon pantalon. Alors qu'elle essaie de le descendre, quelqu'un toque lourdement à la porte.

Merde !

On regarde l’entrée du bureau comme si c’était une bombe à retardement. Nos yeux s'écarquillent et on se lève toutes les deux en catastrophe pour rechercher nos habits.

-          Fanny, comment ça se fait que t'es pas partie, y a plus d'électricité les cours sont annulés !

Nico, double merde !

Affolée, j’observe autour de moi l’étendue du carnage. Je n’ai pas la moindre idée d’où sont nos fringues, tout ce qui était sur mon bureau est au sol et ni Erin ni moi ne sommes présentables.

À travers la porte, j’entends que mon meilleur ami s’impatiente :

-          Je peux rentrer ?

-          NON !

Dans la panique, je crie à moitié. Je ne suis plus sûre d’avoir fermé à clé et si jamais il nous voyait telles qu’on est là ce serait dur à expliquer.

-          Pourquoi ?

Je regarde Erin pour avoir de l’aide, mais elle ne fait que grimacer en haussant les épaules, et le mouvement attire mon attention sur ses seins.

Quoi ?

C’est pas facile de se concentrer quand elle est dans cette tenue.

Elle lève les yeux au ciel et me pointe du doigt. Je crois comprendre.

-          Je… je suis pas habillée.

-          Hein ? Mais tu fous quoi nue dans ton bureau ?

Je lance un regard plein de désespoir à Erin, qui se contente de rire en silence. Je pensais qu’il allait lâcher l’affaire, mais nooon.

-          Je suis pas nue, juste dévêtue. O-… j’ai été surprise par l’orage, je fais sécher mes habits !

Ma collègue me jette mon haut de maillot de bain que j’attrape au vol et elle s’habille en même temps que moi.

-          Ben débrouille-toi, les gens me regardent bizarrement vu que je suis en train de parler à une porte, couvre l’essentiel et laisse-moi rentrer ! C’est pas comme si je ne t’avais jamais vue en sous vêts.

Erin lève un sourcil à cette admission et je gesticule frénétiquement en essayant de lui faire comprendre qu’il faut qu’elle se cache.

 

Elle m’observe d'un air désemparé. Bon, c'est vrai qu’à moins de se mettre à quatre pattes sous le bureau, les options sont limitées ! J'ai enfin fini de m'habiller et j'informe mon meilleur ami à travers la porte :

-          Nan nan pas besoin, je sors dans une seconde ! Bouge pas !

Ma collègue et moi fixons la porte avec anxiété, s’attendant à ce que Nico l’ouvre d’un moment à l’autre. Après quelques secondes, on l’entend grommeler et rien ne se passe. Je relâche l’inspiration que j’avais involontairement prise.

Je saisis mon sac et vérifie une dernière fois que je suis présentable.

Nickel.

Je jette un coup d'œil en direction d'Erin, tout aussi habillée que moi. Gênée de la planter comme ça, je lui fais un petit signe de la main en baissant la tête. Je me tourne vers la porte et Erin m'attrape par le bras, me retournant vers elle. Même nos vêtements mouillés ne cachent pas l'intense chaleur de son corps, ni n'entament l'envie que je sens dans son baiser. Une fois encore, j'oublie tout autour de nous et me laisse aller.

Elle se recule et dans un sourire me murmure à l'oreille :

-          Allez file avant qu'il n'entre. On se parle par texto.

J'acquiesce et me retourne, recevant une petite tape sur les fesses au passage. Je pose la main sur la clenche de la porte et la regarde une dernière fois. J'ignore royalement le sourire en coin d'Erin et l'observe des pieds à la tête. Que ça soit la façon dont ses vêtements mouillés laissent entrevoir ses formes, la pluie battante à la fenêtre ou tout simplement l'atmosphère  tandis que le bureau est plongé dans la pénombre, je veux me souvenir de tout. Un soupir plus tard et je tire sur la clenche.

Ouf, c’était verrouillé… J'entrouvre la porte, me glissant rapidement dans le couloir.

Je prends soin de fermer la porte à clé avant même de lui dire bonjour. J'espère qu'Erin n'a pas oublié les siennes quelque part !

-          La politesse voudrait que tu me salue d’abord je te signale. Si je ne te connaissais pas si bien je jurerais que tu as quelque chose à cacher dans ce bureau.

Peut-être que tu ne me connais pas si bien alors... Enfin remarque, vu mes actions ces derniers temps je ne suis plus si sûre de me connaître moi-même.

Étant donné que je ne peux pas lui répondre ça sans lui mettre la puce à l'oreille, j'opte pour un mensonge, et c'est dans un sourire un peu coupable que je réplique :

-          Désolée, je ne sais pas si Erin compte repasser et j'ai peur de zapper après, je suis distraite aujourd'hui !

Mais POURQUOI tu as fait ça ? Fallait pas la mentionner imbécile ! Visiblement le jour des soldes sur les cerveaux t'es arrivée à la bourre et t'as eu les restes !

Fort heureusement pour moi, Nico se contente de demander d'un ton compatissant :

-          Je peux comprendre, vu que... Ça va quand même ?

Je l'attrape par le coude et le tire plus loin dans le couloir avant de répondre :

-          Oui. Je... Je sais juste pas trop où j'en suis.

Techniquement c'est la vérité, sauf que je fais référence à ma collègue... Je sais très bien où j'en suis par rapport à Julien. 

7 novembre 2012

Chapitre 7

 

 

Je me rends sur le pont à la sortie de la fac après mes cours, étant donné que c’est là qu’Erin m’a donné rendez-vous. J’espère que son plan implique un repas parce qu’il est midi et j’ai faim !

C’est bizarre qu’elle m’ait envoyé un texto alors même que je l’ai vue ce matin. Entre temps, qu’est-ce qu’il y’a pu y avoir de nouveau ?

Je me demande ce qu’elle me veut.

Et… Ok, j’appréhende aussi.

Au moins, on sera à la vue de tous. Je ne risque pas de lui sauter dessus.

Je la repère de loin, adossée à la rambarde du pont.

Ses cheveux volent avec la légère brise dans ce que j’appelle un « instant photo ». Moment Kodak pour les plus âgés !

Les trois quarts des mecs font un arrêt sur image et se retournent après l’avoir passée, mais elle n’a pas l’air de remarquer. Le mieux c’est qu’elle n’a vraiment pas conscience de l’effet qu’elle produit.

Finalement, elle finit par me repérer et un sourire illumine son visage.

Ses yeux sombres m’informent qu’elle est contente de me voir et mon cœur se serre un peu à cette idée.

Oh mon Dieu, j’espère que j’ai pas un souffle au cœur ou un truc dans le style, c’est bizarre ce qu’il me fait en ce moment.

Ne riez pas, c’est la seule explication « raisonnable ».

J’arrive à sa hauteur et la salue. Elle pose une main sur l’extérieur de mon bras et se penche pour me déposer un baiser sur la joue.

C’est mal d’avoir envie de regarder les mecs alentour avec un sourire narquois ?

-          Ça va toujours ?

-          Oui et toi ?

-          Moi ça a toujours été ! Et j’ai bien commencé la journée !

Je rigole en secouant la tête. On dirait une réplique de mauvais dragueur.

Après quelques secondes à s’observer l’une l’autre en silence, je demande :

-          Pourquoi tu voulais me voir ? Je te manquais déjà ?

-          Exactement. Viens, tu verras.

Elle saisit le sac à dos qu’elle avait posé au sol et se met à marcher sans moi. Je la rattrape rapidement, n’ayant pas confiance en mes yeux et les verts pâturages qu’ils pourraient découvrir plus au sud de ses reins si jamais je restais en retrait. Eh oui  mesdames, ce n’est pas que la galanterie qui pousse les hommes à vous laisser passer devant !

C’est quand on arrive au plan d’eau que je réalise qu’elle veut faire du jet-ski.

Alors qu’elle parle à monsieur Univers, je me demande si c’est bien raisonnable.

Elle revient avec les clés et me fait signe de me diriger vers l’engin.

Inquiète, je m’enquiers :

-          T’es sûre de toi ? On dirait qu’il va pleuvoir.

-          Mais nooooon !

Un coup d’œil au ciel accompagné de ses gros nuages menaçants et je réponds :

-          Mais siiii !!!!

-          On verra ! Allez viens, tu ne vas quand même pas tout ruiner en étant une poule mouillée qui se comporte comme si elle était en sucre ?

Je lis le défi dans ses yeux et moins de deux secondes plus tard, je suis installée derrière elle.

Un jour, je finirai bien par me rappeler que je n’ai plus 5 ans.

J’attache le gilet de sauvetage toute seule comme une grande cette fois-ci et enroule mes bras autour de sa taille. J’espère que personne ne voit mon sourire.

Elle démarre en trombe et je manque de terminer à la flotte. Je lui demande d’un ton qui laisse penser que j’en suis sûre :

-          Tu n’essaierais pas de me faire tomber à l’eau par hasard ?

-          Nan, juste de vérifier si t’es bien agrippée et te donner des sensations fortes au passage.

Elle prend un virage que je qualifierais « d’audacieux » et je suis persuadée que je vais finir par-dessus bord. Après un petit cri qui n’était pas DU TOUT dû au fait que j’ai vu le lac de très près, je l’informe :

-          J’ai pas d’habits de rechange, vaut mieux pour toi que je me noie quand je serais tombée à l’eau, sinon une fois remise de ma pneumonie je me vengerai !

Je la sens rire et je regrette d’avoir dit ça, c’est encore plus dur de m’accrocher si elle gigote.

Je demande :

-          Plus sérieusement, qu’est-ce qu’on fait là ?

-          On te change les idées !

Je suis à deux doigts de répondre et me mords la lèvre pour me censurer. Expliquer que je n’ai pas besoin de ça pourrait non seulement la faire arrêter, mais en plus je passerais pour une garce. Ce que je suis peut-être un peu étant donné que je n’ai pas vraiment pensé à Julien de la journée. Normalement le jour de la rupture avec la personne avec qui vous étiez depuis longtemps ça doit vous faire quelque chose non ?

Bref.

-          T’aimes ?

-          C’est une plaisanterie ?

-          Ok ok j’ai rien dit… Y’en a que le manque de sommeil rend grognon !

 

Après peut-être vingt minutes de sensations fortes, elle s’approche de la berge d’une minuscule île que je n’avais même jamais remarquée. Faut dire que je ne vais pas souvent dans le coin, c’est reculé.

Elle est assez étroite, vraiment rien de plus qu’un petit bandeau de terre coincé entre les deux bras du fleuve qui vient se jeter dans le lac. Elle met pied à terre et je fais de même, bien que perplexe. Elle sort une corde du sac à dos que j’ai dû porter (où va le monde !) et attache le jet-ski au tronc d’un arbrisseau. J’espère secrètement qu’il ne va pas se déraciner, parce que même si c’est sympa, je n’aimerais pas mourir ici !

Elle s’aventure quelques mètres plus loin et étale un plaid dans un espace entouré de fourrés qui offrent un abri parfait contre le vent et les regards indiscrets.

C’était donc ça son plan !!!

Erin me fait un sourire et tapote à ses côtés. Je m’assieds et contemple l’endroit un peu plus.

C’est difficile à croire, mais je ne serais pas étonnée que nous soyons une des rares personnes à avoir jamais mis les pieds ici. Y’a même pas de déchets ou de trace d’activité humaine !

Elle sort une espèce de longue fourchette pas franchement engageante et je dois dire que ça me fait hausser les sourcils.

-          Erin, si tu comptes me tuer, t’aurais dû prendre une pelle pour enterrer mon corps après !

Elle fait semblant de réfléchir, l’air contrarié avant de répliquer :

-          Je savais bien que j’avais zappé un truc !

Elle hausse les épaules et me sort le plus naturellement du monde :

-          Bah tant pis, j’en reviens au plan A, la noyade !

-          T’es méchante !! Où est passée la gentille collègue qui voulait me faire oublier mes malheurs ?

En temps normal, une réponse pareille lui aurait valu un coup, mais là elle a deux de ces pics en main et soudainement je n’ai pas envie de me la mettre à dos !

-          T’inquiètes, j’y travaille !

Elle se lève et ramasse quelques branches mortes qui ont séché sur la rive, et fait contribuer nos amis les fourrés. Elle place quelques pierres en rond et place le bois au centre.

Après quelques minutes de mise en place, j’observe Mc Gyver au féminin TRICHER de manière éhontée en se servant d’un briquet pour allumer son petit feu.

Bien vite, celui-ci prend et elle s’assoit à mes côtés. Coup de bol ou géniale planification, le peu de fumée que celui-ci fait ne vient pas vers nous.

Elle sort une bouteille de vin blanc de son sac et me tend des verres en plastique que je tiens religieusement tandis qu’elle s’occupe de retirer le bouchon.

-          A la tienne !

Je me vois obligée de répondre :

-          Non, à la tienne, merci d’essayer de me changer les idées !

-          C’est normal.

Je sirote le vin tout en fixant le feu. Même si le temps est nuageux, il fait encore étonnamment bon pour cette période de l’année et il n’était pas vraiment nécessaire d’exposer ses talents de pyromane.

Elle me tend un sac plastique avec ce que j’identifie comme étant des minis sandwichs de différentes sortes.

-          Tiens, tu dois avoir faim. Désolée pour la présentation, je ne voulais pas gâcher la surprise en me pointant avec un panier à pique-nique !

J’ouvre le sachet et rien qu’au nez, je sais que je vais me régaler. C’est rien de bien compliqué, mais ça à l’air divin.

On mange toutes les deux en silence, tandis que je me demande si elle compte me reparler de ce que j’ai fait avant de partir ce matin. Quelque part j’en doute. Même si l’ambiance est assez « romantique », je n’ai pas l’impression que c’est un guet-apens, elle a vraiment l’air de juste vouloir me distraire. Et je dois avouer que ça fonctionne. 

Une fois qu’on a tout englouti, je comprends à la fois l’intérêt du feu et des engins avec lesquels elle comptait me donner la mort quand elle sort un paquet de marshmallow !

-          J’espère que t’aimes ! dit-elle en le soulevant pour mon inspection.

-          Oh tu sais, moi dès qu’il y’a du sucre…

Elle sourit et me tend le paquet ouvert. J’en attrape deux que j’empale sur ma fourchette avant de les faire dorer sur les flammes.

Elle a l’air tout aussi captivée que moi par le feu et son doux crépitement.

J’ai envie de me pencher et de l’embrasser sur la joue sous le faux prétexte du remerciement. Enfin, il y aurait de quoi lui dire un gros « merci » mais je sais très bien que ma motivation est toute autre.

À la place, je repose ma fourchette et m’allonge, regardant le ciel. Même si l’on est au milieu de la ville, le bruit de l’activité humaine à l’air lointain et c’est surtout les piaillements des oiseaux et le léger bruissement de l’eau qui emplissent mes oreilles.

Au bout de quelques minutes, je la sens s’installer elle aussi et me tourne donc sur le côté, m’accoudant.

Elle est sur le dos, les yeux fermés, visiblement paisible. Je contemple un instant sa poitrine qui se soulève et s’affaisse au rythme de sa respiration puis porte mon attention sur son visage. Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de l’observer de la sorte et laissez-moi vous dire que j’en profite.

Son nez est droit et assez petit, on aurait presque envie de le croquer. Je fais glisser mes yeux sur ses fins sourcils qui donnent encore plus d’intensité à son regard, puis vers ses longs cils qui agrémentent si bien ses iris sombres. Malgré moi, chaque détail se grave dans ma mémoire, de la discrète cicatrice près de son sourcil gauche, qui n’ôte rien à la perfection de ses traits et lui procure encore plus de charme, à ses lèvres pleines que je sais être douces, à ses joues qui arborent des fossettes dès qu’elle se met à rire…

Sentant certainement le poids de mon regard, elle ouvre les yeux, avant de se tourner vers moi. Elle m’offre un sourire sincère et replace une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille. Je n’ose pas bouger et suis sortie de mon état second par le son de sa voix :

-          Ça va tu t’ennuies pas ?

Je me racle la gorge, histoire de me donner un instant pour me composer et répond :

-          Non, j’adore. Ça fait du bien de décompresser de temps en temps.

-          Tant mieux alors.

Elle arrache un brin d’herbe et joue avec. Pour une obscure raison, j’ai envie de prendre ses mains dans les miennes. Mais comme d’habitude, je ne fais rien. Bizarre comme mon self-control est très efficace pour les petites choses et totalement absent lorsque j’ai envie de dépasser les bornes.

Malgré le plaid, le sol n’est pas très confortable et je décide de profiter de mon popotin comme d’un coussin, me relevant pour m’asseoir dessus.

Erin fait de même et se met à genoux face à moi. Ses doigts jouent encore et toujours avec le petit brin, et je me surprends à envier celui-ci.

Finalement, je ne tiens plus et prends ses mains dans les miennes. Elle me laisse faire, mais je vois une question dans ses yeux.

J’aurais surement mieux fait réfléchir avant de faire ça.

Pour masquer la vraie raison, j’ouvre la bouche pour en faire sortir un semi-mensonge :

-          J’apprécie vraiment ce que tu fais pour moi, je sais que t’es pas obligée. Et je suis contente de te connaitre.

Ok, peut-être trop d’informations là !

Gênée, je regarde partout sauf son visage et cherche un changement de sujet avant qu’elle puisse répondre. Je constate que son gilet a glissé et que son épaule est découverte, et tends la main pour le remettre en place. Ce n’est pas génial comme diversion, mais ça fera l’affaire. Pile à ce moment, une goutte d’eau vient s’écraser sur son épaule.

Immédiatement, je m’arrête et m’exclame :

-          Je te l’avais dit qu’il allait pleuvoir !

Elle jette un œil sur son épaule et se fait un bisou à elle-même, ce qui fait disparaitre les traces.

Amusée, même s’il parait que c’est malpoli je la pointe du doigt et l’accuse :

-          Destruction de pièces à conviction, ça va vous couter cher !

Une autre goutte s’écrase sur l’ongle de mon doigt tendu et avant que j’aie pu réagir elle l’a elle aussi effacée d’un baiser.

Aussitôt, elle proclame d’un air faussement innocent :

-          Je ne vois pas de quoi vous voulez parler !

-          Et moi je crois que tu vois très bien ! Il pleut, j’avais raison ! Comme d’hab devrais-je dire d’ailleurs !

Je n’hésite pas et me la pète ! Après tout, en ayant fait un total de 1 pronostic juste, ça me rend plus efficace que la météo !

-          Euh… sans vouloir te faire de peine, il ne pleut pas.

Je regarde autour et je suis forcée d’admettre que bien qu’il y’ait eu ces gouttes, il ne pleut effectivement pas.

En fait, même le ciel se fout de ma gueule si j’ai bien compris. Il pleut juste ce qu’il faut pour que je me ridiculise et ça s’arrête ?

Contrariée, je me mets à genoux et lève la tête vers les nuages, les sourcils froncés.

Pour une fois, j’envoie des messages mentaux pour que le déluge arrive au lieu de demander qu’il fasse beau. Apparemment Monsieur Météo ne capte pas, ou alors il me fait le coup du tunnel.

 J’entends Erin rire doucement en m’observant et ça m’agace encore plus ! C’est injuste, j’étais SURE d’avoir raison !

Défaite, je baisse la tête lorsqu’une grosse goutte s’écrase pile au coin de mes lèvres.

Je déglutis.

Les iris sombres d’Erin fixent la goutte qui a élu domicile sur ma bouche. L’atmosphère change et j’oublie complètement cette stupide histoire de pluie.

Inconsciemment, elle passe sa langue sur ses lèvres.

Elle va pas…

Elle peut pas !

Elle peut ?

En voyant qu’elle s’approche, je prends une inspiration de surprise et la goutte en profite pour rouler jusqu’à être au bord de ma lèvre.

Ses yeux sont encore braqués sur ma bouche et je ne sais pas quoi faire.

Ma respiration se stoppe lorsqu’elle croise mon regard dans une question muette.

Je réalise que j’ai serré la main que je tiens toujours quand elle se remet à avancer.

Mes yeux s’écarquillent et pourtant je ne bouge pas.

Elle s’arrête à quelques millimètres de moi, son souffle caressant ma peau, me laissant maîtresse de la situation.

Mon cœur bat à cent à l’heure dans ma poitrine et je me décide.

Je penche légèrement la tête et parcours les quelques millimètres qui nous séparent.

Je frôle ses lèvres plus que je les embrasse jusqu’à ce que je n’en puisse plus et appuie pleinement.

Ses mains viennent se placer à plat dans mon dos, m’attirant à elle.

Je fais de même et remonte jusqu’à glisser mes doigts dans ses cheveux. La sensation de son corps contre le mien est divine.

Ses lèvres ont gardé le gout des marshmallows et ils sont plus succulents encore que tout à l’heure.

Nous surprenant toutes les deux je crois, je fais pression pour qu’elle s’allonge et la suis sans rompre notre baiser.

Je passe une cuisse de l’autre côté d’elle, me plaçant à cheval. Ses mains me font une sorte de massage et ça combiné à ses baisers, je sens le peu de contrôle qu’il me restait m’échapper un peu plus.

J’ouvre davantage ma bouche, caresse sa langue de la mienne et c’est encore meilleur que dans mes souvenirs.

Au bout d’un moment, ayant besoin d’air, je me recule et vais immédiatement placer d’autres baisers dans son cou. J’ai BESOIN de la sentir, je suis comme consumée par l’envie.

Elle tourne la tête, me laissant plein accès. Je remonte  jusqu’à son oreille et la prends entre mes dents, mordillant délicatement la chair sensible.

Je sens le frisson qui la traverse et l’une de ses mains passe sous mon haut. Elle me caresse le bas du dos du bout des doigts, créant elle aussi son lot de frissons.

Sa peau est chaude et souple sous mes lèvres et si j’avais su que quelqu’un pouvait avoir si bon goût, j’aurais craqué bien avant.

Mon cœur n’en finit plus de s’emballer.

Je me recule et plonge mon regard dans le sien. Elle est légèrement décoiffée, sa bouche me fait plus qu’envie et ses yeux sont noirs de désir. Sans hésiter, je m’abaisse et retrouve ses lèvres. Après quelques instants, elle nous fait rouler et je suis bien vite sur le dos avec elle allongée de tout son long entre mes jambes.

Notre baiser gagne encore et toujours en intensité, me rendant folle. J’ai perdu tout contrôle de mes mains qui vont se placer sur ses fesses sans l’ombre d’une hésitation et l’amènent plus à moi. Dans l’opération, son corps fait pression à l’endroit où j’ai le plus besoin d’elle et je m’entends gémir.

Ses lèvres quittent les miennes et d’une main elle écarte le tissu de mon haut pour embrasser ma clavicule. J’ai l’impression que toutes mes terminaisons nerveuses se situent là où se trouvent ses lèvres tandis qu’elle explore ma peau avec passion.

Elle s’approche de mon oreille, son souffle rapide créant une délicieuse torture. Finalement, après quelques secondes, elle parle d’une voix plus rauque que d’ordinaire :

-          Si tu savais depuis combien de temps je résistais à l’envie de faire ça…

Sa bouche continue ses attentions et je crois que j’ai une idée de ce qu’elle veut dire.

Une idée très précise même.

Je m’apprête à répondre quand un énorme bruit de tonnerre m’interrompt et immédiatement, des trombes d’eau glacée se mettent à nous tomber dessus.

Je ne peux pas m’empêcher et lance, dans un sourcil levé accompagné d’un sourire :

-          Il ne pleut pas, hein ?

Erin rit et se penche pour déposer un petit bisou sur mes lèvres, avant de dire :

-          Non, il fait un temps superbe. Mais on ferait mieux d’y aller si on ne veut pas attraper la mort.

-          Je croyais que c’était l’idée, me faire mourir.

Elle se relève et me tend la main. Je la saisis et elle m’attire à elle sans difficulté. Je voulais faire la maligne avec cette réplique, je me retrouve bouche bée lorsqu’elle me regarde et dit d’un ton suggestif :

-          Faudra que je te la réexplique alors…

Gulp.

Il pleut de plus en plus et elle comme moi sommes trempées. On remballe vite fait les quelques affaires qu’on avait amenées tandis que le feu a été éteint net. Sous l’effet de la pluie, ses vêtements lui collent à la peau et je n’ai jamais été aussi contente du mauvais temps. Ne la quittant pas des yeux, j’enfile mon gilet tandis qu’elle fait de même avec le sien et alors qu’elle s’apprête à grimper sur le jet-ski, je n’arrive pas à me retenir de l’attraper par la main pour la faire se retourner.

Ne s’y attendant pas, elle atterrit dans mes bras et je ne perds pas un instant avant de l’embrasser. Sachant que c’est le dernier avant un moment, j’y mets toute ma passion et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Erin me fait écho. Au prix d’un effort surhumain, je m’arrête, car si je continue on ne quittera jamais l’île.

Je finis par me reculer et plante mes yeux dans les siens.

Elle est sublime. Et peut-être que je suis une garce, mais je suis la plus chanceuse de toutes les garces au monde !

Son regard m’indique à quel point elle a envie de moi et je dois dire que c’est réciproque. Mais ce n’est pas le moment. Décidant d’être un minimum responsable, je me force à détourner les yeux et lui donne une petite tape sur les fesses, plus pour mon plaisir personnel que pour la mettre en mouvement.

-          Allez, on se bouge !

Elle sourit et enjambe l’engin.

-          Grimpe.

Sans hésiter, je monte derrière elle. Je fais passer mes bras autour d’elle mais viens caresser ses cuisses, remontant lentement. Je souris en sachant qu’avec l’eau glacée, la sensation de mes mains chaudes doit se sentir même à travers le tissu…

De la voix de quelqu’un qui souffre, elle dit :

-          Si tu continues comme ça, on va vraiment finir à l’eau...

Je ris et décide d’être sage, m’agrippant comme il faut à sa taille, mais me rapprochant bien plus d’elle qu’à l’accoutumée.

 

7 novembre 2012

Chapitre 6

L'impression d'être observée...J'ouvre un œil, puis l'autre et les referme, moitié aveuglée par la luminosité...

-          Mmhhh... Trop tôt.

Je frotte mes yeux et fais une nouvelle tentative. Je fais un bond de 15cm en voyant un pigeon qui me fixe à travers le pare-brise.

-          Connerie d'oiseau !

Je gesticule pour tenter de le faire fuir, mais il continue de me regarder avec son air crétin et va même jusqu'à s'approcher davantage.

Je me redresse et m'étire, avant de me regarder dans le rétro, non sans appréhension

Effectivement, mes craintes étaient fondées. Mes mains tentent d'aplatir l'excentricité capillaire jonchée sur mon crâne sans succès. Gravité 0 - 1 Mes cheveux.

Note pour plus tard : ne jamais plus s'endormir dans la voiture les cheveux mouillés.

Un coup d'œil à mon téléphone me fait savoir qu'il me reste approximativement deux heures pour retrouver une apparence humaine.

Je n'ai pas du tout envie de retourner chez moi, étant donné que Julien y est. Surtout qu’il n’a même pas tenté de me contacter. Ça montre à quel point il tient à moi, au moins me voilà fixée…

Je sors mon portable et me décide à appeler Erin. De toutes les personnes qui sont susceptibles de venir à mon secours, c'est la seule qui soit une femme.

Elle décroche après deux sonneries et je me sens coupable en entendant sa voix toute endormie :

-          Fanny ? Tout va bien ?

-          Salut. Désolée de te réveiller. Je... Est-ce que je peux passer chez toi ?

Elle ne pose pas de questions, mais rien qu'à son ton je sais qu'elle est perplexe :

-          Euh... Ouais bien sûr. Je t'attends.

-          Ok merci beaucoup, j'arrive.

Elle raccroche et je prends la route.

À cette heure, il n'y a pas énormément de circulation et je me retrouve vite le doigt sur la sonnette.

Je monte les escaliers quatre à quatre, ne tenant pas particulièrement à ce qu'il y ait des témoins de mon état. Même s'il paraît que le ridicule ne tue pas, je préfère ne pas prendre de risque.

Erin m'ouvre, portant ce que je pense être un caleçon d'homme et un petit t-shirt. On la croirait tout droit sortie d'un magazine, elle est vraiment superbe. Je reste figée à l'admirer, attendant je ne sais quoi. N'ayant visiblement pas conscience de l'effet dévastateur qu'elle aurait sur quiconque avec un pouls, elle bâille et ouvre plus grand la porte pour me permettre de rentrer.

Je m'approche, me sentant plus ridicule que jamais à côté d'elle. Erin rit et porte sa main droite dans mes cheveux, tentant tout aussi futilement que moi de les aplatir. Finalement, elle demande dans un rire :

-          Qu'est-ce qui t'es arrivé ?

Presque la même question que celle de Julien hier, mais cette fois ça ne m'agace pas.

-          Longue histoire. Je t'expliquerais une fois que j'aurais dompté mes cheveux.

D'un ton clairement moqueur, elle dit :

-          Tu ne veux pas le faire avant plutôt ? Nan parce que ça risque de prendre un moment !

-          Hey ! Je suis superbe quand même j'en suis sûre !

Bon, j'avoue, c'est un mensonge, mais elle sait que je plaisante. Elle répond du tac au tac :

-          Ça, tu ne me verras pas dire le contraire.

Malgré moi, je rougis. Elle place sa main en bas de mon dos et me guide jusqu'à sa salle de bain. Quelques instants plus tard, elle revient avec deux serviettes.

-          Tiens, je pense que sans une douche t'arriveras pas à rattraper ça.

-          Est-ce une façon détournée de me faire comprendre que je sens ?

-          Ce n’est pas moi qui l’ai dit !

Je la frappe et prends les serviettes. De toute manière, il faut que je me douche, je l'admets.

-          Tu as besoin de quelque chose d'autre ?

Ses yeux me parcourent de bas en haut et je ne peux m'empêcher de remarquer qu'elle fait un léger arrêt au niveau de ma poitrine, que mon haut moulant et l'absence de soutien-gorge rendent trop visible à mon goût. Je me retiens de croiser les bras pour me cacher et croasse :

-          N... Non, merci, ça va aller.

-          Hum... Ok. Bon, je suis dans la pièce à côté si tu me cherches.

Elle referme doucement la porte, me laissant me préparer.

Je me déshabille rapidement, n'étant pas très à l'aise dans une salle de bain "inconnue". Un peu comme si j’étais chez un pervers qui aurait fait un trou pour me reluquer et non chez ma collègue.

Personne à priori tout à fait respectable et non une voyeuriste éhontée. Je trifouille le mitigeur jusqu'à ce que la température me convienne et me glisse sous la douche. Je passe ma main dans mes cheveux pour les remettre comme il faut et laisse l'eau chaude me faire oublier mes tracas. Au rythme où ça va, je pourrais y rester un bon moment.

Le temps de fermer les yeux, je réalise à quel point ma situation est bizarre. Hier je m’apprêtais à rentrer chez moi comme d’habitude et ce matin je me lave chez Erin.

J’attrape son gel douche, reconnaissant une partie des arômes que j’associe à ma collègue. Je ne sais pas si c’est normal, probablement pas, mais quelque part, ça me fait plaisir de tartiner son « odeur » sur moi. Je me lave rapidement, ne voulant pas abuser plus que je le fais déjà et étant mal à l’aise avec mes nouvelles joies olfactives.

Une fois séchée, je remets en grimaçant les habits avec lesquels j’ai passé la nuit. Je me changerai au boulot. Grâce au jet-ski, j’ai une tenue de rechange (au cas où je tomberais à l’eau) et un bikini à disposition ! C’est toujours ça de pris !

Je m’éponge les cheveux du mieux que je peux et les peigne avec mes doigts avant de sortir de la salle de bain.

Je suis la délicieuse odeur de café et trouve Erin dans la cuisine, en train de manger des tartines.

-          Assieds-toi, je t’en prie.

Elle pointe du bout de son couteau la chaise face à elle et je n’hésite pas avant de m’y affaler. Erin se lève et me rapporte une tasse, dans laquelle elle verse du café.

-          Sucre ?

-          Oui, je veux bien, merci.

Elle farfouille dans un meuble en hauteur et je ne peux m’empêcher de parcourir son corps des yeux tandis qu’elle s’étend pour attraper ce dont elle a besoin. Elle a toujours la même tenue et les kilomètres de peau que celle-ci dévoile sont distrayants.

C’est con, mais malgré moi je relève que ça faisait longtemps qu’on ne m’avait pas servi le petit-déj, même partiellement. À part quand je l’ai acheté quelque part j’entends.

Elle se réinstalle en face de moi et découpe un bout de pain, le tartinant généreusement de Nutella.

Et ben, elle a un sacré appétit, elle s’en est enfilé deux et elle continue ? Je suis sortie de mes pensées par sa voix :

-          Alors ?

Elle n’a pas besoin de préciser sa question, je sais ce qu’elle me demande.

-          En rentrant hier, Julien m’a pris la tête.

-          Comment ça ?

Une fois qu’elle a terminé, elle pousse la tartine qu’elle vient de faire dans ma direction.

Je hausse les sourcils en réalisant qu’elle l’a faite pour moi. Cette femme est vraiment adorable ! Mordant à pleines dents dedans, j’attends d’avoir avalé avant de déclamer :

-          Merci, mais méfie-toi je risque de revenir avec un pareil traitement !

-          Je prends soin de mes invités tu crois quoi ?!

Je n’ai pas à beaucoup me forcer pour arborer un air déçu et j’ajoute :

-          Je croyais que j’étais spéciale !

Même si j’ai dit ça sur un ton bien trop dramatique pour être sérieux, je la vois baisser la tête, comme gênée.

Terrain dangereux Fanny, demi-tour.

Changeant effectivement de sujet, je reviens à ce qu’elle m’a demandé :

-          Je suis rentrée, j’ai voulu prendre un bain… Et il est venu et m’a posé des questions. Je… j’avais pas envie d’avoir cette conversation, mais il s’en foutait… Bref, il a insisté, je me suis énervée, je suis sortie de l’eau, j’ai attrapé quelques habits et je suis partie.

Ma collègue écarquille les yeux, puis hausse les sourcils au fur et à mesure que mon explication avance, et dit :

-          Comme ça ?

-          Comme ça.

Elle a un air étonné fermement en place sur le visage. Finalement, après quelques secondes de silence, elle demande :

-          Il a pas essayé de te rattraper ?

Je baisse les yeux, ayant un peu « honte » d’avoir rompu comme ça avec lui après tout ce temps.

-          C’est-à-dire que… Je l’ai euh… Enfin, on s’est séparés pendant la dispute.

Erin interprète mal mon inconfort et vient s’accroupir à mes côtés. Elle pose une main sur ma cuisse et cherche à capter mon regard.

-          Je suis désolée.

-          Pas ta faute !

Elle pince ses lèvres et garde le silence, et même si c’est moi qui me suis séparée, j’ai l’impression qu’elle a besoin d’un câlin. Marchant à l’instinct, je me lève de ma chaise et m’agenouille à mon tour pour la serrer dans mes bras.

Je niche ma tête contre elle et la sent resserrer davantage son étreinte. 

J’ai bien trop conscience de l’odeur de sa peau, de la douce chaleur de son corps et du fait que j’ai très envie de placer un baiser dans son cou.

Gênée par mes pensées, je me relève et lui tends la main pour l’aider à faire de même.

On devait avoir l’air fines toutes les deux au sol au milieu de la cuisine tiens !

Elle passe une main dans ses cheveux et me demande :

-          Ça va aller ?

Je suis aussi surprise qu’elle de m’entendre répondre sans hésitation.

-          Oui.

Erin à l’air d’hésiter, va se rasseoir tandis que je fais de même et finir par ajouter d’une voix timide :

-          Il te rend heureuse ?

Je connais la réponse à cette question, mais si je la donne telle quelle, ça reviendrait à pisser sur ce qu’il y a eu entre lui et moi. Il n’est pas si terrible… À la place j’opte pour un plus neutre :

-          Il… Ne me rendait pas malheureuse.

Aouch.

Ça ne sonnait pas aussi mal que ça dans ma tête. Vu la réaction d’Erin, je préfère ne pas en rajouter et enfourne le reste de la tartine qu’elle m’a gentiment préparée.

Je la vois sourire et lance un « quoi » la bouche pleine en mettant une main devant mes lèvres.

Elle lève le bras tout doucement et essuie mon nez du bout de son pouce. J’oublie de mâcher tandis que son regard est braqué sur moi avec une intensité impressionnante. Je déglutis péniblement en la voyant porter son doigt à ses lèvres et sucer le Nutella.

Ça se reproduit. Je n’arrive pas à la quitter des yeux et elle ne fait aucun effort pour cacher le fait qu’elle me fixe en retour.

Finalement, je finis par réussir à rompre le contact visuel et baisse la tête en me raclant la gorge.

Ça va toujours être comme ça ?

Faut que ça s’arrête.

Erin pose sa main sur la mienne, attirant mon attention :

-          Tu peux rester ici le temps que les choses s’arrangent.

Inconsciemment ou non, elle me caresse du bout des doigts et cesse immédiatement en voyant que je confirme ma sensation tactile d’un coup d’œil.

Gênée, elle semble vouloir se justifier et surenchérit :

-          Mon canapé est confortable, ça ne me dérange pas d’y dormir tu sais.

Je ferme les yeux, comme si ça allait faire disparaitre la situation actuelle.

J’ai envie de lui dire oui, de préciser que je ne veux pas la virer de son propre lit et qu’on pourrait très bien dormir toutes les deux. Mais je sais que si jamais ça arrivait, à moi les joies de l’insomnie. Sans compter que lui expliquer au milieu de la nuit ce que je fais à cheval sur elle complètement nue pourrait s’avérer délicat. Mauvais plan.

Je ne comprends pas pourquoi elle fait réagir mon corps de cette façon, c’est comme si une force primale, un instinct très puissant me poussait vers elle. Ce n’est pas logique, je veux dire, j’ai jamais été attirée par une femme auparavant et là… j’ai presque besoin d’elle. Viscéralement.

Même si son offre est très attentionnée, je sais que je ne peux pas l’accepter. Je ne suis pas assez forte pour lui résister. À la place, je dis :

-          C’est très gentil. Merci.

En entendant le ton de ma voix, elle ajoute dans un petit sourire triste :

-          Mais… ?

Je me lève à la hâte et bafouille :

-          Je… je vais trouver autre chose ne t’en fait pas, je ne veux pas t’embêter davantage.

J’avale mon café d’un trait bien qu’il soit pire que brûlant et lance :

-          Je ferais mieux d’y aller.

Mes pieds m’emmènent jusqu’à la porte d’entrée, dans ce que j’espère être un pas normal, même si j’ai l’intuition qu’il était plutôt celui d’une fuyarde.

J’enfile mes chaussures le plus vite possible. Je ne veux pas rester,  pas quand elle est si…

Je ne peux pas.

Sans un mot, Erin m’apporte ma veste et mon sac. Je m’empresse de tout mettre et lui dit :

-          Merci pour tout.

Alors que je m’apprête à me retourner, elle pose doucement sa main sur mon bras, arrêtant ma retraite et demande :

-          J’ai fait quelque chose de mal ?

Je me sens comme une merde. Elle croit que c’est sa faute si je suis bizarre alors que je suis juste… Hormonale.

Dans un sourire qui se veut rassurant, je réponds :

-          Non, bien sûr que non.

-          Alors pourquoi ? Je respecterai tes choix tu sais, c’est nouveau pour moi aussi.

Elle n’a pas besoin de préciser, je vois de quoi elle parle. Elle a l’air inquiète et dans sa grimace, une mèche de ses cheveux glisse sur son visage.

Délicatement, je la replace derrière son oreille et caresse sa joue de la paume de ma main.

-          Parce que je ne me fais pas confiance.

Elle s’apprête à répondre, mais je n’ai vraiment pas envie d’élaborer et place un doigt sur ses lèvres.

-          Je te vois tout à l’heure. Encore merci.

Je m’approche et dépose un baiser sur sa joue, peut-être en m’attardant un peu trop. Je ne me recule pas tout de suite et ne résiste pas et la prends dans mes bras.

J’ai l’impression que c’est mon cœur qu’elle serre lorsqu’elle referme ses bras sur moi.

Je niche mon visage dans son cou et inspire autant que je peux. Je crois que j’ai trouvé ma nouvelle drogue. Plus qu’à trouver comment me sevrer.

Relevant la tête je lui murmure à l’oreille LA phrase bateau, mais ô combien vraie :

-          T’en fais pas, le problème ne vient pas de toi.

Son cou m’attire et sans réfléchir je place un bisou juste là où je peux sentir son pouls battre sous mes lèvres. Ma bouche s’attarde et j’ai envie de continuer…

Je me recule, réalisant qu’une fois de plus je ne suis pas tout à fait maître de moi-même.

Concentre-toi, c’est vraiment pas le moment.

-          À tout à l’heure.

J’attrape mon sac et sors rapidement, avant de faire quelque chose d’autre qu’un baiser dans le cou.

 

* * * *  *

 

J’arrive au bureau bien plus tôt que nécessaire. Le problème de mes super plans de fuite, c’est que justement, y’a pas de plan.

Je jette mon sac dans la direction générale de mon bureau et vais m’asseoir sur le fauteuil d’Erin. Celui-ci désapprouve mon idée de me tourner pour regarder par la fenêtre en émettant un gros grincement.

Les mains croisées derrière la tête, j’observe l’activité de la fac. Le temps est nuageux et j’aimerais bien qu’il pleuve, rien que pour voir les étudiants se mettre à courir. Ça me changerait les idées.

Un soupir m’échappe, puis un autre. Je ne sais pas quoi faire, cette situation est juste… merdique. Sur tous les fronts, je suis une dégueulasse. Quelque part, j’ai trompé mon ex, j’ai trahi mon meilleur pote et j’ai dragué ma collègue.

Je ne pige pas comment j’en suis arrivée là. J’ai toujours été quelqu’un de correct, j’ai des valeurs et… et aujourd’hui je me dégoute. Ce que j’ai fait, ça ne se fait juste pas ! C’est aussi simple que ça.

Et pourquoi maintenant ? Depuis quand les nanas me font de l’effet ? Enfin, une seule je devrais dire !  Mais ça n’a pas de sens quand même !

Je grogne en entendant qu’on toque à la porte.

J’espère que ce n’est pas Erin qui m’a suivie.

Un sourire m’échappe à cette idée.

Vu sa tenue au moment où je suis partie, c’est peu probable. Ou alors elle a un passé dans le domaine du quick change !

Et en même temps, pourquoi elle frapperait avant d’entrer dans son propre bureau ?

Je reprends ma contemplation jusqu’à ce qu’une voix me parvienne à travers la porte :

-          Je sais que t’es là j’ai vu ta voiture, c’est moi, ouvre !

Nico.

Et merde.

Le connaissant, je suis persuadée qu’il n’abandonnera pas tant que je ne le ferai pas entrer, du coup je lève mon popotin.

Il pénètre dans la pièce en me bousculant à moitié et ferme derrière lui. À peine est-on à l’abri des regards indiscrets du couloir, qu’il me prend dans ses bras.

Il se recule et me tient à distance, demandant :

-          Ça va ? Je… j’ai appris la nouvelle.

-          Ça va. Ne t’en fais pas.

-          Tu sais, t’as pas besoin de faire la forte devant moi ma belle.

Je grimace et lui fais un autre calin, plus pour cacher mon inconfort qu’autre chose. Le problème est justement que je n’ai pas à simuler. Et vu que je ne suis pas une bonne actrice, c’était la seule alternative possible.

Finalement, je demande :

-          Il t’a dit quoi ?

-          Pas grand-chose, juste que c’était terminé entre vous et qu’il ne savait pas trop si c’était un coup de tête ou si tu voulais vraiment…

Malgré moi, je baisse les yeux. Je finis par annoncer d’une toute petite voix :

-          Option numéro 2.

Il glisse sa main dans ses cheveux bruns, se décoiffant encore davantage. Le pire, c’est que ça lui va bien.

-          Comment ça se fait ?

Je me mordille la lèvre en cherchant à comment être la plus honnête possible sans pour autant dévoiler la vraie raison.

Finalement, je hausse les épaules et réponds :

-          On ne  se disait plus rien, on passait peu de temps ensemble… Et j’avais l’impression de faire partie du décor.

-          Il t’aime tu sais.

Je n’arrive pas à retenir une espèce de grognement moqueur :

-          Mais pas assez pour s’intéresser à moi et me consacrer quelques instants.

-          Tu vas pas lui laisser une seconde chance ?

Mais pourquoi il insiste ? Mon agacement transparaît clairement dans mon ton lorsque je réplique :

-          Le problème c’est qu’il n’en est pas à sa seconde, je ne t’ai pas tout dit.

-          Ok ok…

Il se rétracte et me présente la paume de ses mains en signe de reddition.  Au lieu de continuer à s’enfoncer, il change de sujet :

-          D’ailleurs, j’imagine que t’as pas passé la nuit sous les ponts vu que tu as toujours forme humaine.

-          Hey, je ne te permets pas !

Même si c’est vrai qu’au réveil j’avais l’air de quelqu’un qui s’était fait rouler dessus et jeter dans un fossé.  

Non mais.

Visiblement pas du tout impressionné par ma pseudo saute d’humeur, il continue sur sa lancée :

-          Je te rappelle que depuis le temps que je te connais, j’ai eu l’occasion d’admirer plus d’une fois ta tête au saut du lit.

N’ayant rien à répondre à cette vérité, j’opte pour l’attaque :

-          T’es un terrible meilleur ami ! Assez parlé de moi, il paraît que je ne suis pas la seule à être célibataire… Raconte !

Il fait la moue et me fixe de ses grands yeux verts avant de demander :

-          Est-ce que ça restera entre nous ?

Je n’arrive pas à me retenir de hausser un sourcil en entendant ça. Est-ce qu’il me traite de balance là où je rêve ?

-          C’est insultant.

-          Ce que je veux dire c’est que…

-          Arrête de creuser et crache le morceau tu te rendras service !

Je le frappe au ventre pour donner bonne mesure. Il me lance un regard outré, mais commence néanmoins à parler :

-          Bah… Tu sais…

-          Non, justement ! Je croyais qu’elle avait tout pour elle gna gna gna…

-          C’est toujours le cas !

-          Alors ?

Minute, pourquoi j’argumente comme si je voulais qu’il reste avec ? Oô

Stupide moi.

Nico interrompt mes pensées en répondant :

-          C’est juste… Tu sais des fois tu reconnais les qualités d’une personne… et ce n’est pas que tu ne l’apprécies pas, juste que … Ça ne colle pas entre vous. Tu vois, genre vous n’avez rien à vous dire etc…

-          Ouais je vois, mais ça avait l’air de bien se passer, c’est ça que je ne comprends pas.

-          On parlait essentiellement du boulot ou de toi.

Mon étonnement se lit clairement sur mon visage :

-          De moi ?

-          Bah oui. Ça l’intéressait et tu fais un bon sujet d’approche.

Il gigote ses sourcils d’un air coquin et ça me blase immédiatement.

-          Tu te sers de moi pour draguer ?

-_-

-          Faut bien que tu serves à quelque chose, non ?

J’ignore son énième provocation, je n’ai pas assez dormi cette nuit pour être suffisamment en forme pour une bagarre !

Mon téléphone vibre et en le prenant, je constate qu’il vaut mieux que je me mette rapidement en mouvement si je ne veux pas être en retard ! 

7 octobre 2012

Chapitre 5

 

La salle d’attente est vide et je trépigne d’impatience. Sur la table basse, des revues toutes plus abrutissantes les unes que les autres sont laissées en évidence.

Si le but était de me tenter, c’est raté.

Non seulement la vie sexuelle d’une quelconque star de télé-réalité ne m’intéresse pas du tout, mais en plus avec six mois de retard…

D’ailleurs, je me suis toujours demandée pourquoi il n’y avait jamais de magazines récents dans les salles d’attente ! Une fois, je suis parvenue à la brillante conclusion qu’étant donné que les minutes semblent être quinze fois plus lentes ici qu’à l’extérieur, on est comme dans un minuscule monde parallèle où le continuum espace-temps reste figé.

Riez tant que vous voulez, ça expliquerait bien des choses, notamment le papier peint.

Finalement, après un moment bien trop long pour quelqu’un seul dans son bureau, M. Haru vient me chercher.

Après de rapides présentations, il me fait signe de m’installer. Je m’assieds sur le canapé, non sans l’avoir regardé d’un air méfiant pendant quelques secondes.

-          Dites-moi tout.

Hein ? Dites-moi tout ? Et je suis supposée déverser mes tripes sur son beau tapis, juste comme ça ?

Voyant que sa superbe phrase d’entrée n’a aucun effet sur moi, il tente à nouveau sa chance :

-          C’est votre première fois c’est ça ?

Je hoche la tête pour toute réponse.

-          Ok. Alors pour que je puisse vous aider, il faut que vous me parliez. N’ayez pas peur, rien de ce qui sera dit ne sortira de cette pièce. Que se passe-t-il ?

-          Rien du tout ? Sûr et certain ? Même si j’avoue un meurtre ?

Je le vois lever un sourcil et se pencher en avant pour me demander :

-          Vous avez commis un meurtre ?

Je le regarde comme s’il avait trois têtes avant de répondre, offusquée même si je suis celle qui a lancé l’idée:

-          Non !

-          Le problème ne se pose donc pas.

J’avoue.

Il ponctue sa phrase d’un sourire. Je l’aime déjà.

Le silence se fait et je me décide. Vu ses tarifs, le temps c’est de l’argent.

-          Je peux faire un résumé global ?

-          Je vous en prie, faites comme vous le sentez.

Je prends quelques instants pour ordonner mes pensées, tenter d’apporter un semblant de cohérence et me lance :

-          Ok. Alors, je suis avec Julien, en couple je veux dire. Et mon ancien collègue M. Zakorski est parti à la retraite. Du coup je me suis coltiné une nouvelle, je lui ai fait visiter la fac. Elle est plutôt cool, on s’entend bien. Pi mon meilleur ami, Nico, l’a vue et l’a trouvée jolie. Forcément qu’il l’a trouvée belle, n’importe qui avec des yeux serait forcé de se rendre à l’évidence ! Enfin bref ! En fait elle et moi on passe plein de temps ensemble, c’est ma collègue, on partage le même bureau et tout, un peu obligé. Vous suivez ?

Il lève le nez de ses notes, acquiesce et me fais signe de continuer :

-          Et pi tout allait bien, y’a eu des rumeurs sur le fait qu’elle puisse être en couple avec mon meilleur ami et moi. On s’en est amusées, à vrai dire on a même fait croire au pervers de concierge que c’était la vérité… mais si je me trouve dans votre bureau aujourd’hui c’est parce que…

Je me mords la lèvre inférieure. À part elle et moi personne ne sait. L’avouer à voix haute c’est accepter que ça se soit passé. Finalement, je ferme les yeux et me jette à l’eau :

-          Un soir, j’ai été chez elle, on plaisantait et… on a failli s’embrasser alors je suis partie en panique et je l’ai évitée le lendemain et mon meilleur ami m’a invitée au restau pour me dire une grande nouvelle qui s’avérait être qu’il était en couple avec ma collègue, du coup je me suis sentie encore plus coupable !!! Parce que déjà que je ne suis pas célibataire, et que même s’il n’est pas très attentionné, Julien à un bon fond, ça m’a fait de la peine d’avoir presque franchi la ligne, mais alors quand j’ai su qu’elle était avec Nico, là c’était le comble ! Je me suis enfuie dans les toilettes pour femmes et pi en sortant j’ai vu qu’elle m’avait suivie, on s’est disputées, même si je ne souhaitais pas qu’on s’engueule et elle a remis sur le tapis le sujet de notre presque baiser et là je voulais partir, mais le ton est monté, j’ai eu un moment de folie je lui ai demandé de m’embrasser ! Je sais même pas pourquoi j’ai fait ça parce qu’en y réfléchissant bien, et croyez-moi que j’y avais réfléchi avant, à vrai dire je n’ai pas beaucoup dormi tellement j’y avais réfléchi, et la conclusion de mes réflexions c’était pas du tout de lui demander de m’embrasser !! C’était plutôt que je me sentais mal ce soir-là, oui parce qu’en fait Julien avait prévu de me planter le jour de notre anniversaire pour être avec des potes et elle était là et j’étais triste et on riait et… mais ça compte pas ! C’était juste un accident ! Alors moi je pensais que c’était juste comme ça, qu’il fallait ne plus jamais en parler mais j’étais loin de me douter que j’allais lui demander bêtement, non parce qu’il faut bien dire que c’est bête hein, de m’embrasser, surtout au milieu d’un couloir avec nos deux petits copains dans la salle à même pas 20 mètres de nous et là le pire du pire c’est qu’elle l’a fait ! Elle m’a embrassée !! Et je l’ai senti dans tout mon corps ce baiser mais quand la vieille dame nous a interrompues, car c’est pour ça qu’on a arrêté, non pas que j’aurais continué hein, juste que j’étais prise dans le moment c’est pour ça rien de plus ! Du coup quand on a été stoppées elle est partie aux toilettes et moi du restaurant en prétextant être malade, mais en fait c’était pas une maladie physique mais plutôt une tare mentale évidente, je veux dire, qui réfléchit des heures à un truc et fais le contraire de ce qu’elle a décidé en jetant par la fenêtre toute logique, raison ou sens moral ? Parce que c’est ce que j’ai fait ! J’aurais pu en rester là où trouver quelqu’un ou quelque chose à blâmer et vivre le restant de ma vie dans la mauvaise foi à me dire qu’elle embrassait mal et que je regrettais mais en vérité je me demande dans quelle mesure je regrette vu que j’ai fait un rêve très … enfin un rêve qui aurait pu déraper facilement, même qui allait déraper, et je vous prie de croire qu’elle avait une place de choix, même qu’elle tenait le rôle principal, fin bref je vous épargne les détails parce que c’est pas ça le point. Julien m’a réveillée alors que j’allais passer à l’acte avec elle, mais juste dans mes rêves, pas en vrai ! Et du coup j’ai appelé pour me faire remplacer cet aprem parce que je ne veux pas la voir et je ne sais pas quoi faire. Voilà.

Je l’observe cligner des yeux, puis retirer ses lunettes et se frotter les paupières du bout des doigts.

Je n’ai pas été claire ?

Moi je me suis trouvée limpide !

Mon débit était peut-être un chouïa rapide, mais c’est normal, enfin je crois !

Après une bonne minute, il remet ses binocles en place et parle :

-          Si j’ai bien compris… Vous êtes en couple, mais vous avez embrassé une femme qui est à la fois votre collègue et la petite amie de votre meilleur ami?

Je serais volontiers impressionnée par sa capacité d’analyse, si je n’avais pas un petit quelque chose à y redire :

-          Oui, enfin vous auriez pu le formuler d’une manière qui me fasse moins passer pour une garce. Parce que ce n’était pas intentionnel hein !

Sentant certainement que j’allais recommencer, il m’arrête avant que je réitère mes prouesses logorrhéiques en reprenant la parole :

-          Vous étiez parvenue à l’idée que ce n’était pas raisonnable, j’ai bien saisi. Mais alors pourquoi lui avoir demandé de vous embrasser ?

Instinctivement, je hausse les épaules et réponds :

-          Je ne sais pas, ça n’a aucun sens.

Alors même que je prononce ces mots, je réalise que bien que ma réponse puisse être qualifiée de « phrase », elle pourrait tout aussi bien être appelée « tissu de mensonges ».

En vérité, j’ai conscience du pourquoi.

Il voit visiblement clair dans mon jeu puisqu’il demande d’un ton dubitatif :

-          Vous ne savez vraiment pas ?

Un soupir m’échappe. Après tout, je suis venue ici pour lui vider mon sac, autant être honnête.

-          Parce que… Parce que sur le moment, je voulais arrêter de penser à ce presque baiser, et je me suis dit… Je me suis dit que si je l’embrassais, et que je voyais qu’il n’y avait pas de quoi en faire tout un foin, alors je pourrais oublier cette histoire.

Et peut-être en partie par envie.

Il me regarde d’un air quasi paternel, alors même qu’il est trop jeune pour ça, et me demande d’un ton doux, le même qu’on utiliserait sur un animal sauvage :

-           Et maintenant ? Est-ce que vous êtes prête à oublier ? Est-ce que vous voulez oublier ?

 

*****

 

Pfff…

Pourquoi j’ai accepté de remplacer Sandra déjà ? Je déteste surveiller MES exams, alors ceux des autres… Je viens déjà de me taper toute une journée de cours…

M’enfin, elle est gentille et me renverra l’ascenseur, je peux bien faire un effort j’imagine.

En plus, ça me donne une excuse pour éviter le bureau, surtout qu’Erin quitte également à cette heure normalement.

Je pousse la porte de l’amphi et rentre dans le brouhaha ambiant. Visiblement les élèves ne m’ont pas attendue pour s’installer. Pourquoi ça ne m’étonne pas ?

Souriant, je me tourne vers l’estrade et…

Oh non.

Je déglutis et me remets en route, tentant de garder un air neutre. Bordel.

Le bruit de mes talons qui frappent le plancher me rappelle étrangement le glas tandis que je vais rejoindre ma collègue.

-          Salut.

-          Salut.

Mes yeux se baissent automatiquement et je n’ose pas croiser le regard d’Erin pendant que je m’installe à ses côtés, n’ayant pas vraiment le choix.

C’est la dernière fois que je rends un service, sympa ou pas !

Je passe ma main dans mes cheveux, plus par nervosité que soudaine envie de me coiffer.

Mon cœur bat la chamade, le choc et le stress de la voir étant bien réels.

 

Heureusement, je peux me composer le temps qu’on distribue les sujets. L’examen est lancé et je retourne sur l’estrade.

Je ne peux m’empêcher de remarquer à quel point ma chaise est proche de la sienne. Je fais quoi ? Je m’écarte ou m’assieds et arrête mes simagrées ?

Après quelques instants de réflexion, j’opte pour la seconde solution. Ce n’est pas comme si elle comptait me sauter dessus devant toute la promo.

Je pose mes fesses sur la chaise, tentant de garder un air nonchalant. Quasi immédiatement, je la vois saisir un morceau de papier et écrire. Elle me jette un coup d’œil et le fait glisser devant moi.

 

Ça va mieux ?

 

Je souris. Bonne question Erin. Sans regarder, je tends la main dans sa direction et sens qu’elle y dépose le stylo qu’elle vient d’utiliser. C’est plus facile par écrit.

 

Oui, merci. Et pardon.

Ses sourcils se froncent en lisant cela et elle me répond :

Pourquoi ?

J’observe les étudiants le temps de trouver une réponse convenable. Personne n’a l’air de remarquer que ni elle ni moi ne prêtons attention à eux.

Pour t’avoir mise dans cette position. Pour ce que je t’ai demandé. Je n’aurais pas dû.

Ma main plie la feuille et la fait glisser jusqu’à elle. Je n’ose pas la regarder tandis qu’elle découvre mon mot. Dans mon champ de vision, je devine qu’elle écrit une réponse.

Je fais mine de parcourir l’amphithéâtre et de surveiller les élèves, mais mon esprit est focalisé sur le fait qu’elle m’écrit un texte visiblement plus long.

Notre « conversation » est à nouveau devant moi. Mon regard se pose sur la feuille pliée, comme si c’était une bombe à retardement. À vrai dire, je préfèrerais je crois. Au moins je saurais à quoi m’attendre.

Mes doigts déplient et aplanissent le papier, jusqu’à ce que je puisse lire :

Tu n’es pas la seule responsable. Peut-être qu’on n’aurait pas dû, mais j’en avais envie. Je ne suis pas sûre de regretter. Je sais que toi oui et je comprends que tu sois partie.

Je prends une grande inspiration et expire lentement, espérant que mon cœur arrête de battre comme si je faisais le marathon de New York. Ou non, que j’enchainais sur lui après avoir fait un triathlon.

J’ai envie de lui demander si comme moi, elle y pense tout le temps, si elle peut toujours sentir le goût de mes baisers, l’odeur de ma peau… Mais ça ne ferait que compliquer les choses. Je veux des réponses, mais j’ai peur de ce que celles-ci pourraient me faire.

À la place, j’écris :

Je ne sais pas quoi faire, je n’arrive plus à regarder Nico dans les yeux.

Elle me répond rapidement.

Plus un souci. On n’est plus ensemble.

Quoi ? Mais ça vient juste de commencer leur histoire, je ne comprends pas ? Elle l’a quand même pas quitté après que… Oh mon Dieu faites que ça ne soit pas ça je vous en supplie…

QUOI ? Quand ? Pourquoi ?

 

Hier. Ça ne collait pas. Pas d’étincelle. Et au dîner après ton départ on n’avait rien à se dire. On s’est dit qu’il valait mieux s’arrêter avant que les choses deviennent compliquées.

Il faut que je demande :

Est-ce que ça à quelque chose à voir avec…

Inutile de terminer ma phrase, je sais qu’elle comprendra.

C’est lui qui a amené l’idée. Mais de mon côté oui, ça avait à voir… Je n’arrivais pas m’impliquer, tête ailleurs…

Je me passe les paumes sur le visage et relis. Je pousse un énorme soupir de désespoir et secoue la tête de gauche à droite. Comment je suis censée vivre avec ça moi maintenant ?

Voyant ma réaction, elle pose sa main sur la mienne et se penche pour me chuchoter :

-          C’est pas ta faute. Lui et moi avons pris cette décision ensemble.

Je me tourne pour lui faire face, bouleversée. Comment elle peut dire que c’est pas ma faute ? Bien sûr que ça l’est !

J’ai presque envie de lui dire « DUH ! » en me frappant le front de la paume de ma main tellement c’est évident ! Y’a qu’au collège que les relations durent si peu longtemps !

Je me lève, ne tenant plus et vais déambuler dans les allées. Les étudiants commencent à demander brouillons et copies supplémentaires, ce qui m’occupe le reste de l’examen.

-          C’est terminé, veuillez ramener vos copies et signer la feuille de présence avant de partir.

Je vais me poster aux côtés d’Erin, pas fâchée que ça soit terminé. Nous regardons en silence les derniers élèves griffonner leur « marque » et quitter la pièce. Finalement, il ne reste plus que nous. La porte battante se referme dans un claquement et résonne dans l’amphi à présent vide.

Le stress fait son grand retour tandis que je me tourne vers Erin.

Bon…

-          Tu veux aller dîner quelque part ?

Mes yeux s’écarquillent et elle s’empresse d’ajouter :

-          En amies... S’il te plaît.

Oh et puis merde, je ne peux pas la fuir toute ma vie, surtout si on doit partager le même bureau. Sans me donner davantage l’occasion de réfléchir et de revenir sur ma décision, je lance :

-          Ok

Un large sourire vient illuminer son visage et pour une fois, j’ai l’impression d’avoir fait le bon choix.

Ma collègue s'essuie les mains sur ses cuisses, plus par nervosité qu'autre chose étant donné qu'il est loin de faire chaud dans l'amphi. Elle s'approche doucement de moi, comme si j'étais un lapin prêt à détaler au moindre bruit.

 

-          On se rejoint plus tard ou tu préfères y aller tout de suite, enfin si t'as faim je veux dire.

Je ne peux pas retenir mon sourire en la voyant comme ça. C'est tellement pas son genre d’être nerveuse.

-          Si tu me laisses le temps de passer au bureau prendre deux trois trucs on peut y aller directement, j'ai déjà un petit creux !

-          Ça marche, après toi.

Je la précède tout en me demandant si ce que je suis en train de faire est une bonne idée.

Ok ça fait du bien de retrouver un semblant de normalité entre nous, mais j'ai vraiment l'impression de trahir à la fois mon meilleur ami et mon mec. C’est très (trop ?) tôt, mais ça ne laisse pas le temps aux choses de s’envenimer.

J'ouvre la porte du bureau d'une main tremblante, m'efforçant de ne pas me mettre à courir lorsque les souvenirs de mon rêve m'assaillent. Je secoue ma tête pour me sortir de ma torpeur. Ça devient ridicule cette histoire, c'est pas comme si on avait été jusqu'au bout.

Je ne sais pas comment les gens infidèles font... Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais déjà tout avoué depuis longtemps. Mais Erin est ma collègue, et je blesserais beaucoup de monde pour pas grand-chose. Sans parler des relations au boulot après. Bonjour l'ambiance. Vaut mieux attendre qu’on en discute.

-          Ça va ?

En entendant sa voix, je réalise que, perdue dans mes pensées, je n'étais même pas rentrée dans la pièce.

-          Oui pardon, je suis distraite.

Embarrassée, je me frotte la nuque et en redescendant ma main, Erin s'empare de celle-ci. Elle semble lutter pour trouver ses mots, tandis que je lui laisse prendre son temps.

-          Si... Si tu penses que c'est trop tôt ou...

Elle baisse la tête et rompt tout contact visuel avant de poursuivre:

-          Ou que ça ne pourra plus jamais être normal entre nous... Tu peux me le dire, je comprendrais. Te force pas si t’as pas envie.

Je presse sa main pour qu'elle me regarde et me décide.

J'en ai marre de faire ma mijaurée, on peut très bien se contrôler, la preuve.

Pour une fois, mon instinct m'envoie un signe que je ne trouve pas insensé, alors je l’écoute et prends Erin dans mes bras.

Immédiatement, je me sens mieux. Elle me serre fort contre elle et j'espère qu'elle ne peut pas entendre à quel point mon cœur bat la chamade. Étant donné que je sens le sien qui n'est pas franchement mieux, j'ose émettre des doutes ! Finalement, je me recule doucement, résistant à l'envie de poser mes lèvres au creux de son cou au passage. Pour le coup, je suis plutôt fière de moi.

Enfin ça c'était jusqu'à ce que je finisse par un bisou sur la joue, qui s'est trouvé être beaucoup plus près de sa bouche que prévu.

Je déglutis et fais ma spécialité, à savoir comme si de rien n'était.

Au vu du regard plein d'intensité que je reçois, je doute soudainement de mes talents d'actrice. Je me détourne et m’éloigne d’elle pour aller farfouiller dans mon bureau. Bon, et un peu pour mettre de la distance entre nous.

En quelques minutes j'ai récupéré tout ce qu'il me faut, self-control compris.

Une fois prête, je lui demande:

-          Y a un endroit en particulier où tu voudrais aller ?

-          Euh... Un truc pas trop coincé. Je te laisse choisir, vu que je ne connais pas encore tout dans le coin.

C'est vrai, j'ai tellement vite pris l'habitude de la voir au quotidien que j'ai l'impression qu'elle a toujours été là alors qu'en fait pas du tout !

Voyant qu'elle me suit, je me rends jusqu'à ma voiture. À peine installée et attachée, Erin demande :

-          Où on va alors ?

J’adopte un ton enfantin et me moque :

-          On arrive bientôôôt ??

Les yeux rivés sur la route, je fais mine de ne pas remarquer le regard noir qu'elle me lance. Finalement, j'ajoute :

-          C'est une surprise, t'aimes les burgers faits maison au moins ?

-          Oui oui t'inquiètes !

Je décide de l'emmener dans le restau de mon cousin, comme ça je serais en terrain connu et me sachant surveillée, je ne risque pas de faire une boulette !

En plus, personne ne peut faire envie en se goinfrant d'un burger et s'en mettant partout, pas même elle. Enfin je crois.

Je me gare sur le parking et descends. Erin observe la devanture d'un air curieux. C'est vrai que ça ne paie pas de mine vu de dehors...

-          Promis, je n'essaie pas de t'empoisonner !

-          Ça ne m’était pas venu à l'esprit... Jusqu’à ce que tu le dises...

-          T'as toujours été un peu lente !

-          Méfie-toi toi...

-          De quoi ? C'est pas comme si t'avais la moindre chance !!

Je fais mine de bander mes biceps, ce qui la fait éclater de rire.

-          HEY !

Bon ok, Hulk et moi on n’a peut-être pas grand-chose en commun mais ce n'est pas une raison pour se moquer ! Ma répartie ayant jugé que le moment était opportun pour s'absenter, je ne dis rien et rentre dans le restau.

Mickaël lui-même m'accueille. Il me serre contre lui avec la délicatesse d'un rhinocéros qui charge et j'ai du bol de m'en tirer sans dommage interne ! Une fois que je me suis assurée que toutes mes côtes sont intactes, je me tourne et fais les présentations.

-          Erin, tu te souviens sûrement de Mika, mon cousin - Dieu merci éloigné -, c’est lui le patron de ce Boui-boui. Si t'as des réclamations, c'est à lui qu'il faut te plaindre.

Immédiatement, il ajoute :

-          Si t'as envie de vomir, c'est sur elle par contre !

Je le frappe au ventre d'un revers de la main et demande :

-          T'as encore des clients en tenant un discours pareil ??

-          Seulement les inconscients, dont vous faites partie.

Je cherche du soutien auprès d'Erin mais au vu de son sourire devant notre échange, je doute qu'elle vole à mon secours ! Et en effet, elle se contente de faire la bise à Mika.

-          Choisissez votre table j'arrive tout de suite.

Je laisse passer ma collègue, comme ça elle se met où elle veut, moi j'ai déjà été installée à peu près partout.

Je jette un coup d'œil à mon cousin, et il me regarde en se mordant la lèvre et secouant sa main de gauche à droite.

À qui le dis-tu Mika, à qui le dis-tu...

Je plisse les yeux et lance d'un ton pseudo menaçant :

-          N'y songe même pas !

-          T'as dit quoi ? Demande Erin en se retournant.

-          Rien rien. T'as choisi ?

Comment ne pas répondre à une question, technique #2, changer de sujet.

-          Là ça te va ?

-          Nickel.

Je suis contente qu'elle n'ait pas pris une table en plein milieu, optant pour celle dans le coin, tout contre la fenêtre.

On s’y installe et je l’observe lire le menu en faisant semblant de faire de même.

C’est bizarre, mais quand je la regarde, j’ai comme un flot d’émotions qui me submerge. Comme si, malgré le fait qu’on ne se connait pas depuis longtemps, j’étais assaillie par tous ces souvenirs. Très étrange comme sensation.

Plutôt que de réfléchir à ce que ça pourrait bien vouloir dire, je porte mon attention sur ce qu’elle me demande :

-          Le burger au rumsteck est bon ?

-          Tout est bon, tu peux me croire.

-          Ouais, mais je ne pense pas pouvoir manger tout ce qu’il y’a sur la carte !

Je penche la tête sur le côté et fais semblant d’imaginer :

-          Oh… T’as la place va !

Elle me jette sa serviette au visage tandis que je rigole. Ça fait plaisir de pouvoir retrouver ce semblant de normalité avec elle. D’autres clients arrivent pendant qu’elle regarde la carte. En bonne nana, elle a du mal à se décider.

Je souris discrètement en voyant un homme se faire frapper par sa femme à force de lancer des coups d’œil insistants et pas franchement discrets en direction de notre table.

En même temps qui peut le blâmer… Les cheveux d’Erin sont attachés en une queue de cheval négligée, lui donnant un air décoiffé qui ne retire rien à son époustouflante beauté. Sérieusement, je ne comprends même pas comment cette nana peut être célibataire. Si j’étais un mec je… Ok, terrain glissant, arrête de l’obser-

Je suis prise en flagrant délit et piégée par son regard lorsqu’elle lève les yeux vers moi. Elle maintient la connexion un instant et finit par demander :

-          T’as choisi ?

 

 [Plus tard dans la soirée]

 

Je pousse tout doucement la porte et entre sans un bruit. Je marche sur l’extrême pointe des pieds pour éviter que mes chaussures ne claquent au sol. Inutile de le réveiller, il s‘est endormi à 6h du mat’ pour « finir son raid », ce soir il a dû aller se coucher tôt.

Je me dirige à pas de loup vers la salle de bain, le tout dans un équilibre précaire, ça me fait toujours ça quand je passe des talons au plat.

Je retire mes habits non sans une certaine satisfaction, tandis que l’eau commence à couler. Rien de tel qu’un bon bain après une rude journée. La moitié de la bouteille de bain moussant plus tard, je trempe un orteil pour savoir si je ne risque pas une brulure au 3eme degré.

Satisfaite de la température, je me glisse dans l’eau chaude, soupirant de bonheur.

J’ai réellement passé une excellente soirée, Erin m’a tellement faite rire que je suis persuadée que j’aurais mal aux muscles du visage demain. Je suis déçue que la soirée se soit terminée si tôt, mais il faut être raisonnable parfois. J’ai envie d’oublier tout ce qu’il s’est passé, tous les tracas… Rien que pour le temps qu’il me reste avant d’aller me coucher, je vais juste profiter du fait que tout va bien et me détendre.

Retenant ma respiration, je plonge un instant sous l’eau pour humidifier mes cheveux. Je ressors ouvre les yeux et manque de faire un arrêt cardiaque.

-          T’étais où ?

Le moment est complètement brisé et, agacée, je me tourne vers Julien pour dire :

-          Dehors.

-          T’as vu l’heure qu’il est ?

Je n’aime pas du tout le ton qu’il emploie. Et il est à peine 23H, c’est pas la mort. En temps normal il aurait été encore en train de jouer, n’ayant même pas remarqué mon absence… Moi qui pensais qu’il irait se coucher tôt, apparemment il m’attendait pour dormir.

Amère, je réalise que c’est certainement parce qu’il avait une petite envie. Ma réponse est immédiate et mordante :

-          J’étais pas au courant que j’avais un couvre-feu à respecter.

-          Qu’est-ce qui t’arrive ?

Je rassemble la mousse pour qu’elle couvre mon corps, n’ayant pas envie qu’il me voie nue.

-          De quoi tu parles ?

-          J’ai l’impression que tu es devenue une étrangère.

Je passe mes mains sur mon visage en soupirant.

-          J’ai pas envie d’avoir cette conversation maintenant.

Pourquoi faut-il absolument qu’il ruine cet instant. Il ne peut pas attendre un peu ? On pourra s’engueuler demain, ou plus tard.

-          Pas de bol.

Il pose ses mains sur ses hanches, son attitude montrant clairement qu’il compte camper sur ses positions. Voyant que je ne réponds pas, il redemande :

-          Qu’est ce qui t’arrive ?

Il m’arrive que j’en ai marre d’être toujours reléguée au second plan, d’être invisible, de n’exister que quand monsieur à une envie ou deux, il m’arrive de souhaiter qu’on m’aime, qu’on me rende heureuse, de me sentir belle dans les yeux mon copain …

-          Rien. Je ne vois pas de quoi tu parles.

Je trouve ma réponse claire et efficace pour faire passer le message : je n’ai pas l’intention de discuter de ça maintenant.  

-          Tu me trompes c’est ça ?

Il n’a pas tout à fait tort et même si ce n’était qu’un baiser, je me sens terriblement coupable envers lui. Je replonge ma tête sous l’eau, un moyen de me composer et de faire l’autruche.

Il prend mon absence de réponse dans la seconde pour un oui et commence à faire les cent pas devant la baignoire. Je me sens réellement prise au piège et ce bain n’a plus rien de relaxant. Lorsque j’émerge, il reprend :

-          C’est qui ? Depuis quand ? T’étais avec lui ce soir c’est ça ? Tu te laves pour ne pas que je sente son odeur sur ta peau ?

Ça suffit. Je tends le bras et attrape la sortie de bain, me levant et me couvrant aussi vite que possible, ne prenant même pas la peine de me rincer. Je me laverai plus tard.

-          Ne sois pas ridicule. Il n’y a pas d’autre homme.

Techniquement, ce n’est pas un mensonge.

-          Alors c’est quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ?

Il s’approche jusqu’à rentrer dans mon espace vital, bien trop près pour mon confort. Je le pousse et sors de la salle de bain, partant en direction de la commode.

-          Rien. 

Il me suit à la trace jusque dans la chambre et n’est pas décidé à lâcher l’affaire :

-          Visiblement c’est pas rien. T’étais où ce soir ? Pourquoi tu ne me parles pas ?

J’attrape un shorty et l’enfile rapidement, faisant de même pour mes chaussettes. Je me place dos à lui et mets un haut sans rien en dessous. De tous les jours où il m’ignore royalement, il choisit celui où j’ai envie d’être tranquille pour me prêter attention ?

Je suis trop agacée pour me censurer et demande :

-          Pourquoi tout à coup ça t’intéresse ?

-          Qu’est-ce que tu entends par là au juste ?

Je me tortille pour enfiler mon jeans le plus rapidement possible. Son ton indique clairement que ma réponse ne lui a pas plu, et puisque c’est l’instant de vérité, il va avoir les réponses qu’il veut. Et il risque de ne pas aimer la suivante. Je me retourne et lui lance :

-          Les trois quarts du temps, c’est à peine si j’existe, je suis juste bonne à faire ta domestique et te permettre de tirer ton coup. 

Ses yeux s’écarquillent et je vois le choc sur son visage, ce qui me procure une certaine satisfaction.

-          Tu sais très bien que c’est faux.

Le ton sur lequel il le dit me laisse croire que lui-même n’est pas persuadé de ça. Après tout, même si j’ai le « titre » de fiancée, on sait tous les deux que mon statut est exactement celui que je viens d’énoncer. Je réponds d’un ton moqueur :

-          S’il te plait, pas à moi.

Je le laisse planté là et repars dans l’entrée, mes cheveux dégoulinant sur mon haut, le trempant par la même occasion.

J’enfile une paire de baskets, attrape mon manteau et mon sac. Alors que je m’apprête à sortir, il m’agrippe le bras :

-          On n’a pas fini de discuter.

-          On ne discute pas, on s’engueule et je n’ai pas envie de ça ce soir.

-          J’ai pas fini, je m’en fous que t’aies pas envie ! 

En l’entendant dire ça, un sourire mauvais vient se ficher sur mes lèvres et je réplique :

-          C’est bien ça le problème. Un couple, ça se fait à deux et dans le nôtre il n’y en avait que pour toi.

-          Avait ?

Sa prise sur mon bras se relâche sous l’effet du choc et j’en profite pour m’écarter. Je n’ai pas fait exprès d’employer le passé, mais je réalise que c’est la vérité. Ça fait un moment maintenant que notre soi-disant couple est mort. Je ne suis même pas sûre qu’on en ait été un un jour.

Je ne sais pas si je vais le regretter ou non, mais sur le moment, je dis la seule chose qui me parait avoir du sens :

-          Avait.

 

J’accroche son regard quelques instants, puis me fais volte-face et sors, fermant la porte derrière moi et le laissant planté dans l’entrée.

Je retourne à ma voiture et une fois à l’intérieur, réalise.

Je ne suis pas sûre de comprendre comment on en est arrivés là, même si ça devait se produire à plus ou moins long terme. Pour mon bien.

Je glisse la clé dans le contact sans allumer le moteur et place mes mains sur le volant, fermant les yeux.

Il avait des raisons de me poser ces questions et je sais que j’ai ma part de responsabilité si notre couple en est arrivé là, mais je lui ai dit que je n’avais pas envie de parler. Rien qu’une fois, il aurait pu m’écouter.

Je secoue ma tête dans l’espoir que ça va me changer les idées et réalise que je ne regrette pas.

La façon dont ça s’est fait, oui, pas la chose en soi. Je suis surprise de me sentir bien plus soulagée et libre que triste.

Sauf que maintenant avec ma super sortie dramatique, je suis à la rue. J’attrape mon téléphone et parcours la liste de mes contacts à la recherche d’une âme charitable pour m’héberger.

Nico ? Tentant, mais j’ai cru comprendre qu’il avait un rencard ce soir, M. cœur d’artichaut tente à nouveau l’aventure et  je ne veux pas ruiner ses chances cette fois-ci…

Mika ? Il ne finit pas son service avant un moment encore…

Mes doigts frôlent l’écran sans vraiment appuyer pour me rendre sur le nom auquel je pense.

Ce n’est pas raisonnable…

Mais en même temps, j’ai envie de retrouver cette atmosphère. D’oublier ce qui vient de se passer et de rejoindre Erin, qui m’apprécie pour moi, ma compagnie, sans idée derrière la tête.

Ahhh et puis merde !

Je range mon téléphone dans mon sac, attrape le plaid qui traine toujours sur ma banquette arrière et mets mon siège en position couchette. Étant complètement trempée, j’espère juste que je ne vais pas prendre froid. Inutile d’aller squatter chez quelqu’un, à coup sûr j’aurais droit à des questions auxquelles je n’ai pas envie de répondre. C’est que pour cette nuit, demain j’aviserais.

Je m’allonge et tente de fermer les yeux, même si je sais très bien qu’il y’a peu de chances que je m’endorme dans la seconde. 

 

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7 octobre 2012

Chapitre 4

Je cours jusqu’à ma voiture et m’engouffre dedans, essoufflée après ce footing inopiné. C’est stupide, mais je tenais à m’éloigner le plus rapidement possible. Il y aurait eu le feu je n’aurais pas été plus vite, c’est pour dire !

Je tape le tableau de bord de mes mains, comme si ça allait évacuer ma frustration !

Voyant que ça ne fonctionne pas du tout, je finis par poser mon front sur le volant et attends que ma respiration revienne à la normale.

Mes pensées retournent à ce qui a failli se produire il y a quelques minutes à peine et je ne sais pas si c’est parce que je suis blonde, mais je ne comprends pas comment on en est arrivées là !

Je veux dire, oui, Erin est superbe, intelligente, sympa bla bla bla… Mais je n’ai jamais pensé à elle comme ça.

Enfin pas que je me souvienne.

Et pi c’est une femme !

Pas de méprise, je connais des lesbiennes et je n’ai aucun souci avec elles. J’ai toujours été la première à dire que le monde fait ce qu’il veut dans sa chambre à coucher, tant que c’est entre adultes consentants et que je ne suis pas invitée, ça ne me regarde pas.

Mais là… C’est différent. Je sais pas comment expliquer… En fait que c’est comme si l’homosexualité était un précipice. Avant je le voyais de loin et j’étais consciente qu’il existait, pas de problème, j’acceptais qu’on soit attiré par lui.

Et maintenant ce ne sont plus les autres, mais moi, et je me tiens joyeusement au bord du gouffre !

Même pire, au point où j’en suis je fais du saut à la perche par-dessus !

 

Ok calme-toi, relax. Pour donner plus de poids à ma tentative d’auto conviction, je proclame :

 

-          Il – Ne – S’est – Rien – Passé.  

Je souris, contente de moi, avant de réaliser :

-          Enfin non, pas vraiment rien rien parce que sinon je n’en serais pas là, du moins j’espère, mais presque rien, disons un presque rikiki baiser de rien du tout qui à techniquement pas eu lieu, mais qui aurait pu et qui a failli et qui se serait produit si jamais Julien n’avait pas appelé et j’arrive pas à croire que-

Mon pitoyable vomi-monologue-parle-toute-seule-à-voix-haute prend fin lorsque je n’ai plus une once d’air dans mes poumons. Un rapide coup d’œil circulaire m’informe que personne n’a assisté à mon minuscule breakdown.

Concentre-toi ma petite Fanny, tu peux le faire, caaaaalme-toi.

 

J’inhale et j’exhale lentement et profondément, comme conseillé par les spécialistes de la relaxation, quel que soit leur nom.

Je ne sais pas si ça m’apaise, mais ça me donne l’impression de tourner une pub Air Waves…

 

Il faut positiver. Il n’y a rien eu, on a été interrompues, ça aurait pu être bien pire ! Oui, voilà, ça c’est vrai !

Et Nico ?

Oh mon Dieu je suis une horrible amie !! Comment j’ai pu presque lui faire ça !

Et je vais lui dire quoi la prochaine fois que je le vois ? « Tiens, salut Nico ! Tu peux être fier de moi, j’ai glané des infos : je sais qu’Erin vit seule et qu’elle ne fait pas semblant d’aimer les sucreries. C’est bien non ? Tiens au fait on allait s’embrasser, mais on ne l’a pas fait parce que Julien a appelé au mauvais moment. Enfin au bon moment je veux dire. Oui oui j’arrive ! T’as entendu, quelqu’un vient de crier mon nom. Bye ! »

 

Ça ne va pas le faire je crois.

 

Du coup, une seule solution s’offre à moi. Je déteste ça mais je n’ai plus qu’à lui cacher la vérité. Ce n’est pas comme si ça allait se reproduire !

Tout le monde sait que le chocolat c’est aphrodisiaque. S’il faut, le carré que j’ai eu c’était du concentré alors ça compte quintuple ! Voilà, tout s’explique !

Fière de ma mauvaise foi, je farfouille dans mon fourre-tout pour trouver mes clés de voiture. D’ailleurs je profite de l’occasion pour faire la vérité sur un point : Le sac de Mimie Mathy n’est pas un mythe et est en ma possession. Il n’y a pas d’autre explication logique à ces mystérieuses disparitions d’objets, que de savoir qu’il est sans fond !

Après environ 4 minutes d’infructueuses recherches, je trouve les clés de voiture, tout naturellement glissées dans la pochette de mon téléphone portable.

D’ailleurs, il est où lui ?

Je soupire et retourne à la chasse au trésor. Heureusement, je mets rapidement la main dessus, l’extirpant de sous mon portefeuille. Machinalement, je le déverrouille et constate que j’ai un message.

 

D’Erin.

 

Gulp.

Je ne suis pas sûre que c’est la meilleure idée qui me soit venue, mais je décide de le lire.

 

« Désolée. Il faut qu’on parle »

 

Adieu.

Nan parce que là, je suis presque sûre que mon cœur s’est arrêté de battre. Et si madame Terrari ne m’a pas menti lors des cours de SVT, ça signifie que je vais mourir d’une seconde à l’autre.

Je pensais que ma fuite pas très discrète suffirait à passer le message. Je n’ai PAS l’intention d’en parler et faire comme si de rien n’était va être très dur si elle veut en discuter.

 

Ok, chaque chose en son temps. D'abord, rentrer et mettre les points sur les i avec Julien.

 

*****

 

L'ascenseur ouvre sa porte sur Julien, bouquet de fleurs en main. Wow, j'imagine qu'il est vraiment repenti. C'est la deuxième fois que ça arrive, l'autre étant à notre premier rencard. Il a l'air nerveux et vacille d'un pied à l'autre.

-          Hey... Je t'ai vue te garer par la fenêtre... Hum... C'est pour toi.

Il me tend le bouquet et je renifle automatiquement les fleurs.

-          Des dahlias, comment tu as...

-          Parfois je ne fais pas juste semblant d'écouter !

Ça a le mérite de me faire sourire. Sans plus attendre, je rentre dans l'appartement. Julien me suit et ferme derrière nous. Il m'observe alors que je me mets à l'aise et me sers un verre de blanc, avant de m'échouer sur le canapé.

Il se tient debout dans le chambranle de la porte tandis que j’espère qu'il va bientôt commencer à parler.

Il a agi comme un con, mais rien qu'à le regarder, dans son costume spécial grandes occasions, je sais à quel point il est désolé.

Il ouvre et ferme la bouche à plusieurs reprises, ressemblant étonnamment à un poisson hors de l'eau. En temps normal, le voir réagir de la sorte me ferait sourire, mais là... Disons que plus les secondes passent et son inconfort grandit, plus je me rappelle à quel point JE me sens coupable. Même si techniquement je n'ai rien fait. Enfin, inutile de revenir là-dessus.

Finalement, il semble trouver les mots :

-          J’ai eu tort de me comporter comme ça. Je suis vraiment désolé. J’ai réservé au petit restau près du magasin de jouets, celui dont tu m’as parlé l’autre jour… Si tu veux bien venir, j’aimerais t’y emmener.

Je prends une grande inspiration et attends un peu avant de répondre. Je vais aller avec lui. En grande partie parce que je me sens coupable.

Mais je n’ai pas oublié qu’il comptait me faire passer, encore une fois, après tout le reste. Ça nous donnera de quoi discuter lors du diner.

Finalement, les mots ne sont pas nécessaires. Je pose mon verre et lui fais un petit sourire avant d’ouvrir mes bras. Il s’assied à côté de moi sur le canapé et je suis engouffrée dans son étreinte. Le sentir contre moi et reconnaître son odeur si familière me rassurent un peu.

 

            *          *          *         

 

Je fourre rapidement les quelques notes que j’ai prises dans mon sac et cherche les clés du bureau pour aller en cours.

Alors que je m’apprête à sortir, la porte s’ouvre sur Erin, à qui je n’ai pas donné de nouvelles depuis hier soir.

Mes yeux effectuent un exceptionnel travail d’évitement ainsi qu’une contemplation avancée de mes clés tandis que je lâche un « salut ».

Elle me répond et je n’ai pas besoin de lever la tête pour avoir conscience de son regard placé à l’arrière de ma nuque. Sous le stress, je me justifie :

-          Je peux pas rester, je suis en retard pour mon cours, à plus.

Bon, j’aurais pu préciser que j’étais volontairement partie à la bourre pour pouvoir réaliser un passage express dans le bureau et ne pas avoir « la discussion », mais ça…

Je m’apprête à franchir le seuil lorsque je sens sa main sur mon bras. Je prends une inspiration et attends, n’osant pas me tourner vers elle tandis qu’elle vient se placer à mes côtés. Elle ferme doucement la porte et retire sa main, certainement pour ne pas m’effrayer davantage.

Je me refuse toujours à la regarder dans les yeux… À vrai dire, je me refuse même à regarder dans la direction générale où elle se trouve, alors je me contente de fixer la sortie. Sa veste en cuir brun craque à chacune de ses inspirations et j’en compte dix avant qu’elle ne se mette à parler. Sa voix est étonnamment calme lorsqu’elle me demande :

-          J’ai besoin de savoir. Est-ce que ce sera toujours comme ça entre nous maintenant ?

En entendant ça, je baisse un peu plus ma tête, de honte cette fois. Je me comporte comme une enfant.

Je prends mon courage à deux mains, du moins ce qu’il m’en reste et lève les yeux pour la regarder. Ses iris sombres me fixent avec une intensité incroyable et demeurent pourtant totalement indéchiffrables.

Finalement, je dis :

-          J’ai eu une rude journée. Ça va s’arranger, ne t’en fait pas.

J’arrive même à ponctuer le tout d’un sourire et de ma main sur son avant-bras. Selon mes critères, c’est plutôt impressionnant. Go moi !

Je m’empresse de partir avant qu’elle ne décide qu’on a pas fini d’en discuter. En route vers la salle de classe, je sens mon portable vibrer.

Un coup d’œil à l’écran m’informe que j’ai reçu un message. Je tape le code de déverrouillage et m’arrête net en voyant qu’il est de Nico. Mes yeux se ferment et je prends une grande inspiration avant de faire glisser mon doigt sur l’enveloppe. Aussitôt, le texte apparaît :

 

«  Hey ma belle, t’es passée où depuis hier matin, restau ce soir ? J’invite ! Julien peut venir aussi. J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer ! Bisous »

 

La culpabilité que je ressentais hier après avoir presque vous-savez-quoi me revient en pleine figure. Mon meilleur pote ne se doute de rien. Et si je veux que ça reste comme ça, j’ai conscience qu’il faut que j’aille au restau ce soir.

Mon doigt est hésitant tandis que je tape le message d’acceptation. On verra bien.

 

* * * * *

 

La main de Julien est moite tandis que nous emboitons le pas au serveur qui nous amène à notre table. Je vais finir par m’habituer à dîner au restau à ce rythme-là.

Visiblement je suis la seule, étant donné que mon chéri s’est habillé comme s’il se rendait à la remise des Oscars. Personnellement, un jeans noir bien moulant et gilet sous lequel se cache un petit haut à fines bretelles me suffisent. Au pire, j’aurais qu’à ouvrir deux trois boutons et le décolleté détournera l’attention de ma tenue.

On retrouve Nico, assis à une table de quatre placée dans le coin de la salle. Après l’avoir salué, je laisse Julien s’installer face à mon meilleur ami tandis que je me mets à l’écart. Ça me rassure de savoir qu’en cas de complication je pourrais rapidement prendre la fuite.

Un simple coup d’œil à Nico m’indique qu’il a fait des efforts ce soir. Il porte une chemise d’un vert foncé qui fait ressortir ses yeux et a, pour une fois, réalisé l’exploit de se coiffer. Forcément, je ne peux pas résister et demande d’un ton moqueur :

-          Waaah Nico ! Tu t’es fait beau ! Qui est-ce que tu essaies d’impressionner ?

Il me fait un sourire et m’indique d’un mouvement de tête de regarder sur ma droite.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine en voyant s’approcher Erin, radieuse, dans une robe noire et moulante. Bien qu’elle lui arrive au-dessus des genoux, à chacun de ses pas, le fendu de la robe dévoile une partie de cuisse musclée. Involontairement, mes yeux remontent et sont attirés par l’étendue de peau douce que l’absence de bretelles laisse entrevoir.

Réalisant que je suis en train de la dévisager d’une manière étrange, je m’efforce de regarder sa tête.

Ses cheveux sont lâchés et encadrent son visage à la perfection. Si je ne la voyais pas tous les jours et sachant quel est son boulot, je serais prête à jurer qu’elle vient de sortir d’un défilé de mode. Je suis étonnée en sentant ses yeux noirs fixés sur moi. Je m’efforce de lui faire un sourire et d’apparaître naturelle tandis qu’elle se penche pour me faire la bise, avant de passer à Julien.

Elle se glisse aux côtés de Nico et lui dépose un baiser sur les lèvres.

Malgré moi, je détourne le regard.

Comme si la culpabilité ne me rongeait pas déjà assez. En plus, apparemment ils sont ensemble… Me sachant observée, je fais de mon mieux pour paraître « normale » et faire comme si de rien n’était.

Le serveur arrive et je commande un double whisky coca, j’ai l’impression que je vais en avoir besoin.

Je me tourne en direction de Julien, espérant lui faire la conversation et ainsi éviter d’avoir à parler aux autres. Pas de bol pour moi, il est visiblement très intéressé par ma collègue, qu’il commence déjà à questionner. Je fais semblant d’écouter leur discussion, perdue dans mes pensées, mais relève subitement la tête lorsqu’il demande :

-          Et vous vous entendez bien Fanny et toi ? D’après ce qu’elle m’en dit, vous êtes plutôt proches !

Merveilleux.

Parfait.

Non, vraiment.

Pile la question qu’il me fallait.

-          Oui, elle est géniale, tu es très chanceux.

Elle finit la phrase en me fixant droit dans les yeux. Je déglutis et n’arrive pas à maintenir son regard plus de quelques secondes. Julien ne remarque rien et me serre la cuisse sous la table. Je me retiens à peine de soupirer en le voyant se comporter comme s’il avait gagné au loto.

-          Souvent je me dis que je ne la mérite pas.

Il se tourne vers moi et me dépose un baiser sur les lèvres. Une grosse vague de culpabilité, à peu près de la taille d’un tsunami m’envahit.

Le serveur nous apporte nos verres et je m’empresse de boire le mien cul sec. J’ignore les regards étonnés que me lancent les autres et repars dans mes pensées.

Après quelques minutes, je suis forcée de constater que Fanny/Erin semble être un sujet de choix, étant donné que c’est celui qui  est constamment ramené sur le tapis. 

Faut que je me casse d’ici.

-          Je… je me sens pas bien je reviens.

Perplexes, ils me regardent sans un mot me lever et m’enfuir vers le calme des toilettes. Un long couloir coudé m’y amène. Je me verse un peu d’eau sur le visage pour me rafraichir les idées, en faisant attention de ne pas mouiller mes cheveux blonds dans l’opération.

Le miroir me renvoie le reflet de quelqu’un qui a quelque chose à se reprocher et je sais que si je continue à faire n’importe quoi, ils finiront par s’en apercevoir. Je me refais une contenance et sors des toilettes. Arrivée au coin du couloir, je manque de rentrer en collision avec quelqu’un.

Erin.

Évidemment.

Rien ne se passe jamais comme prévu.

-          Ça va ?

Son ton inquiet m’irrite plus que ça ne devrait et je réponds du tac au tac :

-          À ton avis ?

Elle croise les bras et secoue la tête de gauche à droite, un air agacé sur le visage.

-          Tu peux pas continuer à faire ça.

Je sais. Mais le fait qu’elle se sente obligée de le dire m’énerve :

-          Désolée de ne pas être une aussi bonne actrice que toi.

Je m’approche d’elle jusqu’à rentrer dans son espace vital. Elle est légèrement plus grande mais j’essaie néanmoins de l’intimider. Ses pupilles se dilatent et j’observe avec intérêt les différentes émotions qui défilent dans ses yeux. Finalement, c’est l’énervement qui semble l’emporter :

-          Parce que tu crois que c’est facile ? Parce que tu crois que je l’ai voulu ? Je suis 100% pour laisser cet… incident derrière nous, mais vu comme tu te comportes, ça risque pas d’arriver !

-          Alors quoi ? On oublie ce qui s’est passé ?

Elle écarte les bras et les laisse retomber, secouant la tête. Après un haussement d’épaules, elle explique très lentement d’un ton que je ne parviens pas à déchiffrer :

-          Il ne s’est rien passé. 

Et moi qui me pensais de mauvaise foi. J’ai trouvé mon maître. Je n’arrive pas à croire qu’elle ait le culot de me sortir ça.

-          Comment tu peux dire ça ? Tu sais aussi bien que moi que ce n’est pas le cas. Vois où on en est, puis ose me regarder dans les yeux et me répéter qu’il ne s’est rien passé ! 

Elle semble hésiter puis se recule un peu, me laissant respirer. Elle humidifie ses lèvres, comme pour gagner du temps et demande d’un ton incertain :

-          Qu’est-ce que tu attends de moi ?

Que tu sois mon amie.

Que tu me foutes la paix.

Que tu sortes de ma tête.

-          Erin… Je… Je sais pas quoi répondre.

Elle pose sa main sur mon épaule et effectue de petites caresses de son pouce. L’énervement dans ses yeux s’est estompé et j’y vois de l’incertitude, des questions. Elle se mordille la lèvre de nervosité, avant de passer son autre main dans sa chevelure, m’envoyant un effluve de shampoing au passage.

-          Je ne veux pas que les choses restent comme ça entre nous. Tendues.

Mes doigts viennent jouer avec l’une de ses mèches de cheveux et je réponds le plus sincèrement du monde :

-          Moi non plus.

-          Alors dis-moi ! Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Qu’est-ce que je peux faire ?

Je déglutis et l’observe, indécise. Cette femme superbe, charismatique, intelligente… me demande, à moi, ce qu’elle doit faire ? Comment je suis censée savoir ?

Mon regard parcourt sa robe, ses épaules, son cou finement dessiné, ses yeux… ses yeux. Ses yeux qui sont ouverts et honnêtes, ces yeux qui me poussent à dire :

-          Embrasse-moi.

 Sa respiration s’arrête un instant, pour reprendre de plus belle, saccadée. Alors qu’elle ne réagit pas, l’énormité de ma demande me frappe en pleine tête.

Qu’est-ce qui m’a pris ?

Je m’apprête m’excuser lorsque quelque chose opère en Erin.

En une fraction de seconde, sa main sur mon épaule passe à l’arrière de ma nuque et m’attire à elle. Son corps vient se coller à moi et je me retrouve plaquée contre le mur, ses lèvres sur les miennes. Mon cœur explose dans ma poitrine et  je sens le sien battre à l’unisson. Son baiser à un gout de passion, d’envie et d’interdit. Sa langue caresse la mienne et je m’entends gémir. Mes bras s’enroulent autour de sa taille et l’amènent encore plus à moi, impossiblement proche. Son autre main agrippe ma hanche et m’attire à elle, tandis qu’elle glisse une cuisse entre mes jambes notre baiser gagnant en intensité.

Juste au moment où j’en veux plus, toujours plus, nous nous séparons, à bout de souffle.

Elle ne bouge pas d’un pouce et vient nicher son visage au creux de mon cou. Je la sens écarter mes cheveux et penche instinctivement la tête sur le côté pour lui laisser plus de place. Un frisson me parcourt alors qu’elle découvre ma nuque de ses lèvres et s’attaque ensuite à mon oreille. L’une de mes mains se mêle à ses cheveux, l’encourageant, tandis que l’autre est dans son dos, à descendre encore et toujours plus bas. Je n’ai pas la moindre idée de comment elle fait pour me procurer des sensations pareilles. J’ai l’impression d’être en ébullition, que chaque cellule de mon corps est concentrée là où elle porte son intérêt. Mes doigts franchissent  les quelques centimètres restants et se posent sur sa fesse, l’amenant plus à moi. Elle me murmure à l’oreille, sa voix faisant plus pour moi que n’importe quel préliminaire :

-          J’ai envie de-

Un lourd raclement de gorge l’interrompt et nous arrête net dans nos… activités. Je lève des yeux coupables en direction d’une vieille dame avec une grimace réprobatrice fermement en place sur le visage. Apparemment satisfaite d’elle, celle-ci me lance un regard déplaisant et continue son chemin.

Erin prend quelques secondes et se recule, me laissant une sensation de froid partout où elle m’avait touchée.

Au vu de son air étonné, je ne suis pas la seule à ne pas savoir quoi faire de la tournure des évènements. Elle semble retrouver une certaine contenance, lisse un peu les plis de sa robe, me jette un dernier regard confus et repars en direction des toilettes. Sans un mot.

O-kayyy….

Je passe ma langue sur mes lèvres, y sentant encore les siennes. J’ai l’impression que mes vêtements ont gardé son odeur…

Ce n’est pas la meilleure idée que j’ai eue.

Vraiment pas.

Un coup d’œil à la porte par laquelle elle a disparu me fait réaliser que je n’ai pas envie d’être là quand elle sortira. Ni de répondre aux questions que notre absence prolongée et retour simultané pourraient soulever.

Je retourne comme en transe à la table. Visiblement mon jeu d’actrice ne doit pas être au top puisque je lis l’inquiétude dans leurs regards.

Pile l’échappatoire qu’il me fallait.

-          Les gars, vous voudrez bien m’excuser auprès d’Erin s’il vous plaît ? Je me sens pas en forme, je préfère rentrer. Désolée Nico.

Je grimace intérieurement lorsqu’il pose une main sur la mienne et me dit d’un ton compréhensif :

-          T’en fais pas ma belle, ce sera pour une autre fois.

Alors que je réunis mes affaires, Julien me demande :

-          Tu veux que je te raccompagne ?

-          Non, ça va aller, j’ai mes clés. A tout à l’heure, amusez-vous bien.

Je fais demi-tour et me dirige vers la porte, faisant semblant de n’avoir pas vu Erin qui revenait des toilettes. J’ai l’impression d’effectuer la marche de la honte, celle qu’on fait en se réveillant dans le lit d’un inconnu au matin et qu’on essaie de se tirer sans être remarquée. C’est exactement ce que je ressens en ce moment.  

Mon cœur bat la chamade jusqu’à ce que je sois sortie du restau. Ce n’est pas très sympa de ma part d’avoir laissée Erin en plan avec eux deux, mais elle gérera surement mieux que moi.

Mes pas résonnent sur le pavement tout le long du trajet du retour.

Je suis vraiment blonde… Comment j’ai pu lui demander de m’embrasser ?

Sérieusement ?

Je sais bien que je ne suis pas la reine de la planification, mais même pour moi c’est crétin là ! Dès que j’arrive à la maison, je me renseigne sur une possible greffe de cellules grises, c’est un cas d’extrême urgence, quelqu’un doit pouvoir m’aider !

Et demain ça va donner quoi au boulot ?

« Coucou Nico, ça va ? Ouais moi ça va merci. Dis, t’aurais pas vu ta copine qui se trouve être ma collègue de bureau ? Nan parce que j’ai super envie de rouler une grosse pelle à quelqu’un, et maintenant que je sais qu’elle est d’accord et qu’en plus elle est douée, tu vois… ».

J’ai vraiment hâte d’y être.

 

* *  * * *

 

Avant que quelqu’un me fasse la réflexion, que ma chemise soit de l’exacte couleur des murs et mon pantalon de l’exacte couleur des sols est le fruit d’une pure coïncidence.

Non, vraiment.

Rien à voir avec le fait que j’avais autant envie de venir travailler que d’aller faire des galipettes avec notre charmant concierge.

Erk, mais pourquoi je me mets des idées aussi dégueu en tête !

J’arpente les bâtiments de la fac à une heure bien plus matinale que nécessaire dans l’unique but de ne pas avoir à croiser Erin. Pas très courageux, certes, mais j’ai jamais prétendu l’être hein !

Et inutile de me faire la morale, c’est le seul plan auquel je suis parvenue qui ne se termine pas en drame. Me cacher et attendre.

Un coup d’œil dans le couloir à droite, puis à gauche… vide. Parfait. Je place mon oreille contre la porte et écoute, juste au cas où. Heureusement que personne n’est là parce que je ne vois pas comment je pourrais expliquer ça sans passer pour une cinglée. Satisfaite du silence que j’entends, je pénètre dans mon bureau. Éclairée par la seule lumière du jour levant, la pièce à un aspect quasiment irréel. Les stores projettent les ombres des lamelles au mur, et je reste un moment à les contempler, comme hypnotisée.

Je secoue la tête pour me sortir de ma torpeur et me dirige vers mon bureau. J’attrape les papiers que j’avais eu l’intelligence de laisser en évidence hier, les fourre dans ma sacoche et la referme.

 

Clic.

 

Clic ?

Comme dans « clic la porte vient de se refermer » ?

Je ferme les yeux et attends, n’osant pas me retourner. Si on ne tente pas de m’égorger dans les trente secondes qui suivent, c’est que ce encore pire que cela et que c’est Erin qui se tient derrière moi.

J’entends un sac être posé à terre et je ne bouge pourtant pas d’un poil. Peut-être qu’avec un peu de bol je pourrais passer pour un meuble, ou un élément du décor.

Lorsque je sens un corps indéniablement féminin se placer dans mon dos, je réalise que mon plan a lamentablement échoué.

Il me reste l’espoir que ça soit une serial killer femme, qui est juste étonnamment amicale avec ses victimes. C’est possible hein !

Des mains chaudes se posent sur mes hanches, et le parfum d’Erin parvient jusqu’à mes narines. Elle écarte mes cheveux du bout du nez et rapidement son souffle caresse ma nuque.

Le traitre qu’est mon système nerveux me fait frissonner et j’entends ma collègue sourire devant ma réaction.

Sa voix est sensuelle à mon oreille :

-          T’es partie vite hier soir…

Et mes raisons étaient très bonnes… mais là, avec mes mains figées sur ma sacoche et son corps délicieusement plaqué contre le mien, elles m’échappent. Malgré tout, je finis par sortir un pas très convaincant :

-          Je me sentais pas bien.

-          Tu aurais dû me le dire, je t’aurais fait des bisous qui guérissent…

Ok, c’est le moment de dire non.

J’ai dit dire non, pas imaginer qu’elle les fasse.

Mais arrête d’imaginer !

J’arrive (non sans mal) à reprendre le dessus sur mes pensées, mais reste pourtant immobile, comme pétrifiée.

Ses lèvres parcourent l’étendue de peau que ma chemise ne couvre pas et bientôt je la sens me mordiller à cet endroit. Mes mains resserrent leur prise sur mon sac et je suis partagée entre m’enfuir à toutes jambes et succomber aux signaux que m’envoie mon corps.

Ses mains se détachent de mes hanches et passent sur mon ventre, sous ma chemise, pour terminer leur course sur mes seins. Malgré mon soutien-gorge, et ne peut que les remarquer demander de l’attention.

Je sais que je devrais l’arrêter, qu’elle dépasse de très loin les limites que j’avais choisi de mettre en place, qu’elle brûle clairement les étapes, j’en ai conscience, pourtant…

J’amène mes mains sur ses avant-bras et au lieu de la repousser, je me surprends à venir appuyer ses caresses, à faire pression.

Erin me fait me retourner, si bien que je lui fais face. Je lis le désir dans ses yeux et je me sens soudainement puissante et belle, tellement belle.

Sans réfléchir, mes doigts vont aux boutons qui maintiennent ma chemise fermée et commencent à les défaire.

Voyant ça, elle sourit d’un air coquin avant de lever un sourcil, comme pour me défier de continuer. Elle s’approche de moi et frôle mes lèvres des siennes, sans jamais vraiment me toucher, m’encourageant à faire le pas décisif, à prendre ce qu’elle m’offre. Je résiste pourtant et me recule à peine, juste assez pour qu’elle puisse constater que je poursuis dans ma lancée.

Une fois que j’ai terminé, j’écarte les pans de ma chemise et l’observe tandis que son regard parcourt le haut de mon corps. Ma main droite se pose alors, incertaine, sur sa hanche pour l’attirer à moi…

Erin le voit forcément, mais elle me demande néanmoins :

-          Tu es sûre ?

Pour toute réponse, je l’embrasse.

Je gémis de dépit lorsqu’elle se recule légèrement. Elle me dit :

-          Tu vas être en retard.

-          M’en fous.

Je tente de l’amener à nouveau contre moi, ayant un besoin viscéral de sentir son corps, mais elle s’empare de mes épaules et se met à me secouer comme un prunier.

-          Tu vas être en retard !

-          Mais qu’est-ce que-

-          Bouge-toi chérie, tu vas être en retard !

 

Mon esprit sort soudainement de la brume en prenant conscience que la voix que je perçois est masculine. Mon corps continue d’être secoué et j’entends à nouveau :

-          Fanny, grouille-toi bordel, t’as vu l’heure ?

Je cligne des yeux plusieurs fois et réalise que Julien est en train de me remuer.

-          C’est bon ! Je suis réveillée, c’est bon ! … Merci.

Je m’efforce de lui faire un sourire. Apparemment satisfait, il se lève, non sans marmonner un « pas trop tôt » dans sa barbe.

 

Un rêve.

 Un putain de rêve.

Mon Dieu.. J’y crois pas.

Comme si je n’étais pas assez dans la merde comme ça.

Je vois déjà mon slogan : Erin, j’en rêve.

Au sens propre.

J’ignore la suggestion de mon esprit qui insinue que le sens figuré n’est peut-être pas si hors de propos et passe mes mains sur mon visage dans le secret espoir que ça me change les idées.

Laissez-moi vous dire que ça ne fonctionne pas.

Un coup d’œil au réveil me signale que je suis déjà en retard. Mais là, franchement, je n’ai pas envie d’être responsable. J’ai annoncé que je me sentais mal hier, je crois bien que ma maladie imaginaire vient de me frapper de plein fouet. Je suis supposée me rendre tôt à l’université pour faire des papiers, mais je n’ai qu’un petit cours plus tard… J’imagine qu’il y’aura un des assistants qui pourra me remplacer.

J’attrape mon téléphone portable sur la table basse et compose le numéro du plus gros lèche-cul à ma disposition. Espérons qu’il soit dispo. Je laisse transparaître ma fatigue et mon agacement dans ma voix, ça me donnera un air malade. 

7 octobre 2012

Chapitre 3

-          Au revoir.

 Assise sur mon bureau, j’attends que mes élèves aient tous quitté la salle pour fermer la porte. Malheureusement, cette opération, relativement simple en théorie se révèle très délicate en pratique. Certains sont prêts cinq bonnes minutes avant l’heure et se ruent vers la sortie à la seconde ou le cours se termine. Et d’autres… Bah ils discutent et rangent leurs affaires avec un soin méticuleux qu’ils feraient mieux d’investir dans leur brossage de dents.

Quoi ?

On est lundi, il est 10h du mat’ et ils puent du bec ! Je les aime bien, mais pas de là à partager leur nuit et petit déjeuner par haleine interposée.

Bref, je fais étalage de toute la patience dont je dispose quand j’aperçois Nico entrer dans la salle et s’approcher. Je ne savais pas qu’il avait cours ici !

Il pourrait presque passer pour un élève, avec son style « coiffé par une catastrophe naturelle » et sa chemise partiellement déboutonnée. Après il s’étonne que toutes les femmes du coin soient en pâmoison. Un homme sexy qui dévoile un peu de chair, ce n’est pas tous les jours qu’on observe ça à la fac.

Contente de le voir, je demande :

-          Salut toi ! La forme ?

Il s’approche et m’embrasse sur la joue avant de poser sa sacoche sur le bureau.

-          Crevé, j’ai pas dormi de la nuit ! Et toi ?

-          Ça va. Enfin… Comme un lundi !

Son sourire me donne une partie du courage qui me fait cruellement défaut pour affronter la journée. Curieuse, je le questionne d’un air coquin :

-          T’as fait des folies de ton corps ?

Je me demande si c’était la  bonne chose à dire en le voyant se renfrogner un petit peu :

-          Nan. J’aurais préféré pour ne rien te cacher. J’arrivais pas dormir.

Cette remarque fait qu’un de mes sourcils se lève de son propre chef. Monsieur sieste instantanée à des insomnies ? C’est nouveau.

Pour l’anecdote, il s’est déjà endormi sur la banquette arrière de ma Twingo alors qu’on avait mis les ceintures et qu’il avait donc une bosse et deux boucles qui lui perforaient l’abdomen. Ceux qui ont tenté l’expérience voient de quoi je parle !

On quitte la salle côte à côte pour sortir du bâtiment.

-          Comment ça se fait ? C’est pas ton style !

-          Je sais ! C’est juste que…

Visiblement pas très à l’aise, il regarde autour de nous et se frotte l’arrière de la nuque avant de dire :

-          Elle me rend dingue Fanny. Je fais que de penser à elle. Si ça se trouve, j’ai pas la moindre chance.

Oh.

Pas besoin de lui demander, j’ai deviné de qui il parle. Brune, cheveux mi-dos, traits fins, yeux pénétrants, environ 1m75, sympa, intelligente, belle à tomber ce qui ne gâche rien… Dans le genre devinette on a déjà fait beaucoup plus difficile.

J’avoue que je suis dans une position délicate. J’aurais adoré jouer les entremetteuses pour Nico mais…

Le problème est que je m’entends à merveille avec Erin et que tout le monde sait qu’on est très proches. Seulement depuis la fois où j’ai abordé le sujet « Nico », ce n’est jamais revenu sur le tapis. J’ose pas trop insister auprès d’elle de peur d’être trop flag et mon meilleur ami est persuadé que j’en sais plus que ce que je veux bien dire.

Voyant qu’il n’attend que ça, je me résigne et propose :

-          Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ?

Un sourire radieux vient immédiatement illuminer son visage. Je suis sure qu’il jouait les cendrillons dans le seul espoir que j’aie cette réaction-là.

-          Tu pourrais tâter le terrain, recueillir des informations… Fin tu vois.

Je lui lance ma plus belle version de « l’air blasé ». Sérieusement, comme si je n’avais pas déjà tenté ça.

-          Tu me prends vraiment pour la pire des amies. J’avais réussi à aborder le sujet l’air de rien, mais on a été interrompues.

-          Oh merde ! Il s’est passé quoi ?

-          Gordoz aka « Le concierge pervers » est arrivé.

Nico écarquille grand les yeux et me demande d’un air choqué :

-          C’est de là qu’est partie cette rumeur de ménage à trois ?

Face à sa question, j’éclate de rire. Si je n’étais pas en pleine rue, je m’en roulerais par terre.

Vu sa tronche, je suis sûre qu’il nous imagine en train de dire qu’on aimerait bien faire un sandwich avec lui comme office de beurre entre nous.

-          Il s’est juste fait des films parce qu’Erin m’a taquinée…

Il a presque l’air déçu lorsqu’il répond :

-          Ah ok.

Mon meilleur ami se reprend très vite et ajoute :

-          Donc t’acceptes ?

Je lève les yeux au ciel avant de parler :

-          Oui… Mais il me faut un plan.

-          Bah je sais pas moi, concocte une soirée entre filles ! Vous pourriez parler coiffure, vous mettre du vernis à ongles etc. et entre deux sujets tu glisserais un mot sur moi.

En entendant ça, mon visage perd le soupçon de joie qu’il possédait encore. C’est une blague ?

-          Nicolas Estes, serais-tu en train de suggérer que j’organise un genre de pyjama party pour les plus de 25 ans ?

Son sourire désolé est mon unique réponse.

-          Laisse tomber, je vais me débrouiller toute seule.

 

Bon… J’imagine que tout repose sur moi. Super Fanny à la rescousse. Plus qu’à trouver un plan

 

            *          *          *          *         

 

[Quelques jours plus tard]

 

Je rejoins Erin à la cafétéria, comme le post-it qu’elle avait abandonné en évidence sur mon ordi le demandait. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi elle continue à me laisser des petits mots, on traîne tellement souvent là-bas que je m’étonne que l’administration n’ait pas encore proposé d’y déplacer notre bureau.

Après un court trajet, j’arrive et souris immédiatement. Malgré l’heure tardive, Erin est en grande discussion avec trois élèves, tous masculins, comme par hasard. Ses cheveux sont lâchés et tombent sur ses épaules en fines vaguelettes. On dirait une star de ciné qui rencontre ses fans. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle raconte, mais ils boivent ses paroles. Sauf peut-être celui le plus à droite, qui semble plus faire la conversation à ses seins qu’à elle.

Tiens, et si je proposais à Erin une autre séance de jet-ski et faisais payer les élèves en échange des informations « où & quand » ? Je suis persuadée que ça arrondirait bien mes fins de mois ! Faut savoir se serrer les coudes entre collègues !

En parlant de ça, je dois trouver le moyen d’aborder le projet « pseudo pyjama party »…

Souriant intérieurement, je me dirige vers la machine à café et choisis, attendant patiemment que mon breuvage soit prêt. Bien sûr, j’en profite pour écouter discrètement ce qui se dit à la table d’Erin.

Mon opération d’espionnage tombe rapidement à l’eau étant donné que j’ai à peine commencé à tendre l’oreille que j’entends ma collègue s’exclamer :

-          Ahh Fanny, te voilà !

-          Oui, désolée de t’avoir fait patienter !

J’attrape mon café et m’approche d’elle. Comprenant qu’il est temps pour eux d’évacuer les lieux, les étudiants nous saluent hâtivement et s’en vont.

Mes fesses viennent s’écraser sur la chaise en plastique dur perpendiculaire à celle d’Erin et je fais un petit sourire en coin. Elle ne résiste pas et demande immédiatement :

-          Quoi ?

-          Des admirateurs peut-être ?

Elle lève les yeux au plafond et rétorque :

-          Tu vois le mal partout ! C’est pas parce que toi tu es fan de moi que tout le monde doit l’être !

Devant son air fière d’elle, je décide de jouer le jeu, elle ne peut pas s’en tirer comme ça :

-          Justement, on se reconnait entre nous ! Ils font partie du même club que moi ! Et puis tu vas me faire croire qu’ils passent de manière régulière dans notre bureau pour réellement obtenir des infos supplémentaires ? S’il te plaît, je les ai eus dans mon cours l’année dernière et je suis persuadée qu’ils ignorent jusqu’à mon nom !

-          Ou alors ils étaient trop impressionnés par ta beauté et ton incroyable charisme pour oser se présenter devant toi !

Je sais qu’elle plaisante, mais je rougis quand même. Le pire, c’est qu’elle le voit. Je fais comme si de rien n’était et continue la conversation :

-          Et sinon quoi de neuf ?

Ma collègue passe sa main dans ses longs cheveux bruns, ce que j’ai appris à identifier comme signe de stress, avant de répondre :

-          Trop rien. Nico est venu m’inviter à boire un coup ce soir !

J’écarquille les yeux à cette nouvelle. Wow, une paire lui a poussé pendant la nuit ou quoi ?

Peut-être qu’il trouvait que je prenais trop de temps !

Ne sachant pas trop quoi ajouter à ça sans vendre la mèche, je décide de demander dans un sourire :

-          C’est plutôt cool non ?

-          Oui oui !

Un léger silence s’installe. On en profite pour boire nos cafés. Alors que je me lève pour mettre mon gobelet à la poubelle, j’aperçois le concierge qui tente visiblement de nous espionner.

Depuis la dernière fois, c’est devenu notre jeu préféré de lui faire croire qu’on est réellement plus que de bonnes amies. On a vite réalisé qu’il s’arrangeait toujours pour être dans les parages dès qu’on est toutes les deux. Ça nous amuse beaucoup et au fond on fait plaisir au pervers en le laissant fantasmer ce qu’il veut. Je me tourne en direction d’Erin et bouge mes sourcils, code pour « Gordoz nous mate ».

Immédiatement, elle me lance un sourire séducteur et se lève pour aller vers moi. Elle jette son gobelet à son tour, me fixant. D’un mouvement d’œil, j’indique dans quelle direction notre « ami » se trouve. Erin s’approche de moi et me déclare :

-          Tu m’as manqué aujourd’hui.

-          Toi aussi.

Je pose mes mains sur ses côtes et vais à elle, comme si je comptais l’embrasser, le tout en faisant la pire grimace qui me vient en tête. Miraculeusement, elle arrive à garder son sérieux, place une main sur mon épaule et dit d’un air conspirateur :

-          Pas ici, on pourrait nous voir.

Étant de dos, je peux me permettre de raconter ce que je veux sans risquer d’être trahie par le grand sourire qui orne mon visage. Du coup, j’en profite, j’espère qu’elle est prête. Ma voix adopte un ton séducteur lorsque j’annonce :

-          Je m’en fous… Lâche-toi un peu. J’ai envie de toi…

Je me colle contre elle et la regarde, satisfaite de moi. Je retiens avec difficulté le petit rire qui menace de s’échapper. C’est plus drôle que les impros qu’on faisait aux cours de théâtre !

Je me demande comment elle va réagir. Je sais que c’est mal de torturer ce pauvre type, mais c’est trop bon !

Alors que je ne m’y attends pas du tout, Erin me met une main aux fesses et me lance d’un air pseudo pressé.

-          Ok. Au bureau.

Elle enlace ses doigts aux miens et se dirige d’un pas rapide vers la sortie de la cafétéria. Du coin de l’œil, j’aperçois Gordoz qui nous fixe, tapi dans l’ombre, un grand sourire sur le visage.

On arrive dans le bureau et Erin s’empresse de fermer les persiennes pour les rendre opaques. Quant à moi, je me contente d’éclater de rire !

-          T’as vu sa tête ?

-          J’ai pas trop osé regarder ! Tu crois qu’on était crédibles ?

J’attends que mon fou rire passe un peu pour lui répondre :

-          Ouais ! Surtout la partie ou tu me tripotes ! D’ailleurs, avoue, en réalité c’est toi qui le paies pour faire ça, comme ça tu peux en profiter !

Pour ajouter de la crédibilité à ma ridicule accusation, je la pointe du doigt.

Erin me lance un grand sourire et s’assied dans son fauteuil avant de rétorquer :

-          Mais tout à fait ! Soit dit en passant ses tarifs sont très raisonnables !

Je lui jette un regard amusé.

Je suis contente d’être tombée sur elle. On s’entend à merveille et excepté le fait que tous les mecs alentour tentent leur chance ce qui fait qu’on est rarement tranquilles, c’est franchement cool de l’avoir comme collègue.

Je vais m’asseoir à mon poste de travail et l’observe discrètement. Je crois que le pire dans cette histoire, c’est qu’elle sait qu’elle n’est pas moche, mais pas qu’elle est vraiment belle.

L’autre jour elle m’a sorti qu’en général les femmes ne l’aimaient pas. En même temps, Erin filerait des complexes à Shay Mitchell.

Elle remarque que je l’observe et secoue sa chevelure dans un mouvement volontairement surjoué. Elle effectue une moue que je n’ai vue que sur les affiches de films pornos et dit :

-          Tu vois quelque chose qui te plaît poupée ?

Riant, je saisis la gomme qui traine sur mon bureau et la lui lance, visant la tête ! Elle l’attrape en plein vol et réplique :

-          Dommage, pendant un instant j’ai cru que c’était tes sous-vêtements !

Je souris malgré moi. Elle est stupide ! Et à chaque fois, elle arrive à avoir le dernier mot. Mais un jour, un jour, je l’aurai !

 

*          *          *          *

 

[Le lendemain]

 

Je retourne au bureau de très mauvaise humeur, n’ayant pas du tout envie de me trouver là.

 

Aujourd’hui est l’anniversaire de notre emménagement ensemble, ainsi que celui de nos deux ans à Julien et moi.

Je pensais passer la soirée avec lui et fêter ça, j’imaginais qu’il m’avait réservé une petite surprise.

Remarque, sur ce point-là je n’avais pas tort. Non seulement il avait oublié, mais en plus il a organisé un tournoi de jeux vidéo dans notre salon à la place. Et apparemment ce genre de choses, ce n’est pas possible de les annuler. Surpriiiise !

Alors oui, je suis d’une humeur plutôt massacrante et déçue de mon mec.

Je sais que la routine qui nous domine et le fait qu’il ne trouve pas de travail minent notre couple, mais pas de là à manquer de célébrer le jour de notre rencontre… Enfin, je croyais.

Pour arranger le tout, ma journée de cours a été pourrie. Du coup, j’ai bien l’intention de rester à la fac jusqu’à ce qu’on vienne me demander de partir. Pas envie de le voir.

« Tu peux passer la soirée avec nous, on a plusieurs manettes en trop » qu’il a même osé me dire. Et j’en ai rien à faire qu’il propose de se rattraper demain soir, parce que je ne compte pas être là. C’était aujourd’hui ! Et il est hors de question que je participe à quoi que ce soit ce soir, plutôt passer la nuit sur ma chaise de bureau !

Une larme, de tristesse ou d’énervement coule le long de ma joue.

Je lève la tête en entendant Erin rentrer dans la pièce. Pour une fois, je n’ai pas pu prédire son arrivée au son des talons. J’essuie rapidement mon visage et esquisse un sourire qui doit être assez laid étant donné qu’il ne possède pas une once de sincérité. Elle accroche sa veste au porte-manteau et tout en se retournant vers moi, lance :

-          Coucou, comment ça – oula qu’est-ce qui se passe ?

Malgré tous mes efforts, un vrai sourire parvient à s’échapper. Je ne sais pas comment elle fait, c’est peut-être la tête d’abrutie finie qu’elle produit lorsqu’elle est étonnée, mais en tout cas un peu de mon énervement s’en va en la voyant.

J’hésite à lui raconter, étant donné que mes déboires de couple ne la regardent pas vraiment. Attendant toujours ma réponse, elle s’approche et s’accroupit de mon côté du bureau, prenant ma main gauche entre les deux siennes.

Je me mordille la lèvre en l’observant, tâchant de me décider. Ses cheveux quasi noirs reluisent à la faible lumière de ma lampe de bureau et ses yeux ne me quittent pas du regard.

Elle lève le bras et d’un mouvement du pouce vient essuyer une autre larme.

Mes glandes lacrymales sont des traîtresses.

Elle garde le silence et me regarde avec compassion sans même savoir ce qui se passe. J’ai honte d’être si bouleversée par cette histoire… C’est juste que j’attendais beaucoup de cette soirée. Je m’étais persuadée que ça allait rallumer la flamme, nous rapprocher…

Bien que je me sente à la limite du ridicule, je me décide à lui raconter ce qui m’arrive. Elle m’écoute en ne me quittant pas des yeux tout en caressant ma main.

Je finis d’un ton dépité :

-          … Et donc, voilà ! C’est stupide d’être dans un tel état juste pour ça, j’en ai conscience, mais… écoute, je… Je suis désolée d’être là, je ne savais pas où aller. Je ferais mieux de te laisser travailler.

Une fois que j’ai terminé, Erin me sourit et m’arrête alors que je viens de me mettre debout. Avant que je puisse dire quoi que ce soit, elle me prend dans ses bras et me serre fort contre elle.

Je me raidis au début, puis me relaxe et l’enlace à mon tour, posant ma tête sur son épaule. Elle se recule et saisit délicatement mon visage entre ses mains, me fixant droit dans les yeux :

-          La seule chose stupide ici, à part ton homme qui ne sait pas la chance qu’il a, c’est toi pensant que je vais t’abandonner comme ça. Tu vas effectivement quitter ce bureau, mais avec moi.

Son air ferme et déterminé me convainc immédiatement. De toute manière, rien ne peut être pire que la perspective de passer la soirée et la nuit cloîtrée à me morfondre.

 

  * * * * 

Après seulement quelques minutes de trajet, Erin ouvre la porte d’un bâtiment récent en laçant un « tadaaa » qui résonne dans la cage d’escalier. Je souris face à son enthousiasme et ne peux m’empêcher de me moquer un peu :

-          Tu habites dans un hall d’immeuble ?

Je regarde autour de moi, faisant mine de chercher quelque chose :

-          Dans le local à vélos peut-être ? C’est ça qui te rend si joyeuse ?

Elle se retourne et marche à reculons, certainement pour voir ma réaction lorsqu’elle dit avec un faux accent des pays de l’Est :

-          Nan, c’est d’avoir enfin pu t’attirer dans un endroit sombre !

Elle ponctue le tout en se frottant les mains d’un air ravi, commençant à monter les escaliers. Je souris et me prends au jeu :

-          Et moi qui pensais que nos plans à trois avec Nico te suffisaient…

Elle me fait un clin d’œil et s’apprête à répondre lorsqu’on réalise qu’il y’a une femme qui nettoie son palier et nous regarde d’un œil étrange. Comme si de rien n’était, Erin lui fait un signe de la tête et lance :

-          Bonjour Madame Simon.

-          Bonjour.

Ma collègue ouvre la porte de l’appartement voisin de celui de la vieille dame et à peine refermé derrière nous, éclate de rire. Sa bonne humeur est contagieuse et bientôt je ris à mon tour, m’adossant à la sortie.  

Entre deux gloussements, Erin parvient à me dire :

-          T’as vu sa tronche ? Heureusement que t’as pas sorti un truc trop trash !

-          Tu m’étonnes !

Je recule ma tête et me la tape par accident. Ma collègue ouvre de grands yeux et lance en souriant de plus belle :

-          Gaffe, entre nos rires essoufflés et les coups, elle va croire qu’on fait des choses contre la porte. S’il faut, elle est déjà derrière en train d’écouter.

Une idée me vient à l’esprit et dans un sourire diabolique je sors :

-          J’ai une soudaine envie de pousser de très gros gémissements !

Erin se met à rire de plus belle et je décide de la faire marcher un peu en prenant une grande inspiration et en ouvrant la bouche comme si je m’apprêtais effectivement à le faire.

En un clin d’œil, elle se jette sur moi et place sa main sur ma bouche.

-          Pas de bêtises, sinon tu ne verras pas la couleur de toutes les bonnes friandises que j’ai dans cet appartement !

J’écarquille immédiatement les yeux, intéressée. De toutes les menaces qu’elle aurait pu me faire, elle a choisi exactement celle qui fonctionne. Et si j’en juge par son petit sourire satisfait face à ma réaction, je crois qu’elle le sait. Elle n’ôte pas sa main tout de suite, me demandant au préalable :

-          Tu seras sage ?

Je hoche la tête de manière affirmative et Erin me libère.

-          Alors dans ce cas bienvenue chez moi !

Elle retire sa veste puis saisit la mienne, qu’elle range également. S’ensuit une courte visite guidée.

J’en profite pour glaner des informations :

-          Tu vis seule ?

-          Non, mon prince charmant imaginaire habite aussi ici, mais il ne prend pas beaucoup de place donc ça va, on est pas à l’étroit.

-          Très drôle !

-          J’essaie.

Vu qu’elle a réponse à tout, je décide de ne pas en rajouter. Son appart est un F2 bis alors on a vite fait le tour. Malgré tout, les pièces sont relativement spacieuses et l’ensemble est accueillant. J’aime assez sa déco, contemporaine mais chaleureuse.

Debout au milieu du salon, je l’entends déclarer depuis la cuisine :

-          J’ai arrêté d’acheter des meubles en carton-pâte, tu peux t’asseoir sur le canapé, il ne va pas céder, t’inquiète !

Minute, le carton-pâte ce n’est pas supposé être solide ? Ou bien c’est le matériau qui est utilisé pour les décors de théâtre, je sais jamais. Remarque l’un n’empêche pas l’autre.

Et on s’en fout en fait.

Sauf que non, maintenant ça m’intrigue, j’irais voir ça en rentrant !

Je m’assieds et attends bien sagement que ma gentille collègue revienne. J’en profite pour détailler les lieux. Visiblement madame aime la lecture… Mon regard continue sa route jusqu’à tomber sur une console de jeux. Ça me fait grimacer, pile au moment où elle pénètre dans le salon, plaque de chocolat à la main. Elle remarque très vite ce qui me fait avoir cette réaction et lance :

-          Je pense que si t’essayais, ça pourrait te plaire !

-          Te fatigue pas, Juju a déjà tenté. Tirer sur des gens, faire des courses de voiture, etc. ça va cinq minutes. 

Je la vois lever un sourcil en m’entendant dire ça :

-          Pas étonnant que t’aies des aprioris si c’est tout ce qu’il t’a montré. Y’a d’autres types de jeux tu sais ! D’ailleurs, je te parie que je pourrais t’en trouver un qui te plaise ! Mais pour ce soir, mes plans sont différents !

Perplexe, je la regarde tandis qu’elle pose le chocolat sur l’énorme table basse et se met à quatre pattes.

-          Tu fais quoi ?

-          Je cherche ton bonheur darling !

Son commentaire ne m’aide pas du tout, alors je l’observe ouvrir un à un les tiroirs qui font tout le tour de la table basse en silence. Elle se relève les bras chargés de bonbons et sucreries diverses.

Erin sourit gaiement en déposant le tout devant nous, fière d’elle. Elle se tourne vers moi et demande :

-          T’en dis quoi ?

Je fais semblant de regarder autour de moi, comme si je cherchais quelque chose, avant d’annoncer :

-          Que j’ai certainement loupé le panneau stipulant que j’entrais dans l’usine de Madame Willy Wonka !

Elle plisse ses yeux quasi noirs d’une manière qui pourrait être effrayante sans l’énorme sourire qui la trahit :

-          Willy Wonka est un homme, je pensais que lors de nos petites sauteries, mauvais jeu de mots voulu, tu avais remarqué que ce n’était pas mon cas ! Et c’est mieux que la chocolaterie ici, tu verras !

-          Je ne demande qu’à être convaincue.

Elle s’affale à mes côtés sur le canapé et me lance la télécommande. Heureusement qu’il me reste des réflexes sinon j’aurais les touches imprimées en hématomes sur le visage à l’heure qu’il est.

Ignorant totalement mon air outré face à l’attaque que je viens de subir, elle fait un geste de la tête en direction de la télé.

Je me mets à zapper, ne sachant pas trop pour quel programme opter.

-          Envie de voir quelque chose en particulier ?

-          Fais un tour, on choisira après !

Je me concentre, fronçant les sourcils et penchant la tête sur le côté comme si ça allait m’aider à trouver quelle sorte de truc je suis en train de regarder. Lorsque la caméra dézoome, je sens le sang me monter au visage et m’empresse de changer de chaine. Je fais comme si de rien n’était. Dans mon champ de vision, je vois Erin sourire :

-          Fanny, si un film porno est ce qu’il te faut pour te remonter le moral… Te gêne pas pour moi hein, chacune son truc.

Je lui lance un regard noir qui ne l’effraie pas du tout. Pas ma faute si c’était de tellement près que pendant un instant je me suis demandé ce que c’était. Plutôt que de continuer à commenter mes goûts télévisuels, je tente de changer le sens des choses :

-          La vraie question est « pourquoi tu as une chaine spécialisée non cryptée à cette heure de la journée ? ». Si tu veux en parler y’a pas de problème hein, chacune son truc !

Erin lève un sourcil et me sourit, avant d’admettre sa défaite devant le monument de répartie que je suis :

-          Tu marques un point ! Et j’adorerais en discuter avec toi !

Elle ponctue sa phrase d’un clin d’œil et fait remonter sa main le long de mon bras façon petit bonhomme qui marche. Le pire c’est qu’elle me sort des conneries pareilles de manière presque sérieuse. Si ses yeux ne trahissaient pas son amusement, je me poserais des questions.

Je secoue la tête en riant et observe l’écran. Le film sur lequel je me suis arrêtée à l’air normal, ou à peu près. Je ne sais pas ce que c’est vu que la chaine indique juste l’heure de fin du programme et n’offre aucun résumé. Je me tourne vers Erin, à genoux sur le canapé et grignotant du chocolat et demande en montrant la télé d’un mouvement de la tête :

-          Ça te convient ?

-          Ouep.

Le film avait déjà commencé alors j’essaie de comprendre l’histoire.

Y’a deux nanas dans un appartement, et l’une des deux va sous l’évier pour récupérer une boucle d’oreille tombée dans le siphon. Pour l’instant rien de vraiment passionnant.

Je m’installe plus confortablement aux côtés de ma collègue et continue de regarder. Ah, ça y est, elles l’ont trouvée. Alors que j’observe la scène, quelque chose me chiffonne, comme s’il y avait un point qui m’échappait. C’est assez agaçant, cette impression de rater quelque chose.

Je saisis le morceau de chocolat qu’Erin me tend et suis l’action, qui se passe à présent dans le salon. La plus féminine des deux montre un tatouage à l’autre, presque sur son sein.

Apparemment, tout le monde n’est pas aussi pudique que moi.

J’ai du mal à entendre ce qu’elles disent et donne une tape sur la cuisse d’Erin pour qu’elle arrête de faire du bruit avec l’aluminium du Côte d’or. Je monte le son, approche le chocolat de ma bouche, croque un bout et ouvre des yeux ronds.

Euh…

Je tousse légèrement pour masquer mon inconfort et déloger le chocolat parti dans le mauvais trou tandis que ma collègue éclate de rire devant ma réaction.

A l’écran, l’une des femmes a pris la main de l’autre et vient de la glisser sous sa jupe.

En dix minutes passées avec Erin, j’ai plus rougi que ces trois dernières années. Pour, une fois de plus détourner l’attention, je demande :

-          C’est étrange, quoi que je mette, c’est un truc douteux. Ça sent le coup monté.

Erin pose le chocolat sur la table basse et se tourne pour s’approcher de moi d’un air prédateur. Je souris en imaginant quelle connerie elle s’apprête à me sortir. Et je ne me trompe pas, vu que quelques secondes plus tard, elle passe son bras dans mon dos, m’attirant contre elle et lance avec son faux accent de l’Est :

-          Pas de témoins. Fanny faire ce que je veux maintenant !

Ses yeux sont rieurs et je décide de continuer la mise en scène. Notre jeu est débile et ne fait rire que nous (en même temps, étant donné qu’on est les seules au courant, c’est normal) mais l’essentiel est que je n’ai pas eu de pensées dépressives depuis qu’Erin est entrée dans le bureau.

Je me jette dans ses bras et lance d’un ton équivoque :

-          Oh oui, prends-moi !

Erin ne s’attendait pas à ce que je fasse ça et tombe à la renverse, m’entrainant dans sa chute.

Je suis affalée sur elle, ma tête au creux de son cou. Son bras est toujours dans mon dos et je sais qu’elle rit à la façon dont son corps gigote sous le mien. Elle murmure dans mon oreille :

-          Bien vu, tu m’as eue !

Je me redresse légèrement et m’arrête lorsque quelques centimètres seulement séparent nos deux visages. Je me sens d’humeur joueuse aujourd’hui et me mords la lèvre dans un geste pseudo sensuel. Ce n’est pas tous les jours que j’arrive à la surprendre, alors j’ai bien le droit d’en remettre une couche.

Erin sourit et secoue la tête. Son bras dans mon dos remonte jusqu’à ce que sa main vienne se nicher dans mes cheveux.

Curieuse de voir ce qu’elle va faire, j’attends sans bouger. Elle prend une grande inspiration, approche ses lèvres des miennes, suffisamment pour que j’aie un petit moment de doute, et me sort :

-          Tu n’es pas encore prête, poupée !

J’explose de rire et retombe sur elle, contente d’entendre un « omph » de surprise. Ça lui apprendra à jouer avec mes nerfs.

Je croise les bras juste sous son cou et pose mon visage sur ceux-ci, toujours allongée sur elle. Si elle meurt écrasée ce sera bien fait ! En attendant elle est plutôt confortable !

Une fois calmée, je relève doucement la tête et l’observe. Ses yeux sont humidifiés par des larmes de rire, accentuant leur intense couleur. Du bout du pouce, je viens délicatement essuyer sa joue. J’en profite pour étudier des petits détails de son visage, ses pommettes légèrement saillantes, ses sourcils bien dessinés, ses longs cils…

Puis son regard capte le mien et le silence se fait.

Ni elle ni moi ne rions plus. Ma mère m’a toujours dit que c’était impoli de fixer les gens, mais je suis incapable de détacher mes yeux d’elle, tandis qu’elle me sonde.

Quelque chose change, je ne sais pas quoi, mais l’atmosphère est différente. J’ai oublié comment on en est arrivé là, mais à cet instant je m’en fous royalement, il ne reste plus qu’elle et moi, et c’est tout ce qui compte. 

Je ne souris plus, elle non plus.

J’ai conscience de sa main dans mes cheveux et mon attention dérive vers sa bouche.

Elle passe sa langue sur ses lèvres, sans s’en rendre compte. Captivée, je capture à nouveau son regard et ne résiste pas en sentant ses doigts exercer une légère pression à l’arrière de mon crâne.

Je m’abaisse jusqu’à ce que mes lèvres frôlent les siennes, sans tout à fait les toucher, nos souffles se mêlant. Sa respiration est rapide, tout comme la mienne. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’on est en train de faire.

J’ignore ce que me hurle la raison et, comme en transe, m’apprête à franchir le dernier espace qui nous sépare, peu importe les –

 

¯Have I been blind
Have I been lost
Inside myself and
My own mind
Hypnotized
Mesmerized
By what my eyes have seen
¯

 

Je me recule brutalement, laissant à coup sûr une partie de mes cheveux dans l’opération, mon cœur battant la chamade. Mes yeux font tout pour éviter les siens tandis que je me penche pour saisir mon téléphone portable sur la table basse.

Une énorme vague de culpabilité me traverse en voyant le nom de Julien s’afficher à l’écran.

Sans réfléchir, je décroche. J’attends qu’il parle, passant ma main sur mon visage.

Bon Dieu !

Immédiatement, j’entends sa voix familière :

-          Fanny, je suis désolé. Vraiment. Je… Je me suis comporté comme un connard. J’ai annulé pour ce soir. Je sais que j’ai merdé. Mais s’il te plaît… S’il te plaît, reviens à la maison. Laisse-moi une chance de me rattraper.

J’essaie de me composer suffisamment pour formuler une réponse cohérente, tandis qu’il reprend de plus belle.

-          Dis quelque chose… Peu importe où tu es, si tu veux je viens te chercher et… On pourrait manger au restau, ou se mater un ciné… On fera ce dont t’as envie !

Je jette un coup d’œil à Erin qui s’est redressée sur le canapé et prend ma décision :

-          Je vais rentrer. Donne-moi une demi-heure.

Je raccroche, n’ayant pas le cœur à entendre son soupir de soulagement.

Erin pose sa main sur mon épaule et je me raidis involontairement. Gênée, elle se recule. Elle passe sa main dans ses cheveux, la même qui se trouvait dans les miens il y a moins d’une minute. Après quelques secondes de silence, elle se racle la gorge et dit :

-          Fanny, je… je suis -

Ma main se lève pour l’interrompre. Je sais pas ce que c’était que ce truc entre nous mais je ne veux pas en parler.

Pas maintenant, pas plus tard. Jamais.

Je me tourne dans sa direction, évitant soigneusement son regard et lance :

-          Je ferais mieux d’y aller.

Elle hoche la tête en silence.

Je me mets debout et défroisse les plis imaginaires de mon pantalon, avant de me diriger vers la porte d’entrée. Ce n’était pas comme ça que je pensais que se finirait la soirée.

Elle se tient debout à mes côtés, ses cheveux bruns légèrement en bataille, mais superbe malgré tout. Bien que j’aie envie de m’enfuir à toutes jambes et sans un mot, je sais que ce ne serait pas correct. Ce soir, Erin a été plus qu’une collègue pour moi. Elle m’a écoutée et a pris soin de moi alors que rien ne l’obligeait à le faire. Les mots me manquent alors je me contente d’ouvrir la porte, me retournant pour lui glisser :

-          Merci.

Alors que j’effectue une retraite plus que rapide dans les escaliers, je l’entends murmurer d’un ton triste :

-          Pas de quoi. 

7 octobre 2012

Chapitre 2

 

Je retire ma veste d’été et l’accroche à la patère dans l’entrée. J’effectue un demi-tour rapide, manquant totalement de grâce et sursaute en voyant Julien planté devant moi, un grand sourire aux lèvres.

-          Coucou chérie, comment ça va ?

Avant que je puisse répondre, il me plante un baiser sur les lèvres et se recule, passant une main dans ses courts cheveux bruns, comme nerveux.

Je dois dire que cet accueil est plutôt surprenant. D’habitude, au mieux il me fait un signe depuis le salon. J’imagine que je ne vais pas tarder à connaître la raison de sa bonne humeur.

-          Ça va et toi ?

-          Nickel, regarde ça !

Il farfouille dans la poche arrière de son jeans et en sort une enveloppe ouverte, de laquelle il extirpe deux bouts de papier et une lettre.

J’attrape sa main dans la mienne pour qu’il cesse d’agiter devant mon nez ce qui ressemble à des tickets. J’ai beau avoir une bonne vue, à moins de deux centimètres de mon visage et en mouvement, j’ai du mal à lire ce qui est écrit.

Je prends l’une des invitations et l’observe attentivement. C’est visiblement un coupon pour une entrée gratuite à une exposition automobile.

Le voyant sautiller de joie, je ne peux m’empêcher de sourire. On dirait un gosse. Il finit par me demander :

-          C’est cool hein ?

Il court dans le salon et revient, me montrant un magazine qui tombe en miettes.  Au moins, il l’aura lu avec attention celui-là.

Du bout du doigt, il me pointe l’article qui stipule qu’un concours sur internet peut permettre de gagner des entrées gratuites.

-          Mate ! J’ai gagné !

-          C’est bien, je suis contente pour toi.

Ça me fait plaisir pour lui mais je m’en fous un peu. J’avoue que les voitures, j’aime pour le côté pratique. Le reste je n’y porte qu’un intérêt modéré. Si vous l’aviez entendu me parler de mécanique à longueur de journée, vous aussi seriez peut être blasés.

Je le contourne et me rends dans la cuisine, étant donné que le diner ne va pas se faire tout seul. Les rares fois où il a tenté de s’y mettre, j’ai par la suite souhaité qu’il n’ait pas fait l’effort. Vous voyez quand les enfants font semblant de faire la cuisine et mettent n’importe quoi dans une casserole ? Et bien lui fait pareil, sauf qu’il s’attend à ce qu’on le mange après.

 

Alors que je fouille les placards à la recherche d’une idée de repas, Julien me suit à la trace. Au bout de quelques minutes durant lesquelles ses yeux bruns me fixent, il demande d’un air incertain :

-          Tu voudras venir avec moi ?

Vouloir ? Certainement pas. Cette perspective me tente autant que l’idée de lécher les aisselles d’un footballeur velu au terme d’un match. Pour éviter de le vexer, je dis d’un ton peu enjoué :

-          Si tu y tiens. Mais ça m’étonne que tu n’ailles pas avec Samuel.

Samuel, c’est son ami un peu beauf mais pas méchant. Lui aussi s’extasie devant les voitures. A eux deux, ils critiquent ma petite Twingo. N’empêche qu’après douze ans de bons et loyaux services, elle tourne comme un charme.  

-          Je voulais te demander avant.

-          C’est gentil. Mais vas-y avec lui, tu sais très bien que je n’y connais rien dans ce domaine. Ce serait du gâchis.

Je fais un sourire qui, je l’espère l’encourage à oublier l’idée de m’y emmener.

-          Tu viens de faire un futur heureux ! Et ta journée à la fac ça a été ? Tu rentres tard d’ailleurs.

Je lève la tête pour l’observer, étonnée qu’il ait remarqué.

-          Ouais, j’ai été faire du jet ski avec Erin.

-          Ta nouvelle collègue ? J’ai entendu dire qu’elle est canon !

-          Nico t’en a parlé ?

-          En long, en large et en travers. Il a l’air emballé par cette nana !

Je ris en l’entendant dire ça et ne peux m’empêcher de répliquer :

-          Quand ne l’est-il pas ? Enfin bref, je suis contente pour le jet-ski, ça faisait longtemps que j’avais envie de tester.

-          Tant mieux. Et moi je suis heureux d’avoir gagné le concours, c’est une bonne journée pour nous deux.

Intérieurement, je pousse un énorme soupir. Pour une fois, j’avais espéré qu’il allait s’intéresser à ce que j’aime, à ce que j’ai fait. C’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de parler de ce sport. Mais non, pour mon plus grand désarroi, il embraye sur l’un de ses sujets de prédilection. :

-          D’ailleurs j’ai vu qu’il va y avoir des bagnoles de dingue ! Le genre que j’ai vues uniquement en jouant à Forza 4 !

Je l’écoute d’une oreille distraite, trop déçue pour faire convenablement semblant de boire ses paroles. Parfois, juste parfois, j’aimerais que ça redevienne comme à nos débuts et qu’il me prête attention. Depuis qu’on a emménagé ensemble je me sens comme un meuble. Un truc IKEA mal monté dont on ne remarquera les problèmes que le jour où il s’écroulera !

                                  

*    *          *          *

 

Je sonne à la porte avec 15 minutes de retard, comme demandé par Nico.

Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour être une bonne meilleure amie, je vous jure… Je n’ai que quelques secondes à patienter sur le palier avant qu’il ne m’ouvre la porte, tout sourire !

-          Salut toi ! Tu arrives juste à temps !

Il s’écarte pour me laisser entrer et referme derrière moi.  Comme d’habitude, je lui fais un bisou sur la joue, pose mon sac dans l’entrée et le suis dans le salon !

-          Lu !

-          Salut !

Je fais la bise à Erin et Mika, mon cousin, avant de m’asseoir en tailleur à côté d’eux.

Visiblement, l’instruction « arriver en retard pour que Nico puisse être seul avec Erin » n’a pas été claire pour tout le monde.

Étant donné qu’ils sont sur le tapis, je leur demande :

-          Vous réalisez qu’il y a un canapé et des fauteuils ?

Ma collègue me fait un sourire radieux en annonçant :

-          On t’attendait pour faire un jeu !

Mon sourcil se hausse malgré moi. Vu que mon cousin est présent et que c’est un pervers, je crains le pire, du genre un strip poker ou quelque chose dans ce goût-là.

Je finis par remarquer la boite du Pictionary et mon soulagement est immédiat.

-          On fait quoi comme équipes ?

Je pose la question en souriant, sachant très bien avec qui veut être Nico. Mais Erin est la plus rapide et elle s’exclame avant même que mon meilleur ami ait pu songer à ouvrir la bouche :

-          Je me mets avec Fanny !

Un petit sourire désolé plus tard, je m’approche d’Erin tandis que Mika et Nico s’installent  de l’autre côté de la table basse.

Au fond, il devrait être content, de là où il est, il peut mieux la reluquer. Je tourne la tête en direction de ma collègue et suis présentée avec une vue plongeante sur son décolleté. Bon, peut-être que c’est moi la mieux placée après tout.

On commence à jouer dans la joie et la bonne humeur. Vu qu’ils ne sont pas galants, c’est Mika qui tire la première carte.

Il s’empare d’un stylo et de papier tandis que je retourne le sablier. Nico essaie vaillamment de deviner le mot, mais je ne sais pas si c’est parce que je suis à l’envers, mais ça a l’air de ne ressembler à rien de connu. J’encourage Erin à s’accouder davantage en direction de Nico un peu pour lui permettre de mieux voir, partiellement pour que mon meilleur ami « profite » de sa proximité, mais surtout afin que ça le déconcentre. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que bien que discutable sur un plan moral, mon plan est PARFAIT ! Il a les yeux 50% sur la feuille, 50% sur ma collègue, ou tout du moins son décolleté. Et le pourcentage d’attention au dessin va en décroissant.

C’est très fière de moi que je clame :

-          Finiiii !

Mika jette son stylo et annonce comme si c’était une évidence :

-          C’était calvitie !!!!

Je saisis le bout de papier et le tourne dans un sens, puis dans l’autre. Il aura beau dire ce qu’il veut, ça ressemble plus aux fesses d’un babouin qu’à un crâne atteint de calvitie. À la limite, ça aurait pu être un œuf transgénique, mais c’est à peu près tout !

Après s’être joyeusement moquées de lui, la main est à l’équipe bientôt victorieuse. Je parle de la mienne, pour ceux qui ne suivraient pas.

Erin commence, tire une carte au hasard et lit. Tout le monde a les yeux rivés sur elle alors qu’elle fronce les sourcils et fait une drôle de moue avec sa bouche, réfléchissant.

-          Ok, c’est bon !

Nico retourne le sablier. Ma collègue se penche sur la table et se met à crayonner furieusement dans le but de me faire deviner une expression. Elle dessine ce qui a l’air d’être une mer. « La mer et les poissons ! » Un visage… Et une flèche qui va de la mer en direction de la bouche.

 « Avoir le mal de mer ?» « Avoir une haleine de moule pas fraîche ? » Oui, bon, j’ai inventé cette expression, mais peut-être qu’elle existe !

Le ricanement de Mika est royalement ignoré par yours truly tandis que je me concentre pour tenter de trouver.

Erin secoue la tête et commence rapidement un autre dessin. On dirait… On dirait une paire de seins, des bonbons… Et maintenant un mec qui a les yeux rivés sur ces deux trucs. Qu’est-ce que ça peut bien être ?

-          Tic tac tic tac les filles !

Nico jubile déjà. Je m’efforce de l’ignorer, profitant des dernières secondes qu’il nous reste.

Elle fait une bouche ouverte avec plein de bave...

JE SAIS !

-          Avoir l’eau à la bouche ! 

Erin lève ses deux index vers le ciel et se tourne, me prenant complètement par surprise en m’attirant dans ses bras ouverts.

Une fois les premières secondes de « raideur involontaire » passées, je lui rends son accolade, savourant l’air doublement blasé de Nico par-dessus son épaule. Non seulement on vient de réussir, mais en plus c’est moi qui profite des fruits de notre victoire. Ce jeu s’avère être beaucoup plus divertissant que je ne l’aurais cru ! Je suis peut-être sadique sur les bords, mais personne n’est parfait !

Je tire une carte et constate avec joie et ravissement que je vais devoir faire deviner le mot « crapaud » à Erin, tout en dessinant de ma mauvaise main.

Je saisis le crayon et commence mon œuvre.

Franchement…

Heureusement que je n’ai pas tenté de vivre de mon art, parce que je serais morte de faim à l’heure qu’il est.

C’est horrible. Nan, pire que ça, c’est abominable.

Bien que ça fasse longtemps que je n’en ai plus vu, j’ai une vague idée de ce à quoi ressemble un crapaud et ce n’est clairement pas proche de ce que je suis en train d’esquisser. Ou alors si, si l’animal a été exposé à une forte dose de radiations au stade de têtard, là peut-être… Je crois que j’aurais mieux réussi si j’avais tenté de dessiner avec mon pied, mon nez, j’irais même jusqu’à dire avec mon omoplate !

Les mecs sont déjà ricanant, à se moquer de moi et je suis la première surprise en entendant Erin suggérer d’un ton incertain : « Un crapaud ? »

-          Yes !

Je jette le crayon et fais une petite danse de joie, plaçant mon doigt sur le menton de Nico pour l’aider à le remonter au passage. Erin n’est pas en reste et fait le geste « je me la pète » en époussetant son épaule.

Mon cousin étant le plus mauvais perdant de l’univers, il intervient direct :

-          Nan nan, mais commencez pas à tricher ! Jamais tu me feras croire que t’as deviné à partir de ça !!!

-          Et pourtant !

-          La prochaine fois, l’autre se retourne pendant que vous découvrez la carte !

Je souris et en rajoute une couche :

-          Sois pas déçu que même de ma main droite je sois meilleure que toi ! On a beau être de la même famille, on n’a pas tous eu les gênes du winner apparemment !

Mika ouvre sa bouche, certainement pour m’asséner une réplique désobligeante, mais est arrêté par Nico. J’imagine qu’il ne veut pas que l’ambiance se gâte, sinon ses plans « d’approche » tomberont à l’eau. Enfin ce qu’il en reste.

Je lance un coup d’œil à mon cousin qui fulmine toujours, et je dois dire que j’adore ça ! C’est juste trop trop bon de le taquiner, il part au quart de tour.

Le jeu reprend.

Au fur et à mesure que les minutes passent, ça devient de plus en plus évident. On est trop fortes !!!! Les garçons se font absolument laminer !

C’est Nico qui jette l’éponge en premier :

-          J’abandonne, vous avez gagné !

Immédiatement, Mika se redresse et se tourne vers lui, écarquillant les yeux :

-          Quoi ? Mais dis pas ça, on peut encore le faire !!!

-          Elles ont trop de points d’avance !

Vu le regard en coin auquel j’ai droit, c’est surtout la façon dont on « célèbre » nous victoires qui font qu’il est blasé. Je suis sûre qu’il regrette ne pas avoir directement demandé à Erin d’être dans son équipe. S’il l’avait fait, c’est lui qui aurait « profité » des éventuelles joies.

Rien que pour le saouler davantage, je déclare :

-          Que veux-tu, on est connectées Erin et moi !

Je regarde ma collègue, qui me sourit et hoche la tête, ajoutant :

-          Exactement !

Comme elle a l’air tactile, je n’hésite pas et passe ma main autour de ses épaules, l’attirant à moi comme si on avait élevé les cochons ensemble ! Si jamais vous vous demandez, oui, je l’ai fait pour narguer mon meilleur ami ! Erin se laisse faire, appréciant tout autant que moi les exquises expressions faciales des perdants !

Nico me jette un regard entendu et je sais qu’il a compris mon petit manège, mais c’était honnêtement beaucoup trop tentant pour résister !

 

*          *          *          *         

 

[Un mois et demi après la rentrée]

 

Mes yeux picotent alors que je tente désespérément de lire la copie d’un élève. Je savais que faire ce contrôle des connaissances était une mauvaise idée.

Résultat, du travail pour bibi qui ne comptera pas dans leur moyenne et mes pauvres globes oculaires qui menacent de tomber de leurs orbites.

Mon seul lot de consolation est que ces monuments de médiocrité peuvent toujours servir à éponger mes larmes de douleur ou comme absorbant si jamais je venais à renverser mon café.

 

Sérieusement, pourquoi les étudiants ont-ils la fâcheuse tendance, lorsqu’on leur demande quelque chose auquel ils n’ont pas réponse, à vouloir faire ceux qui sont au courant, mais qui restent vagues ?

Il faut que quelqu’un leur dise qu’on le voit ! Et surtout qu’ils apprennent qu’on a été un jour à leur place. On sait ce que c’est que d’essayer de prendre des notes sur son ordi alors même que la fac fait TOUT pour nous mettre des bâtons dans les roues.

Je n’exagère pas du tout !

On veut empêcher la jeunesse d’être studieuse, certainement dans une politique élitiste !

Exemple flagrant : le wifi !

À quoi ils pensaient au moment où ils nous ont mis ça en place ? Qu’on allait consulter la définition d’OPCM (Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières) pour être à même de répondre à la question du prof pile quand il la pose ?

Faut être réaliste, en donnant l’accès internet aux élèves, au mieux ils vont s’amuser de caricatures humoristiques en rapport avec le sujet.

Plus vraisemblablement, l’étudiant lambda va chercher s’il n’y a pas un groupe Facebook intitulé Je m’emmerde tellement en cours que j’ai réussi à trouver ce groupe inutile dans lequel il pourra poster une image de son wagon du train de l’ennui habilement dessiné sur Paint.

Je ris toute seule à mon monologue intérieur puis soupire en regardant la pile qu’il me reste à lire. Si je n’étais pas si épuisée, je me croirais dans un cauchemar !

J’entends un gloussement sur ma gauche et relève la tête pour lancer un regard pseudo menaçant à Erin.

-          Quelque chose t’amuse peut-être ?

-          Oui, toi !

Elle pourrait au moins avoir la décence de me mentir ! Je plisse les yeux et fais passer mon pouce tendu le long de ma gorge, comme j’ai vu faire dans les films.

Apparemment mon jeu d’actrice est à revoir puisque son sourire s’agrandit.

À la télé le destinataire de ce charmant geste s’était fait pipi dessus.

Peut-être qu’avec les cheveux gominés en arrière comme une vraie mafieuse je pourrais faire meilleure impression…

u_u

Vous voyez ?

Je suis tellement fatiguée que j’en viens à penser des trucs comme ça.

 

Je fais un gros bond sur mon siège en sentant les mains d’Erin se poser sur mes épaules. Alors que je tente de suffisamment calmer mon cœur pour pouvoir lui lancer une remarque assassine, ses doigts commencent un doux massage.

Ça élimine toute trace d’animosité en moi plus vite qu’un Valium !

Ma tête tombe légèrement en avant tandis qu’elle travaille les tensions dans ma nuque.

-          Faut que tu te relaxes et que t’apprennes à faire des breaks.

Je souris en entendant ça et réplique :

-          Je vois que tu as gardé ton côté étudiant en ce qui concerne la fréquence des pauses ! Je reconnais la jeunette fraîchement diplômée.

-          Exactement ! Tu sais ce qu’on dit, qui veut voyager loin, ménage sa monture ! Tu devrais être au courant, l’ancêtre.

J’acquiesce d’un signe de tête, étant donné qu’avec les sensations de pur plaisir que ses doigts me procurent, si j’ouvre la bouche je vais à coup sûr pousser un petit gémissement ou deux.

J’ignore au passage son commentaire sur mon âge, d’une part je l’ai bien cherché, de l’autre je n’ai que deux ans de plus qu’elle.

Un grognement de déception m’échappe lorsqu’elle arrête ce petit massage improvisé. Alors que je relève la tête et m’apprête à la remercier, elle s’exclame :

-          Allez debout, un bon café ne te fera pas de mal.

-          T’as raison. Pour une fois. 

Son sourcil se lève lorsque j’ajoute la dernière partie et un petit sourire en coin gagne mes lèvres.

Erin ferme la porte du bureau, plus par habitude que par réelle peur que quelqu’un nous vole quoi que ce soit. Je pense que personne ne m’envie la pile de copies qui attendent d’être corrigées. Et à vrai dire, si une âme charitable se dévouait pour me décharger d’une partie de mon travail, ce ne serait pas de refus.

Nous descendons les escaliers pour nous rendre dans la cafétéria. La pièce est petite et sans fenêtre. Seules les lumières blafardes des machines à café nous éclairent tandis qu’Erin choisit.

Je m’avance à mon tour, fouillant au plus profond de la poche de mon jean pour y pêcher le restant de monnaie qui s’y trouve. Ma collègue m’attrape par l’avant-bras et sort ma main de ma poche.

-          C’est pour moi.

-          Madame est trop bonne.

-          Oui je sais, je suis d’humeur royale aujourd’hui.

Cela dit, elle me tend une pièce de cinquante centimes. Je marmonne :

-          La royauté n’est plus ce qu’elle était. Mais merci quand même.

Je ponctue le tout d’un sourire moqueur, afin qu’elle sache que je plaisante.

Nous observons le travail des machines à café dans un silence quasi religieux.

J’attrape mon café et le touille méticuleusement afin de bien répartir le kilo de sucre que j’ai demandé. Erin fait une drôle de tête et semble hésitante, puis elle se met à parler d’une petite voix :

-          Nico est passé au bureau aujourd’hui.

Mes épaules se haussent comme par réflexe. Et alors ? Ça n’a rien de surprenant, il vient régulièrement me rendre visite.

-          Il voulait me déposer un truc ?

-          Ben justement. Ce matin, je lui ai dit que t’avais cours jusqu’à 17h et que tu serais pas de retour avant cette heure-là. Et il s’est repointé vers trois heures.

Ah… Je vois.

Mon petit oisillon tente de voler de ses propres ailes.

Apparemment, on a fait plus discret.

Mon cerveau a beau travailler le plus rapidement possible, je n’arrive pas vraiment à trouver d’explication qui ne sonne pas « il est intéressé + frétillement des sourcils ». En désespoir de cause, j’opte pour la vérité :

-          Il doit avoir envie de te connaître. Se rassurer que je ne passe pas mes journées enfermée avec une sorcière, tout ça… Il est prévenant !

-          Une sorcière ? Rien que ça ? Moi qui croyais avec été plutôt cool avec toi jusqu’à présent.

Je souris en voyant sa mimique faussement outrée. Mon air devient vite blasé en l’entendant continuer :

-          Ahhhh je sais. Désolée j’avais pas percuté. T’es maso et partisane de l’amour vache. Et moi qui pensais faire le bon choix en étant sympa. Tout s’éclaire. Tu veux que je te maltraite c’est ça ?

Erin ponctue sa question d’un sourire sadique tandis que j’analyse ce qu’elle vient de suggérer.

Venant de n’importe quel autre collègue, je serais probablement déjà dans le parking en train de verrouiller les portes de ma voiture et de prier pour qu’elle démarre sans problème.

Avouez que ça sonne bizarre. Ou c’est juste dans ma tête que ça sonne bizarre ?

En tout cas ce qui est bizarre c’est ce débat avec moi-même. Mais bon, passons.

Ce que je veux dire c’est que cette femme me met à l’aise. Je réalise qu’on n’a pas exactement élevé les cochons ensemble, mais j’ai l’impression qu’après seulement bientôt deux moisc’est tout comme.

Finalement, je me dis que si elle a décidé de jouer à ce petit jeu, je ne vais pas lui rendre la tâche facile.

-          Ça tombe bien que tu m’annonces ça pile au moment où j’ai du café brûlant en main. Tu sais que je t’apprécie ENORMEMENT hein ?

J’accentue volontairement le mot et m’approche d’elle avec un air menaçant.

À ma grande surprise, elle ne recule pas et renchérit en lançant :

-          Owi maltraite moi je n’attendais que ça !

Et c’est à ce moment-là ! Pile là, que le concierge rentre dans la cafétéria.

Je me justifierais bien, mais je crois que ça ne ferait qu’empirer les choses. En plus, ce type me drague depuis le jour 1, je n’imagine même pas à quoi il va rêver ce soir. Enfin il me drague… Moi et le reste des femmes de la terre.

Je suis mortifiée et Erin se contente de pouffer de rire. Sérieusement, qui a donné un diplôme à cette femme ? On peut pas mettre notre jeunesse entre ses mains c’est pas sérieux !

Tandis que j’ignore difficilement le nouveau venu, tentant de faire comme si de rien n’était, ma charmante collègue en rajoute une couche en disant :

-          Allez viens chérie, on retourne dans notre antre.

Je la déteste.

À peine arrivée dans le couloir, je chuchote :

-          Contrairement à d’autres, certaines tiennent à leur réputation ici !

Étant donné que sa seule réponse est un clin d’œil, j’abandonne et la suis jusqu’à notre bureau.

 

Une fois de retour dans mon fauteuil je décide d’être une bonne meilleure amie et de partir à la pêche aux informations pour Nico. Rien à voir avec le fait que l’alternative est de traiter la tour de Babel en copies qui trône devant moi.

-          Et avant que ta libido ne nous rattrape, tu disais quoi sur Nico ?

-          Ma libido ? Je te rappelle j’ai pas eu à te forcer pour rentrer dans mon jeu, associée !

Sachant que je n’avais rien à répondre à cette vérité, elle continue d’un ton sincère :

-          Il a l’air très sympa. Je l’aime bien. C’est ton meilleur ami c’est ça ?

Réponse plutôt vague, mais encourageante je dirais.

Elle n’a pas fait de critique du genre « parfait, sauf que ses chaussettes ne sont pas toujours assorties à sa tenue et ça se voit quand il s’assoit ». Bon, ok, je suis peut être l’une des seules que ça dérange, mais désolée, ça fait tâche !

Enfin d’un autre côté, étant donné qu’elle sait qu’on est proches lui et moi elle n’allait certainement pas me sortir cash que c’est le plus gros boulet que la terre ait porté.

-          Oui, c’est un type génial. Mon homme idéal.

Ses traits fins passent d’une moue curieuse à un air étonné en un instant. Je pourrais presque dessiner la petite ampoule au-dessus de sa tête. Elle réplique du tac au tac :

-          Ah ok ! Désolée j’avais mal compris je pensais que t’étais avec quelqu’un d’autre et que les rumeurs d’une relation entre vous deux c’était… bah que des rumeurs.

Je lève les mains pour l’interrompre :

-          Je t’arrête tout de suite ! C’est des ragots ! Je ne suis pas avec Nico. C’est mon meilleur ami et je l’aime, mais pas comme ça. J’ai eu le coup de cœur pour quelqu’un d’autre.

Elle fait semblant de s’éponger le front avant d’expliquer :

-          Le quiproquo ! Encore désolée, il se fait tard ! C’est juste que les fois où évoques ton homme, tu dis « mon chéri »  alors tout à coup, je me suis demandé si… Enfin tu vois !

D’un mouvement de tête, j’acquiesce et ajoute :

-          Pas de problème, je trouve ça assez flatteur que tout le monde pense qu’un type comme ça voudrait bien de moi ! Pi c’est vrai que je ne parle pas beaucoup de mon chér-

Je m’arrête net en réalisant que j’allais encore l’appeler par son « statut » et dans un raclement de gorge, je continue :

-          Et c’est vrai que je ne parle pas des masses de Julien.

Erin me lance un sourire puis demande avec un soupçon d’appréhension :

-          Comment ça se fait d’ailleurs ? Enfin si tu veux blablater d’un autre sujet je comprends hein !

Ma bouche se tord un peu alors que je réfléchis à sa question. Je discute peu de lui, mais c’est juste parce qu’il n’y a pas grand-chose à dire là-dessus. Et pi ça m’arrive de travailler aussi hein, je ne fais pas que papoter.

Je m’apprête à répondre lorsque quelque chose attire mon regard par la fenêtre. Intriguée je m’approche pour mieux voir.

Le concierge est là, au milieu de nulle part.

Deux hypothèses sont envisageables : soit il décide de tailler l’unique arbre à la nuit tombée et mains nues, soit c’est un vieux voyeuriste qui tentait de mater ce qui se passait dans le bureau. On n’a pas de vis-à-vis alors c’est le seul moyen pour lui.

Erin est à mes côtés et secoue la tête d’un air amusé. Au moins, je sais quelle option elle a à l’esprit. Je me tourne pour lui faire face et lance :

-          Bravo, tu vois ce que t’as fait ! Maintenant ce pervers se fait des films !

Me prenant totalement par surprise, Erin m’enlace et me renverse, se plaçant dos à la fenêtre. Alors que je suis dans la position « baiser renversé de fin de film romantique », je plisse les yeux dans une fausse menace en constatant son air amusé. Vu comme on est positionnées, je suis sûre que l’autre voyeur est persuadé qu’il se passe quelque chose.

-          Tu trouves ça marrant peut-être ?

Après un moment d’un inconfort certain, elle me remet à ma place d’origine. Je ne comprends pas pourquoi les gens aiment cette posture, j’ai l’impression que l’autre va me lâcher et que mon coccyx va faire une douloureuse rencontre avec le sol. C’était la première fois que je testais et non seulement c’était pour de faux, mais en plus c’était décevant.

Erin replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et répond :

-          Plutôt. Et j’essaie de voir en combien de jours la rumeur de votre relation peut devenir ménage à trois.

Elle me fait un sourire exagéré d’un air débile. Et elle est fière d’elle ! Visiblement, mon regard foudroyant n’est plus ce qu’il était. Je vais me planquer à mon bureau avant qu’elle ne décide qu’il serait bon qu’on fasse semblant de faire l’amour sur le sien pour aider les ragots. Mieux vaut prévenir que guérir. Cette femme est un danger, elle est totalement imprévisible. J’attrape une copie, l’air détaché et lance :

-          Quand la rumeur sera en place, je me vengerais, sache-le.

Elle hausse un sourcil et demande :

-          Comment ça ?

-          J’espère que tu n’as rien contre l’idée que tu pourrais pratiquer une sexualité alternative ! Fouet ou bondage hardcore, mon cœur balance !

Ses yeux s’écarquillent et elle demande d’un air inquiet :

-          Tu ferais pas ça ? Nan sérieux déconne pas !! Fanny ! …. ! Fanny ?

Fière de moi, je me concentre sur le torchon entre mes mains et commence ma lecture.

En arrière-plan, je l’entends s’inquiéter et ça, ça me fait sourire. Peut-être bien que j’aime l’amour vache, mais uniquement quand c’est moi qui pratique les vacheries ! 

7 octobre 2012

Chapitre 1

Si la peur des conséquences éloigne parfois du mal, elle éloigne beaucoup plus souvent du bien.

Charles Wagner

 

 

Mon nom est Fanny Klein, une jeune femme tout ce qu’il y a de plus ordinaire dans une merde noire.

À vrai dire, je ne sais pas comment j’en suis arrivée là. Enfin si, ce que je veux dire c’est que ce n’était pas prévu. Ma blondeur a peut-être un rôle là-dedans, mais je n’ai absolument rien vu venir.

Mais voilà.

Ça a commencé.

Et maintenant, à moi d’en assumer les conséquences, quelles qu’elles soient.

 

 

-          Je suis rentrée !

Je jette mes clefs dans le vide-poche machinalement, étant d’une précision diabolique à force d’entrainement. 

Une fois mes chaussures et mon manteau retirés j’entre dans le salon pour y trouver Julien, mon fiancé, planté devant son PC. Je lui dépose un baiser sur le haut du crâne avant d’aller m’asseoir sur le canapé.

-          ‘Jour chérie, ça a été aujourd’hui ?

-          Fatiguant, mais rien de plus que d’habitude.

Je ne prends pas la peine de lui retourner la question. Je sais pertinemment qu’il a cherché du boulot environ 10 minutes ce matin et a ensuite joué toute la journée sur le PC.

J’attrape un paquet de chips dans le tiroir de la table basse et allume la télé.

-          J’ai enfin eu mes jambes S10 ! dit-il plein d’entrain.

-          Hum cool.

À vrai dire, je m’en fous totalement. Mais j’ai remarqué que si je réponds quelque chose dans ce goût là il ne va pas en rajouter, tandis que si je pose des questions sur la signification de « S10 » j’en ai pour une bonne demi-heure.

Alors que la télé passe pour la millième fois la saison 1 de Charmed, je repense à ce que Anna, la responsable du département Management m’a dit.

Pour remplacer M. Zakorski, brillant professeur de négociation, ils nous ont trouvé une jeunette fraichement diplômée.

OK, c’était mon cas il y a deux ans aussi, mais n’empêche. Ce type est une légende de l’enseignement qui prend une retraite largement méritée. En plus, il a un net penchant pour les sucreries, ce qui m’arrangeait bien vu qu’on partageait le même bureau.

Perdre les bonbons ET me voir annoncer que je suis l’heureuse élue à qui incombe la tâche d’intégrer la nouvelle à l’équipe me ravit. Pas.

Le babysitting commence dès demain. Comme si l’approche imminente de la rentrée ne suffisait pas à occuper mes journées.

M’enfin, si ça se trouve elle est sympa et on va s’entendre à merveille.

 

  * * * * * 

 

[Le lendemain matin, à la fac]

 

Je lève les yeux au ciel avant de rentrer dans le bâtiment. Il fait beau c’est déjà ça.

D’un pas pressé, je me dirige vers mon bureau. Autant régler ça tout de suite. Je ne peux pas appliquer ma philosophie de « ne jamais remettre à demain ce qu’on peut déléguer » pour le coup. J’espère au moins qu’elle sera ponctuelle.

Une dernière inspiration et j’ouvre la porte.

Mes yeux vont directement se poser à l’endroit où se trouve le bureau de mon ancien collègue. Le siège en cuir est tourné vers la fenêtre et quiconque est assis dedans regarde à l’extérieur.

-          Premier jour et déjà on songe à s’enfuir ?

Le fauteuil remue sous l’effet d’un rire et une chaude voix féminine me répond :

-          Non, je me disais juste que je préfère largement être de ce côté de la barrière.

Je souris à cette idée. Elle n’a pas totalement tort.

Le siège indique ses souffrances par un grincement tandis qu’elle se tourne pour me faire face.

Mon regard est rivé à ce que je pense être l’une des plus belles femmes que j’aie jamais vue.

Comment suis-je censée l’apprécier si en plus de ne pas me donner de quoi me goinfrer elle est superbe ?

Elle se lève, laissant ses longs cheveux d’un brun très foncé cascader sur ses épaules dans un mouvement que certaines marques de shampoing seraient sans nul doute prêtes à breveter.

Mes yeux remontent de sa main tendue à ses bras légèrement musclés, à son sourire sincère et enfin à deux pupilles d’un marron profond, quasi noir.

Je lui serre la main machinalement, tandis que j’essaie de retrouver l’usage de la parole. C’est la première fois que je rencontre quelqu’un d’aussi… Intense. Je veux dire cette femme transpire le charisme.

-          Erin, enchantée. dit-elle

-          Fanny, de même.

Ok, ce n’est qu’un petit mensonge. Je ne suis pas vraiment ravie de son arrivée. D'autant plus que vu son physique, je m’attends à voir la totalité des étudiants défiler dans notre bureau sous de faux prétextes rien que pour avoir l’opportunité de la reluquer un peu plus longtemps.

Étant donné qu’elle s’est présentée en me donnant uniquement son prénom, j’imagine que j’ai le droit de la tutoyer. Au pire, elle me le dira.

-          Je suis celle chargée de te faire découvrir le campus… Tu es prête pour un tour ?

Elle se dirige vers la porte, ouvre celle-ci et annonce :

-          Après toi.

Au moins, ça a le mérite d’être clair.

 

  * * * * *

 

Fourbue, je rejoins Nico au café. Comme d’habitude, mon meilleur ami est en retard. J’investis donc la place qu’on occupe à chaque fois, un banc placé au fond de la pièce. En l’attendant, je joue avec le décor. Cet endroit est un bar à rhum le soir, et il y a toutes sortes de mixtures dans des bocaux derrière la barmaid, du coup les proprios ont décoré le lieu comme… une genre de cabane d’alchimiste. En tout cas pour avoir testé leurs décoctions, pas étonnant qu’Obélix veuille toujours de la potion magique si elle a ce goût-là !  

Après quelques minutes durant lesquelles ma patience est mise à rude épreuve, Nicolas arrive enfin. 

Un sourire parcourt mes lèvres en voyant les têtes des femmes se retourner sur son passage. Il a beau approcher la trentaine, il fait toujours jeune et son succès ne décroit pas.

Généralement, celles qui l’ont pour professeur sont enviées par toutes les autres. Il se penche et m’embrasse sur la joue avant de s’asseoir face à moi, souriant.

-          Salut beauté !

-          Coucou ! Ça a été ta journée ?

Il fait signe au serveur de lui amener son habituel cappuccino et passe la main dans ses courts cheveux bruns :

-          Crevante. Comme d’habitude, aucune des choses que j’avais demandées n’a été faite. Et toi ? T’as rencontré la nouvelle ?

Il se penche en avant, ses yeux verts pétillant à l’idée que je lui raconte un ragot.

-          Ouais. Je suis rassurée, elle a l’air sympa !

-          C’est cool alors, je suis content pour toi.

Il pose sa main sur la mienne et je me retiens de rire en voyant les regards dépités de ses prétendantes face à ce geste.

Lui en revanche ne remarque rien. En même temps c’est peut être mieux ainsi. Il a le chic pour tomber amoureux des mauvaises filles et finit le cœur brisé jusqu’à rencontrer la prochaine princesse pas-si-charmante-que-ça. Je suis la seule femme qui arrive à rester dans sa vie. La plupart de nos collègues sont d’ailleurs persuadés qu’il y a  quelque chose entre nous. Personnellement, ça m’est égal et je sais que ça donne un peu de répit à Nico et son cœur d’artichaut, alors on s’est mis d’accord sur le fait de ne rien déclarer et les laisser croire ce qui leur plait.

-          Dis m’en plus sur elle !

-          Il n’y a pas grand-chose à dire tu sais, je viens de la rencontrer.

Il sirote son cappuccino puis me demande :

-          Je ne sais pas moi, de quoi vous avez discuté, à quoi elle ressemble ?

Je ne peux retenir un sourire face à la curiosité maladive qui le caractérise.

-          On a parlé de tout et de rien, de ce qu’elle a fait avant d’atterrir ci, de boulot etc… Et physiquement… Pfiou !

Je fais un geste de la main supposé dire « c’est quelque chose ». Nico hausse ses sourcils, une expression étonnée sur le visage.

-          À ce point ?

-          Tu verras par toi-même.

Il plisse ses yeux d’un air inquisiteur et finit par s’enquérir :

-          Très bien… Et alors, d’où elle vient ? Elle a fait quoi avant ?

-          Bah de ce que j’ai cru comprendre elle a tout juste obtenu son diplôme et a récemment déménagé ici pour le boulot.

Armé de la cuillère, il remue distraitement le contenu de sa tasse.

-          Nouveau départ, pas d’amis, début de carrière, je suis passé par là. Je garde un bon souvenir de mon entrée dans la vie active perso. C’est à ce moment-là qu’on s’est rencontrés.

Il termine en posant sa main sur la mienne, un air faussement amoureux sur le visage.

-          Très drôle le tombeur. Et elle bossait déjà pour payer ses études.

-          Qui te dit que je plaisante ? Et c’était quoi comme job ? Serveuse, vendeuse, un truc dans le genre ?

-          Certainement le fait que tu aies préféré me présenter Juju plutôt que de tenter ta chance ! Nan, elle faisait des photos, du mannequinat pour des affiches.

Il siffle, visiblement admiratif.

-          Eh ben… Elle doit valoir le détour.

Même si la plastique de certains mannequins est plus que discutable selon moi, pour le coup tu n’as pas idée à quel point tu peux avoir raison mon pauvre Nico.

Peut-être que cette fois c’est la bonne nana, qui sait. 

 

  * * * * *

[Le jour de la rentrée]

 

J’arpente le couloir, les bras chargés de dossiers qui tiennent dans un équilibre plus que précaire. Alors que je tente de jongler avec le tout afin d’ouvrir la porte, ma collègue, ayant apparemment entendu mes « pas si discrets » jurons, me précède à la tâche.

-          Bonjour ! Et merci ! Même pas besoin de dire sésame ouvre-toi.

-          Salut ! Pas de problème ! En même temps, ne t’attends pas à trouver des trésors ici. J’ai fouillé partout, pas la moindre pièce d’or frappée Jules César, pas même une amphore ou deux.

Je lui offre un sourire tandis qu’elle me déleste de quelques charges pour aller les poser sur mon bureau déjà bien rempli. J’observe les piles de paperasse qui recouvrent mon espace de travail et soupire. Elle hoche la tête comme pour agréer et annonce :

-          Et l’année n’a même pas encore commencé !

-          Non en effet ! Alors comment ça va ? Tu te sens prête ?

Elle pose une fesse sur son bureau, joue machinalement avec le contenu de son pot à crayons et me dit :

-          Prête oui, mais surtout stressée.

Je ne peux retenir un petit sourire. Je ne me souviens que trop bien de la sensation, après tout ce n’était pas il y a si longtemps. Farfouillant dans ma poche, je lui jette un bonbon, qu’elle attrape à une main. Cette fille a des réflexes. Face à son air intrigué, je lance :

-          Tiens, une dose de courage.

Elle sourit devant mon geste, dévoilant un sourire Colgate extra white. Le genre qui vient de me faire perdre 3 points à chaque œil tellement il est éblouissant !

-          Merci. Et toi, comment tu te sens ?

-          Déjà overbookée j’en ai peur. J’ai du mal à gérer le stress de la rentrée, des exams et… des périodes entre ces deux événements. Sauf les vacances. Sur ce plan là j’assure je dois dire !

-          Comme je te comprends. Perso j’évacue en me dépensant.

Je mets un peu d’ordre dans mes montagnes documentaires et me dirige vers la petite table où trône la machine à café.

-          Ah oui ? Tu fais quoi ? T’en veux un ?

-          Non merci. D’ordinaire je faisais des sports collectifs, mais cette année j’ai envie d’essayer quelque chose de différent. J’ai vu qu’il y avait possibilité de pratiquer le jet-ski sur le lac, ça me tente bien d’autant que j’ai déjà le permis.

Je me retourne vers elle en faisant des yeux ronds comme des soucoupes. Je n’y crois pas !

-          Tu déconnes ? Ça fait des mois que je pleure pour que quelqu’un m’accompagne !

Ses yeux pourtant si sombres pétillent légèrement lorsqu’elle répond d’un ton guilleret :

-          J’imagine que tu as trouvé ton cobaye ! Enfin si tu veux bien de moi !

C’est bête, je sais, mais je suis tellement contente que je dois retenir mon irrépressible désir de la prendre dans mes bras pour l’y broyer ! Expliquer son décès par la suite pourrait s’avérer délicat. Depuis le temps que j’avais envie de tester !

-          Bien sûr que oui ! Et puis ce sera l’occasion de faire encore plus connaissance !

Finalement, je crois que le départ en retraite de M. Zakorski n’est pas une si mauvaise chose !

En plus, elle a son permis jet-ski, ce qui signifie que je n'aurai pas à serrer la taille d’un quelconque moniteur inconnu !

 

* * * * * *

 

Nico pénètre dans l’appartement sans frapper et vient me retrouver directement dans la cuisine, où je suis en train de préparer le repas. Il me sort d’un ton faussement réprobateur :

-          Tu devrais vraiment fermer cette porte ! Un jour, un cinglé pourrait rentrer !

Je lui jette un coup d’œil par-dessus mon épaule et lance :

-          On dirait bien !

Fière de moi, je ponctue le tout d’un petit sourire narquois. Comme je l’ai bien eu !

Il s’approche, me fait un bisou sur la joue et attrape mes épaules, me faisant me tourner vers lui :

-          Pourquoi tu ne m’en as pas dit plus !?

Mes sourcils se froncent involontairement. Mais de quoi il parle ? Je suis la première personne à lui apprendre qu’il a un problème mental ? Impossible !

Il lève les yeux au ciel, n’ayant pas besoin de m’entendre vocaliser ma confusion pour comprendre :

-          J’ai été à ton bureau après les cours, je pensais que tu finirais plus tard - soit dit en passant je constate que certaines ont été plus gâtées que d’autres question emploi du temps - et je suis tombé sur Erin.

-          Oh, je vois ! On en est déjà au stade des prénoms…

Je frétille des sourcils dans l’unique but de me foutre de lui. Il me frappe au bras et continue son histoire :

-          Te moque pas ! Mais… pourquoi tu ne m’as pas dit qu’elle était si…

Il avance son visage vers moi et écarquille les yeux. Essayant de comprendre ce que ça peut bien signifier, je penche la tête sur le côté. Peut-être que sous d’un autre angle… Voyant que ça n’aide pas, je demande :

-          Euh, je ne suis pas sûre de savoir ce que tu entends par ça !

-          Tu vas me faire croire que le fait que ta collègue soit sympa, brillante ET ultra canon t’a échappé ?

-          Non, mais ça je te l’ai dit !

Nico me regarde comme si j’avais perdu l’esprit :

-          Ce que tu m’as tout juste mimé c’était un euphémisme ! Erin c’est LA femme, elle a tout pour elle !

Un peu mal à l’aise et pour tout dire, habituée à l'entendre tenir ce genre de discours, j’acquiesce tant bien que mal, espérant qu’il ait raison cette fois. Et puis oui j’ai vu qu’elle est belle au point de faire passer n’importe qui à côté pour du papier peint, mais ça fait pas de moi une spécialiste en goûts de mecs :

-          Euh ouais, j’imagine que c’est le cas ! J’ai envie que ça marche pour toi, mais s’il te plaît, essaie de pas t’emballer trop vite, je voudrais pas te voir souffrir à nouveau.

N’ayant visiblement pas tenu compte de ma réponse, il trottine en direction du salon, me laissant plantée là en déclarant :

-          T’inquiète pas ma petite rabat-joie ! Faut absolument que j’aille annoncer la nouvelle à Juju.

Une fois seule dans la pièce, je me surprends à avoir un sourire mitigé. Je me sens comme une mère dont le fils s’emballe pour sa première petite copine. D'un côté, on est heureuse pour lui, de l’autre on le voit grandir et s’échapper du bercail.

Oui bon, je sais que Nico n’est pas mon enfant, mais c’est ce que je ressens je n’y peux rien ! Ce n’est pas rare de le voir s’enthousiasmer pour une femme, mais d’ordinaire il évite comme la peste celles du boulot.

Il ne reste plus qu’à espérer que les choses se déroulent pour le mieux.

 

* * * * *

[Une semaine plus tard]

 

Je lève le nez de ma pile de fiches en entendant quelqu’un entrer en trombe dans le bureau. Un coup d’œil plus tard, je lance un :

-          Salut !

-          Coucou ! Juste une question, tu peux t’éclipser un moment ?

-          Euh… Ouais pourquoi ?

Elle me décroche un superbe sourire avant de se ruer dans ma direction. Elle vient se placer derrière moi et saisit ma tête pour me tourner le visage en direction de la fenêtre.

-          Tu vois ça ?

Perplexe, je réponds d’un ton qui trahit mon incertitude :

-          La cour ?

-          Non, regarde plus haut.

-          Le ciel ?

-          Exact !

Elle me relâche et fait le tour du bureau. Puis, pose ses mains de part et d’autre du meuble, à la manière d’un inspecteur qui s’apprête à conduire un interrogatoire.

-          Et ? Tu en déduis quoi ?

Je fixe le ciel pendant 15 bonnes secondes, ne trouvant absolument rien à répondre, avant de tenter un :

-          Qu’il n’y a pas de nuages ?

-          C’est ça ! Il fait super beau ma vieille ! Alors, je me suis dit qu’avec l’été indien auquel on a droit, toi et moi on pourrait en profiter pour aller un peu sur l’eau. Une balade, ça te tente ?

Erin termine sa phrase dans un sourcil levé accompagné d’un petit sourire en coin.

Rien qu’à la manière dont mon visage s’illumine à cette idée, je crois qu’elle connaît ma réponse. Elle attend néanmoins que je réplique :

-          Laisse-moi juste le temps de prendre mes affaires !

-          J’avais espéré que tu dises ça !

Elle va s’asseoir dans son siège et me regarde ranger mon fourbi à la hâte avec un amusement non dissimulé.

Au bout d’un délai bien trop court pour quelqu’un qui aurait mis de l’ordre avec soin, j’annonce fièrement être prête.

Elle me fait un sourire radieux et prend ma main. On sort du bureau et j’ai à peine le temps de fermer celui-ci à clef qu’elle m’entraine au pas de course vers les abords du lac.

Pour l’occasion, elle a attaché ses longs cheveux bruns en une queue de cheval un peu lâche.

Après même pas dix minutes de marche, nous nous approchons de la cabine de location que j’ai toujours observée de loin. La bâtisse est séparée en deux, un coin pour acheter de quoi grignoter et à boire suite à l’effort et l’autre réservé à la réservation des jet-skis.

-          Tu as déjà mangé ? me demande-t-elle avec un signe de la tête en direction du troquet.

-          Oui, puis de toute manière il ne vaut mieux pas risquer l’hydrocution. Toi ?

-          Ouais ! Et tu n’as pas confiance en mes talents de pilote ? Je ne compte pas te jeter à l’eau tu sais… Quoique maintenant que tu le dis, je devrais pouvoir négocier avec certains élèves…

Elle fait semblant (du moins j’espère) de considérer l’idée jusqu'à ce que je lui lance un regard noir :

-          Je t’entrainerais dans ma chute, n’en doute pas une seconde.

-          Loin de moi cette idée !

Nous nous approchons de l’homme qui tient la boutique. Environ la cinquantaine, il est plutôt bedonnant et son surpoids lui donne un air jovial.

-          Bonjour mesdames ! Que puis-je faire pour vous ?

-          Nous aimerions louer un jet-ski et deux gilets de sauvetage.

-          Pas de problème !

Après une courte concertation, nous décidons de l’utiliser pendant une petite heure. Vu que la période estivale est terminée et que le travail et les cours ont repris, il n’y a pas d’autre client et nous pourrons certainement garder la machine un peu plus longtemps si jamais l’envie nous prenait.

Le loueur est déçu en apprenant qu’aucune de nous ne se serrerait contre lui étant donné qu’Erin a son permis. Au moins avec elle je suis certaine de réussir à faire le tour du pilote avec mes bras !

C’est seulement arrivée au niveau des cabines d’essayage que je réalise un léger souci. Je suis en jupe moulante en polyester accompagnée par des collants opaques et un petit haut, pas vraiment l’ensemble adéquat pour faire du sport.

J’enroule ma main autour de l’avant-bras d’Erin, stoppant sa progression.

-          Y a un problème ?

-          Quoi ?

-          Regarde comment je suis habillée…

Son regard me parcourt de haut en bas et je regrette soudainement d’avoir parlé. Je suis gênée, sachant très bien qu’elle inspecte ma tenue, mais ayant l’impression d’être « mise à nue » quand même.

Soudain, elle se met à sourire et me lance :

-          Ah je vois, madame a peur que sa jupe ne remonte, dévoilant ses dessous au monde entier !

Immédiatement, je sens une chaleur envahir mon visage. Je n’ai pas besoin d’un miroir pour être certaine que je rougis. Je la déteste, elle l’a fait exprès.

J’ai la confirmation en apercevant son air triomphal. Je fais semblant d’être exaspérée et demande :

-          Ça t’amuse ?

-          Oui, beaucoup !

Ses yeux noirs pétillent d’un plaisir non dissimulé et je me surprends à sourire à mon tour. Retrouvant son sérieux, elle m’annonce :

-          T’inquiète pas, j’ai pensé à tout. J’ai pris un short pour toi !

-          Trop aimable. Et si jamais je ne suis pas correctement épilée ?

J’ai beau avoir une jupe, elle m’arrive au-dessus du genou, alors même si ça n’est pas le cas, ça aurait pu être un vrai problème !

Elle marque une pause, ne s’attendant visiblement pas à ma réponse :

-          Ben euh… Je ne t’imaginais pas comme ça. T’auras qu’à te balader fourrure au vent ça tiendra chaud !

Rien que pour le commentaire sur ma pseudo fourrure, je décide d’en remettre une couche, je vais bien finir par l’avoir, non mais !

-          Ah parce que tu m’imagines ?

Et BIM !

Je suis immédiatement récompensée par le plus beau phare auquel il m’ait été donné d’assister. Forcément, je suis obligée d’éclater de rire, n’entendant qu’à moitié sa tentative de justification.

-          C’est pas ce que je voulais dire, enfin si, mais pas dans ce sens-là…

Elle marque une pause, avant de reprendre, me lançant un regard noir.

-          Très drôle, vraiment !

Je hoche la tête, ne faisant pas confiance à ma voix. À tous les coups, j’aurais ri.

Elle recherche quelques secondes dans son sac à dos et me tend un short noir de taille plutôt minimaliste. Je lève un sourcil en constatant la superficie de tissu du vêtement, mais me retiens de commenter. C’est déjà bien gentil à elle d’avoir pensé à me prendre quelque chose.

Je n’ai pas dû être aussi discrète que je l’aurais cru puisqu’elle ajoute :

-          Fanny, si tu t’inquiètes à l’idée qu’un étudiant puisse te voir en short, même à distance, tu n’as pas à t’en faire.

-          Pourquoi ça ? Tu disposes d’un filtre d’invisibilité dont j’ignore tout ?

Elle rit à ma blague pourtant pourrie et rétorque :

-          Non, mais je possède une arme tout aussi efficace.

Du bout de son doigt, elle balance un bikini rouge miniature.

-          C’est ÇA ta tenue ?

Je n’essaie pas d'empêcher mes yeux de s’écarquiller. Elle compte vraiment porter ÇA, si près de son lieu de travail ?

-          Exact ! Il fait chaud et j’aurai le gilet de sauvetage quoi qu’il arrive. 

-          Tu veux que les étudiants fassent la queue au bureau tous les jours dans le secret espoir de te voir avec presque rien sur le dos ? Non parce que si ça se produit je te préviens que l’entrée sera payante ! Et pas question qu’on partage les profits !

Ses lèvres s’étirent en un sourire coquin et elle me fait un clin d’œil avant d’annoncer :

-          Fallait me le dire si tu voulais des shows privés.

Je la déteste.

 À son air satisfait, je sais qu’elle l’a fait exprès.

-          Allez, file te changer, j’ai hâte de commencer !

Elle me fourre le short dans les bras et me pousse en direction de la cabine la plus proche.

J’y entre et me débarrasse rapidement de mes habits, troquant volontiers jupe et collants pour un short, si petit soit-il.

Je ressors après quelques instants pour constater qu’elle a été encore plus rapide que moi. Je la soupçonne de porter des vêtements à scratch.

Mes yeux parcourent sa silhouette. Ouep… Pas de doute, elle a de quoi faire du striptease !

Elle doit faire quoi ? Un bon C, au moins. Cette femme a un corps parfait. Je me demande combien Nico serait prêt à payer pour être à ma place en cet instant…

C’est à cet exact moment, celui où je louche ouvertement sur son décolleté avec un sourire en coin en pensant à mon meilleur ami que j’entends un raclement de gorge.

Immédiatement, mes yeux se relèvent et vont se poser sur ses cheveux.

Oui, je compense un peu trop peut-être, mais je ne voudrais pas qu’elle se fasse de fausses idées, surtout si je dois passer la prochaine heure plus collée à elle qu’un papillon de nuit dégueu à la lumière.

Minute, l’analogie ne me plait pas. Pourquoi je me suis donné le rôle ingrat ?

Bref, vous avez saisi.

J’ignore son petit sourire et dis d’un ton innocent :

-          J’aime beaucoup la couleur, ça te va bien.

Ce qui, en soi, n’est pas un mensonge. Loin de là.

Nous nous approchons de la berge, où le loueur a déjà préparé un jet-ski pour nous. Je le vois reluquer ouvertement Erin, que ça n'a pas l'air de déranger. Elle enjambe la machine puis se retourne vers moi, tout sourire, avant de tapoter le siège de sa main.

L’homme me regarde ensuite et je dois me retenir de lui tirer la langue en m’installant derrière elle.

Un doux parfum de shampoing aux fruits me parvient lorsque sa queue de cheval effleure mon visage. Elle se tourne légèrement vers moi et me tend le gilet de sauvetage.

À la manière qu’elle a d’enfiler le sien, je vois qu’elle est visiblement habituée. Mes dons d’imitatrice s’arrêtent là étant donné que je ne suis pas fichue de m’harnacher.

Après quelques secondes d’impatience, elle se retourne pour me faire face sur le siège.

Je lui offre un sourire timide, me sentant mal à l’aise et incapable.

Compréhensive, elle me dit :

-          Je suis passée par là moi aussi. Regarde.

Elle pose sa main sur la mienne et l’écarte des attaches pour la mettre sur son épaule. Elle s’attelle à serrer les différentes boucles. Ayant terminé, elle demande :

-          Ça va comme ça ?

Je détache un instant mes yeux de la tâche pour venir rencontrer son regard. D’un mouvement de la tête, j’acquiesce. Je n’ose pas me reculer, mais je suis tout sauf à l’aise dans cette situation.

-          Nickel alors, t’es parée !

Elle me sourit et à cette distance, je remarque que ses yeux, quasiment noirs à l’extérieur de la pupille, sont d’un marron noisette au centre. C’est super joli et ça donne une intensité que j’ai rarement vue dans un regard. Malgré moi, je fais une fixation là-dessus qu’elle brise en me faisant un clin d’œil complice, avant de se retourner pour s’installer convenablement sur l’engin.

Du coin de l’œil, je constate un regain d’intérêt de notre « ami » pour nous. J’en connais un qui se fait déjà des films et risque de bien dormir ce soir, du moins faire de beaux rêves. Les mecs parfois, je vous jure…

 

Hésitante, je pose mes mains sur ses hanches, que le gilet de sauvetage ne couvre pas tout à fait. J’essaie de garder mes distances, après tout, même si je l’apprécie, je ne l’ai rencontrée qu’il y a peu.

Erin ne semble pas de cet avis et après un petit « tssss », elle enroule mes bras fermement autour de sa taille. Elle tourne légèrement la tête pour me dire par-dessus son épaule.

-          Si tu ne te tiens pas, je ne te donne pas une minute avant de faire trempette ! Ramène également tes fesses avant que je ne le fasse pour toi.

Je déglutis et obéis. Après tout, c’est elle la spécialiste.

Elle démarre et immédiatement j’oublie mes préoccupations. C’est fun !

Elle alterne entre moments à faible allure et pointes d’accélérations. La sensation est étrange, donnant parfois l’impression d’être en apesanteur, puis tout à coup on s’écrase sur l’eau du lac pourtant calme. Je n’imagine même pas le ressenti en mer ou sur l’océan.

Après avoir fait un petit tour, elle s’arrête, nous laissant dériver et me demande par-dessus son épaule :

-          Ça va ? Ça te plaît ? 

-          C’est une vraie question ? J’adore !

A ses joues, je devine qu’elle sourit. Elle défait mes doigts entrelacés autour de sa taille et avance un peu sur le siège, pour finalement se lever.

Je détourne le regard en rougissant lorsque je réalise que je lorgne ses fesses sans le vouloir.

Quoi ??? C’était au niveau de mes yeux j’y suis pour rien !

Et puis il faut que je puisse donner quelques détails croustillants à Nico ! Et d’après ce que j’ai pu observer, ce n’est pas sa tenue de travail qui la met en valeur et la rend bien foutue. Ma compatriote mangeuse de chocolat a un corps de rêve !

Les dames le savent, l’épreuve bikini ne ment pas.

 

Perdue dans mes pensées, je manque de finir à l’eau lorsqu’elle remue le jet-ski en essayant de passer derrière moi. Je ne vois vraiment pas l’intérêt.

Intriguée, je tourne la tête juste assez pour l’avoir dans mon champ de vision, à présent qu’elle se trouve dans mon dos.

-          Tu fais quoi au juste ?

-          Je te donne un petit cours illégal de pilotage.

Ça a le mérite de me faire me retourner complètement. Moi qui pensais que seuls les hiboux pouvaient tourner leur tête de manière impressionnante, je viens de repousser les limites de l’humanité !

Mes yeux s’écarquillent de leur propre volition et mon ton laisse transparaître mon excitation à cette idée :

-          Tu déconnes ?

-          Han han !

Un gigantesque sourire envahit mon visage.

Je vais apprendre à piloter !

Je vais apprendre à piloter etttt ouaiiis !

Elle jette un œil vers le ciel face à mes mimiques et fait un petit signe de la main.

-          Avance, à moins que tu ne veuilles faire ça allongée ? En plus, j’ai déjà chauffé la place.

Je m’exécute rapidement, on ne sait jamais, des fois qu’elle change d’avis. Maintenant je comprends pourquoi elle nous a emmenées dans l’endroit le plus reculé du lac. On est à l’abri des regards indiscrets !

Je pose délicatement mes mains sur le guidon, n’osant pas trop de peur de faire démarrer l’engin.

-          Désolée, mais je vais devoir te coller un peu pour t’expliquer.

-          Pas de problème.

À vrai dire, je préfère apprendre un maximum avec elle pour avoir le moins de temps à passer dans cette position avec un examinateur si jamais je devais obtenir le permis par la suite. A l’auto-école, le moniteur me draguait depuis le siège à côté, je n’imagine pas la même chose avec lui pressé dans mon dos.  Brrr.

D’un ton sérieux, elle m’annonce comme par obligation :

-          Par contre, faut que ça reste entre nous sinon je risque d’avoir des soucis. Je te fais confiance.

-          Tu peux !

Je m’avance au maximum pour lui permettre d’atteindre le guidon. Elle place ses mains à côté des miennes et commence à m’expliquer :

-          Tu vas voir, c’est pas bien compliqué. Alors ça, c’est pour démarrer. Là, c’est l’accélérateur. Fais gaffe, c’est plutôt sensible, faut y aller mollo...

Elle continue ses explications, tandis que je suis distraite par le fait que son souffle chatouille le côté de ma gorge. Et il n’y a pas que ça qui m’empêche de me concentrer ! Je n’arrive pas à croire que je vais bientôt pouvoir tester ce bébé presque par moi-même. 

7 octobre 2012

Disclaimers

IMAGE PAS TOUCHEE

 

Alors voilà ! On prend grosso modo les mêmes ingrédients et on recommence !

Je préfère prévenir tout de suite, c’est sûrement moins « drôle » que les autres récits de moi que vous avez pu lire. Peut-être un peu plus réaliste aussi. Pour une obscure raison ce récit me tient à cœur, mais je ne saurai pas expliquer pourquoi Oô.

N’hésitez pas à me dire ce que VOUS vous en pensez !

Sexe : Il est une nouvelle fois question d’une relation charnelle entre deux femmes (je persiste et je signe !) donc les plus jeunes… Passez votre chemin, ne lisez pas (ou alors soyez prévenu(e)s, ce n’est pas moi qui vais payer la thérapie !)

Résumé (c’est là qu’on rigole) : Fanny Klein est une jeune femme tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Prof de fac depuis deux ans et fiancée à son copain Julien, elle mène une routine tranquille... jusqu'au jour où une nouvelle collègue fait son apparition et partage son bureau. Elle s'appelle Erin et elle va troubler le quotidien sans remous de notre héroïne.

Merci à Kathia et ma chère Kyky qui ont eu l’obligeance de me supporter alors que je savais pas où j’allais et que je leur demandais constamment leur avis :3 En plus j’ai pu leur extirper le résumé de l’histoire ! Sans elles, qui sait si aujourd’hui il y aurait quelque chose à lire ^.^

Puis merci à Gaby pour sa tardive mais non négligeable « contribution créative » :-p –désolée, elle ne mourra pas écrasée sous un gros camion comme tu voulais-

 

Rappel : Article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle : “L'auteur d'une œuvre jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.  [..] L'œuvre est protégée du fait même de son existence."

Nb : La photo d’illustration n’est pas de moi (dommage d’ailleurs)… je l’ai retrouvée je ne sais plus où sur tumblr. 

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